Première séance du mercredi 13 mars 2024
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Hommage à l’amiral Philippe de Gaulle
- 2. Questions au Gouvernement
- Nouvelles techniques génomiques
- Quart d’heure de lecture national
- Crise de l’agriculture
- Situation économique et sociale
- Politique du logement
- Immigration et insécurité dans les Alpes-Maritimes
- Prescription trentenaire dans les outre-mer
- Inflation et inégalités fiscales
- MaPrimeRénov’
- Intempéries dans le Gard
- 3. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
- Mme la présidente
- Mme la présidente
- M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Suspension et reprise de la séance
- 4. Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection
- Discussion des articles (suite)
- Article 2 (suite)
- Amendements nos 168 et 189
- M. Jean-Luc Fugit, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie
- Amendements nos 6, 201, 77, 173, 300, 245, 52, 51, 70, 301, 83, 279, 84, 134, 2, 71, 302, 235, 280, 94, 169, 72, 246, 200, 303, 73, 74, 75, 88, 110, 176, 78, 79, 247, 202, 89, 249, 133, 135, 131, 157 et 282
- M. Antoine Armand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
- Rappel au règlement
- Article 2 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 2
- Article 2 bis
- Amendement no 306
- Après l’article 2 bis
- Article 2 ter
- Amendement no 113
- Article 3
- Après l’article 3
- Amendement no 310
- Article 4
- Article 2 (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Hommage à l’amiral Philippe de Gaulle
Mme la présidente
Dans quelques semaines, nous commémorerons le quatre-vingtième anniversaire du Débarquement et de la Libération. Nous célébrerons ensemble le retour de la liberté et de la démocratie dans notre pays, mais Philippe de Gaulle ne sera plus avec nous.
Acteur et grand témoin de la geste gaullienne, le fils du général fut à la fois un militaire de haut rang, un artiste estimé et un homme politique respecté. Parti de Brest le 18 juin 1940, il s’est battu sur terre et sur mer, de Saint-Pierre-et-Miquelon à Strasbourg, jusqu’à Berchtesgaden.
Premier compagnon de son père, il défendit ensuite ses idées au Conseil de Paris et au Parlement. S’il siégea au Sénat, son nom est aussi lié à l’histoire de notre assemblée, puisque ce fut lui qui, le 25 août 1944, libéra le Palais-Bourbon.
M. Jimmy Pahun
Seul !
Mme la présidente
Les combats faisaient rage dans Paris. Alors simple enseigne de vaisseau, servant au sein de la deuxième division blindée sous l’uniforme bleu du régiment des fusiliers marins, il porta leur ordre de reddition aux 400 soldats allemands retranchés au Palais-Bourbon. Les Allemands ignoraient qui était cet officier des Forces françaises libres. Tandis que son père libérait la France, le fils, bientôt rejoint par d’autres combattants, faisait évacuer le site où allaient bientôt renaître la liberté de parole et la vie parlementaire. À nous de nous en souvenir et de transmettre sa mémoire.
Son seul regret, sans doute, fut que le général de Gaulle, pour ne pas laisser place au moindre soupçon de favoritisme et de népotisme, ne l’admit pas dans le prestigieux Ordre de la Libération. La conduite et les états de service de Philippe de Gaulle auraient, chez tout autre combattant, justifié cette distinction.
En rendant hommage à ce grand soldat, nous, députés français, pouvons témoigner – unanimement, j’en suis sûre – que Philippe de Gaulle a bien mérité de la nation.
À sa famille, à ses amis comme à ses derniers compagnons d’armes et vétérans de la Libération, j’adresse en votre nom les condoléances attristées de la représentation nationale. Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les parlementaires, en mémoire de la haute figure de l’amiral de Gaulle, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
2. Questions au Gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nouvelles techniques génomiques
Mme la présidente
La parole est à Mme Lisa Belluco.
Mme Lisa Belluco
Le 7 février dernier, sous la pression des multinationales semencières, le Parlement européen a adopté un règlement sur les nouvelles techniques génomiques, les NTG. Le but : autoriser, dans nos champs, la culture de ces nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM). Le combat contre les OGM n’est pas terminé : vous continuez de jouer aux apprentis sorciers avec le vivant.
Personne, pourtant, ne veut de ces NTG : ni les agriculteurs, qui préféreraient un revenu digne et des prix planchers ; ni nos concitoyens, qui veulent une alimentation saine et abordable.
Le Gouvernement a saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Anses, pour qu’elle rende des avis sur ce règlement européen. Dans son premier avis, l’Anses évoque un manque de clarté et une « insuffisance de justifications scientifiques de l’équivalence recherchée entre des plantes NTG et les plantes conventionnelles ». Dans le second, elle recommande une évaluation spécifique des NTG au cas par cas, ainsi qu’un plan de surveillance global, notamment pour assurer la traçabilité des NTG et éviter la mainmise des multinationales étrangères sur les semences.
Quelles conclusions en tirez-vous ? Vous choisissez de vous asseoir sur ces avis. Pire : alors que vous disposiez du second avis le 22 janvier et que le vote au Parlement européen se déroulait le 7 février, vous avez choisi de ne le publier que la semaine dernière, en mars, donc après le débat et après le vote. Après tout, pourquoi s’embarrasser en encombrant le débat démocratique de l’avis des experts que vous aviez vous-mêmes sollicités ?
Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, avez-vous, en guise de cadeau à Bayer-Monsanto et Corteva, retardé délibérément la publication de cet avis sur les nouvelles techniques génomiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée à l’agriculture et à la souveraineté alimentaire.
M. Pierre Cordier
Elle n’y connaît rien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’agriculture et à la souveraineté alimentaire
Il est de notre responsabilité collective, tout d’abord, d’éviter d’agiter les peurs : ces nouvelles technologies ne sont pas, à proprement parler, des OGM. De quoi parlons-nous exactement ? Scientifiquement, un OGM résulte d’une transgénèse : des gènes étrangers sont incorporés dans un organisme. Dans l’agriculture, en Europe, les OGM sont interdits, vous le savez.
Les nouvelles techniques génomiques permettent quant à elles des mutations ciblées du génome qui utilisent les gènes existants de l’organisme. Vous le savez comme moi : depuis que nous pratiquons l’agriculture, soit des dizaines de milliers d’années, nous utilisons la sélection variétale. Or les NTG n’en sont qu’une version scientifiquement plus avancée. Les mots ont un sens. C’est parce qu’il y a des différences scientifiques qu’il faut une réglementation spécifique et un cadre juridique adapté.
Ces nouvelles technologies représentent cependant une occasion majeure pour les agriculteurs : de lutter contre le dérèglement climatique ; d’utiliser moins de produits phytosanitaires, moins d’eau. Elles pourraient également permettre à leurs cultures de mieux résister face aux ravageurs. Nous pensons qu’elles font partie de la solution.
Mme Marie-Charlotte Garin
Et sur l’avis de l’Anses ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Il faut donc accélérer et saisir cette chance. Bien sûr, nous le ferons en garantissant un haut niveau de sécurité (Rires sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES), au service d’une agriculture plus durable. C’est tout le sens de l’avis de l’Anses, qui a été publié à la convenance de l’organisme au terme de ses travaux,…
M. Sébastien Peytavie
Pourquoi ce délai ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
…travaux que nous avions sollicités, comme vous avez bien voulu le rappeler. Nous sommes en phase avec l’Anses. Nous resterons particulièrement vigilants mais ne freinerons pas le travail de la science au service de nos agriculteurs et d’une alimentation durable.
M. Pierre Cordier
Bla bla bla !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Un dernier mot concernant les brevets – un point sur lequel vous avez raison d’appeler notre attention : nous serons très vigilants car il n’est pas question de déséquilibrer les règles du jeu entre petits et gros acteurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Maxime Minot
On n’a rien compris !
Mme la présidente
La parole est à Mme Lisa Belluco.
Mme Lisa Belluco
Trois Français sur quatre rejettent les OGM dans leur ensemble. À tous ceux-là, je dirai que la seule et meilleure occasion de refuser les nouveaux OGM, c’est d’aller voter le 9 juin prochain aux élections européennes pour les candidats qui les rejettent vraiment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – Sourires sur divers bancs. – M. Laurent Jacobelli s’esclaffe.)
Quart d’heure de lecture national
Mme la présidente
La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier
Hier, mardi 12 mars, a eu lieu la troisième édition du Quart d’heure de lecture national. À 10 heures le 10 mars, depuis 2018, élèves et personnels des établissements scolaires sont invités à interrompre leur activité durant un quart d’heure pour laisser place à la lecture d’ouvrages librement choisis. Ce moment de silence apprécié par tous produit de réels effets. Il suscite l’enthousiasme et renforce le sentiment d’appartenance au groupe.
Pour rappel, la dernière Pisa, pour enquête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, montre une baisse de dix-neuf points de la compréhension de l’écrit par nos élèves. Les institutions, mais aussi l’ensemble des entreprises, sont invitées à se joindre à ce moment partagé de pause collective et silencieuse : il permet de rappeler les vertus – ô combien bénéfiques et nombreuses – de la lecture.
