Fabrication de la liasse

Amendement n°CF47

Déposé le vendredi 30 mai 2025
En traitement
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Eva Sas

Membre du groupe Écologiste et Social

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Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les patrimoines des contribuables appartenant aux percentiles P99.99, P99.999 et P99.9998.

Ce rapport précise le niveau de richesse de ces contribuables, en indiquant pour chacun des trois percentiles précités le seuil d’entrée, le patrimoine moyen, le patrimoine maximal ainsi que le patrimoine cumulé détenu par l’ensemble des contribuables concernés.

Il présente également la composition détaillée de ces patrimoines, en distinguant les biens immobiliers, les biens professionnels et les actifs financiers hors biens professionnels.

Le rapport évalue le taux effectif d’imposition des contribuables concernés par les percentiles précités, en intégrant l’impôt sur le revenu, le prélèvement forfaitaire unique, l’impôt sur la fortune immobilière, la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Ce taux est exprimé en pourcentage du patrimoine total.

L’ensemble de ces données est présenté sous la forme d’évolution temporelle afin de mettre en évidence les tendances observées au cours des dix dernières années, jusqu’à l’année 2024 incluse.

Exposé sommaire

Cet amendement vise à ce que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport portant sur les patrimoines des contribuables appartenant aux percentiles P99.99, P99.999 et P99.9998.

Ce rapport doit préciser le niveau de richesse de ces contribuables, en indiquant pour chacun des trois percentiles précités le seuil d’entrée, le patrimoine moyen, le patrimoine maximal, ainsi que le patrimoine cumulé détenu par l’ensemble des contribuables concernés.

Ce rapport doit également présenter la composition détaillée de ces patrimoines, en distinguant les biens immobiliers, les biens professionnels et les actifs financiers hors biens professionnels.

Enfin, ce rapport doit évaluer le taux effectif d’imposition des contribuables concernés par les percentiles précités, en intégrant l’impôt sur le revenu, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR). Ce taux est exprimé en pourcentage du patrimoine total afin de mieux apprécier le niveau réel de contribution fiscale de ces contribuables. 

L’ensemble de ces données est présenté sous forme d’évolution temporelle afin de mettre en évidence les tendances observées au cours des dix dernières années, jusqu’à l’année 2024 incluse.

Dans le cadre des travaux préparatoires que nous avons menés avec ma collègue Clémentine Autain pour la rédaction de la proposition de loi visant à instaurer un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra-riches, adoptée à l’Assemblée nationale le 20 février dernier et attendue au Sénat le 12 juin prochain, nous avons constaté des graves lacunes en matière de données statistiques disponibles sur les très hauts patrimoines en France. Ces insuffisances entravent sérieusement l’analyse de la concentration des richesses et limitent la capacité à évaluer l’efficacité et l’équité de notre système fiscal.

L’étude « Revenus et patrimoine des foyers les plus aisés en France » de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), publiée en janvier dernier, illustre parfaitement ces limites. Pour estimer le patrimoine des contribuables les plus fortunés de notre pays, l’administration fiscale doit, en matière de biens mobiliers, s’appuyer sur des données anciennes issues de l’ISF couvrant la période 2003‑2016, tandis que les données récentes ne concernent que le patrimoine immobilier, seul encore déclaré via l’IFI.

Et lors de l’audition de la DGFIP que nous avons conduite à l’Assemblée nationale, celle-ci a confirmé que la seule méthode actuelle pour appréhender le patrimoine global des contribuables les plus fortunés repose sur les données issues de l’ISF de 2016, ainsi que sur celles de l’IFI. Faute de données plus récentes sur les actifs financiers, la DGFIP est contrainte de les actualiser en les « vieillissant » grâce à des données extra-fiscales permettant d’estimer l’évolution moyenne des patrimoines financiers. Cependant, cet exercice ne peut s’appliquer qu’aux éléments de patrimoine connus, c’est-à-dire déclarés, comme par exemple une fraction du patrimoine financier ayant été soumise à l’ISF. En revanche, la DGFIP reste totalement dépourvue d’informations sur les éléments jamais déclarés, tels que les biens professionnels ou les œuvres d’art.

Il est particulièrement préoccupant que l’administration fiscale, lorsqu’elle publie une note sur les très hauts patrimoines, soit tenue de recourir à des méthodes approximatives faute de données suffisamment précises pour en cerner les contours.

Ce manque de données est d’autant plus problématique que nous faisons face à une explosion des inégalités : en vingt ans, le patrimoine des 500 plus grandes fortunes françaises est passé de 124 à 1 228 milliards d’euros. Dans le même temps, les stratégies d’optimisation fiscale, via notamment des holdings patrimoniales, permettent aux ultra-riches de minimiser leurs revenus et donc leur imposition. Selon l’Institut des politiques publiques (IPP), le top 0,001 % des foyers fiscaux français est soumis à un taux effectif d’imposition sur le revenu de seulement 2 %, tous impôts personnels confondus, soit l’équivalent de 0,2 % de leur patrimoine.

Dans un contexte de déficit public massif (5,8 % du PIB en 2024), où l’on demande des efforts à l’ensemble des citoyens, il est impératif que les plus grandes fortunes contribuent à hauteur de leurs capacités, conformément à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Dans ces circonstances, il est de notre devoir de rétablir un minimum de justice fiscale dans notre pays, et cela passe, de toute évidence, par un meilleur accès des parlementaires et des chercheurs à des données consolidées et actualisées sur les très hauts patrimoines.

Ce constat est largement partagé par de nombreux parlementaires et experts. A titre d’exemple, dans leur rapport de 2023 sur la fiscalité du patrimoine, les députés Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu ont souligné non seulement le manque de données disponibles en matière de patrimoine, mais aussi les lacunes dans leur exploitation et dans leur utilisation croisée. Pourtant, un appareillage statistique performant constitue une source précieuse d’informations, comme l’a d’ailleurs démontré la note de l’IPP précitée intitulée « Quels impôts les milliardaires paient-ils ? ». Cette note, réalisée en collaboration avec la DGFIP, a illustré tout l’intérêt d’un accès élargi à des données fiscales consolidées et bien exploitées, en permettant la démonstration qu’à ce jour les ultras riches ne paient pas d’impôt dans notre pays.