Première séance du lundi 29 janvier 2024
- Présidence de Mme Hélène Laporte
- 1. Marché locatif en zone tendue
- Discussion des articles (suite)
- Article 2 (suite)
- Après l’article 2
- Amendement no 52
- Article 3
- M. Antoine Armand
- Mme Florence Goulet
- M. Jean-Pierre Vigier
- Mme Marina Ferrari
- M. Julien Bayou
- M. François Piquemal
- M. Inaki Echaniz, rapporteur
- Amendements nos 5, 58 et 80
- M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
- Amendements nos 53 et 115
- Sous-amendement no 137
- Suspension et reprise de la séance
- Article 4
- Article 5
- Amendement no 71
- Après l’article 5
- Titre
- Amendement no 6
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- Discussion des articles (suite)
- 2. Reconnaissance des métiers de la médiation sociale
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- Mme Anne Brugnera
- M. Frantz Gumbs
- M. Maxime Minot
- M. Yannick Monnet
- Amendements nos 40, 34, 36, 35, 68, 15, 21, 48, 41, 69, 63, 3, 67, 45, 62, 37, 70 et 51
- Sous-amendement no 88
- Amendement no 42
- Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, présidente de la commission des affaires sociales
- Article 1er
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mme la présidente
En l’absence de Mme la ministre, je suis contrainte de suspendre la séance.
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
1. Marché locatif en zone tendue
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue (nos 1176, 1928).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Le mercredi 6 décembre 2023, l’Assemblée a commencé la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 69 à l’article 2.
Article 2 (suite)
Mme la présidente
La parole est à Mme Annaïg Le Meur, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement no 69.
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure de la commission des affaires économiques
Permettez-moi de rappeler en quelques mots où s’était arrêtée la discussion que nous avons entamée il y a un mois et demi. Nous avons adopté l’article 1er A de la proposition de loi, qui subordonne toute location d’un meublé de tourisme à une déclaration préalable soumise à un enregistrement auprès d’un téléservice national, avec numéro d’enregistrement. Nous avons également adopté l’article 1er, en le modifiant à peine : il associe une obligation de réaliser un diagnostic de performance énergétique (DPE) au régime de l’autorisation de mise en location temporaire d’un meublé de tourisme, lorsque celui-ci est défini par la commune. Quant à l’article 1er bis, que nous avons adopté dans la rédaction issue de la commission, il permet à la commune d’abaisser de cent vingt à quatre-vingt-dix le nombre maximal de jours de location, et autorise la commune à prendre des sanctions administratives en cas de fausse déclaration.
Nous avons ensuite débuté l’examen de l’article 2, dans lequel nous avons préservé et enrichi les avancées de la commission. Grâce aux amendements de nos collègues Marina Ferrari et Xavier Roseren, nous avons ainsi élargi la servitude de résidence principale que peuvent instaurer les communes dont le taux de résidences secondaires dépasse 20 % en zone tendue. Les autres dispositifs de la boîte à outils ont été conservés et renforcés : simplification et sécurisation du régime de changement d’usage, extension aux personnes morales du régime de changement d’usage temporaire, possibilité d’instaurer un quota de changements d’usage, vérification de la conformité d’un changement d’usage à l’éventuel bail et au règlement de copropriété, sanction des intermédiaires qui contribuent aux infractions.
Nous abordons à présent la servitude de résidence principale. L’amendement qui vous est soumis précise la durée de la mise en demeure lorsque la destination prévue au plan local d’urbanisme (PLU) n’est pas respectée.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement
Je tiens tout d’abord à vous présenter mes excuses pour mon retard. Quant à cet amendement qui apporte une précision juridique, le Gouvernement y est favorable.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
(L’amendement no 69 est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’article 2, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 70 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 70, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir les amendements nos 125 et 117, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Jean-Félix Acquaviva
Ces amendements rédactionnels font suite à l’adoption par la commission des affaires économiques de la disposition suivante : « Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un plan local d’urbanisme et dont le taux de résidences secondaires par rapport au parc total d’immeubles à usage d’habitation est supérieur à 20 %, le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (Padduc) peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des espaces d’équilibre dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale […]. »
Afin de mieux respecter l’esprit du code général des collectivités territoriales (CGCT) concernant le Padduc – dont la portée est renforcée par rapport au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) dans le cas de la Corse –, l’amendement no 117 vise à remplacer le verbe « délimiter » par le verbe « définir ». Le Padduc pourrait ainsi définir des secteurs où seules des résidences principales peuvent être construites, charge au PLU de réglementer en la matière.
En conséquence, l’amendement no 125 vise à supprimer la mention initiale – « dans les communes qui ne sont pas couvertes par un plan local d’urbanisme et dont le taux de résidences secondaires par rapport au parc total d’immeubles à usage d’habitation est supérieur à 20 % » –, qui n’a plus lieu d’être dès lors que le Padduc est doté d’une habilitation similaire à celle qu’il détient s’agissant des espaces stratégiques agricoles.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
Il ne s’agit pas d’amendements rédactionnels, monsieur le député, et la commission y est défavorable. En revanche, nous serons favorables à votre amendement no 129.
Comme je l’ai déjà expliqué, nous ne pouvons pas supprimer la condition selon laquelle le taux de résidences secondaires doit être supérieur à 20 % : elle est nécessaire pour préserver la proportionnalité du dispositif. Notez qu’en Corse, 341 communes sur 360 remplissent cette condition.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée
Vos amendements visent à élargir à l’ensemble des communes – y compris à celles qui sont couvertes par un PLU – la possibilité de délimiter des secteurs à usage exclusif de résidence principale dans le Padduc. Cette modification importante reviendrait à créer un dispositif concurrent du PLU pour ces communes, puisqu’elles pourraient être identifiées dans le Padduc alors même qu’elles disposent déjà de la compétence correspondante dans le PLU. Cette concurrence entre la compétence de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou de la commune porteuse du PLU et le Padduc ne pourrait être que source de confusion.
Par ailleurs, la maille régionale du Padduc n’est pas suffisamment fine pour déterminer des zonages pertinents ; ceux-ci ne peuvent être identifiés que localement, à un niveau infracommunal, et non à celui de la collectivité de Corse. Il nous semble donc plus pertinent de maintenir le dispositif prévu par la commission. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.
M. Jean-Félix Acquaviva
Je regrette cette position qui, contrairement aux apparences, n’est pas de nature juridique mais bien politique. Je préférerais que vous assumiez ce choix politique – d’autant que, sur le plan juridique, votre argument ne tient pas. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 25 novembre 2016 relative à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par une commune du sud de la Corse, qui contestait l’existence du Padduc relativement à son PLU. Je vous renvoie également à l’article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, qui permet au Padduc de délimiter des espaces répondant à des enjeux particuliers, sur la base de critères précis. C’est ainsi qu’ont été définis les espaces stratégiques agricoles, qui ont fait l’objet de contentieux dans lesquels la collectivité a obtenu gain de cause. Les PLU doivent être compatibles avec ces espaces.
Comme l’a souligné Mme la rapporteure, très peu de communes corses sont dotées d’un PLU – il s’agit là d’un retard historique. Cela étant, des communes sous règlement national d’urbanisme (RNU) ont vu leur taux de permis de construire de résidences secondaires exploser. Ainsi, trente-cinq communes du littoral corse soumises au RNU concentrent 80 % des transactions immobilières, et 83 % des résidences secondaires sont mises en location sur Airbnb. Vos explications semblent ignorer cette réalité – sans compter qu’elles sont incompatibles, juridiquement, avec ce qu’est le Padduc. Vous défendez un choix politique ; de grâce, ne le présentez pas comme un argument juridique.
(Les amendements nos 125 et 117, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
L’amendement no 129 de M. Jean-Félix Acquaviva est défendu.
La parole est à M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.
M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission des affaires économiques
L’avis de la commission est favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
(L’amendement no 129 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 2, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l’adoption 62
Contre 5
(L’article 2, amendé, est adopté.)
Après l’article 2
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour soutenir l’amendement no 52, portant article additionnel après l’article 2.
M. Frédéric Maillot
J’illustrerai cet amendement de M. Jumel en évoquant la crise du logement qui sévit à La Réunion. Le message suivant, qui m’a été adressé par une jeune femme sur les réseaux sociaux, en témoigne : « Je suis en recherche de logement depuis un an. Ma propriétaire récupère son bien pour y faire des travaux puis, finalement, le mettre en saisonnier. Dans un mois, je n’ai plus de foyer pour mes enfants. En ce qui concerne les prix des loyers, je n’arrive pas à comprendre ce passage du simple au double : est-ce légal ? Y a-t-il un moyen d’instaurer un plafond ? Actuellement, je vis dans un F3 aux Avirons – je paie 600 euros – depuis neuf ans, où le prix est très bas. Aujourd’hui, pour un logement équivalent, on me demande entre 1 200 et 1 800 euros. » Telle est la réalité que décrit cette mère célibataire.
