- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte, n° 1470
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Supprimer cet article.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à supprimer cet article introduit par un amendement de la droite sénatoriale et qui a pour objet le regroupement familial à la condition que l’étranger dispose ou disposera d’un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique.
Sur le plan des principes, cette mesure porte atteinte au droit fondamental à une vie familiale normale, garanti tant par le Préambule de la Constitution de 1946 que par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler que les restrictions apportées à ce droit doivent rester proportionnées aux objectifs poursuivis. En l’occurrence, refuser le regroupement familial sur la base du statut foncier ou de la nature du bâti, sans considérer les efforts engagés par les familles pour accéder à un logement plus digne, revient à priver un grand nombre de personnes de la possibilité d’exercer ce droit, de manière disproportionnée.
Cette disposition est en outre source de discrimination indirecte. Elle pénalise les personnes les plus précaires, vivant dans des territoires où l’habitat informel est non pas un choix, mais une contrainte structurelle. À Mayotte, par exemple, l’INSEE estime que plus de 70 % du parc résidentiel relève de l’habitat informel ou non régularisé. Interdire le regroupement familial dans ce contexte revient à créer une inégalité territoriale flagrante : un étranger vivant en métropole dans un logement exigu mais conforme pourrait accéder au regroupement familial, là où un étranger vivant à Mayotte dans une maison saine mais non régularisée en serait exclu.
Par ailleurs, cette disposition se révèle contre-productive. En prétendant lutter contre l’habitat informel par la restriction du regroupement familial, elle ne crée aucun levier d’amélioration. Au contraire, elle risque d’encourager les pratiques de contournement, l’invisibilité administrative et le maintien de familles dans des situations précaires, sans accès à l’accompagnement public. Elle entrave tout processus de formalisation de l’habitat en substituant l’exclusion à la régularisation.