- Texte visé : Proposition de loi portant plusieurs mesures de justice pour limiter les frais bancaires, n° 1345
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Après l’article L. 312‑1-2 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312‑1-2‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 312‑1-2‑1. – I. – La Banque de France fixe annuellement, par une décision prise après consultation des ministres en charge de l’économie, le montant maximum des frais relatifs à l’ouverture, la tenue ou la clôture du compte de campagne mentionné au chapitre V bis du code électoral, qu’un établissement bancaire peut facturer à un mandataire financier désigné dans les conditions prévues par ledit chapitre.
« II. – Ce plafond tient compte de la nature non lucrative et temporaire du compte, ainsi que de l’intérêt général attaché à la transparence du financement électoral et au rôle démocratique que l’article 4 de la Constitution confie aux partis et groupements politiques.
« III. – La décision mentionnée au premier alinéa du présent article intervient au plus tard le 1er novembre afin de fixer les plafonds pour l’année suivante. Sur décision du ministre de l’intérieur, ce délai peut être modifié pour l’année en cours afin de tenir compte du calendrier électoral. »
Les élections législatives de 2022 ont révélé une dérive préoccupante dans les relations entre les candidats et les établissements bancaires, notamment en ce qui concerne l’ouverture des comptes de campagne. Le Médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques a alerté dans son rapport sur une anomalie grandissante : la pratique, par certaines agences bancaires, de frais d’ouverture de compte exorbitants, injustifiés, voire dissuasifs.
De nombreux candidats ont en effet signalé avoir été confrontés à des demandes de frais fixes pour l’ouverture de leur compte de campagne, parfois supérieurs à plusieurs centaines d’euros (900 pour les plus élevés). Ces frais étaient appliqués sans qu’aucun service supplémentaire ne soit proposé, et souvent en dehors de toute logique économique apparente. Alors que les candidats concernés ne sollicitaient ni services complexes ni financements, ils étaient néanmoins invités à payer des montants comparables à ceux exigés de clients professionnels. Dans certains cas, les banques exigeaient même la souscription simultanée d’un crédit comme condition préalable à l’ouverture du compte, introduisant ainsi une confusion entre service bancaire de base et opération commerciale facultative.
Les justifications avancées par les établissements bancaires — notamment le coût de traitement des dossiers ou la qualité supposée du service — sont apparues peu crédible à la médiation, qui souligne dans son rapport le caractère « aberrant » de certaines situations, comme le fait que des candidats se tournent vers la Banque de France pour activer leur droit au compte uniquement dans le but d’échapper à des frais jugés prohibitifs. Et ce alors que l’ouverture d’un compte de campagne résulte d’une obligation légale, et que ces freins apparaissent donc de nature à entraver l’exercice démocratique.
Le phénomène n’a rien d’anecdotique : 16 % des candidats ont rencontré une difficulté d’ouverture de compte en 2022, et plus de 14 % ont dû avoir recours à la procédure de droit au compte, un chiffre multiplié par quatre par rapport aux précédentes échéances. Parmi ces derniers, un nombre inquiétant d’agences désignées par la Banque de France ont refusé d’exécuter la loi ou ont de nouveau tenté d’imposer des frais d’ouverture injustifiés, en contradiction avec l’esprit du dispositif légal.
Enfin, au-delà de l’argument démocratique, cette pratique peut avoir un coût pour les finances publiques. En effet, les frais d’ouverture de compte constituent une dépense électorale ouvrant droit à remboursement par l’État. Ainsi, soit ces frais exorbitants sont intégralement supportés par des petites structures n’atteignant pas les scores ouvrant droit à remboursement, au risque de les dissuader de participer à la vie démocratique, soit ils sont supportés par le contribuable.
Dans les deux cas, cette situation est insatisfaisante et appelle une intervention du législateur face à une pratique qui s’apparente, dans certains cas, à une forme moderne de suffrage censitaire. Plafonner les frais d’ouverture, de tenue et de clôture des comptes de campagne relève d’une exigence de justice démocratique et de bon usage de l’argent public.