- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Le premier alinéa de l’article 787 B du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, la fraction de la valeur vénale des parts ou actions transmises correspondant à des biens affectés à l’activité opérationnelle d’une société dont l’activité principale est industrielle, commerciale, au sens des articles 34 et 35, artisanale, agricole ou libérale ou bien les actifs affectés à l’activité opérationnelle de ladite société, transmis par décès, entre vifs ou, en pleine propriété, à un fonds de pérennité mentionné à l’article 177 de la loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises. »
Par cet amendement de repli, le groupe LFI-NFP propose de réformer le pacte Dutreil, en limitant l’exonération qu’il permet à la transmission des seuls actifs affectés à l’activité opérationnelle des sociétés ainsi qu’à à la seule fraction de la valeur vénale des parts ou actions transmises correspondant à des biens affectés à l’activité opérationnelle de la société.
Le pacte Dutreil permet la défiscalisation de la donation en ligne directe de 75 % des parts d’une entreprise à la condition que l’héritier exerce une fonction de direction. Cette exonération fiscale massive, qui permet d'éviter l'impôt sur les successions d’entreprises, a démontré ses effets pervers, aux dépens de nos finances publiques. Cette niche est d'autant plus absurde qu'en cas de non-respect des engagements de l'héritier, l'exonération n'est même pas remise en cause.
Le pacte Dutreil abîme considérablement la progressivité des droits de succession. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de juin 2024, pour la transmission en ligne directe d’un patrimoine de 2,5 millions d’euros, alors que le taux moyen devrait être de 30 %, le taux moyen effectif n’est que de 15 %. C’est ainsi, à l’aide des mécanismes dérogatoires, 375 000 € qui sont soustraits à la puissance publique.
Ce pacte favorise en effet la construction de dynasties familiales dans les directions d’entreprises par stratégie d’évitement de l’impôt, au mépris d’un critère de crédibilité et de compétence. Il a répandu en France ce que la littérature économique appelle « l’effet Carnegie » : la désincitation au travail et au développement provoquée par le bénéfice d'un héritage assurant fortune.
Dans le cadre de son travail sur les aides aux entreprises, l’IGF a rencontré le MEDEF et le METI. Les conclusions de l’IGF sont éloquentes : le MEDEF et le METI « ont fait part d’un vif attachement au dispositif du pacte Dutreil, sans que ces deux associations n’aient pu apporter d’arguments tangibles sur ses effets positifs ». Il est plus que temps de remettre en cause ces dispositifs injustes socialement, coûteux financièrement, et inutiles économiquement !
Ce dispositif, qui grève chaque année le budget de l’Etat de 3 milliards d'euros, est d’autant plus inquiétant que le nombre de pactes Dutreil a fortement augmenté depuis une quinzaine d’années, comme le pointe le Conseil d’Analyse économique.
L’objectif économique du pacte Dutreil est d’assurer la pérennité des entreprises en allégeant le coût de leur transmission. Si nous nous opposons à la création de dynasties dans les entreprises, il faut au moins s’assurer que cette transmission se fait dans l’intérêt de l’activité de l’entreprise et pas dans une logique de transmission de rente.
Ainsi, conformément aux recommandations de l’IGF, nous proposons de limiter l’exonération de 75% à la transmission des seuls actifs affectés à l’activité opérationnelle des sociétés ainsi qu’à à la seule fraction de la valeur vénale des parts ou actions transmises correspondant à des biens affectés à l’activité opérationnelle de la société, comme c’est le cas en Allemagne, en Belgique, ou au Royaume-Uni.