Ce n’est pas un témoignage isolé : à La Réunion, des milliers de femmes qui vivent seules doivent assumer de telles charges. Dans l’Hexagone, une maison de 92 mètres carrés se loue en moyenne 754 euros par mois. À La Réunion, ce niveau de loyer n’est pratiqué qu’à Salazie ou à Cilaos, dans les cirques, très loin de la côte, tandis que dans les bassins de vie les plus actifs, les prix atteignent 1 251 euros à Saint-Denis et même 1 297 euros à Saint-Paul. Il faut agir pour mettre fin à une situation où les loyers vont du simple au double. Il y va de la solidarité nationale. Dès lors que tout le monde veut mettre son bien en location sur Airbnb, le logement social ne peut absorber la totalité des demandes. Nous devons légiférer pour répondre à la crise du logement qui sévit à La Réunion.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
Nous partageons votre préoccupation face à la prolifération des résidences secondaires dans certaines zones du territoire, notamment à La Réunion – je m’y suis rendue avec M. le président de la commission des affaires économiques pour mesurer l’ampleur des difficultés liées au logement. De notre point de vue, toutefois, l’excès de résidences secondaires dans le parc sera mieux traité par le dispositif de servitude sur les constructions nouvelles prévu dans la proposition de loi : il est plus solide, et moins susceptible de causer des situations d’iniquité. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Je partage votre constat, monsieur le député, quant au problème des congés pour vente ou pour reprise qui donnent lieu à une modification de la destination des locaux et à une location en tant que meublé de tourisme. Nous avons d’ailleurs travaillé sur un renforcement des contrôles des congés pour vente, afin de s’assurer que le bien conserve la destination de résidence principale, ainsi que des congés pour reprise, afin de s’assurer que le propriétaire occupe effectivement les lieux. Nous devrons poursuivre ces travaux dans les prochains mois, pour faire en sorte que les règles soient respectées : les habitations ayant fait l’objet d’un congé pour vente ne doivent pas se retrouver sur Airbnb ; cela contrevient à la loi. Nous pourrons œuvrer de concert, peut-être dans le cadre d’une prochaine semaine transpartisane, pour renforcer la réglementation en ce sens.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée
Après les précisions apportées par les rapporteurs, je rappelle que l’objet de la proposition de loi est de réguler la location des meublés de tourisme et non d’interdire les résidences secondaires. Le texte prévoit néanmoins des dispositifs pour permettre aux territoires de veiller à la préservation des résidences principales et au maintien d’habitants permanents. La mesure proposée porterait une atteinte excessive au droit de propriété et à la liberté d’usage d’un bien. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophia Chikirou.
Mme Sophia Chikirou
Le groupe La France insoumise soutient l’amendement no 52. Nous sommes en effet conscients de l’ampleur des dégâts causés par ce phénomène, contre lequel il n’est pas possible de lutter avec des mesurettes.
Dans notre pays, les résidences secondaires représentent 10 % des habitations, soit 3,7 millions de logements – à titre de comparaison, au Royaume-Uni, 810 000 logements sont concernés. Le nombre de résidences secondaires progresse si rapidement dans certains territoires que le logement social ne pourra en aucun cas absorber la demande des travailleurs et des familles qui y vivent. Or ces territoires sont très nombreux et différents. La Haute-Savoie, le département d’où je viens, est frappée de plein fouet par la multiplication des résidences secondaires. « L’excès de résidences secondaires peut changer le visage d’un territoire, déséquilibrer son fonctionnement quotidien et modifier l’offre commerciale. » Cette phrase est de l’ancien ministre délégué chargé du logement.
La France insoumise a déposé une proposition de loi visant à lutter contre la spéculation immobilière liée aux investissements directs étrangers (IDE). Rendez-vous compte, chers collègues : dans notre pays, 20 % des IDE concernent l’immobilier ! Ils contribuent largement à la spéculation immobilière et favorisent l’exclusion des résidents français ou permanents du logement. Le présent amendement constitue un bon compromis puisqu’il permettrait de renforcer le pouvoir des collectivités territoriales face à ce phénomène, dont nous devons éviter qu’il s’amplifie.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Madame la rapporteure, vous affirmez que la prolifération de résidences secondaires sera limitée par le dispositif de servitude sur les constructions nouvelles, mais il n’y aura pas de constructions nouvelles ! Elles sont peu nombreuses à La Réunion, où les constructions concernent essentiellement des logements sociaux – encore faut-il que la ligne budgétaire unique (LBU) soit consommée et que du foncier soit disponible. Avec cette logique, vous nous plongez sciemment dans l’erreur. Commençons par agir sur l’existant, dans les zones où la tension est la plus forte.
À La Réunion, les logements disponibles sont situés dans les hauteurs et à proximité des cirques, à deux ou trois heures de route de la côte, mais dix-neuf communes sur vingt-quatre sont côtières. Ce sont elles qui doivent nous mobiliser si nous voulons lutter contre la spéculation dans le secteur du logement privé et faire prévaloir la solidarité nationale en matière de logement. Pour ceux qui ne sont pas éligibles au logement social, la solidarité nationale doit s’appliquer. On ne peut pas spéculer sur le dos de nos frères et de nos sœurs, qui pourraient demain se retrouver à la rue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
Outre la servitude de résidences principales, la proposition de loi prévoit la possibilité pour les maires de fixer des quotas, ce qui permettra d’encadrer l’expansion des résidences secondaires à vocation locative de courte durée. Je souhaite cependant que nous puissions trouver ensemble d’autres solutions.
(L’amendement no 52 n’est pas adopté.)
Article 3
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Armand.
M. Antoine Armand
Nous poursuivons aujourd’hui l’examen d’un texte important pour soutenir les communes qui se battent pour protéger l’habitat permanent.
L’article 3 est au cœur d’un débat auquel va également contribuer la mission sur la réforme de la fiscalité locative confiée par le Gouvernement à nos collègues Marina Ferrari et Annaïg Le Meur. Ses dispositions font l’objet d’une polémique, mais elles posent une question fondamentale. Dans un contexte de crise du logement, pourquoi les pouvoirs publics inciteraient-ils davantage les propriétaires à proposer leur bien en location saisonnière de courte durée – parfois un jour seulement, 365 fois par an – plutôt qu’en location permanente ? (M. Julien Bayou applaudit.) Alors que nous avons besoin de logements permanents pour les infirmiers, les soignants, les professeurs et l’ensemble des agents qui font tourner le pays, qu’ils soient du secteur public ou du secteur privé, comment peut-on accepter que l’État encourage les individus à louer des meublés de tourisme pendant deux jours, autant de fois qu’ils le souhaitant, plutôt qu’à les louer de façon permanente ?
C’est ce principe général dont nous allons maintenant débattre, un principe qui souffre des exceptions – nous allons les examiner dans le détail – et qui mérite sans doute des ajustements, auxquels réfléchira justement la mission confiée à nos collègues. Il est néanmoins fondamental et nous devons le regarder en face, loin des polémiques. Le groupe Renaissance soutiendra l’article 3. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Julien Bayou applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Florence Goulet.
Mme Florence Goulet
L’article 3 a pour principal objet de créer encore plus d’impôts (« Oh ! » sur les bancs du groupe RE)…
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Ça recommence !
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Le but est de mettre tout le monde à égalité !
Mme Florence Goulet
…en augmentant l’imposition des revenus fonciers tirés des meublés de tourisme, qui bénéficient actuellement d’un abattement fiscal de 71 %. Remarquons que les stations de sports d’hiver sont mieux loties, par l’effet d’une mansuétude sans doute liée aux Jeux olympiques (JO).
S’il est légitime de chercher à préserver une vie économique locale pérenne en dehors du tourisme et de permettre aux Français de se loger là où ils travaillent, le groupe Rassemblement national regrette une fois de plus que l’on en passe par la contrainte et la punition des propriétaires. Nous pensons que c’est justement l’accumulation des interdictions en tous genres – notamment celle de louer son bien, à moins d’y entreprendre de coûteux travaux dits de performance énergétique – qui a découragé de nombreux propriétaires de louer à l’année. Nous pensons aussi que ce sont les multiples obligations, dépenses et responsabilités laissées à la charge des bailleurs, en premier lieu la lourde taxation des loyers, qui ont peu à peu fermé les perspectives de l’investissement locatif d’habitation.
Au lieu d’écraser la niche fiscale dont bénéficie la location de tourisme, peut-être serait-il judicieux de desserrer l’étau qui enserre la location de longue durée pour la rendre plus attractive. Le groupe Rassemblement national votera donc contre l’article 3. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.
M. Jean-Pierre Vigier
L’article 3 soulève certaines difficultés.
M. Vincent Rolland
C’est clair !
M. Jean-Pierre Vigier
Tout d’abord, il propose des solutions fiscales différentes de celles adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2024.
M. Vincent Rolland
Eh oui !
M. Jean-Pierre Vigier
Ces mesures fiscales conduiraient à une incohérence législative et affecteraient la lisibilité de la loi, pour les particuliers comme pour les professionnels.
M. Vincent Rolland
Tout à fait juste !
M. Jean-Pierre Vigier
Le rapporteur général de la commission des finances a lui-même déposé un amendement de suppression de l’article 3, estimant, à juste titre, qu’il fallait attendre les conclusions de la mission sur la réforme de la fiscalité locative avant de prendre toute décision.
M. Maxime Minot
Eh oui !
M. Jean-Pierre Vigier
Par ailleurs, nous déplorons la proposition de baisser tant le taux d’abattement fiscal que le plafond de chiffre d’affaires applicable au revenu foncier des meublés classés. Avec une telle mesure, les propriétaires ne seraient plus incités à faire classer leurs meublés. Elle affecterait également les petits propriétaires qui ont calculé leur investissement en se fondant sur les niveaux actuels d’abattements.
M. Maxime Minot
Très bien !
M. Jean-Pierre Vigier
La disparition des meublés classés du parc de logements touristiques aurait un effet catastrophique sur les destinations touristiques. Je pense notamment aux territoires classés stations de tourisme, qui doivent justifier d’un niveau de classement d’au moins 70 % de son offre d’hébergement touristique pour prétendre à ce statut.
