- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de résolution de Mme Isabelle Santiago et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance (190)., n° 304-A0
- Stade de lecture : Lecture unique
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Après l’alinéa 12, insérer l’alinéa suivant :
« k) D’évaluer les conditions de travail des professionnels de la protection de l’enfance, y compris les assistants familiaux, le taux de rotation du personnel et de postes vacants dans les structures ; ».
Par cet amendement, nous souhaitons que la commission d’enquête étudie les conditions de travail des professionnels de la protection de l’enfance, y compris les assistants familiaux, ainsi que le taux de turn-over et de postes vacants dans les structures.
La pénurie de professionnels dans le secteur de la protection de l’enfance est alarmante et s’aggrave chaque année. La précarisation des métiers liés à cette mission essentielle contribue à une crise généralisée. Dans un contexte où le nombre d’enfants et de jeunes protégés par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) ne cesse d’augmenter, 60 % des établissements et services ont été contraints de dépasser leur capacité d’accueil ou d’accompagnement au cours des derniers mois.
Les conditions de travail se détériorent, avec une stagnation des salaires et un manque de reconnaissance de ces métiers. De nombreux professionnels s’épuisent dans l’exercice de leurs fonctions, entraînant un abandon massif des postes. Les conséquences sur la protection, la stabilité et les parcours des enfants placés sont catastrophiques. Les travailleurs sociaux, tels que les éducateurs et les assistants sociaux, expriment des revendications claires pour une augmentation salariale.
La surcharge de travail et le sous-effectif sont devenus monnaie courante. Faute de professionnels en nombre suffisant pour répondre aux mesures de placement et d’accompagnement en milieu ouvert, des enfants ne sont pas suivis et des familles ne reçoivent pas le soutien nécessaire. Cette situation crée des conditions de travail inadaptées et une surcharge qui se traduit par une hausse des arrêts maladie, souvent non remplacés. Les éducateurs se trouvent dans une solitude pesante face aux défis quotidiens.
Les chiffres sont révélateurs : en 2023, 97 % des 314 établissements ayant répondu à une enquête menée par l’UNIOPSS déclarent rencontrer des difficultés de recrutement, contre 95 % en 2022. Le taux moyen de postes vacants s’élève à 9 %, bien au-delà du secteur sanitaire et social. De plus, 40 % des établissements recourent à l’intérim, avec un taux qui augmente avec la taille des structures. En conséquence, 5 % des établissements ont été contraints à une fermeture totale faute de personnel.
Face à cette pénurie alarmante, nous constatons également le recrutement de professionnels sans formation adéquate et une augmentation constante du nombre d'enfants suivis par chaque éducateur. Cela entraîne un suivi extrêmement ponctuel par enfant et une baisse significative de la fréquence d’intervention des actions éducatives en milieu ouvert (AEMO). Les délais d’attente pour les mesures de placement s’allongent, tandis que les salaires demeurent indécents, dépassant à peine le SMIC.
En 2019, le Haut Conseil du travail social avait recensé 21 millions de journées d’absence chez les professionnels de la protection de l’enfance, témoignant ainsi d’une souffrance au travail généralisée. Les salariées, très majoritairement des femmes, subissent des conditions déplorables qui impactent non seulement leur bien-être mais aussi celui des enfants qu’elles accompagnent.
Ainsi, face au vieillissement des familles d’accueil, 50% des assistants familiaux ont 55 ans ou plus, et aux difficultés croissantes pour assurer leur remplacement, en 2022, 38% des enfants confiés à l’ASE sont accueillis chez des assistantes familiales, contre 56% à son maximum en 2006. L’accueil en établissement devient, pour la première fois, la modalité d’accueil la plus fréquente.
Il est essentiel d’évaluer ces conditions de travail afin d’apporter des solutions concrètes pour améliorer la situation actuelle. Cet alinéa vise à garantir que les professionnels disposent des moyens nécessaires pour exercer leur mission , afin d’assurer une protection efficace pour tous les enfants confiés à la responsabilité de l’État.