Première séance du mercredi 09 avril 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Protection de l’enfance
- Droits de douane
- Réseau Envie
- Réponses européennes à la hausse des droits de douane des États-Unis
- Destin de la Polynésie française
- Conséquences de la hausse des droits de douane
- Application de la Charte sociale européenne dans les outre-mer
- Dépense publique
- Déserts médicaux
- Extraction de sable marin en Vendée
- Pollution aux PFAS
- 2. Renforcement de la stabilité économique et de la compétitivité du secteur agroalimentaire
- Rappels au règlement
- Présentation
- Discussion générale
- Vote sur l’ensemble
- 3. Mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille
- 4. Simplification de la vie économique
- Présentation
- M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
- Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
- M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission spéciale
- M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission spéciale
- Motion de rejet préalable
- M. Charles Fournier
- M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
- M. Emmanuel Maurel (GDR)
- M. Éric Michoux (UDR)
- M. Matthias Renault (RN)
- M. Guillaume Kasbarian (EPR)
- Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP)
- M. Gérard Leseul (SOC)
- Mme Anne-Laure Blin (DR)
- Mme Julie Ozenne (EcoS)
- Mme Delphine Lingemann (Dem)
- M. Henri Alfandari (HOR)
- M. Christophe Naegelen (LIOT)
- Présentation
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Protection de l’enfance
Mme la présidente
La parole est à Mme Isabelle Santiago.
Mme Isabelle Santiago
Madame la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, la protection de l’enfance est un pilier fondamental de notre pacte républicain. Pourtant, le rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, que j’ai présenté hier, dresse un constat accablant : l’État a failli à protéger les plus vulnérables, les enfants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Stéphane Peu applaudit également.) Il a failli, depuis 2022, à tirer les leçons de très nombreux rapports qui prennent la poussière sans susciter de réelle prise de conscience de l’ampleur de la crise systémique qui affecte les enfants en danger qu’il est censé protéger ! Le rapport établit le caractère profondément et structurellement dysfonctionnel de l’action publique et l’impensé d’une politique globale de l’enfance en France !
Ce rapport a été construit conformément à une seule exigence : que nous nous mettions tous à hauteur d’enfant. Aujourd’hui, des enfants sont placés dans des conditions indignes, des familles d’accueil sont en sous-effectif et mal soutenues, des pouponnières, où nous voyons revenir – en France ! –, cinquante ans après sa disparition, le syndrome de l’hospitalisme qui affecte les bébés, sont en sureffectif et des professionnels sont en grande détresse. À cela s’ajoute la plus grave crise que nous ayons connue de l’attractivité des métiers du lien, pourtant essentiels à notre cohésion sociale.
De très nombreux partenaires ont suivi la présentation de ce rapport, dont l’association Départements de France, la Convention nationale des associations de protection de l’enfant et l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux. Un ensemble de déclarations, plutôt positives, s’en sont suivies, exprimant la volonté de contribuer à l’effort national, aux côtés de l’État, pour engager des réformes structurelles d’amélioration de cette politique publique. Nous appelons à une mobilisation de tous les acteurs pour une réforme d’ampleur, visant à recentrer la politique de protection de l’enfance sur les besoins fondamentaux, en Hexagone et dans les outre-mer. Nous avions la possibilité de le faire.
En attendant, il nous faut ce plan d’urgence pour la protection de l’enfance, prévoyant un calendrier, un budget et un comité de pilotage,…
Mme Ayda Hadizadeh
Ah oui !
Mme Isabelle Santiago
…pour que plus aucun enfant ne soit laissé sans soutien, sans protection et sans avenir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Mme Ayda Hadizadeh
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Je voudrais tout d’abord souligner la grande qualité des travaux que vous avez menés en tant que rapporteure et saluer la présidente de la commission d’enquête Laure Miller. Je mesure pleinement l’ampleur du travail effectué dans votre assemblée et rends également hommage à l’action de la délégation aux droits des enfants, présidée par la députée Perrine Goulet.
Très concrètement, vous me demandez des mesures et un calendrier. Vous avez raison ! Nous avons eu l’occasion d’en parler et je vous remercie pour ce moment que nous avons partagé. Je vous propose une dizaine de mesures qui reprennent les quatre-vingt-douze recommandations du rapport. Je crois qu’il y a une vraie convergence entre ce que vous recommandez et les mesures que je voudrais prendre afin de renforcer les dispositifs de prévention et de soutien à la parentalité, pour éviter dans la mesure du possible les placements et favoriser un accueil de type familial.
Pour ce faire, il convient premièrement de créer un vivier d’assistants familiaux. Il faut pour cela traiter l’enjeu de leur rémunération mais aussi celui de leur capacité…
M. Thibault Bazin
L’attractivité !
Mme Catherine Vautrin, ministre
…à travailler en parallèle, afin de les renforcer et de leur permettre de prendre du répit.
Deuxièmement, nous sécuriserons, dès septembre 2025, le parcours des enfants placés par la généralisation du dispositif d’honorabilité.
Troisièmement, il convient de travailler sur l’adoption lorsque l’on sait que le retour en famille n’est plus envisageable car c’est cela donner une vraie chance aux enfants.
Quatrièmement, il faut prêter une attention toute particulière aux tout-petits, limiter le temps qu’ils passent en pouponnière et faciliter leur placement en famille. Là encore, c’est permettre aux enfants de se développer et de grandir.
Cinquièmement, il est nécessaire d’améliorer la prise en charge santé-éducation, avec un bilan psychique.
Sixièmement, il faut travailler avec l’ensemble des acteurs.
Septièmement, il convient de mobiliser le monde économique et les entreprises.
Huitièmement, nous devons préparer l’autonomie des jeunes.
Neuvièmement, l’échange doit être privilégié.
Dixièmement, enfin, il faut associer la justice, les départements, les professionnels et les associations.
Ces enfants sont des pépites. Chacun d’entre eux mérite l’attention de la nation. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, SOC, DR, EcoS et Dem.)
Droits de douane
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz
Monsieur le ministre de l’économie, alors que les marchés européens traversent une crise sans précédent en raison des droits de douane imposés par l’administration Trump, de nombreux secteurs stratégiques subissent des répercussions dramatiques. La situation est catastrophique pour la filière viticole française, fleuron de notre patrimoine national.
Les exportations de vin français vers les États-Unis ont chuté de plus de 40 % en un an et les droits de douane supplémentaires de 20 % imposés par Washington devraient entraîner une perte colossale de plusieurs centaines de millions d’euros pour nos viticulteurs. Ces difficultés, exacerbées par l’inflation et les aléas climatiques, placent la filière viticole dans une situation inquiétante. Des milliers d’exploitations viticoles sont menacées.
Nous devons agir maintenant face à cette agression commerciale. La Commission européenne a évoqué des mesures visant à y répondre mais, à ce jour, aucune n’a été prise pour défendre notre filière viticole. Alors que les États-Unis continuent de défendre sans relâche leurs intérêts, l’Europe semble rester passive. Nous aspirons à une Europe forte, capable de défendre les intérêts et de protéger les filières stratégiques de l’ensemble de nos pays. Comment justifier le fait que, d’un côté, nous imposions des taxes sévères à nos exploitants agricoles, nos entreprises et nos artisans tandis que, de l’autre, nous demeurions incapables d’imposer aux États-Unis de payer leur juste part ?
Ça suffit ! Nous, députés du groupe Droite républicaine, autour de Laurent Wauquiez, exigeons une préférence économique européenne, pour protéger nos vignerons et garantir un avenir commercial solide à la filière viticole.
M. Thibault Bazin
Très bien !
Mme Marie-Christine Dalloz
L’agriculture française en général ne doit pas être l’angle mort de la riposte européenne. Il est essentiel que l’Union européenne prenne des mesures très rapidement. La France plaide-t-elle pour une réponse claire, ferme et coordonnée au sein de l’Union ? Quelles mesures concrètes le gouvernement prévoit-il pour protéger la filière viticole et, plus globalement, l’agriculture face à cette agression commerciale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Thibault Bazin
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Permettez-moi d’abord de vous féliciter pour votre réélection. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Je veux ensuite vous assurer que, naturellement, nous défendons la filière viticole et les filières agricoles en général. Nous défendons d’ailleurs l’ensemble des filières économiques, qui sont toutes attaquées par les décisions qu’a prises la semaine dernière le président Trump. En effet, la totalité des exportations de l’Union européenne vers les États-Unis sont touchées par des droits de douane de 20 %, sans aucune distinction.
Notre réponse sera à la fois graduée et extrêmement vigoureuse.
M. Alexandre Dufosset
On l’a vu !
M. Éric Lombard, ministre
Avant d’en parler, je veux rappeler notre objectif : revenir à un libre marché et à des droits de douane aussi proches que possible de 0 %, au bénéfice de l’ensemble de nos filières, comme c’était le cas avant le déclenchement de ces opérations.
Néanmoins, puisqu’il faut bien prendre acte de l’action engagée par le président Trump, il a été décidé ce matin de prendre une première mesure de réaction qui vise des importations américaines à hauteur de 22 milliards d’euros. Elle sera appliquée à partir du 15 avril.
La Commission européenne travaille à un deuxième paquet de mesures qui non seulement touchera des importations américaines mais impliquera également l’usage d’autres moyens de réponse à notre disposition. L’idée est pour nous, grâce à ces mesures très fortes, très puissantes, de négocier d’égal à égal avec les États-Unis afin d’obtenir l’abaissement des droits de douane des deux côtés et de protéger ainsi toutes nos filières économiques.
Réseau Envie
Mme la présidente
La parole est à M. Tristan Lahais.
M. Tristan Lahais
Ma question s’adresse au ministre de l’économie, M. Éric Lombard, mais j’aurais pu la poser à la ministre de la transition écologique, Mme Agnès Pannier-Runacher. Elle concerne les graves conséquences de l’appel d’offres logistique d’ecosystem, qui condamne 1 000 emplois et menace le réseau Envie.
De quoi parle-t-on ? De l’obligation faite aux metteurs en marché de mieux gérer leurs déchets pour permettre, autant que possible, leur réemploi ou leur recyclage. Organisés en éco-organismes selon le modèle pollueur-payeur, ils passent des marchés pour désigner les opérateurs qui assurent ces missions.
Le réseau Envie, qui regroupe cinquante-trois entreprises d’insertion et 3 800 salariés, est attributaire d’un tiers de ces marchés logistiques. Or l’éco-organisme ecosystem aurait décidé d’attribuer au moins la moitié des marchés à un autre opérateur, privé lucratif, ce qui conduirait à la fermeture des structures logistiques d’Envie à Rennes, Nantes, Angers, Niort, Bordeaux et Mulhouse, ainsi qu’à la disparition de 50 % de son réseau dans le Nord de la France.
Cette décision ne peut être motivée que par la prise en compte prioritaire du critère du coût, qui fait fi des missions d’insertion et des obligations environnementales consubstantielles à la responsabilité élargie des producteurs, telle que la loi la définit.
Si cette décision était confirmée, ce sont donc 1 000 emplois qui disparaîtraient, dont des centaines sont occupés par des personnes engagées dans un parcours d’inclusion. Ce serait également la fin des collectes préservantes, qui assurent une possibilité de réemploi dont la contribution à la réalisation des ambitions de la loi Agec est précieuse, dans un contexte marqué par des reniements relatifs aux lois « climat et résilience » et Egalim. Enfin, cette décision conduirait à la disparition d’un savoir-faire industriel reconnu, au point que de nombreuses collectivités locales s’appuient sur lui pour mener leurs politiques de transitions.
Pouvez-vous vous engager à intervenir auprès d’ecosystem afin que cette structure reprenne la discussion et que les emplois et vos politiques écologiques soient préservés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Vous avez été plusieurs, sur ces bancs, à m’alerter au sujet de la situation du réseau Envie, qui promeut un modèle conjuguant insertion professionnelle et transition écologique. Vous l’avez dit : Envie, ce sont cinquante-trois entreprises d’insertion qui emploient 3 800 salariés, dont 2 850 sont engagés dans un parcours d’inclusion par l’intermédiaire d’activités essentielles de reconditionnement d’appareils électriques, de transport et de recyclage de déchets électroniques.
Envie a participé à un appel d’offres privé lancé par l’éco-organisme ecosystem, relatif à l’aspect logistique de la filière soumise à la responsabilité élargie des producteurs qui concerne les déchets d’équipements électriques et électroniques. À l’issue de cet appel d’offres, Envie considère que la perte de lots qu’il a subie met en danger les implantations de Rennes, Nantes, Angers, Niort et Mulhouse, soit à peu près 1 000 emplois, comme vous l’avez dit.
Dès que nous avons reçu cette alerte, mes équipes ont contacté le réseau Envie et ecosystem pour comprendre tous les tenants et aboutissants de cette situation et élaborer une solution concrète qui permette de préserver au mieux l’activité d’Envie, s’agissant en particulier du réemploi. Je vous assure que nos échanges sont quotidiens et que je suis impliquée dans le traitement de ce dossier.
Au-delà de l’appel d’offres, qui relève de l’interaction entre personnes privées et a trait à la logistique, nous devons trouver une solution relative à l’accès aux gisements de réemploi. Nous devons également trouver des solutions permettant d’accompagner la transition des sites logistiques et, au premier rang, des salariés concernés, au regard du résultat de l’appel d’offres. Ma collègue Véronique Louwagie et moi-même y travaillons.
Plus largement, votre question aborde la place du réemploi dans nos filières soumises à la REP, auquel je suis très attachée. Vous le savez, j’ai très récemment réuni toute la filière du réemploi. Nous élaborons une feuille de route et un plan d’action. Vous pouvez en tout cas compter sur mon engagement s’agissant de ces enjeux, qui concernent non seulement l’insertion mais aussi la souveraineté, puisqu’il s’agit de réutiliser la matière qui arrive sur notre territoire pour réduire nos dépendances.
Mme la présidente
La parole est à M. Tristan Lahais.
M. Tristan Lahais
La qualité de la logistique est liée à l’objectif de réemploi parce qu’on ne peut pas saucissonner ainsi les objets. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Envie menace de s’écrouler si vous n’intervenez pas dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Réponses européennes à la hausse des droits de douane des États-Unis
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
Ma question s’adresse à Éric Lombard, ministre de l’économie et des finances.
Depuis ce matin, les droits de douane imposés par les États-Unis sont entrés en vigueur, provoquant de nouvelles secousses sur les marchés internationaux, y compris à la Bourse de Paris qui a ouvert en baisse à moins 2,78 %. L’application de droits supplémentaires sur les produits européens, faisant craindre un effet inflationniste, est accompagnée d’une mesure exorbitante de plus 104 % de droits de douane sur les produits chinois, ce qui crée non seulement un risque d’escalade mais également un fort risque déflationniste du fait du repli sur nos marchés des produits européens et asiatiques. Les observateurs économiques et les organisations professionnelles telles que le Medef craignent à présent une phase de récession. Le premier ministre anticipe une baisse de 0,5 point de PIB par rapport aux prévisions de croissance pour 2025.
Après la réunion du Conseil national de l’industrie hier, vous recevez cet après-midi les représentants des milieux économiques. Certains appellent à doper notre économie en réduisant drastiquement nos dépenses publiques, à défaut de pouvoir envisager un plan de soutien massif à l’économie. Nous attendons par ailleurs les contre-mesures commerciales de l’Union européenne portant sur un large éventail de produits américains. Alors que les États-Unis annoncent déjà préparer d’autres mesures d’augmentation des droits de douane, notamment sur les produits pharmaceutiques, il nous faut bien évidemment répondre de manière ciblée et proportionnée en évitant d’affaiblir certaines filières mais aussi en ne négligeant pas les services, secteur volontairement épargné pour le moment par le président Trump.
Pouvez-vous nous indiquer quelles pistes de réponses sont privilégiées par l’Union européenne ? Au niveau national. envisagez-vous de convoquer une conférence économique et sociale comme le demandent plusieurs organisations syndicales, puis de revenir vers la représentation nationale pour mettre en discussion des solutions visant à donner à notre économie des marges de manœuvre ?
M. Olivier Falorni
Très bonne idée !
Mme Marina Ferrari
Si, dans un langage que je qualifierai de fleuri, le président Trump rappelle qu’il sait ce qu’il fait, il ne fait plus de doute aujourd’hui, comme le dit l’économiste Éric Dor, qu’il a entamé une véritable opération d’asservissement de ses partenaires, allant même jusqu’à s’ingérer dans nos relations interentreprises… Notre pays, fidèle à ses valeurs, doit plus que jamais défendre une idée de la France et de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Erwan Balanant
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Je vous remercie de cette question qui va me permettre de compléter ce que je viens de dire à votre collègue Marie-Christine Dalloz. Tout d’abord, je souligne que nous serons en grande proximité non seulement avec les entreprises, mais aussi avec les associations et les syndicats représentatifs des salariés, à qui j’ai proposé de dialoguer sur les conséquences de ce qui est en train de se passer.
Je tiens à rappeler que dans un premier temps, les conséquences seront beaucoup moins importantes pour l’Union européenne que pour les États-Unis parce que l’inflation et la baisse de la croissance vont d’abord frapper les Américains. Cependant, le premier ministre l’a dit, il y aura un impact sur la croissance dans l’Union européenne, mais il sera assez modéré sur l’inflation selon l’interview du gouverneur de la Banque de France publiée aujourd’hui dans les colonnes d’un grand quotidien du soir.
Il faut apporter un soutien très attentif aux entreprises. Vous avez raison de rappeler que je les invite, avec l’ensemble des ministres de Bercy, cet après-midi à dialoguer pour les écouter et pour intégrer leurs remarques sur la façon dont, avec nos collègues de l’Union européenne, nous allons préparer la deuxième phase de la riposte – car pour pouvoir abaisser des droits de douane, il faut d’abord malheureusement prendre des mesures qui incitent les Américains à ouvrir des discussions avec nous. Je souhaite avoir l’avis des entrepreneurs sur les mesures qui seraient les moins nuisibles pour eux et qui éventuellement pourraient les aider parce que nous n’allons pas utiliser que les droits de douane.
Je peux vous assurer que nous sommes en contact régulier avec l’ensemble des acteurs de notre vie économique, que la riposte qui sera préparée avec l’Union européenne sera forte mais proportionnée, et que de façon très régulière, semaine après semaine s’il le faut, nous serons dans le dialogue pour accompagner l’ensemble de nos entreprises et pour traverser cette crise de façon à en sortir le mieux possible et surtout le plus vite possible. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Jean-René Cazeneuve applaudit également.)
Destin de la Polynésie française
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Sanquer.
Mme Nicole Sanquer
En préambule, un message du groupe LIOT à M. Wauquiez : les territoires d’outre-mer méritent votre respect ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Monsieur le premier ministre, depuis maintenant près de deux ans, le parti politique indépendantiste qui gouverne la Polynésie française réaffirme avec la plus grande ferveur son projet d’indépendance et ses actions se multiplient : création d’une commission de décolonisation au sein de l’assemblée de Polynésie française, exigence de l’ouverture d’un dialogue de décolonisation avec le président de la République et présentation récente d’un projet de constitution pour une prétendue république fédérale de Maohi Nui. Cet activisme politique soulève les plus vives inquiétudes d’une grande partie de la population.
Plusieurs députés du groupe DR
Qui va répondre ?
M. Thibault Bazin
On n’est pas sûr que le gouvernement ait la réponse !
Mme Nicole Sanquer
Le discours contre l’État se radicalise. Les voyages de certains élus et cadres du parti vers des pays faisant de la décolonisation un fonds de commerce se banalisent. Depuis son élection, le parti indépendantiste revendique publiquement son rapprochement avec le régime de Bakou, c’est-à-dire l’Azerbaïdjan. Le président de la Polynésie française, jusqu’alors ambigu sur ce sujet, se dévoile aujourd’hui tout comme il reconnaît ce projet de constitution comme un nouvel outil de travail. Il est nécessaire de rappeler que le sujet de l’indépendance fut occulté par les indépendantistes durant la campagne de 2023, eux-mêmes affirmant que le vote aux élections territoriales ne concernait aucunement le choix de l’indépendance ou de l’autonomie. Il est encore plus important de rappeler que ces élections ont montré que la majorité des Polynésiens étaient autonomistes et que du fait de l’hyperprime majoritaire instaurée, le Tavini, bien que minoritaire, est aujourd’hui aux commandes de la Polynésie. Il s’estime légitime et libre de refuser toute consultation populaire sur l’indépendance.
Dans un tel contexte, je souhaiterais connaître la position de l’État par rapport aux actions que j’ai évoquées, qui visent à engager un processus de séparation de la Polynésie de la République, y compris en faisant appel au soutien d’États clairement hostiles à la démocratie comme à la France, alors que la majorité des Polynésiens reste attachée à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Veuillez excuser l’absence du ministre d’État, ministre des outre-mer, qui est en déplacement à Mayotte.
Vous évoquez les menaces de déstabilisation de nos territoires ultramarins que constituent les ingérences étrangères : je pense notamment à l’Azerbaïdjan car, depuis 2023 et par le biais du groupe d’initiative de Bakou, il souffle sur les braises des crises qui touchent ces territoires, que ce soit les violences en Nouvelle-Calédonie et en Martinique ou le cyclone Chido à Mayotte.
M. Jean-Paul Lecoq
N’importe quoi ! Quel rapport avec Chido ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Les modes opératoires sont connus : ingérences numériques, cyberattaques, manipulations de l’information et narration d’une France belliqueuse et coloniale pour attiser la montée de revendications indépendantistes. Nous condamnons fermement ces ingérences étrangères, qui ont pour seul dessein de fracturer notre cohésion sociale dans les territoires ultramarins, mais nous veillons aussi à ne pas leur donner plus de publicité qu’elles n’en méritent, c’est-à-dire aucune.
Je le dis tout aussi clairement : il ne m’appartient pas de juger des convictions des responsables ou des organisations indépendantistes.
M. Jean-Paul Lecoq
Ils sont assez grands !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Leurs revendications peuvent d’ailleurs tout à fait s’exprimer dans le cadre de la loi. Mais je tiens à rappeler à celles et ceux qui participent à ces initiatives que leur combat est instrumentalisé dans le cadre d’un jeu diplomatique. Il l’est par des pays qui ne s’illustrent pas par leur respect des pratiques et des valeurs démocratiques.
M. Jean-Paul Lecoq
Vous avez une carte du monde coloniale !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
S’agissant plus particulièrement de la Polynésie, je sais que vous êtes une fervente défenseure de ces archipels qui ont chacun leur histoire et leur identité culturelle propres, qu’il s’agisse des îles de la Société, des Marquises, des Tuamotu, des Gambier ou des Australes. Le souhait du gouvernement, sous l’autorité du premier ministre, est de continuer à travailler auprès des maires, en partenariat avec l’assemblée et le gouvernement de Polynésie, et ce dans le cadre défini par la loi organique, avec un seul but : répondre aux attentes des Polynésiens qui sont d’abord celles du quotidien, à savoir lutte contre la vie chère, santé, éducation et jeunesse, autonomie alimentaire ou encore adaptation au changement climatique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Conséquences de la hausse des droits de douane
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Roseren.
M. Xavier Roseren
Monsieur le ministre de l’économie, l’annonce du président Trump d’appliquer de nouveaux droits de douane sur une large gamme de produits européens marque un tournant brutal dans les relations commerciales transatlantiques. Cette décision unilatérale vise des secteurs d’excellence français : l’agroalimentaire, les vins et spiritueux, les cosmétiques, le luxe, l’aéronautique et bien d’autres. Autant de filières qui soutiennent des dizaines de milliers d’emplois dans nos territoires, auxquels s’ajoutent ceux des sous-traitants, comme le décolletage en Haute-Savoie. Le gouvernement a évoqué un impact économique potentiel équivalent à 0,5 % du PIB. Ce n’est pas anecdotique, c’est un choc massif qui pèsera sur notre croissance, sur l’emploi et sur les recettes publiques. Cela représente des milliards d’euros de richesse perdue, des recettes fiscales amoindries et des marges d’investissement public réduites. Ce choc, inattendu au moment de la construction du budget 2025, bouleverse les paramètres sur lesquels repose notre trajectoire budgétaire. Vous aviez fixé un cap clair : ramener le déficit à 5,4 % du PIB cette année. C’est un objectif indispensable ; il y va de la crédibilité de la France, de notre capacité à maîtriser la dette et à retrouver des marges de manœuvre pour l’avenir.
Face à une telle atteinte à nos équilibres économiques, il serait irresponsable de rester les bras croisés. Nous avons besoin, pour cette année comme pour les prochaines, d’un budget réaliste mais aussi d’un pilotage agile et réactif qui intègre ce choc commercial sans renoncer à l’exigence de la bonne gestion. Ainsi, monsieur le ministre, le gouvernement entend-il tirer toutes les conséquences de cette offensive commerciale et adapter la trajectoire de nos finances publiques dès 2025 pour rester fidèle à nos engagements budgétaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Tout d’abord, pour continuer sur la réponse que nous allons apporter aux Américains, je précise, parce que c’est une étape importante, qu’un comité des ministres de l’économie et des finances se tiendra à Varsovie en fin de semaine, puis un G7. Nous sommes prioritairement concentrés sur l’idée de ramener nos partenaires américains à des principes de fonctionnement internationaux plus conformes à ce que nous avons connu dans le passé.
Ensuite, dans l’environnement difficile qui est le nôtre, vous avez tout à fait raison de souligner l’importance de maintenir ancrée l’idée de la réduction de la dépense publique et des déficits, avec comme objectif moins de 3 % de déficit en 2029, priorité à laquelle le premier ministre reste très attaché – je le rappelle si jamais on avait la tentation de l’oublier –, malgré la difficulté survenue cette année. Dans le courrier envoyé au Haut Conseil des finances publiques sur la nouvelle prévision de croissance que j’ai signé hier et qui sera présenté en Conseil des ministres la semaine prochaine, je confirme notre volonté de tenir la dépense publique cette année puisque si nous devions l’accroître, on s’éloignerait de notre cible et cela aurait un impact négatif, notamment sur le coût de la dette. Mais si en revanche on devait resserrer encore davantage la dépense publique, cela aurait un effet récessif.
Le budget qui a été voté en matière de dépenses sera tenu et du fait que l’impact sur notre économie sera moindre en France qu’aux États-Unis, je le disais à l’instant, nous sommes fermement déterminés à tout faire pour tenir aussi sur la réduction du déficit, à savoir les 5,4 % que vous mentionniez.
La ligne est donc claire : les dépenses publiques seront tenues. C’est le meilleur service que nous puissions rendre au pays pour protéger nos entreprises et notre économie.
Application de la Charte sociale européenne dans les outre-mer
Mme la présidente
La parole est à M. Marcellin Nadeau.
M. Marcellin Nadeau
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
La Charte sociale européenne est un traité du Conseil de l’Europe qui garantit depuis 1961 les droits économiques, sociaux et culturels. Or la France n’a jamais appliqué la Charte aux territoires dits d’outre-mer.
Le ministre délégué à la francophonie vient d’indiquer au Sénat que le gouvernement s’engageait à étendre la Charte sociale européenne aux dits outre-mer… mais sans préciser de date ! Cette annonce intervient une semaine après le rejet judiciaire d’un recours formé par des associations antillaises devant le Comité européen des droits sociaux… Le flou demeure donc et fait perdurer un véritable vide juridique insupportable. Nous ne pouvons que dénoncer, après plus de soixante années d’une rupture d’égalité inacceptable, cette différence de traitement entre les populations selon qu’elles résident en France dite hexagonale ou dans les autres territoires. (M. Stéphane Peu applaudit.)
Une telle situation est d’autant plus inacceptable que l’effectivité des droits économiques et sociaux dans les territoires dits ultramarins ne cesse de se dégrader. En effet, le taux de mortalité infantile est par exemple de 8,9 ‰ à Mayotte et de 8,1 ‰ en Guadeloupe contre 3,7 ‰ en France dite métropolitaine.
Alors qu’en France dite hexagonale, 56 % des eaux douces sont de bonne qualité, seules 12 % le sont en Guyane, 23 % en Guadeloupe et 42 % en Martinique. Alors que plus de 90 % des Martiniquais et des Guadeloupéens sont contaminés par le chlordécone, il importe de répondre à cette question : à quand l’application de la Charte sociale européenne aux territoires dits d’outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Maud Petit et M. Sébastien Peytavie applaudissent également.) Des engagements de principe ont été pris hier devant le Sénat, mais nous demandons un calendrier précis de mise en application effective, sans aller chercher en Azerbaïdjan les sources de notre colère légitime. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Maud Petit applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
La République est une et indivisible (Protestations sur les bancs du groupe GDR), et les territoires ultramarins en sont des membres à part entière,…
M. Davy Rimane
Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
…qu’ils soient situés dans l’océan Indien, dans le Pacifique ou dans l’Atlantique Nord. C’est la raison pour laquelle la différence de traitement que vous avez évoquée devait être corrigée.
Le Conseil de l’Europe, qui a été créé en 1949 et dont nous avons fêté le 75e anniversaire en 2024, est chargé, dans les pays qui en sont membres, du respect des droits humains et de la démocratie. C’est dans ce sens qu’en 1961, pour compléter la Convention européenne des droits de l’homme, a été rédigée la Charte sociale. La France l’a signée dès l’origine, mais en excluant de son application les territoires d’outre-mer.
M. Jean-Victor Castor
Pourquoi ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Le 19 mars, en réponse à une question de votre collègue Elie Califer, je me suis engagé à ce que nous demandions rapidement au Conseil de l’Europe et à son secrétaire général d’étendre l’applicabilité de cette charte. Hier, Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé des partenariats internationaux, a annoncé que je saisirai en ce sens le secrétaire général avant la fin du mois d’avril. Ainsi, l’application de la Charte, qui traite des questions d’éducation, de logement et de santé, sera étendue à l’ensemble des territoires ultramarins et cette différence de traitement n’existera plus.
Par ailleurs, lorsqu’un sujet suscite votre indignation ou votre colère, je vous invite à les exprimer ici, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, plutôt que de laisser des pays comme l’Azerbaïdjan (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)…
M. Jean-Paul Lecoq
N’importe quoi !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
…les instrumentaliser et les dévoyer pour les mettre au service de causes qui ne sont celles ni des territoires ultramarins ni de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Dépense publique
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Tout d’abord, permettez-moi de vous faire part de mon effarement car, comme de nombreux collègues, j’ai été bloqué pour accéder à l’hémicycle. Il me semble que l’Assemblée nationale devrait être protégée de ce genre d’événements, qui ne correspondent pas à l’idée que je me fais de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie. Depuis hier, nous savons que vous savez. Nous savons que vous savez que l’augmentation des droits de douane décidée par l’administration Trump est un frein pour l’économie. Autrement dit, nous savons que vous savez que les impôts sont nuisibles à l’économie. Alors que vous êtes ministre depuis quatre mois, que la dette publique s’est alourdie de plus de 50 milliards d’euros au cours de cette période, que la croissance a été revue à la baisse deux fois, qu’avez-vous entrepris pour faire baisser les dépenses publiques, qui sont les plus élevées du monde, avec des taux supérieurs à ceux d’enfers d’extrême gauche comme la Corée du Nord ou le Venezuela ? Qu’avez-vous fait pour diminuer les prélèvements obligatoires, qui sont les plus élevés du monde ? Quand allez-vous cesser de céder au chantage de l’extrême gauche et assumer que le niveau des prélèvements obligatoires est spoliateur pour les travailleurs français ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Quand François Bayrou, Éric Lombard et moi sommes arrivés au gouvernement, nous avons pris l’engagement de ne pas augmenter les impôts pour les ménages des classes moyennes et populaires. La campagne de l’impôt sur le revenu commence demain, sans hausses d’impôts pour les classes moyennes et les classes populaires. Vous nous demandez ce qu’on a fait pour la dépense publique.
M. Sébastien Chenu
Vous l’avez fait exploser !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous avons entrepris le plus grand effort de réduction des dépenses de fonctionnement de l’État depuis vingt-cinq ans. Ce matin encore, parce que la croissance diminue, parce que nous devons tenir les comptes, j’ai annoncé que nous allions réduire de nouveau de 5 milliards d’euros les dépenses publiques. Nous agissons.
M. Alexandre Dufosset
C’est ça, la réponse ?
M. Kévin Pfeffer
On n’est pas convaincus !
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Merci pour votre réponse très insatisfaisante ! Sachez qu’hier soir, Éric Ciotti, accompagné par Pierre Gattaz, Amir Reza-Tofighi, Olivier Babeau…
M. Emmanuel Duplessy
Que des fachos !
M. Gérault Verny
…et tant d’autres, a présenté un plan de réforme de la fiscalité que nous tenons à votre disposition.
Ce plan est très simple. Il prévoit une baisse des dépenses de 220 milliards d’euros, ce qui permet de faire disparaître le déficit et de rendre 150 milliards aux actifs français. Je me tiens à votre entière disposition pour vous détailler ce plan, qui nous permettrait juste d’être dans la moyenne européenne. Il faut garder en tête qu’à chaque fois qu’un euro d’argent public est gaspillé, c’est, selon l’expression, Nicolas qui paye. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous sommes ouverts à toutes les propositions. Si des Français ont des idées pour réduire efficacement la dépense publique, nous les examinerons. Toutefois, il faut avoir un discours de vérité. La dépense publique sert les Français, elle paye l’école, les hôpitaux, les policiers, les douaniers, etc.
M. Olivier Falorni
Eh oui !
Mme Caroline Parmentier
Et l’AME !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il n’existe donc pas de réduction magique de la dépense publique. Il y a des politiques publiques qu’il nous faut protéger, des Français qu’il nous faut unir et un déficit que nous devons réduire. Cela passe par de la méthode et des compromis, non par de la désinformation ou du populisme.
Déserts médicaux
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie-Laurence Roy.
Mme Sophie-Laurence Roy
La mortalité infantile explose partout en France, surtout dans les zones rurales, où les femmes sont trop loin des maternités. Alors que la France était dans le top trois européen au siècle dernier, nous sommes aujourd’hui vingt-troisièmes sur vingt-sept. Cette statistique alarmante n’est qu’un aspect de l’état dramatique de la santé dans les territoires ruraux.