Enfin, l’article 3 se fonde sur un classement touristique qui n’existe plus depuis 2008. Il n’existe plus de liste des communes classées stations de sports d’hiver et d’alpinisme. Si une liste a été établie en 2021, il s’agissait alors d’identifier les communes de montagne dont les entreprises pouvaient bénéficier du fonds de solidarité institué dans le cadre de la crise du covid. Tenons-nous-en au classement actuel en communes touristiques et stations classées de tourisme !
Pour toutes ces raisons, je m’opposerai, en l’état – j’insiste sur ce point –, à l’article 3. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
La proposition de loi allait jusqu’à présent dans le bon sens – comme l’a dit Antoine Armand, il convient de rééquilibrer les choses. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, l’article 3 nous pose plusieurs problèmes.
Tout d’abord, les mesures fiscales envisagées, bien que très importantes, sont présentées en dehors de la loi de finances, ce qui soulève des interrogations. À ce stade, aucune étude n’a été menée sur les effets des abattements envisagés, sur leurs avantages et sur leurs inconvénients, ni aucune étude d’impact budgétaire, social et économique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Élisabeth Borne avait confié à Mme la rapporteure et à moi-même une mission sur la fiscalité locative – les auditions ont commencé et nous avançons.
Je suis par ailleurs convaincue que les mesures fiscales envisagées par la proposition de loi ne permettront pas de remettre un seul mètre carré sur le marché locatif de longue durée. Elles pourraient même encourager à nouveau le développement de l’économie souterraine dans certains territoires très touristiques.
M. Vincent Rolland
Je suis 100 % d’accord !
Mme Marina Ferrari
Voilà pourquoi je suis réticente aujourd’hui à l’égard de ces propositions, qui vont très loin et dont l’impact sur les territoires touristiques n’a pas été évalué.
Je précise que je ne suis nullement animée par un esprit d’obstruction – comme vous me l’avez reproché, monsieur le rapporteur. Depuis le début, nous vous accompagnons dans l’élaboration de la proposition de loi et nous continuerons de le faire.
M. Vincent Rolland
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Bayou.
M. Julien Bayou
Le groupe Écologiste milite pour la location de longue durée. Comme notre collègue Antoine Armand, nous pensons qu’il est incompréhensible que les pouvoirs publics facilitent à ce point une législation pousse-au-crime. Aujourd’hui, la location saisonnière est plus rentable et moins imposée. Quelle que soit leur sensibilité politique, tous les maires demandent un encadrement du marché locatif en zone tendue.
Quand le Rassemblement national vole au secours des multinationales et défend un abattement qui bénéficie aux plus gros – on parle d’abattement représentant 10 000 à 12 000 euros par mois ! –, il est clair qu’il ne soutient pas les petits, mais les puissants, à l’origine d’un tsunami de disparitions de logements pérennes. C’est en effet en partie à cause de cette fiscalité qu’il est si difficile de se loger en famille non seulement dans le 3e arrondissement de Paris, mais également à Saint-Nazaire, sur le littoral atlantique et dans de nombreuses communes de France. Que notre collègue du Rassemblement national veuille protéger le caractère hautement lucratif de la location saisonnière et l’avantage fiscal dont bénéficie la location de meublés de tourisme classés est donc pour le moins étonnant !
Au passage, la proposition de loi n’empêcherait pas ce type de location, mais réduirait son attrait de façon à avantager la location de longue durée. C’est ce que réclament la population et les élus locaux, notamment les maires, de toutes sensibilités politiques. Il est grand temps de prendre une telle mesure. Je ne comprends pas que le Gouvernement s’y oppose, d’autant qu’elle permettra de faire entrer un peu d’argent dans les caisses. Une disposition similaire, soutenue par le Sénat et à l’Assemblée, a d’ailleurs été adoptée en loi de finances, même si le Gouvernement, plaidant l’erreur matérielle, refuse d’appliquer la loi. Il est pourtant grand temps de supprimer la niche fiscale Airbnb !
Mme la présidente
La parole est à M. François Piquemal.
M. François Piquemal
L’article 3 vise à réduire les avantages fiscaux octroyés aux revenus issus de la location de meublés de tourisme. Sachant qu’un propriétaire qui loue des biens sur Airbnb et en tire 170 000 euros de bénéfices peut obtenir un abattement allant jusqu’à 71 %, de telles dispositions relèvent du bon sens.
Il est révélateur que les positions des uns et des autres n’aient pas changé depuis le début de l’examen de cette proposition de loi dans l’hémicycle en décembre. Le Gouvernement et le Rassemblement national freinent des quatre fers devant l’adoption de cette mesure.
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Le Gouvernement n’a pas encore donné son avis !
M. François Piquemal
Il est curieux d’observer à quel point le Rassemblement national, qui prétend être indépendant, est soumis à une entreprise californienne comme Airbnb.
Je me suis rendu dans une zone de non-droit de notre territoire, à Nice, où est élu Lionel Tivoli, un ami de M. Falcon. C’est une zone de non-droit car on n’y respecte pas la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, qui impose à certaines communes de disposer d’un nombre minimum de logements sociaux. Depuis des années, la ville de Nice est rappelée à l’ordre mais préfère payer des amendes au lieu de respecter la loi.
Le vieux Nice a ainsi été donné aux spéculateurs et multipropriétaires de logements loués sur Airbnb. Des locataires témoignent que, dans leur immeuble, certains propriétaires bailleurs achètent les logements, les mettent en location sur Airbnb et disent aux autres locataires mécontents qu’ils n’ont qu’à partir ; ensuite ces propriétaires rachèteront leurs appartements et les loueront aussi sur Airbnb. Ce sont donc les braves gens, les pauvres gens qui subissent le lobbying des multipropriétaires enrichis grâce aux locations sur Airbnb.
Une fois de plus, le Rassemblement national défend ceux qui s’enrichissent sur le dos des braves gens de nos villes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Julien Bayou applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Inaki Echaniz, rapporteur
L’interrogation suivante nous a guidés dans la rédaction de l’article 3 : qu’est-ce qui justifie qu’un propriétaire de meublé de tourisme classé bénéficie d’un abattement de 71 % jusqu’à 188 000 euros de chiffre d’affaires ? Une telle somme ne concerne pourtant pas les petits propriétaires ! Qu’est-ce qui justifie qu’un propriétaire de meublé simple bénéficie d’un abattement de 50 %, jusqu’à 77 000 euros ? Là encore, ceux qui font un tel chiffre d’affaires ne sont pas des petits propriétaires ; il ne s’agit pas d’un petit complément de revenu, mais d’un business.
Comment justifier de tels avantages, alors que les propriétaires qui louent, à l’année, leur bien à une famille – laquelle met ses enfants à l’école, fait vivre les services publics et de proximité et contribue ainsi à la vitalité de la commune –, ne bénéficient que de 30 % d’abattement ? Rien ne le justifie !
Si je mets une casquette de libéral – que je ne suis pas,…
Un député du groupe LFI-NUPES
Bravo !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
…vous vous en doutez –, face à ceux qui avancent l’argument selon lequel, si on supprime les abattements de 50 % ou de 71 %, les propriétaires cesseront de louer leurs biens en meublé ou en meublé touristique car cela ne sera pas rentable, je répondrai que cela signifie que, en soi, ce système de location n’est pas rentable.
Prenons l’exemple d’un propriétaire qui loue, pour 1 000 euros la semaine, un logement sur la côte atlantique, et observons la réalité des chiffres : il ne sera pas en difficulté parce qu’il paie un peu plus d’impôt, augmentant ainsi sa participation à l’effort national permettant de faire fonctionner nos services publics – car c’est bien à cela que sert l’impôt (M. Arthur Delaporte applaudit) –, et contribuant à faire tourner l’économie de la commune dans lequel il rentabilise son investissement.
Le dispositif fiscal actuel pose donc un vrai problème d’équité.
Quant au Rassemblement national (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN), il fait du DPE, contre lequel il a voté, un épouvantail. Du reste, sa seule proposition en matière de logement consiste à revenir sur le DPE. Chacun des rares textes sur le logement que nous examinons dans cet hémicycle suscite de sa part la même ritournelle.
À ma grande surprise, le groupe a même voté contre l’article 2 de la proposition de loi, alors qu’il se pose en défenseur des petites communes. Je ne reviendrai pas, car je l’ai déjà fait en décembre, sur les propos tenus dans le passé par certains de ses membres, quand ils invitaient le Gouvernement à agir contre la spéculation et contre Airbnb. L’article 2 vise justement à donner aux communes des outils pour ce faire. J’ai donc un peu de mal à suivre nos collègues.
Enfin, je rappellerai ce chiffre significatif : 50 % du parc locatif est détenu par 3,5 % des propriétaires. Le « petit propriétaire », que nos collègues du RN prétendent défendre, est donc bel et bien un mythe. (Mme Fatiha Keloua Hachi applaudit.)
M. Vigier nous demande d’attendre. Mais quand on me dit cela, je pense à l’infirmière de l’hôpital de Bayonne, à l’éboueur de l’agglomération du Pays basque qui dorment dans leurs voitures. Telle est la réalité !
M. Jean-Pierre Vigier
Expliquez-moi votre classement des communes touristiques !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Pendant que nous réfléchissons à la possibilité de réclamer un peu plus d’impôts à certains propriétaires, les vrais perdants sont ceux qui vivent dehors, ceux qui n’ont pas de toit du tout.
M. Jean-Pierre Vigier
D’où vient votre classement ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Il est vrai que les mesures proposées auront pour effet d’augmenter un peu la fiscalité pour certains propriétaires, mais elles permettront aussi à d’autres de retrouver un toit ; peut-être même que certains, grâce à elles, prendront conscience que le fonctionnement actuel tend à déséquilibrer les territoires.
