- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Mission visée : Médias, livre et industries culturelles
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes | + | - |
Presse et médias | 0 | 0 |
Livre et industries culturelles | 0 | 25 000 000 |
Fonds de soutien à la mise en place de la gratuité des prêts de livres dans les bibliothèques et médiathèques municipales(ligne nouvelle) | 25 000 000 | 0 |
TOTAUX | 25 000 000 | 25 000 000 |
SOLDE | 0 |
Par cet amendement, nous proposons d'instaurer la gratuité des prêt de livres dans les bibliothèques et médiathèques municipales.
Nous souhaitons appliquer le Manifeste de l'Unesco sur la bibliothèque publique de 1994 qui affirme « les services de la bibliothèque publique sont en principe gratuits ». L'examen d'une proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique d'octobre 2021 a réffirmé le fait que les bibliothèques ont « pour missions de garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ». Cette proposition de loi ne l'a pas pourtant pas concrètement mise en oeuvre.
Instaurer la gratuité des prêts de livre répond à un impératif de réduction des inégalités sociales, et donc à un impératif de bon sens. Selon l'Observatoire des inégalités en septembre 2021, 47 % des ouvriers et employés ne lisent jamais de livre, contre 15 % des cadres supérieurs. De même, 48 % des cadres lisent au moins dix livres par an, contre 16 % des ouvriers et employés. Le même observatoire soulignait, en 2023, que dès le primaire, les enfants d’origine sociale défavorisée obtiennent en moyenne de moins bons résultats que les enfants de cadres, et que l'on retrouve ces écarts au collège et ils déterminent l’orientation de fin de troisième. Or, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture à un très jeune âge, justement favorisé par un accès gratuit aux services de bibliothèques, creuse les écarts, les enfants étant, selon l’appartenance sociale de leurs parents, inégalement dotés en vocabulaire.
En dépit de ces évidences, la gratuité des prêts de livre n'est toujours pas instaurée. Pourtant, certaines villes ont déjà instauré localement la gratuité des prêts, comme Le Havre, Rouen, Dunkerque, Reims ou Le Mans. Récemment, en aout 2024, Villeurbanne s'est jointe à cette liste.
L'argument du manque à gagner, souvent convoqué par les détracteurs de cette proposition, est infirmé par l'exemple de Reims, qui chiffre la perte de recettes à seulement 40000 euros par an pour sept bibliothèques, jugé «tout à fait supportable au regard de l’objectif d’ouverture de la culture à tous », estime Pascal Labelle, adjoint au maire, délégué à la culture et au patrimoine. Celui-ci insite par ailleurs sur les effets positifs en matières de ressources humaines où les agents de bibilothèque peuvent être redéployés « sur des tâches de médiation », plus pertinentes « pour les missions des bibliothèques et beaucoup plus valorisant pour les agents ». L'association des Bibliothécaires de France (ABF) défend depuis des années la gratuité des prêts. Le système d'inscription forfaitaire peut dissuader ou freiner une partie du public à l'usage de la bibliothèque.
En juin 2021, Emmanuel Macron annonçait que la lecture serait « la grande cause de l'année 2022 », mais rien n'est fait en direction de cette revendication évidente qui en faciliterait l'accès. Lors de l'examen de la proposition de loi en octobre 2021, nous avions déposé un amendement garantissant le prêt gratuit de livres, que l'ancienne majorité ainsi que le Gouvernement ont refusé.
Le PLF pour 2025, à l'instar du PLF pour 2024, accorde une certaine importance aux bibliothèques en tant qu'actrices de la démocratisation de la lecture. Comme pour l’an dernier, il s’agit de l’action qui représente le premier pôle de dépense de la mission Médias, livre et industries culturelles, et de loin. Toutefois, si ses crédits en CP semblent stables en valeur absolue (+0,01% par rapport à LFI2024), ils correspondent cependant à une baisse réelle une fois reportée à l’inflation. Mais surtout, les objectifs affichés de ce prétendu "axe prioritaire" (parmi lesquels étendre l’ouverture des bibliothèques sur le territoire, y compris via des horaires d’ouverture élargis afin de booster la fréquentation) trouvent un angle mort majeur dans la question de la gratuité des prêts. Cet amendement entend y remédier.
Nous proposons donc de nouveau que le principe de gratuité s'applique au prêt des collections des bibliothèques afin de garantir à toutes et tous l'accès aux livres. Certaines collectivités pourront bénéficier d'un fonds de soutien si elles rencontrent des difficultés financières pour mettre en oeuvre cette mesure.
Pour respecter les règles de recevabilité financière, nous proposons dans cet amendement de transférer des crédits de l'action 01 du programme 334 – Livre et industries culturelles, à hauteur de 25 millions d’euros en autorisation d'engagement et 25 millions d'euros en crédits de paiement, vers un programme intitulé « Fonds de soutien à la mise en place de la gratuité des prêts de livres dans les bibliothèques et médiathèques municipales ». Nous appelons le Gouvernement à lever ce gage.