- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie, n° 463
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des affaires économiques
- Code concerné : Code de l'énergie
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
I. – Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° L’article L. 452‑1‑1 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, les mots : « et qui ont pour société gestionnaire une société mentionnée à l’article L. 111‑61 » sont supprimés.
b) Au quatrième alinéa, la phrase : « Les tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel autres que ceux concédés en application de l’article L. 432‑6 font l’objet d’une péréquation à l’intérieur de la zone de desserte de chaque gestionnaire. » sont supprimés ;
c) Au quatrième alinéa, les mots : « ces gestionnaires de réseaux de gaz naturel » sont remplacés par les mots : « un gestionnaire de réseaux de distribution de gaz naturel autres que ceux concédés en application de l’article L. 432‑6 » ;
2° Après l’article L. 452‑1‑2, il est inséré un article L. 452‑1‑3 ainsi rédigé :
« Art. L. 452‑1‑3 (nouveau). – Les tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel autres que ceux concédés en application de l’article L. 432‑6 font l’objet d’une péréquation.
« Les charges supportées par les gestionnaires de réseaux publics de distribution de gaz mentionnés au I de l’article L. 111‑53 pour réaliser les missions mentionnées notamment aux articles L. 432‑8 à L. 432‑15 sont réparties entre ces gestionnaires dans la mesure où ces charges correspondent à celles d’un gestionnaire de réseaux efficace.
« En cas d’écart entre les coûts à couvrir en application de l’article L. 452‑1‑1 et les recettes tarifaires d’un gestionnaire de réseaux de distribution de gaz naturel, la Commission de régulation de l’énergie détermine les méthodes de calcul ainsi que les montants à percevoir ou à verser au titre de cette péréquation, en tenant compte au besoin des particularités comptables des opérateurs. La Commission de régulation de l’énergie détermine les informations notamment comptables que les gestionnaires de réseaux de distribution doivent lui transmettre, fixe les modalités de ces versements et notifie chaque année à ces gestionnaires de réseaux le montant de leur contribution ou de leur dotation. La Commission de régulation de l’énergie peut prévoir pour les gestionnaires de réseaux publics de distribution visés au I. de l’article L. 111‑53 un encadrement pluriannuel d’évolution des dotations et des contributions ainsi que des mesures incitatives appropriées pour encourager ces gestionnaires de réseaux publics de distribution à améliorer leurs performances.
« La gestion comptable des opérations liées à la péréquation est assurée par la société mentionnée au 1° du I de l’article L. 111‑53.
« En cas de défaillance de paiement par un redevable du versement prévu au titre de la péréquation, l’autorité administrative prononce une sanction pécuniaire conformément à l’article L. 142‑32, dans les conditions fixées aux articles L. 142‑30 et suivants.
« Les gestionnaires de réseau de distribution de gaz naturel visés au 2° du I de l’article L. 111‑53 sont soumis à un contrôle de leurs investissements par la Commission de régulation de l’énergie. Les gestionnaires de réseau de distribution de gaz naturel communiquent à la Commission de régulation de l’énergie leur programme prévisionnel d’investissement selon la fréquence et la période qu’elle détermine, afin notamment d’assurer les missions décrites aux articles L. 432‑8 à L. 432‑15. La Commission de régulation de l’énergie examine ce programme selon des modalités qu’elle détermine et en tenant compte de la taille des gestionnaires de réseaux concernés, et peut en demander la modification. La pertinence et la nécessité de ces investissements doivent être justifiées eu égard notamment aux enjeux liés à la sécurité des biens, des personnes et des infrastructures, et au développement des gaz renouvelables. Le contrôle des investissements opéré par la Commission de régulation de l’énergie prend en compte les orientations nationales et locales en matière énergétique, les perspectives d’utilisation du réseau de distribution de gaz à court et long termes, ainsi que le développement des autres réseaux énergétiques locaux et leur impact sur le réseau de gaz. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er juillet 2026.
Cet amendement porté par le groupe Les Démocrates reprend un amendement déposé dans le cadre du projet de loi de Simplification de la vie économique, jugé dans ce cadre irrecevable au titre de l'article 45, mais déposé par plus de 100 députés émanant de 8 groupes politiques différents. Cet amendement vise à protéger les consommateurs de gaz des effets induits par la transition énergétique.
La gestion des réseaux publics de distribution de gaz est réalisée en France par une pluralité d’opérateurs qui ont des tailles très différentes (desservant de quelques milliers de clients à plus de 11 millions) et ont des caractéristiques d’usagers hétérogènes (milieux urbains ou ruraux, secteurs industriels ou zones résidentielles, etc.).
Les consommateurs de gaz s’acquittent, via leur facture, d’un tarif d’acheminement permettant de rémunérer le gestionnaire du réseau public de distribution de gaz pour l’entretien de ce réseau. Le tarif d’acheminement est donc une composante de la facture totale du client. Chaque opérateur (l’acteur dominant qu’est GRDF ainsi que les distributeurs publics locaux appartenant aux collectivités territoriales) a son propre tarif d’acheminement et évolue selon sa propre périodicité ce qui n’est pas source de simplicité pour les acteurs économiques et en premier lieu les fournisseurs de gaz. Cette pluralité cache néanmoins déjà une certaine uniformité puisque 94 % des clients bénéficient déjà d’un tarif moyennisé, dit péréqué, à l’échelle de l’ensemble des consommateurs de l’opérateur majoritaire qu’est GRDF : ainsi, sur la zone de desserte historique de GRDF, des transferts financiers s’opèrent déjà entre consommateurs des différentes concessions de la distribution de gaz, afin que chaque consommateur puisse payer le même tarif dit péréqué.