Je ne vous ferai pas l’offense de vous rappeler le vote du groupe Les Républicains au Sénat, qui s’est montré encore plus dur que nous en matière de fiscalité…
Au sujet des stations classées de tourisme,…
M. Jean-Pierre Vigier
Voilà, parlons-en !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
…je vous citerai l’exemple de Maider Arosteguy, maire Les Républicains de Biarritz, qui soutient les dispositions prévues à l’article 3 et qui serait même favorable à une suppression pure et simple de la niche fiscale.
Certes, ces stations vivent du tourisme, mais elles ont aussi des habitants ; elles ont aussi besoin de familles, d’enfants dans leurs écoles.
À Hendaye, station classée de tourisme, chaque année, des postes de professeurs sont supprimés en raison de la baisse du nombre d’enfants. Une grande partie du parc immobilier y est en effet transformée en meublés de tourisme. Qu’est-ce qui vaut mieux ? Assurer un équilibre entre le tourisme et le reste de l’économie, ou tout miser sur le premier et transformer nos villages et nos villes en centres de vacances ? Je ne pense pas que cette dernière option soit préférable.
Il est vrai que nous devons mener une réflexion sur le classement en commune touristique – Mme la rapporteure Annaïg Le Meur y reviendra. Ne peut-on pas le dissocier de la question du meublé de tourisme ?
M. Jean-Pierre Vigier
Il n’existe plus, votre classement !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Compte tenu des adaptations que nous avons apportées à notre modèle fiscal, il sera toujours préférable pour un propriétaire de classer son logement en meublé de tourisme : l’abattement sera certes réduit, mais le plafond sera plus avantageux.
D’ailleurs, l’objectif fondamental du classement n’est pas que certains propriétaires gagnent plus d’argent et paient moins d’impôts, mais qu’ils proposent une prestation de meilleure qualité. Il faut donc encourager le classement, faire monter en gamme les meublés de tourisme, et arrêter de prétendre que, si l’abattement dont ils bénéficient passe de 71 % à 50 %, voire à 30 %, les propriétaires vont cesser de louer leur bien. Ce n’est pas vrai ; ils continueront à gagner de l’argent et à engranger des bénéfices.
M. Jean-Pierre Vigier
Vous parlez d’un classement qui n’existe plus !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Monsieur Vigier, je ne vous entends pas très bien, mais je comprends que vous me parlez du classement des communes. Il est vrai que certaines d’entre elles se demanderont si elles doivent conserver leur classement en commune touristique ou station de tourisme. Mais quand une commune perd des habitants permanents, elle perd également une partie de sa dotation, des services publics, des postes de professeur, des commerces.
M. Jean-Pierre Vigier
Ce n’est pas une spirale inévitable. Vous êtes défaitiste !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Ne misons donc pas tout sur le tourisme.
Le Pays basque, que l’on cite souvent – moi le premier –, est généralement vu comme le cœur de la crise. On croit qu’il vit essentiellement du tourisme, alors qu’en réalité, celui-ci ne représente que 12 % de l’économie de la communauté d’agglomération. Les effets négatifs du secteur, quant à eux, sont bien plus importants.
Je conclurai simplement sur un exemple. Depuis que Mme la rapporteure Annaïg Le Meur et moi avons commencé ce travail, nous recevons, comme d’autres députés, des témoignages de personnes qui ne peuvent plus vivre dans leur territoire d’origine.
Je vous lirai le témoignage d’un habitant, non du Pays basque, mais de la vallée d’Aspe. « Avec ma compagne, nous sommes locataires d’une maison à Bedous. Les propriétaires, pour lesquels ce logement est une résidence secondaire, veulent vendre la maison. Nous leur louons de septembre à juin, contraints, car nous n’avons rien d’autre. L’été, ils la louent à des touristes. Alors, nous sommes obligés de vivre sous la tente avec nos trois enfants. Cela fait déjà trois étés que nous campons sous la tente de juin à septembre. Vivre sous la tente l’été entraîne des tensions avec mon ex-compagne qui voit cela d’un mauvais œil et menace de réduire mon temps de garde de mes deux enfants. » Telle est la réalité ! Voilà dans quelle situation cette niche fiscale entraîne les gens. Quitte à faire quelques perdants, je préfère que l’article soit adopté : beaucoup y gagneront un toit au-dessus de leur tête. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe SOC. – Plusieurs membres des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES applaudissent également.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 5, 58 et 80, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Sur l’amendement no 120, je suis saisie par le groupe du groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 5, 58 et 80, tendant à supprimer l’article 3.
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Frédéric Falcon
Je rappellerai d’abord à M. Piquemal que nous ne dirigeons pas la mairie de Nice. Vous devez confondre : le maire de Nice est Christian Estrosi – un grand ami d’Emmanuel Macron. Lionel Tivoli est simplement député d’une circonscription des Alpes-Maritimes.
L’article 3 – sans doute le plus contestable de cette proposition de loi – vise, disons-le clairement, à accroître la fiscalité pesant sur les petits propriétaires qui exercent à titre marginal l’activité de location saisonnière. L’alignement de la fiscalité des meublés de tourisme sur le régime microfoncier dans les zones tendues ainsi que la réduction de l’abattement qui bénéficie aux meublés de tourisme représenteraient une augmentation inacceptable de la fiscalité sur les classes moyennes.
Prenons l’exemple d’un particulier non-professionnel qui loue occasionnellement sa résidence principale. Pour un revenu foncier de 15 000 euros par an, avec une tranche marginale d’imposition à 30 %, vos propositions entraîneraient une hausse d’impôt sur le revenu de près de 900 euros par an.
Nous refusons toute hausse de la fiscalité immobilière, notamment pour les plus modestes et les classes moyennes. L’immobilier est actuellement l’actif le plus taxé en France, tandis que les actifs financiers jouissent d’un privilège fiscal avec la flat tax instaurée par Emmanuel Macron en 2017 et la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). En outre, je rappelle que la fiscalité qui pèse sur le logement représente 92 milliards d’euros par an.
Vous allez mettre en péril certains équilibres économiques, compromettre la pérennité de certains plans de financement et fragiliser des petits propriétaires qui n’ont recours, de façon marginale, à cette activité que pour conserver leur bien, sachant qu’ils doivent assumer des charges en hausse constante.
En effet, depuis votre arrivée au pouvoir, la taxe foncière a explosé, les factures d’énergie ne cessent d’augmenter : elles ont augmenté de 44 % au cours des deux dernières années, sans compter les 10 % que nous allons subir dans quelques jours. Les Français sont contraints de se sacrifier, de trouver des solutions alternatives pour faire face à cette hausse des charges inacceptable.
Dans ma circonscription touristique de l’Aude, à Narbonne, les Audois recourent massivement à la location saisonnière, de façon ponctuelle et raisonnée,…
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Ah oui ?
M. Frédéric Falcon
…entre juin et septembre, pour en tirer d’indispensables revenus complémentaires.
On ne lutte pas contre la crise du logement en augmentant les impôts des Français.
Le plus gros scandale de cette proposition de loi, chers collègues, c’est que pendant que vous augmentez les taxes et les impôts pesant sur les petits propriétaires français, vous refusez de vous attaquer aux plateformes du numérique, lesquelles sont protégées par Emmanuel Macron – comme Airbnb, qui ne paie toujours pas ses impôts en France. On tabasse les petits mais on protège les grands ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Nous attendons toujours votre proposition de loi sur le sujet ! Vous n’avez jamais rien proposé !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 58.
M. Jean-Pierre Vigier
Le Gouvernement a confié à deux députées une mission temporaire ayant pour objet la fiscalité locative. Parce qu’il convient d’attendre ses conclusions avant de prendre toute décision en la matière, nous proposons de supprimer l’article.
Monsieur le rapporteur, expliquez-moi pourquoi, pour l’application de l’abattement supplémentaire, vous voulez modifier le classement touristique ? En effet, vous citez les « stations classées de sport d’hiver et d’alpinisme », une catégorie qui n’existe plus depuis 2008. Conservez le classement actuel en communes touristiques et stations classées de tourisme pour les dispositions que vous voulez appliquer et tout ira bien.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l’amendement no 80.
M. Jean-René Cazeneuve
Je veux d’abord saluer le travail des rapporteurs sur cette proposition de loi que je soutiens. Je suis évidemment favorable à une réduction de la niche dite Airbnb ; nous avons d’ailleurs fait un premier pas en ce sens dans le cadre du projet de loi de finances. Je le suis d’autant plus qu’elle permet à certains de se livrer à une véritable industrialisation de l’activité : ils achètent des immeubles entiers et en offrent les logements en locations de courte durée, avec d’importantes répercussions. C’est la raison pour laquelle j’avais proposé l’amendement visant à éviter le double avantage dont bénéficiaient jusqu’à présent les locations de courte durée.
Toutefois, je m’en remets aux résultats de la mission qui a été confiée à Marina Ferrari et Annaïg Le Meur.
M. Jean-Pierre Vigier
Eh oui, pourtant il est de chez vous !
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Il est dans son rôle. (Sourires.)
M. Jean-René Cazeneuve
Les dispositions de l’article 3 ont déjà fait l’objet de plusieurs versions. Je suis absolument persuadé qu’il faut durcir la fiscalité sur la location de courte durée. Mais attendons le résultat de la mission. En effet, nous ne disposons pas d’étude d’impact.
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Ah !
