- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Le code des impositions sur les biens et services est ainsi modifié :
I. – L’article L. 422 -20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Le tarif de la taxe sur les jets privés déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 422 -24‑1 ».
II. – Après l’article L. 422 -24, il est créé un article L. 422 -24‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 422 -24 -1. – La circulation d’aéronefs privés, à l’exception des aéronefs individuels de plaisance, pouvant transporter moins de 25 passagers et dont le poids au décollage à vide est inférieur à 30 tonnes est soumis à une taxe en fonction des émissions de dioxyde de carbone lors du survol de l’espace aérien national et des espaces aériens placés sous juridiction française. Le tarif de la taxe est fixé à 44,6 euros par tonne émise. »
Cet amendement propose de taxer tout jet privé qui traverse l'espace aérien français, qu'il soit immatriculé en France ou non, qu'il se pose en France ou non, en fonction du volume d'émissions de gaz à effet de serre qu'il rejette.
Un vol d'une heure en jet privé est à l'origine de deux tonnes de CO2 en moyenne, et peut aller jusqu'à 5 tonnes. Au kilomètre, un jet émet jusqu'à 20 fois plus de gaz à effet de serre qu'un avion de ligne classique. Selon Médiapart, une cinquantaine de jets privés immatriculés en France ont émis pas loin de 80 000 tonnes de CO2, réalisé 11 000 vols et parcouru environ 11 millions de kilomètres entre mai 2023 et avril 2024. Si l'on ramène ces émissions au nombre de voyageurs transportés, le bilan écocidaire de ces aéronefs est encore plus catastrophique : un jet privé dispose en général d'une dizaine de places, contre 75 à plus de 800 places pour les avions de ligne classique.
En dépit de l'aberration qu'ils représentent d'un point de vue écologique, ces aéronefs ont vu leurs ventres croître sans discontinuer depuis des années. Ils étaient moins de 10 000 en 2000, contre plus de 23 000 en 2022, soit une augmentation de 133% en 22 ans. La même année, 5,3 millions de vols en jets privés ont été recensés. Selon Greenpeace dans un rapport publié en mars 2023, la France était en 2022, "le pays comptant le plus de vols en jet privé dans l'UE et a généré 11% des émissions des jets privés en Europe".
Faute de pouvoir proposer une interdiction pure et simple des jets privés, il apparait vital de désinciter à leur usage. Il s'agit d'un impératif écologique, mais aussi d'une question de justice fiscale et sociale : comment faire accepter à nos concitoyens la sobriété nécessaire dans le cadre de la transition énergétique, pendant qu'en parallèle, une vie d'efforts d'un Français moyen peut être effacée par un trajet en jet privé d'un multi-milliardaire représentant 0,0008% de la population mondiale ? Car il s'agit bien de cela : de l'égoïsme de quelques uns. Selon un rapport du think tank Institute for Policy Studies, la fortune médiane d'un propriétaire de jet privé est de 190 millions de dollars. En outre, les études montrent que le niveau de pollution individuelle est très corrélé aux niveaux de richesse. À l’échelle mondiale, les 1 % les plus riches polluent autant que les 50 % les plus pauvres. Et pourtant, ce sont ces 50 % les plus pauvres qui subiront en premier lieux les conséquences catastrophiques du réchauffement climatique.
Ces préoccupations ne sont pas théoriques : elles renvoient directement aux recommandations n°2 et 3 de l'OCDE aux États pour réussir à rendre acceptables les politiques écologiques. D'ailleurs, la multiplication des comptes en ligne de "flight tracker" permettant le suivi des vols des jets privés est éloquente, et témoigne bien de l'indignation légitime de nos concitoyens face à ces symboles des caprices d'ultra-riches, anachroniques au regard de l'urgence qui est la nôtre aujourd'hui.
D'un point de vue technique, le tarif de la taxe est calqué sur le tarif de la taxe carbone. En seront exclus les avions de ligne, les avions de plaisance individuels type monoplaces ou biplaces et les avions concourant aux services publics (quoi qu'il conviendrait de trouver un mécanisme afin de dissuader certains ministres à aller voter en jet privé).