La transition énergétique conduit à des baisses locales de consommation de gaz (mesures d’efficacité énergétique, choix des consommateurs de gaz de passer sur une autre énergie comme l’électricité ou les réseaux de chaleur, etc.). Ces baisses, qui se constatent sur tout le territoire indépendamment du gestionnaire du réseau concerné (GRDF ou les distributeurs publics locaux), peuvent avoir pour effet d’augmenter sensiblement le tarif local d’entretien des réseaux de gaz, lorsque l’opérateur qui gère le réseau public de distribution de gaz n’a pas un périmètre géographique suffisant lui permettant de compenser ces baisses locales de consommation de gaz par des zones où la consommation stagne ou augmente.
Cet amendement poursuit un objectif de cohésion territoriale et vise à appliquer un tarif unique d’utilisation des réseaux publics historiques de distribution gaz. L’objectif est que cette composante de la facture soit la même pour tous les consommateurs, indépendamment de l’entreprise qui gère le réseau de distribution de gaz. Il s’agit donc d’uniformiser les pratiques tarifaires applicables aux particuliers, aux acteurs économiques et aux producteurs de gaz renouvelables en étendant aux clients des distributeurs publics locaux le tarif unique applicable actuellement à 94 % des clients (ceux raccordés aux réseaux de GRDF). C’est une mesure déjà mise en œuvre dans le secteur de l’électricité. La réforme doit entrer en vigueur lors des nouveaux tarifs adoptés pour 4 ans le 1er juillet 2026.
Des associations transpartisanes d’élus ont soutenu le principe d’une telle réforme. Cette réforme a été proposée par le groupe de travail transpartisan n°4 dans le cadre de la préparation de la Stratégie Française Energie Climat (SFEC) et qui a rendu ses travaux en mai 2023. Cette réforme est soutenue par de nombreux acteurs du secteur de l’énergie (représentants des fournisseurs alternatifs, représentants des grands consommateurs de gaz, etc.) au titre de ses atouts simplificateurs.
Ses modalités pratiques sont le fruit d’un travail collectif et transparent avec toutes les parties prenantes volontaires et mené à l’initiative du syndicat Gaz et Territoires (regroupant les distributeurs publics locaux de gaz). La rédaction de cet amendement a été travaillée avec la Commission de régulation de l’énergie et de la Direction Générale de l’Energie et du Climat. Cet amendement a fait l’objet d’un travail important de concertation depuis trois ans pour en assurer sa pertinence, sa solidité et sa légitimité.
Cette réforme simplificatrice pour répondre aux défis de la transition énergétique porte en elle de nombreux atouts :
- Accompagner les effets de la transition énergétique en protégeant le consommateur : en tant que politique de cohésion territoriale, cette réforme permettrait d’assurer, dans une phase de transition énergétique, une égalité de traitement tarifaire entre les consommateurs gaziers (particuliers, professionnels, publics, industriels) indépendamment de l’opérateur qui gère le réseau et des évolutions des consommations de gaz constatées au niveau local qui sont issues de réalités diverses (évolutions économiques locales, réchauffement climatique local, électrification des usages, mesures d’efficacité énergétique, déploiement d’un réseau de chaleur, etc.). A contrario, l’apparition de phénomènes locaux d’emballement des tarifs d’acheminement du gaz saperait la confiance des citoyens dans la transition énergétique et occasionnerait de sérieuses difficultés économiques en matière de compétitivité industrielle et in fine d’emplois pour les clients industriels raccordés à ces réseaux.
- Simplifier l’activité des fournisseurs de gaz pour faire émerger une diversité d’offres de fourniture dans tous les territoires aux bénéfices des clients finaux : la situation de faible concurrence d’offres de fourniture de gaz dans les zones des distributeurs locaux est plurifactorielle et s’explique, d’une part, par la nécessité pour les fournisseurs alternatifs de devoir concevoir des offres de fourniture spécifiques en tenant compte du tarif d’acheminement local et, d’autre part, par la présence d’une diversité de systèmes d’information ne permettant pas l’automatisation des processus d’échange. L’instauration d’une péréquation tarifaire permettra sur ces deux points de faciliter l’activité des fournisseurs de gaz pour proposer in fine aux consommateurs une pluralité d’offres de fourniture. En effet, d’une part, les fournisseurs alternatifs n’auront pas à concevoir des offres spécifiques pour ces zones puisque les tarifs d’acheminement seront harmonisés. D’autre part, la Commission de régulation de l’énergie bénéficiera de nouveaux pouvoirs lui permettant d’obliger les gestionnaires de réseaux concernés à s’engager dans des projets spécifiques tels que l’harmonisation des systèmes d’information.
- L’amendement permettrait par ailleurs de simplifier et accélérer le développement des gaz renouvelables en uniformisant les pratiques tarifaires de la part des différents gestionnaires de réseaux de distribution de gaz.
Ce dispositif autofinancé ne sollicite pas les finances publiques locales ou nationales. La réforme a un impact indolore sur les clients bénéficiant déjà du tarif unique dit péréqué de GRDF ; les autres clients intégrant ce tarif unique peuvent bénéficier, en fonction des zones, d’effets positifs importants.
Le dispositif n’a aucun impact, positif ou négatif, sur les marges des gestionnaires de réseaux de distribution de gaz (GRDF ou les distributeurs publics locaux). Ces marges font l’objet d’un contrôle régulier par la Commission de régulation de l’énergie. Plusieurs garde-fous, travaillés avec la Commission de régulation de l’énergie, sont également prévus : les dépenses des gestionnaires de réseaux seront vérifiées plus étroitement pour en assurer leur stricte légitimité et ne pas financer, via le tarif unique, des charges inopportunes à court ou long termes. Ce contrôle s’appuiera sur les plans et schémas locaux des collectivités territoriales en matière d’énergie.