M. Jean-René Cazeneuve
On nous oppose suffisamment souvent cet argument pour que, de temps en temps, je puisse avoir le plaisir de le servir à mon tour. (Mêmes mouvements.)
Peut-être faut-il aller encore plus loin dans la réduction de cette niche, voire modifier le classement donnant droit à un abattement supplémentaire.
La mission est lancée ; elle rendra ses conclusions dans deux mois. Nous en sommes déjà à la quatrième version de cet amendement. Plutôt que d’adopter un texte provisoire – c’est ainsi que je le comprends –, je vous propose d’attendre les conclusions de cette mission qui nous éclairera dans notre rôle de législateurs.
M. Jérôme Guedj
Bien essayé !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
Ce que je retire de nos débats, c’est qu’il est vraiment urgent d’agir. Ce régime fiscal est un non-sens. Le constat est unanime quant à ses effets : impact sur les prix, intensification de l’activité des meublés de tourisme, attrition des résidences principales, dévitalisation des cœurs de ville et augmentation des nuisances sonores dans les zones tendues. Il faut donc agir. Comment ? Là est la difficulté.
Le régime qui s’applique aux logements meublés comprend un avantage fiscal qui me semble aujourd’hui disproportionné, compte tenu de la situation critique que nous connaissons en matière d’accès au logement. Sa réduction est plus que nécessaire si nous voulons réguler le marché locatif.
On me demande pourquoi je veux agir immédiatement, étant donné que le Gouvernement m’a chargée d’une mission temporaire sur la fiscalité locative. Je réponds qu’avec la Première ministre, nous étions convenues de faire les deux en même temps.
M. Jean-Pierre Vigier
Le Gouvernement a changé depuis !
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
Cela permettait de ne pas séparer les travaux de la mission des débats que nous pouvons avoir sur le sujet. Je tiens en effet au débat. Accepter les amendements de suppression reviendrait à empêcher ce moment qui permet de faire, ensemble, le point sur nos avancées. Ainsi, nous partageons vos réflexions sur les spécificités des communes touristiques ou des stations de tourisme : la suppression des avantages liés au classement pourrait avoir pour effet la réduction du nombre de logements classés ; dès lors, les communes risqueraient de perdre un label intéressant pour elles.
M. Jean-Pierre Vigier
Ça, c’est sûr.
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
Nous en avons conscience. Après en avoir parlé avec ma collègue Marina Ferrari, corapporteure de la mission, je propose donc un moratoire pendant lequel les communes touristiques et stations classées de tourisme conserveraient ce label.
Cependant, je pense aussi qu’il faut agir au niveau de la fiscalité des particuliers – l’un n’empêche pas l’autre. Ne lions pas ces deux réflexions, car cela nous empêcherait d’agir en faveur des zones citées par mon corapporteur – Biarritz, la zone littorale – qui demandent une évolution de cette fiscalité, au point, parfois, d’être prêtes à renoncer au classement – ce que je trouve dommage.
Un moratoire de dix ans, par exemple, pourrait ainsi être proposé pendant lequel on laisserait leur classement aux communes.
M. Jean-Pierre Vigier
Ah !
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
En revanche, ne pas modifier la fiscalité locative serait pour moi un non-sens, compte tenu des difficultés qu’éprouvent nos concitoyens pour accéder à un logement. Nous ne pouvons pas rester dans la situation actuelle : les demandes proviennent de nos territoires, des salariés, des étudiants, des saisonniers, mais aussi des maires, dont la quasi-totalité attend un changement de la fiscalité.
Dans un tel contexte, je comprends que le lancement d’une mission puisse paraître incongru ; mais loin de s’opposer ou se substituer au texte, celle-ci a en fait pour but de l’enrichir. Notre texte a été déposé en avril 2023 ; la mission nous a été confiée en novembre 2023. Elle a été rendue nécessaire par l’absence d’étude d’impact, qui nous empêchait d’aboutir aux bons chiffres. Je ne prétends pas que nous y sommes parvenues depuis, mais nous en avons la volonté – une volonté d’équilibre et de justice que nous partageons tous.
Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression. Nous devons poursuivre le débat et faire des propositions pour parvenir à une solution d’équilibre.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Quand le législateur consent à donner un avantage fiscal, une ristourne, un abattement, il le fait en visant un objectif social. Autrefois, le législateur a décidé de donner un avantage aux personnes qui souhaitaient louer un meublé touristique, en raison du manque d’offre hôtelière touristique.
Mme Marina Ferrari
Eh oui !
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
La France voulait alors développer son offre touristique. L’avantage octroyé à l’époque se comprenait donc très bien, mais les choses ont changé depuis.
Aujourd’hui, certaines communes ne disposent plus d’une offre locative traditionnelle : elle est totalement saisonnière. Cela touche des municipalités de gauche comme de droite – ce n’est pas une histoire de couleur politique, de libéraux ou de non-libéraux. Le maire de Saint-Malo est de droite ; pourtant, il reconnaît que, dans sa ville, toute l’offre disponible a été remplacée par de la location saisonnière.
Dans ce contexte de tension et de potentielle substitution entre le locatif traditionnel et le locatif touristique, la question se pose de maintenir l’avantage fiscal dont bénéficie ce dernier. Je ne sais pas comment expliquer, en effet, qu’un abattement de plus de 70 % soit consenti pour la location d’un meublé de tourisme dans des communes où il n’y a plus aucun logement traditionnel. Je ne suis pas capable de l’expliquer devant les députés de notre commission venus de Bretagne, du Pays basque, de zones côtières ou d’autres régions touristiques. Un tel avantage accroît la possibilité de substitution alors qu’aucune raison sociétale ne le justifie désormais.
Depuis avril 2023, le problème est soulevé par Inaki Echaniz et Annaïg Le Meur ; nous nous sommes battus pour inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour. Il a fallu franchir de nombreux obstacles, comme lorsque certains, y compris dans les administrations, ont refusé de nous communiquer les chiffres.
Mme Valérie Rabault
Ah ! Cela arrive très souvent !
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
On nous disait que c’était compliqué, qu’il fallait attendre… Or il faut agir ; on ne peut pas éternellement botter en touche et dire : « C’est vrai, vous avez raison, mais on verra demain. »
Je n’imagine donc pas que nous puissions adopter un texte dépourvu de dispositions fiscales. Bien sûr, je comprends la position du rapporteur général de la commission des finances. À sa place, j’aurais sans doute également refusé qu’un débat fiscal se tienne en dehors de la loi de finances. Toutefois, compte tenu des attentes exprimées depuis des mois dans les territoires, il serait dommage de clore ce débat sans prendre aucune mesure de rééquilibrage fiscal. Une mission menée par Mme Ferrari et Mme la rapporteure est en cours ; dans l’attente de ses résultats, j’espère que le Gouvernement fera preuve de sagesse.
À ceux qui hésitent, je rappellerai que ce n’est que le début, la première lecture du texte, qui sera suivie d’une lecture au Sénat, d’une navette, puis d’un examen en commission mixte paritaire. Le Gouvernement a toute latitude pour attendre les résultats de la mission avant de convoquer cette CMP.
Il faut donc rejeter les amendements de suppression, envoyer le signal que nous souhaitons équilibrer la fiscalité entre le meublé de tourisme et le meublé traditionnel, et laisser la mission se poursuivre. Madame la ministre, quand vous aurez obtenu la proposition la plus fine, vous pourrez alors convoquer la CMP afin d’obtenir un accord entre députés et sénateurs. Nous ne pouvons pas maintenir le statu quo, vu la souffrance observée dans les territoires. L’article 3 comprend une mesure d’égalité et de bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI et SOC.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée
Comme l’ont rappelé les rapporteurs, une mission est en cours. Confiée aux députées Annaïg Le Meur et Marina Ferrari, elle a pour objectif d’étudier les évolutions de la fiscalité de la location de courte et de longue durée, afin de favoriser, dans les territoires où ils sont nécessaires, la mise à disposition de logements à loyer abordable destinés à la résidence principale.
Dans ce contexte, il serait souhaitable d’attendre les conclusions de cette mission en avril prochain avant d’adopter des dispositions fiscales en ce domaine. Néanmoins, le Gouvernement partage l’objectif de réformer la fiscalité relative à la location saisonnière visé par l’article 3. Nous avons ainsi fait adopter en première lecture de la loi de finances pour 2024 un dispositif dont l’objectif est similaire à celui de l’article 3, malgré une légère différence. Il aligne les conditions d’application du régime de simplification micro-BIC applicables à la location de locaux classés meublés de tourisme sur celles applicables à la location de locaux meublés classiques. En complément, il instaure un dispositif incitatif en faveur du maintien et du développement d’une offre de locaux classés meublés de tourisme dans les territoires en déficit d’offre touristique, non concernés par les problèmes d’attrition des résidences principales évoqués par le président Kasbarian.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement donne un avis de sagesse sur l’article 3 et sur l’ensemble des amendements qui le concernent.
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Je voudrais dénoncer l’attitude de nos collègues du Rassemblement national, qui n’ont que faire des Français et de leurs problèmes de logement. En France, nous comptons 4,2 millions de personnes mal logées ; visiblement, cela ne les préoccupe pas de savoir où vont dormir les millions de familles aujourd’hui hébergées par des tiers ou, parfois, dans des centres d’hébergement d’urgence. Je trouve cela vraiment dommageable. Ils prétendent défendre les Français, mais nous voyons là leur vrai visage.
De même, je dénonce l’attitude du Gouvernement, qui a déjà annoncé, sous le prétexte d’une erreur matérielle, qu’il n’appliquerait pas la mesure adoptée en loi de finances au moyen de l’article 49.3. Dans quelle démocratie vivons-nous pour qu’un gouvernement décide de ne pas appliquer la loi ?
