- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Mission visée : Action extérieure de l'État
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes | + | - |
Action de la France en Europe et dans le monde | 0 | 4 000 000 |
Diplomatie culturelle et d'influence | 4 000 000 | 0 |
Français à l'étranger et affaires consulaires | 0 | 0 |
TOTAUX | 4 000 000 | 4 000 000 |
SOLDE | 0 |
Le présent amendement propose la création d’un fonds d’urgence pour la protection du patrimoine culturel palestinien.
L’offensive israélienne sur la bande de Gaza met en grave danger les populations civiles, puisque près de 43 000 Palestiniens (dont plus de 14 000 enfants) ont été tués et plus de 100 000 ont été blessés depuis un an. Par ailleurs, 96 % de la population serait touchée par la famine selon le cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire.
L’offensive israélienne, qu’il s’agisse des frappes sur Gaza ou de l’intensification de la violente colonisation en Cisjordanie, fait aussi de très lourds dégâts matériels. Cet « urbicide » est d’abord une stratégie cynique visant à ce que toute vie humaine ne soit plus tenable à terme. C’est la politique de la terre brûlée. Elle met aussi en péril le riche patrimoine culturel palestinien. A l’instar des hôpitaux et des écoles, Tsahal invoque l’argument largement épuisé et mensonger de la lutte contre le terrorisme pour tout raser sur son passage et organiser méthodiquement l’effacement du peuple palestinien et de sa culture. Ce génocide culturel, que l’Afrique du Sud a inclus dans son dossier auprès de la Cour internationale de Justice, est documenté.
Selon des données du CUNY Graduate Center et de l’Oregon State University, au 24 juillet 2024, 59,3 % des bâtiments de Gaza (74,3 % à Gaza-ville) ont été endommagés ou détruits. Parmi eux, la majorité des écoles, toutes les universités, des bibliothèques ou des archives, détruisant du même coup la mémoire et la culture vivante de la ville.
L’UNESCO a également recensé la destruction d’une centaine de hauts sites dont le palais Al-Bacha, le musée sur l’ancienne cité grecque d’Anthedon, la mosquée al-Omari et l’église de Jabaliya el-Mukheitim… Des vidéos montrant des soldats dans l’entrepôt de l’École biblique et archéologique française (Ebaf) ont également confirmé des pratiques de pillage en cours depuis des décennies, nombre d’objets venus des Territoires Palestiniens Occupés ayant depuis longtemps été localisés dans plusieurs musées en Israël. Dès les années 1960 et 1970, des fouilles organisées par Moshe Dayan pour enrichir sa collection personnelle lui avaient permis d’acquérir des sarcophages datant du XIVème siècle d’une valeur inestimable, qui sont désormais exposés au musée d’Israël. Mais cette prédation avait au moins le mérite de préserver le patrimoine. Aujourd’hui, Tsahal entreprend de tout ravager.
Quatre des cinq sites palestiniens classés au patrimoine mondial de l’UNESCO sont aujourd’hui considérés en péril. Parmi eux, le paysage culturel « d’olives et de vignes » de Battir en Cisjordanie occupée, est aujourd’hui gravement menacé. Le ministre israélien des finances Bezalel Smotrich, farouche partisan de la colonisation violente en Cisjordanie a annoncé le 7 août dernier « engager les procédures d’établissement de la colonie de Nahal Haletz ». D’après Le Monde, « le territoire de Nahal Haletz couvre près de la moitié de la zone centrale du site classé par l’Unesco ». Les colons y détruisent des infrastructures et des champs d’oliviers millénaires, constitutifs de l’identité palestinienne.
Ce triste inventaire est inépuisable. L’ampleur des dégâts est recensée par des universitaires sur le site gazahistoire.hypotheses.org.
Face à cet anéantissement humain et culturel, la société civile française s’organise. En avril, l’archéologue René Elter a présenté au Louvre les actions de préservation du monastère byzantin de Saint-Hilarion. En septembre, un colloque a été consacré au défi de la protection du patrimoine de Gaza, avec l’intervention de spécialistes de l’école biblique et archéologique française de Jérusalem. L’institut du Monde Arabe a exposé les œuvres d’artistes palestiniens dans le cadre de son exposition « Ce que la Palestine apporte au monde ». Une levée de fonds a même été organisée pour évacuer les artistes concernés, qui risquent chaque jour la mort, coincés dans l’horreur de Gaza.
L’État français doit prendre sa part dans cette mobilisation. La gravité de la situation impose un financement exceptionnel de l’État.
C’est pourquoi cet amendement propose la création d’un fonds d’urgence pour la préservation du patrimoine culturel palestinien. Celui-ci serait au minimum de 4 millions d’euros, qui est environ le montant engagé par l’Union européenne pour la fondation alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit chargée de la protection du patrimoine ukrainien. Selon les règles de recevabilité imposées par l’article 40 de la Constitution, il convient dès lors de renforcer les moyens du Service de coopération et d’action culturelle du consulat général de France à Jérusalem en augmentant de 4 millions d’euros les AE et CP de l’action 01 « Appui au réseau » du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » et de réduire d’autant les AE et CP de l’action 06 « Soutien » du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ». Nous appelons le Gouvernement à lever le gage.