Séance du mercredi 20 mars 2024
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au Gouvernement
- 2. Création d’une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin
- 3. Lutte contre les dérives sectaires
- Discussion des articles (suite)
- Article 1er A (suite)
- Article 1er BA
- Amendement no 16
- Article 1er
- Article 1er bis
- Article 2
- Article 2 bis A
- Article 2 bis
- Article 2 ter
- Amendement no 17
- Article 2 quater
- Article 3
- Article 4 A
- Article 4
- Rappel au règlement
- Article 4 (suite)
- Amendements nos 43, 44, 59, 63, 37, 45, 46, 47, 31, 48, 64, 38 et 65, 66
- Article 5
- Article 6
- Article 6 bis
- Articles 7 à 9
- Titre
- Amendement no 29
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- Discussion des articles (suite)
- 4. Transition écologique des bâtiments scolaires
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article unique
- Mme Graziella Melchior
- Amendement no 8
- M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement
- Amendements nos 1, 4, 3, 5, 6 et 7
- Après l’article unique
- Amendement no 2
- Article unique
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au Gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Pluralisme des médias
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Mandon.
M. Olivier Falorni
Ça commence très bien ! (Sourires.)
M. Emmanuel Mandon
Madame la ministre de la culture, le débat public s’est focalisé ces dernières semaines sur la régulation du paysage audiovisuel, sur le respect de l’indépendance des médias et du pluralisme et sur la fiabilité de l’information. Le sujet est la confiance dans l’information. En démocratie, il n’y a pas de liberté d’opinion, pas de liberté d’expression, sans respect de ces principes. Le problème ne se limite pas aux seules chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) et à la presse quotidienne régionale (PQR). L’enjeu va bien au-delà et concerne l’ensemble des médias traditionnels : la radio, la télévision, la presse écrite, les agences de presse et évidemment internet, les plateformes et les réseaux sociaux. Face aux fake news, aux tentatives de déstabilisation et aux manipulations d’origine étrangère, les moyens d’information sont vulnérables – nous venons de le voir avec le scandale des punaises de lit, monté de toutes pièces.
Au moment où vous annoncez votre projet de réforme de l’audiovisuel public, le groupe Démocrate souhaite vous interroger sur plusieurs points. Comment garantir les conditions légales d’une information pluraliste, indépendante et fiable sur tous les canaux de diffusion ? Comment nous protéger contre les manipulations et les ingérences étrangères ? Comment conjurer les risques liés à la concentration des entreprises de presse, à leur logique financière et au poids des Gafa, les géants du numérique, qui sont autant de menaces au droit d’être informé, et d’informer et au travail des journalistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
M. Pierre-Henri Dumont
Et du kebab de chien ! (Sourires.)
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Vous avez raison de rappeler l’importance de la confiance en l’information diffusée par les médias. Toutes les questions que vous posez relèvent, vous le savez, des états généraux de l’information, dont les conclusions seront rendues cet été. Je peux cependant vous présenter les quelques pistes sur lesquelles nous travaillons.
En ce qui concerne les concentrations, il est vital, pour le développement des médias, mais aussi pour la fiabilité de l’information, qu’ils soient soutenus par des groupes industriels. Deux sujets méritent d’être examinés. Le premier concerne les limites du mécanisme de contrôle, aujourd’hui obsolète car il ne prend pas suffisamment en compte les concentrations entre différents types de médias, l’assiette sur laquelle il se fonde étant trop restreinte pour évaluer efficacement le niveau de concentration. Le deuxième sujet est la fiabilité de l’information. La voie que nous explorons est la certification, nous l’avons évoquée avec plusieurs parlementaires.
Le pluralisme, vous le savez, est une liberté fondamentale, rappelée dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Les critères et les modalités d’application de ce texte relèvent de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), que le Conseil d’État invite, dans sa décision du 13 février 2024, à rechercher de nouvelles définitions pour ces critères et ces modalités d’application. Le président de l’Arcom s’est engagé à nous rendre sa copie dans quelques semaines.
Quant à la lutte contre les ingérences étrangères, les pouvoirs de l’Arcom vont être renforcés dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique qui sera bientôt adopté par votre assemblée.
Aides de la PAC
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
Monsieur le Premier ministre, l’intégralité des aides 2023 de la politique agricole commune (PAC) devait être versée au plus tard le 15 mars : tel était l’engagement que vous aviez pris par écrit auprès des agriculteurs, le 21 février dernier. Le compte n’y est toujours pas ! (« Eh non ! » sur les bancs du groupe SOC.) Les remontées font apparaître des situations très différentes selon les départements, illustrant le fossé entre les annonces du Gouvernement et les moyens donnés aux services déconcentrés pour les respecter.
M. Raphaël Schellenberger
Il a raison !
M. David Taupiac
Si les aides par hectare ont effectivement été versées, les aides couplées pour le bio, l’assurance récolte, les compléments protéagineux et les aides fourragères ne sont toujours pas arrivées. Dans le Gers, par exemple, 22 dossiers d’aides au maintien bio seront payés fin mars sur les 582 déposés. Pour les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), 264 dossiers ont été payés sur les 642 déposés, obligeant à des avances de trésorerie alors que les taux d’emprunt à court terme peuvent atteindre jusqu’à 6,5 %.
M. Alain David
Eh oui !
M. David Taupiac
Résultat, la colère gronde à nouveau dans l’Indre, dans les départements picards et en Occitanie, en particulier en Haute-Garonne et dans le Gers.
M. Patrick Hetzel
Dans toute la France !
M. David Taupiac
La situation demeure chaotique et la confiance en la parole du Gouvernement fragile. Les directions départementales des territoires (DDT) font leur maximum, mais, faute de moyens et d’effectifs suffisants – ils fondent depuis des années –, elles ne peuvent à la fois répertorier les exploitations en difficulté et instruire des dossiers dont elles reconnaissent ne pas être en capacité d’évaluer les délais et les montants. Certains préfets essaient de trouver des solutions au cas par cas et je salue l’action de celui du Gers, qui travaille avec les banques et la Mutualité sociale agricole (MSA) afin d’identifier des mesures pour soutenir les agriculteurs. Mais la situation reste disparate selon les départements.
Monsieur le Premier ministre, faute d’avoir respecté votre engagement, déciderez-vous un moratoire sur le versement des cotisations, des taxes et des charges au niveau national jusqu’au règlement définitif des aides ? Il y va de la crédibilité de la parole politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Je vous remercie de votre question, qui me permet de faire le point de la situation, et je vous invite à un peu de modestie sur la question des aides de la PAC : quand cette majorité est arrivée en 2017, certains dossiers de la campagne 2015 n’étaient toujours pas payés. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) C’est la réalité.