M. Julien Bayou
Exactement !
Mme Eva Sas
Je voudrais enfin répondre au rapporteur général de la commission des finances. On ne peut pas attendre le résultat de la mission confiée à Mmes Ferrari et Le Meur. On ne peut plus attendre : des millions de Français ont besoin de louer un logement. Or le logement de courte durée occupe une place trop importante dans le marché locatif ; il n’y a plus de rotation dans le logement social, puisqu’il n’y a plus de débouchés dans le logement privé.
Par la taxation, nous devons privilégier la location de longue durée. C’est pourquoi je vous appelle à voter contre ces amendements, afin que l’on puisse avancer sur ce sujet. Des millions de Français attendent notre décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Rolland.
M. Vincent Rolland
Nous voterons ces amendements de suppression, parce que nous sommes devant une politique fiscale de gribouille – pardonnez-moi l’expression.
M. Inaki Echaniz, rapporteur
À qui la faute ?
M. Vincent Rolland
Le projet de loi de finances a modifié substantiellement l’abattement fiscal pour les loueurs de meublés classés ; la proposition de loi examinée aujourd’hui chemine depuis un certain temps ; et, en même temps, la mission Ferrari-Le Meur doit traiter de ces questions fiscales.
J’entends certains de mes collègues, élus dans des zones urbaines et touristiques, témoigner des difficultés majeures que rencontrent leurs concitoyens pour se loger. Je ne mets pas leur parole en doute, mais en France, il y a d’autres territoires. Dans le cas des territoires bâtis autour du tourisme, nous devons conduire des politiques du logement dotés de ces accompagnements fiscaux. À Val-Thorens, par exemple, l’économie est bâtie autour du tourisme.
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Val-Thorens est exonérée !
M. Vincent Rolland
Vous avez beau hocher la tête, c’est ainsi. L’article 2, qui porte sur le zonage des servitudes d’habitations permanentes, répondra à une bonne partie du problème. Ensuite, nous étudierons la manière de contraindre par la fiscalité.
Notre collègue Echaniz le disait tout à l’heure : plus de 50 % du parc locatif est détenu par 3,5 % de propriétaires. Essayons de viser ces derniers en priorité, plutôt que les petits investisseurs qui ont pris en compte l’abattement aujourd’hui applicable pour définir leur projet immobilier.
J’ajoute que si l’avantage fiscal diminue trop – c’est déjà le cas compte tenu des dispositions proposées dans l’article –, nous risquons de voir apparaître un marché parallèle de locations, un marché noir.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Si le Gouvernement ne veut pas entendre parler d’une éventuelle hausse de la fiscalité, c’est parce qu’il a bien compris le danger que cela représenterait.
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Mais non…
M. Frédéric Falcon
J’aimerais que vous compreniez qu’il n’est pas possible d’appliquer les mêmes dispositions dans des territoires aisés comme la Bretagne ou le Pays basque – d’où vous êtes originaires – et dans des territoires plus populaires, comme ma circonscription de l’Aude. Les conséquences de votre proposition y seraient dramatiques, car à Narbonne, Gruissan ou Leucate, par exemple, on trouve essentiellement des petits propriétaires. La NUPES en rit, mais nous défendons bel et bien les petits propriétaires…
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Mais nous aussi !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Les petits propriétaires et les locataires !
M. Frédéric Falcon
…contre la hausse d’impôts que vous préparez et qui, vu le contexte inflationniste, risque de leur faire très mal.
Un élément ne cesse de m’étonner : cette proposition de loi, qui cherche à augmenter la taxation des petits propriétaires, ne prévoit aucune mesure fiscale pour taxer les plateformes comme Airbnb. C’est complètement hypocrite !
Mme Sophia Chikirou
Pourquoi ne déposez-vous pas une proposition de loi sur le sujet ?
M. Frédéric Falcon
Quand allons-nous enfin ouvrir ce débat ?
Vous avez vous-même admis, monsieur le rapporteur, que ces mesures fiscales ne serviraient à rien – cela m’a d’ailleurs surpris. Alors pourquoi augmenter les impôts ? Uniquement pour le plaisir de taxer les propriétaires et les riches ?
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Mais enfin, arrêtez ! Vous vous prenez pour des libéraux capitalistes, mais votre programme est socialiste !
M. Frédéric Falcon
Manifestement, pour le Parti socialiste, être propriétaire c’est être un vilain possédant, un méchant capitaliste ! Tout cela n’a pas de sens. Pour notre part, nous voulons réguler la location saisonnière d’un point de vue réglementaire, sans toucher à la fiscalité, car cela remettrait en question de nombreux équilibres et exposerait à des lourdes conséquences nos compatriotes les plus modestes. L’adoption de votre texte entraînerait des dommages collatéraux.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
Je souhaite rebondir sur quelques-uns des propos que j’ai entendus.
Madame Sas, nous nous accordons tous sur la nécessité de faire évoluer à la fois les plafonds et les taux pour coller davantage à la réalité et mieux répondre à nos objectifs. Mais, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, je ne crois pas que la tendance puisse être inversée en seulement deux mois.
M. Vincent Rolland
Exactement !
Mme Marina Ferrari
Il serait donc sage d’attendre les conclusions de la mission que je mène avec Annaïg Le Meur.
M. Jean-Pierre Vigier
Tout à fait !
Mme Marina Ferrari
Avec une étude d’impact sérieuse, nous nous donnerons alors toutes les chances de prévoir un système efficace qui protégera à la fois les locataires et les propriétaires – qui, comme le rapporteur l’a rappelé, ne doivent pas être opposés.
Monsieur Piquemal, le terme de meublé n’est pas nécessairement synonyme de logement touristique ou de location via une plateforme : il existe aujourd’hui des meublés loués pour du logement traditionnel. On trouve également des meublés dits de longue durée dans les résidences destinées aux étudiants, aux seniors ou aux professionnels, et leurs propriétaires peuvent bénéficier de certains abattements. Soyons donc prudents, et attachons-nous plutôt à distinguer la location de longue durée de celle de courte durée.
Enfin, j’aimerais appeler votre attention sur les critères de classement. Dans l’optique de leur révision, prévue en 2026, l’idée d’un moratoire nous semble, avec Mme Le Meur et M. Echaniz, très intéressante.
M. Jean-Pierre Vigier
Tout à fait !
Mme Marina Ferrari
Les territoires très en tension en raison du tourisme, conscients qu’ils ont aussi besoin d’un parc de logements classés meublés de tourisme pour développer leur activité et rester attractifs, sont d’ailleurs demandeurs d’un tel moratoire. Comme M. Echaniz l’a rappelé, il faut encourager le classement des meublés de tourisme et accompagner leur montée en gamme.
Mme la présidente
La parole est à M. François Piquemal.
M. François Piquemal
La position du président de la commission des affaires économiques sur le sujet qui nous occupe a manifestement évolué, c’est à saluer.
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Pas du tout ! J’ai toujours été constant.
M. François Piquemal
Cela prouve qu’il y a toujours de l’espoir, dans la vie, et qu’il faut s’y accrocher. J’espère que vous allez continuer à changer d’avis sur bien d’autres volets du logement, monsieur Kasbarian, ce qui ne manquera pas de satisfaire toutes les associations défendant les droits humains, en particulier le droit au logement. Laissez-moi néanmoins vous dire qu’un futur ministre du logement serait bien inspiré, s’il voulait se battre concrètement contre la location touristique de courte durée à visée spéculative, de supprimer le bail mobilité créé en 2018 dans la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite Elan. Comme le bail civil, dont on a noté une recrudescence à l’approche des JO, ce dispositif permet en effet aux propriétaires de mettre plus facilement leurs locataires dehors afin de louer leur logement plus cher à des touristes de passage pendant la saison.
Quant à M. Falcon, il reprend des arguments aussi vieux que son parti. Vous prétendez, monsieur, que la majorité des locations touristiques de l’Aude appartiennent à de petits propriétaires : vous devriez investiguer davantage, car je pense que c’est faux.
M. Frédéric Falcon
Venez voir dans ma circonscription !
M. François Piquemal
En outre, vous affirmez que ces petits propriétaires ont besoin des revenus de leur location pour subvenir à leurs besoins :…
Mme Katiana Levavasseur
Mais oui !
M. François Piquemal
…c’est un mauvais argument, quand on sait – et je le regrette – que vous ne votez pas pour l’augmentation des salaires et des pensions de retraite, et le blocage des prix des produits de première nécessité, toutes ces mesures que nous proposons (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et qui permettraient justement aux petits propriétaires de ne plus dépendre d’un revenu locatif pour s’en sortir.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.
M. Jean-Félix Acquaviva
Comme toujours en matière de fiscalité, c’est un débat compliqué. Comme nous l’avons dit à l’occasion de la mission interministérielle consacrée à la lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental – attrition au profit, par exemple, de résidences secondaires aux fins de villégiature, qui représentent jusqu’à 80 % des logements dans certains territoires –, l’évolution de la fiscalité des meublés ne saurait à elle seule résoudre les problèmes de spéculation qui entravent l’accès au logement.
Il faudra – et nous souhaitons – donc aller plus loin, et notamment rétablir la justice fiscale entre location de courte durée et location de longue durée : pourquoi ceux faisant l’effort de louer à l’année ne pourraient-ils pas bénéficier d’un avantage ? C’est aussi une question d’équité sociale, d’autant que c’est souvent une minorité de multipropriétaires, disposant de plusieurs résidences secondaires et cherchant à rentabiliser leur investissement, qui entrave le droit au logement.