Dans l’Yonne, la situation est critique. En 2023, selon l’Ordre des médecins, le nombre moyen de patients par médecin y était de 1 168, contre 113 à Paris et 297 pour la France entière. La loi Garot n’y changera rien, car elle va surtout favoriser l’augmentation du nombre des médecins non conventionnés dans les zones déjà mieux dotées.
M. Alexandre Dufosset
Eh oui !
Mme Sophie-Laurence Roy
Dans l’Yonne, un des départements où le délai pour avoir un rendez-vous médical est le plus long de France, le taux de mortalité des personnes de plus de 65 ans était de 48,4 ‰ en 2022, contre une moyenne nationale autour de 39 ‰. Presque 10 points de plus ! Les Icaunais doivent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour consulter un médecin, après plusieurs mois d’attente. C’est dramatique.
Pendant ce temps, vous acceptez que des internes soient recalés à 0,2 point près, alors qu’ils sortent de dix ans d’études particulièrement exigeantes.
M. Alexandre Dufosset
Quelle honte !
Mme Sophie-Laurence Roy
Tout ça pour avoir les meilleurs médecins du monde, que nos concitoyens des territoires ruraux ne peuvent pas consulter… Monsieur le ministre de la santé, vous êtes aussi ministre de l’accès aux soins : quand allez-vous enfin imposer à votre administration des critères fondés sur la réalité du terrain ? Plutôt que de laisser les praticiens décider eux-mêmes du nombre de leurs nouveaux confrères, pourquoi ne pas instaurer un numerus minimus, un seuil minimal de nouveaux médecins à former chaque année pour que tous les Français puissent enfin avoir accès à l’un d’entre eux ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je sais que le problème des déserts médicaux est une préoccupation pour vous en tant que députée de l’Yonne, comme il l’est pour beaucoup de parlementaires, issus de tous types de territoires, qui trouvent insupportables les difficultés dans l’accès aux soins. Vous l’avez traduite en début de question par des chiffres sur la mortalité infantile, sujet aux causes et aux conséquences multifactorielles que Catherine Vautrin et moi prenons à bras-le-corps. À propos des déserts médicaux, le premier ministre fera avant le 30 avril des annonces répondant exactement à vos questionnements.
En décembre 2023, j’ai fait voter ici, à l’unanimité, une mesure fondamentale permettant de définir les besoins médicaux en fonction de ceux des territoires. Ce texte sera inscrit à l’ordre du jour du Sénat et, s’il est adopté, nous aurons un outil législatif permettant de mettre en application ce que nous souhaitons, c’est-à-dire avoir des médecins et des soignants en plus grand nombre sur l’ensemble du territoire, pour mieux prendre en charge les patients.
Les mesures qui seront proposées répondront également aux points dont vous avez dressé la liste dans votre courrier de janvier sur les situations de la ville de Tonnerre et de la communauté de communes du Tonnerrois en Bourgogne, où vous évoquiez le cas d’un médecin étranger qui voulait pratiquer en France. Il faut réformer le statut des praticiens diplômés en dehors de l’Union européenne. Nous aurons besoin de tout le monde, en ouvrant plus la formation initiale, en récupérant des praticiens formés hors de l’Union européenne, surtout, en installant correctement des docteurs juniors, dans le cadre de la quatrième année de médecine générale.
M. Patrick Hetzel
Très bien !
M. Sébastien Peytavie
En régulant les installations !
M. Yannick Neuder, ministre
Sur ce dernier sujet, nous prendrons des décrets avant l’été et je viendrai dans votre circonscription m’assurer de l’installation de tels docteurs juniors, dont j’espère qu’elle sera aidée par les collectivités locales – mairies, intercommunalités, département, régions –, que vous aurez mobilisées pour faciliter l’accès au logement, aux transports, aux places en crèche, etc., de ces futurs médecins. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Jean Terlier applaudit également.)
Extraction de sable marin en Vendée
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Buchou.
M. Stéphane Buchou
Un permis exclusif de recherche de sables marins au large des îles d’Yeu et de Noirmoutier refait surface. En 2018, un projet similaire m’avait déjà mobilisé, avant d’être suspendu par le gouvernement. Je réaffirme mon opposition déterminée à un tel permis. Cette opposition n’a pas qu’une dimension écologique. Elle s’ancre dans le respect du principe fondamental de non-recul sur les enjeux environnementaux.
Non seulement un tel projet serait contraire aux engagements de la France en matière de protection des habitats marins et de la biodiversité mais il constituerait de plus une menace directe pour l’équilibre des écosystèmes locaux. Il fragiliserait les pêcheurs et toute la chaîne de valeur liée à la mer, célébrée en cette année 2025 en France avec l’accueil, en juin prochain, de la troisième Conférence des Nations unies sur les océans.
De tels projets ont un effet destructeur sur le trait de côte et sont rejetés par la population locale. Je tiens à rappeler l’utilité des mesures du volet consacré à la protection du littoral dans le troisième plan national d’adaptation au changement climatique présenté le 10 mars dernier.
Je ne sous-estime pas les enjeux économiques de la filière de la construction, surtout dans un contexte d’instabilité croissante et de besoins pressants de logements près des côtes. Cependant, cela ne doit nous détourner ni des impératifs environnementaux ni de la préservation des zones littorales. C’est pourquoi l’avenir réside dans une filière de recyclage performante, dans l’innovation et dans la recherche, comme pour le ciment bas-carbone inventé en Vendée.
Parce qu’il y va de notre avenir commun, allez-vous mettre un terme à ces projets aberrants ? Allons-nous enfin investir dans une véritable filière de réutilisation des matériaux et dans des solutions alternatives durables qui permettront à la fois la pérennité du secteur de la construction et la préservation des écosystèmes marins ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Je connais la mobilisation locale contre ce projet, sur lequel vous m’avez alerté il y a quelques semaines alors que j’étais à vos côtés. J’entends qu’il inquiète. Je le comprends car, en cette période d’incertitude géopolitique et de tentation de reculs environnementaux, notre responsabilité politique est immense. Lorsque je vois la volonté de certains pays d’exploiter les grands fonds marins en dehors de tout cadre juridique, je dis qu’il s’agit d’une forme de piraterie environnementale inacceptable. Nous serons donc d’une vigilance absolue pour protéger les écosystèmes marins. En cette année de la mer, au cours de laquelle Nice accueillera en juin la Conférence des Nations unies sur l’océan, la France réaffirmera son rôle de leader mondial dans la protection de cet espace si précieux.
Le président de la République s’est engagé contre l’exploitation minière des grands fonds. Mon collègue Jean-Noël Barrot et moi continuons à y œuvrer, au travers de la ratification du BBNJ, l’accord sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.
Les granulats utilisés pour fabriquer du béton proviennent essentiellement de carrières terrestres, mais certains acteurs économiques souhaiteraient les extraire en mer. Dans ce contexte, il est essentiel de développer, comme vous le proposez, le recyclage des matériaux. C’est tout l’enjeu de la filière REP des matériaux de construction, dont j’ai annoncé la refondation. Si elle suscite nombre de questionnements, elle doit impérativement être mise en œuvre pour que nous puissions protéger nos systèmes marins et assurer notre indépendance et notre souveraineté.
Quant au projet que vous mentionnez, au large de l’île de Noirmoutier, l’instruction est en cours. Elle se terminera d’ici à la fin de l’année. Je ne suis pas habilitée à intervenir avant son terme ; toutefois, je puis vous dire que les enjeux environnementaux ont été identifiés par l’autorité environnementale, que l’enquête publique sera lancée avant l’été, que les pêcheurs y seront bien entendu associés, ainsi que vous-même et toutes les parties prenantes. S’il s’avérait que le projet présente les mêmes risques qu’en 2018, soyez assuré que nous le refuserions de la même façon. Nous serons cohérents pour protéger nos fonds marins. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Mme Géraldine Bannier applaudit également.)
Pollution aux PFAS
Mme la présidente
La parole est à M. Gabriel Amard.
M. Gabriel Amard
Dans un rapport publié le 25 mars, l’Académie des sciences nous alerte sur la contamination généralisée du vivant aux substances per- ou polyfluoroalkylées, ces polluants persistants. Depuis 2018, les gouvernements successifs ont été associés aux décisions européennes concernant les PFAS, en vue de fixer les niveaux de protection de nos concitoyens par la directive « eau potable » de 2020. Bien que le danger sanitaire ait été établi par la communauté scientifique, vous avez accepté, madame la ministre de la transition écologique, que seulement vingt molécules soient contrôlées sur les 14 000 répertoriées. Pourquoi ?
En 2022, j’avais demandé au gouvernement qu’un débat sur la transposition de cette directive soit organisé dans l’hémicycle. En 2023, le sujet a enfin été examiné par la commission des affaires européennes, à l’initiative des écologistes et des Insoumis. Nous avons eu beaucoup de mal à interdire un trop petit nombre de molécules, alors que l’enjeu est de taille : il s’agit de mettre fin à une épidémie – cancers du sein, cancers des testicules, cancers du rein.
Que faites-vous pour interdire les PFAS dans les cultures destinées à l’alimentation ? Rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – MM. Sébastien Peytavie et Marcellin Nadeau applaudissent également.) Que faites-vous pour les interdire dans les ustensiles de cuisine ? Rien. Que faites-vous pour aider les collectivités territoriales à financer la dépollution ? Rien. Que faites-vous pour détruire les PFAS à la température nécessaire dans les déchets ménagers, pour les détruire dans les boues d’épuration, dans les charbons actifs, dans les macérats de la potabilisation ? Absolument rien ! (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pire, depuis 2018 – alors que vous saviez –, nous n’avons pas de filière pour régénérer les charbons actifs. Le principe pollueur-payeur ne s’applique toujours pas. Vous obligez les usagers domestiques de l’eau à payer la dépollution, alors qu’elle provient à 90 % des usages professionnels.
Enfin, quand allez-vous activer la clause de sauvegarde inscrite à l’article 129 du règlement européen Reach, ce qui permettrait de protéger le peuple de France en interdisant les PFAS sans tarder ? (Mêmes mouvements.) Alors que la crise des PFAS est au XXIe siècle ce que celle de l’amiante était au XXe siècle, que faites-vous ? Sacrifiez-vous la santé environnementale des générations actuelles et futures ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Dès ma nomination à ce ministère, j’ai souhaité m’emparer de ce sujet que je sais crucial pour la protection de la santé de nos concitoyens. Je l’ai fait en m’inscrivant dans le prolongement du travail mené par mon prédécesseur, Christophe Béchu, qui avait lancé un plan sur les PFAS il y a maintenant trois ans ; nous avons toujours la même ligne de conduite, écouter la science, et un seul objectif, protéger les Français. À cette fin, nous avons agi. Plus de 2 900 sites industriels et usines ont fait l’objet de mesures de concentration en PFAS de leurs rejets dans l’eau, ce qui a permis d’identifier 200 sites auxquels nous avons imposé des obligations de réduction des rejets de PFAS. Au total, ce sont 99 % des rejets industriels de PFAS dans l’eau qui ont été identifiés et qui font l’objet d’un traitement.
Néanmoins, je souhaite que nous allions plus loin. C’est pourquoi, avec l’appui du Bureau de recherches géologiques et minières, je mettrai en ligne, d’ici à l’été, les cartes recensant les sites qui produisent, utilisent ou rejettent des PFAS, ainsi que plus de 1,8 million de données d’analyse sur le sujet. Tout cela sera ouvert et accessible à nos concitoyens. J’ai également demandé à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, de lancer une campagne exploratoire pour mesurer le niveau de PFAS dans l’eau que nous buvons ; trente-quatre d’entre elles seront recherchées dans plusieurs centaines d’échantillons. Enfin, vous, parlementaires, avez adopté il y a quelque temps une proposition de loi visant à lutter contre cette pollution Les décrets d’application sont en cours de rédaction. Ce texte permettra notamment d’appliquer le principe du pollueur-payeur.
Vous pouvez donc compter sur ma vigilance, que ce soit à l’échelon national ou à l’échelon international, pour poursuivre le combat contre les PFAS. (Mme Anne-Cécile Violland applaudit.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Xavier Breton.)
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Renforcement de la stabilité économique et de la compétitivité du secteur agroalimentaire
Commission mixte paritaire
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire (no 1263).
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon, pour un rappel au règlement.
M. Emeric Salmon
J’interviens sur le fondement de l’article 78 de notre règlement et des articles 26 et 29 de l’instruction générale du bureau de l’Assemblée : l’article 26 indique que les journalistes sont libres de circuler dans les espaces qui leur sont réservés, l’article 29 définit qui sont les journalistes accrédités et l’article 78 prévoit que la présidente de l’Assemblée doit immédiatement être saisie quand un délit y est commis.
Or des faits très graves sont survenus immédiatement avant la séance de questions au gouvernement : des journalistes ont été physiquement agressés par des députés dans le jardin des Quatre-Colonnes – les vidéos circulent sur internet, vous pouvez les consulter.
Je ne suis pas là pour juger si un délit a été commis, mais je demande que la présidente soit saisie et que l’article 78 soit mis en application, si elle constate que tel est le cas. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Hanane Mansouri, pour un rappel au règlement.
Mme Hanane Mansouri
Sur le fondement de l’article 70 de notre règlement, nous demandons à la présidente de prendre des sanctions à l’encontre des députés de la France insoumise et du PS qui ont menacé et violenté physiquement des journalistes tout à l’heure, quelques instants avant les questions au gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La présidente est d’ores et déjà saisie de ce sujet. Si des événements qui ne seraient pas admissibles se sont produits, les mesures nécessaires seront prises.
La parole est à M. Matthias Renault, pour un rappel au règlement.
M. Matthias Renault
J’interviens sur le fondement des articles 26 et 29 de l’instruction générale du bureau sur la circulation des collaborateurs au sein de l’Assemblée nationale. Les événements qui ont eu lieu soulèvent une question de police de l’Assemblée : est-il possible de faire une manifestation en son sein ou le régime des manifestations… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Monsieur Renault, cela fait partie des éléments qui devront être considérés dans le cadre des saisines qui sont intervenues.
M. Matthias Renault
D’accord.
Deuxièmement, cette manifestation avait pour objet la situation de plusieurs collaborateurs de députés sur le compte desquels des informations sont publiées dans la presse, en l’espèce dans le média Frontières. Or il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau : Mediapart, Libération ou StreetPress ont déjà fait des enquêtes sur les collaborateurs d’autres députés, sans que cela donne lieu ni à des manifestations…(M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Vous évoquez là le contenu de l’incident, que la présidente se chargera d’examiner.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour un rappel au règlement.
M. Emmanuel Grégoire
Sur le fondement de l’article 100, je ne peux laisser cette présentation partiale sans réponse. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Il n’y a pas eu de violences, ce dont les images apporteront la preuve.
Mme Caroline Parmentier
Menteur ! Excuse-toi !
M. le président
On a demandé à la présidente de les regarder et ce sera fait.
M. Emmanuel Grégoire
J’en suis totalement d’accord, monsieur le président, mais ce n’est pas au Rassemblement national de faire le récit des événements.
M. le président
Nous pouvons entendre votre version, mais notre rôle n’est pas d’en juger.
M. Emmanuel Grégoire
Un point devrait toutefois nous rassembler : on ne met pas en cause des collaborateurs parlementaires par voie de presse. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Arnaud Le Gall
Laissez-le parler !
M. Emeric Salmon
La gauche le fait tout le temps !
Mme Caroline Parmentier
Les collaborateurs, tu t’en fous !
M. Emmanuel Grégoire
Que vous vous fassiez les complices de ce procédé est un peu grossier.
M. le président
Chers collègues, je vous en prie !
La parole est à M. Arnaud Le Gall, pour un rappel au règlement.
M. Arnaud Le Gall
J’interviens sur le fondement de l’article 100 relatif à la bonne tenue des débats.
D’abord, il n’y a eu aucune violence. (Les exclamations couvrent la voix de l’orateur.)
Plusieurs députés du groupe RN
Sur quel article ?
M. le président
Ce n’est pas vous qui assurez la présidence de l’Assemblée.
M. Arnaud Le Gall
J’ai dit : article 100. Ça va !
M. le président
L’article sur lequel se fonde le rappel au règlement a été indiqué, je vous invite à écouter votre collègue.
M. Arnaud Le Gall
Nous vous avons écoutés pendant cinq longues minutes. Alors, maintenant vous nous laissez parler, d’accord ?
Pour commencer, il n’y a aucune violence comme l’a rappelé le collègue…
M. Emmanuel Fouquart
C’est faux ! On a les vidéos !
M. le président
Nous ne sommes pas là pour examiner le contenu des événements, je le rappelle.
M. Arnaud Le Gall
Je tiens tout de même à relever que le RN passe tranquillement du constat de prétendues violences à une mise en question de la légitimité et de la légalité des manifestations et des grèves de collaborateurs parlementaires. (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. Emeric Salmon
Dans l’enceinte de l’Assemblée !
M. le président
Je vous remercie.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy pour un rappel au règlement, qui sera lui aussi écourté s’il porte sur le contenu des événements.
M. Jean-Philippe Tanguy
Sur le fondement de l’article 78, relatif aux faits délictueux. Outre les graves violences, dont nous avons des enregistrements vidéo et dont nous connaissons les auteurs, parmi lesquels des socialistes – je tiens les noms à la disposition de ceux que cela intéresse –,…
Mme Sophia Chikirou
La délation, ça vous connaît !
M. Jean-Philippe Tanguy
…des insultes ont été proférées, dont certaines avaient un caractère homophobe – j’ai la vidéo pour ceux qui en douteraient. Ce n’est pas la première fois : comme d’autres députés du Rassemblement national, j’ai déjà essuyé dans l’enceinte de ce palais des insultes à caractère homophobe, mais je n’avais pas de vidéo. Cette fois-ci, un enregistrement existe que personne n’a intérêt à effacer… (M. le président coupe le micro de l’orateur. – Plusieurs orateurs du groupe RN applaudissent celui-ci.)
M. le président
Cela fera partie des éléments que la présidente étudiera. N’en doutons pas.
M. Sébastien Humbert
Ça va, les homophobes ?
Plusieurs députés du groupe RN
Des excuses !
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot. Je pensais que nous en avions fini avec les rappels au règlement, mais je vous en prie, madame la présidente.
Mme Mathilde Panot
J’interviens dans la droite ligne des rappels déjà effectués notamment au titre des articles 70 et 100 de notre règlement. L’extrême droite a soutenu que certains médias donnaient les noms de collaborateurs parlementaires.
M. Alexandre Dufosset
C’est la liberté !
Mme Mathilde Panot
Je veux que soit dit dans cette assemblée que les méthodes de Frontières n’ont rien à voir avec celles d’autres médias…
Un député du groupe RN
Ce n’est pas à vous de le dire !
Mme Mathilde Panot
…et ne peuvent en rien leur être comparées. Frontières met en danger des magistrats,…
M. le président
Nous ne sommes pas là pour en juger.
Mme Mathilde Panot
…livre des noms d’avocats et met une cible dans le dos de certains de nos collaborateurs. (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. Gérault Verny
Des excuses, madame Panot, des excuses !
M. le président
Vous aurez d’autres occasions de le dire.
Mme Mathilde Panot
C’est pourquoi différents syndicats de collaboratrices et de collaborateurs de l’Assemblée nationale se sont réunis aujourd’hui,…
M. Gérault Verny
C’est inexcusable !
M. Rodrigo Arenas
Nous ne tenons pas les troupes : chacun est libre !
Mme Mathilde Panot
…alors que Frontières était en train de les filmer, s’apprêtant à diffuser leurs noms et des images d’eux. Cet organe de presse a été jusqu’à dévoiler l’adresse du domicile d’un des députés de mon groupe, ce que l’Assemblée nationale ne peut en aucun cas accepter. Cela n’a rien à voir avec les méthodes d’autres journaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
C’est bien noté.
Madame Hanane Mansouri, vous souhaitez prolonger cette suite de rappels au règlement. Si votre prise de parole porte sur le contenu des événements, je l’abrégerai également.
Mme Hanane Mansouri
J’interviens sur le fondement de l’article 78. J’étais présente ;…
Mme Mathilde Panot
Moi aussi !
Mme Hanane Mansouri
…j’ai vu certains députés bousculer les journalistes, comme ils m’ont bousculée.
M. le président
Sur quoi porte votre rappel au règlement ? Il ne peut pas porter sur les événements.
Mme Hanane Mansouri
Je crois que nous sommes en droit de demander une suspension, jusqu’à ce que les députés concernés aient présenté leurs excuses. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et sur les bancs du groupe RN.)
Mme Mathilde Panot
C’est vous, le danger pour la République !
Présentation
M. le président
La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission mixte paritaire
Hier, s’est tenue une commission mixte paritaire (CMP) de grande qualité sur la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire. Chaque groupe représenté a pu y faire valoir ses positions cependant que s’ouvrait la voie à l’établissement d’un compromis.
Ce compromis ne pouvait se nouer que sur le cœur de la proposition de loi que mon collègue Julien Dive et moi-même avons cosignée. Elle vise principalement à répondre à une préoccupation à très court terme : le renouvellement du dispositif du relèvement du seuil de revente à perte de 10 % (SRP + 10) sur les produits alimentaires, qui arrive à échéance le 15 avril, dans moins d’une semaine, et de l’encadrement des promotions en valeur et en volume, qui arrivera à échéance un an plus tard, le 15 avril 2026.
Cette proposition de loi ciblée n’a jamais prétendu constituer une loi Egalim 4. Des missions à l’Assemblée nationale et au Sénat permettent d’alimenter la réflexion sur l’évolution des lois Egalim afin de parfaire l’encadrement des relations commerciales. C’est un sujet dont nous devrons impérativement nous saisir dans les mois qui viennent.
Cette question ne pouvait pourtant être celle de cette proposition de loi. Sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui le compromis issu de la commission mixte paritaire permet de prolonger le SRP + 10 jusqu’au 15 avril 2028. Il permet aussi d’aligner le calendrier de ce dispositif sur celui de l’encadrement des promotions.
S’agissant de l’encadrement des promotions, le compromis qui s’est dégagé consiste à le prolonger également jusqu’en 2028 pour les produits de droguerie, parfumerie, hygiène (DPH), tout en relevant légèrement le plafond de 34 % à 40 %.
Le délai jusqu’à l’échéance fixée à 2028 devra impérativement être mis à profit pour mieux évaluer ces deux dispositifs. Nous avons unanimement exprimé une insatisfaction sur ce point dans l’hémicycle. Il faut pouvoir objectiver le fait que ces dispositifs permettent de défendre la valeur de nos productions agricoles et alimentaires, et in fine d’améliorer le revenu des agriculteurs.
Le texte qui vous est présenté comporte des garanties nouvelles pour renforcer les dispositifs d’évaluation du relèvement du seuil de revente à perte et d’encadrement des promotions, puisqu’il leur adjoint un régime de sanctions. Les discussions ont été riches sur ce point lors de la réunion de la CMP.
En cas d’absence de transmission par les distributeurs des documents permettant de mesurer les effets de ces mesures, le texte prévoit en effet une sanction pouvant aller jusqu’à 0,4 % du chiffre d’affaires. C’est une proposition du groupe socialiste qui a permis d’aboutir à ce compromis : le Sénat proposait de plafonner les sanctions à 500 000 euros, alors que le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale fixait le plafond à 4 % du chiffre d’affaires pour les plus grandes entreprises et à 1 % pour les PME.
Enfin, le texte de compromis reprend également une disposition ajoutée en commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale à l’initiative de notre collègue Richard Ramos. Cette disposition, que les sénateurs n’avaient initialement pas reprise, prévoit explicitement que le SRP + 10 s’appliquera bien aux produits vendus sous marque de distributeur.
En conclusion, le texte de compromis qui vous est présenté permet d’atteindre l’objectif initial de la PPL : la reconduction du dispositif SRP + 10, qui arrive à échéance. Il convient de ne pas le perdre de vue, car cette reconduction est attendue par la très grande majorité des acteurs économiques, notamment par les agriculteurs et les filières alimentaires. Ce texte permet en outre de resynchroniser les calendriers des dispositifs SRP + 10 et d’encadrement des promotions sur les produits alimentaires et sur les produits de droguerie, de pharmacie et d’hygiène, en leur fixant une échéance commune : le 15 avril 2028.
Cette échéance devra permettre au gouvernement de réaliser un travail d’évaluation plus complet que celui qui a pu vous être fourni jusqu’à ce jour. Pour cela, le texte offre de nouvelles garanties en faveur de la transparence à laquelle les acteurs économiques doivent s’astreindre touchant les effets du dispositif. L’administration devra se saisir de ces dispositions nouvelles pour aider ces acteurs à s’y conformer ; puis, s’ils font preuve de mauvaise volonté, pour les sanctionner. Voilà donc, chers collègues, le texte de compromis en faveur duquel je vous invite à vous exprimer et à voter. (Mme Anne-Sophie Ronceret et M. Thierry Benoit applaudissent.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
La commission mixte paritaire qui s’est réunie hier sur cette proposition de loi est arrivée à un accord, ce dont le gouvernement se réjouit. Députés et sénateurs sont ainsi parvenus à une forme de consensus, entre sécurisation juridique des entreprises, transparence des informations et stabilité économique de la filière agroalimentaire.
Je salue donc le travail de Julien Dive, du rapporteur Stéphane Travert, des rapporteurs au Sénat Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier, et bien entendu de tous les parlementaires qui ont, au cours des débats, permis d’enrichir le texte initial, sur ces bancs comme sur ceux du Sénat.
Concernant le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte, il nous paraissait en effet particulièrement important de prolonger une expérimentation qui risquait de s’achever dans six mois. Bien sûr, le SRP + 10 n’est pas la solution miracle, et j’entends les demandes de plus de transparence dans le mécanisme d’évaluation.
Toutefois, si cette expérimentation avait pris fin, le résultat aurait été la reprise d’une guerre des prix préjudiciable à toute la chaîne agroalimentaire. Comme souvent en pareil cas, c’est l’agriculteur, en amont de la chaîne, qui en aurait subi les dommages collatéraux.
La CMP a donc validé le principe d’une prolongation de trois ans, jusqu’en 2028, ce qui apporte une forme de stabilité dans les relations commerciales agricoles. Les travaux de Stéphane Travert en la matière ont été particulièrement précieux et je tiens à le saluer une nouvelle fois.
Sur tous ces bancs, se sont exprimées des demandes légitimes en faveur d’une plus grande transparence quant à l’utilisation du SRP + 10.
Je comprends ces demandes et le texte contient plusieurs avancées en la matière. D’une part, les informations devront désormais être transmises sous peine d’une sanction pouvant atteindre 0,4 % du chiffre d’affaires du distributeur ; il s’agit là d’une reprise, un peu modifiée, de suggestions formulées par Mélanie Thomin et Boris Tavernier. D’autre part, je me suis engagée, au Sénat, à ce que l’État travaille avec les distributeurs à élaborer une méthodologie : définir en commun le type d’informations que nous souhaitons voir transmettre permettra d’affiner le dispositif pour qu’il gagne en efficacité.
S’agissant de l’encadrement des promotions dans les rayons droguerie, parfumerie et hygiène, le texte initial proposait de mettre immédiatement fin à l’expérimentation, de sorte qu’une poche de pouvoir d’achat soit libérée pour les consommateurs. Les débats au Parlement ont également permis de mettre en avant la nécessité de préserver la stabilité économique des fournisseurs, car ce sont eux qui financent ces promotions. Le gouvernement estimait que fixer le taux de promotion à 50 %, au lieu des 34 % qui ont cours actuellement, aurait permis le lancement d’offres promotionnelles du type « 1 acheté = 1 offert », particulièrement utiles au moment où l’on cherche à relancer la consommation – elle-même facteur majeur de croissance – et à préserver la compétitivité de la grande distribution. La CMP a toutefois préféré retenir un taux intermédiaire de 40 %, tout en prolongeant l’expérimentation jusqu’en 2028. Je salue à ce titre le travail essentiel de Julien Dive, qui a permis d’aboutir à une solution équilibrée.
Si le texte de la CMP ne retient pas toutes les mesures adoptées par l’Assemblée nationale concernant l’encadrement des marges, il conserve toutefois le principe d’un rapport de l’IGF – Inspection générale des finances –, demandé par Dominique Potier, qui traitera des marges et de la péréquation en grande distribution. L’expertise de ce service n’est plus à démontrer ; je sais que le travail rendu sera de qualité et de nature à éclairer nos futurs débats. Je rappelle, du reste, que les parlementaires volontaires et la société civile seront associés aux réflexions entourant l’élaboration de la lettre de mission qui accompagnera la remise du rapport.
Les parlementaires ont par ailleurs souhaité préciser que le rapport transmis par le gouvernement au Parlement, qui contient des informations chiffrées sur l’usage du SRP + 10, puisse être rendu public. Tout cela participe d’une plus grande transparence, ce dont nous pouvons nous féliciter collectivement.
Bien sûr, toutes ces mesures n’épuisent pas entièrement le débat. Comme vous le savez, des réflexions sont en cours afin de faire évoluer le cadre Egalim, dans l’objectif de renforcer la structuration amont et de simplifier l’aval commercial. Nul doute que certains aspects de nos débats seront à nouveau abordés à ce moment. La discussion concernera alors vraisemblablement des dispositifs encore plus structurants, visant à stabiliser la chaîne agroalimentaire. Je vous remercie et vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Thierry Liger et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission mixte paritaire.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission mixte paritaire
La commission mixte paritaire s’est réunie hier pour élaborer un texte commun et je remercie pour son travail notre rapporteur, M. Stéphane Travert, ainsi que tous les collègues qui ont participé à la CMP. Le texte a trait à l’encadrement des promotions et des pratiques commerciales, sujet essentiel puisqu’il touche directement au partage de la valeur entre les consommateurs, les entreprises qui transforment et distribuent les produits et, quand il s’agit d’alimentation, les agriculteurs.
Le texte issu de la CMP constitue un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat, rendu possible par l’intervention de nombreux collègues – je le précise car on nous avait d’abord proposé de ne retenir que le texte du Sénat, solution qui nous paraissait fort peu équilibrée. Cependant, le dispositif qui en résulte apparaît encore en retrait par rapport à de multiples propositions adoptées par l’Assemblée nationale – je vais y revenir –, ce qui explique d’ailleurs que la CMP n’ait pas recueilli, loin de là, un vote unanime.
Qu’est-il ressorti de la CMP ? L’encadrement des prix des produits alimentaires sera prolongé jusqu’en 2028, comme le souhaitait le Sénat, et non jusqu’en 2026, comme le souhaitait l’Assemblée. Pourquoi l’Assemblée avait-elle fixé 2026, soit une date antérieure ? Parce qu’elle estimait que cela obligerait à légiférer d’ici là en adoptant une nouvelle grande loi d’encadrement des marges – je rejoins ici le souhait de M. le rapporteur –, mais aussi parce qu’elle porte sans doute un regard bien plus critique que le Sénat sur le dispositif d’encadrement des marges commerciales, appelé SRP + 10, qui oblige à vendre les produits au moins 10 % plus cher qu’ils n’ont été achetés aux fournisseurs.
En effet, il n’existe aucune évaluation solide de ce dispositif ; on ne sait donc pas s’il profite aux fournisseurs et aux agriculteurs plutôt qu’aux grands distributeurs. On ne sait pas non plus, d’ailleurs, dans quelle mesure ce sont les consommateurs qui en pâtissent.
En revanche, la CMP a tranché en faveur du vœu de l’Assemblée nationale d’étendre ce dispositif aux marques de distributeurs. Cependant – vous l’avez dit, monsieur le rapporteur –, les sanctions encourues par les entreprises qui ne transmettraient pas les informations requises sur leurs marges seront plafonnées à 0,4 % de leur chiffre d’affaires – et non à 1 %, comme le souhaitait l’Assemblée. Là aussi, les discussions ont été serrées avec le Sénat, puisqu’il proposait des sanctions encore bien plus faibles.
La CMP a aussi acté que les rapports annuels remis par le gouvernement au Parlement sur les effets de l’encadrement des marges seront rendus publics, mais elle n’a pas retenu la proposition de l’Assemblée, de rendre publics les données brutes et donc les surplus de marges engrangées grâce au mécanisme SRP + 10. Elle a par ailleurs décidé que le plafond des promotions possibles sur les produits DPH passerait de 34 % à 40 %, mesure qui avait été adoptée par l’Assemblée nationale mais supprimée par le Sénat. Celle-ci a considéré qu’il n’était peut-être pas nécessaire de protéger autant les marges de firmes comme Unilever ou Procter & Gamble.
Enfin, la CMP a supprimé, à une très courte majorité, l’encadrement des marges des acteurs de l’ensemble de la chaîne agroalimentaire, alors que l’Assemblée nationale s’était prononcée pour que s’appliquent des coefficients multiplicateurs garantissant des prix maximums par filière. Un tel dispositif n’est pourtant pas hallucinant : il existait en France jusqu’en 1986, avant que le vent du néolibéralisme n’emporte toutes ces formes de régulation du marché. Je continue à penser, comme M. le rapporteur, que nous avons grandement besoin d’une loi qui encadre réellement les marges. Il est plus que temps : durant les années qui viennent de s’écouler, le partage de la valeur s’est fait de moins en moins en faveur des consommateurs et des agriculteurs, et de plus en plus en faveur des grandes entreprises de la transformation et de la distribution.
Selon les données de l’Insee, les profits des entreprises, particulièrement des grandes entreprises agroalimentaires – je ne vous parle pas de la distribution, pour laquelle les données ne sont pas disponibles –, ont augmenté de 10 % en deux ans. Pendant ce temps, les prix agricoles ont chuté de 13 % et les prix de l’alimentation, pour les ménages, ont augmenté de plus de 20 % – bien sûr, c’est encore pire pour nos compatriotes ultramarins. Ce ne sont pas que des chiffres : dans notre pays, la France, qui est pourtant la septième puissance économique du monde, la faim progresse. Désormais, une personne sur six ne peut pas manger à sa faim, faute de moyens. Je suis sûre, chers collègues, que vous connaissez tous et rencontrez régulièrement des administrés qui vous disent devoir choisir entre chauffer leur appartement et nourrir correctement leur famille en faisant un repas du midi ! Au même moment, les revenus du patrimoine et les revenus financiers – issus notamment des dividendes des grandes entreprises – ont augmenté de près de 15 % en deux ans.
