- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, n° 907
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Supprimer cet article.
Cet amendement du Groupe Socialistes et apparentés vise à supprimer l'article 15 ter, introduit par amendement lors de la séance publique au Sénat.
Cet article vise l’activation à distance des appareils fixes (domotique, appareils fixes connectés, appareils embarqués des véhicules…) et constitue dès lors une alternative à la pose de dispositifs de sonorisation ou, pour les véhicules, de géolocalisation pour les services d’enquête.
Selon ses auteurs, cet article propose ainsi, pour les seules infractions relatives à la criminalité organisée et avec les garanties offertes en cas d’usage des techniques d’enquête précitées (contrôle du juge des libertés et de la détention, transcription en procédure des seuls éléments utiles à la manifestation de la vérité à l’exception de toute indication relative à la vie privée…), d’ouvrir aux services d’enquête la faculté de recourir à une telle activation.
Pour autant, dans sa décision n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel juge que l'activation à distance d'appareils électroniques afin de capter des sons et des images sans même qu'il soit nécessaire pour les enquêteurs d'accéder physiquement à des lieux privés en vue de la mise en place de dispositifs de sonorisation et de captation est de nature à porter une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée dans la mesure où elle permet l'enregistrement, dans tout lieu où l'appareil connecté détenu par une personne privée peut se trouver, y compris des lieux d'habitation, de paroles et d'images concernant aussi bien les personnes visées par les investigations que des tiers.
Dès lors, et pour le Conseil, en permettant de recourir à cette activation à distance non seulement pour les infractions les plus graves mais pour l'ensemble de celles relevant de la criminalité organisée, le législateur a permis qu'il soit porté au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi.
La présente disposition, de l’aveu même de ses rédacteurs, constituerait une alternative à la pose de dispositifs de sonorisation par l’activation à distance d’appareils fixes, laquelle a été censurée par le Conseil constitutionnel.
Quand bien même des garanties seraient offertes en cas d’usage de ces techniques d’enquête, il n’existe aucune garantie que des personnes dépourvues de tout lien avec le trafic ne soient pas, elles aussi, écoutées, notamment via les appareils domestiques à domicile, ce qui est de nature à porter une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée.
De même, cette mesure risquerait de porter atteinte aux droits de la défense, en ce qu’elle permettrait d’écouter les échanges entre la personne soupçonnée et son avocat, constituant ainsi une violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. En ce sens, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, dans un arrêt Klausner c. Allemagne (Aff. n°C-505/14) que l’écoute des communications entre un avocat et son client constitue une violation du droit à un procès équitable, en ce qu’elle empêche le client de se confier librement à son avocat et compromet ainsi la capacité de défense.
Il est donc patent que le présent article, par ses atteintes disproportionnées aux libertés individuelles, est manifestement inconstitutionnel au regard de la décision n°2023-855 DC du 16 novembre 2023.