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Emmanuel Grégoire

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Céline Hervieu

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Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité

Supprimer cet article.

Exposé sommaire

Cet amendement vise à supprimer l’article 1er bis, qui met en oeuvre le cœur de la réforme du mode de scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille, proposée par la présente proposition de loi.

La proposition de loi n° 451 présente une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, consacré par l’article 72 de la Constitution. Ce principe à valeur constitutionnelle suppose non seulement que chaque collectivité dispose d’une assemblée élue et de compétences propres, mais également que l’organisation institutionnelle retenue permette à ces collectivités d’exercer de manière cohérente et autonome leur action publique.
 
Par sa formulation, le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution lie directement la capacité de l’organe délibérant élu de la collectivité à exercer les compétences propres de cette collectivité au principe de libre administration : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus [...] ». Ainsi, ce lien organique entre l’assemblée délibérante et l’exercice de compétences propres a été explicité par la jurisprudence qui a précisé que « le principe selon lequel les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus implique que toute collectivité dispose d'une assemblée délibérante élue dotée d'attributions effectives » (en ce sens : décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010).
 
Les villes de Paris, Lyon et Marseille bénéficient depuis la loi dite « PLM » du 31 décembre 1982 d’un statut particulier les dotant à la fois d’un conseil municipal central (Conseil de Paris, conseil municipal de Lyon ou Marseille) et de conseils d’arrondissement (ou de secteur) élus localement. Le lien organique ainsi établi entre les deux niveaux d’assemblée assure une cohérence décisionnelle et garantit l’unité fonctionnelle de la collectivité.
 
Or, en instaurant deux scrutins distincts et simultanés pour élire, d’une part, les conseils d’arrondissement ou de secteur, et d’autre part, les conseils municipaux, la réforme opérée par la proposition de loi rompt avec un équilibre institutionnel jusqu’alors essentiel. Dans cette configuration, les arrondissements — qui ne disposent ni de la personnalité juridique ni de la qualité de collectivité territoriale — continueraient à exercer des compétences déconcentrées au nom de la commune, mais potentiellement sans qu’aucun conseiller municipal ne siège en leur sein. Dès lors, la Ville de Paris pourrait se voir engagée par des décisions adoptées dans des organes où elle n’est plus représentée.
 
Le Conseil se trouve confronté à question inédite : contrairement à des décision antérieures, il n’a pas à juger de la constitutionnalité de l’exercice par une même collectivité de compétences de deux niveaux habituels de collectivité ou de la participation de membres communs à deux assemblées délibérantes au titre de deux collectivités, il est saisi d’un texte qui découple l’élection de l’organe central de la collectivité – le seul bénéficiant de la protection du deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution – et de nouveaux organes élus au suffrage universel qui administrent une partie des compétences obligatoires de la même collectivité. En brisant le lien électif entre les élus d’arrondissement et les élus siégeant au sein du conseil municipal ou du Conseil de Paris, le législateur a privé le « conseil élu » de la collectivité au sens de l’article 72 de la Constitution de sa capacité à exercer l’ensemble des attributions effectives relevant de la compétence de la collectivité qu’il administre.
 
Un tel déséquilibre institutionnel altère la capacité effective du conseil municipal à assurer la gestion de l’ensemble du territoire de la commune. Ce mode de fonctionnement, qui fait coexister deux assemblées élues indépendamment sur la même emprise territoriale, n’existe dans aucune autre collectivité de la République. Même les dispositifs issus de la loi de 1982, bien qu’exorbitants, n’avaient instauré une telle dualité électorale.
 
La disparition du lien organique entre conseils d’arrondissement et conseils municipaux rompt l’unité de gouvernance démocratique et entrave la capacité de la commune à s’administrer elle-même. En cela, la réforme porte atteinte au principe de libre administration consacré par l’article 72 de la Constitution.