- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Mission visée : Audiovisuel public
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à évaluer la répartition des dépenses des groupes de l’audiovisuel public dans le secteur de la production audiovisuelle et du cinéma, et à évaluer l’impact de cette répartition pour les finances publiques. Ce rapport évalue l’opportunité pour les finances publiques de mettre en œuvre, dans les contrats d’objectifs et de moyens des entreprises publiques, un seuil maximal de prise en compte des investissements réalisés par les groupes de l’audiovisuel public avec le même partenaire commercial pour la comptabilisation des quotas relatifs aux obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique.
Par cet amendement, les député-es du groupe LFI-NFP souhaitent que le Gouvernement se penche sur le sujet primordial des dépenses, notamment externalisées, dans la production audiovisuelle des groupes de l’audiovisuel public, surtout celles qui se concentrent dans les mains de grands groupes dominants.
La concentration des groupes de la production audiovisuelle est un problème en soi, et les dépenses publiques des groupes de l’audiovisuel public, majoritairement au profit de ces grands groupes, est dommageable pour la variété des productions et l’indépendance de l’audiovisuel public. Elle pose aussi la question de la part de nos dépenses publiques qui se retrouve dans les mains de ces grands groupes sans aucune forme de garantie.
La production indépendante constitue un vivier de création important, puisque, n’étant pas soumise à des impératifs de rentabilité imposés par des actionnaires, elle est libre d’expérimenter et de proposer des contenus réellement originaux et décalés. Or les plus grands groupes de la production audiovisuelle (Banijay, Mediawan, Newen, JLA, UGC), concentrent à eux seuls plus de 30% des dépenses de France Télévisions dans la production audiovisuelle. Cela pose la question de la captation des ressources publiques, et de la dépendance des groupes de l’audiovisuel public à ces entreprises. Le feuilleton Plus belle la vie, par exemple, était produit par le groupe Newen, qui a été racheté par TF1 en 2015. France Télévisions dépendait donc d’un concurrent, entre 2015 et 2022, lorsque la série a été annulée par France Télévisions. Elle a été reprise par TF1 par la suite.
Les député-es du groupe LFI-NFP demandent donc au Gouvernement d’établir un état des lieux des dépenses des groupes de l’audiovisuel public au profit de grands groupes privés, au détriment de la production indépendante.
Ce rapport évaluera également l'opportunité de fixer, dans les contrats d’objectifs et de moyens des entreprises publiques, un seuil maximal, au-delà duquel les dépenses des groupes de l’audiovisuel public auprès de groupes dominants dans le domaine de la production audiovisuelle ne pourront plus être comptabilisées dans le financement de la production audiovisuelle telle qu’elle ressort des décrets pris en application de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, lesquels déterminent les obligations des éditeurs de services de télévision en matière de contribution à la production d'œuvres cinématographiques. Cela permettrait à la France d’intégrer les préconisations de la directive SMA 2010/13/UE du 10 mars 2010, dont le considérant 71 précise que « les Etats membres, lorsqu’ils définissent la notion de «producteurs indépendants d’organismes de radiodiffusion télévisuelle », devraient prendre dûment en considération, notamment (…) la quantité de programmes fournis au même organisme de radiodiffusion télévisuelle (…).»
Par ailleurs, certains des plus grands groupes français de la production audiovisuelle sont détenus en grande partie par des capitaux étrangers. Par exemple Mediawan est détenu à plus de 50% par un fonds de pension américain (KKR). Cela signifie que Mediawan, auprès duquel France Télévisions dépense près de 130 millions d’euros par an, finance un fonds de pension américain via de l’argent public français (investissements réalisés par France Télévisions, mais également les aides publiques directes ou indirectes et les crédits d’impôts).
Enfin, la définition même de la détention ou du contrôle par des capitaux étrangers d’un groupe de production pose problème. Le droit français, en conformité avec le droit européen, interdit la détention ou le contrôle par des capitaux étrangers. Les textes réservent les subventions publiques aux sociétés « contrôlées » par des capitaux européens au sens du code du commerce, c’est-à-dire que les capitaux européens doivent détenir la majorité des droits de vote lors de l’assemblée générale des actionnaires. Or le CNC continue d’octroyer des subventions si le « contrôle artistique » est détenu par une société française ou par l’État (dans le cas de l’audiovisuel public). Dans le cas de Mediawan, le CNC assure que l’État étant au conseil d’administration via la BPI, il assure le contrôle artistique et ne pose donc pas de problème au vu de la loi et du droit européen, ce qui est absurde.
Ainsi, nous demandons au Gouvernement la remise d’un rapport visant à évaluer la répartition des dépenses des groupes de l’audiovisuel public dans le secteur de la production audiovisuelle et du cinéma, et à évaluer l’impact de cette répartition pour les finances publiques. Ce rapport évalue l’opportunité pour les finances publiques de mettre en œuvre, dans les contrats d’objectifs et de moyens des entreprises publiques, un seuil maximal de prise en compte des investissements réalisés par les groupes de l’audiovisuel public avec le même partenaire commercial pour la comptabilisation des quotas relatifs aux obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique tels qu’établis par les décrets pris en application de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, lesquels déterminent les obligations des éditeurs de services de télévision en matière de contribution à la production d'œuvres cinématographiques.