Le Président de la République et le Premier ministre ont pris l’engagement de solder au plus tard le 15 mars les aides dont le versement a été retardé en 2023, parce que nous étions en première année de programmation et parce que le mécanisme est complexe. L’engagement a été tenu, monsieur Taupiac ; c’est la vérité des prix !
Vous connaissez les mécanismes de la PAC et vous savez que jamais les mesures agroenvironnementales et climatiques, les aides de l’agriculture bio et l’assurance récolte n’ont été payées avant le mois de mars. Rien n’a changé de ce point de vue. Nous avons commencé à verser des aides pour le bio à hauteur de 300 millions d’euros. Sur un peu plus de 9 milliards de la PAC, 7,5 ont été dépensés. Je vous invite à interroger aussi les régions, qui doivent encore payer 800 millions aux agriculteurs. Pour sa part, le Gouvernement est au rendez-vous de la promesse qu’il a faite sur le calendrier des aides.
M. Jean-Paul Mattei
Absolument !
M. Marc Fesneau, ministre
Pour les dossiers restants – je pense aux mesures agroenvironnementales et climatiques, au bio et à l’assurance récolte –, nous accélérons les procédures autant que faire se peut. C’est le calendrier habituel de la PAC et vous devriez le savoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
M. Francis Dubois
Sur les écorégimes, le compte n’y est pas !
Charges des départements
Mme la présidente
La parole est à Mme Josiane Corneloup.
Mme Josiane Corneloup
Monsieur le ministre chargé des comptes publics, dans un contexte inflationniste qui leur aura fait perdre 1,3 milliard d’euros en 2022 et en 2023, les départements, premiers acteurs de la cohérence et de la solidarité territoriales, doivent faire face à de nouveaux transferts de charges non compensés par l’État. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.)
M. Ian Boucard
Elle a raison !
Mme Josiane Corneloup
Après l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires et les revalorisations salariales découlant du Ségur de la santé, les départements ont découvert, lors du discours de politique générale du Premier ministre, que l’allocation de solidarité spécifique (ASS) serait transférée vers le dispositif du revenu de solidarité active (RSA), sans la moindre concertation.
M. Ian Boucard
Quelle honte !
Mme Josiane Corneloup
En Saône-et-Loire, 1 900 personnes seraient concernées, ce qui engendrera une dépense supplémentaire de 14 millions d’euros pour le département.
M. Ian Boucard
C’est pareil à Belfort !
Mme Josiane Corneloup
L’afflux de mineurs non accompagnés pose de plus en plus de problèmes aux départements. Les durées d’accompagnement s’allongent et l’arrivée de jeunes filles enceintes ou déjà mères appelle une adaptation des conditions d’accueil. Toujours en Saône-et-Loire, 320 mineurs étaient accompagnés fin 2023, contre 271 un an plus tôt, ce qui a entraîné une dépense supplémentaire de 1 million d’euros, sans que le département ne bénéficie, là non plus, d’une aide compensatrice de l’État. (« Eh non ! » sur les bancs du groupe LR.)
Alors que les budgets des départements sont très contraints par la hausse des dépenses sociales liées à l’inflation, sur laquelle ne sont pas indexées les dotations, l’État prend le risque, en poursuivant ce transfert de charges non compensé, de paralyser l’action de la majorité de ces collectivités, qui ne disposent plus d’aucun levier fiscal.
M. Raphaël Schellenberger
C’est le résultat d’une décentralisation malhonnête !
Mme Josiane Corneloup
Afin d’éviter cette situation, quelles sont les modalités de compensation financière à même de rétablir des relations sereines et de confiance entre l’État et les collectivités territoriales, notamment les départements, qui assument 60 % des dépenses sociales imposées par l’État ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC.)
M. Ian Boucard
Très bonne question !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics
Nous partageons votre constat sur la situation des départements, confrontés à une baisse rapide des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Toutefois, ce ne sont pas leur seule ressource…
M. Jean-Luc Bourgeaux
Quelles sont les autres ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…et leur situation doit être examinée dans sa globalité. Les départements font également face à une augmentation de leurs dépenses sociales, mais le tableau d’ensemble est très hétérogène. Certains s’en sortent plutôt bien alors que d’autres sont en grande difficulté. Nous constatons une baisse de 39 % de leur épargne. Que faisons-nous face à cette situation ?
M. Ian Boucard
Des transferts de charges !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Avant d’évoquer les transferts de charges – je sens votre impatience –, je veux rappeler ce que nous avons fait en matière de recettes. La réforme de la taxe d’habitation a eu pour conséquence le transfert d’une part de TVA très dynamique, soit 250 millions de plus à destination des départements. Nous avons créé un fonds de sauvegarde, doté de 106 millions, précisément pour accompagner ceux qui sont en difficulté : quatorze d’entre eux vont en bénéficier. Le fonds de péréquation des DMTO représente quant à lui 250 millions. J’ajoute que les départements ont eux-mêmes anticipé un éventuel retournement des prix de l’immobilier, à hauteur de 1 milliard.
Nous poursuivons le dialogue avec eux au sujet de leur situation financière et des conséquences des réformes engagées, notamment sur le marché du travail. Le Premier ministre a rencontré récemment François Sauvadet, président de Départements de France, pour évoquer avec lui les conséquences de la suppression, en flux, de l’ASS. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Notre combat commun doit être de tout faire pour augmenter l’activité. En favorisant l’emploi, nous réduirons les dépenses sociales des départements. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Fermeture de l’usine Duravit de Bischwiller
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Thiébaut.
M. Vincent Thiébaut
« C’est dur pour ces salariés qui ont beaucoup d’expérience et de savoir-faire. Une grande partie a plus de 50 ans. Beaucoup d’entre eux ont eu leur papa ou même leur grand-père qui ont travaillé sur le site. » Tels étaient les mots de Christian Gueth, délégué syndical, après l’annonce de la fermeture de l’usine Duravit à Bischwiller. Celle-ci a été un choc pour l’ensemble des habitants du territoire et surtout pour les 193 salariés concernés. Seule une activité logistique sera maintenue.
Le choc est d’autant plus grand que cette entreprise a bénéficié d’aides fiscales des collectivités et d’une aide régionale de 200 000 euros pour financer l’outil productif. En 2021, les salariés du site ont signé un accord de performance collective (APC) dans lequel la société s’engageait à ne procéder à aucun licenciement économique d’ici 2024. L’engagement n’a pas été tenu. C’est une véritable trahison. (Approbation sur les bancs du groupe SOC.)
Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, comment faire pour que les entreprises qui ont bénéficié du soutien de l’État, de l’argent des Françaises et des Français, maintiennent leurs activités en France au lieu de les relocaliser en Allemagne et en Égypte – en dehors de la zone euro –, comme c’est le cas ici ?
