- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant création d'un statut de l'élu local (n°136)., n° 1603-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
La Nation s’engage à garantir la participation à la vie politique des personnes handicapées sans entraves légales, financières, administratives ou techniques.
Par cet amendement d’appel, le groupe écologiste et social invite notre Assemblée à prendre pleinement la mesure de l’insuffisance des moyens et du manque criant de volonté politique pour garantir l’exercice sans entrave d’un mandat électif, et plus largement la participation à la vie politique, des personnes handicapées.
Les personnes handicapées, qui comptent pourtant pour 16% de la population, pâtissent d’un manque criant de représentation à toutes les instances de pouvoir : seuls 0.01 % des élus sont handicapé selon l’organisation Handéo.
Par cet amendement, nous appelons à consacrer le droit aux moyens humains et techniques pour lever les freins encore en vigueur à l’encontre des personnes handicapées souhaitant s’engager politiquement. Il s’inscrit dans la lignée de l’article 29 de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, que la France a ratifié, qui engagent les Etats Parties à « faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique »
Il convient tout d’abord d’harmoniser à l’échelle nationale le financement des dépenses liées à la compensation des élu·es handicapé·es pour mettre fin au conditionnement de la prise en charge par des décisions locales parfois arbitraires et nécessairement source d’anxiété pour les personnes concernées.
La prise en charge des aides d'aides individuelles, matérielles, humaines et techniques nécessaires aux élu·es handicapé·es pour exercer correctement leur mandat est, en effet, actuellement mise en délibération par les conseils locaux. Ces dernier·ères dépendent, de fait, du bon vouloir de leurs homologues. Handéo, dans son rapport de 2021 sur le mandat électoral des personnes handicapées, fait ainsi état du refus opposé à une élue d’opposition par la mairie pour bénéficier de l’aide humaine dont elle avait pourtant besoin pour préparer ses réunions. D’autres élu·es sont réticents à solliciter le conseil municipal par peur du jugement ou d’un refus, quitte à cacher leur handicap, limiter le recours aux aides dont ils et elles ont besoin ou se financer sur leurs deniers propres, une situation inacceptable et génératrice d’autocensure pour les personnes concernées.
Il est également essentiel d’instaurer une prise en charge intégrale des frais de compensation liés aussi bien à l’exercice du mandat qu’à une campagne électorale. Mener une campagne électorale peut relever d’un véritable parcours du combattant lorsqu’on est en situation de handicap. Les besoins sont multiples et se décuplent en cas de campagne, caractérisée par l’instabilité, des rythmes intenses et de nombreux déplacements sur des lieux à l’accessibilité limitée. Si la prestation de compensation du handicap peut prendre en compte les frais liés spécifiquement à « une activité professionnelle ou d'une fonction élective », le plafonnement à 156 heures annuelles de cette aide contraint de fait les personnes concernées à devoir choisir entre vie personnelle et vie politique, au détriment en toute logique de la seconde. Livrées à elles-mêmes, ne souhaitant pas faire reposer les frais liés à la compensation sur les dépenses de campagne -plafonnées- des partis, les personnes candidates doivent recourir au bénévolat ou débourser sur leurs deniers propres pour faire campagne.
L’intégralité des activités, réunions et événements auxquels prennent part les candidat.es / élu.es doivent être prises en charge, alors que seules les réunions de conseils et de commissions sont concernées actuellement. Dans sa version actuelle, l’article L.2123-18-1 n’inclut, en effet, pas les événements divers auxquels les élu·es sont amené·es à se rendre fréquemment, tels que des comités d’attribution d’aides, des jurys de concours maîtrise d’oeuvre, des commémorations ou des cérémonies officielles (comme le notait à juste titre le groupe LIOT lors du débat sur le statut de l’élu local organisé par Monsieur Delautrette en janvier dernier). Il est ainsi essentiel d’élargir la prise en charge afin que les personnes concernées ne soient pas lésées dans l’exercice de leurs fonctions.
Il est enfin nécessaire que la prise en charge des dépenses -qui, nous le rappelons, ne relève pas du confort mais du besoin de santé- se fasse sans avance de frais et sans plafond de dépenses. Les frais peuvent, par exemple, concerner le recours à la vélotypie, l’interprétation en langue des signes française, les services d’une auxiliaire de vie ou d’une personne de soutien plusieurs heures par jour, ou le recours aux transports adaptés pour les personnes à mobilité réduite. Ces dépenses peuvent s’élever, dans quelques cas, à plusieurs milliers d’euros, alors que le plafond envisagé dans le présent article ne s’élèverait qu’à, environ, 1600€ net, un plafond qui est non seulement bien en deçà de la réalité des besoins des personnes handicapées, mais est profondément injuste en ce qu’il vient considérablement limiter les perspectives d’engagement des personnes concernées, qui ne peuvent avoir à choisir entre soins essentiels du quotidien et engagement politique. Il relève avant tout d’une appréhension infondée quant à une hausse excessive des coûts au regard du nombre de personnes concernées par cette mesure. L’association Handeo estime, en effet, que notre pays compte approximativement moins d’une centaine d’élus en situation de handicap ayant des besoins de prise en charge d’aide à la compensation du handicap, sachant qu’une partie de ces besoins est déjà prise en charge actuellement via la PCH.
Au-delà de l’accès à un mandat électif, le groupe écologiste et social rappelle que la participation à la vie en société ne saurait se limiter à la vie politique. Les personnes handicapées, dont une partie significative est engagée dans le milieu associatif, rencontrent des difficultés supplémentaires et un déficit de moyens financiers et techniques pour pouvoir se dédier pleinement à des responsabilités associatives. Garantir la prise en charge des dépenses liées à la compensation dans le cadre des activités associatives est ainsi également une condition sine qua none d’une société véritablement inclusive, qui reflète la pluralité de ses membres et ne laisse personne de côté.
Tel est l’objet du présent amendement, travaillé avec l’Observatoire du validisme en politique et l’association Handeo.