- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, n° 856
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Substituer aux alinéas 27 à 30 les deux alinéas suivants :
« d) Le II bis est ainsi rédigé :
« II bis. – L’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active glyphosate est interdite à compter du 1er janvier 2026. »
Désherbant total foliaire systémique, 6 734 tonnes de substance active de glyphosate ont ainsi été vendues en 2023 dans notre pays selon l'Anses.
Le glyphosate, synthétisé par la firme Monsanto, a été autorisé pour la première fois en France en 1974, puis inscrit sur la liste des substances actives approuvées par l’Union européenne en 2002. L’autorisation du glyphosate a été renouvelée en 2017, dans des conditions controversées en plein scandale des Monsanto Papers, et bien que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ait classé le glyphosate comme cancérigène probable en 2015. La France avait alors voté contre cette réautorisation du glyphosate dans l’Union européenne pour une durée de cinq ans et avait regretté le résultat du vote des États membres.
En novembre 2023, l'Union européenne a renouvelé l'autorisation du glyphosate pour dix ans, malgré les alertes scientifiques concernant ses effets sur la santé humaine, confirmés par l'Inserm, et rappelés par le rapport d'expertise collective de l'Anses publié en avril 2025.
Les conclusions de l’Inserm concernant les conséquences du glyphosate pour la santé humaine sont éloquentes :
– Génotoxicité : « De nombreuses études mettent en évidence des dommages génotoxiques (cassures de l’ADN ou modifications de sa structure) ». Ils sont un facteur de cancérogénicité. En effet, « ces dommages, s’ils ne sont pas réparés sans erreur par les cellules, peuvent conduire à l’apparition de mutations et déclencher ainsi un processus de cancérogenèse » ;
– Stress oxydant : l’étude met en évidence l’induction d’un stress oxydant par le glyphosate. Ce dernier joue un rôle dans la génotoxicité, la cancérogénicité et la neurotoxicité. À propos des dommages génotoxiques causés par le glyphosate, le rapport précise que « de tels effets sont cohérents avec l’induction directe ou indirecte d’un stress oxydant par le glyphosate, observée chez différentes espèces et systèmes cellulaires, parfois à des doses d’exposition compatibles avec celles auxquelles les populations peuvent être confrontées ». Par ailleurs, « il est largement accepté qu’un stress oxydatif et/ou une perturbation de la physiologie mitochondriale participent au développement de pathologies neurodégénératives » ;
– Effets reprotoxiques et perturbateurs endocriniens : dans son commentaire à la consultation publique européenne, l’Inserm suggère que « les GBH et le glyphosate peuvent présenter des propriétés de perturbation endocrinienne qui ont un impact sur la fonction de reproduction ». À cet égard, l’Inserm souligne que « le fait de centrer la polémique sur un potentiel effet cancérogène pourrait occulter d’autres mécanismes possibles de toxicité, en particulier un effet de perturbation endocrinienne » , mais aussi que « les résultats des études sont convergents et suggèrent une interaction du glyphosate avec les voies de régulation des hormones sexuelles » ;
– Toxicité mitochondriale : selon le rapport, « une toxicité mitochondriale peut être observée avec des doses environnementales » ;
– Modes d’actions épigénétiques et transgénérationnels : l’expertise observe à partir de cinq études « un mode d’action épigénétique du glyphosate et des GBH est observé dans plusieurs études dont une pour des valeurs d’exposition inférieures à la NOAEL sur une dose d’exposition courte ». Les modifications épigénétiques sont associées à de nombreuses pathologies et peuvent se transmettre au travers des générations ;
– Effets sur le microbiote : le rapport souligne que « le lien entre dysbiose du microbiote intestinal (…) et de nombreuses pathologies incluant le cancer et les maladies psychiatriques (…) devraient inciter à tester plus en détail l’effet du glyphosate sur les populations microbiennes » ;
– Neurotoxicité : l’Inserm note que « des études récentes montrent ainsi que des GBH induisent une altération de concentration de plusieurs neurotransmetteurs ». « Les effets neurotoxiques du GBH sont accompagnés d’un état dépressif et d’une diminution de mobilité. Ceci permet de noter que ces diminutions de concentrations des neurotransmetteurs pourraient expliquer les déficits locomoteurs ou un syndrome d’anxiété‑dépression également observés dans d’autres études récentes, chez des rongeurs exposés au glyphosate ou au GBH ».
Le rapport d’expertise collective de l’Inserm est basé sur la littérature scientifique et inclut ainsi un grand nombre d’études universitaires.
Les conséquences destructrices du glyphosate pour la biodiversité doivent aussi être au centre de l’attention. Dans une note scientifique publiée en décembre 2021 et consacrée au déclin des insectes, l’OPECST soulignait qu’ "outre les insecticides, les herbicides, les fongicides et les engrais contribuent largement au déclin des insectes, notamment en modifiant la flore utile", en précisant au sujet de la catégorie des herbicides dont relève le glyphosate qu’ "ils réduisent l’abondance et la diversité des plantes à fleurs qui fournissent du pollen et du nectar".
En mai 2023, une étude de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) sur la pollution des sols par les pesticides soulignait que « les principales molécules les plus fréquemment détectées sont le glyphosate et l’AMPA, son métabolite principal, présents dans 70 % et 83 % des sols prélevés ».
Le glyphosate entraîne également une pollution des eaux. Les analyses de l’Anses, réalisées en 2017, attestent de « la présence fréquente du glyphosate et de l’acide aminométhylphosphonique (AMPA) dans les eaux de surface telles que les rivières et les lacs (50 % des prélèvements pour le glyphosate et 74 % pour l’AMPA), induisant une exposition des organismes aquatiques ».
Enfin, le glyphosate présente également un risque pour les pollinisateurs. Des chercheurs du département biologie intégrative de l’Université du Texas ont démontré que le glyphosate était susceptible d’augmenter la mortalité des abeilles en agissant sur leur flore intestinale. Une autre étude, publiée en 2022, montre que le glyphosate altère la capacité des colonies de bourdons terrestres à réguler la température de leur nid, réduisant alors leurs capacités de reproduction.
La position prise par la France en 2017 en s’opposant au renouvellement de l’autorisation du glyphosate dans l’Union européenne pour une durée de cinq ans était donc pleinement fondée au regard des conséquences de cette substance pour la santé humaine et la biodiversité. Cette position a été confortée par les travaux scientifiques publiés depuis.
Le législateur doit aussi prendre en considération l’arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la Cour de justice de l’Union européenne au sujet des néonicotinoïdes mais dont le considérant 24 est de portée beaucoup plus générale : « Lors de la délivrance d’autorisations pour des produits phytopharmaceutiques, l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, en particulier, devrait primer l’objectif d’amélioration de la production végétale. Par conséquent, il devrait être démontré, avant leur mise sur le marché, que les produits phytopharmaceutiques présentent un intérêt manifeste pour la production végétale et n’ont pas d’effet nocif sur la santé humaine ou animale, notamment celle des groupes vulnérables, ou d’effet inacceptable sur l’environnement ».
Dans ces conditions, les freins au changement des pratiques agricoles vers l’agroécologie régulièrement mises en avant dans le débat public, ne peuvent être un prétexte à la poursuite de l’utilisation de poisons dont les conséquences sur la santé humaine et l’environnement sont inacceptables et ont été démontrées à maintes reprises.