Je suis aux côtés des élus locaux, du maire de Bischwiller, Jean Lucien Netzer, et du président de la communauté d’agglomération de Haguenau, Claude Sturni, pour engager la direction de Duravit à revoir sa copie. Nous sommes avant tout préoccupés de voir que l’entreprise ne tient pas ses engagements envers les salariés : le plan social n’est pas à la hauteur. (Mme Christine Pires Beaune approuve.)
Comment l’État peut-il nous aider à maintenir les activités sur le site, ou à le réutiliser, et à obtenir un accord digne des attentes des salariés, que je veux saluer, ainsi que leurs familles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
Je vous remercie pour votre question et pour votre mobilisation aux côtés des salariés de cette entreprise et des habitants de Bischwiller. En tant qu’ancienne élue locale, je comprends parfaitement la situation que vous évoquez, c’est-à-dire l’engagement de toute une commune autour d’une entreprise.
Cette entreprise, bien connue de nos concitoyens, fabrique des équipements pour nos salles de bains, notamment des équipements en céramique, et des lavabos. Aujourd’hui, Duravit souhaite délocaliser la production d’équipements en céramique, pour ne garder que la production d’équipements en résine.
Concrètement, pour les salariés, il est certain que cela se solderait par un projet de restructuration qui concernerait 193 postes ; seuls 13 postes seraient créés en parallèle. C’est la première fois que Duravit annonce un plan de sauvegarde de l’emploi. C’est évidemment un traumatisme pour l’entreprise, mais aussi pour toute la commune.
Le ministère du travail peut difficilement intervenir, dans la mesure où les procédures en cours doivent être respectées. J’ai fait le point avec mes services, qui ont validé, depuis le 8 octobre 2023, la mobilisation de l’activité partielle pour la production de céramique.
Un accord de méthode a été signé le 14 décembre dernier. L’objectif est que les négociations en cours portent sur les mesures d’accompagnement des salariés. Certes, le cycle économique doit être pris en compte ; mais, dans tous les cas, il faut trouver le moyen d’aider l’ensemble des salariés à retrouver un emploi.
M. Charles Fournier
Il faut rendre l’argent !
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’ai demandé aux équipes locales d’être très vigilantes sur les indemnités supralégales et sur les mesures d’accompagnement du reclassement des salariés. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
Pluralisme dans les médias
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Ballard.
M. Philippe Ballard
Ma question s’adresse à Mme Rachida Dati, ministre de la culture.
Récemment, un journaliste et éditorialiste reconnu a été écarté de l’antenne de France Info en raison des liens – supposés – qu’il entretenait avec Jordan Bardella.
M. Julien Odoul
Quelle honte !
M. Philippe Ballard
Dans le même temps, une journaliste, elle aussi reconnue, continue ses interviews matinales sur France Inter, alors qu’elle est en couple – ce qui est, bien sûr, son droit le plus strict – avec l’une des têtes de liste aux élections européennes. Comme le veut la réglementation, cette journaliste se mettra en retrait de l’antenne six semaines avant le scrutin. Il est probable que ce sera la même échéance à France 2.
Toutefois, n’y a-t-il pas deux poids, deux mesures, dans cette histoire ? Où est la cohérence déontologique, dans tout cela ? Y a-t-il d’un côté, les gentils, et de l’autre côté, les présumés vilains ?
Voilà ce qui se passe dans les médias publics. À présent, passons aux médias privés.
L’un des chroniqueurs de « Quotidien », questionné sur l’absence de Marine Le Pen ou de représentants du RN au programme de cette émission, a répondu : « Nous sommes une chaîne privée, nous faisons ce que nous voulons. » Bienvenue à bord !
Il y a quelques jours, un ancien ministre, invité de cette émission, remerciait et saluait le présentateur et toute l’équipe, du fait qu’elle ne recevait pas d’élus de ce qu’il appelait l’extrême droite. (« Quelle honte ! » sur les bancs du groupe RN.) C’est beau, l’ouverture d’esprit.
Madame la ministre, avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), comment comptez-vous faire respecter le pluralisme, donc la démocratie et la liberté, afin que la France ne sombre pas dans une démocratie illibérale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Inaki Echaniz
Dites ça à Vincent Bolloré !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Votre question est tout à fait pertinente.
Un député du groupe RN
Bravo !
Mme Rachida Dati, ministre
Vous avez raison, en ce qui concerne le pluralisme des médias. Je suis personnellement convaincue qu’il faut éviter le « deux poids, deux mesures ». Pour autant, depuis le 5 juin 2023, Radio France a adopté des règles précises et très strictes, afin de prévenir les conflits d’intérêts et d’encadrer les collaborations extérieures.
J’ai demandé des informations, ce qui justifie votre question : ces règles s’appliquent à l’ensemble des journalistes de Radio France, en amont de toute collaboration, et même de toute discussion. Monsieur Ballard, vous qui avez été journaliste, vous savez que, pour éviter tout conflit d’intérêts, il suffisait qu’un journaliste informe sa direction qu’une collaboration était envisagée.
Cela n’a pas été le cas pour ce que vous évoquez, puisque Radio France l’a appris par la presse. Afin de lever tout doute sur l’existence d’un conflit d’intérêts, Radio France a décidé de suspendre Jean-François Achilli de l’antenne de France Info, à titre conservatoire. En attendant les résultats de l’enquête, il reste rémunéré. Pour l’instant, j’ignore si des mesures seront prises à son encontre. Le cas échéant, j’ai demandé qu’on me les communique.
S’agissant de Léa Salamé, l’information est connue de tous, y compris de sa direction. On m’a indiqué qu’à partir du 15 avril, elle ne mènerait plus aucun entretien politique sur les antennes que vous avez citées. (M. Jérémie Patrier-Leitus applaudit.)
M. Julien Odoul
C’est vraiment deux poids, deux mesures !
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Ballard.
M. Philippe Ballard
Vous avez rappelé la date du 15 avril : le 9 juin, date des élections, n’est pas si loin. La charte déontologique de Radio France, à laquelle vous faites référence, a été écrite, si j’ai bien compris, en juin dernier. Le phénomène n’est pourtant pas nouveau.
Permettez-moi de citer quelques noms de journalistes qui ont collaboré avec des personnalités politiques – ce qui est tout à fait leur droit : Alain Duhamel ; Edwy Plenel ; Jean Michel Djian, de France Culture ; Cécile Amar ; Léa Salamé, qui a écrit des ouvrages d’entretiens politiques ; et Claude Askolovitch, qui a publié un livre d’entretiens avec vous, madame Rachida Dati, en 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Raphaël Schellenberger
La belle époque ! (Sourires.)
Décès d’un jeune de La Courneuve
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha
Mercredi dernier, un jeune homme originaire de La Courneuve, dans ma circonscription, est décédé après avoir été percuté par une voiture de police qui le poursuivait en raison d’un refus d’obtempérer.
