Fabrication de la liasse

Amendement n°I-CF949

Déposé le dimanche 13 octobre 2024
Discuté
Adopté
(vendredi 18 octobre 2024)
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Photo de monsieur le député Paul Vannier

I. – Après la section 0I du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, est insérée une section 0I bis ainsi rédigée :

« Section 0I bis

« Contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises

« Art. 224. – I. – A. – Il est institué une contribution additionnelle sur les bénéfices des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros.

« B. – La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.

« C. – La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :

« a) 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« b) 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

« c) 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.

« II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D, déterminés avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

« B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

« C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.

« D. – Sont exonérées de la contribution prévue au I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné.

« E. – La contribution additionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt. La contribution additionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés. »

II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025. Elles s’appliquent également à l’exercice fiscal de l’année de son entrée en vigueur.

III. – Avant le 31 décembre 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation provisoire de l’application du I du présent article.

IV. – Avant le 31 décembre 2026, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation définitif de l’application du I du présent article.

Exposé sommaire

Par cet amendement, les députés LFI-NFP proposent de taxer les superprofits afin de faire contribuer à la solidarité nationale les profiteurs de crise.

La crise sanitaire puis la crise énergétique, si elles ont été des périodes difficiles pour la population, ont également été l’occasion pour les grands groupes de s’enrichir de façon indécente en augmentant leurs marges.

Les superprofits se caractérisent par le fait qu’ils ne sont pas dus à des gains de productivité ou à des innovations, mais bien à un contexte extérieur (crise, guerre, pandémie) qui permet aux entreprises en position de situation dominante d’opérer une spéculation sur les prix. Même pour les tenants du néolibéralisme, ces profits correspondent à des rentes et devraient être taxés : l’ex chief economist du FMI Olivier Blanchard, reconnaît la nécessité de taxer les superprofits.

L’économiste Agnès Bénassy-Quéré, dans son article de 2022 “Crise énergétique : vers une Europe à la chandelle ?” distingue plusieurs types de chocs. Elle montre notamment l’impact économique du choc énergétique supposément provoqué par la guerre. Le prix du pétrole a augmenté de 22% entre 24 février et 24 avril, celui du gaz naturel a été multiplié par cinq entre 2021 et 2022, et celui de l’électricité a été multiplié par 14 sur la même période.

Cette flambée des prix a pris à la gorge les Français, provoquant une baisse de la consommation populaire, entraînant à son tour une contraction du PIB au cours du premier trimestre 2022 de –0,2 %. Au moment où les Français étaient financièrement étranglés par l’inflation, Engie enregistrait un résultat net de 4 milliards d'euros au premier semestre 2023, contre 3,2 milliards d'euro un an plus tôt. Total Energie, pour sa part, a réalisé en 2022 et 2023 deux bénéfices records, de respectivement 19,5 et 19,8 milliards d’euros. En 2019, le bénéfice de Total était de 10 milliards de dollars, un montant deux fois plus faible ! Le groupe CMA CGM quant à lui affiche un résultat net sur l'année 2022 de 24,9 milliards d'euros, plus grand bénéfice dans l'Histoire pour une société française.

Malgré ces profits réalisés sur le dos des Français en période de crise, ces entreprises limitent autant que possible leurs impôts versés en France. En effet, Total Energie n'a payé aucun impôt sur les sociétés pour les exercices 2019, 2020 et 2021. Le taux effectif d'imposition de la CMA CGM a été de 2% en 2022 : 587 millions d'euros d'impôts pour un bénéfice de 24,9 milliards. Il est temps de mettre fin à ces privilèges fiscaux.

Une telle taxe sur les superprofits a des précédents historiques en France : la loi du 1er juillet 1916, et les ordonnances du 18 juillet 1944 et du 15 août 1945. Les profiteurs de crise doivent à nouveau rendre à la Nation les richesses qu’ils se sont accaparés.

Alors que la Cour des comptes avait souligné, dans son rapport public thématique sur les mesures de lutte contre la hausse des prix de l'énergie, l'insuffisance de la taxation des rentes inframarginales du gouvernement, il est temps de mettre en œuvre une réelle taxation de ces superprofits.

Nous prenons comme années de référence les "dernières années sans crise" telle que définies par Laurent Saint Martin le 11 octobre 2024 lors de son audition en commission des finances, à savoir les années 2017, 2018 et 2019.