- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi de M. Thibault Bazin et plusieurs de ses collègues visant à prioriser les travailleurs dans l’attribution de logements sociaux (687)., n° 865-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Rédiger ainsi cet article :
« L’article L. 441‑1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
« 1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Les personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441‑2-3 et les personnes exposées à des situations d’habitat indigne se voient attribuer prioritairement les logements mentionnés au premier alinéa du présent article. En sus de ces derniers, ces logements sont attribués prioritairement aux catégories de personnes suivantes : »
« 2 Les a à m sont remplacés par onze alinéas ainsi rédigés :
« a) Personnes mal logées ou défavorisées et personnes rencontrant des difficultés particulières de logement pour des raisons d’ordre financier ou tenant à leurs conditions d’existence ou confrontées à un cumul de difficultés financières et de difficultés d’insertion sociale ;
« b) Personnes menacées d’expulsion sans relogement, ou dépourvues de logement, y compris celles qui sont hébergées par des tiers ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition ;
« c) Personnes en situation de handicap, au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles, ou familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap ;
« d) Personnes sortant d’un appartement de coordination thérapeutique mentionné au 9° de l’article L. 312‑1 du même code ;
« e) Personnes logées dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent et ayant à leur charge un enfant mineur ;
« f) Personnes mariées, vivant maritalement ou liées par un pacte civil de solidarité justifiant de violences au sein du couple ou entre les partenaires, sans que la circonstance que le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité bénéficie d’un contrat de location au titre du logement occupé par le couple puisse y faire obstacle, et personnes menacées de mariage forcé. Ces situations sont attestées par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre Ier du même code ;
« g) Personnes victimes de viol ou d’agression sexuelle à leur domicile ou à ses abords, lorsque l’autorité judiciaire a imposé à la personne suspectée, poursuivie ou condamnée et pouvant être à l’origine d’un danger encouru par la victime de l’infraction, au moins une interdiction de se rendre dans certains lieux, dans certains endroits ou dans certaines zones définis dans lesquels la victime se trouve ou qu’elle fréquente, ou au moins une interdiction ou règlementation des contacts avec la victime ;
« h) Personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle prévu à l’article L. 121‑9 du code de l’action sociale et des familles ;
« i) Personnes victimes de l’une des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme prévues aux articles 225‑4-1 à 225‑4-6 et 225‑5 à 225‑10 du code pénal ;
« j) Personnes reprenant une activité après une période de chômage de longue durée ;
« k) Mineurs émancipés ou majeurs âgés de moins de vingt et un ans pris en charge avant leur majorité par le service de l’aide sociale à l’enfance, dans les conditions prévues à l’article L. 222‑5 du code de l’action sociale et des familles, jusqu’à trois ans après le dernier jour de cette prise en charge. »
Par cet amendement d'appel, les députés LFI-NFP souhaitent uniquement ouvrir le débat sur la nécessité que les personnes exposées à des situations d'habitat indigne demeurent parmi les publics prioritaires dans l'attribution d'un logement social. Nous ne prétendons pas ici réformer ces critères. L'opportunité de mener une telle réforme ne saurait être évaluée sans le concours préalable et approfondi des acteurs concernés ainsi que des associations spécialisées.
Cette PPL dans sa version proposée par la Droite "républicaine" vise à faire purement et simplement disparaitre l'idée de publics prioritaires, et donc à évincer notamment les personnes dans cette situation de l'accès au logement social.
Cette nouvelle chasse aux plus précaires est une honte. Les habitats indignes sont par essence incompatibles avec le droit à la dignité de chacun. En effet, selon la loi Besson, ils exposent les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur santé (intoxication au monoxyde de carbone, problèmes respiratoires liés à des émissions de particules, installations électriques ou gazières dangereuses, assainissement défectueux, moisissures…), ou à leur sécurité physique. C'est le cas dès lors que le bâtiment présente une menace pour la sécurité des habitants, des voisins ou des passants, en raison d’un défaut de stabilité ou de solidité, dans les parties privatives ou communes, mais aussi lorsque les équipements communs des immeubles collectifs sont dangereux ou ne permettent pas une vie normale aux habitants (absence ou déficience d'électricité, d'ascenseurs, de chauffage collectif, d'évacuation des eaux usées...).
Ces habitats conduisent au pire. Les effondrements d’immeubles de la rue d’Aubagne à Marseille le 5 novembre 2018 ont tué huit personnes.
La Fondation pour le logement des plus défavorisés estime que l'habitat indigne concerne 600 000 logements dans lesquels vivent a minima un million de personnes parmi nos concitoyens les plus précaires. Selon l'association, le développement de cette forme d'habitat est dûe à plusieurs facteurs, dont une offre insuffisante de logements dignes et abordables ou fermée à certaines catégories de ménages, qui contraint les plus démunis à recourir à ces biens. La fondation identifie aussi des "stratégies d’aménagement du territoire inégalitaires, fragilisation de l’État providence, politiques migratoires inhospitalières, financiarisation du marché de l’immobilier, soutien inconsidéré à l’accès à la propriété".
Nous partageons ces constats. Nous ne cessons d'alerter contre la spéculation qui gangrène et rend inaccessible le parc privé. Il est urgent d'encadrer véritablement les loyers à la baisse, de cesser d'abreuver l’investissement locatif privé d'aides fiscales, et d'utiliser l’ensemble des dispositifs possibles pour mobiliser le parc privé pour loger des ménages modestes (intermédiation locative, mesures incitatives pour les propriétaires et réquisitions). Cela doit s'accompagner d'une lutte contre les marchands de sommeil et les bailleurs indélicats digne de ce nom, ainsi qu'une politique de vérification en bonne et due forme de la qualité des logements avant
leur mise en location.
Alors que les gouvernements successifs n'ont eu de cesse d'alimenter la catastrophe en favorisant les propriétaires bailleurs privés, rendant par conséquent le parc privé de plus en plus inaccessible, il est impensable que les personnes les plus exposées à l'habitat indigne se voient en plus écartées de l'accès au logement social.