- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte, n° 1470
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Rédiger ainsi cet article :
« La Nation se fixe pour objectif de rapprocher, à terme, les règles applicables à Mayotte en matière de prestations de sécurité sociale, d’aide sociale, de prise en charge des frais de santé, d’organisation de l’offre de soins, ainsi que de contrôle et de contentieux, de celles en vigueur dans les autres départements.
« Cet objectif s’inscrit dans le respect des principes de solidarité, d’égalité devant la loi et d’universalité de la protection sociale, en tenant compte des spécificités liées aux conditions d’organisation locale des services. »
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à assigner à la nation un objectif d’alignement des droits sociaux à Mayotte par rapport à l’hexagone.
Depuis son accession au statut de département français en 2011, Mayotte demeure confrontée à des inégalités profondes dans l’accès aux droits sociaux, creusant un fossé considérable avec les autres territoires. Cette situation met en péril le principe fondamental d’égalité inscrit dans notre pacte républicain, garantissant à chaque citoyen, quelle que soit sa région, l’accès aux mêmes droits et protections sociales.
À Mayotte, les écarts entre les prestations sociales et le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) par rapport à la métropole sont significatifs. En 2025, le SMIC brut horaire à Mayotte est de 8,98 €, soit un SMIC mensuel brut de 1 361,97 € pour 35 heures hebdomadaires . En comparaison, en métropole, le SMIC brut horaire est de 11,88 €, soit un SMIC mensuel brut de 1 801,80 € . Cette différence représente une disparité de 439,83 € mensuels, soit environ 24 %.
La protection sociale dans son ensemble, incluant les cotisations, la gestion des régimes et les règles applicables à l’offre de soins, demeure partiellement décalée par rapport à l’Hexagone. Le Centre hospitalier de Mayotte illustre les conséquences concrètes de cette disparité. En 2022, il enregistrait 83 médecins pour 100 000 habitants, contre 330 dans l’Hexagone, une situation critique qui traduit un désert médical majeur. Par ailleurs, 50 % des séjours hospitaliers concernent des personnes non affiliées à un régime de protection sociale, et jusqu’à 90 % des consultations en protection maternelle et infantile concernent cette population vulnérable.
L’absence d’application de l’Aide médicale de l’État (AME) à Mayotte constitue un facteur aggravant. Cette exclusion entraîne des retards d’accès aux soins et un reste à charge très élevé pour les plus démunis, tout en engorgeant les services d’urgence et hospitaliers, qui doivent faire face à une demande croissante non prise en charge par la protection sociale.
Au-delà du secteur sanitaire, cette inégalité d’accès aux droits sociaux fragilise durablement la cohésion sociale et freine le développement économique et humain de Mayotte. Le maintien de ce régime dérogatoire alimente des situations d’injustice inacceptables et met à mal la promesse républicaine d’égalité entre tous les territoires.
Dans ce contexte, il est indispensable que la loi inscrive clairement un objectif ambitieux de convergence de l’ensemble des règles sociales et des prestations vers le droit commun métropolitain, y compris l’AME. Il s’agit d’affirmer solennellement que la République ne peut tolérer des disparités aussi marquées, et qu’elle s’engage à réduire ces écarts par des mesures adaptées et coordonnées.
Cet objectif fixé par la loi ne saurait être une injonction ou une charge juridique immédiate pour l’État, mais une orientation politique forte, qui garantira une mobilisation constante des moyens et un suivi rigoureux de la progression des droits à Mayotte. Cette approche conjugue la fidélité aux principes républicains de solidarité et d’universalité avec la nécessité de tenir compte des spécificités du territoire.
Enfin, il convient de préciser que, compte tenu des règles de recevabilité des amendements, ce dispositif doit être formulé en termes d’objectif général et non contraignant. Cependant, l’ambition reste de voir, à terme, une rédaction plus exigeante et contraignante, accompagnée de calendriers précis, afin d’assurer la concrétisation rapide et effective de ces engagements pour les populations mahoraises.