J’en termine par une réflexion : la guerre commerciale de M. Trump va certainement déstabiliser des filières très exportatrices, qui seront tentées de se rattraper sur le marché domestique. Vous comprenez bien qu’un mécanisme d’encadrement des marges est d’autant plus nécessaire pour que nos concitoyens, consommateurs ou producteurs agricoles, ne soient pas les victimes collatérales d’une guerre commerciale qu’ils n’ont pas choisie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Discussion générale
M. le président
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit
Nous voilà dans cet hémicycle pour voter les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie hier. Elle a travaillé pour offrir un cadre de stabilité économique aux entreprises et pour soutenir la compétitivité du secteur agroalimentaire, tout en prenant en compte la question du partage de la valeur. Les mesures proposées doivent permettre de lutter contre la guerre des prix et contre la destruction de valeur, en s’efforçant de garantir un meilleur revenu – un revenu décent – à nos agriculteurs.
Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur : la CMP a été fructueuse. Nous offrons au secteur une perspective jusqu’en 2028, puisque nous prolongeons jusqu’à cette date le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte et l’encadrement en valeur et en volume des promotions, afin – je le disais – de lutter contre la guerre des prix, contre la destruction de valeur et pour une meilleure répartition de la marge. Il reste à la puissance publique à évaluer plus précisément l’impact de ces mesures sur les prix agricoles et sur le revenu des agriculteurs. Ce que l’on sait, c’est qu’elles ont permis de lutter contre la spirale déflationniste des prix agricoles. Leur prolongement, entériné par les conclusions de la CMP, est donc bienvenu.
L’encadrement des prix des produits de droguerie, de parfumerie et d’hygiène a par ailleurs fait l’objet d’une adaptation : un plafond promotionnel a été fixé à 40 %. Il s’agit là de préserver le pouvoir d’achat des consommateurs tout en tenant compte du modèle économique des petites et moyennes entreprises, afin de garantir leur équilibre économique. Un élément nouveau a été introduit, et je m’en réjouis : des sanctions seront prises en cas de non-transmission par les distributeurs des données relatives à la répartition du surplus de chiffre d’affaires induit par le dispositif de majoration du seuil de revente à perte – leur montant ne pourra excéder 0,4 % du chiffre d’affaires. S’y ajoute la disposition chère à notre collègue Richard Ramos qui étend le relèvement du seuil de revente à perte aux marques de distributeurs, ce qui n’empêche pas de rester attentifs au niveau des prix et au pouvoir d’achat des consommateurs.
Une fois ce texte voté, dans les mois à venir, nous devrons, de mon humble avis – je le dis au nom du groupe Horizons & indépendants –, nous employer à stopper la déconversion des agriculteurs bio. Cela me paraît fondamental car nous risquons d’assister à la disparition de l’agriculture bio en France, ce qui serait dangereux.
Un autre point de vigilance nous paraît essentiel : il nous faut encore travailler pour que la constitution des marges et le partage de la valeur, tout au long de la chaîne agroalimentaire, fassent l’objet d’une plus grande transparence. Cela passera par la création d’une mission parlementaire ou d’une commission d’enquête. Le groupe Horizons & indépendants reste également très attentif à la question du foncier, à son accaparement et à la spéculation qui s’y attache, car il faut favoriser l’installation des jeunes. Enfin, nous devons travailler de manière urgente à l’harmonisation européenne des seuils des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Voilà les sujets sur lesquels nous resterons particulièrement vigilants. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Emeric Salmon et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
Voilà plusieurs années que le législateur tâtonne pour trouver une solution à un vrai problème : la juste rémunération de nos agriculteurs et le partage équitable de la valeur entre tous les maillons de la chaîne agroalimentaire. La solution miracle n’ayant pas été trouvée, on a créé un ensemble de dispositifs bancals et défaillants, parmi lesquels le SRP + 10 et l’encadrement des promotions sur les produits de grande consommation.
Ces dispositifs ne satisfont personne : l’effet escompté n’est pas atteint pour les exploitants agricoles ; ils ont sans doute un effet inflationniste pour le consommateur. La logique voudrait que l’on revienne dessus, mais les supprimer pourrait avoir des conséquences contre-productives.
Commençons par le SRP + 10, qui impose à la grande distribution de réaliser une marge minimale de 10 % sur les produits alimentaires. L’objectif était de diminuer la pression sur les agriculteurs lors des négociations commerciales et de permettre, via un effet de ruissellement, une revalorisation du revenu agricole. La mesure n’a pas eu de succès, mais les agriculteurs redoutent désormais qu’on y mette fin, car cela pourrait conduire à une nouvelle guerre des prix entre distributeurs, dont ils seraient les premières victimes.
La situation est pour le moins ubuesque : pour ne pas risquer de défavoriser les petits agriculteurs, nous sommes contraints de prolonger un dispositif qui bénéficie avant tout à la grande distribution – pour qui cela représente tout de même des profits supplémentaires de 600 millions d’euros par an. Dont acte. Nous sommes donc favorables à la prolongation du SRP + 10 jusqu’en 2028.
Toutefois, cette prolongation doit avoir une contrepartie : un contrôle accru sur les marges de la grande distribution. Le texte tel qu’il est issu de la commission mixte paritaire fait un pas en ce sens en prévoyant de sanctionner les distributeurs qui n’auraient pas fait état au gouvernement de la part de surplus de chiffre d’affaires résultant du SRP + 10.
Il me semble cependant que nous aurions pu aller plus loin, d’abord dans la gradation des sanctions – le montant de 0,4 % du chiffre d’affaires me semble minime pour des grands groupes –, ensuite dans le ciblage de ces sanctions – alors que notre assemblée avait souhaité les étendre aux fournisseurs, elles visent désormais exclusivement ces derniers. Nous nous contenterons à ce stade de ce premier pas, qui va à l’essentiel.
Venons-en à l’encadrement des promotions sur les produits DPH, prévue par la loi Descrozaille. Il s’agit d’un encadrement tant en valeur – les avantages promotionnels ne peuvent être supérieurs à 34 % du prix de vente – qu’en volume – les promotions doivent concerner au maximum 25 % des produits en rayon. La mesure a eu un effet positif pour les industriels et pour le pouvoir d’achat global des ménages français, les promotions parfois très agressives imposées par la grande distribution ayant été compensées par une baisse généralisée des prix. Néanmoins, elle a eu un impact défavorable pour les ménages les plus précaires et les familles nombreuses, pour qui les promotions, qui atteignent parfois – 80 %, sont un vrai coup de pouce.
Soucieux de défendre le pouvoir d’achat des plus fragiles, j’étais favorable à la version initiale du texte, qui mettait fin au dispositif dès avril 2026. La commission mixte paritaire a finalement retenu une solution tout autre : l’encadrement des promotions est maintenu jusqu’en 2028 mais les taux plafonds sont revus à la hausse. En d’autres termes, les distributeurs ne pourront pas faire ce qu’ils souhaitent, mais ils pourront tout de même accorder aux consommateurs des promotions plus avantageuses qu’auparavant. Là non plus, ce n’est pas la solution idéale, mais cela me semble un compromis acceptable à la fois pour les consommateurs et pour les industriels.
Une majorité du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires s’inquiétait que le texte prenne une ligne économique trop dirigiste et mal évaluée, via un encadrement strict des marges. Les quelques ajouts de l’Assemblée nationale en ce sens sont désormais écartés. La proposition de loi est recentrée sur son objectif premier : garantir de la stabilité au secteur alimentaire en prolongeant les dispositifs existants.
En dépit des nombreuses réserves que nous inspirent le SRP + 10 et l’encadrement des promotions, nous voterons en faveur de la proposition de loi, car nous souhaitons soutenir nos agriculteurs, nos PME et nos ETI.
M. le président
La parole est à M. Julien Brugerolles.
M. Julien Brugerolles
Déposée en février, la présente proposition de loi portait à l’origine deux mesures distinctes : la prolongation du relèvement du seuil de revente à perte expérimenté depuis six ans et la suppression de l’encadrement des promotions sur les produits DPH entré en vigueur il y a un an. À la suite des travaux menés dans les deux chambres, le texte a profondément évolué.
Fort heureusement, la CMP a remis en cause le cadeau sans contrepartie à la grande distribution qu’aurait constitué la suppression de l’encadrement des promotions sur les produits DPH. La prolongation de cet encadrement jusqu’en 2028, assortie d’une hausse du plafond maximal à 40 %, est bienvenue, en particulier pour les PME, nombreuses dans ce secteur.
Cependant, les PME appellent notre attention sur une autre urgence : la nécessité de mieux les protéger avant le prochain cycle de négociations commerciales. En effet, si rien n’est entrepris avant cet automne, souligne notamment la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (Feef), la situation économique des PME continuera à se dégrader à bas bruit, ce qui aura de lourdes conséquences pour notre économie et pour les territoires.
J’en viens à la prolongation du dispositif SRP + 10, expérimenté depuis le vote de la loi Egalim 1, en 2018. Son effet bénéfique sur la rémunération des producteurs n’a jamais été démontré. Pour que l’on tente d’évaluer le dispositif, la loi Egalim 3 de 2023, dite loi Descrozaille, avait prévu que chaque distributeur communique au gouvernement des informations à ce sujet. Or le rapport d’évaluation remis par le gouvernement l’an dernier n’a fait que constater l’impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l’usage du surplus de chiffre d’affaires qu’ils ont ainsi réalisé depuis 2019.
L’effet inflationniste du dispositif sur les prix des denrées alimentaires étant avéré – l’UFC-Que choisir avance le chiffre de 470 millions à 1 milliard d’euros par an depuis six ans –, notre assemblée a tenté de renforcer les moyens de contrôle et d’évaluation. Elle a notamment proposé que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPMPA) publie chaque trimestre le niveau des marges brute et nette réalisées par chaque fournisseur et distributeur dont le chiffre d’affaires est supérieur à 350 millions d’euros. Nous regrettons que cette disposition ait été supprimée par le Sénat et n’ait pas été reprise par la CMP. De même, nous regrettons le recul sur le montant des sanctions applicables aux distributeurs qui ne joueraient pas le jeu de la transparence – celle-ci n’est pas, convenons-en, la première qualité dont ils font preuve !
Le motif qui vaut que nous conservions le SRP + 10 est donc moins son efficacité que le risque induit par son éventuelle suppression. Il s’agit d’éviter un nouvel épisode de guerre des prix, dans un contexte très tendu : un cycle de négociations très dur cette année, une crise agricole durable, des tensions toujours très fortes sur le pouvoir d’achat des Français.
Nous soutiendrons la prolongation du SRP + 10, mais sans illusion. Il ressort en effet de nos débats que nous ne tirons pas de leçon de son échec, qui tient d’abord à la persistance d’un rapport de force totalement déséquilibré dans les négociations commerciales entre les agriculteurs, les industriels transformateurs et la grande distribution. Nous avons la conviction que les dispositions que nous examinons cet après-midi ne modifieront pas en profondeur ce rapport de force.
L’occasion nous avait pourtant été offerte de faire un grand pas vers l’adoption de véritables outils publics d’encadrement des marges grâce au vote en première lecture, ici même, de l’excellent amendement d’André Chassaigne instaurant un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de revente des produits agricoles et alimentaires. Naturellement, le Sénat s’est empressé de l’évacuer et la CMP n’a pas souhaité le reprendre, ce que je regrette. Malheureusement, le grand soir de la régulation n’est pas encore pour aujourd’hui… Pourtant, seul un outil d’intervention public de ce type permettrait de sécuriser le retour aux producteurs d’une partie de la valeur ajoutée, tout en protégeant les consommateurs des pratiques spéculatives des grandes et moyennes surfaces.
Malgré l’obstination libérale à cause de laquelle on ne fait qu’effleurer le problème de la répartition de la valeur ajoutée, malgré la protection dogmatique du secret des affaires dont bénéficient des agents économiques qui continuent de dominer les échanges commerciaux en matière agricole et alimentaire, nous voterons les modestes avancées prévues par ce texte. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Le présent texte vise à traiter une problématique de fond : la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire. L’ambition est de mieux répartir la valeur ajoutée entre producteurs, industriels et distributeurs, en limitant la guerre des prix. Il est plus que nécessaire d’aborder ce sujet, non seulement dans l’intérêt de nos territoires, mais aussi pour l’avenir de notre souveraineté alimentaire et industrielle. En effet, l’agriculture et l’agroalimentaire sont deux piliers essentiels de notre identité nationale, de notre équilibre économique et de notre indépendance stratégique. Rappelons toute l’importance de la politique agroalimentaire : celle de Mao, par exemple, fit plus de 20 millions de morts par famine ! Dès lors, toute initiative tendant à mieux structurer les relations commerciales au sein de la filière doit être considérée avec attention.
Si l’ambition affichée est louable, le chemin proposé appelle plusieurs réserves. Il ne suffit pas d’encadrer pour sécuriser, ni de réglementer davantage pour garantir la prospérité. Dans sa rédaction actuelle, le texte risque de fragiliser ceux qu’il prétend protéger, en particulier nos PME. Nous comprenons bien entendu le souci de rééquilibrer les rapports de force entre producteurs, industriels et distributeurs. À cet égard, la prolongation du SRP + 10 jusqu’au 15 avril 2028 constitue une tentative louable de structurer la filière, et nous partageons l’objectif de transparence dans les négociations commerciales. Cette mesure a le mérite de donner un peu de visibilité aux agriculteurs, aux industriels et aux distributeurs, dans un environnement économique volatil.
Toutefois, si le SRP + 10 a permis une stabilisation des prix pour les producteurs, il n’a pas totalement réglé les problèmes de rémunération des agriculteurs. Il existe un risque que les hausses de marge ne bénéficient pas directement et réellement aux producteurs, mais plutôt aux industriels et aux distributeurs, ce qui soulève la question complexe de la transparence sur les marges.
Selon les chiffres présentés par la Coordination rurale, les recettes cumulées par les distributeurs grâce au SRP + 10 s’élèveraient à 600 millions d’euros par an. Il y a une très grande incertitude quant à la destination de cette marge, car aucune évaluation n’a été menée. Les syndicats agricoles et un grand distributeur avancent que l’effet de ruissellement ne fonctionne pas. Le rapport remis en 2019 par le Sénat va dans le même sens : il relève qu’après deux ans d’application de la mesure, aucun effet de cascade n’a été enregistré au profit des producteurs.
S’agissant de mesures aussi importantes du point de vue économique, le fait que l’on passe par une proposition de loi plutôt que par un projet de loi suscite des interrogations. Sachant que nos exportations agroalimentaires représentent plus de 64 milliards d’euros en 2023, il serait dangereux de légiférer sans mesurer l’effet de ces dispositions sur notre compétitivité à l’échelle internationale. Est-ce vraiment le moment d’alourdir encore la charge qui pèse sur nos entreprises, sans avoir réalisé au préalable une étude d’impact sérieuse, ni engagé une concertation approfondie avec les acteurs de terrain ? Notre rôle est d’assurer un équilibre : il faut bien sûr défendre les producteurs, mais aussi garantir que les entreprises, petites comme grandes, puissent continuer à produire, à innover et à exporter.
C’est pourquoi nous considérons que le texte doit être retravaillé. En l’état, il comporte trop d’incertitudes, trop de risques d’effets pervers. Le groupe UDR s’abstiendra donc sur la proposition de loi, non par refus, mais par exigence – exigence de clarté, de concertation et de cohérence économique. Nous restons ouverts au dialogue et prêts à travailler à des ajustements, mais nous ne pouvons engager notre soutien sans avoir la certitude que cette réforme servira véritablement nos entreprises, nos producteurs et notre souveraineté alimentaire.
M. le président
La parole est à M. Robert Le Bourgeois.
M. Robert Le Bourgeois
Lorsque le SRP + 10 et l’encadrement des promotions ont été instaurés, il s’agissait avant tout d’améliorer la rémunération des agriculteurs. Disons-le d’emblée : cela n’a pas fonctionné. Les huit rapports parlementaires ou gouvernementaux remis au cours des sept dernières années n’ont pas prouvé les bénéfices du SRP + 10. Mais cette fois, nous dit-on, à la faveur de cette troisième prolongation, jusqu’en 2028, l’expérimentation devrait – enfin ! – montrer son efficacité. La belle affaire !
À bien écouter les différents acteurs, si l’on n’a pas réussi jusqu’à présent à évaluer l’utilité du dispositif, c’est à cause de « la guerre en Ukraine, [des] tensions liées à la reprise économique post-covid-19, [du] changement climatique et [de] la concomitance de crises sanitaires animales » – je reprends là les termes exacts d’une réponse donnée par le ministre de l’agriculture en 2022.
Que tous ces événements aient eu des conséquences lourdes sur notre économie, c’est une certitude ; pour autant, n’en doutez pas, la prochaine fois que nous devrons débattre du SRP + 10, les mêmes viendront nous dire que c’est la guerre commerciale imposée par les États-Unis, la ratification du traité avec le Mercosur – dont certains ministres font désormais la promotion – ou le battement d’ailes d’un papillon au Brésil qui nous ordonnent de prolonger une fois de plus l’expérimentation de ce gadget bureaucratique !
Il faut en rabattre : si le SRP + 10 n’est pas efficace, c’est parce que cette mesure repose, dès l’origine, sur un principe vicié. En effet, la marge générée grâce au SRP + 10 devait miraculeusement ruisseler des distributeurs sur tout le secteur agroalimentaire et profiter en premier lieu – en premier lieu ! – aux agriculteurs et aux éleveurs, situés à l’autre bout de la chaîne. Par quel angélisme a-t-on sincèrement pu croire à l’efficacité d’une telle mesure ?
Pour le Rassemblement national, il n’est pas envisageable de poursuivre cette facétie jusqu’en 2028 et encore moins d’étendre ce dispositif aux marques de distributeurs, initiative revenue par l’opération du Saint-Esprit…
M. Stéphane Travert, rapporteur
Ou plutôt grâce à Richard Ramos !
M. Robert Le Bourgeois
…au cours de cette CMP.
La fin de l’encadrement des promotions pour les produits DPH aurait constitué une mesure de bon sens car personne ne voit franchement en quoi il améliore le revenu des agriculteurs. Aujourd’hui, seuls les hard-discounters bénéficient de cette mesure qui leur permet de mettre sur le marché des produits d’importations à prix cassés en contournant nos règles.
Alors que près d’un Français sur deux réduit sa consommation de produits d’hygiène, il n’était tout simplement pas envisageable pour nous de maintenir l’encadrement des promotions sur les produits DPH, mais rien ne s’est passé comme prévu : les auteurs du texte, issu de la Droite républicaine et des rangs macronistes, ont finalement opéré une volte-face pour prolonger le dispositif jusqu’en 2028, dans une version à peine améliorée.
Pire, chez les socialistes, Olivier Faure pérorait sur Twitter qu’on avait eu tort d’encadrer les promotions sur les produits d’hygiène tandis qu’au même moment, dans le secret de la CMP, les députés de son groupe adoptaient la position inverse. Dans cette affaire, seul le Rassemblement national a défendu le pouvoir d’achat des Français.
Alors, ne nous méprenons pas ! La question de la rémunération des agriculteurs mérite mieux que des bricolages renégociés sur des coins de tables tous les deux ans. Le gouvernement a tout fait pour repousser ces expérimentations jusqu’en 2028 parce qu’il n’a ni la volonté de faire appliquer les lois existantes, ni le courage de proposer une loi Egalim 4. Madame la ministre, je vous le demande solennellement : quand examinerons-nous enfin ce texte promis à nos agriculteurs ?
Tant que nous ne sanctuariserons pas la matière première agricole, que nous ne favoriserons pas la transparence dans les négociations, tant que nous ne donnerons pas à nos agriculteurs la possibilité de fixer des prix rémunérateurs, nous n’arriverons à rien !
Nous voterons naturellement contre ce texte, avec la promesse que, dès 2027, Marine Le Pen, présidente, apportera enfin les réponses que les agriculteurs et les Français attendent en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Stéphane Travert, rapporteur
Cela m’étonnerait fort !
M. le président
La parole est à Mme Anne-Sophie Ronceret.
Mme Anne-Sophie Ronceret
Depuis 2018, grâce au relèvement du SRP de 10 % sur les produits alimentaires et à l’encadrement des promotions prévus par les lois Egalim, nous avons posé les bases d’un nouvel équilibre dans les relations commerciales entre producteurs, industriels et distributeurs.
Avec ce texte, nous poursuivons cette même exigence de justice, de stabilité et de clarté dans la répartition de la valeur.
La prolongation du SRP + 10 jusqu’en 2028 n’est pas une extension par défaut : c’est un choix assumé, fondé sur les constats des différents rapports parlementaires rédigés sur le sujet mais aussi, et surtout, sur nos échanges avec les différents acteurs. Si ce dispositif n’est pas parfait, nous savons qu’il a permis de freiner une spirale de prix cassés qui affaiblissait durablement l’amont agricole.
Certes, dans un contexte inflationniste, il reste difficile d’évaluer précisément les effets du SRP + 10 mais la logique du dispositif – faire en sorte que le prix se construise à partir du coût de production – demeure essentielle pour améliorer le revenu de nos agriculteurs et éviter que la matière première agricole constitue la variable d’ajustement lors des négociations commerciales avec les distributeurs.
En intégrant dans le dispositif les marques de distributeurs, qui en étaient exclues de manière incohérente, afin que toutes les formes de mises en marché contribuent à l’effort collectif, ce texte apporte une correction attendue de longue date.
Parallèlement, je me félicite que nos débats en commission, en séance puis en CMP aient permis de trouver une issue équilibrée – correspondant en tous points à l’amendement que j’avais personnellement proposé et défendu en séance – au sujet des produits DPH : en la matière, l’encadrement des promotions sera prolongé jusqu’en 2028, avec un plafond relevé à 40 % à compter d’avril 2026.
Cette disposition apporte davantage de souplesse dans les relations commerciales entre les entreprises et les distributeurs, et adapte le cadre promotionnel tout en protégeant le pouvoir d’achat des Français et en préservant les 246 000 emplois directs et indirects du secteur. Les premiers résultats sont là : la baisse des prix en fond de rayon peut atteindre jusqu’à 4 % sur certaines marques nationales. C’est la preuve qu’il est possible de réguler sans pénaliser et d’encadrer sans étouffer !
Ce texte renforce également les obligations de transparence. Jusqu’à présent, en raison de l’absence d’accès aux données relatives au chiffre d’affaires généré grâce au SRP et à l’encadrement des promotions, il était difficile d’évaluer les deux dispositifs. Désormais, la non-transmission de ces données sera sanctionnée d’une pénalité pouvant aller jusqu’à 0,4 % du chiffre d’affaires.
Je veux enfin saluer le travail mené conjointement par les rapporteurs des deux assemblées, Stéphane Travert, Anne-Catherine Loisier et Daniel Gremillet, pour trouver une solution équilibrée. Le consensus dégagé en CMP est un gage d’efficacité car nous savons qu’un dispositif aussi technique n’a de sens que s’il est réellement applicable ensuite.
Nous ne votons pas seulement la prolongation d’un dispositif législatif ; nous nous prononçons en faveur d’une orientation politique claire visant à garantir à nos agriculteurs qu’ils ne seront pas les variables d’ajustement d’un système et à assurer à nos entreprises qu’elles seront protégées face à une pression concurrentielle qui ne cesse de s’intensifier.
À l’heure où les acteurs économiques ont plus que jamais besoin de visibilité et de stabilité, ce texte est essentiel. Pour autant, cette stabilité ne doit pas nous dispenser d’anticiper : en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, il conviendra d’engager un travail de fond pour évaluer ces dispositifs en amont comme en aval – ce qui doit être fait pour toute expérimentation – afin de les pérenniser ou de les faire évoluer dans le temps.
Notre souveraineté alimentaire ne doit pas reposer sur des équilibres précaires mais sur des règles durables, lisibles et protectrices qui servent celles et ceux qui produisent, transforment et innovent dans notre pays. Le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Mme Mathilde Hignet
Une nouvelle fois, vous nous proposez de voter la prolongation d’une loi technocratique qui n’a pas permis aux agriculteurs de voir leur rémunération augmenter tandis que les consommateurs, eux, ont subi l’augmentation de plus de 20 % en deux ans du prix des produits alimentaires. En effet, le ruissellement qui devait se produire avec le relèvement de 10 % du SRP n’a pas fonctionné.
Finalement, le texte issu de la CMP est bien décevant : il ressemble surtout à une loi pour assurer la stabilité des marges des multinationales de la grande distribution et de l’agroalimentaire. (Mme Marianne Maximi applaudit.)
Les multinationales font la pluie et le beau temps depuis trop longtemps. Elles se gavent sur le dos des producteurs et des consommateurs : en un an et demi, la marge des industries agroalimentaires a augmenté de 71 % et, avec cette loi, nous leur disons : « continuez ! »
Pourtant, ce texte fournissait l’occasion de rétablir un peu l’équilibre entre producteurs, industriels, distributeurs et consommateurs. À l’Assemblée, nous l’avions fait évoluer avec des mesures fortes, notamment l’encadrement des marges de l’industrie et de la grande distribution (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) ou la mise en place de sanctions proportionnelles au chiffre d’affaires (Mêmes mouvements) pour les grands groupes industriels en cas de non-respect de la loi. Nous aurions pu voter l’obligation de transparence sur les marges concernant les produits bio : il n’en sera rien !
Pourtant, plusieurs études ont montré que la distribution pratique la surmarge sur ces produits en abusant les consommateurs. En 2017, l’UFC-Que choisir révélait que 46 % du surcoût du bio provient en réalité des surmarges réalisées par les grandes surfaces. Ce constat est conforté par la Cour des comptes : dans son rapport public annuel 2022, elle relève que les prix des tomates bio ont augmenté plus vite que ceux des tomates conventionnelles, laissant penser que les grandes et moyennes surfaces ont misé sur un consentement du consommateur à payer plus cher les tomates bio. Une note de Chambres d’agriculture France de novembre 2024 corrobore ce constat. Face à ces données, il est normal d’exiger de façon claire que les taux de marge, notamment les taux de marge spécifiques aux produits bio, apparaissent dans les documents transmis au gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Au lieu au lieu de cela, nous voterons aujourd’hui la prolongation d’une expérimentation qui ne produit pas les effets escomptés dans les cours des fermes. Non, cette expérimentation n’a pas marché mais pour être bien certains qu’elle ne fonctionne pas, nous la poursuivrons jusqu’en 2028, au risque de voir les agriculteurs sortir à nouveau les tracteurs !
Quitte à expérimenter, nous aurions pu essayer les coefficients multiplicateurs (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), avancée intéressante votée, avec d’autres, à l’Assemblée ! Malheureusement, elle a été balayée d’un revers de main par le Sénat.
En 2028, le SRP + 10 aura été mis en place depuis dix ans. Avec quels résultats ? Dix ans d’augmentation des marges pour les multinationales, dix ans d’augmentation des prix de l’alimentation et, surtout, dix années d’impasse pour le revenu agricole.
Dans ces conditions, le groupe La France insoumise refuse de faire croire aux agriculteurs que cette loi améliorera leurs revenus. Nous voterons contre cette énième prolongation qui constitue un aveu d’échec (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), échec d’une politique qui consiste à croire, coûte que coûte, dans la vertu d’un marché néolibéral, échec de ministres qui ont passé leur temps à supplier la grande distribution de faire des efforts. (Mêmes mouvements.) Arrêtons de quémander auprès des multinationales ! Nous avons le pouvoir de faire la loi pour imposer ce qui est juste.
Le résultat de cet échec, c’est la colère légitime des paysans, l’augmentation constante du prix du panier de courses et un nombre croissant d’entreprises indépendantes ou de PME de l’agroalimentaire en difficulté.
En revanche, certains – la grande distribution et les grands groupes, les mêmes qui refusent d’être transparents sur leurs marges – s’en sortent bien, très bien même !
Les négociations commerciales seront toujours déséquilibrées tant que nous n’interviendrons pas pour rétablir l’équité. Quand bien même les producteurs s’organiseraient collectivement, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution pourraient remettre en cause demain un contrat signé hier.
Je pense à Jean-François, cet éleveur laitier sur ma circonscription qui m’a appelée, paniqué parce que Lactalis avait décidé du jour au lendemain de rompre son contrat de collecte de lait. C’est pour Jean-François et tous les autres que nous proposons d’aller bien plus loin.
Il y a une solution pour stopper le gavage des multinationales : encadrer les marges de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) et mettre en place des prix rémunérateurs garantis. Nous vous l’avions proposé en novembre 2023 et vous avez voté contre.
Je termine en posant une question. Comment voulez-vous relever le défi du renouvellement des générations agricoles quand vous soutenez un système qui mène à leur perte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin
Les socialistes se battent pour que celles et ceux qui nous nourrissent, les exploitants et salariés agricoles, les ouvriers de l’agroalimentaire ainsi que les employés de la grande distribution, disposent d’un revenu digne.
Aujourd’hui, 18 % des ménages d’agriculteurs et un éleveur sur quatre dans la filière bovine vivent sous le seuil de pauvreté. Dans le même temps, la grande distribution et l’industrie agroalimentaire ne se sont jamais aussi bien portées.
Alors que l’Assemblée nationale et le Sénat se sont prononcés en faveur de la prolongation du SRP + 10 pour trois années supplémentaires, le groupe Socialistes et apparentés a adopté dès le départ une approche exigeante et rigoureuse vis-à-vis de cette mesure.
Dans l’argumentaire initial, la marge minimale de 10 % garantie à la grande distribution était destinée à abonder le revenu agricole par un phénomène de ruissellement. Si nous devons reconnaître que l’entrée en vigueur du SRP + 10 a permis de mettre fin à la guerre des prix à laquelle se livraient les opérateurs de la grande distribution sur les produits d’appel, réduisant ainsi la pression sur les fournisseurs et, dans une certaine mesure, sur les agriculteurs, force est de constater que ce dispositif a surtout bénéficié à la grande distribution et aux agro-industriels et qu’il n’a pas été prouvé qu’il ait entraîné une hausse de la rémunération de nos producteurs via le ruissellement promis.
Les économistes Céline Bonnet et François Gardes, auteurs du rapport sur l’évaluation du SRP + 10, ont démontré que les données auxquelles nous avons accès ne permettent pas de démontrer une augmentation du revenu agricole – preuve qu’il n’y a pas de lien mécanique entre hausse du revenu agricole et augmentation de la marge de la distribution.
À chaque étape du dialogue parlementaire, notre volonté est restée la même : ne pas donner un chèque en blanc à des acteurs économiques qui contournent les exigences d’une loi au service du monde agricole. La prorogation du dispositif, sans contrôle supplémentaire et sans possibilité de sanctions dissuasives, ne ferait qu’acter un nouvel échec des lois Egalim à garantir un revenu juste aux producteurs.
Dans un souci de transparence, le groupe Socialistes et apparentés a fait adopter, en commission, puis en séance, plusieurs amendements déterminants. Ceux-ci consacrent d’abord l’obligation pour tout distributeur et fournisseur de transmettre au ministère de l’économie les marges exactes qu’ils estiment pouvoir attribuer au SRP + 10. C’est une revendication de l’ensemble du monde agricole – Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) comprise –, qui nous demande d’être plus ferme avec la grande distribution.
Ils instaurent ensuite des sanctions pécuniaires en cas de non-respect des obligations de transparence ou de non-respect de l’interdiction de revente à perte.
Enfin, ils tendent à demander à l’IGF la remise d’un rapport évaluant les marges brutes réelles des distributeurs, pour chaque catégorie de produits alimentaires. Obtenu par mon collègue Dominique Potier, ce rapport était au cœur de notre négociation avec le gouvernement, car il permettrait de véritablement sanctuariser la matière première agricole. Sa nécessité n’est pas contestable à l’approche de l’examen de la prochaine mouture de la loi Egalim.
Alors que l’Assemblée avait consacré une vision exigeante et juste de la transparence des marges, le Sénat, sans doute par manque de courage politique, a largement détricoté ces avancées en réintroduisant des sanctions forfaitaires au montant dérisoire rapporté aux chiffres d’affaires colossaux des acteurs de la grande distribution et de l’agro-industrie : 500 000 euros, c’est à peine 0,0017 % du chiffre d’affaires du groupe Carrefour.
En CMP, le groupe Socialistes et apparentés a été fidèle à son exigence : revenir à un texte au service du monde agricole. Nous y sommes parvenus, je crois, lorsque nous avons fait voter, hier, l’instauration d’une sanction à hauteur de 0,4 % du chiffre d’affaires en cas de revente à perte ou de refus par la grande distribution de publier ses marges.
La négociation en CMP a également permis de prolonger l’encadrement des promotions sur les produits d’hygiène à hauteur de 40 %. Ce compromis permet de concilier la protection du pouvoir d’achat des consommateurs les plus modestes avec le développement du tissu des PME, qui proposent des alternatives locales et innovantes.
Madame la ministre, les parlementaires attendent désormais d’être convoqués, sans délai, avec les représentants de la chaîne agroalimentaire et de la distribution, afin de rédiger la lettre de mission destinée à l’IGF sur le rapport qu’elle aura à produire. Vous vous y étiez engagée. Vous aviez aussi accepté la publication d’un rapport intermédiaire, avant l’examen d’une nouvelle version de la loi Egalim, au cas où l’IGF manquerait du temps nécessaire pour finaliser son travail. Il nous semble primordial de maintenir un dialogue exigeant entre gouvernement et Parlement, fondé sur l’écoute.
Hélas, la CMP conclusive n’aboutira pas au grand soir du partage de la valeur, comme l’a rappelé M. Brugerolles, mais afin de garantir le compromis utile entre respect du consommateur et revenu agricole, le groupe Socialistes et apparentés votera la prolongation du SRP + 10. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
Cette proposition de loi aurait pu n’être qu’une actualisation technique, un ajustement de plus dans l’arsenal législatif des lois Egalim. Il a été décidé d’en faire autre chose, car ce texte cache un monde agricole en tension, une distribution en mutation et surtout, un modèle économique qu’il faut continuer à rééquilibrer pour que la valeur revienne enfin à ceux qui la produisent.
