- Texte visé : Proposition de loi visant à protéger l’effectivité du droit fondamental d’éligibilité, n° 1415
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
À l’alinéa 2, supprimer le mot :
« ne ».
Par cet amendement, il est proposé de préserver la possibilité pour les juridictions pénales d’ordonner l’exécution provisoire des peines d’inéligibilité, en s’opposant à toute tentative de l’interdire de manière générale. Loin d’une rupture de l’équilibre procédural, cette faculté constitue un outil indispensable entre les mains des juges, qui doivent pouvoir, dans certains cas, empêcher immédiatement une personne condamnée de se représenter devant les électeurs.
Car si le principe du droit pénal reste la suspension de la peine en cas d’appel, il existe des situations où cette logique ne suffit plus : lorsque la personne condamnée ne reconnaît aucun tort, n’exprime aucun regret, et persiste dans une posture de déni total, le risque de récidive est réel. Et le maintien dans la vie politique peut même renforcer ce risque, en valorisant publiquement des comportements condamnés par la justice.
C’est précisément ce qu’a montré l’affaire de Madame Marine Le Pen. Condamnée à cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics dans le cadre du système d’emplois fictifs d’assistants parlementaires européens, elle n’a pas exprimé le moindre doute, ni sur les faits, ni sur leur gravité. Bien au contraire : elle a continué à défendre ce système comme légitime. Autrement dit, elle n’a pas compris. Ou pire : elle considère toujours que détourner des fonds publics à des fins partisanes est une pratique acceptable.
Dans ces conditions, comment ne pas considérer le risque de réitération comme élevé ? Comment imaginer que l’on puisse laisser cette personne se présenter à l’élection présidentielle, alors même qu’un tribunal l’a jugée indigne de solliciter un mandat public ?
C’est pour ces cas spécifiques que l’exécution provisoire de l’inéligibilité doit rester possible. Il ne s’agit pas d’en faire une peine automatique. Il ne s’agit pas de priver qui que ce soit de ses droits sans débat. Il s’agit simplement de donner aux juges le pouvoir d’agir quand l’intérêt général l’exige, à la suite d’un débat contradictoire, dans le respect des droits de la défense.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 mars 2025, l’a confirmé : l’exécution provisoire n’est pas contraire à la Constitution, dès lors qu’elle est encadrée. La Cour de cassation l’a également validée, en soulignant qu’elle peut être justifiée par la gravité des faits, le trouble à l’ordre public et le risque de récidive.
Supprimer cette faculté reviendrait à désarmer les juges. Cela reviendrait à protéger des carrières politiques au détriment de la justice, de la morale publique et de l’exigence d’exemplarité. Cela reviendrait à dire qu’un élu peut continuer à briguer les plus hautes fonctions de l’État, même lorsqu’il n’a tiré aucune conséquence d’une condamnation pénale.
Nous refusons cette logique. Fidèles à nos valeurs républicaines, nous voulons protéger la démocratie contre la banalisation de la corruption et redonner à la parole judiciaire un effet réel et immédiat.