Ces précisions ayant été apportées, les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) voteront contre ces amendements de suppression, désireux que le débat se poursuive, notamment sur les effets pervers du zonage – je ne suis d’ailleurs pas le seul à les dénoncer. On ne peut pas traiter de la même façon un agriculteur qui loue un meublé grâce aux Gîtes de France dans une zone où on compte cinq habitants au kilomètre carré, et qui a besoin de l’abattement de 71 % pour rentabiliser son investissement – une problématique qui touche la Corse –, et le propriétaire de plusieurs résidences secondaires.
Mme Marina Ferrari
Bien sûr !
M. Jean-Félix Acquaviva
L’affinage du zonage auquel seront adossées les mesures fiscales est essentiel pour assurer l’équité des mesures, et donc leur acceptabilité. Elles ne doivent pas générer de sentiment d’injustice : la fin justifie peut-être les moyens, mais elle ne doit pas guider nos pas. Nous serons très attentifs sur cette question. Nous aimerions également que l’on s’intéresse de plus près à la définition du gîte rural dans le code du tourisme, afin qu’elle corresponde mieux à la réalité du terrain et que l’on puisse calibrer plus finement le dispositif.
Afin que le débat puisse se poursuivre, nous voterons contre les amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 58 et 80.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 18
Contre 75
(Les amendements identiques nos 5, 58 et 80 ne sont pas adoptés.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Julien Bayou applaudit également.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 53, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Sur les amendements identiques nos 103 et 115, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Sur l’article 3, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et Socialistes et apparentés de demandes de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 53.
M. Frédéric Falcon
De repli, il tend à exonérer d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux les revenus locatifs des propriétaires d’un bien meublé unique, qui recourent à titre occasionnel à la location saisonnière – moins de soixante jours par an –, et en tirent un revenu foncier inférieur à 5 000 euros par an.
Face à la hausse de la fiscalité immobilière imposée par le Gouvernement, cet amendement tend à aider les propriétaires les plus modestes, qui n’ont d’autre choix que la location de leur logement dans un cadre saisonnier pour s’acquitter de leurs factures et charges courantes, et rester solvables. Comme nous l’avons déjà déploré, la hausse continue des charges qui pèsent sur ces ménages – notamment celle des factures d’électricité, que le Gouvernement a augmentée de près de 50 % en deux ans –, pousse certains Français à trouver des revenus complémentaires, comme dans ma circonscription, située dans un des départements les plus pauvres de France avec la Seine Saint-Denis – nous ne sommes ni au Pays basque, ni en Bretagne.
Cet amendement repose sur la notion de propriété unique, à laquelle le Rassemblement national est attaché : nous souhaitons que les Français soient propriétaires de leur logement, qu’ils puissent le conserver à long terme, l’entretenir et le transmettre. Alors que le Gouvernement et la majorité refusent de taxer Airbnb, le Rassemblement national, lui, protège les petits propriétaires et souhaite mettre fin à cette insupportable politique du deux poids, deux mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Cet amendement, qui vise à exempter de toute déclaration et de toute imposition les revenus locatifs de tous les propriétaires qui louent moins de soixante jours par an, ne nous paraît pas une bonne solution. En effet, cette proposition nuirait à la connaissance du parc locatif pour laquelle nous nous battons depuis le début de l’examen du texte, notamment à travers l’instauration d’un numéro d’enregistrement, et empêcherait donc les collectivités d’appliquer les outils utiles que nous avons créés à l’article 2. Au reste, pourquoi les 5 000 euros de revenus locatifs seraient-ils moins imposés que les revenus que les déclarants pourraient tirer par ailleurs de leur travail ?
Prolongeons le débat : nous ne sommes peut-être pas tous de cet avis, mais je considère, pour ma part, que le logement n’est pas un investissement comme un autre. À travers ce texte, nous défendons bien les petits propriétaires et les classes moyennes, car l’arrivée massive de meublés de tourisme, c’est aussi une augmentation des loyers pour les résidents à l’année ! Les classes moyennes que vous prétendez défendre sont donc les premières victimes des Airbnb, et vos arguments ne sont absolument pas logiques. Quelques chiffres : à Barcelone, les loyers ont augmenté de 7 % ces dernières années ; à Bruxelles, à chaque nouvelle installation d’un meublé de type Airbnb, les loyers augmentent de 1,6 % pour les ménages. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Thibaut François
N’importe quoi ! Et pourquoi pas les chiffres d’Abou Dhabi ? Nous sommes en France, là !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Comme je l’ai déjà expliqué en décembre au début de l’examen du texte, cette proposition de loi vise à la fois à répondre aux locataires qui ont du mal à se loger, en encourageant les petits propriétaires bailleurs que vous prétendez défendre à opter pour la location de longue durée, et à protéger les petits propriétaires occupant leur propre logement, dont la vie est pourrie au quotidien par les nuisances sonores liées aux meublés de tourisme. Ces propriétaires ne supportent plus de vivre dans leur propre logement ! Et ça, vous semblez l’avoir oublié.
Les meublés de tourisme, c’est aussi la dévitalisation des quartiers : certains immeubles ne comptent plus qu’un ou deux résidents à l’année, qui ne supportent plus le ballet des valises, le défilé, chaque semaine, de gens qui viennent parfois faire la fête.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Voilà tout ce que nous défendons à travers ce texte !
M. Hervé Saulignac
Très bien !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Cessez votre démagogie et arrêtez de dire que nous ne défendons pas les petits propriétaires, monsieur Falcon.
Monsieur Cazeneuve, nous ne disposons effectivement d’aucune étude d’impact – ce n’est pas faute de l’avoir demandée ! D’ailleurs, en tant que rapporteur général du budget, vous auriez très bien pu, comme l’a fait notre collègue Valérie Rabault en son temps, vous rendre à Bercy et réclamer ces chiffres (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC),…
M. Philippe Brun
Rendez-nous Rabault ! (Sourires.)
M. Inaki Echaniz, rapporteur
…ne serait-ce que pour la collègue de la majorité qui est à l’initiative de ce texte avec moi. Pourtant, vous ne l’avez pas fait.
Vous n’étiez qu’à quelques centimètres de moi quand, en juin 2022, j’ai interpellé Bruno Le Maire au sujet de la fiscalité des meublés de tourisme : en deux ans, les services de Bercy auraient pu produire cette étude d’impact. Si nous n’en avons pas, ce n’est clairement pas de ma faute ! Et je vous invite à aller chercher les chiffres directement à Bercy, dans les prochains jours – je viendrai avec vous : ils permettront d’alimenter les travaux menés par Annaïg Le Meur et Marina Ferrari, qui font face aux mêmes difficultés pour y avoir accès. Bruno Le Maire serait-il réticent à nous les communiquer ? Ou existe-t-il une autre raison ?
Autre problème : celui des meublés de longue durée. Ce n’est pas le cœur du sujet, mais c’est un problème important qui a également été soulevé dans le cadre de ce texte. Madame Ferrari, les propriétaires ont effectivement la possibilité de louer leur meublé pour de la location conventionnelle de longue durée, en échange d’un abattement de 50 %. Nous ne touchons pas à cette mesure, qui peut être bénéfique, notamment pour loger les étudiants. Mais elle peut également entraîner des effets pervers, que nous devons encadrer. Prenons l’exemple d’une personne de 60 ans vivant sur le littoral atlantique, qui a reçu un congé pour vente et doit donc trouver un nouveau logement. À la rareté des locations s’ajoute la difficulté d’un revenu modeste, qui ne lui laisse d’autre choix que de louer un meublé dit « de longue durée », dont le bail ne vaut en réalité jamais que pour un an ! Cette personne vivra donc chaque année avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Il y a donc une réflexion à mener sur l’avenir des meublés de longue durée.
Je rejoins notre collègue Piquemal à propos du bail mobilité. Ce qui pouvait ressembler à une bonne idée – proposer un type de bail adapté à la situation des saisonniers ou des travailleurs en mission – se traduit malheureusement dans les faits par des fraudes massives de la part de petits propriétaires, lesquels contraignent des résidents permanents à signer un bail mobilité qui les oblige à vivre dehors de juin à septembre. Il faut donc envisager une refonte globale des différents baux, pour protéger à la fois les propriétaires et les locataires. Nous en débattrons lors de la prochaine niche du groupe Socialistes.
Les dispositions du texte en matière fiscale sont équilibrées. Elles sont le fruit d’un compromis que nous avons mis au moins un an et demi à élaborer. La proposition de loi initiale du groupe Socialistes et apparentés prévoyait la suppression pure et simple de l’abattement fiscal. Compte tenu des retours du terrain, nous avons proposé de favoriser la location des meublés de longue durée, mais on nous a rétorqué que cela coûterait trop cher. Nous avons donc envisagé un alignement des régimes avec 40 % d’abattement, ce qui, selon nos calculs, se serait révélé fiscalement neutre, mais après avis du rapporteur général du budget, qui nous a indiqué qu’un tel dispositif coûterait beaucoup d’argent aux finances publiques, nous sommes finalement parvenus à un alignement prévoyant 30 % d’abattement.
Monsieur Falcon, je soutiendrais volontiers une mesure visant à encourager fiscalement la location de longue durée, mais pour cela, il faut des financements, et donc aller chercher l’argent des propriétaires les plus riches. Une personne qui loue une maison ou un meublé à plus de 11 000 euros la semaine peut bien contribuer un peu plus au pot commun, permettant ainsi aux propriétaires qui louent à une famille de payer un peu moins d’impôt. Notre position est donc équilibrée, d’autant plus que nous traitons de façon particulière, comme l’a rappelé M. Acquaviva, les gîtes ruraux, les maisons d’hôte et meublés de tourisme des stations de ski, qui relèvent d’une offre différente.