M. Fabien Di Filippo
C’est important de le dire !
Mme Soumya Bourouaha
Ce jeune homme avait la vie devant lui. Quand donc ces drames cesseront-ils ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et SOC. – Mme Laure Miller s’exclame.)
Dimanche, après ce terrible événement, le commissariat de La Courneuve a été attaqué par des tirs de mortiers et des jets de cocktails Molotov.
Je tiens à être claire : je partage l’émotion que suscite le décès de ce jeune homme, mais la colère ne peut pas s’exprimer par la violence. Nous ne voulons pas revivre les émeutes qui ont suivi les morts tragiques du jeune Nahel, et de Zyed et Bouna.
Les habitants sont toujours les premières victimes des émeutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Il faut que ces drames cessent. Nous en avons assez de faire le décompte funeste de toutes ces vies brisées.
M. Fabien Di Filippo
Mince, enfin ! Il faut respecter l’autorité de la police !
Mme Soumya Bourouaha
Nous en avons assez d’adresser nos condoléances à des familles anéanties, en quête de justice. Un refus d’obtempérer ne peut pas causer la mort. La réponse policière doit toujours être strictement proportionnée. La population souffre, les forces de l’ordre aussi.
M. Fabien Di Filippo
Combien de policiers sont blessés chaque jour ?
Mme Soumya Bourouaha
Il faut refonder la doctrine du maintien de l’ordre, revenir à une utilisation mesurée de la réponse policière et réhabiliter la médiation, qui doit être au cœur de la relation entre la police et la population.
Nous demandons donc le rétablissement de la police de proximité, car celle-ci a fait ses preuves, notamment dans les quartiers populaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Enfin, le ministère de l’intérieur ne peut plus fermer les yeux sur le fléau du racisme systémique, dont les contrôles au faciès sont un triste exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Plusieurs députés du groupe RN
Quelle honte !
Mme Soumya Bourouaha
Monsieur le ministre, allez-vous admettre que la doctrine à l’œuvre dans notre pays ne fonctionne pas ? Allez-vous prendre des mesures pour restaurer le lien de confiance, si affaibli, entre la police et la population ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)
M. Fabien Di Filippo
Vous voulez fracturer la République !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
Madame la députée, quand il y a un mort, c’est toujours un drame, qui nous émeut collectivement.
Dans ce cas, il s’agit d’un jeune qui a refusé d’obtempérer. Il arrive aussi que des policiers et des gendarmes perdent la vie, du fait de ces refus d’obtempérer. Il y en a eu cinq depuis que je suis ministre de l’intérieur, et je regrette que vous n’ayez pas eu un mot pour eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – De nombreux députés des groupes LR et RN applaudissent également. – Protestations sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
Je regrette que le groupe communiste, qui s’est montré jusqu’à présent solidaire des policiers, pose de plus en plus de questions qui ressemblent à celles de La France insoumise. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)
Mme Soumya Bourouaha
Cela ne répond pas à la question !
M. Gérald Darmanin, ministre
Que s’est-il passé à La Courneuve ? Un jeune de 18 ans, malheureusement décédé, a refusé d’obtempérer. Nous déplorons tous sa mort. À son âge, ce jeune homme était connu des forces de l’ordre pour plus de quarante faits, dont deux refus d’obtempérer. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Chacun constate que cela n’avait rien à voir avec l’ordre public ou avec un supposé racisme systémique dans la police. Par vos propos, vous accusez les milliers de policiers et de gendarmes qui sont blessés chaque année parce qu’ils rétablissent l’ordre républicain.
Mme Nathalie Oziol
Quel est le lien avec la mort de ce jeune ?
Un député du groupe RN
La gauche défend toujours les racailles !
M. Vincent Descoeur
Le ministre a raison !
M. Gérald Darmanin, ministre
Deux enquêtes ont été ouvertes, l’une pour un refus d’obtempérer aggravé. Si nous voulons mettre fin aux refus d’obtempérer et à la mort de policiers et de gendarmes, comme de conducteurs de scooters et de voitures, nous devons nous arrêter quand la police nous le demande. Vous devez le dire, en tant qu’élue de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR, LR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha
Je pense que vous n’avez pas bien écouté ma question. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
J’avais très bien compris votre question, et je regrette que vous n’ayez pas non plus dit un mot de tous ceux qui ont attaqué des commissariats, des chauffeurs de bus et des policiers, dans la nuit qui a suivi la mort de ce jeune. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, GDR-NUPES et SOC.)
Mme Soumya Bourouaha
Mais je l’ai fait ! Ce que vous dites est faux !
M. Gérald Darmanin, ministre
Je regrette votre clientélisme, alors que nous devons soutenir les policiers et les gendarmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR et RN. – Vives protestations sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Soumya Bourouaha
C’est faux ! C’est faux ! Vous mentez !
Violences en Guadeloupe
Mme la présidente
La parole est à M. Elie Califer.
M. Elie Califer
Monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, je tiens à vous interpeller car, aujourd’hui, encore plus qu’hier, la Guadeloupe subit une déferlante de violence insupportable, qui est renforcée par des réseaux venant de la Caraïbe.
Des trafics en tous genres – armes, cocaïne – progressent de façon exponentielle. Les attaques à l’arme blanche succèdent aux agressions par arme à feu ; elles frappent l’île entière et endeuillent quotidiennement les familles. Des jeunes et des commerçants sont tués en pleine rue. Au chômage et à la précarité vertigineuse s’ajoute la douleur.
Il y a eu trente-six homicides en 2023. La réalité est effroyable ! Le nombre d’homicides volontaires enregistré en Guadeloupe dépasse, en valeur absolue, celui qui est constaté dans les agglomérations beaucoup plus peuplées, comme Marseille ou Toulouse : il serait sept fois plus élevé.
Les Guadeloupéens n’en peuvent plus. Cette violence est insoutenable. Face à cette situation, il n’est plus possible de se contenter d’opérations « Déposez les armes ».
Il faut des moyens, comme le réclament les forces de l’ordre : des moyens renforcés, stables et durables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Comment expliquez-vous que la Guadeloupe ne soit toujours pas dotée d’une brigade de recherche et d’intervention, contrairement aux autres zones de l’Hexagone ? (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Les magistrats eux-mêmes s’indignent de la disparité des moyens alloués aux forces publiques pour lutter contre la criminalité.
Monsieur le ministre, quand allez-vous mener une véritable politique, afin de stopper cette spirale de violence et de trafic, et, surtout, d’assurer la sécurité de notre jeunesse, de nos mères et de nos pères de famille ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Frédéric Maillot applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des outre-mer.
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer
Je vous remercie de m’interroger sur les moyens alloués aux forces de l’ordre dans nos outre-mer. D’abord, permettez-moi de rappeler qu’entre 2017 et 2022, 10 000 effectifs supplémentaires de policiers et de gendarmes sont venus abonder le territoire national.