Nous avons frôlé le dérèglement et manqué de nous asseoir sur l’objectif premier de cette loi : préserver l’agriculture d’une pression qui aurait fait d’elle, une nouvelle fois, une victime collatérale. Oui, ce texte n’est pas parfait et il ne résout pas tout, mais il demeure, dans son équilibre final, un outil de protection, de correction et de réajustement.
L’objectif reste le même : que le prix payé par le consommateur ne se dilue pas dans les marges arrières, mais remonte jusqu’à la ferme, et que les efforts fournis par les producteurs ne soient pas écrasés dans une compétition commerciale absurde.
Des avancées ont été obtenues, mais elles sont encore fragiles, et parfois contournées. Alors que les producteurs justifient chaque centime, les industriels et les distributeurs le font beaucoup moins ; les centrales d’achat se délocalisent pour échapper au cadre législatif ; les tensions commerciales demeurent vives.
C’est dans ce contexte que s’inscrit cette proposition de loi qui vise à prolonger les outils les plus protecteurs, à commencer par le SRP + 10, qui n’équivaut pas, je le rappelle, à une augmentation de 10 % des prix. Sa suppression aurait fait courir un grand risque, car sans lui, la guerre des prix reviendrait et ce seraient les producteurs qui en pâtiraient. Son maintien jusqu’en 2028 offre un temps utile pour stabiliser le dispositif, en évaluer l’impact réel et garantir que la valeur créée remonte bien jusqu’à l’agriculteur. Car, non, madame Hignet, il ne s’agit pas seulement d’un ruissellement du prix : il faut surtout éviter un ruissellement de la pression jusqu’à l’agriculteur.
Il y a un point dans ce texte qui n’était pas acquis et que j’ai défendu avec constance : le relèvement du plafond promotionnel sur les produits DPH. C’est une mesure de bon sens, mais aussi une mesure pratique. Elle n’affaiblit pas la loi, elle renforce sa cohérence.
Avant-hier encore, un article paru dans Les Échos titrait au sujet des acteurs hollandais et danois du hard-discount : « Comment Action et Normal ont profité de la fin des supers promos sur les produits d’hygiène et d’entretien ». Tout est dit. Depuis que les promotions sur les produits d’hygiène ou d’entretien sont plafonnées à 34 %, ce sont les enseignes de hard-discount qui sont avantagées, pendant que les grandes surfaces dans nos territoires perdent en attractivité. Les discounters gagnent des parts de marché là où la loi s’applique mal, voire pas du tout.
Pourquoi ? Parce qu’ils ne fonctionnent pas sur le même modèle : ils ne font pas de promotions spectaculaires, ils n’ont pas d’obligations résultant de conventions commerciales complexes et, surtout, ils proposent constamment des prix bas sur des produits à rotation rapide, souvent sans marque ou hors des standards de la grande distribution. Par conséquent, ils ne sont pas concernés de la même manière par les lois Egalim. Cela crée une distorsion de concurrence évidente !
Certaines enseignes de discount, comme Action, proposent des produits d’hygiène à des prix sensiblement inférieurs à ceux constatés en grande distribution, sans recourir aux mécanismes promotionnels encadrés par la loi. C’est non une question de stratégie, mais la conséquence directe du déséquilibre réglementaire. J’ai voulu redonner de la respiration, sans pour autant ouvrir la porte au dumping.
Dans un contexte où le pouvoir d’achat reste un sujet central, il me semble essentiel que les Français puissent continuer à acheter leurs produits d’hygiène à un prix juste dans les magasins de leur territoire, pas uniquement sur des plateformes numériques ou dans des enseignes étrangères.
Tout cela découle directement de notre encadrement déconnecté de la réalité des usages et des modes de consommation. En CMP, j’ai soutenu une mesure pour offrir un peu d’oxygène à la distribution classique et répondre à l’enjeu du pouvoir d’achat – sans toucher à l’encadrement sur l’alimentaire, sans affaiblir la dimension agricole de la loi et sans fragiliser les industriels. Ce n’était pas acquis d’avance, les sénateurs s’y opposaient.
Cette mesure n’est pas une faveur, mais une condition de l’efficacité économique. Elle permet de restaurer une forme d’équité entre circuits de distribution, de maintenir l’attractivité des points de vente qui font vivre des milliers d’emplois et, surtout, de concilier pouvoir d’achat et respect des filières.
Je salue le travail exigeant mené par la CMP, en particulier son rapporteur Stéphane Travert. Si nous avons abouti à cet accord, c’est parce que nous avons accepté de regarder en face les limites du cadre existant. Ce texte apporte les corrections, les clarifications et les prolongements nécessaires : il prolonge le SRP + 10, il renforce les obligations de transparence, il instaure des sanctions plus lisibles, il ajuste l’encadrement des promotions là où il était devenu contreproductif. Cette dernière mesure, en relevant le niveau des promotions de 34 % à 40 %, redonne du pouvoir d’achat aux Français.
Collègues du Rassemblement national, je vous le dis avec beaucoup de bienveillance : vous n’avez pas défendu le pouvoir d’achat de nos compatriotes.
M. Emeric Salmon
N’importe quoi !
M. Julien Dive
Vous n’avez pas pris la parole en ce sens…
M. Robert Le Bourgeois
Mensonge !
M. Julien Dive
…et les amendements que vous avez défendus étaient ceux de Michel-Édouard Leclerc.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Joli !
Mme Julie Lechanteux
Vous êtes déjà à court d’arguments ?
M. Robert Le Bourgeois
Ce n’est pas sérieux !
M. Julien Dive
Nous voterons pour une meilleure création et une meilleure redistribution de la valeur, soit la poursuite de l’objectif initial d’Egalim. Nous répondrions ainsi à une réalité économique, sans brutalité et sans déréglementation. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
Avant de donner la parole aux derniers orateurs inscrits, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public sur la proposition de loi, telle qu’elle résulte du texte de la commission mixte paritaire.
Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Boris Tavernier.
M. Boris Tavernier
Le ruissellement ? En matière de politique fiscale, c’est prouvé que ça ne marche pas. Mais fonctionne-t-il pour rémunérer les agriculteurs ? Il est permis d’en douter ; en tout cas, aucune étude ne le prouve.
Le ruissellement vers les agriculteurs, c’était pourtant le motif initial, l’intuition à l’origine de la mise en place du SRP + 10, mesure que l’on nous propose de prolonger de trois ans, alors qu’elle s’applique déjà depuis presque sept ans – sept années pendant lesquelles nous avons demandé à la grande distribution de réaliser au minimum 10 % de marge sur les produits qu’elle vend, sept années pendant lesquelles nous avons espéré que le pactole issu de ce surplus de marges remonte la chaîne jusqu’aux agriculteurs, sept années pendant lesquelles nous nous sommes peut-être trompés, mais nous ne pouvons pas le savoir, par manque de données.
Alors si, de toute évidence, ce seuil de revente à perte n’a pas permis de mieux rémunérer les paysans, peut-être a-t-il permis d’en finir avec la guerre des prix – cette guerre des prix qui vient détruire la valeur de notre alimentation, cette guerre des prix qui met en danger tout un tissu de petites entreprises de transformation alimentaire, cette guerre des prix qui, en réalité, n’offre aucunement une alimentation de qualité accessible à tous nos concitoyens, et qui ne sert qu’un objectif : conquérir des parts de marché ; cette guerre des prix qui tyrannise et met sous tension toute la chaîne en amont jusqu’aux agriculteurs.
Nous en sommes donc rendus à faire un cadeau à la grande distribution, en espérant qu’elle se montre plus clémente avec ses fournisseurs, un cadeau que nous faisons payer – même modestement – aux consommateurs. Quelle honte ! Quelle capitulation face aux géants du système alimentaire !
M. Sébastien Delogu
Scandaleux !
M. Boris Tavernier
En réalité, l’examen du SRP + 10 révèle l’injustice d’un système alimentaire dominé non pas par les millions de mangeurs, non pas par les centaines de milliers d’agriculteurs, encore moins par les milliers de PME de transformation alimentaire, mais par ceux qui sont le moins nombreux. Ceux qui décident, ce sont les quelques multinationales de l’industrie agroalimentaire, mais surtout, ceux qui décident, ce sont les géants de la grande distribution.
À l’injustice du système alimentaire, ce texte oppose surtout notre impuissance. Sommes-nous devenus faibles au point de laisser la grande distribution décider de la politique publique ? Sommes-nous devenus faibles au point d’attendre un geste bienveillant de la grande distribution envers ses fournisseurs, jusqu’aux agriculteurs ? Sommes-nous devenus faibles au point d’espérer que la grande distribution façonne notre politique alimentaire ? Je ne peux y croire, mais face à cet oligopole et à ces enjeux, il faut nous réarmer. (Brouhaha.)
M. le président
Chers collègues, je vous invite à écouter l’orateur.
Mme Marie Pochon
Merci !
M. Boris Tavernier
Cette proposition de loi aurait pu en être l’occasion. Ça avait bien commencé. Lors de son passage à l’Assemblée nationale, nous avons examiné et même adopté des mesures allant dans ce sens. Elles ont malheureusement été balayées au Sénat et n’ont pas été suffisamment retenues en CMP.
Quelles étaient ces armes pour répliquer à la domination de la grande distribution ? Quels étaient les outils pour reprendre en main notre politique alimentaire et remettre un peu de justice dans notre assiette ?
Le premier, c’est l’encadrement des marges. Puisque nous demandons par cette proposition loi de réaliser une marge minimum afin de protéger les fournisseurs, pourquoi ne pas leur imposer une marge maximum pour protéger les consommateurs ? Cette proposition de loi ne propose pas d’encadrement des marges.
Le second, c’est la transparence sur les marges. (Brouhaha.) Un système alimentaire opaque est un système alimentaire injuste,…
M. le président
Chers collègues, je vous demande de respecter l’orateur et de l’écouter.
M. Frédéric Falcon
Oh, ça va !
M. Boris Tavernier
…où ce sont les plus puissants qui dictent les règles, qui font les prix, qui décident ce qu’il y aura dans les rayons et donc dans notre assiette.
Mme Marie Pochon
Eh oui !
M. Boris Tavernier
C’est pourquoi nous devons exiger davantage de transparence. Nous avions voté en ce sens, mais en bout de chemin, après un passage au Sénat et en CMP, il n’en reste plus rien.
Pourtant, sans transparence sur les marges, nous n’avancerons jamais efficacement sur les enjeux d’accès à l’alimentation et de rémunération des producteurs. C’est pourquoi le groupe Écologiste et social s’abstiendra sur ce texte.
Seul point de réjouissance : l’adoption d’un régime de sanctions alourdi contre la grande distribution. Celle-ci n’est pas au-dessus des lois. Elle doit rendre des comptes sur ce qu’elle a fait du SRP + 10, c’est-à-dire de l’argent des consommateurs. Pour rappel, il devait remonter la chaîne jusqu’aux agriculteurs ; la grande distribution ne devait pas le garder dans ses poches.
Alors que 45 % des Français sont contraints de se restreindre sur leur alimentation, alors que dans notre pays, un adulte sur deux et près d’un enfant sur cinq sont en surpoids, alors que près d’un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, malgré une charge de travail très lourde, nous nous montrons incapables de progresser vers un système alimentaire plus juste et de faire en sorte que les Français puissent mieux manger. Cela durera tant que la France ne fera pas de l’alimentation un droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. Sébastien Peytavie
Excellent !
M. Damien Girard
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Richard Ramos. Dernier orateur inscrit, je vous invite à l’écouter avec respect.
M. Richard Ramos
Avec un nom pareil, on aurait pu penser que le SRP + 10 était un produit bancaire, mais c’est loin d’être le cas. Le SRP + 10 touche à l’essentiel : manger.
Quelles que soient les lois qu’on fait ici, on doit protéger ceux qui nous font manger. On doit protéger nos agriculteurs, ces paysans qui se lèvent le matin pour produire des denrées saines, sûres et accessibles à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
On doit également protéger l’ensemble des PME de l’agrobusiness, qui, elles, fabriquent des produits français avec des savoir-faire français. Au moment où les États-Unis nous imposent d’importantes taxes douanières, il faut protéger l’industrie agroalimentaire française. Il faut aussi la protéger de la grande distribution, qui trop souvent écrase les paysans et les industriels dans les boxes de négociation. (M. Philippe Vigier applaudit).
Le SRP + 10 ne fera pas ruisseler à coup sûr plus d’argent jusqu’aux cours des fermes, mais les paysans et les industriels nous ont dit qu’avec sa disparition, ils se feraient davantage étriller dans les boxes de négociation. Seul le Rassemblement national, allié de Michel-Édouard Leclerc, a œuvré à son retrait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Robert Le Bourgeois
Oh !
M. Alexandre Dufosset
Menteur !
M. Richard Ramos
Je remercie l’ensemble des groupes – LFI, les communistes, les socialistes ou les écologistes – d’avoir fait face ensemble pour défendre l’agriculture et l’industrie française. Merci à eux !
Au nom du groupe Démocrates, je tiens à dire qu’on aurait préféré exclure les dispositions relatives aux shampooings – je reprends ici les mots du président Fesneau –, qui n’ont rien à faire dans un texte relatif à l’activité agricole, pour mieux défendre les agriculteurs !
Avec vous tous, nous voterons évidemment ce texte. Vive l’agriculture française et vive l’agro-industrie française ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR et SOC.)
M. Alexandre Dufosset
Menteur !
M. le président
La discussion générale est close.
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 496
Nombre de suffrages exprimés 453
Majorité absolue 227
Pour l’adoption 284
Contre 169
(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président
La séance est reprise.
3. Mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à réformer le mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (nos 451, 1247 rectifié).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 96 portant article additionnel après l’article 1er.
Après l’article 1er
M. le président
L’amendement no 96 de Mme Blandine Brocard n’est pas défendu.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir les amendements nos 52 et 49, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Emmanuel Grégoire
Alors que nous nous engageons dans de longues heures de débat, je voudrais insister sur le fait que nous avons terminé nos travaux à minuit lundi. Nous en avons fait autant hier soir et nous en ferons autant ce soir, demain et vendredi.
M. Emeric Salmon
Et samedi !
M. Emmanuel Grégoire
Dans l’exposé sommaire de l’amendement no 62 rectifié, qui a été débattu hier soir et qui visait à instaurer des dispositions spécifiques à la ville de Lyon, on lisait noir sur blanc que la réforme pouvait être considérée comme inconstitutionnelle.
Pensez-vous vraiment utile que la représentation nationale passe tant d’heures à discuter d’un texte considéré comme inconstitutionnel par le gouvernement et le rapporteur ? Je m’interroge et interroge le ministre sur le maintien de ce texte : nous avons certainement mieux à faire.
M. le président
Peut-on considérer que vous avez défendu les deux amendements ?
M. Emmanuel Grégoire
Oui, monsieur le président.
M. le président
Je vous remercie.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Hier soir, nous avons débattu et avons même réussi à adopter l’article 1er. Continuons à débattre et voyons plus tard si la loi est reconnue comme inconstitutionnelle – ce n’est pas le sujet qui nous occupe à l’instant.
Vous voulez qu’on arrête notre discussion, mais nous ne le ferons pas, car ici, des députés considèrent que le texte va dans le bon sens.
M. Emmanuel Grégoire
Pas vous !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Notre avis est défavorable sur les deux amendements.
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Nous avons échangé avec la présidente de l’Assemblée, avec le bureau et l’ensemble d’entre vous, au sujet de l’organisation des débats. On le sait, c’est un mois particulier, puisque le gouvernement ne peut fixer l’ordre du jour que d’une de ses semaines. Je mesure les efforts que l’ensemble de la représentation nationale consacre à l’examen des textes inscrits par le gouvernement et je l’en remercie.
Je me suis déjà exprimé sur la constitutionnalité de la proposition de loi. C’est bien parce que Paris, Lyon et Marseille disposent d’arrondissements qu’un mode de scrutin spécifique, validé à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel, y est en vigueur. Ce mode de scrutin peut donc être réformé aujourd’hui.
L’avis du gouvernement est défavorable.
(Les amendements nos 52 et 49, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Article 1er bis
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Nous l’avons déjà dit hier, mais j’ai l’impression que les jours se suivent et se ressemblent dans cet hémicycle. Avec tout le respect que je lui dois, il me semble que le ministre des relations avec le parlement n’est pas le meilleur interlocuteur des députés au sujet d’une loi tendant à modifier le mode de scrutin dans trois villes.
Il aurait été plus judicieux que le ministre des relations avec les collectivités locales – nous parlons justement de trois d’entre elles – soit présent pour éclairer nos débats, ainsi que le ministre de l’intérieur ou le ministre délégué auprès de celui-ci, originaire de la région lyonnaise et chargé des élections. Sa participation aurait certainement été précieuse pour les députés.
Une nouvelle fois et avant de le répéter pendant la suite de la discussion, nous demandons le retrait de ce texte ou l’exclusion des villes de Paris et de Lyon de son champ d’application. Il nous semble inopportun et nous souhaiterions disposer d’un temps plus long pour discuter des propositions, des amendements et des demandes de rapports.
Hier, nous avons constaté les efforts de M. le rapporteur – dont je salue l’écoute et le travail – pour sortir la ville de Lyon du champ d’application de ce texte. À cette fin, il a défendu un amendement que le bloc central, le Rassemblement national et LFI ont rejeté. Quel drôle de mariage tout de même ! (M. Aurélien Le Coq s’exclame.)
Excluons Paris et Lyon du champ d’application de cette proposition de loi, dont nous autres, élus locaux, ne voulons pas.
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 19 et 82, tendant à supprimer l’article 1er bis.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Emmanuel Grégoire
L’article 1er bis traite de nombreux sujets et je n’aurai pas le temps de tous les aborder. Je reviendrai sur l’un d’entre eux, que nous n’avons que survolé hier malgré son importance : le procès fait au mode de scrutin en vigueur.
Hier, nous avons démontré qu’il n’était en rien défavorable aux oppositions, qui bénéficient plutôt de l’amortissement par les arrondissements de la prime majoritaire. Je ne comprends pas que le législateur soit saisi d’un problème spécifique à Paris, Lyon et Marseille, sur la foi d’arguments qui seraient bien plus percutants et pertinents s’ils étaient appliqués aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Le scandale en France, c’est bien la mauvaise représentation au niveau des intercommunalités ! Beaucoup de villes centres sont démographiquement écrasées par leur intercommunalité, mais les modes de scrutin que vous voulez changer ne présentent pas ce biais !
Monsieur le rapporteur, je mesure la délicatesse de l’exercice auquel vous vous pliez, mais vous avez vous-même écrit que l’adoption de l’amendement que vous avez signé était indispensable pour éviter que la proposition de loi soit frappée d’inconstitutionnalité. Quelle cohérence y aurait-il à poursuivre pendant des heures nos débats, alors que vous avez reconnu ce risque par écrit ? Nos discussions nous font perdre du temps et nous en font même gâcher, compte tenu des circonstances dans lesquelles se trouve notre pays !
M. le président
La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 82.
M. Olivier Marleix
J’aimerais connaître l’analyse du rapporteur – précieuse à mes yeux – quant aux conséquences possibles de cette réforme sur les élections sénatoriales : puisque les conseillers municipaux composent aussi le collège électoral du Sénat, tripatouiller le mode d’élection des premiers revient à tripatouiller le second.
La prime majoritaire de 25 % aura une incidence sur la désignation des délégués des conseils municipaux qui composent ce collège, avec un effet multiplicateur important puisque, dans les villes concernées, des délégués supplémentaires sont désignés à la proportionnelle – 1 pour 800 habitants au-delà de 30 000 habitants. Dans les autres grandes villes, comme Toulouse, la prime de 50 % continuera de s’appliquer. La composition du collège électoral sénatorial obéira donc à des règles sensiblement différentes d’un département à l’autre. Ce bricolage pose problème eu égard au principe constitutionnel d’égalité – ce n’est pas un petit sujet car les départements dont nous parlons élisent de nombreux sénateurs.
M. le président
Sur l’article 1er bis, je suis saisi par les groupes Ensemble pour la République et Horizons & indépendants de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
L’article, je le rappelle, contient des dispositions relatives au fléchage des membres du Conseil de Paris et du conseil municipal de Marseille pour siéger à la métropole. Supprimer cet article reviendrait à entretenir un flou juridique. S’agissant des grands électeurs, nous ne touchons à rien.
M. Olivier Marleix
Si, au collège électoral sénatorial !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Ce n’est pas le sujet du texte, je suis désolé.
M. Olivier Marleix
Cela ne répond pas à ma question !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Mon avis ne concerne que les amendements de suppression de l’article, et il est défavorable.
M. Olivier Marleix
Le Conseil constitutionnel ne sera pas très éclairé par votre réponse !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Cet article est indispensable, car les métropoles de Paris et de Marseille sont des EPCI. À ce titre, seul le conseil municipal central a le statut de commune : c’est donc à l’intérieur de celui-ci que doivent être désignés les élus qui siégeront dans les futurs conseils métropolitains.
Monsieur Marleix, votre exposé sommaire indique que votre amendement vise purement et simplement à supprimer cette réforme… Avis défavorable.
Puisque nous sommes dans Un Jour sans fin, je répéterai ce que je disais hier. Monsieur Grégoire, madame Runel, j’ai bien compris que vous étiez très déçus de voir le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement au banc, mais rassurez-vous : mes services ont travaillé avec ceux du ministère de l’intérieur et du ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation afin de conférer une grande robustesse juridique au texte, de sorte que son examen se passe bien. Je sais bien qu’il ne s’agissait pas d’une critique ad personam…
Mme Sandrine Runel
Cela n’avait en effet rien de personnel !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je ne le prends pas ainsi. Je rappelle simplement que je suis également chargé du renouveau démocratique. Or vous proposiez que nous retirions ce texte. Le gouvernement décline donc cette proposition par la voix de son ministre du renouveau démocratique, très attaché à ce que les députés puissent exercer leur premier droit, celui de voter la loi.
M. Aurélien Le Coq
Pensez-y pour le prochain budget !
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Monsieur Marleix, j’ai bien compris que le mode d’élection des sénateurs était votre principale préoccupation, puisque c’est la dernière chambre où votre groupe politique exerce une quelconque influence et que ce mode de scrutin n’y est pas pour rien !
M. Olivier Marleix
Non, je pose simplement une question de droit !
M. Bastien Lachaud
Rassurez-vous cependant : le vote, lundi, des deux textes visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales dans 70 % des communes a permis d’une certaine manière d’homogénéiser la situation. La prime majoritaire de 50 % s’appliquera désormais partout, même si nous modifions aujourd’hui légèrement les choses dans l’autre sens pour les trois villes où la prime ne serait que de 25 %.
M. Olivier Marleix
Le zélé défenseur de M. Maillard se trouve donc chez LFI !
M. Sylvain Maillard
Il a touché une corde sensible, semble-t-il !
M. Bastien Lachaud
Le collège électoral du Sénat sera désormais beaucoup plus homogène du fait du vote – regrettable ! – de lundi.
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, à qui nous souhaitons un bon anniversaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Léa Balage El Mariky
Merci, monsieur le président ! Mon intervention n’avait pas d’autre but. (Sourires.)
Ce nouveau fléchage pour l’élection des conseillers métropolitains entraînera en réalité une distorsion au carré : une première distorsion due au découplage entre l’élection des conseillers d’arrondissement et des conseillers municipaux ; une seconde due à ce mode de désignation des conseillers métropolitains.
À Paris, que je connais bien, comme à Marseille, la métropole et les conseils municipaux partagent des compétences importantes ; des équipements de la ville sont ainsi financés grâce aux levées de fonds opérées par les métropoles. Si ce texte était voté, nous pourrions avoir désormais affaire à des élus déconnectés des besoins des citoyens, incapables de servir de relais parce qu’ils ne siégeront pas dans ces instances.
Je rejoins les propos de mon collègue Emmanuel Grégoire : au-delà de la question de la constitutionnalité du texte, nous n’avons pas bien mesuré l’ensemble des effets de bord qu’il induit, pour ce qui concerne notamment les compétences des collectivités, alors même qu’il s’agit pour elles d’un enjeu essentiel. (Mme Marie Pochon, Mme Sandrine Runel et M. Stéphane Peu applaudissent.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 82.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 27
Contre 96
(Les amendements identiques nos 19 et 82 ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 63 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 63, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 1er bis, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 130
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 97
Contre 27
(L’article 1er bis, amendé, est adopté.)
Après l’article 1er bis
M. le président
La parole est à M. Laurent Lhardit, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Laurent Lhardit
Il visait à pallier une difficulté propre à Marseille, dont le conseil municipal comprend 101 membres alors que la commune dispose de 102 représentants au sein de la métropole. Je le retire cependant car les amendements suivants résolvent plus sûrement cette difficulté.
(L’amendement no 11 est retiré.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 61 et 64.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 61.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Comme l’a rappelé M. Lhardit, il faut adapter le nombre de conseillers municipaux de la ville de Marseille afin qu’il soit adéquat au nombre de ses représentants au sein du conseil métropolitain : nous proposons qu’ils soient non plus 101, mais 111.
M. le président
L’amendement no 64 de M. le rapporteur est défendu.
(Les amendements identiques nos 61 et 64 sont adoptés.)
Article 2
M. le président
Sur les amendements identiques nos 13, 20 et 75, je suis saisi par les groupes Ensemble pour la République et Socialistes et apparentés de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 13, tendant à supprimer l’article.
Mme Sandrine Runel
L’article 2 procède à la modification des tableaux annexés au code électoral. L’objectif est le même qu’à l’article 1er, dont nous demandions aussi la suppression : faire en sorte que cette proposition de loi ne s’applique ni à Lyon ni à Paris.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 20.
M. Emmanuel Grégoire
Il s’agit de rendre ce texte conforme à l’avis d’une majorité d’entre nous et conforme à la Constitution. Le rapporteur l’a dit : maintenir Lyon dans le texte fait courir un risque quasi certain d’inconstitutionnalité. Je propose que nous étendions le même principe de précaution à Paris et que la réforme ne concerne plus que Marseille, comme il se doit. Nous ne parlerions alors plus, avec le rapporteur, d’une loi « PM », mais d’une belle loi « M ».
Monsieur le rapporteur, vu ce que vous avez dit hier et écrit dans vos amendements, je serais très surpris que vous ne souteniez pas les nôtres.
M. le président
La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 75.
M. Olivier Marleix
Chaque article est l’occasion d’un émerveillement juridique face aux innovations des auteurs de la proposition de loi.
Pour la première fois dans notre histoire, nous pourrions élire au suffrage universel direct des membres d’une instance qui ne sera pas une collectivité locale et qui ne correspondra pas non plus à une circonscription électorale. Les arrondissements de Lyon, Paris ou Marseille sont aujourd’hui des circonscriptions électorales, ce qu’ils ne seraient plus demain. C’est du grand n’importe quoi, cela témoigne d’une grande improvisation ! Une fois de plus, monsieur Maillard, il est regrettable que vous vous soyez opposé à ce que le Conseil d’État rende un avis, car il nous aurait été très utile pour mesurer votre créativité.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
L’art de la répétition… On a compris que vous étiez opposés au texte, en l’espèce à son article 2. Vos amendements ont au moins la vertu de la constance. J’émettrai un avis défavorable à la suppression de cet article qui porte sur la répartition des sièges dans chaque conseil d’arrondissement.
Les arrondissements ne sont pas une personnalité morale, aujourd’hui, que je sache ! Certains usages sont consacrés – il me semble d’ailleurs que le Conseil de Paris les a fixés dans un règlement très bien fait.
M. Emmanuel Grégoire
Qui fonctionne très bien.
Mme Sandrine Runel
Surtout, ne changeons rien !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Les arrondissements n’ont pas de consistance juridique, donc nous n’innovons pas…
M. Olivier Marleix
Mais si !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Nous ne faisons que procéder aux adaptations nécessaires. J’ai d’ailleurs déposé un amendement pour ajuster le nombre de conseillers en fonction de la population.
M. Olivier Marleix
C’est n’importe quoi !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je rejoins l’avis du rapporteur, je ne saurais mieux dire. L’existence des arrondissements sous leur forme actuelle est même confirmée, puisqu’une élection se déroulera dans l’arrondissement et une autre dans la mairie centrale.
J’en profite pour répondre à la question portant sur la constitutionnalité du texte : le risque d’inconstitutionnalité évoqué hier par le rapporteur et moi-même concernait Lyon, car la métropole a été créée par la loi Maptam du 27 janvier 2014.
Mme Sandrine Runel
Il y a dix ans, tout de même !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Or le mode de scrutin n’y est pas adaptable de la même manière et dans les mêmes conditions.
Quant aux compétences, madame Balage El Mariky, elles ne relèvent pas des lois électorales ou des textes qui portent sur le code électoral, mais d’autres types de véhicules législatifs. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky
C’est précisément parce que nous avons pris le sujet dans le mauvais sens que nous nous retrouvons dans cette situation : si l’on veut réellement savoir ce qui se joue dans ces collectivités territoriales, se montrer sérieux, voire respectueux du travail des élus locaux, il faut d’abord s’intéresser aux compétences, puis choisir le mode de scrutin adéquat.
Cette proposition de loi fait l’inverse, et se termine à l’article 5 par une demande de rapport – nous y reviendrons –, dont la temporalité fait planer un doute sur le sérieux de la démarche : ce rapport pourrait être remis pendant les élections municipales, alors que les élus seront en campagne !
Tout cela est vraiment mal ficelé. Comme me le disait une ancienne collègue : c’est « nifnaf », ni fait ni à faire ! (Mme Marie Pochon applaudit.) Voilà une expression qui résume bien ce texte ; mieux vaudrait y surseoir.
Je soutiens les amendements visant à supprimer l’article 2 qui, lui aussi, est nifnaf. Les trois tableaux ont été adoptés en commission et nous nous apprêtons à les modifier sans nous appuyer sur les données démographiques pertinentes, en particulier dans le cas de Lyon. Cela ne peut donner lieu qu’à des propositions alambiquées.
Cessons de modifier des dispositifs qui ont le mérite d’être stables et de bien fonctionner. Il n’y a aucune raison de les désorganiser alors qu’ils permettent aux élus d’agir pour le bien des citoyennes et des citoyens qui les ont choisis. (Mme Marie Pochon, Mme Sandrine Runel et M. Emmanuel Grégoire applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier Marleix
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas dire que le texte ne change rien pour les arrondissements. S’ils ne sont évidemment pas des collectivités territoriales, ils sont des circonscriptions électorales qui permettent l’élection au Conseil de Paris et au conseil municipal de Lyon ou de Marseille. Les auteurs de la proposition de loi reprochent au système électoral actuel de comporter deux degrés, mais leur texte fera perdre aux arrondissements leur qualité de circonscription électorale : les arrondissements ne seront plus rien !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
C’est déjà le cas !
M. Olivier Marleix
On élira ainsi au suffrage universel des conseillers destinés à siéger dans une instance non définie par la loi et dépourvue de statut juridique ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Mme Léa Balage El Mariky
Il a raison !
M. Olivier Marleix
Répondez à la question, monsieur le ministre, puisque vous faites non de la tête : quel sera, à Paris ou à Marseille, le statut juridique d’un arrondissement ou d’un secteur après l’entrée en vigueur de ce texte ?
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 13, 20 et 75.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 132
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 29
Contre 103
(Les amendements identiques nos 13, 20 et 75 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 14.
M. Emmanuel Grégoire
Je suis mécontent, monsieur le président. Non pas parce que nos longs débats vont nous priver du match entre le PSG et Aston Villa – bon courage au Paris Saint-Germain !–,…
M. Pierrick Courbon
Il a raison !
M. Emmanuel Grégoire
…mais parce que vous avez refusé de me donner la parole sur l’amendement précédent. Or j’ai le droit de m’exprimer sur un amendement, quand bien même je n’en serais pas l’auteur.
Je souhaiterais revenir sur un point qui a été survolé : nous créons une monstruosité juridique. En effet, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, nous allons créer, pour un même bloc de compétences, deux assemblées délibérantes, deux niveaux de légitimité !
M. Olivier Marleix
Il faut bien ça pour faire élire Maillard !
M. Emmanuel Grégoire
Cela n’a jamais existé. Je rappelle que ce bloc de compétences n’est pas le même dans les trois villes : à Paris, il inclut les compétences communales, intercommunales et départementales, tandis qu’à Lyon et Marseille, il comprend uniquement les compétences communales. Qu’est-ce qui justifie de créer, pour un bloc de compétences unique, deux assemblées délibérantes, qui connaîtront inévitablement des conflits de légitimité ? Comment ces derniers seront-ils tranchés ?
M. Olivier Marleix
On aimerait connaître le nom des juristes qui ont travaillé avec M. Maillard là-dessus ! C’est Richard Ferrand ? (Sourires.)
M. Emmanuel Grégoire
Enfin, s’agissant de la personnalité morale, monsieur le rapporteur, c’est un débat d’esthètes et de spécialistes mais, comme je l’ai dit hier, les mairies d’arrondissement existent, et depuis longtemps : 1795 ! Je vous rappelle un fait élémentaire, que beaucoup d’entre vous connaissent : la seule mairie que les Parisiennes et les Parisiens fréquentent dans leur vie quotidienne, c’est la mairie d’arrondissement – la mairie centrale n’en étant pas une au sens juridique. C’est dans les mairies d’arrondissement que se déclarent les naissances, les décès et tous les actes de la vie quotidienne. (Mme Léa Balage El Mariky applaudit.)
M. le président
Merci de conclure, vos deux minutes sont écoulées !
M. Emmanuel Grégoire
Je poursuivrai tout à l’heure, monsieur le président, car je n’ai pu être exhaustif.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
J’entends l’argument de M. Grégoire, mais si les arrondissements et leurs mairies sont si importants, que ne s’est-il offusqué, en 2017, de la fusion des quatre premiers arrondissements de Paris en un seul secteur ? Cela a donné lieu à un secteur électoral comprenant quatre arrondissements, quand Marseille compte deux arrondissements par secteur. Avouez que tout cela n’est pas très clair. Je ne vois pas en quoi la réforme proposée modifie l’état du droit.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Ce que dit M. Lachaud prouve que le système actuel est démocratique et très surveillé. Qu’est-ce qui a présidé à la création du secteur Paris Centre ?