L’exhaustivité est impossible en la matière, mais lire développe l’imagination, multiplie les réseaux neuronaux, facilite la concentration, apaise et accompagne la vie de rencontres aussi surprenantes qu’enrichissantes. Parmi ceux qui se laissent emporter dans l’univers des livres, certains emprunteront le chemin d’une réussite non définie à l’avance, ou seront sauvés du désespoir grâce à leur seule compagnie. Missak Manouchian, récemment honoré au Panthéon, ne parlait-il pas des livres comme de « ses plus grands et plus sincères amis » ?
Cette année, le 10 mars était un dimanche ; le quart d’heure de lecture a eu lieu un mardi ; mais la lecture, ce doit être au quotidien. C’est pourquoi, en tant que présidente du groupe d’étude sur l’économie du livre et du papier, je souhaitais vous interroger, madame la ministre de la culture : comment votre ministère soutient-il cette opération, et quel est son bilan ? Plus globalement, quels sont les dispositifs destinés à ce que, en cette année olympique, la lecture devienne un sport national quotidien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes RE, HOR et LR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Je vous remercie pour cette question. Je connais votre engagement, notamment au service de la promotion de la lecture comme facteur de réduction des inégalités. La lecture-loisir des enfants décline fortement au-delà de 12 ans, après l’entrée au collège, en particulier chez les garçons : chez les 13-15 ans, 68 % des garçons lisent, contre 81 % des filles. C’est un facteur d’inégalités. Les jeunes consacrent moins de temps à la lecture qu’aux écrans, évidemment.
La lecture, c’est un apprentissage. C’est aussi une gymnastique de l’esprit. Il y a, dans ce domaine, une inégalité profonde selon les milieux sociaux, entre les parents qui aiment la lecture ou lisent une histoire à leurs enfants le soir, et ceux des parents qui n’ont pas le temps de lire, ou pas de livres à la maison.
M. Laurent Jacobelli
Elle fait son quart d’heure en lisant sa fiche !
Mme Rachida Dati, ministre
Un quart d’heure, c’est toujours mieux que rien, monsieur le député ! (Sourires.)
Il est donc important que l’école soit le lieu où l’on valorise la lecture, en particulier les moments de partage qui lui sont associés. Ces temps de lecture partagés fonctionnent très bien. C’est surtout important pour les garçons puisque les filles lisent plus – les statistiques d’achats le montrent. Le Quart d’heure de lecture national favorise tous types de lecture, notamment le livre. Un tel dispositif correspond à l’idée que nous nous faisons, avec ma collègue Nicole Belloubet, de la lecture pour chacun : à chacun son livre. Cela n’est toutefois pas seulement valable pour les jeunes. Les sociétés où l’on ne lit pas sont des sociétés qui n’existent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier
J’en profiterai pour rappeler que, comme la littérature, nos écrivains doivent être incessamment mis à l’honneur. Alors que nous constatons une crise sans précédent des vocations de professeurs de lettres dans nos circonscriptions – vingt professeurs de lettres manquent en Pays de la Loire, sept en Mayenne –,…
Mme Emmanuelle Anthoine
Et dans la Drôme !
Mme Géraldine Bannier
…notre langue ne peut se passer d’ambassadeurs.
M. Pierre Cordier
Ni de romans !
Crise de l’agriculture
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier.
M. Pierre Morel-À-L’Huissier
Madame la ministre déléguée à l’agriculture et à la souveraineté alimentaire, le 14 février, j’ai interrogé M. Marc Fesneau sur la crise agricole. Ma question, je le sais, l’a quelque peu agacé, mais sa réponse n’a pas été satisfaisante.
M. Ian Boucard
Comme souvent !
M. Pierre Morel-À-L’Huissier
Je réitère donc ma question, car je suis tenace.
Malgré les diverses annonces faites par le Président de la République et le Premier ministre depuis le mois de janvier, nos agriculteurs attendent toujours des actions concrètes et immédiates. Jour après jour, tous mes interlocuteurs me font part, ainsi qu’à nombre de mes collègues – élus de l’Aveyron, de la Haute-Loire et du Cantal –, de leur exaspération. (M. Bertrand Pancher applaudit.)
Quand le Président de la République est obligé de réunir plus de 700 hauts fonctionnaires pour les supplier de proposer des normes simplifiées, c’est bien que la France va mal.
Quand j’apprends que la loi d’orientation agricole reconnaîtra l’agriculture comme un secteur d’intérêt général majeur de la nation française, je me demande s’il faut en arriver là pour sauver notre agriculture.
Quand vous confiez, comme vous l’avez fait récemment, une nouvelle mission temporaire à des députés de la majorité en vue de présenter une énième loi Egalim – pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire –, vous avouez vous-même que les deux précédentes n’ont servi à rien.
Pourtant, les revendications ne datent pas d’aujourd’hui. Nos agriculteurs veulent une véritable rémunération et du respect, moins de charges et de normes, des échanges internationaux justes et la réciprocité des normes, l’exonération de charges sur la main-d’œuvre, un choc de simplification, l’amélioration des retraites agricoles,…
M. Jean-Pierre Vigier
Eh oui !
M. Pierre Morel-À-L’Huissier
…des mesures de lutte contre la prédation, notamment du loup, l’allégement des contrôles et le désarmement des agents de l’Office français de la biodiversité – dans quel monde vit-on ?
Qu’avez-vous à me répondre, trois semaines après un Salon de l’agriculture au cours duquel le Gouvernement a été grandement bousculé ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée à l’agriculture et à la souveraineté alimentaire.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’agriculture et à la souveraineté alimentaire
Avant toute chose, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Marc Fesneau, qui est retenu,…
M. Maxime Minot
Où est-il ? C’est ici qu’il devrait être !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
…vous le savez, par un déplacement sur le terrain. Avec le Premier ministre,…
M. Ian Boucard et M. Laurent Jacobelli
Le Premier ministre est là, lui !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
…le Président de la République et moi-même, il est engagé dans la recherche de solutions directes, concrètes, pour les agriculteurs.
Derrière la colère légitime qu’expriment ces derniers, il y a leur inquiétude face au dérèglement climatique, leur passion pour leur métier, leur volonté de garantir un avenir à leur famille et de transmettre leur exploitation dans les meilleures conditions. Cette crise résonne bien au-delà de la France et de l’Europe ; elle est mondiale.
Contrairement à ce que vous affirmez, le Gouvernement a agi fort et vite ; il a apporté des réponses urgentes.
M. Maxime Minot
Tout va bien, alors !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Près de 80 % des 62 engagements pris le Premier ministre ont été tenus ou sont sur le point de l’être. Les décisions sont prises, les textes publiés, les aides versées. Nous avançons vite, car il y a urgence.
Que ce soit au titre de l’aide à la viticulture, de l’indemnisation des éleveurs dont les troupeaux sont touchés par la maladie hémorragique épizootique ou de l’aide apportée aux victimes de la tempête Ciaran, 22 millions d’euros ont été versés à plus de 4 000 exploitations. Un plan de soutien à la trésorerie des petites exploitations est déployé depuis deux semaines. Des permanences physiques sont assurées dans les sous-préfectures avec l’ensemble des services de l’État pour résoudre directement les problèmes des agriculteurs. Plusieurs dizaines de milliers d’exploitations ont d’ores et déjà reçu l’avance de trésorerie liée au gazole non routier.
Pourquoi ne pas faire connaître ces mesures pour qu’un plus grand nombre d’agriculteurs de votre territoire en bénéficient ? Le Gouvernement est au travail pour s’attaquer aux problèmes qui suscitent leur inquiétude.
M. Ian Boucard
C’est dommage : il y a deux ministres de l’agriculture, et les mesures prises ne servent à rien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
S’agissant des produits phytosanitaires, pas plus tard qu’hier, une directive a été publiée pour faciliter la prolongation du certificat écophyto. En matière de simplification administrative, on dénombre pas moins de 63 arrêtés préfectoraux,…
M. Ian Boucard
La technocratie en marche !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
…plusieurs décrets et un texte législatif – vous n’auriez pas apprécié que nous fassions le travail à votre place.
Mme la présidente
Merci, madame la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Nous agissons, nous prenons des mesures concrètes. Merci de les relayer ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Maxime Minot
Vous êtes vraiment catastrophique !
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier.
M. Pierre Morel-À-L’Huissier
Je suis élu depuis vingt-deux ans. Si je vous dis que ça ne va pas, c’est que ça ne va pas. Il est temps que vous bougiez pour l’agriculture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, sur plusieurs bancs du groupe LR et quelques bancs du groupe SOC.)
M. Maxime Minot
Eh oui, ce n’est pas comme cela que ça ira mieux !
Situation économique et sociale
Mme la présidente
La parole est à Mme Isabelle Périgault.
Mme Isabelle Périgault
Monsieur le Premier ministre, les Français vont mal, et ce n’est pas moi qui le dis : un salarié sur deux se déclare en détresse psychologique et Santé publique France indique que les jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans sont les plus touchés par les idées suicidaires et les tentatives de suicide.
Notre système de santé va mal : 60 000 postes d’infirmiers demeurent vacants.
Notre école va mal : dans certains quartiers, nos professeurs vont enseigner la peur au ventre. Quant à l’orientation de nos jeunes, elle reste encore une cause d’angoisse pour les familles.
Nos agriculteurs sont encore en colère : ils attendent des actes qui tardent à venir.