M. Fabien Di Filippo
Pourtant, ils passent moins de temps sur le terrain ! Il faut alléger les procédures !
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée
Ensuite, la majorité a voté la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) qui prévoit le recrutement de 8 500 policiers et gendarmes supplémentaires.
Enfin, 1 700 policiers et gendarmes sont actuellement mobilisés en Guadeloupe. Il faut rendre hommage à leur travail : ils sont sur tous les fronts, que ce soit le trafic d’armes ou de drogue. Je tiens également à saluer leur engagement dans le cadre des opérations Place nette qui ont déjà permis, depuis le début de l’année, la saisie de 500 kilogrammes de cocaïne et de résine de cannabis.
Vous appelez au renforcement des moyens alloués aux forces de l’ordre. Je tiens à vous rassurer : ils ont déjà été renforcés.
M. Boris Vallaud
Ah bon ? Tout va bien, alors !
Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée
Nous avons créé une antenne de l’Office français antistupéfiants (Ofast) et une antenne du Raid – recherche assistance intervention dissuasion. En matière de renseignement, nous coopérons avec l’île de la Dominique. Cette coopération est essentielle pour sécuriser la zone maritime. Nous avons financé, à hauteur de 13 millions d’euros, l’installation de deux radars qui contribueront également à la sécurité des Guadeloupéens.
En outre, trois des deux cents nouvelles brigades annoncées par le Président de la République seront créées en Guadeloupe, où vous savez combien elles sont essentielles pour la sécurité de la population et du territoire.
Enfin, avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer, nous nous rendrons dans quelques semaines en Guadeloupe, où nous annoncerons des mesures importantes visant à doter les forces de sécurité intérieure de moyens supplémentaires. (M. Didier Parakian applaudit.)
Journée internationale de la francophonie
Mme la présidente
La parole est à Mme Amélia Lakrafi, à qui je souhaite un joyeux anniversaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Fabien Di Filippo
J’espère que vous penserez également au mien, madame la présidente ! (Sourires.)
Mme Amélia Lakrafi
Merci beaucoup, madame la présidente, je suis très touchée.
Je suis heureuse de m’adresser à vous en ce 20 mars, jour où, partout dans le monde, sur les cinq continents, on célèbre la Journée internationale de la francophonie. Bien plus qu’un simple outil de communication, notre langue incarne l’esprit de la francophonie telle que l’ont voulue les pères fondateurs, comme Senghor et Bourguiba : une communauté vibrant au rythme de plus de 320 millions de voix, principalement ancrées en terre africaine, comme le soulignait récemment le Président de la République en déclarant que le bassin du fleuve Congo était l’épicentre de notre espace linguistique.
Cette journée met en avant notre diversité et notre capacité à tisser des liens solides entre les peuples. En étant hôte du 19e sommet de la francophonie en octobre prochain – ce qui n’était pas arrivé depuis trente-trois ans –, la France a une occasion unique de réaffirmer la valeur et la vivacité de la francophonie. Ce sommet offre une occasion précieuse d’éclairer nos concitoyens sur ce que la langue française, loin de l’image poussiéreuse ou désuète que certains lui prêtent encore, offre véritablement : un dialogue entre les cultures.
Hélas, je constate que la francophonie ne suscite pas l’intérêt qu’elle mérite, et, en tant que présidente de la section française de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), je souhaiterais que les élus eux-mêmes se saisissent davantage de ce sujet.
Face à ce constat, et au-delà de l’organisation de ce sommet, comment envisagez-vous d’impliquer concrètement la France – et plus particulièrement sa jeunesse – dans la redécouverte et l’appropriation de l’esprit de la francophonie ? Comment comptez-vous transformer ce sommet en une véritable célébration populaire, qui reflète l’ouverture, le partage et l’unité que notre langue peut offrir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger.
M. Jean-Paul Lecoq
Et du Ceta !
M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger
Je vous souhaite également un très joyeux anniversaire, madame Lakrafi, ainsi qu’à Mme Louwagie. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LR. – Sourires.)
M. Fabien Di Filippo
Laissez nos députés en dehors de ça !
M. Franck Riester, ministre délégué
En cette Journée internationale de la francophonie, je vous remercie pour votre question, qui me donne l’occasion de souligner votre engagement et votre travail au service de la francophonie, notamment à travers la mission d’information sur son avenir, dont vous êtes l’une des rapporteurs.
Vous l’avez rappelé, les 4 et 5 octobre prochains, la France accueillera, à Villers-Cotterêts et Paris, le sommet de la francophonie – une première depuis trente-trois ans. Après les Jeux olympiques, ce sera un nouvel événement international majeur, qui réunira, sous la houlette du Président de la République, les quatre-vingt-huit chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Organisation internationale de la francophonie, cette formidable enceinte de dialogue multilatéral et de coopération dont nous avons bien besoin.
M. Fabien Di Filippo
Vous êtes le Gouvernement qui a le plus abîmé la langue française !
M. Franck Riester, ministre délégué
La thématique de ce sommet sera « Créer, innover et entreprendre en français ». Au-delà des discussions entre États, il doit, vous l’avez rappelé, permettre à tous les francophones du monde de se saisir de cette chance extraordinaire que nous avons de parler la même langue. Alors que la société est de plus en plus fracturée et que l’on pointe sans cesse ce qui nous sépare plutôt que ce qui nous rassemble, il est essentiel de se rappeler que nous sommes plus de 320 millions à parler français dans le monde. Ce chiffre est en constante progression, grâce à la démographie, bien sûr,…
M. Ian Boucard
Pas en France !
M. Franck Riester, ministre délégué
…mais aussi à toutes celles et tous ceux qui, partout dans le monde, se mobilisent pour enseigner le français. À cet égard, je tiens à remercier l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), qui compte 580 établissements et 400 000 élèves, ainsi que les instituts français, les alliances françaises et leurs enseignants.
Pour rassembler les francophones et faire de ce sommet une grande fête de la francophonie, nous avons lancé aujourd’hui le Festival de la francophonie, baptisé « Refaire le monde ». Cet événement sera l’occasion d’associer tout le monde à cette belle fête de la francophonie, en France et dans le monde.
Mme la présidente
La parole est à Mme Amélia Lakrafi.
Mme Amélia Lakrafi
Je profite de cette occasion pour saluer et remercier très chaleureusement tous les acteurs des industries culturelles et créatives (ICC) des musiques urbaines, notamment Aya Nakamura, qui fait rayonner la langue française bien au-delà de l’espace francophone. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Didier Parakian applaudit.)