M. Bastien Lachaud
Une loi !
M. Emmanuel Grégoire
Une loi certes, mais demandée par le Conseil constitutionnel ! En 1860, juste après la création des arrondissements parisiens actuels, le 1er arrondissement était le plus peuplé, et le 16e arrondissement le moins peuplé. Au gré de l’histoire, le 1er arrondissement est devenu le moins peuplé de Paris, ce qui a poussé le Conseil constitutionnel à décider que la démographie de cet arrondissement ne justifiait plus qu’il désigne un conseiller de Paris. Le Conseil constitutionnel a toujours veillé à ce que l’écart maximum à la moyenne de représentation sur un territoire donné soit de 20 %. C’est la raison pour laquelle le nombre de conseillers de Paris a été régulièrement révisé – ce qui n’a pas été le cas, j’en conviens, à Lyon et à Marseille.
La création de Paris Centre a précisément eu pour but de respecter la représentation démographique des habitants des arrondissements de Paris. Elle constitue donc un bon argument en notre faveur : le système actuel est beaucoup plus démocratique et ce qui vous conduit à penser différemment, monsieur Lachaud, c’est que vous n’arrivez pas à vous y faire élire.
(L’amendement no 14 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’article 2, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements, nos 92, 1 et 42, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 92.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Cet amendement vise à rétablir dans le tableau no 3 annexé au code électoral une répartition par secteur du nombre de conseillers d’arrondissement à élire, comme le prévoyait la version initiale de la proposition de loi. Si l’instauration d’un scrutin de liste à l’échelle communale pour Paris et Marseille rend obsolète de fixer par secteur le nombre de conseillers municipaux, ce type de répartition demeure indispensable s’agissant des conseillers d’arrondissement, qui continueront d’être élus dans le cadre de secteurs géographiques distincts.
Par ailleurs, il est essentiel de prendre en compte l’évolution démographique dans cette répartition. C’est pourquoi cet amendement tend à actualiser la répartition des conseillers par secteur en se fondant sur les dernières données publiées par l’Insee, arrêtées au 1er janvier 2025. Cette actualisation est réalisée, comme c’est l’usage, selon la méthode de la plus forte moyenne.
Cet amendement technique et de bon sens apparaît nécessaire pour garantir une représentation équilibrée et conforme aux réalités démographiques des arrondissements de Paris, Lyon et Marseille. Je ne doute pas que, dans le cadre de la navette, les sénateurs souhaiteront retoucher cette répartition.
M. le président
L’amendement no 1 de M. Gabriel Amard est défendu.
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour soutenir l’amendement no 42.
Mme Léa Balage El Mariky
Combien de versions de ces tableaux n’avons-nous pas connues entre la commission et la séance ! La proposition de mettre à jour la répartition des conseillers d’arrondissement à l’approche des scrutins – qui se tiendront en 2026 et en 2032 – n’en reste pas moins bienvenue et souhaitée par les élus locaux.
Cet amendement vise à rééquilibrer la représentation des différents arrondissements de Lyon. Je souhaite qu’un travail soit conduit avec les élus concernés. En effet, les élus d’arrondissement, qui sont en train de rédiger leur bilan, de préparer leur campagne et leur candidature, sont les grands absents de nos discussions.
M. Emeric Salmon
Cela ne vous a pas dérangés pour les petites communes !
Mme Léa Balage El Mariky
Ils vont se trouver engagés dans des scrutins subalternes, à l’issue desquels ils n’auront même plus la certitude d’être représentés dans les conseils municipaux. Nous soutenons l’amendement no 92 du rapporteur. Cependant, il serait bon de prendre le temps d’évaluer, avec les conseillers d’arrondissement, leur charge de travail, afin d’envisager une réforme de leur statut pour les prochaines échéances électorales.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements nos 1 et 42 en discussion commune ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Demande de retrait, au profit de mon amendement no 92 ; à défaut, avis défavorable.
Je ne prétends pas détenir la vérité absolue, mais mon amendement se veut le plus objectif possible en fonction de l’évolution des populations. J’avais déposé un amendement de réécriture à l’article 1er, qui prévoyait une actualisation de la répartition des sièges six mois avant l’élection ; il a été rejeté, d’où le présent amendement. Il me semble juste et équilibré de tenir compte de l’évolution démographique dans les différents arrondissements ou secteurs.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement sur ces trois amendements en discussion commune ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Ces amendements vont dans le même sens : actualiser la répartition des conseillers d’arrondissement en fonction de l’évolution démographique. Un amendement similaire de Mme Runel avait été adopté en commission. Si Paris a fait l’objet d’une mise à jour, la répartition des sièges de conseillers d’arrondissement date de 1977 à Marseille et de 1982 à Lyon. Il est donc nécessaire de les actualiser. Avis favorable à l’amendement du rapporteur ; je demande le retrait des autres amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
L’amendement du rapporteur est intéressant. Le texte que nous défendons renforce la visibilité des arrondissements, qui forment la structure et le cœur des trois villes concernées.
M. Olivier Marleix
Quel baratin !
M. Sylvain Maillard
Cependant, nous nous abstiendrons sur cet amendement ; non pas que nous contestions la nécessité d’une actualisation mais, comme elle changera beaucoup de choses, il paraît nécessaire d’en discuter avec les élus d’arrondissement au cours de la navette.
Mme Léa Balage El Mariky
C’est bien la première fois que vous prendrez le temps de les consulter !
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous êtes constants, vous aussi, dans votre détermination à défendre une réforme inconstitutionnelle ! Ce texte ne traite de rien : ni des compétences, ni du rôle des élus, ni de leur représentativité. Nous avons heureusement déposé en commission un amendement qui permet de prendre en compte l’évolution démographique, notamment de la ville de Lyon.
Cependant, l’amendement no 92 que vous présentez est à l’image du texte : truffé d’erreurs, sinon de fautes. Son exposé sommaire mentionne « 73 conseillers d’arrondissement » pour la ville de Lyon. Pensez-vous vraiment qu’on puisse gérer une telle ville avec seulement 73 conseillers d’arrondissement ? Vous confondez les conseillers municipaux et les conseillers d’arrondissement !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Vous avez mal lu.
Mme Sandrine Runel
C’est écrit noir sur blanc.
Nous aurons eu beau l’expliquer, vous refusez de voir que ce texte, outre son inconstitutionnalité, pèche par ses erreurs et le manque de réflexion qui a présidé à sa rédaction. Comment peut-on faire adopter un amendement qui évoque « 73 conseillers d’arrondissement » ? Que voulez-vous que nous fassions, à Lyon, avec 73 conseillers d’arrondissement ? C’est un nombre trop faible pour assurer la gestion de la ville, et trop élevé pour faire une équipe de foot. Je vous invite à revoir votre copie.
Vous commettez les mêmes erreurs, monsieur Maillard, s’agissant de Paris. Une nouvelle fois, faites l’effort de prendre nos arguments en considération !
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Nous allons voter l’amendement du rapporteur : il est plus complet que le nôtre et va exactement dans le même sens, en ce qu’il tend à faire coïncider les évolutions démographiques et le nombre de conseillers d’arrondissement. Les citoyens seront représentés par un nombre correct de représentants et la démocratie en sera renforcée.
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky
L’auteur de la proposition de loi – et qui aurait donc dû réfléchir à cette question de la répartition des conseillers d’arrondissement – nous annonce maintenant qu’il a besoin de temps pour en discuter avec les mairies d’arrondissement : c’est tout de même intéressant.
M. Sylvain Maillard
Mais c’est dans le texte, pas besoin de réfléchir ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Léa Balage El Mariky
Il est également intéressant de noter l’incidence de l’amendement du rapporteur sur le texte proposé par M. Maillard. Il tend à faire baisser – un petit peu, mais cela compte peut-être pour vous – le nombre d’élus dans les arrondissements dans lesquels La République en marche (LREM) a fait son moins mauvais score aux élections municipales de 2020. C’est peut-être la raison pour laquelle, monsieur Maillard, vous avez besoin de temps pour consulter vos tableaux Excel ! (M. David Amiel s’exclame.)
M. Sylvain Maillard
Monsieur le président, c’est une mise en cause personnelle !
Mme Léa Balage El Mariky
Demandons donc aux mairies d’arrondissement leur expertise démographique – vous auriez cependant dû le faire avant de déposer la proposition de loi. La démographie, en tout état de cause, n’a pas changé depuis le mois d’octobre 2023.
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je voudrais préciser, à la suite de l’interpellation de la députée Runel, l’origine de cet amendement.
L’amendement no 92 du rapporteur corrige l’amendement CL23 que vous aviez présenté en commission, madame Runel. Cet amendement, soutenu par le gouvernement, procédait des meilleures intentions : actualiser le nombre de conseillers par arrondissement de la ville de Lyon à partir de sa démographie actuelle.
Mme Sandrine Runel
Oui !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Il comportait cependant une erreur de calcul, qui aurait conduit à un nombre erroné de conseillers d’arrondissement – par exemple, à la situation aberrante de n’avoir, dans le 1er arrondissement de Lyon, que quatre conseillers d’arrondissement et seulement 73 conseillers pour l’ensemble de la commune.
Mme Sandrine Runel
Une aberration de plus !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Ce n’est en aucun cas le rapporteur qui a voulu créer 73 conseillers d’arrondissements à Lyon.
Mme Sandrine Runel
D’accord !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Il ne s’agit pas d’une erreur matérielle : seul vaut le corps de l’amendement, avec le nombre actualisé de conseillers d’arrondissement pour Paris, Lyon et Marseille. Je maintiens donc mon propos.
M. le président
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
Mme Balage El Mariky a mis en cause le travail que nous avons fait.
Mme Léa Balage El Mariky
Non, je l’ai questionné !
M. Sylvain Maillard
Nous ne prétendons pas que les tableaux présentés à l’article 2 – nous avions exactement repris les tableaux en vigueur – soient au cœur du texte dont nous débattons, mais nous avons pensé qu’il était opportun de poser la question dans le cadre de la discussion sur le mode de scrutin. Nous avons cependant besoin de temps, puisque nous venons de prendre connaissance de l’amendement.
Mme Sandrine Runel
Nous aussi, nous demandons du temps !
M. Sylvain Maillard
Le travail parlementaire devra suivre son cours : l’idée est intéressante et il nous semble normal de disposer de temps pour pouvoir y travailler, sans calcul ou arrière-pensées.
M. Stéphane Peu
Pas de calcul, bien entendu !
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Si nous avons aussi eu connaissance de l’amendement il y a quelques heures seulement, nous savons néanmoins compter. Il est singulier d’observer que tous les amendements déposés par l’excellent rapporteur Mattei sont repoussés par le socle commun – à l’exception de M. Marleix.
Les tableaux, en accord avec la dynamique démographique, sont plutôt favorables aux arrondissements où la gauche est aux responsabilités : comme par hasard, vous vous abstenez – ce qui est certes toujours mieux que de vous opposer.
M. Sylvain Maillard
Ça n’a rien à voir !
M. Emmanuel Grégoire
J’imagine bien ! Pour une fois, je suis en accord avec un amendement du rapporteur.
(L’amendement no 92 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 1 et 42 tombent.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Lhardit, pour soutenir l’amendement no 94.
M. Laurent Lhardit
Il est retiré.
(L’amendement no 94 est retiré.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 2, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 128
Majorité absolue 65
Pour l’adoption 104
Contre 24
(L’article 2, amendé, est adopté.)
Article 3
M. le président
Sur les amendements identiques nos 15, 16, 36, 60 et 78, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 15, tendant à supprimer l’article.
M. Emmanuel Grégoire
Nous voulons, par ce nouvel amendement de suppression, souligner les incohérences de la proposition de loi. Cet article, en effet, a vocation à corriger les effets pervers du texte : comme vous coupez le lien organique entre les conseils d’arrondissement et le Conseil de Paris, vous vous demandez ensuite comment faire pour qu’un maire d’arrondissement soit assuré de participer au Conseil de Paris.
Laissez en place le système actuel, qui fonctionne très bien :…
M. Sylvain Maillard
C’est faux !
M. Emmanuel Grégoire
…toute tête de liste y a une place centrale – pas nécessairement tout maire d’arrondissement, comme on a pu le voir il y a quelques années quand, à la suite d’une nomination au gouvernement, un conseiller d’arrondissement est devenu maire d’arrondissement, situation que nous avons d’ailleurs été un certain nombre à trouver inconfortable.
Le maire d’arrondissement, par définition, est concerné par tous les sujets qui touchent à son arrondissement. Je dirais même que tous les sujets dont traite le Conseil de Paris ont naturellement une résonance dans chaque arrondissement. Il serait dès lors parfaitement illogique que le maire d’arrondissement se retrouve exclu du Conseil de Paris, dans ce système à deux assemblées délibérantes et à deux niveaux de hiérarchie des normes – système que la proposition de loi ne remet pas en question.
L’article 3 souligne ainsi ce qu’il y a d’ubuesque dans la proposition de loi, qui coupe le lien organique entre le conseil d’arrondissement et le Conseil de Paris. Je vous propose évidemment de renoncer à l’ensemble de la proposition de loi, mais autant commencer par cet article.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 16.
Mme Sandrine Runel
Comme à Paris, les maires d’arrondissement sont, à Lyon, membres du conseil municipal. M. Marleix l’a dit, les arrondissements sont des circonscriptions électorales, des bassins de vie. Les maires d’arrondissement doivent pouvoir siéger au conseil municipal pour y donner leur point de vue, exprimer les projets et les attentes des habitants. Nous demandons la suppression de cet article inopérant.
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour soutenir l’amendement no 36.
Mme Léa Balage El Mariky
Je vais donner une tournure plus concrète à la démonstration commencée par mes deux collègues socialistes.
Nous risquons de nous retrouver avec des conseils municipaux où certains arrondissements ne seront plus représentés. L’article 3 donnera aux maires d’arrondissement un rôle comparable à celui des délégués de classe : ils ont le droit de parler au conseil de classe, sans pouvoir de décision. Le maire d’arrondissement pourra être seulement entendu par le conseil municipal lorsqu’il statuera sur un projet d’équipement ou de politique publique touchant à son arrondissement. Les conseils d’arrondissement pourront toujours émettre des avis et des vœux – mais qui sera là pour les transmettre et les défendre ? Ce délégué d’arrondissement sans aucune prérogative ?
C’est sans méchanceté que je fais la comparaison avec les délégués de classe : vous êtes sans doute nombreux à avoir été délégués, comme moi – c’est peut-être ce qui m’a permis de siéger ici.
Arrêtez en tout cas de masquer par des subterfuges le fait que cette proposition de loi ne relève pas le défi d’une démocratie efficace et de proximité.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 60.
M. Sylvain Maillard
Je suis sûr qu’il a été délégué de classe, lui ! (Sourires.)
M. Stéphane Peu
Nous avons déjà beaucoup commenté la rupture du lien organique entre les conseils d’arrondissement et les conseils municipaux. Nous allons nous retrouver avec deux conseils issus de deux élections : l’un aura été élu, mais sans aucun pouvoir, aucune compétence, aucun budget et aucune capacité fiscale, tandis que l’autre – le conseil municipal – les détiendra tous.
Cet article, bon prince, autorise les futurs maires d’arrondissement à venir s’asseoir dans les tribunes du conseil municipal pour observer ce qu’il s’y passe. (M. Emmanuel Grégoire applaudit.)
M. Sylvain Maillard
Ce n’est pas ça !
M. Stéphane Peu
Ils pourront peut-être opiner du chef ou exprimer leur désapprobation ; ils auront sans doute la parole mais pas le droit de voter – une situation totalement ubuesque. Je n’ai jamais vu une réforme électorale consacrer un mode de scrutin pour élire une instance privée de tout pouvoir, si ce n’est celui d’être spectateur de la décision prise par d’autres.
M. Sylvain Maillard
C’est le mode de scrutin actuel qui veut ça !
M. Stéphane Peu
C’est la négation de la démocratie, dans toute sa splendeur.
M. le président
La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 78.
M. Olivier Marleix
La vraie réforme de ce texte, monsieur Maillard, consiste à tuer les arrondissements, contrairement à ce que vous osez prétendre. L’arrondissement est important parce que c’est une circonscription électorale.
M. Sylvain Maillard
Il est important parce que les gens aiment leur arrondissement !
M. Olivier Marleix
Nous n’avons toujours pas de réponse, à cette heure, sur le futur statut des arrondissements ou des secteurs – ni collectivités locales ni circonscriptions. Si les arrondissements comptent aujourd’hui, c’est parce qu’ils sont le cadre de l’élection des membres du Conseil de Paris ou des conseils municipaux de Lyon et de Marseille. Le maire d’arrondissement – en général tête de liste, même si cela peut changer en cours de mandat – siège avec un nombre de conseillers qui reflète le poids démographique de l’arrondissement. Ainsi, pour le 15e arrondissement, ils sont dix-sept, soit plus de 10 % des membres du Conseil de Paris ; douze d’entre eux sont issus de la majorité, ce qui leur confère un poids considérable pour défendre et représenter l’arrondissement.
Vous allez faire disparaître tout cela. De grands arrondissements n’auront plus aucune garantie de se voir représentés, demain, au Conseil de Paris. Pour éviter que tout lien soit coupé, vous bidouillez un machin et proposez qu’on invite au conseil le maire de ce je-ne-sais-quoi juridique qu’est l’arrondissement, avec un statut d’auditeur libre, qui lui permettra de prendre la parole – pour une durée indéterminée. Vous rendez-vous compte, monsieur Maillard, de ce que vous faites à la démocratie dans notre pays ? (M. Emmanuel Grégoire et Mme Sandrine Runel applaudissent. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Avec ce texte, vous tuez toute proximité – la proximité n’a jamais été, il est vrai, le fort des macronistes. Ces questions auraient mérité qu’on leur consacre un peu plus de temps.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Nous avons bien compris que vous vouliez supprimer l’article 3 par hostilité au texte dans son ensemble. Je le trouve pourtant intéressant, en ce qu’il vient préciser le nouveau mode de fonctionnement.
Quels sont, aujourd’hui, les pouvoirs des maires et des conseils d’arrondissement ? Ils n’ont pas de pouvoir hiérarchique sur le personnel…
M. Emmanuel Grégoire
Ils ont une autorité fonctionnelle !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Ils ont une autorité fonctionnelle, mais pas une autorité hiérarchique. C’est la même chose pour le budget.
Dans ce nouveau mode de fonctionnement, les maires d’arrondissement siégeront également au Conseil de Paris – dans la plupart des cas et sauf anomalie dans l’établissement des listes. La prime de 25 % permettra également une meilleure représentation proportionnelle des oppositions, en évitant l’effet d’écrasement des minorités.
L’élection au suffrage universel des conseillers municipaux des grandes villes comme Paris, Marseille ou Lyon constitue le principe fondamental.
M. Olivier Marleix
C’est honnête !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Ensuite, concernant les arrondissements et leur fonctionnement, on en fera ce que vous voudrez bien en faire ! (M. Stéphane Peu rit.) Mais, pour l’instant, les règles restent inchangées.
Sachez par ailleurs, monsieur Marleix, que les conseils municipaux font l’objet de comptes rendus et que les interventions des maires des arrondissements seront retranscrites.
M. Sylvain Maillard
Bien sûr !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Cela constitue une forme de jurisprudence, garantissant que ces échanges officiels ne restent pas de simples paroles en l’air.
M. Sylvain Maillard
Ils se seront exprimés !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Enfin, comme je le rappelle souvent, un contrat, même excellent, devient mauvais quand on ne veut pas l’appliquer. Nous instituons un cadre, dont le socle est constitué par l’élection démocratique de ces conseillers municipaux.
L’article 3 complète utilement les dispositions déjà approuvées aux articles 1er et 2. Il sera probablement amené à évoluer au fil de la navette parlementaire, mais c’est un bon début. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
S’agissant des arrondissements et de leur statut, il est essentiel de préciser que nous modifions une loi existante, sans en bouleverser les fondements. Cette loi a créé le statut des arrondissements ; ils ne sont pas considérés comme des collectivités locales, mais bien comme des circonscriptions électorales. Ce sera toujours le cas dans le nouveau système, puisqu’il y aura deux bulletins.
En outre, ce texte ne traite pas de la répartition des compétences : elles relèvent exclusivement des rapports entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement, et cette organisation perdurera.
Enfin, cet article est nécessaire car il permettra de structurer et de sanctuariser les relations entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement.
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Le député Grégoire, concernant la fusion des quatre premiers arrondissements parisiens, a affirmé que le Conseil constitutionnel veillait à la juste représentativité, et que la suppression de la circonscription du premier arrondissement était conforme à ce principe. Cependant, le Conseil constitutionnel n’a émis aucune objection sur le fait que les trois conseillers de Paris du 8e arrondissement étaient tous issus de la liste arrivée en tête, tout comme les quatre conseillers de Paris du 7e arrondissement. Ainsi, bien que M. Grégoire vante le caractère démocratique du mode de scrutin actuel, il faut constater que, dans les petits arrondissements parisiens, les listes d’opposition sont systématiquement exclues de toute représentativité au Conseil de Paris.
Avec la réforme que nous allons adopter, cette situation ne se reproduira pas. Ce texte est donc fondamentalement plus démocratique. Ceux qui estiment qu’il ne l’est pas ne devraient pas y voir un obstacle, puisque les listes qui échouaient à se faire élire dans le système actuel ne réussiront pas davantage avec le nouveau système. Nous verrons ce qui sortira des urnes en 2026, et lors des élections suivantes puisque ce texte devrait perdurer, mais je suis convaincu que les Parisiens seront représentés de manière beaucoup plus démocratique grâce à la proportionnelle.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je suis attentivement ce débat, et un des arguments de M. Grégoire me semble peu pertinent, ce qui explique mon opposition aux amendements de suppression.
Il évoque la possibilité que le mandat du maire s’interrompe, en raison d’une promotion ou, malheureusement, en cas de décès. En ces circonstances, un conseiller d’arrondissement pourrait devenir maire d’arrondissement sans être membre du Conseil de Paris.
Bien que ce scénario soit rare, il existe déjà dans le droit commun des collectivités. Ainsi, si le maire d’une petite commune comptant seulement un ou deux représentants au sein de l’intercommunalité quitte son mandat ou décède, un élu qui ne siège pas à l’intercommunalité peut lui succéder. C’est rare, mais on trouve alors les voies et les moyens pour qu’il puisse représenter sa commune.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Je ne voudrais pas donner l’impression que le système est complexe ou qu’il faut absolument le maîtriser pour en parler. D’abord, monsieur Lachaud, je ne me suis pas permis de commenter ce qui pourrait être perçu comme une incongruité dans les 7e et 8e arrondissements, qui ne sont pas des arrondissements de gauche. Je ne voudrais pas être accusé d’attaquer la ministre Rachida Dati, ce qui n’est absolument pas mon intention. (M. Bastien Lachaud s’exclame.)
Mais ce que vous critiquez existe dans tous les modes de scrutin par circonscription, où il y a souvent un effet d’écrasement dans les secteurs de petite taille.
M. Bastien Lachaud
Tout à fait.
M. Emmanuel Grégoire
D’ailleurs, lors de l’examen de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris, qui a fusionné le bloc communal et le bloc départemental, l’idée de procéder à nouveau à la fusion d’arrondissements de petite taille avait été évoquée. Ces arrondissements ont en commun d’être dans l’opposition municipale – nous ne pouvons donc être suspectés de vouloir arranger nos affaires.
Monsieur Sitzenstuhl, ces cas sont bien réels et soulèvent des problèmes concrets. Imaginons qu’un conseiller du 15e arrondissement devienne maire en cours de mandat, sans avoir été élu conseiller de Paris : il se retrouverait à la tête d’une « ville » de près de 240 000 habitants, l’une des plus grandes de France, tout en étant rémunéré moins de 1 000 euros. Ce serait aberrant.
M. Sylvain Maillard
Nous y avons répondu !
M. Emmanuel Grégoire
Est-il illégitime de réfléchir à ces questions ? Quelle impréparation ! En mettant la charrue avant les bœufs, nous risquons de nous confronter à une multitude de défauts mineurs qui viendront perturber la vie démocratique parisienne. (Mme Sandrine Runel applaudit.)
M. Sylvain Maillard
Nous avions donné une réponse !
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 15, 16, 36, 60 et 78.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 136
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 25
Contre 102
(Les amendements identiques nos 15, 16, 36, 60 et 78 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Lhardit, pour soutenir l’amendement no 95.
M. Laurent Lhardit
Il est retiré.
(L’amendement no 95 est retiré.)
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président
Sur les amendements identiques nos 21, 39 et 59, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 21.
M. Emmanuel Grégoire
Cet amendement vise à supprimer l’article 4, en cohérence avec les propositions que nous avons déjà défendues.
M. le président
Les amendements identiques nos 39 de Mme Léa Balage El Mariky et 59 de M. Stéphane Peu sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Cet article concerne l’application de la loi. S’il est supprimé, elle sera automatiquement applicable dès le lendemain de sa publication au Journal officiel. Même si cette disposition peut sembler superfétatoire, l’article 4 permet de sécuriser la volonté du législateur.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 21, 39 et 59.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l’adoption 23
Contre 97
(Les amendements identiques nos 21, 39 et 59 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur l’article 4, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 56.
M. Emmanuel Grégoire
Cet amendement peut être vu comme une proposition de réconciliation.
M. Sylvain Maillard
Nous n’étions pas fâchés !
M. Emmanuel Grégoire
Il vise à reporter l’application de la réforme à 2032. Cela permettrait de répondre aux nombreuses questions auxquelles il sera impossible de répondre correctement dans un délai de trois à six mois – délai de décence vis-à-vis des électeurs.
Je m’adresse notamment aux formations politiques qui, lors de nos débats sur la proposition de loi visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales, ont fait 74 rappels au règlement, affirmant la main sur le cœur qu’il était inacceptable de réformer un mode de scrutin à moins d’un an d’une élection. Ces mêmes formations ont également souligné la nécessité de prendre le temps.
Votre vote sur cet amendement permettra de clarifier si votre opposition était réellement motivée par le souci de ne pas modifier les règles à la dernière minute, ou, comme nous le soupçonnons, par une opposition de principe à la parité dans les scrutins de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je partage l’avis du rapporteur, mais je considère volontiers cet amendement comme une proposition de réconciliation. Bien que nous restions en désaccord sur la réforme elle-même et sur sa date d’application, cet amendement montre néanmoins que nous avançons dans la bonne direction !
(L’amendement no 56 n’est pas adopté.)
M. Emmanuel Grégoire
Le RN est démasqué !
M. le président
Je mets aux voix l’article 4.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l’adoption 96
Contre 24
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président
Sur l’article 5, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 22, tendant à supprimer l’article.
M. Emmanuel Grégoire
Je tiens à rappeler, à l’adresse de nos collègues du Rassemblement national, qu’ils ont passé leur temps à expliquer que leur opposition à la modification des modes de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants n’était pas liée à une opposition à la parité elle-même, mais au fait qu’il ne fallait pas tripatouiller les modes de scrutin dans l’urgence.
Cependant, leur rejet du précédent amendement démontre que cet argument était bidon et qu’il servait uniquement de prétexte pour s’opposer à la parité. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Philippe Ballard
Mais non ! Les maires ne veulent pas de cette réforme, tout simplement !
M. Emmanuel Grégoire
Cet amendement vise quant à lui à supprimer l’article 5, par cohérence avec nos précédentes propositions.
(L’amendement no 22, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour soutenir l’amendement no 43.
Mme Léa Balage El Mariky
L’article 5 est mal ficelé car il a été mal pensé – je le dis sans moquerie, acrimonie ou mauvais esprit. Il prévoit que le gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant l’opportunité d’une nouvelle répartition des compétences dans les trois villes concernées par la proposition de loi. La remise de ce rapport interviendrait six mois après la promulgation du texte, c’est-à-dire au beau milieu de la campagne électorale !
Le présent amendement tend à porter le délai à deux ans, afin que les collectivités soient consultées après la période de campagne – qui n’est pas le bon moment – et après que les voies de recours contre les candidatures auront été épuisées. Ce nouveau délai permettra au gouvernement de mener ses travaux dans de bonnes conditions, en dialoguant avec des élus installés et sereins. Il sera aussi possible d’associer à ces discussions l’ensemble des conseillers municipaux et d’arrondissement.
Il s’agit d’un amendement de bon sens, auquel le rapporteur et le ministre seront, je l’espère, favorables – j’ose penser que M. Maillard souhaite aussi un tel délai. La question de la répartition des compétences ne peut pas être tranchée sur un coin de table, sans consulter les élus concernés. Donner plus de temps au gouvernement lui permettra de faire les choses correctement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Les élus seront évidemment associés à la réflexion, comme toujours. Le préciser dans le texte revient à instiller une forme de doute…
Mme Léa Balage El Mariky
Ce n’était pas mon propos !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
…et me semble inutile. Par ailleurs, vous demandez un délai de deux ans, ce qui me semble long pour la rédaction d’un rapport.
Mme Léa Balage El Mariky
Mais six mois, c’est trop court !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Plusieurs rapports portent déjà sur la question des compétences, en premier lieu celui de M. Woerth. Nous avons déjà beaucoup discuté de ce sujet et le rapport prévu à l’article 5 permettra d’approfondir cette réflexion.
Comme je l’ai dit hier, quand on est un élu d’un certain âge (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) – cela présente des avantages mais c’est aussi un handicap –, on a vécu des modifications des règles électorales au cours d’un mandat.
Un délai de deux ans me semble excessif pour rassembler des éléments de réflexion afin d’étudier la répartition des compétences – il ne s’agit pas de prendre une décision.
Mme Léa Balage El Mariky
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Cette question est encore plus vaste pour les intercommunalités, mais c’est un autre débat.
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Vous proposez de donner plus de temps au gouvernement pour rédiger le rapport, après consultation de l’ensemble des élus et des forces politiques concernés ; en tant que ministre, je pourrais donc être favorable à votre proposition.
Mais il me semble justement intéressant que le rapport soit remis avant la fin de la mandature, pour que les personnes qui seront élues en mars 2026 puissent disposer de ces éléments et en discuter. Les rapports entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement dépendent exclusivement des choix de la mairie centrale. Il est donc bénéfique que le gouvernement puisse fournir des éclaircissements aux nouveaux élus afin qu’ils puissent décider en toute souveraineté de l’action à mener le cas échéant.
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
L’importance de cet article réside tout autant dans son contenu que dans sa portée symbolique.
Je vous parle en tant que député d’une circonscription parisienne bordant le périphérique. Nous constatons les dysfonctionnements et les archaïsmes de la gouvernance de notre ville.
Une fracture s’est creusée entre Paris et sa banlieue. Se pose donc la question du transfert de l’exercice de certaines compétences, notamment en matière de logement et de transport, vers le Grand Paris. Aujourd’hui, les Franciliens vivent à cheval sur Paris et sa banlieue. Certains vivent en banlieue et travaillent à Paris, quand d’autres font l’inverse.
M. Grégoire faisait remarquer à juste titre que si le 15e arrondissement était une ville autonome, cette dernière ferait partie des plus grandes villes de France. Malheureusement, la mairie d’arrondissement n’exerce pas suffisamment de compétences de proximité.
Il faut réfléchir en profondeur à la modernisation de la gouvernance de ces « villes » et à l’exercice des compétences stratégiques que sont le transport et le logement, conjointement avec la banlieue, et des compétences de proximité, qui doivent relever des mairies d’arrondissement.
Il faudra faire évoluer la loi en ce sens, mais il faudra aussi repenser les pratiques. Cette question sera au cœur de la campagne pour les élections municipales. L’objet du rapport n’est pas de poser les jalons d’un projet de loi, mais de définir l’éventail des options – charge ensuite à chacun d’entre nous de se prononcer sur les différents scénarios.
M. Jean-René Cazeneuve
Excellent !
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky
Vous dites que le rapport du gouvernement devra éclairer les conseillers municipaux et les conseillers d’arrondissement, mais c’est au Parlement qu’il sera remis : ce n’est certainement pas pour qu’il y serve à caler un meuble, mais pour que nous puissions légiférer sur cette base.
Pour une fois, je suis d’accord avec notre collègue Amiel : la question de la répartition des compétences se pose. Il ne faut pas non plus négliger le rôle de la métropole du Grand Paris (MGP) et celle d’Aix-Marseille-Provence.
Dans les prochains mois débutera la campagne électorale pour les élections municipales. Tous les édiles ne conserveront pas leur mandat, certains verront leur légitimité renouvelée à partir du mois de mars. Il faut attendre la fin de cette période pour que les élus concernés puissent être consultés.
Si le délai de deux ans vous paraît trop long, on pourrait envisager de le réduire à un an ; c’est peut-être suffisant. Quand on veut faire les choses sérieusement, on les fait avec méthode. Or les compétences des collectivités territoriales sont un sujet sérieux. Je ne demande pas un énième rapport, je demande que les conditions soient réunies pour mener un travail en profondeur.
Il faut aussi prendre en compte l’évolution des politiques publiques décentralisées, notamment à Paris. Elles ont des implications importantes, en particulier au regard des politiques métropolitaines en cours de déploiement.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Cet article montre l’impréparation et le mauvais ordre de nos échanges. En 2017, le président de la République avait annoncé que sa priorité absolue – parmi une myriade de priorités absolues – était de réformer le Grand Paris. Il fallait mettre de l’ordre dans le millefeuille administratif et les niveaux de gouvernance – l’arrondissement, la Ville, les établissements publics territoriaux (EPT), la métropole du Grand Paris, la région Île-de-France –, ainsi que dans l’enchevêtrement des compétences entre la préfecture de région et celle de police.
Vous choisissez d’aborder le sujet par la réforme du mode de scrutin plutôt que par tous les autres angles, qui étaient pourtant considérés comme prioritaires, y compris par le président de la République. Pour quel bilan ? Un tripatouillage du mode de scrutin à la place d’une réforme du Grand Paris, grande cause présidentielle. Le bilan n’est pas reluisant.
