- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse (n°1435)., n° 1446-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
À l’alinéa 2, substituer aux mots :
« l’état »
le mot :
« dépit ».
Par cet amendement, les député.es LFI-NFP proposent d'éclaircir le débat public quant à l'objet réel de cette proposition de loi.
Ce texte vise à octroyer abritrairement la raison impérative d'intérêt public majeur, une des trois conditions cumulatives permettant de déroger à nos normes de protection des espèces et des habitats protégés, à deux projets routier et autoroutier, qui seraient réputés y répondre "en l’état des connaissances scientifiques disponibles".
Nous soutenons au contraire que l'état de ces connaissances scientifiques disponibles reconnaissent les impacts délétères de tels projets sur la biodiversité, la qualité des sols, la quantité et la qualité de l'eau, ou encore les émissions de gaz à effet de serre (GES).
D'une part, le cumul des émissions de GES est une question mondiale et chaque tonne émise accroît les risques, tandis que chaque tonne évitée les réduit. Il s’agit là encore d’une loi intangible de la géophysique : il n’existe pas de petites ou de grandes émissions ; seule compte leur addition. En conséquence, tout projet routier ou autoroutier majore les effets du dérèglement climatique. Le sixième rapport d’évaluation du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que le réchauffement de 1,5° sera atteint dès le début des années 2030, et ce quels que soient les efforts de réduction immédiate des émissions mondiales de CO2. Dans ce contexte, s'entêter dans ce type de projets relève du pur déni d'Etat.
En outre, les infrastructures de transports forment une part notable des segments linéaires et des surfaces artificialisées. Or, l’artificialisation des sols contribue au dérèglement climatique par deux facteurs : ce sont les êtres vivants du sol qui lui permettent d’absorber du carbone. Plus un sol est artificialisé, dégradé, moins il est capable d’absorber ce carbone. En outre, il participe au phénomène d’îlot de chaleur, particulièrement prégnant en milieu urbain. Ajoutons que l’artificialisation accélère la perte de biodiversité, en faisant disparaître les habitats des végétaux et des animaux, et qu’elle favorise les inondations en empêchant l’absorption naturelle des eaux de pluies, et l’on comprendra les racines de la législation sur le zéro artificialisation nette (ZAN) prévue par la loi dite "climat et résilience".
Enfin, l’impact des routes sur la biodiversité et sur les activités agricoles est parfaitement connu : il provoque des effets de barrière et engendre la mortalité de la faune (environ 194 millions d’oiseaux et 29 millions de mammifères sont tués sur les routes chaque année en Europe, appartenant respectivement à 423 et 2 121 espèces et, si les chiffres de mortalité animale ne sont pas établis clairement pour la France, ils avoisineraient un million d’individus de différentes espèces) ; il pollue et perturbe les habitats environnants ; il ouvre de nouveaux axes qui sont très souvent la première étape d’un changement complet et profond. Ainsi, lorsque des infrastructures de transport sont construites dans des zones naturelles, la population tend à suivre ses infrastructures et à se développer autour. Une fois la première coupe effectuée, de nombreux impacts se propagent tels que la déforestation, les feux de forêt ou la fragmentation de l’habitat naturel. La construction de logements et la mise en place de zones d’activités économiques s’effectuent le plus souvent par le grignotage des terres agricoles.
Le tribunal administratif de Toulouse a rendu, le 27 février dernier, une décision qui s'applique à l'heure où nous discutons de ce texte de passage en force. Le juge a été clair ; il n’y a pas de raison impérative d’intérêt public majeur justifiant les destructions prévues par ce projet. Il n'y a pas lieu de détruire des centaines d’hectares de terres agricoles, d’espaces naturels, de zones humides et 162 espèces protégées pour « gagner » quelques minutes de trajet.