Ratification du Ceta
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Mme Mathilde Hignet
Monsieur le Premier ministre, la colère agricole n’est pas éteinte. Les agriculteurs sont toujours fermement opposés aux accords de libre-échange qui mettent la production agricole française en concurrence déloyale avec des produits de faible qualité vendus à bas coût. (M. Raphaël Schellenberger s’exclame.)
Demain, le Sénat se prononcera enfin sur le Ceta, accord économique et commercial global de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, dont la plupart des dispositions sont déjà appliquées depuis 2017 alors que près de dix États, dont la France, ne l’ont pas ratifié. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Cela montre bien à quel point ces accords, conclus en catimini à Bruxelles, bafouent la souveraineté populaire.
Vous savez très bien qu’aujourd’hui, vous n’avez aucune majorité pour autoriser la ratification de cet accord. (Mêmes mouvements.) Déjà, en 2019, le texte n’avait été adopté à l’Assemblée qu’à une courte majorité – la Macronie, seule contre tous. Après cela, comment pouvez-vous assurer aux producteurs, droit dans les yeux, que vous voulez les protéger ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Ian Boucard
En tout cas, ce n’est pas vous qui les protégez !
Mme Mathilde Hignet
Ils ne veulent pas d’un énième accord qui ouvre les vannes à l’importation de viande produite sous antibiotiques et vendue 30 % moins cher que la viande française. Alors que le Canada utilise près de quarante molécules de pesticides interdites dans l’Union Européenne, et malgré la promesse faite par le Gouvernement aux agriculteurs d’en prévoir dans chaque accord de libre-échange, le Ceta ne comporte aucune clause miroir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Le Ceta n’est qu’un accord parmi tant d’autres que vous tentez d’imposer : alors même qu’il a annoncé publiquement que la France suspendait les négociations, Emmanuel Macron laisse Bruxelles négocier l’accord sur le Marché commun du Sud (Mercosur).
Avec ou sans clause miroir, les accords de libre-échange tuent notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Si le Sénat s’oppose à la ratification, prenez-vous l’engagement de l’inscrire rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ? Notre agriculture ne doit pas être une monnaie d’échange. Dans cette assemblée comme au Parlement européen, La France insoumise s’oppose, et s’opposera toujours, aux accords de libre-échange. (Mêmes mouvements.) Vous voulez placer l’agriculture au-dessus de tout : prouvez-le ! (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent vivement.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie…
M. Maxime Minot
Et avec ceci ?
Mme la présidente
Je m’arrête là ! (Sourires.)
M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger
Vous êtes dans l’idéologie et la posture ; nous, nous sommes dans la réalité des chiffres et des résultats.
M. Christophe Bex
Non, vous êtes dans l’hypocrisie !
M. Franck Riester, ministre délégué
Les dispositions du Ceta sont effectivement appliquées, mais à titre provisoire, comme les règles le prévoient. Le traité doit désormais être ratifié :…
M. Ian Boucard
On est toujours contre, nous !
M. Franck Riester, ministre délégué
…l’Assemblée nationale s’y est montrée favorable, et le Sénat se prononcera demain sur ce sujet. Quand les accords ne nous conviennent pas, nous ne les soutenons pas – c’est le cas avec le Mercosur (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) ; mais lorsqu’ils sont bénéfiques pour notre économie et notre agriculture, nous les soutenons et souhaitons les ratifier.
Mme Sarah Legrain
En quoi est-ce bon, le Ceta ?
M. Franck Riester, ministre délégué
Depuis l’application provisoire du Ceta, les exportations françaises, tous secteurs confondus, ont augmenté de 33 %,…
M. Christophe Blanchet
Eh oui !
M. Grégoire de Fournas
Ça va se retourner !
M. Franck Riester, ministre délégué
…et notre excédent commercial en matière agricole et agroalimentaire a triplé – triplé, madame la députée ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Christophe Bex s’exclame.)
M. Gabriel Attal, Premier ministre
Eh oui !
M. Franck Riester, ministre délégué
Les exportations de fromages français ont augmenté de 60 %. Le Ceta, c’est aussi la protection de quarante-deux appellations d’origine protégée (AOP), comme le roquefort, les pruneaux d’Agen, ou encore le foie gras de canard du Sud-Ouest cher au rapporteur général du budget. (Sourires.)
En 2019, certains craignaient que l’accord menace la filière bovine : il n’en est rien, puisque les cinquante-deux tonnes de viande bovine importées du Canada ne représentent que 0,0034 % du marché français. Et c’est justement grâce aux mesures miroirs, qui interdisent l’importation de produits canadiens nourris aux hormones et aux antibiotiques. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Telle est la réalité !
Mme Sarah Legrain
Mais dans quelle réalité vivez-vous ?
M. Franck Riester, ministre délégué
Alors de grâce, ne prenez pas en otage nos entreprises et nos agriculteurs à des fins idéologiques, et aidez les sénateurs à voter pour la ratification de cet accord bénéfique pour l’économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur de nombreux bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Mme Mathilde Hignet
La réalité, c’est que tous les syndicats agricoles sont opposés à l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Maxime Minot applaudit aussi. – « C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. le Premier ministre et M. le ministre chargé du commerce extérieur font un signe de dénégation.)
Projet autoroutier A69
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi
Monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, les manifestants pacifiques qui s’opposent au projet d’autoroute A69 et occupent légalement les zones protégées sont privés d’approvisionnement en eau et nourriture. C’est une violation flagrante des droits fondamentaux énoncés à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES), qui dispose que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être […] notamment pour l’alimentation […] ».
M. Benjamin Lucas
Eh oui !
M. Fabien Di Filippo
Mais avec quelles contreparties ?
Mme Christine Arrighi
Malgré les alertes très récentes du rapporteur des Nations unies, Michel Forst, sur la tendance à la hausse de la répression et de la criminalisation des défenseurs de l’environnement en France,…
M. Ian Boucard
Et la démocratie locale, ils en disent quoi, les Tarnais ?
Mme Christine Arrighi
…vous persistez et, s’agissant du projet d’A69, soumettez forces de l’ordre et corps préfectoral à une politique de tension permanente qui les conduit à enfreindre la loi.
M. Benjamin Lucas
Exactement !
Mme Christine Arrighi
En effet, par un courrier daté du 27 février, j’ai demandé au préfet du Tarn, en ma qualité de rapporteure de la commission d’enquête sur le montage juridique et financier du projet d’autoroute A69, la communication du rapport justifiant la modification des dates de défrichement et de déboisement du bois de la Crémade, qui, contrairement à ce qui est prévu dans l’arrêté d’autorisation environnementale, pourraient commencer avant le 1er septembre. (Brouhaha.) Malgré une relance le 13 mars, cette demande, qui appelle une réponse obligatoire dans un délai raisonnable, est restée sans réponse. (Le brouhaha se poursuit.)
