- Texte visé : Proposition de loi visant à améliorer l'accès au logement des travailleurs des services publics, n° 1332
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des affaires économiques
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Après le dixième alinéa de l’article 6 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986, dans sa rédaction résultant de l’article 160 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article, dans sa rédaction résultant de l’article 160 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets relatives, ne sont pas applicables aux logements appartenant aux organismes d’habitation à loyer modéré ou aux bailleurs sociaux au sens de l’article L. 411‑2 du code de la construction et de l’habitation. »
Cet amendement propose de juguler les effets de la crise du logement en exonérant les logements du parc social des contraintes énergétiques pesant actuellement sur l’offre locative.
À l’heure où la fonction publique traverse une double crise de vocation et d’attractivité, certains élus envisagent, faute de pouvoir proposer une réelle revalorisation salariale pour de nombreux agents, d’accroître l’offre de logements sociaux à destination des agents publics, afin de les rapprocher de leur lieu de travail. Or, l’interdiction progressive de mise en location de millions de logements risque de produire l’effet inverse, en raréfiant encore davantage l’offre locative dans un parc social déjà exsangue.
Alors que la France compte près de 4 millions de personnes mal logées — dont plus d’un million seraient privées de logement — les exigences de décence énergétique, bien que motivées par des considérations écologiques, relèvent d’une logique punitive. Elles négligent le fait que le secteur résidentiel en France ne représente que 12 % des 0,9 % d’émissions mondiales de CO₂ attribuées à notre pays, soit seulement 0,1 %. Ces contraintes contribuent à aggraver la crise du logement en excluant du parc locatif des centaines de milliers de logements désormais vacants, alors même que la demande explose, en particulier dans les grands centres urbains, sur les littoraux et dans les zones frontalières.
La performance énergétique est aujourd’hui évaluée à l’aide d’un outil à la fois complexe et peu fiable — voire sujet à dérives : le diagnostic de performance énergétique (DPE). Devenu opposable et non plus seulement informatif, ce diagnostic conditionne désormais tant la valeur locative que la valeur vénale d’un logement.
Le calendrier d’interdiction progressive de mise en location manque de pragmatisme. Il ne tient pas compte de la pénurie d’artisans agréés pour réaliser les travaux de rénovation dans les délais impartis. À cela s’ajoutent le coût élevé des matières premières, des taux d’intérêt toujours importants, ainsi que la lenteur des procédures d’autorisation préalable, parfois même impossibles à obtenir.
Les bailleurs sociaux, au même titre que les bailleurs privés, se heurtent à des devis de rénovation énergétique souvent insurmontables, rendant la mise en conformité financièrement inaccessible.
Par ailleurs, l’efficacité réelle de ces travaux en matière d’économie d’énergie reste limitée et aléatoire, comme en témoignent plusieurs études. Celle de la SOFRES pour l’ADEME estime l’économie moyenne à seulement 2,71 % sur la facture énergétique, pour un coût moyen de travaux de 4 239 €. Une étude de l’université de Cambridge indique que les économies d’énergie tendent à disparaître quatre ans après les rénovations, en raison de l’effet rebond. La Cour des comptes souligne quant à elle que 40 % des logements ayant fait l’objet de travaux d’isolation demeurent des passoires thermiques, leur note DPE ne s’étant pas améliorée malgré les efforts financiers consentis par leurs propriétaires. Aujourd’hui, selon cette même institution, 60 % des logements classés F ou G conservent une étiquette dégradée même après rénovation.