- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Le 2 de l’article 238 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
a) Le montant : « 2 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 1 million d’euros » ;
b) Le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 50 % » ;
c) À la fin, les mots :« et la fraction supérieure à ce montant ouvre droit à une réduction d’impôt au taux de 40 % » sont supprimés.
2° Au deuxième alinéa, le montant : « 2 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 1 million d’euros ».
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP entend limiter la niche fiscale sur le mécénat.
Cette niche, coûteuse et mal maîtrisée, est dénoncée de longue date par la Cour des compte. En 2018, la Cour des comptes pointait déjà les dérives du mécénat en France, publiant un rapport accablant sur les exonérations fiscales. Avec la loi du 1er août 2003 sur le mécénat, les associations et les fondations, dite « loi Aillagon », la France s’est dotée d’un dispositif fiscal généreux en faveur du mécénat des entreprises. Le caractère très incitatif des mesures fiscales instaurées - avec une réduction d’impôt à un taux élevé et un plafonnement peu contraignant – a été très vite suivi d’effets. Le nombre d’entreprises y ayant recours ont « contribué à une multiplication par dix du montant de la dépense fiscale prévue à l’article 238 bis du CGI » entre 2004 et 2018. Cette niche, probablement sous-évaluée en raison de « limites méthodologiques qui ne permettre pas de rendre compte du coût réel des mesures pour l’État », croit beaucoup plus vite que le reste de l’économie : elle coûtait il y a 5 ans environ 900 millions d’euros, elle représentait en 2022 1,3 milliard d’euros, et a coûté en 2023 1,5 milliards d’euros, en augmentation de 200 millions d’euros en une seule année !
Les pratiques d’évitement de LMVH sont caractéristiques des abus permis par cette niche : l’entreprise fait un usage intensif de la loi Aillagon et bénéficié de 47,1 millions d’euros par an en moyenne, soit pour 2018 environ 8,1 % de la dépense fiscale totale pour l’État au titre du mécénat des entreprises. Par exemple, la construction de la Fondation Louis Vuitton par l’architecte Frank Gehry avait été annoncée et calibrée à 100 millions d’euros, le coût final s’est établi à 790 millions d’euros et est supérieur à celui de la Philharmonie de Paris, sous maîtrise d’ouvrage publique. Bernard Arnault avait alors décrit fallacieusement cette construction comme “un cadeau fait à la France”. Il n’en n’est rien. Il s’est bien gardé d’expliquer que le contribuable allait régler une partie de la note grâce aux déductions fiscales. Il s’agit d’un cadeau qu’il s’est offert, sur le dos des contribuables, et donc des Français. Alors que ce mécénat visait initialement à aider les artistes, l’art ou la culture, il est utilisé pour financer une fondation qui porte le nom d’une marque ou encore la Bourse de Commerce-Pinault Collection, encourageant l’optimisation fiscale des ultra riches.
Avantageuses pour les entreprises, coûteuses pour le budget de l’État, ces dépenses fiscales représentent une perte de recettes et ne sont pas soumises à une évaluation de leur efficience ni à des objectifs de contrôle.
Les gains pour l'Etat par la réduction de cette niche fiscale pourront être directement réengagés aux services des associations, notamment culturelles, qui assurent la solidarité nationale, et font face à une hausse de leurs coûts conjuguée à des besoins croissants. Il est plus que temps d'agir.
Nous souhaitons par cet amendement réduire les cadeaux faits aux grandes entreprises à travers les niches fiscales sur le mécénat. Les ressources ainsi dégagées pourraient être redirigées dans le budget du ministère de la Culture pour véritablement faire vivre notre démocratie culturelle.