J’invite le Gouvernement à engager une réflexion de fond sur la définition du gîte rural, qui n’existe pas aujourd’hui, et de la maison d’hôte. On met trop de choses différentes dans la catégorie du meublé de tourisme ou dans celle de la résidence secondaire. Celle-ci inclut à la fois la résidence familiale dont on hérite et dans laquelle on vit un peu, celle où l’on passe ses vacances et celle où on ne met jamais les pieds. Je considère que celui qui a cinq ou six appartements n’a pas de résidences secondaires mais réalise un investissement immobilier. Or nous devons sortir le logement de la spéculation immobilière.
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Vos exemples, monsieur le rapporteur, sont délirants et caricaturaux. Vous me parlez d’une location de 11 000 euros par semaine, alors que mon amendement concerne les revenus fonciers inférieurs à 5 000 euros par an ! Dans ma circonscription, un appartement est loué 500 ou 600 euros par semaine au mois d’août,…
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Où sont les locataires, pendant ce temps-là ?
M. Frédéric Falcon
…souvent par des gens qui y vivent à l’année, qui quittent leur résidence principale pour la louer et gagner un peu d’argent pour payer leurs charges et vont vivre quelque temps chez des amis.
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Et vous trouvez cela normal ? Il faut augmenter les salaires !
M. Frédéric Falcon
Même si vous augmentez la fiscalité, cela ne changera rien à leur situation et ils seront doublement pénalisés.
Vous êtes dans l’idéologie pure.
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
C’est l’hôpital qui se fout de la charité !
M. Frédéric Falcon
Vous partagez avec la majorité le fait d’approuver le transfert massif de propriété qui se déroule sous nos yeux. De moins en moins de Français peuvent devenir ou rester propriétaires.
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Les prix augmentent à cause d’Airbnb, de la spéculation ; c’est pour cela qu’ils ne deviennent pas propriétaires. Arrêtez la démagogie !
M. Frédéric Falcon
Des propriétaires sont contraints de vendre leurs biens, qui tombent aux mains d’institutionnels privés – organismes financiers soutenus par la majorité – ou publics : à Paris, chez Mme Hidalgo et vos amis – j’en sais quelque chose –, l’objectif de logement social s’élève à 30 %.
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Parlez-en à M. Lopez-Liguori !
M. Frédéric Falcon
J’essaie de vous décrire la réalité de ma circonscription et, plus largement, celle du Languedoc. Je ne comprends pas pourquoi vous refusez de la prendre en compte. Vous pouvez accepter le fait que les territoires sont différents. Je connais les problèmes des territoires plus riches que le mien, je sais que des gens dont le pouvoir d’achat immobilier est élevé passent devant les résidents locaux en achetant des habitations pour une fortune. Certes, c’est scandaleux, mais vous ne pouvez pas pénaliser tous les territoires sous prétexte qu’il existe des micromarchés immobiliers exposés à une honteuse spéculation. C’est ce que nous dénonçons.
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Vous vous y connaissez, vous étiez conseiller en investissement immobilier !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 53.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 15
Contre 84
(L’amendement no 53 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari, pour soutenir l’amendement no 115.
Mme Marina Ferrari
Le texte adopté en commission maintient un abattement fiscal avantageux dans les zones rurales – c’est-à-dire peu denses au sens de l’Insee – et dans les stations de montagne ou d’alpinisme. Or cette dernière catégorie ne correspond plus à aucune réalité, puisque le classement a été abrogé en 2008.
M. Jean-Pierre Vigier
Eh oui !
Mme Marina Ferrari
Cet amendement vise donc à reconnaître une spécificité territoriale pour les meublés de tourisme dans les stations classées de tourisme et les communes touristiques. Mon collègue Vigier l’a expliqué il y a un instant : pour être classées stations de tourisme, les communes doivent justifier du fait que 70 % de leur parc d’hébergement de tourisme est lui-même classé. Or les meublés classés de tourisme constituent une part très importante de ce parc.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, nous commençons à avoir des chiffres. Tout arrive ! La grande majorité des logements proposés par l’intermédiaire de plateformes, ceux qui nous posent problème, bénéficient d’un abattement de 50 % : ils représentent plus de 600 000 foyers, contre 98 500 pour les meublés classés, ceux dont l’abattement atteint 71 %. Or ces derniers appartiennent à des personnes qui ont investi dans leur outil de travail, souvent accompagnées en cela par les collectivités, lesquelles ont besoin de disposer d’un parc d’hébergement de qualité, soumis à des normes de classement qui sont de plus en plus exigeantes et que nous comptons encore renforcer. J’entends souvent dire qu’il est facile de se faire classer, mais 88 % du parc des meublés classés de tourisme a obtenu deux étoiles ou plus. Le classement à une étoile, facilement accessible, n’est donc que très minoritaire. C’est la raison pour laquelle je propose de sanctuariser pour le moment les stations classées de tourisme et les communes touristiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir le sous-amendement no 137.
M. Vincent Rolland
Je partage l’avis de ma collègue Marina Ferrari. Ce sous-amendement de précision vise à ce que l’ensemble des communes touristiques érigées en stations classées de tourisme puissent continuer à bénéficier du cadre fiscal lié au régime micro-BIC. Cette précision permettrait de mieux définir les communes retenues à ce titre.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
Nous reprenons le débat entamé tout à l’heure à propos du classement en communes de tourisme. Si l’on maintient ce régime d’abattement de 71 %, nous craignons un appel d’air qui pousserait toutes les communes à se classer. Or beaucoup de communes classées se trouvent en zone tendue et déplorent elles-mêmes l’effet de masse en faveur du logement de tourisme. Je comprends parfaitement que des communes aient besoin d’un classement, mais certaines – Ajaccio, Annecy, Avignon, Carpentras, Orange, Bayonne, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Bordeaux, Caen, Grenoble, etc. – nous ont justement sollicités pour réguler la fiscalité des meublés de tourisme. C’est pourquoi l’idée d’un moratoire, que je vous ai proposée, me semble un bon compromis, sans pour autant conserver l’abattement de 71 % pour les meublés classés. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie Lebec, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.
M. Jean-Pierre Vigier
Vous n’avez pas répondu à ma question : pourquoi avez-vous retenu un classement qui n’existe plus depuis 2008 ? Comptez-vous sur un décret pour dresser la liste des communes concernées ? Je soutiens donc les propos de Mme Ferrari et de M. Rolland : adoptez le classement de stations de tourisme !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
C’est trop large !
M. Jean-Pierre Vigier
Vous allez faire votre liste de courses, inscrire telle ou telle commune selon vos souhaits : cela ne marche pas, conservez donc l’existant !
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Bayou.
M. Julien Bayou
J’ai pu discuter ce week-end avec un habitant du bassin aixois. Il m’a décrit la prolifération de logements de tourisme dans la circonscription de Mme Ferrari : les habitants ne peuvent plus se loger. Vous devez l’entendre, même si je comprends que vous défendiez un certain cadre professionnel – pour l’exprimer ainsi : plus il y a de meublés touristiques, classés ou non, moins il y a de logements pérennes. Si, encore, ce n’était valable que dans quelques territoires, mais c’est vrai partout !
De plus, vous ne m’avez toujours pas convaincu, ni en commission ni en séance publique. Nous sommes prêts à discuter de la part de logements classés nécessaire pour obtenir le classement en station de tourisme, mais pourquoi faudrait-il que les propriétaires qui mettent en location des meublés touristiques classés ne paient pas d’impôt ? Vous m’avez perdu, je ne comprends pas ! Les locataires paient des impôts, les propriétaires également – même s’ils bénéficieraient désormais d’un abattement moins favorable. Pourquoi voulez-vous que certains échappent à l’impôt ? Vous ne répondez pas à cette question, alors qu’il y va de la justice et de l’équité fiscale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
Je vous invite, monsieur Bayou, à venir constater la situation à Aix-les-Bains. Je vous recevrai avec grand plaisir, cher collègue. Vous verrez que s’il y a une prolifération des meublés non classés, le parc de meublés classés est stable. L’association regroupant les propriétaires de meublés aixois concerne essentiellement des meublés classés et travaille en lien avec notre office de tourisme.
M. Julien Bayou
Mais pourquoi ces propriétaires ne paieraient-ils pas d’impôt ?
Mme Marina Ferrari
Cet amendement ne vise pas que les zones rurales ou les stations de ski. Les stations thermales peuvent être concernées – c’est le cas d’Aix-les-Bains – ainsi que certaines stations du littoral. Des maires me disent qu’il faut lutter contre l’attrition du logement permanent et les plateformes, mais aussi qu’ils ont besoin de conserver un parc de logements touristiques classés pour accueillir correctement les touristes. Le classement en station classée de tourisme concerne aujourd’hui 498 communes, dont la moitié se trouvent, c’est vrai, en zone tendue. Il faut prendre en considération leur situation particulière.
Par ailleurs, les dispositions que contiennent les premiers articles du texte, notamment celles relatives aux changements d’usage, permettront aux maires de contrôler l’évolution du parc. Quand on me parle d’incitation au classement, je vous rappelle que classer un meublé de tourisme est une démarche qui prend du temps. De plus, si nous renforçons les critères d’exigence, nous contrôlerons encore davantage ce marché.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Nous en venons au vote du sous-amendement no 137.
(Le sous-amendement no 137 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 115.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l’adoption 34
Contre 53
(L’amendement no 115 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 3.