Les Français ont peur. Peur de la guerre, quand le Président de la République annonce un probable renfort terrestre en Ukraine.
M. Maxime Minot
Eh oui ! Il est fou !
Mme Isabelle Périgault
À cela s’ajoute l’angoisse de la fin du mois. Parce que j’ai les pieds sur terre et que je vis dans la vraie vie,…
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire
Nous aussi !
Mme Isabelle Périgault
…je peux vous dire que, ce matin encore, le litre d’essence coûtait près de 2 euros.
La France va mal ; elle compte sur nous. Arrêtez donc d’utiliser la politique du sparadrap ! Il faut agir, pour redonner espoir à nos millions de concitoyens qui croient en notre pays et ne peuvent se résoudre à le voir décliner. Quand passerez-vous de la parole aux actes ? Malgré vos engagements, depuis sept ans, aucune réforme d’ampleur n’a été engagée concernant la santé, l’éducation, le travail, le logement, la famille ou les institutions.
Le général de Gaulle disait qu’il n’imaginait pas la France sans la grandeur. Nous non plus !
Ma question est simple. Quand comptez-vous mettre en œuvre les réformes structurelles profondes dont nous avons besoin pour que la France retrouve son rang de première puissance dans le concert des nations et que notre pays redonne à chaque Français sa dignité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Thibault Bazin
Excellent !
M. Ian Boucard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement
Vous avez tout à fait raison : nous devons continuer de nous mobiliser pour relever les défis qui nous font face – c’est d’ailleurs pour cela que vous siégez au sein de cette belle institution. Nous devons également rassurer les Françaises et les Français qui nous regardent et nous écoutent quant à notre capacité collective de continuer à agir pour eux, dans le respect des nuances qui nous distinguent, nuances qui doivent nourrir l’action politique et non de vaines polémiques.
M. Thibault Bazin
Il faut des actes !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Comparons la situation qui prévalait en 2017 et l’état de notre pays aujourd’hui.
M. Maxime Minot
Parlons-en, oui !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Vous avez cité un certain nombre d’enjeux. En matière de sécurité, nous avons investi massivement en recrutant plus de 10 000 personnels des forces de l’ordre. (M. Sébastien Delogu s’exclame.) Nous avons également décidé d’augmenter le budget de la justice de 60 % entre 2017 et 2027. Sur le plan économique, la France est, depuis la quatrième année consécutive, le pays le plus attractif d’Europe.
M. Laurent Jacobelli
Et le plus endetté du monde !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Deux millions d’emplois ont été créés et 300 entreprises industrielles se sont implantées partout sur le territoire, et certainement près de chez vous.
Par ailleurs, nous avons fait adopter des lois pour défendre les principes et les valeurs de notre République et pour renforcer les moyens du renseignement territorial.
Le Gouvernement agit avec la représentation nationale. En ce qui concerne les familles, que vous avez évoquées, nous avons pu avancer sur le versement des pensions alimentaires – c’était une demande, nous y avons répondu –…
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
…et sur la question des familles monoparentales. Le Premier ministre lui-même l’a dit récemment,…
M. Nicolas Sansu
C’est vrai, quel grand homme !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
…il nous faut encore progresser dans ce domaine, notamment s’agissant de la situation des femmes. Le Gouvernement a donc confié une mission parlementaire sur cette question à votre collègue Fanta Berete et au sénateur Xavier Iacovelli.
Nous devons avancer, et je suis certaine que nous y parviendrons ensemble, loin des polémiques vaines, en faisant de la politique concrète. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
Politique du logement
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Plassard.
M. Christophe Plassard
Monsieur le ministre du logement, les Français ont de plus en plus de mal à se loger. Qu’il s’agisse du marché de l’acquisition ou de celui du locatif, nous connaissons une véritable crise du logement. Dans ma circonscription de la Charente-Maritime, j’ai été alerté par de nombreux professionnels : du maçon au diagnostiqueur, de l’agent immobilier au notaire.
De fait, le marché locatif souffre d’une raréfaction des biens, en raison de la dégradation des diagnostics de performance énergétique, dont la fiabilité des critères de notation peut être améliorée. Quant à l’accession à la propriété, elle n’a jamais été aussi complexe, du fait de prix de l’immobilier qui demeurent élevés et de taux d’intérêt qui ont été multipliés par quatre en quelques mois et qui resteront élevés, selon la BCE, la Banque centrale européenne.
Dans le même temps, le marché de la construction et de la rénovation a, lui aussi, fortement ralenti, en raison notamment de la hausse des prix des matières premières, alors que les marges des grands acteurs de la fourniture de ces matériaux n’ont jamais été aussi élevées. À cela s’ajoute le renchérissement du foncier sous la pression de la demande et sous l’effet de la contraction de l’offre. Enfin, refoulés de l’accession à la propriété, les ex-acheteurs primo-accédants viennent gonfler les rangs des demandeurs de logements sociaux.
Toutes ces difficultés surviennent en même temps que la fin du prêt à taux zéro et du dispositif Pinel. En un an, en Charente-Maritime, les déclarations d’ouverture de chantier ont chuté de près de 20 %.
Le constat est partagé par tous. Mais nous savons aussi qu’en raison de l’inertie du secteur de la construction, la reprise ne sera visible que deux à trois ans après le retournement du marché.
Par ailleurs, je suis engagé, avec Annaïg Le Meur, Julien Bayou, Inaki Echaniz et Max Brisson, dans une démarche transpartisane dont l’objectif est de réguler le logement saisonnier et de traiter une partie de l’éviction de l’offre. En effet, sur l’île d’Oléron, par exemple, on dénombre près de 4 000 locations de courte durée, soit une augmentation de 17 % depuis 2022, dans une île qui compte 22 400 habitants.
Monsieur le ministre, vous avez pris vos fonctions il y a un peu plus d’un mois. Le logement a besoin d’un choc d’offre et de simplification. Ma question est donc simple : quels sont vos priorités et vos axes de travail pour traiter cette crise, de manière que nous puissions de nouveau affirmer : quand le bâtiment va, tout va ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.
M. Pierre Cordier
Et du zéro artificialisation nette !
M. Ian Boucard
On l’attend de pied ferme !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement
Nous partageons avec le Premier ministre, Gabriel Attal, et le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, l’ambition de provoquer un choc d’offre et de déverrouiller le marché du logement afin d’alléger les contraintes qui pèsent au quotidien sur les projets immobiliers.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Dans ce combat, la simplification sera notre fer de lance. Nous avons commencé à le mener en désignant 22 territoires engagés pour le logement. Concrètement, il s’agit de simplifier les normes…
M. Thibault Bazin
Cela ne suffit pas !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
…afin de faciliter la construction et d’équilibrer des opérations qui, sans notre action, ne seraient jamais sorties de terre. L’objectif est de créer, dans ces 22 territoires, 30 000 logements dans les deux années à venir – nous faisons le maximum pour aller le plus vite possible.
M. Inaki Echaniz
Trente mille, ce n’est pas beaucoup !
M. Thibault Bazin
Il en faut 1 million !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Mais nous allons encore plus loin. Hier, au Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim), j’ai annoncé cinq chantiers prioritaires et dix premières mesures de simplification pour accélérer la construction de logements. Nous allons moderniser les procédures d’aménagement, accélérer la numérisation des autorisations d’urbanisme, sécuriser les porteurs de projet le plus en amont possible, simplifier le traitement des contestations de projet et raccourcir le délai des procédures de recours, afin d’économiser jusqu’à 10 % du coût du portage foncier.
Le Gouvernement sera aux côtés de ceux qui produisent, qui bâtissent et qui contribuent donc au dynamisme du territoire.
S’agissant des meublés de tourisme, je partage bien évidemment votre préoccupation. Que ce soit sur l’île d’Oléron, en Charente-Maritime, ou dans d’autres territoires, de nombreux logements se transforment en meublés de tourisme, accentuant l’attrition de l’offre de logements pour les Français.
M. Inaki Echaniz
Tout à fait !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Nous devons rééquilibrer les règles en matière de fiscalité et de rénovation et donner des outils de régulation aux communes. C’est l’objet de la proposition de loi transpartisane que vous avez citée et de la mission confiée par Mme Élisabeth Borne lorsqu’elle était Première ministre à Anaïg Le Meur et à Marina Ferrari, chargées de proposer des mesures de nature à inciter à investir dans l’offre locative.
De l’offre, de l’offre et encore de l’offre : telle est la feuille de route…
M. Thibault Bazin
Des financements, des financements, des financements !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
…que je m’attache à appliquer à vos côtés, mesdames, messieurs les députés ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Gabriel Attal, Premier ministre
Bravo !
Immigration et insécurité dans les Alpes-Maritimes
Mme la présidente
La parole est à M. Bryan Masson.
M. Bryan Masson
Monsieur le ministre de l’intérieur, j’ai une pensée pour nos forces de l’ordre et nos militaires mobilisés à la frontière franco-italienne : leur travail a permis d’intercepter 33 000 clandestins durant l’année 2023. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Les clandestins passent la frontière par milliers. Or à la suite à une décision du Conseil d’État, il sera désormais impossible de les refouler. Ce verrou juridique supplémentaire complique encore la maîtrise de l’immigration.
