- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
- Mission visée : Direction de l'action du Gouvernement
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à évaluer les mesures prises par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique pour se conformer à la décision du Conseil d’État du 13 février 2024. Ce rapport évalue les nouveaux moyens et besoins que nécessite l’application de cette décision pour le régulateur et leur implication pour les finances publiques de l’État
Par cet amendement, les députés de La France insoumise-NFP demandent au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport visant à évaluer les mesures prises par l’ARCOM pour se conformer à la décision du Conseil d’État du 13 février 2024. Ce rapport évalue les nouveaux moyens et besoins que nécessite l’application de cette décision pour le régulateur et leur implication pour les finances publiques de l’État.
Le Conseil d’État a rendu une décision historique après avoir été saisi d’une requête de Reporters sans frontières (RSF). La plus haute juridiction administrative de notre pays a formellement demandé à l’ARCOM de réviser son analyse de la mise en oeuvre des principes de pluralisme et d’indépendance par CNews, chaîne d’extrême-droite détenue par le milliardaire Vincent Bolloré, adepte des fake news et des opinions les plus réactionnaires en tous genres.
La requête de RSF se fondait sur des faits remontant à l’année 2021. Cette année là, l’ONG a saisi l’Arcom, après avoir relevé sur la chaine « des pratiques (...) qui contrevenaient aux obligations légales d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information », symboles de la dérive du passage d’une chaine d’information vers une chaine d’opinion. En effet, les plateaux de la chaine regroupent majoritairement des personnalités de droite et d’extrême-droite (à 78 % selon une étude de 2022 menée par le chercheur François Jost). Face à l’apathie du régulateur, qui a refusé d’agir (décision du 5 avril 2022) en dépit de sa mission de « permettre l’accès des publics à une offre audiovisuelle pluraliste et respecteuse des droits et des libertés », RSF a saisi le Conseil d’État qui, deux ans plus tard, a annulé la décision de l’Arcom.
Le Conseil d’État a été clair : le pluralisme dans l’audiovisuel ne se limite pas au compte des temps de parole des personnalités politiques, mais au respect, plus large, « de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion » (loi du 3 septembre 1986). L’Arcom se doit donc également de contrôler la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par les chroniqueurs, animateurs, et invités par exemple, dans les médias audiovisuels publics comme privés.
Le principe de pluralisme des médias est une pierre angulaire de toute démocratie, et a valeur constitutionnelle en France depuis une décision du Conseil constitutionnel de 1982. Depuis 2008, notre Constitution dispose que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions », de même que « la participation équitable des partis et groupements politiques » à la vie démocratique qui en est un corollaire. La CEDH affirme que chaque État partie a l’obligation d’assurer le pluralisme en matière de communication des informations et des idées d’intérêt général, dans la mesure où il en est l’ « ultime garant », une obligation qui vaut particulièrement pour les médias audiovisuels, dont les programmes « se diffusent à grande échelle ».
Le Conseil d’État exhorte l’Arcom de proposer une nouvelle décision relative à CNews qui comprenne d’autres moyens pour garantir l’indépendance et le pluralisme, dont elle est tenue de s’assurer du respect. En attendant, le groupe LFI-NFP demande au Gouvernement la remise d’un rapport visant à suivre les implications concrètes que cette décision ont entraîné pour l’Arcom et sur son fonctionnement.
Cette décision charge le régulateur d’élargir sa conception du pluralisme et sa mission de gendarme de l’audiovisuel, tout en reconnaissant que « le contrôle plus global du respect du pluralisme des courants de pensée est délicat à mettre en oeuvre ». Cette décision peut effectivement nécessiter des adaptations internes, notamment si de nouveaux critères élargis sont retenus par l’ARCOM pour s’y conformer. Le rapporteur public de la juridiction a d’ailleurs renvoyé aux propositions de chercheuses et chercheurs comme Julia Cagé, qui propose de compléter la liste des « personnalités politiques » identifiées (élus, porte-parole de partis…) avec l’ensemble des contributeurs aux think tanks français marqués politiquement par exemple.
Il est donc évident que les besoins de l’Arcom s’en trouveront modulés, ce qui aura des conséquences en termes d’effectifs. C’est pourquoi le rapport que le Gouvernement remettra au Parlement détaille les nouveaux moyens et besoins que nécessite l’application de cette décision pour le régulateur et leur implication pour les finances publiques de l’État.