- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
- Mission visée : Sécurités
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les moyens de l’Agence nationale des titres sécurisés et sur les conséquences financières, pour l’État et pour les usagers, de l’intervention du secteur privé pour faciliter la délivrance de certains titres.
Cet amendement vise à demander au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement sur les conditions de délivrance des titres sécurisés dans notre pays.
Autrefois monopole du service public, et en tous cas compétence stratégique relevant de la souveraineté de l'Etat, cette activité fait désormais intervenir de nombreux acteurs du secteur privé. Déjà en 2018, nous alertions sur les conséquences pour les usagers de la privatisation du centre d'appels de l'ANTS, externalisée à une société sous-cursale de l'empire de Patrick Drahi, comme suite logique de la fermeture des services d'accueil en préfectures et sous-préfectures des guichets de demandes de cartes grises et de permis de conduire. Cette dérive a aussi été rendue possible par le fait que la délivrance des titres sécurisés est, depuis 2017, largement dématérialisée, seule l'obtention d'un passeport ou d'une carte d'identité nécessitant un double accueil physique. Ces acteurs privés se rémunèrent donc en se proposant comme intermédiaires, facilitant la réalisation de ces démarches en ligne, qui sont devenues difficilement accessibles aux usagers en raison des délais
nécessaires, de leur complexité ou de l’absence d’interlocuteurs pour les aider. L'usager ne mesure bien souvent pas toutes les implications de sa situation, faute d'information suffisante, notamment quant au délai d'obtention d'un titre.
Ces acteurs privés ont aussi proliféré à la faveur de délais de délivrance qui n'ont cessé de croître, faute de moyens suffisants. Ainsi, le délai moyen pour une prise de rendez-vous en mairie est passé de douze jours en 2021 à plus de deux mois en 2022, auquel s'ajoutent des délais allongés d'instruction du titre en centre d'expertise et de ressources titres (CERT), plateformes de téléprocédure traitant des demandes collectées sur le site de l'ANTS, qui ont remplacé les services préfectoraux. Ces délais ont, depuis le second trimestre 2022, continué à augmenter de manière déraisonnable, comme le pointe la Cour des comptes dans un rapport dédié en mars 2024.
Ce rapport nous semble d'autant plus nécessaire que les crédits consacrés à cette compétence majeure de l'Etat nous apparaissent trop faibles au vu des nombreux défis susmentionnés et confirment le constat d'un désengagement progressif de la puissance publique. Cette année, si les crédits versés à l'action 2 du programme 354 connait une légère hausse de près de 3%, cette augmentation est en réalité de 0,7% une fois rapportée au taux d'inflation, et ne compense pas la baisse drastique que cette action avait connu dans la loi de finances pour 2024 (-4,83%). Les indicateurs de performance de ce PLF 2025 confirment que l’allongement des délais d’obtention des titres d’identité ne sera pas résorbé. Or, cela aggrave l’instabilité juridique que connaissent les personnes concernées, déjà stigmatisées. La Défenseure des droits a d’ailleurs rappelé que le recours imposé aux dispositifs dématérialisés de prises de rendez-vous en ligne constitue une entrave à l’accès aux droits des étrangers et peut les faire très vite basculer dans l'irrégularité.
Ce rapport vise donc à éclairer les conséquences financières, pour l’État et pour les usagers, de l’intervention du secteur privé pour faciliter la délivrance de certains titres. Il serait aussi, à ce titre, un outil de prévision bienvenu dans l'optique des renouvellements massifs de titres attendus en 2031 et 2033 par le ministère de l'intérieur et l'ANTS.