- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à renforcer les prérogatives des officiers de l’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés, n° 1008
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Supprimer cet article.
Par cet amendement, les député.es du groupe LFI-NFP proposent de supprimer cet article qui n'est rien de moins qu'une atteinte aux principes constitutionnels de non-discrimination et de liberté personnelle, et ce alors que les couples franco-étrangers ou entre personnes de nationalité étrangère font déjà l'objet d'une insoutenable suspicion dans notre pays.
Cet article dispose que les futurs époux devront, en vue de contracter mariage, fournir à l’officier d’état civil (le maire ou un adjoint) un justificatif de séjour en plus des autres pièces déjà requises par la loi. Si la célébration du mariage ne serait pas subordonnée à l'apport de cette preuve de la régularité du séjour en tant que tel, cette pièce est pensée, par les rédacteurs de cet article, comme un « élément » permettant au maire « d’apprécier leur situation au regard du séjour ». Ainsi, si ce document n’est pas fourni, cela devrait pouvoir constituer « un élément supplémentaire » permettant au maire de caractériser une absence de consentement suspectée, afin de saisir le procureur, seule autorité pouvant interdire une union.
Actuellement, il n’est pas possible pour le maire d’exiger une preuve de la régularité du séjour. Celles et ceux qui s'y sont risqués ou qui sont allés jusqu'à refuser de célébrer le mariage à défaut de la réception de cette pièce, et ce en dépit du droit et en violation du principe de non-discrimination, se sont exposés, et à raison, à des sanctions.
Cet article se fonde d'une part sur le postulat absurde et xénophobe selon lequel la situation au regard du séjour d'une personne étrangère présagerait à elle seule de la sincérité de l'union civile qu'elle souhaiterait contracter avec une personne française ou une personne étrangère régularisée.
D'autre part, cet article bafoue le principe de liberté matrimoniale, qui découle de la liberté personnelle protégée par notre Constitution et reconnue à toutes celles et tous ceux qui résident sur le territoire de la République, quelle que soit leur situation. Le Conseil constitutionnel est pourtant clair : « Le respect de la liberté du mariage (…) s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé » (Décision n°2003-484 DC du 20 novembre 2003).
Il en découle qu’il est impossible d’interdire à une personne de se marier sous prétexte de sa religion, de sa couleur de peau ou de sa situation aux yeux de l’administration du pays dans lequel elle vit. Le renversement de ce principe que ce texte porté par des obsessions xénophobes tente d'instaurer est insupportable.
Cette disposition est enfin absolument superflue dans un contexte où il existe déjà un climat de suspicion quasi-permanent envers les couples impliquant au moins une personne de nationalité étrangère. En effet les officiers d'état civil opèrent déjà un contrôle strict de la volonté matrimonial des deux époux et ont le pouvoir de saisir le procureur si de simples doutes émergent sur la sincérité de l’union. La mal nommée loi du 24 août 2021 "confortant le respect des principes de la République", sombre présage de l'infect projet de loi immigration porté par Gérald Darmanin deux ans plus tard, a en outre incité les officiers d’état civil à soumettre plus systématiquement les futurs époux à des entretiens séparés, en plus de leur audition commune, et à prendre en compte les « éléments circonstanciés extérieurs », soit ni plus ni moins des lettres de dénonciation.
Il en résulte qu'en pratique, l’irrégularité du séjour d’un étranger ou d’une étrangère demeure déjà, pour de nombreux officiers d’état civil, « un indice sérieux » de fraude au mariage entraînant une saisine quasi-automatique du procureur de la République.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article xénophobe et appelons au rejet de ce texte.