- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, n° 1435
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Supprimer cet article.
Par cet amendement, les député.es du groupe LFI-NFP appellent à la suppression de l'article unique de cette proposition de loi.
Ce texte présente un double objectif dévastateur : enfoncer notre pays dans le déni écologique, et outrepasser l'autorité et l'indépendance de la justice en intervenant dans un litige en cours, au mépris du principe de séparation des pouvoirs au fondement de notre Etat de droit.
Le 27 février dernier, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’arrêté du 1er mars 2023 par lequel les préfets d'Occitanie, de Haute-Garonne et du Tarn ont autorisé la société concessionnaire à réaliser les travaux de construction de la liaison autoroutière de Verfeil à Castres, dite « A 69 ». Cette décision est sans ambiguité : il n’y a pas de raison impérative d’intérêt public majeur ("RIIPM", une des trois conditions cumulatives permettant de déroger aux règles de protection des espèces et habitats protégés) justifiant les destructions prévues par ce projet. Il n'y a pas lieu de détruire des centaines d’hectares de terres agricoles, d’espaces naturels, de zones humides et 162 espèces protégées pour « gagner » quelques minutes de trajet.
Cette décision est une grande victoire en ce qu'elle permet de questionner plus largement les caractères écocide et anachronique des projets autoroutiers et routiers. Le groupe LFI-NFP n'a eu de cesse de demander l'instauration d'un moratoire sur ces projets, qui conduisent à un effondrement du vivant et notamment à une artificialisation des sols et des terres agricoles importante, menacent la ressource en eau et majorent les effets du dérèglement climatique. Malgré l’urgence écologique, et bien que la France soit déjà dotée d’un réseau routier conséquent (1 101 810 kilomètres de routes en 2022), notre réseau routier continue de s’étendre et la quantité de lignes ferroviaires exploitées diminue.
La construction de l’autoroute A69 Toulouse – Castres est un exemple symptomatique. Ce projet prévoit la bétonnisation de près de 400 hectares de terres agricoles et d’espaces naturels, de 22,5 hectares de zones humides, et de 13 hectares de bois, au mépris des bénéfices écologiques de ces arbres centenaires.
Inutiles et destructeurs, ces projets sont aussi profondément antisociaux. Choisir d’investir dans le tout voiture plutôt que dans les transports en commun rend de nombreuses personnes dépendantes à leur voiture, alors que 15 millions de personnes de plus de 18 ans sont en situation de précarité de mobilité en 2023 (1,7 million de personnes supplémentaires en deux ans).
Pourtant, et alors que la cour administrative d’appel saisie d’un recours en appel formé par l’État et le département du Tarn et d’une requête en sursis à exécution du jugement précité ne s'est pas encore prononcée, cette proposition de loi organise un véritable passage en force afin d'entériner le projet et lui délivrer arbitrairement la raison impérative d’intérêt public majeur. Ce texte vise donc d'une part à faire valider un acte administratif ayant été annulé par le juge, mais aussi à interférer dans le dénouement judiciaire d'un litige en cours.
Or, selon le Conseil d’État, seuls « d’impérieux motifs d’intérêt général » peuvent justifier l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice. On voit pourtant mal quelle urgence pourrait justifier de ne pas attendre le jugement de la cour administrative d’appel et de violer ainsi éhontément le principe de séparation des pouvoirs.
Pour toutes ces raisons, le groupe LFI-NFP considère qu'il n'y a pas d'autre choix raisonnable que de supprimer cet article.