- Texte visé : Proposition de loi visant à suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs criminels ou délinquants, n° 681
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Supprimer cet article.
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP propose la suppression de cet article unique et s'oppose avec force à cette proposition démagogique, stigmatisante et dangereuse pour les enfants.
Cette proposition de loi n'a aucune raison d'être, si ce n'est les névroses caractéristiques d'une droite obsédée par les questions sécuritaires, alors que la société française n'a jamais été aussi peu exposée à la délinquance et à la violence qu'aujourd'hui. Pour autant, la tolérance envers ces phénomènes n'a jamais été aussi faible. Voilà donc que les démagogues de droite extrême et d'extrême-droite s'empressent d'aligner les propositions répressives, sécuritaires et antisociales pour répondre à une prétendue "demande sociale" qu'ils contribuent largement à construire par leurs discours.
Commençons par rappeler que les chiffres relatifs à la délinquance juvénile, et leur évolution, souffrent de biais méthodologiques dans leur construction. La méthode employée conduit ainsi à appliquer un effet inflationniste dès lors que : la population française a fortement progressé ces dernières décennies, une nouvelle méthode d'enregistrement systématique des délits est en place depuis 2015 (y compris sans plainte), la parole s'est libérée autour des violences sexistes et sexuelles, la loi et la doctrine du maintien de l'ordre n'ont cessé de se durcir ces 15 dernières années.
Cela étant dit, il demeure observable que la délinquance juvénile recule dans notre pays. Il est aisé de tenir une chronique quotidienne des actes violents et des incivilités dans un pays de 68 millions d'habitants. Cela ne dit rien de l'état des réalités sociales. Les ordres de grandeur relatifs à la délinquance des mineurs nous apprennent que les jeunes commettent moins d'infractions que par le passé. Le nombre de mineurs mis en cause est passé de près de 200 000 au début des années 2000 à 121 000 en 2023. Le nombre de mineurs poursuivis pour de infractions pénales a chuté de plus de 34% en 4 ans.
La proposition qui est faite par le groupe DR prétend allier "fermeté et soutien". Elle n'est en réalité que répressive et propose tout simplement de sanctionner financièrement, en suspendant le versement de prestations familiales, des parents d'enfants en conflit avec la loi. Rappelons qu'au sens de l’ordonnance de 1945 sur la justice pénale des mineurs, ces enfants sont "des enfants à protéger" !
La manière la plus efficace de protéger ces enfants est de leur garantir des conditions de vie dignes, non de leur couper les vivres. Le spécialiste de la question, politiste et criminologue directeur de recherche au CNRS, Sébastien Roché, en conclut après des années de travail que : "Contre la délinquance, le plus efficace, c’est l’État social“ et “le fait d’éduquer les enfants gratuitement, de leur donner à manger, de faire en sorte qu’ils aient un toit, ce sont les fondamentaux de la sécurité".
Cette tendance à la mise en place de politiques uniquement répressives est également à mettre au compte de la macronie : les acteurs de la protection judiciaire de la jeunesse dénoncent une transformation de la justice des mineurs vers une approche "purement répressive" aux "répercussions immédiates désastreuses". La PJJ n'aurait de toute manière plus les moyens de faire correctement de la prévention et de l'accompagnement des familles. Rappelons que l'an dernier, ce sont 500 postes qui ont été supprimés à la PJJ sur décision directe du gouvernement de Gabriel Attal.
De tels dispositif ont déjà existé et ont toujours produit les effets inverses que ceux, prétendument, recherchés. La loi Ciotti de 2010 proposait de pénaliser les parents pour l'absentéisme scolaire de leurs enfants. Résultat ? Une hausse de 1,7% de l'absentéisme selon la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP). Tant et si bien que la loi fut abrogée 3 ans plus tard.
Cette mesure est inconstitutionnelle : elle constituerait une rupture aggravée de l'égalité. Cette proposition de loi conduirait également à rompre avec le principe de la proportionnalité des peines, en appliquant une punition collective à des familles (donc à des parents mais aussi à d'autres enfants) alors que notre code pénal indique clairement à son article L. 121-1 que "Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait".
Ce que le groupe DR propose, c'est une attaque particulièrement violente sur les droits des enfants, dans un pays où un enfant sur 5 vit sous le seuil de pauvreté ! (UNICEF, 2024). En pénalisant financièrement, les familles, cette mesure va concrètement envoyer des enfants à la rue, comme si le fait que la France compte déjà 3 000 enfants sans-abris n'était pas révoltant et inacceptable.
Nous portons une logique inverse, à la fois de réinvestissement dans les institutions chargées de protéger la jeunesse, de réduction de la pauvreté et des inégalités qui sont les causes réelles des actes délictueux, y compris par l'accès de toutes les familles aux prestations familiales auxquelles elles ont le droit.
Pour toutes ces raisons, le groupe LFI-NFP propose la suppression de cet article, qui vise à pénaliser des familles entières et de dégrader les conditions d'existence d'enfants en danger.