- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n°463)., n° 1522-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Après l’alinéa 17, insérer l’alinéa suivant :
« 4° undecies D’encourager la production d’électricité et de chaleur à partir de cogénérateurs alimentés en biogaz issu de méthanisation, notamment celle d’effluents d’élevage, en valorisant leur capacité à produire une énergie renouvelable locale et potentiellement pilotable et à contribuer à la décarbonation du secteur agricole, à la valorisation des effluents, au développement de l’économie locale et à la flexibilité énergétique sur l’ensemble du territoire. À cet effet, la puissance instantanée issue de la valorisation du méthane des effluents d’élevage pourrait raisonnablement atteindre 100 MW d’ici 2030, 200 MW d’ici 2040 et 300 MW d’ici 2050. »
Alors que les objectifs fixés par la dernière programmation pluriannuelle de l’énergie ont été atteints, la filière de la cogénération est confrontée à des difficultés croissantes.
Depuis quelques années, les installations de cogénération font face à une évolution tarifaire déconnectée de la réalité du terrain dans un contexte marqué par la crise énergétique et l'augmentation des coûts de production.
En outre, la méthanisation, initialement pensée en vue de la valorisation énergétique de la biomasse — issue notamment des effluents d’élevage, des déchets organiques de l’agroalimentaire, de la part fermentescible des déchets ménagers et des stations d’épuration — s'est développée de manière déconnectée des gisements de ces ressources, au profit d'entreprises disposant des capacités financières les plus importantes et à celui des réseaux de transport d’énergéticiens devant souscrire à l’obligation d’intégrer du gaz « vert ». Cette situation, fruit d’un déphasage entre des aides publiques initialement incitatives (aide à l’investissement, tarif de rachat) et l’absence de contrôles effectifs des installations, a engendré des conséquences facilement observables sur nos territoires : accaparement des terres au détriment de la souveraineté alimentaire, des systèmes de polyculture-élevage et du renouvellement des générations, pollution des sols, menaces sur la biodiversité et tensions sur les infrastructures rurales...
Les 800 installations de cogénération agricole sont aujourd’hui face à un tournant. Plusieurs centaines d’entre elles arrivent au terme de leur contrat d’achat d’électricité. Ces unités sont à l’origine de la filière. Elles disposent aujourd’hui d’un savoir-faire avéré, source de résilience pour leur exploitation et les territoires. Avec, d'une part, la disparition des objectifs en électricité produit à partir de biogaz et la fin des soutiens aux contrats d’électricité biogaz, et d'autre part les volumes importants attendus en biométhane, il est essentiel de repenser les modalités d'accompagnement de la filière, afin que la biomasse agricole contribue de façon efficace, économe et écologique aux objectifs de mix énergétique de notre pays.
Cela passe, dans un premier temps, par le maintien des unités de cogénération existantes.
Dans un second temps, deux orientations complémentaires émergent pour une méthanisation plus durable. D'abord, une régulation renforcée avec certification publique, autorisations proportionnées aux enjeux environnementaux, tarification sélective en faveur des projets vertueux et planification à l’échelle territoriale.
Une seconde voie, plus radicale, mérite également d’être explorée. 70 000 unités de stockage des effluents d’élevage (fosses à lisier) ont été bâties à partir des années 1990 en application de la directive nitrate. C’est, à l’échelle nationale, une immense ressource quasiment inexploitée de 13,7 millions de tonnes de CO2 — environ 3% des émissions de gaz à effet de serre du pays — qui pourraient être valorisées en énergie. La cogénération est la seule solution viable pour les fosses à lisier, permettant de valoriser de faibles volumes de biogaz.
Les experts estiment que la valorisation par cogénération du méthane issu de l’ensemble des fosses à lisier en France permettrait de produire environ 480 MW d’électricité. En projetant un développement progressif de ces unités de cogénération, ces paliers intermédiaires apparaissent atteignables : 100 MW de puissance instantanée d’ici 2030, 200 MW d’ici 2040 et 300 MW d’ici 2050. Ces objectifs tiennent compte de l’intégration progressive des technologies de cogénération dans les exploitations d'une part, et d'autre part de l’évolution du soutien public en faveur de la filière (notamment en matière de tarifs d'achat), sans lequel la majorité des projets ne pourront être économiquement viables.
Même à technologie constante, les retours d’expérience dont nous disposons nous enseignent que pour une part des élevages bovins et porcins, une équation économique est possible, permettant de consolider le revenu des agriculteurs, dès lors que l’énergie produite peut être valorisée. En effet, si ces effluents produisent moins d’énergie que certaines cultures, les investissements à réaliser sont en contrepartie sans commune mesure avec ceux du modèle actuellement dominant.
Sur le plan écologique, le bénéfice de cette économie circulaire et totalement décarbonée dans sa mise en œuvre permettrait d’atteindre un objectif majeur en matière de réduction des gaz à effet de serre en captant un méthane (CH4) dont les scientifiques du Giec et de l’Inrae nous rappellent son pouvoir de réchauffement vingt-cinq fois supérieur à celui du CO2.
Produire de l’énergie par la valorisation du méthane disponible, avec un meilleur partage de la valeur et en préservant intégralement notre sécurité alimentaire, serait de nature à sortir des controverses actuelles. Un effort de recherche inédit devra, demain, viser une performance accrue de tels systèmes. Mais, dès aujourd’hui, il est essentiel pour le débat démocratique de mesurer le bénéfice social, économique et environnemental de la réorientation des crédits publics actuellement consacrés à la méthanisation vers une vision renouvelée de celle-ci.
Dans le cas de la méthanisation, comme pour toutes les autres énergies renouvelables, la construction d’une doctrine claire et une puissance publique jouant pleinement sa fonction régulatrice et d’aménagement du territoire seraient de loin les meilleures alliées de l’entrepreneuriat et de l’initiative locale au service du bien commun.