- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, n° 907
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Supprimer l’alinéa 15.
L’article 9 alinéa 15 prévoit la création d’une infraction autonome d’appartenance à une organisation criminelle.
En l’état du droit positif, l’infraction d’association de malfaiteurs (article 450-1 du code pénal) et la circonstance aggravante de bande organisée (article 132-71 du code pénal), permettent déjà de répondre aux besoins.
Cette infraction et cette circonstance aggravante ont déjà suscité des débats complexes et des difficultés pratiques. La Cour de cassation a eu à se prononcer à de multiples reprises.
Dans son arrêt du 8 juillet 2015 (pourvoi n°14-88.329), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré, pour tenter de clarifier la distinction, que « la bande organisée suppose la préméditation des infractions » et « l'association de malfaiteurs, une organisation structurée entre ses membres ».
Dans son arrêt du 9 juin 2022, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a admis le cumul de la circonstance aggravante de bande organisée et de l’infraction d’association de malfaiteurs par le raisonnement suivant :
− Elle rappelle l’interdiction du cumul du fait du principe non bis in idem (Crim., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-82.800, Bull. crim. 2019, n° 89 ; Crim., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-81.151, Bull. crim. 2018, n° 94).
− Elle considère cependant que le principe ne bis in idem n'est pas méconnu lorsqu'est retenue au titre de l'association de malfaiteurs la préparation d'infractions distinctes de celles poursuivies en bande organisée (Crim., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-82.885, Bull. crim. 2019, n° 90), y compris lorsque les faits retenus pour caractériser l'association de malfaiteurs et la bande organisée sont identiques (Crim., 22 avril 2020, pourvoi n° 19-84.464, publié au Bulletin).
− Elle a infléchi son interprétation dans un arrêt de 2021 (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-81.864, publié au Bulletin), en jugeant qu'un ou des faits identiques ne peuvent donner lieu à plusieurs déclarations de culpabilité concomitantes contre une même personne, outre le cas où la caractérisation des éléments constitutifs d'une infraction exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs d'une autre, lorsque l'on se trouve dans l'une des deux hypothèses suivantes : dans la première, l'une des qualifications, telle qu'elle résulte des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue ; dans la seconde, l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale.
− Elle conclut que « 11. L'interdiction du cumul de qualifications implique ainsi désormais que soient remplies deux conditions cumulatives, l'une tenant à l'identité des faits matériels caractérisant les infractions en concours, l'autre à leur définition légale. Le cumul est autorisé lorsqu'une seule de ces conditions n'est pas remplie ».
La création d’une nouvelle infraction, qui s’insérerait dans ce panorama juridique, crée une insécurité juridique, des difficultés supplémentaires pour qualifier, outre l’inflation législative.
Le texte adopté par le Sénat propose de définir l’organisation criminelle comme tout groupement ou entente ayant une structure existante depuis un certain temps, formée en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes, voire délits, caractérisés par des faits matériels (création d’un article 450-1-1 dans le CPP).
Cette définition, est d’une part, complexe et d’autre part, contraste avec les définitions actuelles de la bande organisée et de l'association de malfaiteurs, ainsi que leur interprétation par la jurisprudence de la Cour de cassation, en ce qu’elle recoupe les cas déjà couverts par l’association de malfaiteurs ou la bande organisée.
Une telle création semble donc superflue et inutile au regard du droit positif. Les incriminations existantes peuvent être utilisées afin de couvrir les cas visés par la notion d’appartenance à une organisation criminelle.