Cher collègue Amiel, je connais bien votre circonscription – la 13e. Elle correspond au quartier de Javel et à une partie de celui de Saint-Lambert. Je suppose que quand vous parlez des manquements des coopérations avec les communes limitrophes, il s’agit d’une critique à l’endroit du maire du 15e arrondissement, Philippe Goujon. Nous travaillons en effet déjà avec toutes les communes limitrophes. Plusieurs projets urbains de réaménagement de porte sont en cours.
M. David Amiel
Oui !
M. Emmanuel Grégoire
Je ne sais donc pas de quoi vous parlez. Vous êtes dans une sorte de pensée magique qui n’a aucun lien avec la réalité. Vous vous faites simplement plaisir en tapant sur le maire du 15e arrondissement, et peut-être aussi un peu sur nous. Je trouve votre intervention sans objet.
M. Jean-René Cazeneuve
Oh !
M. Emmanuel Grégoire
M. le rapporteur a cité le rapport d’Éric Woerth. Il y a tellement de rapports sur la question qu’on pourrait en faire une compilation. Dire que le gouvernement a besoin de six mois pour produire un rapport sur ce sujet n’est pas sérieux ! (Mme Céline Hervieu applaudit.)
(L’amendement no 43 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 5.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 55
Contre 19
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 23, par le groupe Ensemble pour la République, et sur l’article 6, par le groupe Horizons & indépendants.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean Laussucq.
M. Jean Laussucq
L’article 6 a été introduit en commission. Il tend à créer une « conférence des maires » à Paris, sur le modèle de ce qui existe au sein de la métropole de Lyon.
Il a beaucoup été question de l’importance de la coordination entre les maires centraux et les maires d’arrondissement ou de secteur – c’est un défi que nous devons relever. Il nous faudra continuer à débattre de la question des compétences.
Une conférence des maires s’est bien tenue à Paris sous les mandats successifs, mais elle reste une instance informelle. L’article donne une existence juridique à ce cadre de dialogue. La conférence permettra de fluidifier le fonctionnement de la ville – elle a déjà fait la preuve de son utilité lors de la crise du covid – ainsi que les relations entre le maire de Paris et les maires d’arrondissement. Dans ce cadre, il sera possible d’ouvrir un débat sur la question des compétences, notamment sur celles propres aux maires d’arrondissement. (M. Christophe Marion et Mme Joséphine Missoffe applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 23, tendant à supprimer l’article.
M. Emmanuel Grégoire
Encore une fois, et en cohérence avec le regard que nous portons sur l’ensemble de la proposition de loi, il s’agit d’un amendement de suppression.
Cependant, le sujet est intéressant. Une fois que le texte aura été retoqué par le Conseil constitutionnel – qui reste évidemment souverain –, il faudra y revenir, car c’est une bonne idée. La Ville de Paris serait bien inspirée de créer une telle instance pour fluidifier son organisation. Nous pouvons toutefois le faire à droit constant.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Monsieur Grégoire, vous me fournissez presque la réponse ! En commission, vous aviez aussi dit que c’était une bonne idée.
Vous avez déposé un autre amendement à l’article 6 qui propose que les modalités de fonctionnement de la conférence des maires soient fixées par le règlement intérieur du Conseil de Paris. J’anticipe un peu, mais je donnerai un avis favorable à votre amendement. Vous voyez bien que nous ne sommes pas complètement fermés ! Tout arrive.
Pouvoir réunir régulièrement les maires d’arrondissement me paraît bénéfique. Je regrette que vous vouliez supprimer cet article qui, à l’image de l’article 3, va dans le sens d’une plus grande cohérence, comme vous le souhaitiez. J’ai bien compris que le dépôt de cet amendement entrait dans une logique de rejet global de ce texte. Mais convenez qu’il serait dommage de supprimer cette possibilité !
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Vous avez déposé un amendement de suppression parce que vous vous opposez à l’ensemble de la loi, mais vous êtes favorable au principe de la conférence. Pour aller dans votre sens, j’émets un avis défavorable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 23.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 29
Contre 49
(L’amendement no 23 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 47.
M. Emmanuel Maurel
Il s’agit d’étendre le nouveau dispositif de coordination aux villes de Lyon et de Marseille.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
J’avoue bien humblement que j’ignore si l’introduction d’une telle structure, qui paraît tout à fait pertinente pour Paris, le serait également pour Marseille ou Lyon.
Ensuite, je dois donner un avis en cohérence avec mon amendement qui visait à sortir Lyon de la réforme et qui n’a pas été adopté. D’un point de vue légistique, le fait que votre amendement s’insère dans les dispositions concernant Paris pourrait créer une difficulté. Il faut donc le retravailler, le compléter à l’occasion de la navette parlementaire. Dans sa rédaction actuelle, il pourrait déséquilibrer le texte, même si, et c’est tout à fait normal, l’Assemblée votera le texte de façon souveraine.
Je suis plus gêné sur la forme que sur le fond et si vous ne le retirez pas, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Il s’agit d’un amendement de bon sens. Il n’est pas rare que le maire d’une mairie centrale réunisse régulièrement les maires d’arrondissement. La question que vous soulevez n’ayant pas encore été abordée par les forces politiques locales des deux villes concernées, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
(L’amendement no 47 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 51.
M. Emmanuel Grégoire
Vous aurez compris que je ne suis pas très favorable à cette proposition de loi, que nous nous efforçons cependant d’amender à la marge. Il existe déjà une conférence des maires à Paris et j’imagine qu’à Lyon et à Marseille, des liens très étroits unissent les maires d’arrondissement et le maire central, comme à Paris.
La mémoire est importante : j’ai à plusieurs reprises rappelé que les arrondissements avaient été créés bien avant la Ville de Paris, en 1795. Le premier comité de coordination entre les maires d’arrondissement date de 1870, après la proclamation de la République le 4 septembre. C’est la première fois qu’un cadre juridique permettait de réunir en même temps et dans la même salle les maires d’arrondissement, dans ce qui était alors l’embryon de la commune de Paris.
Si ce texte devait aller au bout de son parcours législatif, ce que je ne crois pas, il faudrait que ce soit le règlement intérieur du Conseil de Paris qui fixe les modalités de fonctionnement de cette conférence des maires.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je vais donner un avis favorable à cet amendement.
M. Emmanuel Grégoire
Ce n’est pas le plus important…
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je sais bien. Cependant, son adoption posera un petit problème de coordination avec la modification précédente, qui tend à élargir le dispositif de coordination aux villes de Lyon et de Marseille ; il faudra le retravailler. Reste qu’il va dans le bon sens : le règlement intérieur du Conseil de Paris, que j’ai eu l’occasion de consulter dans le détail, est très complet.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
J’irai dans le même sens que le rapporteur. La Chambre haute sera invitée à coordonner cette disposition pour la rendre applicable à Lyon et à Marseille.
Avis favorable.
(L’amendement no 51 est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 6, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 59
Contre 15
(L’article 6, amendé, est adopté.)
Après l’article 6
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 6.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 53.
M. Emmanuel Grégoire
Je vais aborder avec ces amendements tous les points qui feront l’objet d’un recours auprès du Conseil constitutionnel.
L’amendement no 53, en proposant le vote d’une résolution par le Conseil de Paris, vise à souligner l’absence réelle de concertation préalable à l’élaboration de la proposition de loi. Je sais bien la disponibilité de ses auteurs mais, j’y insiste, à aucun moment une concertation n’a été organisée avec les élus locaux, sur la base d’un texte écrit. Je rappelle que la commission des lois a reporté la date de ses travaux car le texte n’avait toujours pas été rédigé.
Nous entendons par conséquent tout reprendre à zéro pour assurer une concertation avec les élus locaux et les habitants concernés, de façon à remettre, si je puis dire, la mairie au milieu du village.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je donnerai le même avis – défavorable – sur cet amendement et les suivants, lesquels sont autant de griefs contre le texte. Je n’en salue pas moins votre constance et le travail que vous avez fourni pour montrer votre opposition.
M. Emmanuel Maurel
Une opposition courtoise !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Vous défendez ici les arguments qui nourriront votre recours auprès du Conseil constitutionnel.
Les amendements qui suivent sont tous des demandes de rapport au gouvernement. Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour rappeler que le Parlement peut lui aussi réaliser des rapports. Il me paraît toujours un peu paradoxal de renvoyer la balle au gouvernement quand il s’agit de questions de fond.
À travers ces amendements, vous structurez la logique de votre démonstration. C’est par cohérence aussi que j’émets un avis défavorable, même si je salue votre travail de précision. Et le Conseil constitutionnel sera le juge de paix.
M. Jean-René Cazeneuve
Quelle sagesse !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
J’irai d’autant plus dans le sens du rapporteur que le gouvernement est rétif aux demandes de rapport.
M. le président
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
Je viens d’entendre les arguments de notre collègue Grégoire ; je ne peux pas laisser passer ça ! Voilà deux ans que nous travaillons sur cette proposition de loi. Avec David Amiel, nous avons rencontré l’ensemble des élus des trois villes et tous ceux qui l’ont souhaité. Il est une institution que nous n’avons pas rencontrée : la maire de Paris.
M. Emmanuel Grégoire
Ce n’est pas une institution, c’est une personne !
M. Sylvain Maillard
Je lui ai écrit deux fois, j’ai également écrit à M. Grégoire – nous nous sommes vus pour qu’il me dise qu’il ne viendrait pas discuter. Tous leurs partenaires de la majorité ont été reçus et c’est avec grand plaisir que nous avons échangé nos points de vue. Les seuls avec qui je n’ai pas pu discuter ont été la maire de Paris et Emmanuel Grégoire.
Vous avez tout à fait le droit d’être opposé au texte mais il est faux de dire qu’il n’y a pas eu de concertation. Il y a eu une concertation avec tout le monde,…
Mme Sandrine Runel
Ce n’est pas vrai !
M. Sylvain Maillard
…sauf avec vous puisque vous ne l’avez pas souhaité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
(L’amendement no 53 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 24.
M. Emmanuel Grégoire
Monsieur Maillard, je vous ai écrit au début de l’année 2024 pour vous dire que nous vous rencontrerions avec plaisir, pour peu que vous nous transmettiez un texte. La proposition de loi ne nous a jamais été communiquée et le temps que vous l’ayez rédigée, je n’étais plus premier adjoint, j’avais été élu député.
Voilà qui nous conduit au très bel amendement no 24. Il met en évidence les problèmes immenses – pouvant de facto rendre impossible son application – sur le plan organisationnel, que pose la proposition de loi, faite à la va-vite, dans l’impréparation. Il faudrait ainsi, à Paris, passer de 902 à 1 804 bureaux de vote, il faudrait aussi quelque 3 600 assesseurs. Compte tenu de la localisation d’un grand nombre de bureaux, à Paris, à Lyon et à Marseille, le doublement du nombre d’urnes obligera beaucoup d’entre eux à déménager afin, notamment, de respecter les critères réglementaires d’accessibilité. Vous allez ainsi changer l’adresse géographique de dizaines de bureaux de vote. Or il faut tout de même un peu de temps pour préparer une élection.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je suis assez favorable à cet amendement dans la mesure où à Lyon, du point de vue des modalités pratiques, il est inenvisageable d’organiser trois scrutins le même jour.
(L’amendement no 24 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Emmanuel Grégoire
J’aborde à présent une des questions les plus graves posées par le texte, sur les plans politique et juridique : celle de la sincérité du scrutin. On peut pousser plus loin le raisonnement constitutionnel afin que le principe de sincérité se déploie dans toute son ampleur notionnelle : si le principe de sincérité du scrutin impose que la loi ne favorise pas les manœuvres électorales, l’exercice de la souveraineté nationale exige nécessairement que le scrutin revête toutes les apparences de la sincérité. Ce qui n’est pas le cas avec une manœuvre visant à modifier les termes d’un mode d’élection de manière aussi profonde que le prévoit la présente proposition de loi, moins d’un an avant la tenue du scrutin.
Le peuple, celui-là même que vise l’article 3 de la Constitution, ne devrait jamais penser que l’expression de ses suffrages est insincère, parce que des mesures législatives ont été adoptées pour favoriser des manœuvres, ou parce que ces mesures n’ont pas l’apparence de la régularité. Une certaine solennité est légitimement attendue de la part du législateur lorsqu’il fixe le détail concret du mode d’élection et cette solennité nourrit la confiance que le peuple doit pouvoir placer en ses représentants lorsqu’ils décident de l’organisation du suffrage, sans doute plus que pour tout autre domaine de l’action législative.
On voit bien que s’il n’en allait pas ainsi, les électeurs se détourneraient de l’élection, sans doute à juste raison, convaincus que la loi cache assez mal des arrangements partisans. C’est ce que signe la configuration de la majorité qui permettra malheureusement l’adoption du texte. Il est tout aussi probable qu’un tel sentiment – on a déjà pu mesurer, en France, la force destructrice des opinions qui l’expriment – se nourrisse de l’adoption d’une réforme du mode de scrutin si peu de temps avant la tenue des élections.
M. le président
Merci de conclure.
M. Emmanuel Grégoire
À l’instar de l’effet paralysant d’une mesure législative sur l’exercice de la liberté d’expression, la seule apparence que le scrutin n’est pas sincère ou risque de ne pas l’être, est bien de nature à dissuader l’électeur d’exercer ses droits politiques, sapant par là même les bases du bon fonctionnement du système démocratique.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Je souhaite répondre à M. Maillard pour corriger un certain nombre de mensonges. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.) Il soutient que seul M. Grégoire ne lui aurait pas répondu et qu’une concertation a bien été organisée. Monsieur Maillard, combien de fois vous avons-nous envoyé des contributions pour manifester toute l’opposition de la ville de Lyon, de l’ensemble des groupes politiques, à cette réforme ?
M. Sylvain Maillard
Nous avons rencontré le maire de Lyon !
Mme Sandrine Runel
C’est ça, votre sens, votre définition de la concertation : « On leur a parlé, ils sont contre, mais on s’assoit dessus » ? Ce n’est pas sérieux, monsieur Maillard, vous mentez. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Sylvain Maillard
C’est une attaque personnelle !
(L’amendement no 25 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 26.
M. Emmanuel Grégoire
Il s’agit de demander au gouvernement un rapport, cette fois sur le risque de contentieux électoral. J’y ai fait allusion hier mais j’insiste sur l’impensé absolu du texte en la matière. Comment trancher un litige entre deux assemblées délibérantes différentes, avec, sur les plans politique et médiatique, des effets et une double influence croisée évidents ?
La manière dont les contentieux électoraux concernant le nouveau mode de scrutin seront traités, ainsi que leurs mécaniques, ne sont à aucun moment précisés de façon documentée.
Et puisqu’un certain nombre d’intervenants ont employé des exemples un peu caricaturaux, j’en prends également un. Imaginons deux candidats, l’un en mairie centrale et l’autre en arrondissement, très proches sur le plan politique, mais qui disent qu’ils ne le sont pas sur le plan juridique, et laissent croire qu’ils ne sont pas de connivence. Si la loi ne le fait pas, comment seront interprétés les effets croisés électoraux sur la participation et sur les votes exprimés, compte tenu de l’absurdité de l’existence de deux urnes différentes pour une seule collectivité ? C’est un sujet qui, parmi tant d’autres, n’a pas été exploré.
(L’amendement no 26, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 27.
M. Emmanuel Grégoire
Nous demandons qu’un rapport évalue les conséquences de la réforme du mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille sur l’élection des conseillers métropolitains. À aucun moment les modalités concrètes et le détail de l’organisation des scrutins n’ont été étudiés.
Je limiterai mon propos à la métropole du Grand Paris. Aujourd’hui, la désignation des représentants au conseil métropolitain de la MGP mêle le droit commun des métropoles avec le mode de scrutin particulier des arrondissements et permet, avec la règle dite des trois cinquièmes, de flécher vers la métropole des conseillers d’arrondissement qui ne seraient pas élus conseillers de Paris.
Patatras, avec le nouveau mode d’élection des conseillers de Paris, cela va devoir changer. Or, autre impensé de cette proposition de loi, les conditions d’établissement de la liste des conseillers métropolitains n’ont pas été mentionnées, explicitées ou documentées. Pour respecter la cohérence, on fera un rapport après, pour voir quelles étaient les conséquences avant.
(L’amendement no 27, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 28.
M. Emmanuel Grégoire
Ce sujet très important a été évoqué à plusieurs reprises par Olivier Marleix, mais il a été survolé. Il s’agit des conséquences graves qu’aura cette réforme sur l’égalité devant le scrutin sénatorial en matière de composition du collège électoral.
Dans le système actuel, les conseillers de Paris sont de droit grands électeurs et les conseils municipaux désignent les délégués supplémentaires, à raison de 1 par tranche de 800 habitants.
Mme Sophia Chikirou
Cela changera.
M. Emmanuel Grégoire
Nous n’avons pas touché à cette règle. En revanche, le principe de représentation des territoires, sur lequel est basé le mode de scrutin sénatorial, pourrait ne pas trouver à s’appliquer à Paris puisque rien n’impose que le Conseil de Paris soit composé d’élus représentant l’ensemble des arrondissements. C’est ainsi que des « villes » immenses, comme le 18e, le 15e ou le 20e, pourraient ne pas avoir de grand électeur. Les Parisiens subiront ainsi une grave inégalité face aux élections sénatoriales.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
J’ai été mis en cause tout à l’heure…
M. Romain Daubié
Justement mis en cause.
M. Sylvain Maillard
… par Mme Runel, qui a employé un ton pour le moins inhabituel à mon égard. Je rappelle que vous n’étiez pas encore députée, madame, lorsque nous avons entamé la discussion avec les représentants de la ville de Lyon. Je veux remercier publiquement les deux grands élus lyonnais avec lesquels j’ai pu m’entretenir, le maire de Lyon, qui n’est pourtant pas de ma couleur politique, et le président de la métropole, avec lequel je ne suis pas toujours d’accord, loin s’en faut. Cela a pu éclairer notre jugement et faire avancer notre travail de façon concertée.
Les propos que vous avez tenus, madame, sont caricaturaux et dévalorisent toute votre argumentation.
(L’amendement no 28 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 29.
M. Emmanuel Grégoire
Je voudrais, à travers cet amendement, souligner un autre impensé : celui des conséquences du texte sur le matériel électoral. Je ne reviendrai pas sur l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution ; songez seulement au bazar que cela va créer dans la propagande électorale ! Sera-t-elle envoyée en une seule fois, ou séparément selon qu’il s’agira du conseil d’arrondissement ou du Conseil de Paris ? On pourrait le penser, puisqu’un candidat en arrondissement ne sera pas juridiquement autorisé à lier cette candidature à une autre au Conseil de Paris.
J’appelle votre attention sur le risque que le scrutin soit entaché d’insincérité. Le fait de recevoir, pour le même jour et la même collectivité, deux types de propagande électorale pourrait donner lieu à confusion, notamment chez les personnes âgées.
M. Sylvain Maillard
La même chose se passe à Lyon.
M. Emmanuel Grégoire
Non, puisque ce ne sont pas les mêmes collectivités – commune d’un côté, métropole, dont les compétences sont départementales et intercommunales, de l’autre.
Que se passera-t-il si les citoyens se trompent d’enveloppe ou de bulletin ? Le vote sera-t-il considéré comme nul ? Il aurait fallu préparer en amont du dépôt du texte ces questions relatives aux formats du matériel, à l’envoi de la propagande.
D’ailleurs, s’il s’était agi non pas d’une proposition de loi mais d’un projet de loi, comme c’est toujours le cas pour les réformes des modes de scrutin, les services compétents de l’État auraient préparé cette organisation.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Je m’étonne de cet amendement. Pourquoi ne pas prendre exemple sur ce qui existe à Lille, où il y a deux urnes, une pour le conseil municipal de Lille, une pour celui de la commune associée – Hellemmes par exemple ? Les électeurs ne semblent pas s’y perdre ; le matériel électoral arrive comme il arrive ailleurs en France, c’est-à-dire très mal – depuis que le service a été privatisé sous le quinquennat Hollande. Il ne me semble pas que les Parisiens soient moins intelligents que les Lillois – nous verrons dans un an s’ils se trompent dans leur vote. Si vous pensez que les Françaises et les Français ne sont pas capables de savoir quel bulletin mettre dans quelle urne, c’est que vous avez une bien piètre estime de notre peuple ! (Mme Sophia Chikirou et M. Aurélien Le Coq applaudissent.)
(L’amendement no 29 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 30.
M. Emmanuel Grégoire
Encore un sujet qui n’a pas été clarifié durant nos débats : quelles seront les conséquences de cette réforme sur le financement public des campagnes électorales ? Soit le coût du scrutin doublera puisqu’il y aura deux scrutins – ce qui pose à nouveau la question de l’irrecevabilité au regard de l’article 40 –, soit une règle ad hoc fera baisser la part de financement par électeur – ce qui entraînera une inégalité de traitement pour les électeurs et les candidats.
Par cet amendement de rapport, je pose une question simple au rapporteur et au ministre : combien coûteront ces campagnes ? Le budget sera-t-il multiplié par deux ? Le montant octroyé par électeur diminuera-t-il ?
(L’amendement no 30, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Emmanuel Grégoire
Je suis tenté de poser à nouveau la question, car je n’ai pas le sentiment d’avoir obtenu une réponse très claire. Nous attendrons donc la décision du Conseil constitutionnel.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Vous pourriez trouver une réponse dans le rapport.
M. Emmanuel Grégoire
Nous soulèverons la question de l’égalité devant le scrutin, que suggère votre rapport.
Nous demandons ici qu’un rapport soit remis au Parlement, pour corriger après coup ce qui ne fonctionnera pas. La question de la rémunération des élus, en effet, n’est pas traitée dans ce texte. Quelles conséquences la réforme aura-t-elle sur le cumul des indemnités de fonction de conseiller d’arrondissement et de membre du Conseil ? Qu’en sera-t-il si l’on n’est que conseiller d’arrondissement ou que conseiller de Paris ? Cela paraît anecdotique, mais si ce texte était appliqué, certains candidats pourraient renoncer à des fonctions compte tenu de l’insécurité induite par la réforme et par le fait que tout n’ait pas été pensé en amont.
(L’amendement no 31, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 57.
M. Emmanuel Grégoire
C’est le dernier. Merci pour votre patience !
M. Emmanuel Maurel
Un plaisir.
M. Emmanuel Grégoire
Depuis 1992, les ressortissants de l’Union européenne résidant dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité peuvent voter dans cet État et s’y porter candidat aux élections municipales et à l’élection des représentants au Parlement européen.
Aux termes du texte, les citoyens européens se trouveraient privés de la possibilité d’être électeurs et élus dans leur arrondissement, contrairement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à sa décision du 20 mai 1998. Avec cette loi, vous aurez réussi l’exploit de rendre les ressortissants européens inéligibles au conseil d’arrondissement ! J’imagine que le Conseil constitutionnel vérifiera la conformité de ce point avec la législation européenne.
(L’amendement no 57, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault, pour un rappel au règlement.
M. Matthias Renault
Rappel au règlement sur le fondement de l’article 78, relatif aux faits délictueux commis par certains députés.
Tout à l’heure, des événements relativement graves ont eu lieu dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Nous avons fait des rappels au règlement pour demander la position de la présidente sur ces faits. Il a été répondu par un communiqué de presse.
Je constate que, dans le communiqué de la présidente de l’Assemblée nationale, la question d’éventuels faits délictueux commis par des députés, par la voie de menaces physiques et d’insultes à l’endroit d’une journaliste et d’un journaliste, n’est pas traitée. Et ce, malgré le fait qu’il existe des vidéos, des témoignages et que les personnes concernées aient déposé plainte.
Nous demandons que la présidente de l’Assemblée nationale réponde à la question d’éventuels faits délictueux commis par des députés dans l’enceinte, juste à côté de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Monsieur Aurélien Lopez-Liguori, sur quels articles votre rappel au règlement se fonde-t-il ?
M. Aurélien Lopez-Liguori
Sur les articles 26 et 28, relatifs à la circulation des journalistes, et sur l’article 78, relatif aux actes délictueux, monsieur le président.
Des journalistes ont été menacés physiquement par des députés siégeant de l’autre côté de cet hémicycle, des vidéos le prouvent. Par ailleurs, une manifestation a eu lieu dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Un député LFI-NFP
Ce n’est pas le débat !
M. Aurélien Lopez-Liguori
Un communiqué de presse a été publié, dans lequel la présidente de l’Assemblée nationale ne cite à aucun moment ces faits délictueux et remet même en cause le droit d’exercer de ces journalistes, en les menaçant de leur retirer leur carte de presse.
Mme Marie Pochon
Ce ne sont pas des journalistes ! Fake news !
M. Aurélien Lopez-Liguori
Nous sommes face à une inversion accusatoire honteuse et cette faiblesse – car c’en est une – met en danger nos institutions. Mme la présidente doit expliquer sa position sur les actes délictueux.
M. le président
Je transmettrai le contenu de ces rappels au règlement à Mme la présidente.
Explications de vote
M. le président
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat (UDR)
Comme nous l’avons indiqué lors de la discussion générale, le groupe UDR votera pour cette proposition de loi, qui est globalement satisfaisante quoique ponctuellement imparfaite. Je me permets de rappeler que j’ai souligné la nécessité de faire preuve de vigilance vis-à-vis de l’attente exprimée par les Marseillais d’une lutte plus soutenue contre la fraude électorale.
M. le président
La parole est à M. Franck Allisio.
M. Franck Allisio (RN)
Cette proposition de loi est imparfaite mais elle nous rapproche d’un objectif : l’élection directe des maires de Paris, Marseille et Lyon. Jusqu’ici, les Marseillais, les Parisiens et les Lyonnais votaient en quelque sorte par procuration, de façon très indirecte, pour leurs maires. À partir de maintenant, ils les choisiront. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Pierre Cazeneuve
Très bien, Maillard !
M. Sylvain Maillard (EPR)
Je n’ai encore rien dit ! (Sourires.)
Nous, députés du groupe Ensemble pour la République, sommes très fiers de promouvoir cette proposition de loi. Nous y travaillons depuis un peu plus de deux ans et je tiens à remercier le rapporteur et le ministre pour la qualité des échanges que nous avons eus depuis deux jours, y compris en commission, et pour l’ensemble des propositions qu’ils ont faites.
Je dirai d’abord que ce texte raffermira les arrondissements de ces trois villes, auxquels nous sommes très attachés,…
Mme Léa Balage El Mariky
Ça, c’est faux !
M. Sylvain Maillard
…car les modes de scrutin qu’il prévoit permettront d’élire dans les arrondissements des listes qui s’y consacreront. Ce raffermissement est notre objectif. Nombre d’entre nous ont été ou sont élus d’arrondissements et nous tenons énormément à la proximité. D’ailleurs, dans les trois villes en question, quand nous avons mené des réflexions au sujet des arrondissements qui font en partie leur originalité, tous, habitants et élus,…
Mme Léa Balage El Mariky
Tous ?
M. Sylvain Maillard
…ont dit à quel point ils étaient attachés à leurs arrondissements. Nous réaffirmons leur importance. Ils auront une urne et les habitants de ces trois villes décideront qui seront leurs élus de proximité, en connaissant précisément le nom de leurs maires. Il n’y aura plus de maires qui, après s’être présentés, partent, par exemple, pour rejoindre la mairie centrale.
Deuxième point : dans les trois villes concernées, il y aura une liste unique pour une circonscription unique, comme dans toutes les villes de France, de telle sorte qu’une voix, un habitant, égale une voix. Un Parisien égale une voix ; un Marseillais égale une voix ; un Lyonnais égale une voix. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Pierre Cazeneuve
Très bien !
M. Sylvain Maillard
La force de la démocratie, c’est que, quel que soit l’endroit où l’on habite dans une ville, on compte pour la même chose. Le mode de scrutin en vigueur depuis quarante ans, inventé par Gaston Defferre pour la seule raison qu’il voulait que l’on puisse gagner en étant minoritaire, ne le permet pas.
M. Emmanuel Maurel
Rendons hommage à Gaston Defferre !
M. Sylvain Maillard
Ce mode de scrutin a abîmé la gouvernance de nos trois villes depuis quarante ans en les coupant en deux, car il a conduit les maires à privilégier systématiquement les arrondissements dont les habitants les ont élus. Au fond – j’ai déjà cité ces exemples en commission –, quand vous habitez dans le 16e arrondissement de Paris et que vous êtes électeur d’Anne Hidalgo, vous n’avez aucun intérêt à aller voter, et pas davantage si vous êtes électeur d’Agnès Buzyn ou de Rachida Dati et habitez dans le 20e arrondissement, car vous savez déjà qui sera le maire d’arrondissement.
Au fond, le système qui s’applique à Paris, Lyon et Marseille, ressemble au système américain des grands électeurs, dont on ne cesse de dénoncer l’incohérence et le fait qu’il ne confère pas la même valeur à toutes les voix américaines. À Paris, Lyon et Marseille, on fait le même constat ! Trois ou quatre arrondissements y jouent le même rôle que les swing states aux États-Unis, faisant automatiquement la bascule, tandis qu’il ne sert à rien de voter dans tous les autres. La conséquence en est que, dans ces trois villes, les électeurs se déplacent dans des proportions massivement moindres que dans les autres villes de taille légèrement inférieure, où l’on pourrait attendre une participation semblable.
Pour toutes ces raisons, il nous semble essentiel de changer le mode de scrutin en question. Nous y travaillons depuis deux ans. C’est maintenant qu’il faut le faire ! Je vous remercie pour la qualité des débats qui nous ont animés. Je remercie l’ensemble des élus locaux que mon collègue David Amiel et moi-même avons rencontrés depuis deux ans pour la richesse des échanges que nous avons eus avec eux. Je crois que notre travail permettra à chaque habitant de compter. Chaque voix compte ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP)
Lundi, cette assemblée a voté la réforme du mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants. Cette avancée est la bienvenue : non seulement les règles de la parité sont dorénavant applicables à l’ensemble des communes de France mais le principe de l’élection proportionnelle est également généralisé. Ce sont de grands progrès pour le droit des femmes à accéder aux fonctions électives et pour la démocratie locale.
Aujourd’hui, le tour des grandes villes de Paris, Lyon et Marseille est venu. Il faut encourager les progrès démocratiques à toutes les échelles. La loi de 1982 instaurant une dérogation au mode de scrutin de droit commun pour les trois plus grandes villes de France a éloigné les citoyens et les citoyennes de la prise de décision municipale. Elle a opacifié le scrutin puisque les habitants et habitantes ne peuvent élire directement le conseil municipal de leurs villes. Selon l’arrondissement ou le secteur dans lequel ils sont inscrits, leurs voix ne comptent pas autant les unes que les autres pour l’élection du maire central. Ces disparités ne sont pas acceptables.
Selon le Centre de recherches politiques de Sciences Po, le Cevipof, 45 % des Français ressentent de la méfiance à l’égard de la politique et 52 % d’entre eux considèrent qu’il n’y a pas de quoi être fier de notre système démocratique.
Il est donc indispensable de lever cette opacité et d’instaurer un suffrage universel direct, à la fois pour les conseils d’arrondissement et les conseils municipaux.
Plus encore, l’abaissement de la prime majoritaire à 25 %, contre les 50 % actuels, constitue également une grande avancée démocratique pour la représentation politique des citoyennes et citoyens. Il est vrai que cela instaure un régime spécifique différent de celui qui s’applique aux autres communes, dans lesquelles cette prime reste de 50 %. Mais nous sommes d’accord pour généraliser ce progrès démocratique à toutes les communes ! Pourquoi s’accrocher à une injustice au nom de l’uniformité ? Si la prime majoritaire à 50 % fausse la représentativité, réduisons-la partout ! Commençons aujourd’hui là où c’est possible et cultivons ensuite l’exemple.
L’adoption de cette proposition de loi rendra le scrutin plus lisible et plus démocratique, lors des prochaines élections municipales.
Pour ces raisons, le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire votera en faveur de ce texte.
Il ne traite cependant qu’un aspect de la crise démocratique qui touche l’ensemble des communes. Il faut consacrer des moyens concrets à sa résolution. Nous devons redonner aux communes la place qui leur revient : celle de cellules de base de la démocratie. Car ce sont elles, non des métropoles hors-sol ou des intercommunalités imposées, qui incarnent la proximité démocratique.
Le rouleau compresseur de l’acte III de la décentralisation a brisé cette dynamique. La loi Notre, portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi Maptam de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la loi « 3DS » relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, la réforme territoriale : tout cela a concentré les pouvoirs, éloigné les décisions et affaibli les communes. Il est temps d’abroger ces lois et de mettre fin à l’organisation de l’éloignement antidémocratique des décisions locales.
Nous défendons la liberté d’association entre communes, contre l’obligation d’appartenance à des intercommunalités. Il faut que les communes puissent coopérer librement, en toute transparence, dans l’intérêt général. La démocratie, c’est surtout la liberté de décider ensemble. Finissons-en avec la concentration du pouvoir local. Trop souvent, les décisions sont prises à huis clos, dans des cercles restreints. Nous proposons de rendre obligatoire l’organisation dans les communes de débats citoyens ouverts à toutes et tous, pour que les citoyens et les citoyennes soient au cœur des décisions qui les concernent. Et nous voulons aller plus loin, en instaurant le référendum d’initiative citoyenne local, pour que la parole ne soit plus confisquée.
Enfin, aucune démocratie locale ne peut fonctionner sans moyens. Or le gouvernement n’a cessé de diminuer les dotations aux collectivités, tout en leur transférant toujours plus de responsabilités. Elles sont les grandes perdantes de la politique d’austérité imposée par Emmanuel Macron. En 2025, leur budget a été amputé de 7,4 milliards d’euros supplémentaires. Nous exigeons le rétablissement des dotations des collectivités à un niveau compatible avec les missions qui leur sont confiées, car il ne peut y avoir de services publics de qualité sans financement public à la hauteur et il est injuste de faire peser sur les collectivités le devoir de tout financer.
En somme, nous voulons une démocratie locale ancrée au plus près des citoyens et des citoyennes, égalitaire, écologique et sociale, une démocratie qui redonne le pouvoir à celles et ceux qui y vivent, travaillent, s’engagent et créent du lien dans leurs bassins de vie.
