- Texte visé : Proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, n° 842
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les effets de la redéfinition pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol sur l’enregistrement, le traitement et la poursuite de faits de violences sexuelles commises dans le cadre conjugal ainsi que sur les modalités de prise en charge des personnes plaignantes.
Cet amendement du groupe LFI-NFP vise à demander au Gouvernement d’évaluer, par la remise d’un rapport, les effets de l’adoption de ces dispositions sur l’enregistrement, le traitement, et la pousuite pénale des violences sexuelles commises dans le cadre conjugal, ainsi que sur les modalités de prise en charge des personnes plaignantes.
En France, un viol sur deux est perpétré par un conjoint ou un ex-conjoint.
Pourtant, et bien que le Code pénal reconnaisse cette réalité (depuis la loi du 4 avril 2006, le viol entre conjoints est reconnu comme un viol aggravé), il est particulièrement difficile de caractériser cette infraction lorsqu’elle est commis dans la sphère intime du couple. Comme dans les autres nombreux cas où la victime connait son agresseur (qui constituent, comme le rappellent les associations, plus de 90 % des cas de violences sexuelles), ce dernier n’a pas « besoin » d’avoir recours à la violence, à la contrainte, à la menace, ou à la surprise. Pour les victimes, il est donc particulièrement difficile, voire impossible, de prouver la commission de l’infraction. C’est ce qu’ont confirmé l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, ou encore la Fédération nationale des CIDFF entendues en auditions.
Cet impensé est une des raisons pour laquelle notre groupe soutient ce texte, et a déposé, l’année dernière, une proposition de loi similaire visant à définir pénalement le viol et l’agression sexuelle comme un acte avant tout non-consenti. En effet, reconnaitre que le viol et l’agression sexuelle sont avant tout des actes non-consentis permet d’ouvrir les éléments constitutifs de l’infraction au-delà des quatre modalités actuelles, via l’examen des circonstances environnantes.
L’examen de ces circonstances, permettra de faire toute la lumière sur les dynamiques de pouvoir, d’emprise et de dépendance (économique, sociale, administrative...) dont le couple peut être le théâtre et de les prendre en considération pour caractériser l’infraction. En effet, les violences sexuelles commises dans le cadre conjugal s’inscrivent la plupart du temps dans un continuum de violences conjugales, qui ont par ailleurs été multipliées par huit depuis 2016.
Dans nos sociétés patriarcales, loin des clichés qui marginalisent et pathologisent la figure du violeur, le viol est un crime de pouvoir et de contrôle, favorisé par les inégalités, structurelles ou interpersonnelles. Un des ressorts sociaux de cette domination est la perpétuation d’une vision machiste de la sexualité, et le postulat d’une disposition permanente des corps des femmes. Ces dynamiques sont structurelles et ne s’arrêtent pas à la porte du foyer. Ces représentations expliquent d’ailleurs la survie tenace du « devoir conjugal », concept archaïque qui n’a toujours pas disparu de notre droit civil. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a d’ailleurs condamné la France, le 23 janvier 2025, pour avoir prononcé un divorce aux torts exclusifs de la requérante au motif qu’elle refusait d’avoir des relations sexuelles avec son époux.