- Texte visé : Proposition de loi visant à sauvegarder et pérenniser les emplois industriels en empêchant les licenciements boursiers, n° 769
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des affaires sociales
- Code concerné : Code du travail
L’article L. 1233‑2 du code du travail est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement économique décidé par une grande entreprise définie par l’article 51 de la loi n° 2008‑776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ayant soit :
« 1° Constitué des réserves de distribution de dividendes ou procédé à la distribution de dividendes au cours des deux derniers exercices comptables ;
« 2° Procédé à la distribution de stock‑options ou d’actions gratuites ou à une opération de rachat d’actions au cours des deux derniers exercices comptables ;
« 3° Réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif au cours des deux derniers exercices comptables ;
« 4° Bénéficié des dispositifs prévus aux articles 244 quater B et 244 quater C du code général des impôts ainsi qu’à l’article L. 241‑13 du code de la sécurité sociale au cours des deux derniers exercices comptables. »
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP propose de qualifier précisément un licenciement économique sans cause réelle et sérieuse en reprenant les dispositions proposées par la proposition de loi visant à mettre fin aux licenciements économiques abusifs déposée par Mathilde Panot en décembre 2024.
Ainsi, le présent amendement vise à préciser qu’un licenciement pour motif économique soit dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l’entreprise a distribué des dividendes, des actions gratuites ou stock-options, a réalisé un résultat net positif ou a bénéficié d’aides publiques.
Une hécatombe sociale frappe le pays. Un plan social national massif se met en oeuvre avec pas moins de 304 « plans de sauvegarde de l’emploi », c’est-à-dire plans de licenciement collectif pour motif économique, engagés depuis septembre 2023. 225 sites industriels sont concernés. 300 000 emplois sont menacés. L’OFCE estime que le taux de chômage devrait atteindre 8,5 % à la fin de l’année 2025.
Cette catastrophe pour l’emploi est le signe de l’échec patent de la politique économique macroniste. La politique de l’offre de mène nul part si ce n’est à l’explosion du chômage et à l’accroissement des inégalités. La « liberté d’entreprendre » ne peut faire obstacle au droit à chacun d’obtenir et de conserver un emploi. .
De grandes entreprises vivant sous perfusion d’argent public. Le montant des aides publiques aux entreprises a atteint les 203,2 milliards d’euros en 2023. Les diverses exonérations de cotisations sociales, qui bénéficient pour une large part aux employeurs, représentant 90 milliards d’euros qui ne sont plus directement versés à la Sécurité sociale.
Ces mêmes entreprises qui sont arrosées d’argent public versent des dividendes records à leurs actionnaires. Ainsi, le CAC 40 a distribué pour 98,3 milliards d’euros en dividendes et rachats d’actions en 2024.
Les entreprises françaises se portent bien. Le taux de marge des sociétés financières a atteint 32,4 % au troisième trimestre 2024, un niveau de 1,6 point supérieur à sa moyenne sur la période 2010‑2019. Dans le même temps, le pouvoir d’achat du salaire a diminué de 3 % à 4 % depuis 2019 et la productivité est en berne. Cela signifie que ces marges alimentent directement les bénéfices reversés aux actionnaires.
Pour autant, les capitalistes français semblent ne jamais se satisfaire des cadeaux qui leur sont faits. C’est pourquoi ils procèdent à des licenciements boursiers : afin de délocaliser, compresser au maximum leurs coûts de production, dégager toujours plus de rentabilité financière.
Le groupe Auchan, qui a bénéficié de 500 millions d’euros au titre du Crédit Impôt Compétitivité Emploi (depuis devenu un allègement pérenne de cotisations sociales) et a encore récemment versé un milliard d’euros de dividendes, envisage la suppression de 2389 emplois.
L’entreprise Michelin, qui a dégagé 2 milliards de bénéfice et versé 1,4 milliards d’euros en dividendes et rachats d’actions, a quant à elle cumulé 119 millions d’euros d’aides publiques ces dernières années (dont 65 millions d’euros pour le seul CICE) : elle envisage pourtant de maximiser ses bénéfices en fermant ses sites de Vannes et de Cholet, privant ainsi 1254 de ses salariés d’emploi.
Ce phénomène est une catastrophe aux multiples facettes. Une catastrophe sociale qui brise des familles. Une catastrophe territoriale qui laisse des bassins d’emploi exsanguent. Une catastrophe environnementale en organisant le grand déménagement du monde et la circulation ininterrompue des marchandises. Une catastrophe économique et de souveraineté qui place notre pays à la merci de producteurs étrangers et nous expose aux aléas de chaînes d’approvisionnnements incontrôlées ;
Les ordonnances travail d’Emmanuel Macron ont facilité le recours à ces stratégies économiques de groupes avides de profit en limitant l’appréciation du motif économique au seul territoire national, plutôt qu’à l’échelle du groupe. Avant cela, la loi Travail de François Hollande était venu oeuvrer à une automatisation de la qualification des difficultés économiques d’une entreprise à partir d’une seule baisse du chiffre d’affaires.
C’est pourquoi nous souhaitons poser les critères d’un licenciement pour motif dépourvu de cause réelle et sérieuse. Ces critères seraient : le fait d’avoir distribué des dividendes, des actions gratuites ou stock-options, le fait d’avoir réalisé un résultat net positif ou encore le fait d’avoir bénéficié d’allègement généraux de cotisations sociales ou du crédit impôt recherche.