- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte, n° 1470
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des affaires économiques
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Supprimer cet article.
Par cet amendement de suppression nous nous opposons au présent article qui vise à faciliter les expulsions et destructions d'habitat informel.
Le présent article permet au préfet d'ordonner l'évacuation de lieux et leur démolition lorsqu'il s'agit d'habitat informel en réduisant le délai d'évacuation et de démolition à 15 jours minimum contre 1 mois actuellement. Il permet à un plus grand nombre d'agents de constater la construction d'habitat informel et allonge le délai du constat de flagrance à 7 jours contre 96 heures actuellement. Surtout, cet article permet de déroger à l'obligation de proposer un relogement ou un hébergement d'urgence prévue dans la loi.
La loi ELAN de 2018 a créé un cadre spécifique d’intervention administrative contre l’habitat informel à Mayotte et en Guyane. Partant donc d’un régime déjà dérogatoire, le présent article prévoit un nouveau régime dérogatoire spécifique à Mayotte, afin de réduire le délai d’exécution volontaire de l’ordre d’évacuation d’un mois à quinze jours, de déroger aux maigres garanties existantes.
Face à la crise multisectorielle à Mayotte, le Gouvernement propose d’y renforcer les dérogations attentatoires aux droits et libertés tel que le droit au logement ! Nous ne sommes évidemment pas pour le maintien de l’habitat insalubre et une majorité de personnes vivent à Mayotte dans des conditions indignes, mais nous refusons d’expulser et de détruire des quartiers entiers sans pouvoir reloger les personnes. Or aujourd’hui, du fait du manque d’investissement de l’Etat, la politique de logement et d'amélioration de l'habitat à Mayotte ne permet pas des solutions de relogement satisfaisantes et de tels dispositifs ne feront que mettre à la rue des personnes déjà en extrême précarité.
Rappelons qu'à Mayotte les trois quarts de l'habitat était insalubre avant le cyclone Chido, 75% des habitations auto-construites, et si plus de 90% de l'habitat informel a été détruit par le cyclone la préfecture confirme qu'il a déjà été reconstruit dans sa quasi-totalité, puisque la population n'a pas d'autres choix. Le taux d'occupation du parc d'hébergement d'urgence atteint 130% à Mayotte et selon le rapport sénatorial “Le déficit structurel du parc d'hébergement rend matériellement impossible pour le préfet de proposer un hébergement ou un relogement aux personnes à évacuer”. Plutôt que de trouver des solutions pour garantir le droit au logement, le Gouvernement nous propose de passer outre à Mayotte et de laissez les gens à la rue après avoir détruit leur habitat ! Unicef France estime que “la fin du droit inconditionnel à une proposition de relogement dans le cadre de la politique de destruction des habitations précaires signe l’augmentation massive du phénomène d’enfants à la rue.” C'est inacceptable.
Dans son avis, le Conseil d'Etat rappelle "que l’existence d’une proposition de relogement ou d’hébergement, tenant compte de la situation, notamment personnelle et familiale, de la personne évacuée, figure au nombre des garanties à prendre en compte dans l’appréciation du caractère équilibré de la conciliation entre la sauvegarde des intérêts publics qui justifie la mesure d’évacuation forcée et les atteintes à la vie privée et à la dignité humaine qu’elle emporte". Cet article ne permet pas de telles garanties, il convient de le supprimer.