- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à renforcer les prérogatives des officiers de l’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés, n° 1008
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Supprimer cet article.
Ce qui fonde la légitimité d’un mariage n’est pas la régularité administrative, mais la volonté claire et réciproque de s’unir. Si l’Etat doit vérifier la sincérité de ce consentement, il ne peut s’immiscer dans la liberté de choisir son conjoint, liberté fondamentale protégée par nos engagements internationaux (CEDH, articles 12 et 14) et notre Constitution, reconnue à tous ceux qui résident sur le territoire de la République, quelle que soit leur situation, ainsi que l’a rappelé le Conseil constitutionnel à chaque occasion qui s’est présentée devant lui (décision n°93-325 DC du 13 août 1993, décision n°2003-482 DC du 20 novembre 2003).
Les auteurs du texte n'ont visiblement pas intégré l'idée selon laquelle “la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution” (décision n°85-87 du 23 août 1985) et il est fâcheux que, dans notre démocratie, le législateur porte atteinte, en toute connaissance de cause, à nos principes fondamentaux. Outre le fait qu'il porte frontalement atteinte au principe d'égalité et de non-discrimination, l’article 1er va en effet clairement à l’encontre de la liberté matrimoniale en établissant une présomption irréfragable de fraude généralisée vis-à-vis des personnes étrangères en situation irrégulière. L’État n’a pas à présumer la fraude. Il doit protéger cette liberté tout en sanctionnant les abus grâce à un cadre juridique robuste, dont nous disposons d’ores et déjà (audition préalable des futurs époux, constitution d’un dossier, procédure d’opposition au mariage auprès du procureur de la république, sursis de quinze jours à la célébration du mariage en cas d'indices sérieux laissant présumer l'absence d'une réelle intention matrimoniale, pénalisation des mariages blancs et gris). Toute autre approche reviendrait à sacrifier les droits fondamentaux au nom d’un principe de suspicion généralisée, ce qui n’est ni juridiquement justifiable ni moralement acceptable.