- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n°118)., n° 1591-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :
« Elle mène une réflexion éditoriale sur la place qu'occupent les faits divers dans la couverture de l'actualité. »
Cet amendement vise à amener une réflexion sur le cadrage médiatique des faits divers dans le traitement de l'actualité. Le groupe Écologiste et Social estime que les médias publics doivent être exemplaires et ne pas céder à l'instrumentalisation des faits divers, devenue méthode de cadrage de l'information sur certaines chaînes privés comme CNEWS.
Le meurtre de Lola, à Paris en 2022, et celui de Thomas, à Crépol en 2023, ont été l’occasion de véritables campagnes de diffusion d’une sémantique racialisante de la part de représentants politiques, d’éditorialistes et de médias d’extrême droite. Éric Zemmour a par exemple cherché à mettre en circulation à partir de ces faits divers la catégorie de « francocide ». Si ce terme prétend désigner l’homicide d’une personne française par un étranger en raison de sa nationalité, on comprend, au regard de son usage par l’extrême droite, qu’il repose davantage sur une représentation raciale que sur une dimension de nationalité : il désigne le meurtre de personnes françaises blanches par des personnes non blanches (issues de l’immigration extra-européenne, qu’elles soient étrangères ou de nationalité française). Dès lors, il permet de diffuser sans le dire la vieille obsession du « génocide blanc » propre aux franges les plus radicales de l’extrême droite.
Ces meurtres ont en outre été présentés comme le symptôme d’un « ensauvagement » par plusieurs cadres des Républicains, ainsi que par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, donnant à voir la circulation des mots et des idées de l’extrême droite bien au-delà de cette dernière. On mesure, à partir de ces exemples, à quel point les droites et extrêmes droites ont entrepris, à une échelle jamais vue auparavant, de politiser les faits divers, en balayant d’un revers de main l’évident reproche de « récupération politique ». Le commentaire et l’interprétation – orientée idéologiquement – des faits divers, leur association automatique, du côté de l’extrême droite et d’une partie de la droite, à l’immigration, sont ainsi devenus des armes courantes dans les luttes politiques et idéologiques.
Si ces tentatives de politisation des faits divers ne constituent pas des pratiques nouvelles, d'après le sociologue Samuel Bouron, la structuration contemporaine de l’espace médiatique assure une diffusion croissante aux cadrages proposés par l’extrême droite, au détriment des cadrages avancés par la gauche. En d’autres termes, une partie des médias semble servir de « haut-parleur » à des visions du monde réactionnaires, sécuritaires et racistes, centrées en particulier sur la menace que constituerait l’immigration pour la sécurité et l’unité de la nation. L’une des raisons les plus évidentes tient à la constitution de l’empire médiatique Bolloré (CNews, Canal+, C8, Europe 1, JDD), qui ne dissimule guère sa proximité avec l’extrême droite. On peut également souligner la radicalisation de médias historiquement associés à la droite conservatrice (Valeurs actuelles et même Le Point ou L’Express) ou encore à la montée en puissance de la « fachosphère » (Fdesouche, Égalité et Réconciliation, Riposte laïque, etc.).
Toutefois, la croissance de médias classés à l’extrême droite ne suffit pas à expliquer la capacité de cette famille politique à produire des « paniques morales ». Ces faits divers se diffusent en effet bien au-delà de la galaxie de l’extrême droite, dans des médias grand public, et notamment dans les journaux télévisés, sur les chaînes d’information en continu, et dans la presse quotidienne régionale.