Vous le savez, les chiffres de la délinquance ont été dévoilés.
Mme Elsa Faucillon
Quel est le rapport ?
M. Bryan Masson
Sans surprise, ils explosent. J’ai donc demandé au préfet des Alpes-Maritimes quelle est la part des étrangers parmi les auteurs de délits. Les chiffres sont sans appel : à Nice, 54 % de la délinquance de voie publique est le fait d’étrangers.
M. Léo Walter
Raciste !
M. Bryan Masson
Ceux-ci sont responsables des trois quarts du trafic de drogue dans le seul quartier des Moulins, de 66 % des vols avec violence et de 83 % des vols à la tire. Ces chiffres ahurissants n’étonnent plus personne mais inquiètent grandement les Français.
Mme Elsa Faucillon
Surtout quand on les mélange tous !
M. Bryan Masson
Pourtant, en novembre 2022, vous déclariez qu’il n’existe aucun lien entre immigration et délinquance. Cette déclaration démontre au mieux votre incompétence,…
Mme Elsa Faucillon
La vôtre est crasse !
M. Bryan Masson
…au pire votre aveuglement. Votre semblant de fermeté ne trompera personne. Votre bilan parle de lui-même : il est affligeant !
Les Alpes-Maritimes sont confrontées à un double phénomène qui ne fait que s’accroître : une immigration incontrôlée et une explosion de l’insécurité. Oui, monsieur le ministre, force est de constater qu’immigration et délinquance sont inséparables. Ceux qui viennent dans notre pays enfreindre la loi ne font qu’alourdir les dépenses publiques, remplir les cellules de nos prisons et pourrir le quotidien des Français ! (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Ma question est simple : quand comptez-vous agir dans l’intérêt des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Plusieurs députés du groupe RN
Incroyable !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Voici quelques chiffres, en complément de ceux que vous avez demandés à M. le préfet, afin de préciser la situation dans votre département : en moyenne, 39 % des mis en cause, à l’origine de faits de délinquance sur la voie publique, sont des étrangers.
M. Ian Boucard
C’est énorme !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Nous partageons donc votre constat. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR. – M. Laurent Jacobelli applaudit.)
Mme Sophie Taillé-Polian
Vous partagez ce constat raciste ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Pour répondre à cette immigration irrégulière, une « force frontière » a été instaurée, le 1er juin 2023 – vous l’avez saluée, et je la salue à mon tour, au nom du ministre de l’intérieur et du Gouvernement. Elle comprend quatre unités pérennisées de forces mobiles, et jusqu’à 200 effectifs mobilisés par jour, tous services confondus – police nationale, gendarmerie nationale, douane, forces de l’opération Sentinelle, réservistes.
Quels sont les résultats ? Une hausse des interpellations – avec plus de 40 000 interpellations supplémentaires –, un taux de retour à la frontière de plus de 80 %, 475 passeurs interpellés, 16 filières démantelées, et l’éloignement des étrangers délinquants : 215 des 337 éloignements effectués en 2023 concernaient des délinquants, soit 64 %.
Mme Elsa Faucillon
Ce n’est sûrement pas la bonne fiche, madame la ministre !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Dès lors, monsieur le député, cessez d’alimenter la haine (« Ah ! » et vives exclamations sur les bancs du groupe RN), et ouvrez les yeux sur les solutions que le ministre de l’intérieur, sous l’autorité du Premier ministre, met en œuvre, jour après jour.
M. Alexandre Sabatou
Regardez les chiffres !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Ouvrez les yeux sur les résultats que ces actions permettent d’obtenir – elles sont porteuses d’espoir ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Ian Boucard
Il faut l’applaudir là !
Mme la présidente
La parole est à M. Bryan Masson.
M. Bryan Masson
Madame la ministre, chers membres du Gouvernement, je vous savais incompétents, je vous sais désormais incompétents et ringards !
M. Ian Boucard
Ce n’est pas gentil, ça !
M. Bryan Masson
Ringards, parce que vous répétez toujours la même rengaine ! Pendant ce temps, les chiffres explosent, et notre région est particulièrement touchée : 67 % des étrangers y sont responsables de faits de délinquance… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je vois que lorsque je vous demande d’ouvrir les yeux…
M. Michel Guiniot
Vous, ouvrez les yeux !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
…et d’observer les résultats, plutôt que de cultiver la haine, vous nous taxez d’incompétence (« Oui ! » sur quelques bancs du groupe RN). Je vois à quel point vous ne travaillez pas. (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Philippe Ballard
C’est une honte !
M. Bryan Masson
Où est le ministre de l’intérieur ?
M. Maxime Minot
Qui êtes-vous pour dire que nous ne travaillons pas ?
M. Laurent Jacobelli
En plus d’être incompétente, elle est drôle !
Mme Caroline Parmentier
Cela va se payer tout ça !
Prescription trentenaire dans les outre-mer
Mme la présidente
La parole est à M. Jiovanny William.
M. Jiovanny William
Monsieur le garde des sceaux, j’appelle votre attention sur la nécessité de renforcer les enquêtes judiciaires et la législation concernant les prescriptions trentenaires litigieuses. Dans notre quête de justice et d’équité, il est impératif de comprendre que le droit de propriété, soumis à la prescription, peut parfois être à l’origine de drames humains, de spoliations de terres et d’oppressions.
Si la prescription trentenaire permet à des familles de régulariser leur situation, elle est aussi dévoyée par des porteurs de projet peu scrupuleux, en particulier dans les outre-mer. Je comprends la colère de mes compatriotes, mais je les exhorte au calme et au travail collectif.
Il s’agit de montages que l’on peut qualifier de pyramides de Ponzi. La méthode en est simple : un terrain acquis par une prescription litigieuse peut être vendu, puis revendu, et revendu à nouveau, durant le délai de contestation de cette même prescription. Ainsi, le véritable propriétaire et l’acquéreur final se trouvent lésés. Encore aujourd’hui, des héritiers peuvent perdre leur droit de propriété, du fait de négligences ou d’actions frauduleuses, sur fond de décisions de justice favorables mais matériellement inexécutoires.
Alors, que faire ? Certaines propositions sont sur la table, et nous devons avancer. Chaque effort compte, chaque geste permet d’aller vers plus d’équité et de confiance dans notre justice. Cette question est en réalité une interpellation, et une requête visant au rétablissement de la dignité de nos compatriotes et de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Un député du groupe LR
Et de la quenelle !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Nous avons déjà, à quelques reprises, évoqué cette question difficile, épineuse, et qui crée, en Martinique – mais pas seulement –, de vraies difficultés pour les familles. C’est un sujet technique que la question foncière en Martinique, mais il ne doit pas masquer les réalités humaines et familiales douloureuses qu’ont à connaître certains de nos compatriotes martiniquais. Je suis bien placé pour le savoir : les tribunaux sont saisis de procédures souvent très complexes à dénouer, ce qui allonge encore davantage les délais de résolution.
Cependant, le Gouvernement n’est pas inactif face à cette question. Comme vous le savez, à l’issue du comité interministériel des outre-mer (Ciom) qui s’est tenu en juillet dernier, il a été décidé d’aborder de front le sujet de la facilitation des sorties d’indivision. L’une des questions soulevées est celle de la prescription trentenaire, qui met en jeu le respect de la propriété privée, protégée par la Constitution. Des dispositions, qui permettent de réelles avancées, ont été intégrées au projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, soutenues par le ministre Guillaume Kasbarian, avec l’aide des rapporteurs Lionel Royer-Perreaut et Guillaume Vuilletet, que je veux saluer. Nous aurons certainement à discuter d’autres avancées.
Vous le savez, la porte de mon ministère vous est ouverte. Par ailleurs, la commission mixte paritaire chargée d’examiner le texte relatif à l’habitat dégradé susmentionné se tiendra demain. Il semble important que ses premiers acquis soient consolidés. La vigilance du Gouvernement – je veux vous rassurer pleinement – est forte et nous partageons le souhait de faire aboutir des textes qui changent, dans la durée, la vie des Français, partout sur le territoire national. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Inflation et inégalités fiscales
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet
Monsieur le Premier ministre, les Français souffrent. Alors que l’inflation explose dans tous les domaines de la vie quotidienne, les Français n’en peuvent plus. Voici ce que j’entends tous les jours : la colère légitime des agriculteurs du Comminges et du Savès, exprimée ces dernières semaines ; la fatigue des soignants, des professeurs, des forces de l’ordre ; la lassitude des salariés du privé, des artisans et des indépendants.
Les députés socialistes…
M. Ian Boucard
C’est quoi, les socialistes ?
M. Joël Aviragnet
…ont essayé de leur être utiles, concrètement, en faisant voter en deux semaines sept lois (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC) qui visent à réduire leur facture d’électricité, à diminuer les frais bancaires sur les successions, à combattre les violences intrafamiliales.
Cependant, il revient au Gouvernement de trouver des solutions aux problèmes quotidiens de nos concitoyens, qui se plaignent de vivre de moins en moins bien, et ne s’en sortent plus. Pourtant, alors que nos services publics se dégradent, vous orchestrez 10 milliards d’euros d’économie sur leur dos.
Mais que lit-on dans la presse ? Que les quarante milliardaires Français ont vu leur fortune bondir de 64 % en trois ans ;…
M. Guillaume Garot
Et voilà !
