- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2026, n° 1906
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des affaires sociales
- Mission visée : Solidarité, insertion et égalité des chances
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
| (en euros) | ||
| Programmes | + | - |
| Inclusion sociale et protection des personnes | 40 000 000 | 0 |
| Handicap et dépendance | 0 | 40 000 000 |
| Égalité entre les femmes et les hommes | 0 | 0 |
| TOTAUX | 40 000 000 | 40 000 000 |
| SOLDE | 0 | |
Les grands foyers de la protection de l’enfance, hérités d’un modèle institutionnel ancien, peinent aujourd’hui à offrir un environnement stable et sécurisant aux enfants qui y sont accueillis. Nombre de ces structures rassemblent encore entre vingt et quarante jeunes sous un même toit, avec des équipes éducatives sous tension et un fort turn-over, rendant difficile la construction de liens d’attachement durables. La Défenseure des droits, dans son rapport 2025 sur la protection de l’enfance, publié le 29 janvier 2025, alerte sur « une situation extrêmement dégradée marquée par des atteintes graves à l’intérêt supérieur et aux droits des enfants ». Elle y dénonce notamment : « des structures collectives de trop grande taille, inadaptées aux besoins des enfants les plus vulnérables », et appelle à la création d’alternatives à taille humaine. La commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les manquements des politiques publiques de la protection de l’enfance, dans son rapport d’avril 2025, confirme ce constat : elle souligne « la saturation et l’inhumanité de certains foyers collectifs » et recommande de « développer des unités d’accueil à dimension familiale, reposant sur la stabilité des équipes et la continuité du lien éducatif ». L’Inspection générale des affaires sociales, en 2023, a par ailleurs montré que près d’un tiers des enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance connaissent au moins trois lieux de placement différents avant leur majorité, fragilisant leur développement et aggravant les troubles psychiques, la déscolarisation et les situations de fugue.
Face à ce constat partagé, un mouvement d’innovation s’amorce autour des structures à taille humaine, dites micro-MECS (Maisons d’enfants à caractère social de petite capacité). Ces dispositifs, expérimentés dans plusieurs départements tels que le Rhône, la Loire-Atlantique ou le Finistère, accueillent de quatre à six enfants dans un cadre plus proche du foyer familial, avec une équipe éducative resserrée et stable. Les évaluations menées par la CNAPE et les conseils départementaux pilotes mettent en évidence leurs effets positifs : une réduction significative des fugues, une scolarisation plus continue, une amélioration du bien-être psychique et un maintien plus fréquent des fratries. Le coût moyen d’une micro-MECS, de l’ordre de 700 000 à 900 000 euros par an, est comparable à celui d’une structure classique, mais les résultats obtenus en matière de stabilité et de réussite des enfants sont nettement supérieurs.
Les besoins de financement sont aujourd’hui clairement établis. L’IGAS et la Cour des comptes rappellent qu’à peine 3 % des établissements de protection de l’enfance relèvent de la petite capacité, faute d’un appui national. Selon la CNAPE et l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), environ 250 micro-MECS supplémentaires seraient nécessaires pour couvrir les besoins du territoire. En se fondant sur un coût moyen d’amorçage d’environ 800 000 euros par structure, le besoin global s’élève entre 30 et 50 millions d’euros par an pour trois ans, incluant la formation, l’encadrement et l’évaluation scientifique. Sans intervention de l’État, cette transformation restera marginale, dépendante des seules initiatives locales, alors même qu’elle répond aux recommandations unanimes des institutions de contrôle et des acteurs de terrain.
Le présent amendement propose donc de créer un fonds national d’expérimentation pour le développement des micro-MECS, doté de 40 millions d’euros pour 2026. Ce fonds permettra de cofinancer, avec les départements et les associations gestionnaires, la création d’environ une centaine de structures nouvelles, d’appuyer la formation spécifique des équipes éducatives et de financer une évaluation indépendante conduite par l’ONPE. L’objectif est de favoriser un accueil à taille humaine, garantissant la stabilité des enfants confiés, la continuité des parcours et une meilleure articulation avec les services de santé, de scolarité et d’insertion.
Ce dispositif s’inscrit dans la continuité de la stratégie nationale de protection de l’enfance 2023‑2027 et des recommandations du Conseil de l’Europe sur les services de proximité pour les enfants. Il prolonge également les orientations du rapport Taquet (2019) appelant à « des lieux de vie à dimension humaine, où l’enfant est un sujet et non un dossier ». En investissant dans les micro-MECS, l’État amorce une réforme structurelle : passer d’une logique de gestion des places à une logique d’accompagnement des vies.
L’amendement augmente donc les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de 40 000 000 euros (en AE et CP), comme suit :
– Le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » est crédité de 40 000 000 d’euros (en AE et CP)
Afin de respecter la règle de recevabilité financière, il prévoit une baisse du même montant (40 000 000 d’euros, en AE et CP) sur les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance ». Les auteurs de cet amendement n’ont pas l’intention de diminuer les crédits de ce programme et appellent le Gouvernement à lever le gage.