- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte, n° 1470
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Supprimer cet article.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à supprimer cet article qui permet à titre dérogatoire et pour le seul territoire de Mayotte, le placement en rétention administrative de l’étranger mineur lorsqu’il accompagne un majeur faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, dans des locaux spécialement adaptés à l’accueil des familles et pour une durée maximale de quarante-huit heures.
Ce dispositif, bien que présenté comme garantissant l’intérêt supérieur de l’enfant par la création de lieux distincts des centres de rétention administrative (CRA), conduit de facto à une privation de liberté de familles avec enfants dans un cadre très proche de celui de la rétention, sans les garanties procédurales équivalentes.
Cette logique soulève plusieurs inquiétudes majeures.
Elle constitue une atteinte aux droits fondamentaux de l’enfant. Le placement de mineurs dans un contexte de privation de liberté, même temporaire, contrevient aux engagements internationaux de la France, en particulier à la Convention internationale des droits de l’enfant. Le simple fait d’accompagner un parent sous le coup d’une mesure d’éloignement ne saurait justifier une telle mesure privative de liberté.
La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France à plusieurs reprises au sujet de la rétention administrative des mineurs en particulier des conditions concrètes dans lesquelles, dans chaque cas d’espèce, cette rétention s’était déroulée (CEDH, 19 janvier 2012, Popov c. France, n° 39472/07 et 39474/07 ; 22 juillet 2021, M. D. et A. D. c. France, n° 57035/18 ; 31 mars 2022, N.B. et autres c. France, n° 49775/20.).
L’effet dissuasif de la mesure est hautement discutable, alors que son impact psychologique est avéré. Aucune étude sérieuse ne démontre l’efficacité de telles pratiques sur la diminution des refus d’obtempérer à l’éloignement. En revanche, les effets délétères sur le bien-être psychologique des enfants sont documentés et indéniables.
Le texte laisse persister une ambiguïté sur les garanties procédurales. Si une voie de contestation judiciaire est prévue, le délai de 48 heures, tant pour le placement initial que pour son contrôle par un juge, reste extrêmement court, rendant la défense difficilement effective.
Des doutes sérieux pèsent également sur l’effectivité du dispositif à Mayotte, où il est prévu qu’il entre en vigueur au 1er juillet 2028. Dans un contexte où l’administration est déjà en grande difficulté pour mettre en œuvre les mesures d’éloignement existantes et garantir des conditions matérielles dignes, il est illusoire de penser que des structures adaptées à l’accueil familial respectueux de la vie privée et de l’enfant pourraient être créées à court ou moyen terme.
Enfin, ce dispositif apparaît incohérent avec une politique d’accueil fondée sur le respect des droits fondamentaux. Il s’inscrit dans une logique sécuritaire qui tend à banaliser le placement d’enfants en rétention, même indirectement, et envoie un signal contradictoire avec les principes de l’État de droit.
En conséquence, il est proposé de supprimer ce dispositif qui, sous couvert d’organisation logistique de l’éloignement, participe à la normalisation de pratiques attentatoires aux libertés fondamentales, inefficaces dans les faits et profondément contraires à nos engagements internationaux, en particulier lorsqu’il s’agit de mineurs.