Mais, nous le savons, ces avancées demeurent des pas isolés dans un édifice institutionnel à bout de souffle. Pour refonder en profondeur notre démocratie, il faut aller plus loin. En deux semaines, plus de 15 000 personnes ont déjà signé, sur la plateforme des pétitions citoyennes de l’Assemblée nationale, notre pétition pour la VIe République et pour la convocation d’une assemblée constituante. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) C’est pourquoi nous appelons de nos vœux cette convocation, pour bâtir une VIe République égalitaire, écologiste et sociale, qui rompe avec la verticalité de la Ve République, rende le pouvoir au peuple et place la participation citoyenne au cœur de nos institutions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette (SOC)
Les débats de ces derniers jours confirment à quel point il est difficile de légiférer dans la précipitation sur un sujet aussi complexe. Ils confirment aussi les différences qui séparent Paris, Lyon et Marseille et leurs évolutions respectives depuis les années 1980, au point que notre rapporteur proposait d’exclure Lyon du champ d’application du texte.
On nous avait annoncé que l’on rechercherait la mise en conformité avec le droit commun ; finalement, on ne l’atteint pas. On crée une nouvelle particularité qui distingue Paris, Lyon et Marseille, en y prévoyant une prime majoritaire de 25 % quand elle s’élève à 50 % dans les presque 35 000 autres communes de France.
Comme l’ont rappelé un certain nombre de nos collègues, le texte soulève en outre de nombreuses interrogations sur le plan constitutionnel. Il est donc encore bien loin d’être opérant.
J’ai eu l’occasion de le dire au début de nos débats – cela confirme l’évolution différenciée de ces trois villes – : nos députés voteront à l’aune des avancées obtenues grâce à cette proposition de loi pour chacun des territoires concernés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray (DR)
Cette proposition de loi visait à corriger les effets pervers de la loi PLM – loi portant modification de certaines dispositions du code électoral relatives à l’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille – et à réformer le système électoral trop complexe en vigueur dans ces trois villes. Au terme de nos débats et au regard des amendements adoptés, l’objectif est globalement atteint. Cette réforme permettra aux habitants des trois villes d’élire directement les membres de leurs conseils municipaux, les dirigeants de leurs villes, comme dans toutes les autres villes de France. Le principe d’égalité, suivant lequel un électeur est égal à une voix et la voix de chaque électeur a le même poids, quel que soit son arrondissement ou son secteur, sera enfin respecté.
Le texte répond aussi aux attentes des habitants des trois villes, qui sont largement favorables à une telle réforme – 91 % des Parisiens, 88 % des Marseillais, 81 % des Lyonnais.
M. Alexandre Portier
Eh oui !
M. Nicolas Ray
Notre groupe est satisfait que Lyon n’ait pas été exclu du champ d’application de cette réforme, malgré les problèmes que cela peut engendrer et que nous ne méconnaissons pas. Cette exclusion aurait constitué une anomalie et accru la confusion et la complexité de notre système électoral. À moyen terme, il faudra peut-être revoir le mode d’élection des conseillers métropolitains de Lyon.
Cette proposition de loi n’est cependant pas parfaite. Abaisser la prime majoritaire à 25 % suscite l’interrogation, comme l’a souligné plusieurs fois, à juste titre, Olivier Marleix, relativement à la composition du collège sénatorial, qui sera différente dans ces trois grandes villes. Elle fait aussi courir un risque d’absence de majorité dans les conseils concernés, en cas de triangulaire ou de quadrangulaire, ce qui ne constitue pas un faible problème. On peut aussi s’étonner de l’amendement no 92 tendant à corriger le tableau définissant le nombre de sièges dans les conseils d’arrondissement. On y voit en effet que, dans certains arrondissements, le nombre des conseillers sera très faible – neuf, par exemple, dans le 6e arrondissement de Paris. Je ne vois pas en quoi il est cohérent de prévoir des effectifs si réduits, dès lors que cela n’a aucun effet sur le conseil central de la ville.
Au terme de ces débats, nous souhaitons donc que la navette parlementaire et les discussions au Sénat, voire la commission mixte paritaire, s’il s’en tient une, permettent d’améliorer et de corriger la proposition de loi. Notre groupe, qui, vous le savez, est attaché à la liberté de vote de ses membres, votera majoritairement en sa faveur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme Anne-Laure Blin
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS)
Nous en sommes désormais à la fin de l’examen d’une proposition de loi qui aurait pu rester dans les cartons, derrière une armoire, dans un coin poussiéreux, tant en réalité elle ne sert pas la démocratie locale à Paris, Lyon et Marseille, mais scelle de toute évidence un deal avec le Rassemblement national. Il est même très clairement expliqué dans l’exposé des motifs de plusieurs de ses amendements quelles furent les lignes rouges de la négociation avec le groupe EPR. Les écologistes ne sont pas dupes et ne seront pas les idiots utiles de la mascarade électorale que vous essayez de faire voter – vous allez sûrement réussir, mais j’espère que le trajet de cette proposition de loi s’arrêtera à la sortie de l’Assemblée nationale.
Cette proposition de loi ne vise pas à renforcer la démocratie dans les arrondissements : au contraire, elle conduira à leur paupérisation puisqu’ils n’auront plus le même poids dans les conseils municipaux.
Elle ne permettra pas davantage de renforcer la voix des élus locaux dans les conseils métropolitains de Paris et de Marseille et sera inapplicable, dans ces conditions, pour la ville de Lyon.
Tous les correctifs que nous avons essayé d’apporter ont été rejetés parce que ce qui vous intéressait, c’était de conserver votre deal avec le Rassemblement national, que vous ne cessez de favoriser tout en prétendant vouloir lui faire obstacle.
Les écologistes ne s’opposent pas à la réforme d’un mode de scrutin dès lors qu’elle est bien faite et bien pensée mais, même si on nous a affirmé que ce texte ne portait pas sur les compétences, le fait même que nous n’ayons pas pu débattre, ni en commission ni après, de l’évolution nécessaire des compétences dans les arrondissements, les conseils municipaux et les métropoles pose un énorme problème démocratique, sans parler du manque de cohérence de ce texte électoral que notre assemblée s’apprête à voter – ou à rejeter si, au dernier moment, certains d’entre vous retrouvent le chemin du bon sens.
Je terminerai par un constat : ce que vous êtes en train de faire ici, sans prendre en considération les élus d’arrondissement qui, pour la grande majorité, exercent leurs fonctions bénévolement et sont en première ligne pour expliquer les politiques publiques décidées dans les conseils municipaux, démontre encore une fois à quel point vous n’êtes pas près de prendre la gouvernance de ces villes.
Mme Anne-Laure Blin
Qui en a parlé ?
Mme Léa Balage El Mariky
Vous n’avez aucune considération pour leurs premiers élus, celles et ceux qui travaillent bénévolement, avec cœur, avec audace et avec l’envie de bien faire.
C’est pourquoi les écologistes s’opposent à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Sandrine Runel et M. Emmanuel Maurel applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau (Dem)
Je tiens, au nom du groupe Les Démocrates, à saluer le travail de notre cher collègue et rapporteur Jean-Paul Mattei, un travail de fond qui n’a pas été réalisé sur le coin d’une table,…
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Bravo ! Enfin quelqu’un qui le reconnaît ! (Sourires.)
M. Éric Martineau
…comme on l’entend souvent dire lors des séances dans l’hémicycle. Nous savons qu’il a mené les concertations nécessaires pour trouver un chemin qui convienne au plus grand nombre en vue d’une élection plus représentative des citoyens. Mais en commission, on avait démontré que la situation était différente à Lyon et nous regrettons que les amendements visant à exclure cette ville du texte aient été rejetés.
Mme Sandrine Runel
Par le gouvernement !
M. Éric Martineau
Il faut saluer néanmoins les avancées obtenues comme la prime de 25 % à la majorité pour une meilleure adéquation entre le poids électoral des différentes listes et leur représentation au sein du conseil municipal.
Nous savons que ce texte suscite toujours des interrogations dans les villes concernées mais notre groupe votera en sa faveur au nom du principe d’égalité et du respect démocratique, par conséquent pour les mêmes raisons qui nous ont fait voter en début de semaine les textes relatifs aux élections dans les petites communes. Il s’agit à nouveau de défendre le pluralisme, conformément à nos principes républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere (HOR)
L’examen de cette proposition de loi a démontré que tout n’est pas si simple quand on tente de changer un mode de scrutin, surtout à moins d’un an des élections en question,…
Mme Sandrine Runel
Eh oui !
M. Jean Moulliere
…que les élus des différents partis des grandes villes concernées ne sont pas d’accord entre eux et que la réforme comporte des trous dans la raquette.
Comme indiqué lors de la discussion générale, le groupe Horizons & indépendants soutient l’idée de permettre aux Parisiens, aux Lyonnais et aux Marseillais d’élire directement les membres de leur conseil municipal, qui eux-mêmes éliront le maire. Cependant, cette réforme devait tenir sur deux jambes, à savoir pour la première, le principe « un homme égale une voix » auquel nous sommes favorables, et pour la seconde, une nouvelle répartition des compétences entre les villes-centres et les arrondissements ou secteurs. Il aurait été à cet égard intéressant de mieux prendre en compte la question des maires d’arrondissement et leur rôle au sein du Conseil de Paris ou des conseils municipaux de Lyon et de Marseille.
Enfin, je regrette que les Lyonnais se voient imposer une élection aussi complexe avec non pas une, non pas deux… mais trois urnes le jour du vote. Qui dit mieux ?
Après plus de sept heures de débat, il me semble qu’il y avait d’autres priorités à inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée afin de répondre aux attentes des Français : je pense notamment que nous aurions pu examiner plus tôt un texte très important et attendu par nos compatriotes, à savoir le projet de loi de simplification…
M. Sébastien Peytavie
De liquidation !
M. Jean Moulliere
…de la vie économique. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons & indépendants s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Mazaury.
M. Laurent Mazaury (LIOT)
Après la version face, voici aujourd’hui la version pile de la loi PLM. Cette proposition de loi répond à une exigence démocratique fondamentale au regard du suffrage universel : apporter davantage de clarté aux électeurs de trois des plus grandes villes de notre pays que sont Paris, Lyon et Marseille. La réforme proposée repose sur un principe simple : appliquer à ces trois villes quasiment le même mode de scrutin qu’à l’ensemble des communes françaises. Ainsi, les électeurs éliront directement leur conseil municipal et, parallèlement, l’élection des conseillers d’arrondissement, garants de la proximité locale et auxquels les habitants de ces grandes villes sont légitimement attachés, sera maintenue. Enfin de la transparence, de la lisibilité et de la cohérence ! Comme le dit souvent le président Larcher, le maire est celui qui est à portée d’engueulade. Deux raisons à cela : tout d’abord, sa proximité bien évidemment, et aussi parce que c’est l’élu que l’on connaît et que l’on reconnaît. C’est en effet celui que l’on a élu directement. C’est un lien indéfectible, le résultat d’un suffrage qui le place quotidiennement en responsabilité face aux électeurs et à l’ensemble des habitants. C’est humain. C’est cela l’expression du suffrage. Et c’est pour cette raison que tous les sondages donnent les élus locaux comme étant les élus préférés des Français. Pourquoi Paris, Lyon et Marseille seraient-ils privés plus longtemps de ce lien direct ?
Il s’agit donc d’atteindre trois objectifs hautement démocratiques : premièrement, établir un lien plus direct entre l’électeur et son maire ; deuxièmement, améliorer la représentativité des élus, permettant d’assurer ainsi une stabilité institutionnelle sans dénaturer la diversité politique des conseils municipaux puisque la majorité municipale en sera renforcée sans pour autant écraser les oppositions ; troisièmement, préserver la proximité locale, la réforme maintenant en effet les conseils d’arrondissement dont l’utilité est reconnue tout en appelant à faire évoluer leurs compétences, ce qui me semble essentiel.
Je viens d’entendre que certains jugent le calendrier de cette réforme trop resserré. Je rappelle – sans provocation – que la précédente loi PLM de 1982 avait été adoptée trois mois seulement avant le scrutin municipal… sous la houlette de Gaston Deferre il est vrai. Le mode d’élection actuel crée une opacité susceptible d’entraîner la défiance des citoyens alors que, selon le Cevipof, 45 % des Français ressentent de la méfiance vis-à-vis de la politique et 52 % considèrent qu’il n’y a pas de quoi être fier de notre système démocratique. Il y a donc un réel enjeu à rendre ces élections plus compréhensibles et plus directes. Cette réforme est de surcroît attendue par l’immense majorité des habitants de Paris, de Lyon et de Marseille, qui représentent tout de même, je le rappelle, 10 % du corps électoral national.
C’est bien pourquoi, et parce que la raison et le sens de l’égalité me le commandent, je voterai à titre personnel ce texte. Et en ce qui concerne notre groupe LIOT, conformément à notre passion pour une liberté éclairée,…
M. Paul Molac
Eh oui !
M. Laurent Mazaury
…chacun se déterminera selon sa propre analyse et à la lumière de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu (GDR)
Je précise d’emblée que nous sommes, quant à nous, très ouverts à l’amélioration du fonctionnement démocratique des collectivités, notamment des collectivités locales, et moi particulièrement en tant qu’élu francilien. Il y a tant à faire, en la matière, en région parisienne. Je me souviens qu’en 1999, le ministre de l’intérieur de l’époque, Jean-Pierre Chevènement, réfléchissant à une réforme pour Paris et la banlieue parisienne, disait à quel point la perspective d’un véritable apartheid territorial et social au sein de l’agglomération parisienne nous menaçait. Depuis, tout s’est aggravé en dépit des réformes et de la création de nouvelles collectivités. Alors que nous aurions pu réfléchir à améliorer la péréquation fiscale, dresser le bilan des établissements publics territoriaux mais aussi de la métropole du Grand Paris, nous avons une proposition de loi ni faite ni à faire, comme viennent d’en attester les débats, un texte totalement parisiano-centré,…
Mme Danielle Simonnet
Exactement !
M. Stéphane Peu
…défendu par quatre députés macronistes, eux-mêmes candidats à Paris en 2020 et qui ont alors été sévèrement battus. Mais au lieu de s’interroger sur les causes de leur défaite, ils essayent d’en trouver une explication dans le mode de scrutin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Emmanuel Grégoire
Tout à fait !
M. Stéphane Peu
Si Benjamin Griveaux était encore sur ces bancs, il aurait été votre cinquième larron et aurait bien volontiers signé la proposition de loi.
M. Sylvain Maillard
Ce n’est pas à la hauteur, monsieur Peu !
M. Stéphane Peu
La vérité est que cette proposition de loi est le résultat d’un deal inavouable entre Emmanuel Macron et Rachida Dati. C’était le prix de l’entrée de Rachida Dati au gouvernement. Et comme elle parle beaucoup, cette ministre de la culture, elle l’a même reconnu. D’ailleurs, huit jours après son entrée au gouvernement, le président de la République annonçait devant la presse son souhait de modifier la loi électorale pour Paris ! Et pour faire bonne mesure, vous avez embarqué Lyon et Marseille dans cette mauvaise galère ! Le résultat de tout cela, c’est qu’en dépit de tous les efforts du rapporteur pour réécrire le texte dans un langage législatif à peu près correct, il reste une mauvaise loi et nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme Danielle Simonnet applaudit également.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 236
Majorité absolue 119
Pour l’adoption 183
Contre 53
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je remercie mes collègues pour ce débat constructif, que l’on peut qualifier d’engagé pour certains. Je salue les auteurs du texte et je sais gré au président de la commission des lois de m’avoir accueilli, moi qui venais de la commission des finances. Nous avons tous vécu un moment de démocratie pour la démocratie locale. Je pense que c’est un texte utile. Il continuera son chemin au Sénat, avant de revenir à l’Assemblée. Il va en tout cas dans le sens d’une bonne démocratie et je suis totalement convaincu qu’il améliorera la transparence des élections municipales à Paris, à Lyon et à Marseille. Merci encore à tous pour votre participation. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR. – MM. Emmanuel Grégoire et Jérôme Guedj applaudissent également.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)
M. le président
La séance est reprise.
4. Simplification de la vie économique
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique (nos 481 rectifié, 1191).
Présentation
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
En huit heures, vous pouvez faire bien des choses. En huit heures, vous pouvez par exemple visionner l’intégrale des films Massacre à la tronçonneuse. (Sourires.) En huit heures, vous pouvez regarder toute une saison de Game of Thrones, série connue pour ses coups de hache, ce qui pourrait vous préparer à l’examen du texte dont nous débattons. En huit heures, si vous comptez parmi les meilleurs coureurs mondiaux, vous pouvez faire le tour complet du Mont-Blanc et vous préparer à gravir l’Himalaya. En huit heures, vous pouvez aussi prendre le temps de lire un bon livre.
En huit heures, normalement, vous avez l’embarras du choix. Mais quand vous êtes un dirigeant d’entreprise, surtout s’il s’agit d’une très petite entreprise (TPE) ou si elle relève de la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME), huit heures, c’est le temps que vous passez chaque semaine, en moyenne, à remplir de la paperasse administrative. Huit heures perdues à vous arracher les cheveux pour accomplir des formalités qui n’apportent souvent aucune valeur ajoutée à votre activité. Huit heures que vous auriez pu passer à développer votre commerce, à démarcher des clients, à recruter, à former vos salariés, en un mot, à conquérir de nouveaux marchés.
C’est pourquoi, malgré toutes les critiques qu’il peut susciter, ce projet de loi est attendu par les Français (Protestations sur les bancs du groupe EcoS) et, à plus forte raison, par les milieux économiques. Il répond à une réalité, l’excès de bureaucratie, et comporte des mesures techniques, sectorielles, ciblées, parfois méconnues du grand public, qui permettront de simplifier concrètement la vie des commerçants, des artisans comme des entreprises et d’alléger leur quotidien, notamment dans les secteurs de l’industrie, de la recherche, de la construction, des infrastructures, des centres de données ou de la santé.
Disons-le d’emblée, ce projet de loi n’est peut-être pas le grand soir attendu par certains.
Mme Anne-Laure Blin
C’est exactement ça !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Toutefois, à l’heure où nous commençons son examen, il a le mérite de lancer un nouveau régime de simplification. La simplification est un combat de chaque instant. À l’image du parcours de ce texte, elle est un travail de Sisyphe, une œuvre de longue haleine semée d’embûches.
M. Henri Alfandari
Tout à fait !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Vous connaissez l’histoire de ce projet de loi. Il a été présenté par Bruno Le Maire en Conseil des ministres il y a plus d’un an, défendu au Sénat, avant la dissolution, par les ministres Olivia Grégoire, Roland Lescure et Marina Ferrari, puis adopté en octobre 2024 grâce à l’engagement de Guillaume Kasbarian et d’Antoine Armand. Après tous ces rebondissements et plus d’un an de transit politique, il arrive enfin dans l’hémicycle, non sans avoir été examiné pendant trois jours et trois nuits en commission spéciale, il y a deux semaines. L’objectif du gouvernement est désormais de lui faire parcourir l’étape du dernier kilomètre. Comme en commission, nous serons plusieurs à nous relayer pour y parvenir, avec mes collègues Véronique Louwagie et Marc Ferracci, dont je salue l’engagement.
Quand, tout à l’heure, j’évoquais la lecture d’un bon livre, j’avais l’exemple de ceux de Kafka en tête. (Mme Christine Arrighi s’exclame.) Comme chacun d’entre vous, je suis confronté depuis toujours à des situations ubuesques et je ne peux m’empêcher de penser à l’absurdité bureaucratique kafkaïenne de notre pays, sans pour autant vouloir faire le procès systématique de notre administration – elle travaille et je ne lui jetterai jamais la pierre. Dans Le Rivage des Syrtes, Julien Gracq décrit très bien la bureaucratie lourde et pâteuse de la vieille cité d’Orsenna, qui étouffe sous son propre poids, ce qui conduira la ville à sa perte. Comme Orsenna, la France souffre. Elle est parfois malade de sa bureaucratie.
Au cours de mes trois premiers mois au ministère de la fonction publique, de l’action publique et de la simplification, j’ai été frappé de voir à quel point la complexité administrative était ce qui irritait le plus nos compatriotes, les entrepreneurs et les élus. Comme de nombreux Français, je crois que nous devons arrêter de tourner autour du pot et entamer une véritable cure de simplification. Attaquons-nous donc en priorité aux procédures administratives inutilement lourdes et chronophages ! Notre cap doit être clair : libérer du temps pour les Français en allégeant la gestion administrative quotidienne.
La simplification est un impératif politique, économique et budgétaire. Politique d’abord, car la complexité administrative à laquelle les Français sont confrontés au quotidien nourrit une insatisfaction latente et une méfiance croissante vis-à-vis de l’action de l’État. Un impératif budgétaire ensuite, dans un contexte où chaque euro de dépense publique doit voir sa pertinence réévaluée. Un mouvement massif de simplification nous permettra d’améliorer notre compétitivité et notre attractivité en générant des économies durables et en nous rendant plus efficaces dans la conduite des politiques publiques. Un impératif économique enfin, car la complexité coûte aux entreprises et au pays. L’accumulation de normes aurait un coût estimé à 3 % du PIB, selon l’OCDE. Ce chiffre doit nous alerter.
Il est temps de passer du culte de la norme à la culture du résultat.
Mme Anne-Laure Blin
Et de la confiance !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Le projet de loi que nous étudions constitue ainsi une brique d’un édifice plus vaste. J’aurai l’occasion de soutenir sa construction, avec d’autres initiatives parlementaires ou gouvernementales et avec un plan d’action rassemblant une cinquantaine de mesures de niveau réglementaire ou infraréglementaire. Il complète aussi un travail de fond mené par le gouvernement pour que la France contribue au paquet « simplification » de la Commission européenne.
Beaucoup a été fait depuis 2017. Les gouvernements successifs ont proposé au Parlement de nombreuses lois : la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte ; la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi Asap ; la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc ; la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte. Ces lois avaient pour objectif de simplifier la vie économique de notre pays.
Dans la lignée de ces textes, le projet de loi que nous allons examiner comporte des mesures concrètes qui permettront de réelles avancées. Elles ne seront pas soutenues sur tous les bancs de cette assemblée, j’en suis conscient – l’examen d’une motion de rejet afin de retarder un peu plus le début de l’examen du texte le prouve, mais il est devenu une habitude. On ne peut dire que l’on veut simplifier la vie des Français quand on souhaite rejeter un texte avant même de l’avoir discuté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.) Les Français en ont par-dessus la tête de la bureaucratie, et lorsqu’on souhaite répondre à cette attente forte et légitime, on trouve toujours des postures caricaturales sur sa route. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous savez l’importance que j’accorde aux différents groupes politiques de cette assemblée – bien que certains ne respectent pas tout le monde. J’en ai moi-même présidé un pendant plus de deux ans. Puisque la simplification concerne l’intégralité des Français, je considère qu’elle doit légitimement concerner aussi l’intégralité des forces politiques qui les représentent. C’est pour cette raison qu’elle doit s’inscrire dans une logique de concertation, d’équilibre et de dialogue.
M. Loïc Prud’homme
Sans blague ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Personne ne détient à lui seul la vérité de la simplification.
M. Éric Martineau
Ça, c’est vrai !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Mesdames et messieurs les députés, le risque principal qui guette l’hémicycle, avec ce texte, c’est de céder à la surenchère soit de ceux qui souhaiteraient manier avec violence la hache et la tronçonneuse, soit de ceux qui sont encore coincés entre le marteau et l’enclume d’une forme de soviétisme bureaucratique. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Charles Fournier
N’est-ce pas un peu excessif, ça ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Malgré tout, je suis intimement persuadé qu’à la fin de l’examen du texte, nous parviendrons à trouver une position équilibrée et raisonnable sur un grand nombre de sujets et que la copie issue de la commission spéciale en sortira assagie – je pense notamment à la suppression sèche du « test PME ».
Ce projet de loi a été préparé en partant prioritairement des besoins et des demandes du terrain. Une longue concertation l’a précédé. Il repose sur quatre grands principes : diminuer radicalement la charge mentale des petits chefs d’entreprise suscitée par les démarches administratives ; changer de paradigme dans la relation entre l’administration et l’entreprise afin d’instaurer un dialogue de confiance ; alléger le quotidien des entrepreneurs et en finir avec les surtranspositions qui les pénalisent sans bénéficier aux Français ni aux consommateurs ; faciliter et accélérer les grandes transitions qui permettront à la France de se réindustrialiser et de continuer à renforcer sa compétitivité.
Je sais que l’article 1er provoquera débats, amendements et confrontations.
Mme Anne-Laure Blin
Eh oui ! Comme les autres !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Il prévoit, en l’état, la suppression d’une trentaine de commissions qui nuisent à l’efficacité et à la lisibilité de l’action publique. Ces comités, qui sont souvent créés avec les meilleures intentions, finissent par ressembler à des coquilles vides, soit parce qu’ils sont redondants avec d’autres actions de l’administration, soit parce qu’ils sont devenus inutiles ou qu’ils n’ont plus d’activité réelle. Le gouvernement proposera néanmoins de revenir sur quelques suppressions dont les conséquences avaient été sous-estimées.
Mme Anne-Laure Blin
Je suis curieuse de savoir lesquelles…
M. Laurent Marcangeli, ministre
De plus, je préfère le dire dès à présent pour nous faire gagner du temps, il sera défavorable, par principe, à toute suppression d’opérateur ou d’agence indépendante. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le même état d’esprit anime l’article 2 du projet de loi, qui vise à supprimer des formalités lourdes, inutiles et obsolètes. Les dispositions qu’il contient peuvent apparaître comme très sectorielles et techniques mais, pour chacune des catégories d’entreprises concernées, elles marquent des avancées concrètes. Dans la continuité de ce travail, ma collègue Véronique Louwagie et moi-même proposerons d’ici à la fin de l’année la suppression de plus de 200 formulaires Cerfa. (Mêmes mouvements.)
L’un des principes qui ont guidé l’élaboration du texte est la volonté de changer de paradigme et de restaurer une relation de confiance entre l’administration et les entreprises. Tel est précisément l’objet de certains articles, qui tendent à renforcer les principes du Silence vaut acceptation et du Dites-le nous une fois.
Enfin, dans le contexte international actuel, nous souhaitons continuer de faciliter et d’accélérer les grandes transitions qui permettront à la France de se réindustrialiser et d’améliorer ses performances, en favorisant par exemple l’installation des centres de données indispensables à la souveraineté et à la résilience numériques de la nation, ainsi qu’au développement de l’intelligence artificielle. La simplification est aussi un moyen de redonner de l’air à nos entreprises et de renforcer notre souveraineté.
Avant de laisser la parole à ma collègue, je voudrais conclure par une fable de La Fontaine.
Comparable au chêne, notre système normatif est devenu massif, imposant, lourd. Ses défenseurs pensent que sa rigidité et sa massivité font sa force, alors qu’elles conduiront à sa perte en cas de tempête. En allégeant les normes, en donnant au système plus de souplesse, bref, en votant pour ce texte, vous lui permettrez, tel le roseau, de survivre aux bourrasques. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Une légère brise normative ne nuira pas, bien au contraire, mais ce projet de loi apportera une bouffée d’oxygène aux Français et à nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
L’économie française, avec sa richesse et sa diversité, repose avant tout sur ses entreprises. Nous le savons : ce sont les très petites, petites et moyennes entreprises et, bien sûr, les grandes entreprises qui font vivre notre économie, qui créent de la richesse et de l’emploi. Pourtant, ces entreprises, qui font la fierté de nos territoires, sont souvent confrontées à un obstacle majeur : la norme administrative, qui freine leur développement et leur compétitivité. L’excès de normes se poursuit et nous avons collectivement développé une bureaucratie.
Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est une cure – une cure de simplification. Une cure pour désépaissir nos codes, les soulager des normes devenues incompréhensibles, trop coûteuses, contradictoires entre elles ou tout simplement inapplicables. Notre pays est corseté, il faut le libérer. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Chaque entreprise, qu’elle soit une PME ou un grand groupe, doit faire face à une multitude de règles administratives, fiscales, sociales et environnementales. Si ces règles sont indispensables pour garantir la justice, la sécurité et l’équité,…
M. Loïc Prud’homme
Ah ! Quand même !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…elles deviennent trop souvent un poids, surtout lorsqu’elles sont inadaptées à la réalité du terrain.
Les chiffres ont de quoi nous alarmer : les entrepreneurs passent près de trente-deux heures par mois – les huit heures hebdomadaires citées par le ministre Marcangeli – à remplir des documents, à faire des déclarations ou à répondre à des demandes administratives. L’expert-comptable que je fus sait combien ce temps dévolu à la norme empêche les entrepreneurs de se consacrer pleinement à leur cœur de métier, au développement de leur entreprise et à l’innovation. À cela s’ajoute le coût direct des erreurs ou des retards dans les déclarations, qui peuvent entraîner des amendes ou des sanctions.
En agrégé, le coût de la norme est estimé à près de 4 % du PIB : autant de productivité et d’emplois perdus ! Le contexte international et la situation économique de notre pays exigent que nous soyons aux côtés de nos entrepreneurs. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je quitte à l’instant une réunion autour d’Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, durant laquelle un grand nombre de représentants des fédérations ont fait état de leurs souhaits de simplification. Nous devons agir pour simplifier, agir vite et collectivement.
Notre première action collective est d’examiner ce projet de loi de simplification de la vie économique, qui a été enrichi par le Sénat puis par la commission spéciale de l’Assemblée nationale. Il apporte une réponse ambitieuse et nécessaire. Ce projet de loi, c’est moi qui suis chargée de le présenter, grâce à la confiance d’Éric Lombard, que je remercie, et avec mes collègues Laurent Marcangeli, pour les sujets transversaux, et Marc Ferracci, pour les questions industrielles.
Le texte est guidé par trois grandes idées : simplifier pour renforcer ; simplifier pour accélérer ; simplifier pour restaurer la confiance. En effet, simplifier n’est pas une fin en soi.
Premièrement, il faut simplifier pour renforcer, à commencer par les très petites entreprises, en réduisant les démarches administratives et les coûts. Ainsi l’article 13 simplifie-t-il la gestion des comptes bancaires pour les petites entreprises.
De même, l’article 14, qui simplifie la résiliation des contrats d’assurance, apporte une réponse concrète aux difficultés des entreprises face à la complexité des démarches liées à leurs contrats. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de discuter de l’éventuelle extension de ces dispositions aux contrats de fourniture d’énergie. En harmonisant ces démarches avec celles des particuliers, nous permettrons aux dirigeants de se concentrer sur le développement de leur entreprise et sur la gestion de leur trésorerie, plutôt que sur des tâches administratives chronophages.
Il faut aussi simplifier pour renforcer la trésorerie des artisans et des commerçants. De ce point de vue, l’article 24 représente une avancée notable pour les commerçants, avec l’introduction du paiement mensuel des loyers. Aujourd’hui, les commerçants et artisans locataires versent à leur bailleur, au début de chaque trimestre, trois mois de loyer en une seule fois. Ce loyer commercial est en général le premier poste de dépenses pour ces entreprises, en particulier pour celles qui démarrent leur activité.
L’encadrement des dépôts de garantie, introduit par le même article, donnera aux petites entreprises une plus grande flexibilité et une meilleure maîtrise de leur besoin en fonds de roulement. Ce sont près de 2 milliards d’euros de trésorerie qui seront ainsi libérés pour les commerçants grâce à cette disposition qui découle de l’accord de place qui avait été trouvé au sein du Conseil national du commerce et signé sous l’égide de la ministre Olivia Grégoire. La loi se doit de transposer cet accord conclu entre professionnels.
Deuxièmement, il faut simplifier pour accélérer. Les entreprises nous le demandent, et j’en suis personnellement convaincue : il faut accélérer les procédures exigées par l’administration.
Prenons l’exemple de la commande publique : l’article 4 prévoit la généralisation du recours à la plateforme des achats de l’État, Place, qui offre un grand nombre de services gratuits. Concrètement, une entreprise, par exemple d’électricité, peut être informée des marchés publics qui concernent son secteur d’activité et sa région grâce à des notifications, puis déposer sa candidature sur une plateforme publique, sécurisée et gratuite.
Nous proposerons par la suite, même si ce n’est pas prévu dans le projet de loi, un module fast track qui permettra de remplir les obligations administratives en quelques minutes seulement, à partir du numéro Siret des entreprises. Voilà une mesure concrète qui simplifiera la vie des TPE et PME. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le rehaussement des seuils de dispense de mise en concurrence et de publicité va dans le même sens, en allégeant les charges associées pour les entreprises. Il est prévu de rehausser le seuil à 100 000 euros pour les marchés publics de travaux et à 143 000 euros pour les marchés relatifs aux achats innovants ; en outre, une part de ces marchés, à savoir 15 %, sera réservée aux jeunes entreprises innovantes.
Ces mesures peuvent sembler paramétriques, mais elles ne le sont pas. La commande publique représente en effet près de 200 milliards d’euros par an et 60 % des entreprises titulaires de marchés publics sont des PME.
Il convient aussi de simplifier pour accélérer l’implantation des centres de données en France. C’est ce que prévoit l’article 15. Ces centres, nécessaires à la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle, doivent pouvoir se développer rapidement et efficacement. En simplifiant les procédures administratives d’implantation, en accélérant le raccordement au réseau d’électricité et en adaptant les documents d’urbanisme, nous donnons aux entreprises l’assurance qu’elles pourront s’implanter rapidement en France, tout en respectant les règles environnementales.
Simplifier permettra aussi d’accélérer l’aménagement ou la rénovation des locaux commerciaux. Actuellement, les commerçants doivent faire face à des procédures complexes pour effectuer de tels travaux. Cette contrainte administrative, bien que motivée par des considérations liées à la sécurité ou à l’urbanisme, peut empêcher certains projets de se réaliser. Les articles 25 et 26 simplifient les procédures et donnent aux commerçants une plus grande souplesse pour adapter leurs espaces de travail à l’évolution de leur activité.
Troisièmement, il faut simplifier pour restaurer la confiance entre l’administration et les entreprises. En effet, leurs relations sont parfois marquées par un sentiment de distance, voire de méfiance. Il est impératif que l’administration devienne un véritable partenaire des entreprises, un acteur qui les soutient, les aide et les accompagne dans leur développement. L’objectif doit être non pas de multiplier les contraintes, mais de favoriser un environnement où les entreprises pourront se concentrer sur leur cœur de métier, sans avoir à craindre les obstacles administratifs.