Aujourd’hui, vous êtes donc en infraction : l’approvisionnement alimentaire des écureuils s’impose à vous, et l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires vous oblige à me communiquer le rapport demandé. Voici donc ma question – si toutefois le bruit qui règne dans l’hémicycle vous permet de l’entendre, monsieur le ministre (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR) : quand vous mettrez-vous enfin en conformité avec la loi ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
Vieux de vingt ans, ce projet dans le Tarn et la Haute-Garonne, qui vise à désenclaver une partie du Sud-Ouest de la France d’un point de vue économique,…
M. Patrick Hetzel
Eh oui !
M. Ian Boucard
Ils en ont le droit !
M. Gérald Darmanin, ministre
…est soutenu par tous les élus (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES), y compris la présidente de la région Occitanie, Carole Delga. Tous les actes contestés devant les tribunaux ont été confirmés, et les activistes – car c’est bien ce qu’ils sont, ceux que vous appelez les écureuils –,…
M. Raphaël Schellenberger
Ils sont dans l’illégalité !
M. Pierre-Henri Dumont
L’extrême gauche a un problème avec la démocratie !
M. Gérald Darmanin, ministre
…déboutés des vingt et un recours qu’ils ont formés contre l’État et les collectivités, ce qui donne raison à ces derniers. Que le préfet de la République et les gendarmes soient pour ou contre le projet n’entre pas en ligne de compte : ils se contentent d’appliquer les décisions rendues par la justice en fonction du droit de la République.
M. Christophe Blanchet
Bravo !
M. Ian Boucard
C’est la démocratie !
M. Gérald Darmanin, ministre
Certains pensent que les décisions individuelles l’emportent sur l’État de droit, les délibérations des collectivités locales et les lois adoptées par le Parlement ; j’espère que vous ne soutenez pas le point de vue des activistes sur ce sujet.
M. Ian Boucard
Apparemment si, et c’est dommage !
M. Gérald Darmanin, ministre
Pour notre part, nous sommes évidemment du côté de l’État de droit, et appliquons donc les décisions de justice. Les personnes perchées dans les arbres se mettent elles-mêmes en danger, et certaines ont été évacuées ; si nous leur livrons évidemment de l’eau,…
M. Fabien Di Filippo
Sont-ils incapables de se nourrir tous seuls ? C’est vraiment incroyable !
M. Gérald Darmanin, ministre
…il faut qu’elles acceptent la décision de la justice et descendent des arbres. J’attendais d’une députée d’un groupe républicain qu’elle soutienne le préfet, les gendarmes, les élus locaux et les décisions de justice, plutôt que de tenir des discours un peu démagogiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Laurent Panifous applaudit également.)
Mme Christine Arrighi
Madame la présidente !
Mme la présidente
Vous avez épuisé votre temps de parole, madame la députée.
M. Patrick Hetzel
Les écureuils manquent de noisettes ! (Sourires.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Caroline Fiat.)
Présidence de Mme Caroline Fiat
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Création d’une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin
Procédure d’examen simplifiée
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre la France et le gouvernement du Land du Bade-Wurtemberg relatif à la création d’une compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande sur le Rhin (nos 2141, 2249).
Ce texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais le mettre aux voix, en application de l’article 106 du règlement.
(Le projet de loi est adopté.)
3. Lutte contre les dérives sectaires
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes (nos 2308, 2333).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n° 23 à l’article 1er A.
Article 1er A (suite)
Mme la présidente
L’amendement no 23 de M. Hadrien Clouet est défendu.
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la ville et de la citoyenneté, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la ville et de la citoyenneté
Même avis.
(L’amendement no 23 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 76.
Mme Marie-France Lorho
Il tend à compléter les dispositions de l’article 1er BA, qui consacre la possibilité pour les conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD et CISPD, de constituer des groupes de travail dédiés à la lutte contre les dérives sectaires. Nous saluons cette mesure, mais la loi devrait permettre aux membres de ces comités d’être accompagnés, car ils ne sont pas nécessairement formés, ni même informés au sujet des dérives dont ils doivent traiter, de leurs formes et de leurs manifestations, ou encore de leurs victimes potentielles. Pour bien appréhender les dérives sectaires, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) dispose de moyens qui pourraient bénéficier aux membres des CLSPD et CISPD, et que ceux-ci pourraient solliciter par un canal spécifique. Mme la ministre s’en était remise à la sagesse de l’Assemblée pour l’amendement no 75 et il serait normal qu’elle en fasse de même pour cet amendement de bon sens.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Comme je l’ai dit en commission et lors de la discussion en la première lecture, la Miviludes intervient déjà auprès des élus locaux. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État
Même avis.
(L’amendement no 76 n’est pas adopté.)
Un député du groupe RN
Quel sectarisme, chez LFI !
M. Emeric Salmon
On va voter contre tout, maintenant !
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémence Guetté, pour soutenir l’amendement no 15.
Mme Clémence Guetté
Il vise à conclure des conventions bilatérales de partenariat entre la Miviludes et les agences régionales de santé (ARS).
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Des partenariats existent déjà entre la Miviludes et les ARS. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État
Même avis.
(L’amendement no 15 n’est pas adopté.)
M. Emeric Salmon
Nous, on est contre !
M. Sébastien Delogu
On s’en fout de votre avis ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Monsieur Delogu, on va veiller au langage employé dans l’hémicycle.
(L’article 1er A est adopté.)
Article 1er BA
Mme la présidente
L’amendement no 16 de M. Hadrien Clouet est défendu.
M. Emeric Salmon
On s’en fout !
M. Sébastien Delogu
Il vient d’affirmer que je suis fou ! Vous ne lui dites rien, madame la présidente ?
Mme la présidente
Non, ce n’est pas ce qu’il a dit. Par ailleurs, je viens de faire un avertissement et je ne vais pas le répéter tout l’après-midi !
(L’amendement no 16, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 1er BA est adopté.)