M. Joël Aviragnet
…que, pour la seconde année consécutive, le CAC40 a explosé tous ses records de profits et de dividendes. Et que voit-on dans la rue ? Un nombre croissant de nos concitoyens en détresse : 3 000 enfants dorment dans la rue, et les travailleurs pauvres sont toujours plus nombreux. Cette misère est brutale.
Pourtant, un autre chemin est possible. Pourquoi le Gouvernement s’entête-t-il à refuser que les plus riches paient leur juste part ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Même les États-Unis demandent à leurs citoyens les plus fortunés de contribuer à l’effort collectif. Ayez du courage : taxez les superprofits !
Monsieur le Premier ministre, alors que la vie quotidienne de nos concitoyens devient invivable, entendez-vous revoir votre politique fiscale afin de la rendre plus juste et plus équitable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation.
M. Ian Boucard
Surtout du tourisme !
M. Laurent Jacobelli
Est-ce qu’elle va chanter ? Telle est la question !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation
Eh non !
Votre question contient beaucoup de choses.
M. Jérôme Guedj
De bonnes choses !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Je vous en laisse juge ! Beaucoup de choses avec lesquelles je ne serai pas d’accord. Néanmoins, nous partageons ce point : il nous reste du chemin à parcourir. Je commencerai par répondre à la fin de votre question, en vous rappelant que nous sommes, incontestablement, les champions du monde de la taxation des revenus, en particulier ceux des plus aisés. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme Sophie Taillé-Polian
Vous ne faites rien contre la fraude et l’optimisation fiscales !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Il y a des championnats du monde que l’on aimerait pouvoir poursuivre. Pour notre part, nous avons souhaité, depuis sept ans, à la fois soutenir les revenus des plus fragiles, et faire en sorte que les plus aisés contribuent fortement. Nous demeurons – pour votre plus grand plaisir, je crois – le pays où la taxation est la plus forte.
M. Ian Boucard
Bravo, les macronistes !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Il faut prêter attention aux effets délétères que cela a. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC. – M. Joël Aviragnet fait un geste de dénégation.) Vous avez toutefois énoncé des choses justes, et vous avez défendu des textes importants à l’occasion de la niche parlementaire du groupe Socialistes, à laquelle j’ai assisté la semaine dernière.
J’aimerais revenir sur ce que le Gouvernement a fait pour les plus fragiles d’entre nous, et reprendre les mots, prononcés ce matin même, par le gouverneur de la Banque de France – ce ne sont pas les miens, accordez-moi ce crédit : « Nous sommes en train de gagner la bataille contre l’inflation ». (Exclamations sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) La France est un pays où le taux d’inflation est en train de passer sous les 3 %, même pour l’alimentaire. (M. Benjamin Saint-Huile s’exclame.) Rappelez-vous, nous connaissions, il y a précisément un an, un taux d’inflation de 15 % dans l’agroalimentaire ; il est de 3,6 % au moment où je vous parle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Nous devons continuer à combattre l’inflation, à lutter contre le chômage, à créer des emplois. N’oublions pas – c’est l’avantage d’y travailler depuis sept ans – les 5 milliards d’euros que les entreprises, notamment les plus petites, ont versé à plus de 6 millions de salariés, grâce à la prime Macron, que les parlementaires de la majorité ont renouvelée.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
N’oublions pas non plus la revalorisation globale des minimas sociaux, ni les 14 milliards d’euros supplémentaires alloués aux retraités, afin de revaloriser les pensions de 80 euros par mois et de 960 euros par an. Ce chiffre parle de lui-même ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Maxime Minot
Et la hausse de la CSG ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Soutenir les plus fragiles, mettre à bas l’inflation, continuer à mener une politique fiscale équilibrée, voilà un programme qui tient la route ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Pierre Cordier
Le chrono ! Le chrono !
M. Maxime Minot
Dix-huit secondes de trop !
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet
Vous avez peut-être pris des mesures en faveur du pouvoir d’achat, mais si peu en comparaison de ce que vous avez donné aux plus riches ! Le chômage a peut-être baissé, mais les chômeurs sont devenus des travailleurs pauvres,…
M. Boris Vallaud
Exactement !
M. Joël Aviragnet
…des précaires…
Mme Anna Pic
Eh oui !
M. Joël Aviragnet
…qui allongent la file des Restos du cœur. Pendant ce temps, les quarante milliardaires gagnent 64 % de plus… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
MaPrimeRénov’
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Brulebois.
Mme Danielle Brulebois
Ma question s’adresse à monsieur le ministre chargé du logement. MaPrimeRénov’, la principale aide à la rénovation énergétique des bâtiments, que nous avons créée en 2020, est un véritable succès, avec 2 millions de logements rénovés. Cependant, à maintes reprises, j’ai alerté le Gouvernement sur les difficultés importantes que rencontrent ceux qui sollicitent cette aide, pour constituer leur dossier et obtenir la prime.
Ce problème s’est amplifié. Depuis janvier, MaPrimeRénov’ est réservée aux propriétaires qui procèdent à une rénovation d’ampleur – incluant plusieurs types de travaux –, et elle est conditionnée au changement du mode de chauffage. Conditionner une aide pour l’isolation du logement à l’installation préalable d’un chauffage décarboné – et plus particulièrement d’une pompe à chaleur – pose problème.
M. Ian Boucard
Elle a raison !
M. Thibault Bazin
Pour une fois !
Mme Danielle Brulebois
En effet, de nombreux logements, en zone rurale, sont dans l’impossibilité d’installer une pompe à chaleur. Par ailleurs, cette mesure obligerait au remplacement de toutes les chaudières, y compris celles installées depuis moins de quinze ans, afin d’obtenir des aides pour isoler la toiture ou les murs. Se pose également le problème du reste à charge beaucoup trop important pour la plupart des ménages.
Ces exigences ont découragé de nombreux candidats à la rénovation, d’autant que les travaux doivent être réalisés par des artisans certifiés RGE – reconnus garants de l’environnement –, et qu’il faut fournir un diagnostic de performance énergétique (DPE), avant la réalisation des travaux monogestes. (M. Sébastien Delogu s’exclame.) Pourtant, mieux vaut un monogeste que pas de rénovation du tout ! Quand on habite une ancienne bâtisse dans le Jura, changer les portes et les fenêtres qui ne sont plus étanches constitue déjà un gain majeur d’énergie et de confort.
Monsieur le ministre, nos artisans et nos PME ont besoin de simplification et de soutien, et nous, nous avons besoin d’eux. Vous avez reçu, la semaine dernière, leurs fédérations et leurs représentants. Pouvez-vous détailler les décrets que vous comptez prendre rapidement pour les satisfaire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.
M. Maxime Minot
Et de l’isolation !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement
Madame Brulebois, vos alertes ont bien été entendues. (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NUPES et LR.)
M. Maxime Minot
Nous voilà rassurés !
M. Laurent Jacobelli
C’est Stone et Charden !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Depuis le 16 février, aux côtés de Christophe Béchu, nous avons travaillé de concert avec les artisans, la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), pour simplifier le dispositif de MaPrimeRénov’. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.) Vendredi dernier, nous avons pris trois décisions…
M. Léo Walter
Quelle coïncidence !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
…qui ont été – vous l’avez vu – saluées par le secteur. Il est parfois compliqué, pour les travaux de rénovation globale, de trouver un accompagnateur France°Rénov’ – il n’y en a pas assez sur notre territoire.
Mme Véronique Louwagie
Ils sont quasiment inexistants !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Nous avons donc pris la première décision d’homologuer très rapidement, dans les semaines qui viennent, 600 structures d’accompagnateurs supplémentaires (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES). Nous allons vérifier, chaque semaine, qu’ils arrivent bien sur le terrain. Chacune de ces structures dispose, en moyenne, de six à sept accompagnateurs ; ainsi, des milliers d’entre eux seront déployés dans le pays, pour faciliter les travaux de rénovation globale.
M. Pierre Cordier
Combien dans le Jura ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Notre deuxième décision porte sur les gestes simples de rénovation. Vous l’avez dit, mieux vaut rénover quelque chose que ne rien rénover du tout. L’idéal demeure une rénovation globale, mais il faut tout de même permettre la réalisation de gestes simples et efficaces de rénovation, raison pour laquelle nous en avons rouvert le financement à titre exceptionnel. Ainsi, même si vous ne disposez pas encore de votre DPE et même si vous résidez dans une maison classée F ou G, vous aurez jusqu’à la fin de l’année pour déposer des devis sur les sites de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et de MaPrimeRénov’, afin de bénéficier d’un financement. (M. Sébastien Delogu s’exclame.)
Mme Véronique Louwagie
À quand les décrets ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Dernier élément, nous allons autoriser l’octroi du label RGE par la validation des acquis de l’expérience, doubler la durée de validité de cette qualification et homogénéiser les contrôles.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
De cette manière, nous répondrons aux attentes des artisans qui regrettaient qu’il soit compliqué d’obtenir ce label.
