Fabrication de la liasse

Amendement n°CL215

Déposé le vendredi 28 février 2025
Discuté
Photo de madame la députée Colette Capdevielle
Photo de monsieur le député Roger Vicot
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Photo de monsieur le député Marc Pena
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Photo de monsieur le député Pierrick Courbon
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Photo de monsieur le député Laurent Lhardit
Photo de madame la députée Estelle Mercier
Photo de monsieur le député Mickaël Bouloux

Supprimer cet article.

Exposé sommaire

Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à supprimer l'article 16 qui créé un procès verbal distinct portant atteinte au respect des droits de la défense. 

En effet,  il n'est pas envisageable que ce PV serve à autre chose qu’à préserver les techniques spéciales d’enquête, dont les circonstances et la nature ont été très précisément déterminées par la commission des lois du Sénat en fixant ce qui pouvait être identifié dans le procès-verbal. À défaut, il serait porté atteinte aux droits des parties, ce qui serait inconstitutionnel.

Pour rappel, le Conseil constitutionnel a encadré l’utilisation de ce dossier distinct en ce qui concerne les actes d’enquête en procédure pénale (décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014) en considérant qu’il n’est pas possible d’utiliser des éléments incriminants recueillis lors d’une technique pour laquelle les modalités de pose sont dans un dossier distinct et restent en dehors du dossier contradictoire.

En réécrivant le dispositif dans le cadre de la séance au Sénat, le Gouvernement a décidé de méconnaitre nos règles constitutionnelles.

Par ailleurs, pour justifier ce procès-verbal distinct, il a souvent été affirmé qu’un dispositif similaire aurait été validé par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 23 mai 2017, Van Wesenbeeck c/ Belgique, nos 67496/10 et 52936/12).

Rien n’est moins vrai.

Tout d’abord, la procédure belge, telle qu’examinée par la CEDH dans l’affaire Van Wesenbeeck, portait sur la mise en œuvre d’une observation systématique et de l’utilisation d'indicateurs. Ces méthodes, principalement destinées à surveiller des personnes de manière discrète et à obtenir des informations par le biais de tiers sont difficilement comparables avec les techniques spéciales d’enquêtes concernées par le procès-verbal distinct, beaucoup plus intrusives, telles que l'accès à distance aux correspondances électroniques et les interceptions de communications.

Ensuite, les éléments exclus du débat contradictoire dans les deux procédures diffèrent largement. En Belgique, les informations qui ne sont pas versées au dossier pénal concernent, dans le cadre de l’article 47 septies du code d’instruction criminelle, les « éléments susceptibles de compromettre les moyens techniques et les techniques d'enquête policière utilisés ou la garantie de la sécurité et de l'anonymat de l'indicateur et des fonctionnaires de police chargés de l'exécution de l'observation ». En France, en revanche, la procédure du procès-verbal distinct exclut des informations plus larges, à savoir « les caractéristiques de fonctionnement ou leurs méthodes d’exécution, les modalités de leur installation ou de leur retrait ».

De plus, la procédure belge impose que des informations précises soient incluses dans le procès-verbal soumis au contradictoire, notamment « les indices sérieux de l'infraction qui justifient l'observation » et « les motifs pour lesquels l'observation est indispensable ». Cela permet à la défense d’avoir accès à des justifications concrètes pour contester l'usage de ces méthodes. À l’inverse, la procédure française ne prévoit que des mentions plus vagues, à savoir « toute indication permettant d’identifier les personnes visées par la technique concernée ainsi que d’apprécier le respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité ». Ces notions manquent de précision et peuvent laisser place à une plus grande marge d’interprétation et d’arbitraire.

La comparaison opportunément trompeuse des dispositifs belge et français ne sert qu’un objectif : faire croire que la procédure procès-verbal distinct ne serait pas nouvelle et même communément admise pour mieux faire passer l’atteinte majeure qu’elle représente pour les droits et libertés.

Tel est le sens de cet amendement de suppression.