Article 1er
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 8 et 25, tendant à supprimer l’article 1er.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Xavier Breton
Deux questions continuent à se poser à propos de cet article. Son champ d’application se limite-t-il aux dérives sectaires ou est-il plus large – auquel cas je m’interroge sur sa présence dans ce texte ? Comment s’articule-t-il avec la législation existante relative à l’abus de faiblesse ? En commission, la rapporteure a affirmé que les deux infractions seraient complémentaires. Est-ce à dire que les cas visés par la nouvelle incrimination ne l’étaient pas par la qualification d’abus de faiblesse ? S’ils l’étaient déjà, ne va-t-il pas y avoir doublon ? Faute d’une réponse claire, nous maintenons cet amendement de suppression.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Jean-François Coulomme
L’article 1er porte un risque d’application abusive, étendue à l’emprise dans le cadre des violences intrafamiliales où s’exercent des états de sujétion physique ou psychologique, ce qui ne me semble pas le but recherché par le texte. En outre, selon la formule souvent utilisée par Mme la ministre et Mme la rapporteure, l’objectif de l’article est satisfait : la loi réprime déjà les comportements que la nouvelle infraction entend viser. Il convient donc de supprimer cet article, qui n’a aucune pertinence.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Le débat a déjà eu lieu en commission et à l’occasion de la première lecture. Je le dis une nouvelle fois : cet article est indispensable, car quoi que vous en pensiez, il comble une lacune juridique réelle en créant une nouvelle incrimination attendue avec beaucoup d’impatience par les associations de victimes qui assistent à notre débat. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État
Le nouveau délit représente une avancée décisive dans la lutte contre les dérives sectaires, car il tient davantage compte des spécificités de l’emprise sectaire. En supprimant l’article 1er, vous priveriez l’autorité judiciaire d’un outil utile à la lutte contre les dérives sectaires et laisseriez les victimes sans réponse satisfaisante, s’agissant notamment de l’indemnisation du préjudice. La création d’un nouveau délit permettra aux autorités judiciaires de réagir plus vite, avant que l’emprise sectaire ne dégénère en abus de faiblesse.
Cette proposition est issue des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires. Elle est soutenue unanimement par les associations de victimes et de prévention des dérives sectaires, qui sont présentes en tribune et qui savent, mieux que quiconque, le prix à payer pour une victime qui subit l’emprise sectaire d’un gourou, le temps qu’il lui faut pour se reconstruire et la difficulté du combat. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
Vous nous faites des réponses de principe. Or nos questions sont précises et ne remettent pas en cause l’opportunité de la création du délit, mais seulement ses modalités. S’étend-il, oui ou non, au-delà des dérives sectaires et s’applique-t-il à d’autres cas ? Diffère-t-il totalement de l’abus de faiblesse existant et comment s’en distingue-t-il ? À ces deux questions, vous ne répondez pas. Les associations approuvent unanimement la mesure, mais à moins de ne servir à rien, les parlementaires sont là pour poser des questions et faire leur travail : nos questions précises méritent des réponses précises.
(Les amendements identiques nos 8 et 25 ne sont pas adoptés.)
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 2
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 9 et 26, qui visent à supprimer l’article 2.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Xavier Breton
Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement de suppression de l’article 1er.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 26.
M. Jean-François Coulomme
Il relève en effet de la même logique que notre amendement tendant à supprimer l’article 1er. Le droit existant suffit largement à caractériser les situations d’emprise psychique ou psychologique visées par le projet de loi. Voyez ce qui se produit dans le monde du cinéma, où éclatent des scandales impliquant des jeunes actrices et des jeunes acteurs soumis à un état de sujétion psychologique ou psychique de la part d’adultes, réalisateurs notamment. Un arsenal juridique permet déjà de lutter contre de tels abus de position de force d’un individu sur un autre. Pourquoi donc sophistiquer inutilement ce projet de loi dans ce sens ?
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Vous l’avez dit, monsieur Coulomme : la logique est la même que pour l’article 1er. Mon avis est donc le même : défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État
Même avis.
(Les amendements identiques nos 9 et 26 ne sont pas adoptés.)
(L’article 2 est adopté.)
Article 2 bis A
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 12 et 27, tendant à supprimer l’article 2 bis A.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Xavier Breton
Nous abordons le sujet des thérapies de conversion. La récente loi du 31 janvier 2022 interdit les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Les circonstances qui ont présidé à son adoption sont les mêmes qu’aujourd’hui : rédaction bâclée et bricolage juridique. Nous vous avions alertés sur les problèmes que nous anticipions et qui ont effectivement surgi puisque nous légiférons à nouveau sur le sujet, en utilisant ce texte relatif aux dérives sectaires. Or, alors que les dispositifs prévus par la loi du 31 janvier 2022 n’ont toujours pas été correctement évalués, son application donne lieu à une fuite en avant et à l’introduction de circonstances aggravantes. Mon propos est non de défendre les thérapies de conversion, mais de veiller à ce qu’en ciblant des pratiques inacceptables, on n’en bride pas d’autres qui auraient leur place dans notre société. D’autres amendements concernent les thérapies de conversion, et votre avis nous intéresse.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 27.
M. Jean-François Coulomme
L’examen de ce texte illustre la manière dont le Gouvernement et le groupe Renaissance légifèrent depuis le début de la législature : pour ne pas grever les finances publiques, les lois adoptées augmentent le quantum de peines.
Cela n’a jamais dissuadé quiconque : aucun délinquant ne s’amuse à se promener avec un exemplaire du code pénal sous le bras et, avant de passer à l’acte, à le consulter pour savoir ce qu’il risque ! Ces mesures sont donc inopérantes ; c’est pourquoi nous réclamons davantage de moyens pour la justice et une meilleure prise en charge des victimes, notamment celles de thérapies de conversion, qui relèvent du crime, non de l’activité sectaire – elles tombent d’ailleurs déjà sous le coup de la loi. Avec cette logique d’alourdissement des peines, si l’on considère un parti comme celui d’en face, favorable à la peine de mort (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN)…
Un député du groupe RN
Dix ans de retard !
M. Jean-François Coulomme
…il n’y aurait qu’à appliquer celle-ci à tous les crimes et délits ; puisqu’elle est si dissuasive, personne n’en commettrait plus ! Voyez-vous où se situe l’erreur dans ce raisonnement ? Ça ne marche pas ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je ne fais que rappeler la réalité !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Défavorable. Monsieur Breton, il s’agit là de faire de l’abus de faiblesse reposant sur l’état de sujétion de la victime, défini à l’article 1er, une circonstance aggravante de l’infraction relative aux thérapies de conversion. Vous dites que nous n’avons pas légiféré sur ce point auparavant : nous ne pouvions, en 2022, nous référer à des dispositions qui n’existaient pas encore ! Il est d’autant plus important qu’elles soient désormais créées.
Monsieur Coulomme, vous me voyez quelque peu surprise : si ma mémoire est bonne, comme je le crois, votre groupe a voté en commission pour l’amendement concernant les thérapies de conversion. En outre, vous parlez de dépense publique, dont l’article ne fait pas mention.
M. Jean-François Coulomme
C’est un peu le problème, justement !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État
Même avis. Contrairement à ce que suggèrent ces amendements, messieurs les députés, il ne s’agit pas de modifier les éléments constitutifs de pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre – considérées depuis plus de deux ans comme une infraction –, mais, en toute cohérence, d’instaurer comme circonstance aggravante l’état de sujétion psychologique ou physique, au sens du texte proposé pour l’article 223-15-3 du code pénal, qui vise particulièrement groupements sectaires et bandes organisées. Cet article renforcera donc la protection des victimes de thérapies de conversion.
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Véran.
M. Olivier Véran