Mme Marie-Christine Dalloz
Les décrets !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Plus largement, les trois décisions importantes que j’ai énumérées permettront à un maximum de personnes de rénover leur logement grâce au dispositif MaPrimeRénov’, comme 2 millions de Français – je le rappelle – l’ont déjà fait. Nous avons le budget pour cela : rénovons et continuons de rénover ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)
M. Sylvain Carrière
Mme Brulebois est rassurée ! (Sourires.)
M. Ian Boucard
Et les décrets ?
Intempéries dans le Gard
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Sala.
M. Michel Sala
Cette question s’adresse à M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Alors que le bilan s’alourdit, que sept personnes sont décédées et qu’un jeune garçon de 12 ans est toujours porté disparu, je souhaite m’associer à l’hommage rendu hier par mon collègue Patrick Vignal et exprimer ma profonde tristesse ainsi que ma compassion aux victimes et aux familles des victimes des graves intempéries qui ont touché plusieurs départements, parmi lesquels le Gard, dans la nuit de samedi à dimanche. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)
Je tiens également à réaffirmer notre gratitude pour le travail des forces de secours, encore mobilisées, et à avoir une pensée pour nos maires, qui sont toujours les premiers sur le front lorsque des événements dramatiques comme ceux de ce week-end se produisent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Rémy Rebeyrotte applaudit également.)
Nous savons que ces catastrophes naturelles vont malheureusement s’accentuer et, très probablement, se multiplier dans les prochaines années en raison du changement climatique. Pour donner un ordre d’idée, dans le Gard, la Cèze est montée à plus de neuf mètres : du jamais-vu depuis 1976 !
En 2020 déjà, un document du Cerema, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, faisait état de la dangerosité des zones concernées par les intempéries de samedi dernier et indiquait les mesures à prendre. Cela pose la question de l’ampleur des moyens alloués à la prévention des phénomènes climatiques, mais aussi, et surtout, de l’intégration d’une culture du risque dans les politiques de sécurité publique, afin que la population soit suffisamment informée sur les gestes qui sauvent. C’est un enjeu national, sachant que, d’après un sondage Ifop d’avril 2023, 42 % des Français vivant en métropole estiment manquer d’informations sur les bons comportements et les consignes à suivre.
L’orientation du Gouvernement me laisse donc perplexe. Hier, M. Béchu – dont je me réjouis du déplacement dans le Gard aujourd’hui – évoquait le nouveau plan d’adaptation national au changement climatique qui doit être présenté cet été. Pourriez-vous donc nous expliquer, ainsi qu’aux 18,5 millions de Français exposés au risque d’inondation, pourquoi vous avez décidé de baisser de 500 millions d’euros les crédits du fonds Vert, justement destiné à financer les projets d’adaptation du territoire au changement climatique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
L’ensemble du Gouvernement et moi-même tenons, à notre tour, à adresser nos pensées les plus chaleureuses aux victimes des inondations, ainsi qu’à leurs familles et à leurs proches. Christophe Béchu a rendu pareil hommage hier : comme vous l’avez indiqué, il se trouve actuellement dans le Gard, à la demande du Premier ministre. Nous sommes tous solidaires.
L’épisode qui, ce week-end, a touché les Cévennes, et particulièrement le département du Gard, a provoqué jusqu’à 250 millimètres de pluie. Ce phénomène, qui survient habituellement à l’automne, illustre pleinement le changement climatique et la nécessité de nous adapter que vous appelez de vos vœux : nous en sommes conscients, nous sommes lucides, nous y travaillons.
Mme Clémence Guetté
Pourquoi avez-vous voté contre la création de la commission d’enquête demandée par Jean-Philippe Nilor ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Il faut nous adapter à ces phénomènes de plus en plus violents et qui se produisent désormais, nous le savons, à des périodes tout autres que précédemment. À cet égard, je tiens à souligner la qualité des prévisions – vous avez vous-même parlé de l’importance de l’anticipation –, des dispositifs de vigilance de Météo-France et du service Vigicrues. Grâce à eux, les territoires concernés ont été placés en vigilance orange pluie-inondation dès le vendredi 8 mars.
Les décès que nous avons connus sont des drames terribles. Gérald Darmanin et moi-même tenons à remercier les 110 sapeurs-pompiers,…
Mme Sophia Chikirou
Et les 500 millions ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
…les six plongeurs, les quatre équipes cynophiles et l’ensemble des agents qui restent mobilisés, très mobilisés même, pour retrouver l’enfant disparu. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Je rappelle également que le Gouvernement a décidé de lancer un projet d’extension à l’ensemble du territoire de la vigilance relative aux crues. Vous avez parlé de culture du risque et de l’ampleur de nos actions de prévention :…
M. Maxime Laisney
Et de l’austérité !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
…oui, nous sommes lucides sur l’absolue nécessité de travailler sur ces questions.
M. Sébastien Delogu
Répondez sur les 500 millions !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
La réalisation de ce projet ambitieux nécessitera de redéployer des moyens humains au sein du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme la présidente
Merci, madame la ministre.
Mme Sophia Chikirou
Vous jouez la montre !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Christophe Béchu et son ministère sont déjà au travail : c’est un enjeu majeur pour nous tous, mesdames et messieurs les députés. (Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre déléguée, dont le temps de parole est écoulé. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
3. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
Mme la présidente
En application de l’article 146-1 du règlement, l’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Mes chers collègues, je souhaite en votre nom la bienvenue à M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.
M. Fabien Di Filippo
Bienvenue !
Mme la présidente
Monsieur le premier président, chaque année la présentation de votre rapport annuel permet à notre assemblée de prendre un recul bienvenu sur la situation d’ensemble des finances publiques de notre pays et de bénéficier de l’expertise de la Cour sur des sujets spécifiques.
M. Fabien Di Filippo
Un moment très attendu !
Mme la présidente
Aux enseignements tirés de la crise sanitaire en 2022 a succédé l’analyse de la performance de notre organisation territoriale en 2023.
Si la remise de votre rapport suscite une attente certaine de la part des parlementaires, je tiens plus largement à saluer la qualité des travaux de la Cour des comptes. La rigueur de vos analyses irrigue le contrôle de l’action du Gouvernement que nous effectuons au quotidien. À cette coopération fructueuse s’ajoute votre mission annuelle de certification des comptes de l’Assemblée nationale. Si la Cour certifie systématiquement que nos comptes sont réguliers et sincères, ses recommandations contribuent à améliorer la transparence budgétaire que notre institution doit à nos concitoyens.
La parole est à M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.
M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes
Je vous remercie, madame la présidente, de ces mots de bienvenue et de l’accueil que vous avez réservé à la Cour, et que l’Assemblée lui réserve toujours. Ils traduisent la qualité des liens qui unissent nos deux institutions, et vous savez combien j’y suis attaché. C’est avec grand plaisir que je vous retrouve aujourd’hui, connaissant des parlementaires sur tous vos bancs.
Le rapport public annuel (RAP) 2024, que je m’apprête à vous présenter, est avant tout le fruit d’un travail collectif de toutes les chambres de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). Chacune des CRTC a participé à au moins un chapitre de ce rapport public annuel, ce qui est une première.
Je tiens à remercier chaleureusement le rapporteur général et ses équipes, les présidentes et présidents de chambre et tous ceux qui ont mené ce travail exigeant. La parution de notre rapport public constitue un rendez-vous annuel historique pour la Cour, qui existe elle-même depuis des siècles. Il s’agit d’un exercice important pour notre institution, auquel je suis très attaché.
Depuis 2022, le rapport prend la forme d’une publication thématique, centrée sur une problématique unique, au cœur de l’actualité. Non seulement cette thématisation confère au rapport une portée accrue, mais il s’agit également d’une contribution plus positive à un thème choisi collégialement. Cette évolution est inscrite depuis mars 2022 dans le code des juridictions financières, et je me réjouis qu’elle soit pérennisée.
L’édition 2024 du rapport annuel est consacrée à l’adaptation au changement climatique, et plus précisément à l’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique. Qu’est-ce que l’adaptation au changement climatique ? Il s’agit de l’ensemble des mesures qu’il faut et faudra prendre, aujourd’hui et dans les décennies à venir, pour continuer à vivre de façon supportable dans un climat qui aura profondément changé. Malgré l’importance des mesures prises pour l’atténuer, le changement climatique est inéluctable, et il risque de s’accélérer fortement sur le sol français. En France métropolitaine, les années 2022 et 2023 ont été les plus chaudes depuis 1850. Non seulement il faut s’adapter dès maintenant à l’évolution des températures, mais il faut aussi se préparer à une hausse plus brutale et plus rapide qu’attendue jusqu’à présent.
Nous avons choisi de nous pencher sur l’adaptation au changement climatique car cette thématique est au cœur des préoccupations de nos concitoyens – elle affecte directement leur quotidien. L’actualité tragique de ces dernières années et de ces derniers mois, des canicules répétées aux épisodes de sécheresse, des feux de forêts aux inondations et tempêtes, a installé la question au cœur de l’action publique et des attentes des citoyens.
M. Fabien Di Filippo
La réélection d’Emmanuel Macron aussi !
