- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi de M. Éric Ciotti et plusieurs de ses collègues visant à instaurer une participation des détenus aux frais d'incarcération (1409)., n° 1585-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Dans les trois mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant l'impact attendu de la présente loi sur la situation financière des personnes détenues et de leurs familles.
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP demande au gouvernement d’évaluer les conséquences du texte examiné sur la paupérisation, en particulier sur le niveau d’endettement des familles des personnes incarcérées et de leurs proches.
D'une part, cette proposition de loi dispose que les responsables légaux des mineurs versent une participation financière destinée à contribuer aux frais de leur détention, une manière détournée de sanctionner par ricochet un parent pour le comportement de son enfant alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait. La démagogie politique est ici poussée jusqu’à son paroxysme dans la mesure où les auteurs de ce texte savent pertinemment que les parcours des mineurs incarcérés sont souvent marqués par des ruptures familiales, que l'enfermement ne peut que renforcer, et qu'ils viennent des familles les plus économiquement vulnérables de ce pays.
Les études sociologiques disponibles informent que « les jeunes détenus, dans leur quasi-totalité, sont presque tous enfants d’employés, d’ouvriers, de chômeurs ou de travailleurs précaires à leur compte. [...] ils vivent ou ont grandi pour une majorité d’entre eux dans des quartiers d’habitat social. [...] L’idéal type du jeune incarcéré est donc celui d’un garçon de 17 ans, fils d’employés ou d’ouvriers immigrés, ayant grandi en ville dans les quartiers populaires » (Y. Amsellem-Mainguy, B. Coquard, A. Vuattoux, Trajectoires familiales, scolaires et amoureuses : comment les mineurs incarcérés traversent leur jeunesse, Jeunes vulnérables. Incidences sur les parcours d'entrée dans la vie adulte p.45-73).
Ainsi, il est évident que ce texte aura des conséquences sur les ressources des familles des personnes détenues majeures, quand ceux-ci seront parvenus à conserver un lien familial nécessairement brisé par l’incarcération.
En effet, l’assistance des détenus n’est pas seulement émotionnelle, elle est aussi pécuniaire, notamment lorsque le travail manque en prison. Seuls 30 % des personnes détenues ont aujourd’hui accès à une activité rémunérée en prison. Des emplois précaires, rémunérés entre 25 % et 45 % du SMIC. Il en découle qu'un quart de la population carcérale dispose de moins de 60 euros par mois, 16 % n'ayant aucune ressource.
Une enquête menée par l’Union nationale des Fédérations régionales des Associations de Maisons d'Accueil de familles et proches de personnes détenues en 2017 est sans appel : "L’incarcération aggrave les difficultés financières des foyers, suite à la perte du salaire de la personne détenue, au coût que représentent les transports pour se rendre au parloir, à l’envoi de subsides aux proches détenus. La prison participe ainsi à l’appauvrissement non seulement des personnes incarcérées, mais aussi de leur entourage".
Dans ces foyers, la charge mentale de l’assistance des détenus repose statistiquement sur le dos des membres féminins d’une famille, qui assument la plupart du temps la responsabilité de pourvoir aux charges du foyer en parallèle, comme l'a montré la chercheuse Gwenola Ricordeau en 2019.
Imposer une contribution des personnes détenues aux frais de leur incarcération aura des conséquences en cascade sur leurs familles qu’il convient de documenter.