- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n°463)., n° 1522-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Code concerné : Code de l'énergie
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Le titre préliminaire du livre Ier du code de l’énergie est complété par un article L. 100‑6 ainsi rédigé :
« Art. L. 100‑6. – I. – Afin d’atteindre les objectifs de neutralité carbone prévus à l’article L. 100‑1 A du code de l’énergie et de répondre aux finalités de la politique énergétique nationale fixées à l’article L. 100‑4 du même code, une stratégie nationale de préservation, de renforcement et de restauration des puits de carbone naturels est mise en oeuvre, portant en particulier sur les écosystèmes forestiers et prairiaux.
« II. – Cette stratégie est élaborée dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. Elle est révisée tous les cinq ans, en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone mentionnée à l’article L. 222‑1 B du code de l’environnement. Elle fixe des objectifs chiffrés de stockage net de carbone, à court, moyen et long terme, fondés sur les modalités de comptabilisation applicables aux inventaires nationaux notifiés à la Commission européenne et à la convention-cadre de l’organisation des Nations unies sur les changements climatiques, sans tenir compte des crédits internationaux de compensation carbone.
« Elle comprend notamment :
« 1° Des mesures de protection des forêts existantes et des prairies permanentes présentant un intérêt écologique ou climatique reconnu, y compris par des mécanismes de zonage, de contractualisation ou de fiscalité incitative ;
« 2° Des programmes de restauration des écosystèmes forestiers dégradés ou vulnérables au changement climatique, assortis d’indicateurs de résilience, de biodiversité et de performance carbone ;
« 3° Des actions de soutien à l’adaptation des pratiques sylvicoles et agricoles, favorisant le stockage durable de carbone dans la biomasse et les sols, notamment par des dispositifs d’aide à la transition, de formation et de conseil technique ;
« 4° L’intégration systématique des objectifs de renforcement des puits de carbone dans les documents de planification territoriale, en particulier les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, les plans climat-air-énergie territoriaux et les plans régionaux de la forêt et du bois ;
« 5° Des modalités de suivi et d’évaluation, fondées sur un système d’indicateurs publics, accessibles et régulièrement actualisés.
« III. – L’élaboration, la mise en œuvre et la révision de cette stratégie font l’objet d’une consultation du public et d’une concertation avec les collectivités territoriales, les représentants des filières agricoles et forestières, les organismes de recherche, les associations de protection de l’environnement et les représentants des usagers.
« IV. – Les mesures réglementaires et budgétaires nécessaires à la mise en œuvre de cette stratégie sont inscrites dans les lois de finances et les lois de programmation afférentes à la transition écologique.
« V. – Le Haut conseil pour le climat remet au Parlement, tous les deux ans, un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la stratégie nationale des puits de carbone, comprenant une analyse de l’évolution du puit net national, ainsi que des recommandations d’adaptation. »
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à mettre en œuvre une stratégie nationale de préservation, de restauration et de valorisation des puits de carbone naturels, en particulier les forêts et les prairies, qui sont essentiels à l’atteinte de la neutralité carbone, conformément aux articles L. 100‑1 A et L. 100‑4 du code de l’énergie.
La détérioration du puits de carbone français, en particulier des forêts, est un enjeu majeur pour la stratégie climatique du pays. Selon le rapport 2022 du Haut Conseil pour le Climat, les forêts françaises ont absorbé environ 30 millions de tonnes de CO₂ équivalent en 2020, ce qui représente 7,5 % des émissions nationales. Cependant, cette capacité d’absorption a diminué de 48 % entre 2010 et 2020, une tendance inquiétante exacerbée par plusieurs facteurs interconnectés tels que la dégradation des écosystèmes forestiers, la prolifération des maladies et des insectes ravageurs, l’exploitation forestière non durable ou encore la perte de biodiversité.
Les prairies jouent un rôle essentiel dans la séquestration du carbone, en particulier dans le cadre des stratégies d’atténuation du changement climatique. Leur capacité à stocker du carbone dépend de nombreux facteurs tels que le type de prairie (permanente, temporaire, pâturée), le climat, la nature du sol et les pratiques agricoles mises en œuvre.
En moyenne, une prairie permanente peut séquestrer entre 0,3 et 1 tonne de carbone par hectare et par an, soit environ 1,1 à 3,7 tonnes de CO₂, tandis que les prairies temporaires présentent un potentiel plus modeste, compris entre 0,1 et 0,5 tonne de carbone (0,37 à 1,8 tCO₂/ha/an). Ces ordres de grandeur sont issus des travaux de l’INRAE (Pellerin et al., 2013 ; 2019), corroborés par les estimations du GIEC et de la FAO. Le programme international « 4 pour 1000 », lancé lors de la COP21, promeut d’ailleurs l’augmentation annuelle de 0,4 % du stock de carbone des sols comme levier global de compensation des émissions de gaz à effet de serre.
Plusieurs leviers permettent d’optimiser ce stockage, notamment une gestion adaptée du pâturage (pâturage tournant, réduction de la charge animale), la limitation du travail du sol, ou encore l’introduction de légumineuses qui favorisent la fertilité naturelle et la productivité végétale. Les sols argileux, en particulier, se révèlent plus efficaces que les sols sableux pour fixer durablement le carbone organique. En France, les prairies couvrent environ 12 millions d’hectares. En appliquant les taux moyens de séquestration cités plus haut, le potentiel de stockage brut est estimé entre 13 et 35 millions de tonnes de CO₂ par an, selon les pratiques de gestion mises en œuvre (INRAE, ADEME). Ce chiffre représente un gisement non négligeable dans la balance carbone du secteur agricole français, dont les émissions annuelles s’élèvent à environ 80 MtCO₂e.
Il apparaît donc indispensable de renforcer les politiques de gestion durable des forêts et de restauration des écosystèmes. Cela passe par la protection des forêts existantes, la promotion de la reforestation, et l’adoption de pratiques agricoles régénératives pour préserver les prairies et maximiser leur capacité de séquestration du carbone.