M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes
En outre, le thème de l’adaptation est profondément d’actualité. La publication du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) est annoncée pour l’été 2024. Sa rédaction s’inscrit dans un contexte renouvelé, avec une trajectoire de réchauffement envisagée qui s’élève à 4 degrés Celsius à la fin du siècle. Si, comme nous le croyons, ce scénario était retenu comme sous-jacent du Pnacc – et ce serait prudent car il vaut toujours mieux partir de prévisions pessimistes et découvrir de bonnes surprises, plutôt que l’inverse, en matière de changement climatique comme de finances publiques –, cela voudrait dire que les politiques requises pour nous adapter seraient considérables, à court, moyen et long termes.
L’adaptation pose de nombreux défis à l’action publique, qu’elle concerne au premier chef. Les horizons d’attente et de réalisation des politiques publiques d’adaptation sont divers. Ce n’est pas la même chose de s’adapter à des conséquences du changement climatique déjà matérialisées ou d’augmenter notre résilience à l’égard d’événements qui risquent d’advenir dans le futur. Les politiques d’adaptation sont aussi spécifiques à chaque territoire. Chaque région, chaque commune, jusqu’à la très petite échelle, devra s’adapter à l’évolution de son environnement. Le récent secrétariat général à la planification écologique joue un rôle de coordination au niveau national, mais l’adaptation affecte plus largement tous les acteurs publics et privés.
Le dernier défi, et pas des moindres, c’est l’absence d’un chiffrage exhaustif et cohérent de ce que les politiques d’adaptation pourraient coûter aux acteurs publics. Les quelques évaluations chiffrées qui existent sont partielles. En juin 2022, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a évalué le coût de dix-huit mesures d’adaptation prioritaires – non exhaustives – à 2,3 milliards d’euros additionnels par an pour l’État et les collectivités. De même, dans le rapport remis à la Première ministre en mai 2023, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz chiffrent le coût additionnel de l’adaptation à 3 milliards d’euros par an, dont 1 milliard pour les budgets publics en 2030, mais avec beaucoup de prudence méthodologique. Ils soulignent aussi que le coût de l’adaptation devrait augmenter entre 2030 et 2050.
Le chiffrage global de l’adaptation est donc très complexe, voire actuellement impossible. C’est pourquoi nous avons décidé de réfléchir secteur par secteur, les seize chapitres du rapport constituant autant de coups de projecteurs thématiques. Jusqu’à la parution de notre RPA 2024, il n’existait pas de panorama objectif et transversal de l’adaptation au changement climatique en France. En tant que tiers de confiance présent sur tous les territoires, nous avons estimé que la Cour se devait de fournir un tel état des lieux.
Notre rapport public annuel, devenu thématique, comporte toujours un premier chapitre consacré à la situation des finances publiques. Cet exercice a été actualisé afin de couvrir l’année 2023, mais aussi les deux premiers mois de 2024. Si vous le permettez, j’y reviendrai à la fin de mon propos.
Au-delà de ce chapitre budgétaire, le RPA 2024 est donc composé de seize chapitres thématiques, qui abordent chacun l’adaptation à travers un prisme distinct de l’action publique. Je précise d’emblée que nous n’avons pas cherché à couvrir la totalité du très vaste champ de l’adaptation. Nous avons naturellement retenu en priorité les thèmes à forts enjeux financiers pour les acteurs publics. Par leur nombre et la variété des domaines examinés, ces chapitres offrent une image concrète des défis que la France doit et devra relever, mais aussi de la façon dont elle s’y prépare – ou ne s’y prépare pas – jusqu’à présent.
Ces seize chapitres se répartissent en trois catégories. Nous nous sommes d’abord intéressés à l’adaptation des secteurs transversaux, qui irriguent l’ensemble des activités, avec trois chapitres : la recherche publique, les institutions financières et bancaires et l’action de l’Agence française de développement (AFD) dans l’adaptation.
La deuxième partie du rapport porte sur l’adaptation au changement climatique des grandes infrastructures, des équipements, des villes et, plus généralement, de ce qui a été construit par l’homme. Cette catégorie comporte sept chapitres : l’adaptation des logements, celle des villes, celle de la politique immobilière de l’État, celle des centrales nucléaires et des ouvrages hydroélectriques, celle des réseaux de transport et de distribution d’électricité, celle des voies ferrées et, pour finir, le cas spécifique du ministère des armées.
Troisièmement, nous avons mené des enquêtes sur l’adaptation aux effets du changement climatique pour l’environnement naturel dans lequel vivent nos concitoyens, et sur leurs propres personnes. Six enquêtes composent cette troisième partie : l’adaptation de la forêt, la prévention des catastrophes naturelles dans les territoires ultramarins, la gestion du trait de côte, l’adaptation des cultures céréalières, les stations de montagne face au climat – un chapitre que nous avions déjà rendu public – et la protection de la santé des personnes vulnérables face aux vagues de chaleur.
J’aimerais à présent vous livrer les grands enseignements pour les politiques d’adaptation que nous avons dégagés de ce travail, qui fut, disons-le, colossal.
L’ensemble des enquêtes réalisées appréhende les politiques publiques en faveur de l’adaptation à l’aune de trois grandes questions que les Français se posent.
La première question est celle de savoir ce qui les attend concrètement en matière d’adaptation et à quel horizon.
La deuxième question concerne la stratégie à adopter et les acteurs concernés : qui est responsables des décisions sur les efforts à entreprendre pour s’adapter ? Comment les actions d’adaptation sont-elles arbitrées, réparties et coordonnées ?
Enfin, la troisième question porte sur les moyens : comment concevoir et mettre en œuvre des politiques d’adaptation à la fois efficaces et soutenables ? La qualité de la dépense publique est une préoccupation qui irrigue naturellement l’ensemble de nos travaux.
Nous en tirons quatre enseignements – quatre principes d’action pour les politiques d’adaptation.
Il faut d’abord mieux connaître les effets du changement climatique, les risques auxquels nous devons nous adapter et leur ampleur.
Beaucoup ont désormais conscience qu’il y a urgence à s’adapter, mais cette prise de conscience est hétérogène selon les secteurs. Chez certains acteurs, comme les gestionnaires de réseaux, elle remonte aux tempêtes de 1999. Dans d’autres domaines comme le logement, c’est une priorité plus récente, tandis qu’elle n’est pas encore prise en compte dans la gestion de l’immobilier de l’État.
Nous devons aussi améliorer les prévisions et les données dont nous disposons, qui sont souvent lacunaires. Ainsi, seuls deux tiers des 200 000 bâtiments de l’État sont recensés et font l’objet d’un diagnostic. D’importants progrès restent également à faire en matière de projections climatiques, notamment en outre-mer, où elles sont paradoxalement de moindre qualité qu’en métropole, alors que les risques y sont bien plus élevés.
Il faut enfin actualiser les données existantes : cela permettra de mettre à jour les normes internes, par exemple celles de SNCF Réseau. Le changement climatique est en revanche déjà bien intégré dans les référentiels de conception et de sécurité des centrales nucléaires et des ouvrages hydroélectriques.
La nécessité d’informer les citoyens et les décideurs publics sur l’adaptation et ses enjeux constitue un deuxième enseignement.
Il faut d’abord que les citoyens et les décideurs publics soient informés pour éviter de – si j’ose dire – se faire avoir.
Ainsi, dans certains domaines, on continue à confondre atténuation et adaptation ; cette confusion est même parfois volontairement entretenue. Je pense notamment aux sociétés financières et bancaires, publiques comme privées, qui communiquent massivement sur leurs produits financiers verts, sans que l’on puisse mesurer l’impact précis de ces financements, connaître leur destination ou comparer les volumes engagés. Cela peut faire courir un risque d’écoblanchiment – présenter comme verts des produits qui ne sont en réalité pas très écologiques.
Communiquer sur les actions d’adaptation, c’est aussi faire de tous – citoyens et décideurs publics – des acteurs de ces politiques publiques. Le chapitre consacré à l’adaptation des soins aux personnes vulnérables montre l’importance de la communication pour prévenir les conséquences des fortes chaleurs, responsables l’année dernière encore de 5 000 décès. Elle doit passer par la diffusion de messages adaptés sur l’ensemble des supports disponibles – télévision, radio, téléphones portables, réseaux sociaux – avant et pendant les épisodes de vigilance.
Informer les citoyens permet aussi de s’assurer qu’ils adhèrent à ces politiques et de les faire participer aux efforts d’adaptation. Pour ce faire, la communication doit souligner les bénéfices individuels et collectifs de l’adaptation. Ainsi, le dispositif MaPrimeRénov’, souvent évoqué, permet de financer l’amélioration du confort des résidents tout en créant de l’emploi.
En somme, le déploiement efficace de mesures d’adaptation au changement climatique doit être précédé d’efforts visant à convaincre de sa nécessité et de ses bienfaits. La part d’incertitude subsistante ne doit pas être paralysante : compte tenu de l’urgence qu’il y a à nous adapter, la puissance publique doit accepter l’imprévu et agir malgré tout.
Le troisième enseignement général de nos travaux, c’est la nécessité de développer une stratégie d’adaptation cohérente et articulée – en un mot, les acteurs publics doivent planifier.
La Cour relève d’abord que les objectifs de l’adaptation doivent être conciliés avec ceux d’autres politiques publiques, qui sont nombreuses ; cette articulation est souvent difficile. C’est le cas dans les territoires touristiques comme les zones de montagne ou les littoraux, où l’on doit concilier les politiques d’adaptation et le souhait des élus et des populations – que l’on peut comprendre – de préserver la pérennité de leur modèle économique.
J’ai entendu les réactions qu’a suscitées notre rapport sur l’avenir des stations de ski et je les comprends tout à fait. Pourtant, il s’agit d’un débat utile : nous n’inventons pas le phénomène que nous décrivons – ce n’est pas un rapport à charge –, c’est au contraire une réalité que personne ne peut ignorer.
M. Thibault Bazin
Une réalité dramatique !
Mme Annie Genevard
Catastrophique !
M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes
Tarder à la prendre en considération, c’est risquer de se trouver plus tard confronté à des choix très douloureux.
Les objectifs de l’adaptation doivent aussi parfois être conciliés avec ceux de l’urbanisme.
Il est également nécessaire d’instaurer une véritable culture de la planification et de la gestion du risque : les enquêtes que nous avons menées montrent que la planification, quand elle existe, est défaillante et dispersée.
On planifie parfois au niveau local, mais ces planifications sont incomplètes ou appliquées de manière très inégale – c’est le cas de la stratégie nationale de gestion du trait de côte. Elles sont parfois aussi peu coordonnées et mal réparties entre les différents échelons de collectivité, comme en témoigne la situation de certaines stations de montagne qui cherchent à diversifier leurs activités en s’appuyant sur l’échelle trop étroite de la commune.
Une planification rigoureuse et adaptée est une condition nécessaire mais non suffisante ; il faut aussi un pilote qui arbitre et coordonne les nombreux acteurs concernés. Or le rapport dessine une situation contrastée en matière de pilotage des stratégies d’adaptation. S’agissant des gestionnaires de grands réseaux par exemple, ce pilotage est plus abouti au sein d’EDF que de la SNCF.
Au-delà du pilotage, les politiques d’adaptation doivent faire l’objet d’une meilleure coordination entre les acteurs et être menées à l’échelle appropriée. La Cour préconise notamment de mieux articuler les politiques d’adaptation entre les entités du bloc communal. Cela vaut pour divers secteurs, comme la rénovation thermique des bâtiments publics ou la végétalisation des espaces urbains.
Enfin, dans certains domaines relevant de sa compétence, l’État ne joue pas correctement son rôle de stratège, qui consiste à fixer des objectifs clairs et à définir une trajectoire pour les atteindre. Pour sortir d’une logique de réponse au cas par cas et construire une stratégie d’adaptation, les gestionnaires d’infrastructures ferroviaires doivent notamment pouvoir se référer à un niveau de résilience cible, partagé par toutes les parties prenantes, y compris les usagers. Or la définition de ce niveau acceptable d’indisponibilité du réseau relève de la responsabilité de l’État. Il en est de même pour les objectifs d’adaptation assignés aux gestionnaires des réseaux d’électricité, qui devraient figurer de façon explicite dans les contrats de service public passés par l’État avec RTE – Réseau de transport d’électricité – et Enedis.
Permettez-moi à présent d’en venir au quatrième grand enseignement de notre rapport. La Cour a analysé comment mettre en œuvre des politiques d’adaptation efficientes – à la fois efficaces et soutenables.
C’est d’abord la question du financement des politiques publiques d’adaptation qui se pose.
La plupart des chapitres montrent que l’évaluation des coûts de l’adaptation est lacunaire, voire inexistante. Ces difficultés de chiffrage ne sont pas uniquement dues à l’absence de données, mais s’expliquent également par la difficile identification des dépenses spécifiques à l’adaptation. La vérité des prix est pourtant un élément d’arbitrage essentiel pour définir et mettre en œuvre des solutions financièrement soutenables.
Pour garantir des politiques efficientes, nous rappelons aussi que l’adaptation ne doit pas nécessairement passer par de nouvelles dépenses publiques. D’autres leviers peuvent être utilisés, qui consistent plutôt à responsabiliser les acteurs et à les inciter à agir.
Ainsi, dans le secteur financier, le premier critère d’allocation des flux est celui de la rentabilité financière ; il faudrait y ajouter un critère d’impact environnemental pour que les capitaux soient réorientés vers le financement de la transition.
La Cour préconise aussi la création de mécanismes de solidarité financière, comme un fonds d’aide à la recomposition du littoral, auquel les collectivités de bord de mer pourraient recourir pour cofinancer des actions avec l’État.
Nous soulignons ensuite trois points importants relatifs à la conception et à la mise en œuvre des politiques publiques.
Avant tout, nous mettons en garde contre les risques de maladaptation, qui sont souvent le résultat de logiques de court terme. Dans l’urgence ou sous l’effet de contraintes immédiates, les décideurs donnent parfois la priorité à des mesures qui, à long terme, vont à l’encontre de l’objectif d’adaptation. Cela revient bien souvent à dépenser de l’argent public de manière peu efficace, c’est-à-dire pour rien. La production systématique de neige artificielle dans certaines stations de montagne, parfois même lorsque les températures sont positives – une aberration ! –, en est un exemple frappant. Il en va de même du rechargement des plages en sable, qui ne fait que repousser pour quelque temps le recul du trait de côte.
La Cour souligne aussi que le rôle de la recherche est essentiel pour trouver des solutions adaptées, alors que les acteurs publics sont parfois démunis quand il faut choisir les solutions les plus efficaces.
Les chapitres de notre rapport montrent que l’application des résultats scientifiques sur le terrain est hétérogène. Si l’agriculture céréalière a développé un système de recherche et d’innovation complet, alliant secteurs public et privé, qui permet aux exploitants de renforcer leur résilience, la recherche est moins utilement appliquée dans le domaine forestier ou dans celui du logement.
Enfin, pour conduire efficacement les politiques d’adaptation, les décideurs doivent mieux s’approprier les données, les outils et les solutions dont ils disposent. Ainsi, l’adaptation de la forêt au changement climatique et la prévention des feux de forêt requièrent de développer les compétences en ingénierie et en maîtrise d’ouvrage des acteurs locaux, au plus près des massifs.
Voilà, mesdames et messieurs, les constats tirés de nos analyses sur l’adaptation, ainsi que quelques-unes de nos préconisations. Dans la plupart des domaines, nous n’en sommes heureusement pas à l’année zéro ; des outils et des solutions existent. Cela étant, l’ampleur du défi qui nous attend est immense.
J’en viens à présent à la situation d’ensemble des finances publiques, qui fait l’objet d’un chapitre spécifique de notre rapport. Elle est préoccupante – j’ai eu l’occasion de le dire assez souvent, y compris ici. Elle l’est d’autant plus à l’aune des analyses et des informations dont nous disposons désormais quant aux moyens qu’il nous faudra mobiliser pour nous adapter au changement climatique.
La Cour a analysé la situation des finances publiques telle qu’elle se présente après l’exercice 2023 ; elle a aussi examiné les principaux risques qui planent sur l’exercice 2024 en cours et sur la trajectoire prévue jusqu’à 2027 par la loi de programmation des finances publiques (LPFP), adoptée en décembre dernier.
Nous tirons de cette analyse trois constats pour le moins inquiétants.
En premier lieu, l’année 2023 a été, au mieux, une année blanche pour la réduction du déficit public, qui devrait même se creuser par rapport à 2022 – légèrement, je l’espère. La trajectoire 2023-2027 était déjà exigeante, le point de référence n’étant pas très élevé : ce n’est pas un bon départ, mais plutôt un faux départ.
L’année 2023 n’a pas été, comme on aurait pu s’y attendre, synonyme de sortie du « quoi qu’il en coûte ». Les dépenses exceptionnelles de crise et de soutien ont été prolongées, notamment avec les mesures tarifaires liées à l’augmentation des prix de l’énergie, qui ont encore coûté, comme en 2022, de l’ordre de 18 milliards d’euros en 2023.
Parallèlement à ce niveau de dépenses élevé, les recettes fiscales se sont révélées peu dynamiques. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui annonçait le contraire depuis quelques années, s’est trompé. Nos recettes fiscales ont perdu l’élasticité remarquable qui les caractérisait – cette situation ne pouvait du reste pas durer éternellement.
Mme Annie Genevard
On l’a dit !
M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes
Le déficit public atteindrait donc 4,9 points de PIB en 2023, selon la loi de finances de fin de gestion pour 2023 ; non seulement il n’a pas baissé, mais il a même augmenté de 0,1 point par rapport à 2022. Les données récentes sur l’exécution en recettes de l’État – qui comprend pour environ 8 milliards d’euros de mauvaises surprises – et une masse salariale moins dynamique qu’escompté en 2023 augurent d’un déficit encore plus élevé, ce que vient de reconnaître le Gouvernement – j’ai entendu que le creusement serait significatif, mais nous en saurons plus fin mars. Quoi qu’il en soit, la marche à franchir pour réduire le déficit dans les années qui viennent, à commencer en 2024, n’en sera que plus haute.
Deuxième constat préoccupant pour les finances publiques : le respect de l’objectif de déficit pour 2024 n’est pas acquis, malgré les récentes annonces du Gouvernement.
La prévision de croissance de 1,4 % sur laquelle reposait la loi de finances initiale pour 2024 et la loi de programmation des finances publiques était trop optimiste.
À dire vrai, ce n’est pas une surprise pour la Cour des comptes et le Haut Conseil.
M. Nicolas Sansu et