Cela passe par le développement des principes du Dites-le nous une fois et du Silence vaut acceptation, qui permettent de mettre l’administration au service de l’administré.
Cela passe par la dépénalisation des sanctions pour les chefs d’entreprise. La pénalisation excessive de la vie économique constitue un frein à l’entrepreneuriat et à l’investissement. Nous souhaitons faire passer un message fort, en supprimant les peines d’emprisonnement pour les manquements mineurs relatifs aux obligations déclaratives des dirigeants – registre des bénéficiaires effectifs, directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), certaines dispositions du droit de la consommation. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Faisons confiance aux entreprises, favorisons les initiatives au lieu de laisser dans notre droit des peines d’emprisonnement disproportionnées.
Simplifier vise également à restaurer la confiance de manière durable, notamment en instaurant un « test PME ». Comme l’a rappelé Laurent Marcangeli, notre gouvernement est très attaché à cette mesure qu’attendent impatiemment les acteurs économiques. À ce titre, je tiens à remercier Olivia Grégoire pour son engagement lors de l’élaboration du projet de loi initial et à saluer les apports du Sénat, en particulier ceux d’Olivier Rietmann, président de la délégation sénatoriale aux entreprises.
Notre gouvernement est très attaché à cette mesure, car il est indispensable de mieux associer les entreprises, principalement les plus petites, à la création de la norme. En effet, en raison de leur taille et de leurs moyens limités, elles ne peuvent pas se permettre d’embaucher des équipes juridiques ou administratives spécialisées. Elles sont donc obligées d’effectuer des tâches administratives, souvent complexes et peu claires, qui empiètent sur leur temps et réduisent leur productivité. En conséquence, elles ralentissent leur croissance, voire leur développement et freinent leurs embauches.
Le « test PME » permettra à des TPE-PME d’évaluer qualitativement et quantitativement l’effet des nouvelles normes le plus tôt possible, donc en amont de leur adoption, afin de garantir que les mesures sont bien adaptées aux besoins et aux capacités des TPE-PME, de dresser un bilan coûts-avantages des projets de norme et d’apporter un éclairage aux décideurs publics, parlementaires ou membres du gouvernement, sur leurs coûts directs et indirects pour les entreprises.
Notre gouvernement est très attaché à cette mesure, dont l’adoption doit être l’occasion d’amorcer un changement de méthode pour les producteurs de normes, notamment pour les administrations. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement à l’article 27 visant à inscrire le « test PME » dans la loi, ce qui ne manquera pas de donner lieu à des débats enrichissants.
Cela contribuera à créer un climat de confiance, dans lequel les entreprises savent qu’elles peuvent se développer sans se heurter à des obstacles administratifs trop lourds.
En conclusion, ce projet de loi de simplification est un texte de modernisation, mais aussi de transformation. Vous l’avez compris, simplifier n’est pas une fin en soi. La simplification doit améliorer concrètement la vie des entreprises, pour qu’elles continuent à croître, à investir, à embaucher. Les mesures dont nous allons débattre ensemble sont attendues par beaucoup d’entre elles.
En réduisant le coût de la norme, en simplifiant les démarches administratives et en rétablissant la confiance entre les entreprises et l’administration, nous poserons les bases d’une économie plus dynamique et plus compétitive.
Au-delà du texte qui vous est présenté, je crois qu’il faut souligner la méthode qui a guidé Mme Olivia Grégoire et M. Bruno Le Maire lors de son élaboration.
Cette méthode repose sur la coconstruction avec les parlementaires – et je voudrais saluer ici les travaux d’Anne-Cécile Violland, de Nadège Havet, de Louis Margueritte, d’Alexis Izard et de Philippe Bolo –, sur de larges consultations, rappelées par Laurent Marcangeli, et sur les apports de nombreuses organisations professionnelles et syndicales.
C’est aussi la méthode adoptée par notre gouvernement depuis plus de trois mois. En effet, la simplification n’est pas une fin en soi et ce projet de loi n’est pas la fin de notre effort de simplification.
J’ai ainsi amorcé un tour de France de la simplification. Au cours de déplacements dans de nombreux territoires, je suis allée à la rencontre de commerçants, d’artisans, de salariés et de dirigeants de PME. Lors de mes échanges avec eux, je leur ai demandé d’illustrer par des exemples précis les cas de blocage ou de complexité administrative qui empoisonnent leur quotidien.
Je serais ravie de prévoir une étape de ce tour de France dans vos circonscriptions. De tels retours de terrain et ceux que vous partagerez avec nous nourriront notre réflexion pour les prochaines étapes du processus de simplification.
Ensemble, rendons de précieuses heures à nos chefs d’entreprise pour qu’ils consacrent leur temps au développement de leurs entreprises et à l’accompagnement de leurs salariés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission spéciale pour les titres Ier à VI.
M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission spéciale
La complexité croissante des normes et des procédures administratives dans notre pays freine depuis longtemps l’efficacité de l’action publique et la compétitivité économique. Simplifier la vie économique est donc un enjeu essentiel pour la réussite de nos entreprises, dans un contexte où la compétition internationale s’amplifie.
Soyons clairs : ce texte ne changera pas la vie de nos entreprises du jour au lendemain. Ce n’est pas le grand soir – M. le ministre l’a indiqué tout à l’heure.
M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission spéciale
C’est un petit matin.
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Si je me reconnais dans les propos de Mme la ministre évoquant ce qui peut être réalisé en huit heures et le temps que les tâches administratives prennent aux entreprises, je me garderai en revanche de toute comparaison entre nos efforts de simplification et les coupes opérées à l’aide d’une hache ou d’une tronçonneuse. Je souhaite au contraire féliciter nos collègues, quel que soit leur groupe, qui ont défendu des amendements en commission et proposé des suppressions. Conformément à sa conception de ce que doit être notre société, chaque groupe a ainsi contribué aux débats, d’ailleurs très apaisés et propices à de vrais échanges. J’espère sincèrement qu’il en ira de même ici, dans l’hémicycle.
L’article 1er a suscité de vives réactions : les suppressions d’instances qu’il prévoyait ont été multipliées par voie d’amendement. Certaines des nouvelles suppressions proposées étaient éclairées.
Mme Anne-Laure Blin
Exactement !
M. Christophe Naegelen, rapporteur
D’autres visaient à appeler l’attention sur certains défauts du projet gouvernemental ou de l’action même de ces instances. Soyons honnêtes : la commission a également entériné des suppressions dépourvues de raison d’être.
La discussion en séance publique nous permettra d’échanger, les uns expliquant en quoi telle suppression doit être opérée pour simplifier le quotidien des Français, les autres pourquoi telle instance doit être préservée.
Je salue également le changement de position du gouvernement au sujet de l’article 2 : il a fait le choix d’inscrire ses propositions sur l’allégement des formalités imposées aux entreprises dans un texte législatif, au lieu de procéder par voie d’ordonnance, comme le projet initial le prévoyait. Ce faisant, il a laissé à notre assemblée la possibilité d’en débattre, ce qui est la moindre des choses en démocratie.
La commission spéciale a introduit des articles : l’article 3 bis C protège les entreprises de moins de cinquante salariés contre un nouveau contrôle fiscal ou social pour peu qu’aucune irrégularité n’ait été constatée au cours d’un précédent contrôle datant de moins d’un an ; l’article 3 ter instaure un droit de se voir communiquer le numéro de téléphone et l’adresse électronique du service chargé d’instruire une demande ou de traiter une affaire ; et l’article 3 quater vise à faciliter les échanges de données entre administrations.
La discussion sur l’article 4 promet d’être intéressante : le gouvernement doit-il centraliser, au moins en partie, la commande publique ? Devons-nous au contraire laisser la main à des acteurs privés ? La tenue de ce débat philosophique importe au plus haut point.
Simplifier n’est pas déréguler ! Gardons cela en tête tout au long de nos débats : simplifier la vie de nos concitoyens, sans déréguler pour autant. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’un changement de paradigme : nous sommes au service de nos entreprises et de nos concitoyens ; ils ne sont pas au nôtre, pas plus qu’ils ne sont au service de l’administration.
Ce texte marque une première étape qu’il nous faut achever avant de pouvoir déposer de nouvelles propositions de loi et discuter d’autres projets de loi visant à simplifier encore la vie de nos entreprises.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission spéciale pour les titres VII à XII.
M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission spéciale
En ce qui me concerne, j’ai eu à rapporter la seconde partie du projet de loi de simplification, à partir de l’article 15. Mes travaux ont été guidés par des principes clairs : simplifier efficacement la vie de nos concitoyens et de nos entreprises, sans pour autant céder aux renoncements, qu’ils soient écologiques, environnementaux, sociaux ou juridiques.
Cette doctrine m’a poussé à demeurer fidèle à l’esprit du texte, tout en en modifiant la lettre chaque fois que cela m’apparaissait nécessaire pour renforcer les garanties de simplification offertes à nos concitoyens.
La commission spéciale a décidé de substantiellement modifier l’article 15, consacré à l’implantation des centres de données : les conditions permettant de reconnaître un projet industriel d’intérêt national majeur et une raison impérative d’intérêt public majeur ont été élargies.
J’appelle la représentation nationale à s’en tenir à l’objet du texte débattu. À titre d’exemple, un débat sur le dispositif zéro artificialisation nette (ZAN) a été ouvert à propos de ce texte. Il a d’autant moins sa place ici…
Mme Anne-Laure Blin
Si !
M. Stéphane Travert, rapporteur
…qu’une proposition de loi sénatoriale dite Trace, relative à cette question, doit être examinée par notre assemblée prochainement.
La commission spéciale a également souhaité introduire un article 15 ter supprimant totalement les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Anne-Laure Blin
Grâce à la Droite républicaine !
M. Stéphane Travert, rapporteur
J’ai bien compris le souhait de débattre des ZFE, compte tenu des difficultés qu’elles causent aux plus précaires de nos concitoyens et aux artisans, qui n’ont plus accès aux centres-villes faute d’avoir pu renouveler leurs véhicules.
M. Kévin Mauvieux
Voilà !
M. Stéphane Travert, rapporteur
Il n’existe pas encore une offre de véhicules utilitaires électriques suffisamment développée, bien que certains constructeurs aient commencé à y travailler – c’est le cas de Renault à l’usine de Sandouville, en Normandie.
Mme Anne-Laure Blin
Quand le changement sera-t-il effectif ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Mes chers collègues, je partage certaines de vos critiques. La lutte contre la pollution de l’air et le dérèglement climatique n’en demeure pas moins l’une de nos priorités.
Mme Anne-Laure Blin
La France représente moins de 2 % des émissions mondiales !
M. Stéphane Travert, rapporteur
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement qui tend à rétablir les ZFE, tout en les rendant plus acceptables socialement…
M. Kévin Mauvieux
Elles sont inacceptables !
M. Stéphane Travert, rapporteur
…et en restreignant leur périmètre aux agglomérations qui en ont impérativement besoin. J’espère que nous trouverons un compromis sans sacrifier nos objectifs de santé publique.
L’article 17 offre des solutions concrètes, d’ailleurs attendues par nombre d’élus locaux, afin d’assurer une couverture mobile à tous nos territoires, même les plus isolés, qu’ils soient ruraux, insulaires ou péninsulaires – comme celui dont je suis issu et où je suis élu.
L’article 18 vise à moduler dans le temps la séquence « éviter, réduire, compenser » qui s’impose aux porteurs de projet ; en commission, nous avons cherché à préserver l’équilibre entre protection des écosystèmes et accélération des implantations industrielles – point sur lequel je ne doute pas que nous pourrons nous entendre.
L’article 19 introduit une réforme attendue, bien que technique, du droit minier. Je me félicite que la commission spéciale s’en soit pleinement saisie.
L’article 20, enfin, vise à adapter les règles d’urbanisme. Là encore, de nombreux articles additionnels ont été adoptés, allant pour l’essentiel dans le sens d’un plus grand pragmatisme et d’un renforcement du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Le texte propose par ailleurs des dispositions pour encourager la recherche et l’innovation, notamment dans le domaine de la santé et celui du traitement de données, aux articles 22 et 23. La commission a précisé et enrichi ces articles : elle a en particulier adopté plusieurs amendements après l’article 23 pour étendre les pouvoirs de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et faire évoluer son organisation ainsi que la composition de son collège, laquelle a fait l’objet de vifs débats. De nombreux amendements ont été déposés sur ce point en séance publique. À titre personnel, je considère que ce texte n’est pas le bon véhicule législatif pour modifier la gouvernance de la Cnil et que la modification apportée à la composition du collège va trop loin ; je vous proposerai de corriger ce point.
Dans l’esprit que je décrivais en commençant mon intervention, la commission spéciale entendait créer des conditions favorables à l’examen prochain d’une loi de programmation énergétique. Dans l’ensemble, elle a conforté les assouplissements apportés au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale à l’article 24.
Parce que nul ne comprendrait la création d’un nouveau comité consultatif, elle a supprimé le Haut Conseil à la simplification pour les entreprises que le Sénat proposait d’instituer – ce qui ne condamne pas en soi la formalisation d’un véritable « test PME » pour nos entreprises.
Mes chers collègues, il faut imaginer Sisyphe heureux. Nous le savons tous : la simplification constitue une exigence sans cesse renouvelée, à la fois pour notre vie économique et sociale et pour l’efficacité de l’action publique. Le présent projet de loi apporte sa pierre à un chantier inachevé mais indispensable. Je forme donc le vœu que, malgré la tripartition de notre assemblée, des majorités de compromis et d’action se forment pour apporter, ici et maintenant, des réponses concrètes aux attentes du pays. Ce n’est pas simple, mais mettons-nous au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Christophe Naegelen, rapporteur, applaudit également.)
Motion de rejet préalable
M. le président
J’ai reçu de Mme Cyrielle Chatelain et des membres du groupe Écologiste et social une motion de rejet préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Jean Terlier
C’est pour l’autoroute A69 ?
M. Charles Fournier
Je ne me trouverais pas devant vous ce soir pour présenter une motion de rejet préalable si le projet de loi de simplification de la vie économique avait respecté son ambition initiale,…
M. Guillaume Kasbarian
Quoi qu’il arrive, vous l’auriez déposée !
M. Charles Fournier
…à savoir, selon vos propres mots, réduire la tracasserie administrative et la paperasse. Il n’est ici pas question de grand soir,…
M. Stéphane Travert, rapporteur
Ni de petits matins !
M. Charles Fournier
…vous l’avez répété à de nombreuses reprises. Vous êtes lucides : ce texte ne résoudra pas en profondeur les problèmes de bureaucratie que connaît notre pays.
M. Charles Fournier
Je ne me trouverais pas ici si nous avions travaillé avec méthode et discernement à des mesures susceptibles de réduire cet excès de bureaucratie.
M. Charles Fournier
Je ne me trouverais pas ici si l’objectif avait été de faire plus simple. Mais la simplification, ce mot dévoyé et imposé par le libéralisme économique,…
M. Guillaume Kasbarian
Ah !
M. Charles Fournier
…a été tout au long de ce texte l’objet de manipulations en tous genres. Ce petit manège dure depuis trente ans :…
Mme Anne-Laure Blin
Vous avez été au pouvoir, pendant ces trente ans !
M. Charles Fournier
…depuis les années 1990, des acteurs économiques dénoncent les lourdeurs administratives pour réduire leurs obligations en matière de transparence, de protection de la santé humaine et d’environnement. Chaque mesure de simplification est surtout suivie d’une régression du droit de la participation ou du droit de l’environnement, et les gouvernements successifs, avares de compétitivité et de croissance, s’engouffrent dans ce narratif fallacieux. En quinze ans, nous avons eu droit à dix textes de simplification qui se sont soldés par dix régressions majeures, sociales et écologiques ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
La droite et l’extrême droite de notre assemblée font la courte échelle aux ingénieurs du chaos du XXIe siècle. De régression en régression, ce texte a ouvert leur appétit trumpiste : inspirée du Doge – Department of Government Efficiency – d’Elon Musk ou de son ami Javier Milei, la stratégie est celle de la tronçonneuse,…
M. Alexandre Dufosset
Tant mieux !
M. Charles Fournier
…qui vise à détruire la démocratie, l’écologie et le droit des salariés.
Mme Anne-Laure Blin
C’est du pragmatisme !
M. Charles Fournier
Ce à quoi nous assistons, ce n’est plus une simplification : c’est une grande liquidation. (Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et DR.) La méthode est simple : couper drastiquement dans nos dépenses publiques et dans nos protections sociale et environnementale, en supprimant tous azimuts. Ces attaques sont graves ; elles sont réalisées avec la complicité parfois passive d’un gouvernement qui, à la recherche d’une crédibilité, ira jusqu’au bout du vote de ce texte, quel qu’en soit le prix.
Est-il bien crédible de supprimer l’Arcom – Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique –, le Haut Conseil pour le climat (HCC), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), le Haut Conseil à la vie associative (HCVA), les parcs naturels régionaux (PNR) ou le diagnostic de performance énergétique (DPE) ?
Plusieurs députés du groupe RN
Oui !
M. Charles Fournier
On nage en plein délire. Madame et monsieur les ministres, vous ne pouvez pas vous dédouaner de vos responsabilités quant à la tournure que prend ce texte. Il n’y a pas de tripartition qui tienne : vous avez ouvert la boîte de Pandore et beaucoup se sont engouffrés dedans ! L’ambition première de ce texte est totalement dénaturée, et vous vous enfermez dans un piège que vous avez vous-mêmes ouvert.
Mme Anne-Laure Blin
Ça s’appelle la démocratie ! Ça a été voté à la majorité !
M. Charles Fournier
La simplification demande de la réflexion et de la précision ; il lui faut une méthode et une vision pour aller dans le bon sens.
M. Guillaume Kasbarian
On adore la vôtre !
M. Charles Fournier
C’est tout l’inverse de ce à quoi nous avons assisté : dès lors qu’un organisme ne s’était pas réuni récemment, ce dont vous vous assuriez en consultant son site internet, vous l’avez supprimé ! Vous avez fait vos petits calculs : trois réunions pour 90 000 euros, cela signifie qu’une réunion a coûté 30 000 euros. Une telle méthode n’est pas sérieuse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et Dem.) J’avais d’ailleurs déposé un amendement visant à associer la Cour des comptes à l’étude préalable à la suppression d’un organisme ; malheureusement, il a été déclaré irrecevable, alors que son adoption aurait permis d’améliorer la méthode employée. J’ai aussi proposé que soit créée une délégation parlementaire à la simplification (Exclamations sur quelques bancs des groupes RN, EPR et DR) mais mon amendement, qui avait été déclaré recevable pour l’examen en commission, ne l’a pas été en séance ; je le regrette car nous aurions ainsi avancé collectivement sur le sujet, plutôt que nous voir tout imposer par le haut.
Le gouvernement a par ailleurs introduit trois critères à la dernière minute, sans que l’on sache jamais comment ils ont été utilisés ni s’ils l’ont été de manière cumulative. Nous avons aussi assisté à des moments cocasses, comme lors de la suppression du Conseil national de la montagne (CNM) : le rapporteur a d’abord donné un avis favorable à cette mesure, avant de nous dire qu’il s’agissait simplement de lancer l’alerte et qu’il fallait le maintenir. Nous avons vécu des situations absolument incroyables ! Nombre d’entre vous souhaitent supprimer la Commission nationale du débat public (CNDP).
Mme Anne-Laure Blin
Exactement !
M. Charles Sitzenstuhl
Eh oui !
M. Nicolas Sansu
Une honte !
M. Charles Fournier
Le gouvernement a dit vouloir retirer de ses compétences les projets industriels ; c’est une manière d’annoncer sa mort future, car de quoi pourra-t-il encore débattre ? Or la CNDP est très utile : elle oblige les porteurs de projet à la transparence (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC) et elle permet d’informer les citoyens à propos des projets qui se développent sur leur territoire. La supprimer, c’est abîmer notre démocratie !
Vous voulez aussi supprimer les ZFE (« Oui ! » sur les bancs du groupe RN) à l’initiative de la droite et de l’extrême droite. Elles existent pourtant dans 315 villes en Europe, et elles fonctionnent bien ! La France est le seul pays où leur déploiement s’avère difficile.
M. Charles Sitzenstuhl
Les Français sont pour la suppression des ZFE !
M. Charles Fournier
Toutes les mesures d’accompagnement social, notamment le leasing social et l’aide à la conversion – la surprime ZFE –, ont été supprimées ; comment voulez-vous que le dispositif fonctionne ? (M. Gérard Leseul et Mme Eva Sas applaudissent.)
Mme Anne-Laure Blin
Ça a été voté !
M. Charles Fournier
Il fallait soutenir leur développement, mais vous n’avez pas voulu le faire. Tout cela manque de sérieux ! Nous aurions accepté de participer à un exercice collectif s’il avait été réalisé avec méthode, mais au lieu de discuter de simplification, nous allons débattre du rejet de l’écologie, de l’affaiblissement démocratique et de la réduction des normes sociales. (M. Jean-François Coulomme applaudit.)
Mme Anne-Laure Blin
Oh là là !
M. Charles Fournier
Ce texte est profondément antiécologique. J’ai évoqué les ZFE, mais je pourrais aussi parler du zéro artificialisation nette ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Je ne sais pas s’il sera vraiment utile d’examiner la proposition de loi Trace, qui vise à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
On simplifie, on va plus vite !
M. Charles Fournier
En effet, vous avez déjà fait le travail : pour l’instant, le ZAN ne compte plus aucun objectif intermédiaire et tous les projets éligibles sont désormais « d’intérêt général majeur ». C’est extraordinaire ! Ils vont ainsi être exclus de la comptabilité ZAN. (« Oui ! » sur les bancs du groupe RN.) Aux centrales nucléaires et aux projets industriels s’ajoutent maintenant les data centers, les infrastructures et les autoroutes ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe RN.) Vous avez juste oublié un sujet : les services publics qui, pour vous, ne sont pas « d’intérêt général majeur ». (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. Charles Sitzenstuhl
Les centrales nucléaires, c’est un service public ! Les autoroutes, c’est un service public !
M. Charles Fournier
Vous avez retiré à cette notion de ZAN toute réalité : vous l’avez abîmée. Si le texte restait en l’état, il n’y aurait plus de ZAN !
Vous avez aussi profondément modifié le cadre législatif relatif à l’énergie et au climat, et en particulier la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) : par un amendement qui a été adopté en commission, vous l’avez vidée de sa substance. Vous renvoyez désormais à une loi de programmation ultérieure la définition d’une nouvelle stratégie de production décarbonée, qui serait prévue pour soixante ans ! Dans la nouvelle rédaction que vous nous proposez, il n’y a plus rien sur la sobriété ni sur le mix énergétique : au détour d’un amendement, le cadre législatif que nous avons élaboré et voté ici même se trouve profondément modifié. Pourquoi voter des lois, si vous pouvez revenir dessus trois mois plus tard ?
Je pourrais aussi évoquer l’affaiblissement de la séquence « éviter, réduire, compenser », dans laquelle vous ne conservez que la compensation : on n’évite plus, on ne réduit plus ; on ne fait que compenser !
Mme Christine Arrighi
Oui, c’est vrai !
M. Charles Fournier
Les évaluations environnementales se trouvent également affaiblies, sans parler des entorses à la loi littoral ; les exemples sont légion. Je pourrais aussi vous parler des atteintes portées à notre santé publique, par exemple la suppression de l’Observatoire de l’alimentation,…
Mme Anne-Laure Blin
Oui, il faut le supprimer !
M. Charles Fournier
…qui permet de suivre la quantité de sucre, de gras ou de sel dans nos aliments, ou de la suppression de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE). Tous ces organismes ne servent prétendument à rien, mais on remarque que ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent !
Cependant, la grande liquidation ne s’arrête pas là : le texte contient aussi des mesures antidémocratiques. Je vous ai déjà parlé de la CNDP (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN), mais je voudrais aussi mentionner les Ceser, les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux. Ayant été élu régional, je peux vous dire que leurs travaux permettent d’éclairer nos décisions ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Ce sont vos copains !
M. Charles Fournier
J’ajoute que dans ma région Centre-Val de Loire, les oppositions de droite et d’extrême droite se servaient beaucoup de ses avis pour élaborer leur opposition aux politiques régionales.
M. Alexandre Dufosset
Pas du tout !
M. Charles Fournier
Je vais vous donner un exemple : c’est après une pétition citoyenne et un travail préalable du Ceser que nous avons pu ouvrir un centre hospitalier régional à Orléans. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.) Il serait très regrettable de se priver d’un tel outil !
Je n’aurai pas le temps de dresser la liste de toutes les instances que vous voulez supprimer,…
Mme Anne-Laure Blin
Comme c’est dommage !
M. Charles Fournier
…mais je donnerai tout de même quelques exemples : l’Ademe – Agence de la transition écologique –, l’OFB – Office français de la biodiversité –, le Médiateur national de l’énergie, l’Arcom, le Haut Conseil pour le climat (« Oui ! » sur les bancs du groupe RN), le Conseil national de la transition écologique (CNTE) (« Oui ! » sur les bancs du groupe RN), le Conseil national de l’habitat (CNH),…
Mme Anne-Laure Blin
Le Conseil de l’air, du bruit, du vent !
M. Charles Fournier
…parmi tant d’autres. Le RN et la droite se lâchent : on supprime tout ! Voilà ce qu’est devenu ce texte. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.) Vous pouvez continuer à parler : vous n’arriverez pas à me perturber.
Pour finir, je vous le dis, ce texte est antidémocratique, antiécologique et antisocial. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Il sape aussi les droits des salariés puisque le Rassemblement national, entre l’examen du texte en commission et son arrivée en séance, a trouvé que ce n’était pas assez : il fallait aussi taper sur les salariés ! Ceux-là mêmes qui, récemment, saluaient le travail des salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) proposent désormais de réduire les obligations relatives à l’installation d’un CSE – comité social et économique – dans une entreprise, puisque celles-ci ne s’appliqueraient plus qu’aux entreprises de plus de cinquante salariés, au lieu de onze actuellement ! Ils proposent ainsi de réduire leur droit d’expression, leur prise de parole au sein des entreprises, et aussi de supprimer les sanctions financières prises au nom de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
On le voit bien : ce texte est un cheval de Troie de la dérégulation, qui affaiblit l’État de droit et met en péril nos écosystèmes, notre santé publique et nos salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je vous le dis : la priorité, ce devrait être la stabilisation du droit et non son affaiblissement !
Mme Anne-Laure Blin
Ne changeons rien ! Tout va bien !
M. Charles Fournier
Non, certainement pas ! Nous avons formulé de nombreuses propositions et certaines ont même été reprises, miraculeusement. Nous avons tenté de participer à l’élaboration du texte, mais nous l’avons fait avec méthode : nous ne nous sommes pas contentés de consulter des sites internet pour supprimer d’un trait des organismes démocratiques absolument indispensables !
M. Loïc Prud’homme
Eh oui !
M. Charles Fournier
D’ailleurs, le gouvernement va revenir sur certaines de ces suppressions, parce qu’il s’aperçoit que nous ne pouvons pas nous passer de ces organismes ! J’insiste : non à la fermeture des espaces de dialogue ! Nous en avons besoin et nos décisions sont mieux nourries quand elles sont éclairées par des experts,…
M. Emeric Salmon
Les Ceser, ce ne sont pas des experts !
M. Charles Fournier
…quand elles s’appuient sur des instances spécialisées. Pourquoi, d’ailleurs, procédez-vous à ces suppressions ? Pour faire des économies ? C’est ridicule ! Faites la somme des économies que représente tout ce que vous avez supprimé. En dehors des Ceser, peut-être, franchement, on touche le fond ! Ce n’est pas de cette manière que vous allez régler les problèmes budgétaires de notre pays. Ce n’est donc pas pour des raisons budgétaires que vous le faites : c’est pour des raisons idéologiques,…
M. Jean-François Coulomme
Eh oui ! C’est du clientélisme !
M. Charles Fournier
…pour cibler des organisations qui vous posent problème ! Vous n’avez d’ailleurs pas supprimé celles dont les missions se rapprochent de vos préoccupations.
Mme Anne-Laure Blin
Ah bon ? Si !
M. Charles Fournier
Quoi qu’il en soit, vous n’avez pas touché à certains secteurs : ce à quoi vous vous attaquez, c’est à l’écologie, au social et à la démocratie ! La simplification du droit est légitime si le but qu’elle poursuit est une meilleure lisibilité, une meilleure efficacité, une meilleure connaissance de la règle pour toutes et tous. Nous pouvons la soutenir si elle ne s’accompagne pas d’une fragilisation des services publics, de la qualité du débat public et de la protection de l’environnement.
Des amendements ont été déposés pour revenir en arrière, mais leur adoption n’est aucunement garantie. Par exemple, de nombreux députés de l’ancien bloc central, y compris d’anciens ministres qui appartenaient aux gouvernements précédents et défendaient alors les zones à faibles émissions, ont voté pour leur suppression. Que feront-ils ? Vont-ils revenir en arrière ? Quelle sera leur position, quels compromis sont-ils prêts à faire ? Je le dis aux ministres : c’est vous qui devez trouver un compromis, pas nous ! Nous avons fait des propositions pour améliorer ces ZFE (Exclamations sur les bancs du groupe RN) sur le plan social, afin que des mesures d’accompagnement soient enfin introduites et qu’elles puissent fonctionner. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Christine Arrighi applaudit également.)
La mauvaise qualité de l’air, ce sont d’abord les plus vulnérables qui en sont les victimes ! Elle cause 40 000 morts prématurées dans notre pays chaque année, et ce sont toujours les mêmes qui prennent ! L’absence d’écologie, c’est une punition collective qui touche toujours en premier lieu les plus vulnérables. Voilà ce que vous êtes en train de faire ! Et ce faisant, vous instrumentalisez les plus pauvres : c’est un peu facile.
Mme Anne-Laure Blin
Non, ce n’est pas facile : c’est la réalité !
M. Charles Fournier
Pourtant, vous refusez d’augmenter les salaires, vous sanctionnez les chômeurs (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC) et vous refusez d’améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens et de nos concitoyennes ! Si toutes les mesures que j’ai évoquées étaient conservées et si le texte était voté en l’état – ou même aggravé, éventuellement, par ce qui va suivre –, ce serait un jour sinistre. Vous n’avez pas assez dit, monsieur le ministre, même si vous y avez fait allusion, que les coups de tronçonneuse seraient visibles.
M. Pierre Meurin
Eh oui, il en faut !
M. Charles Fournier
Mais rendez-vous compte ! Si nous votions l’ensemble des mesures présentes dans le texte qui nous est soumis, dans quel état se retrouverait notre démocratie ? Comment fonctionnerait notre pays ? Il faut le dire ! Ce n’est pas qu’à nous de le dire. Il y a là des dégradations majeures. (« Oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Va-t-on supprimer la CRE – Commission de régulation de l’énergie ? Va-t-on supprimer le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ?
M. Alexandre Dufosset
Oui, et l’Ademe aussi !
M. Charles Fournier
Et l’Ademe ? Franchement, ce n’est pas audible. (« Si ! » sur les bancs du groupe RN. – M. Pierre Meurin applaudit.) Vous devez le dire avec nous parce que nous ne devons pas être les seuls à le dire.
Un tel texte serait le marqueur d’un grand retour en arrière antiécologique, antidémocratique et antisocial. Alors, parce qu’il entraîne une triple mise en danger et parce qu’il ne permet pas un débat sérieux – nous n’aurons qu’un débat à la hache…
M. Alexandre Dufosset
À la tronçonneuse !
M. Charles Fournier
…et nous ne nous appuierons à aucun moment sur la méthode commune que nous appelions pourtant de nos vœux –, je vous appelle à soutenir cette motion de rejet préalable,…
Mme Anne-Laure Blin
Certainement pas !
M. Guillaume Kasbarian
Pour ne rien changer !
M. Charles Fournier
…pour partir d’une autre copie, d’une autre méthode et d’une autre manière de penser la simplification qui soit au service des Françaises et des Français, des salariés et pas seulement des chefs d’entreprise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) La simplification ne doit pas être pour quelques-uns : elle doit être pour tout le monde ! Nous nous opposerons coûte que coûte à ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Pierre Meurin
Applaudissons le président ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Je m’en excuse, monsieur Fournier, mais je trouve que vous avez été un peu caricatural.
M. Jean-François Coulomme
Non, remarquable !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Chacun aura son appréciation. M. Fournier a été un peu caricatural en laissant penser que nous aurions, au cours des travaux de la commission spéciale, pris des décisions à la hache – d’après certains – ou au hasard – si l’on en croit d’autres. Nous avons eu des débats particulièrement nourris et évoqué tous les sujets. Des collèges de tous les groupes – j’en vois certains sur ces bancs – se sont investis dans ces travaux avec assiduité, prenant à bras-le-corps la question de la simplification et de la réduction du millefeuille administratif.
Mme Anne-Laure Blin
Merci !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Que l’on soit d’accord ou pas,…
M. Charles Fournier
Nous ne sommes pas d’accord !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
En effet, et le groupe Écologiste et social a d’ailleurs remporté certains votes. Permettez-moi de vous signaler que les principales économies résulteront, dans l’ordre, de la suppression des Ceser, que j’ai proposée par amendement, et de la suppression du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), qui découle d’un amendement de votre collègue Hendrik Davi. Certains d’entre vous y sont donc allés aux aussi à la hache ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et DR. – M. Christophe Naegelen, rapporteur, applaudit également.)
Je rappelle en outre au gouvernement et à l’ensemble des collègues, si cela avait échappé à certains, qu’il n’y a pas de majorité dans cet hémicycle.
M. Pierre Meurin
Eh oui !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Les majorités se sont dégagées sujet par sujet, proposition par proposition, amendement par amendement. À ceux qui ont parfois fait les mauvais joueurs ensuite dans la presse, je souhaite dire que le texte adopté correspond à la réalité de notre hémicycle. La commission spéciale a décidé à une très large majorité d’abroger les ZFE – nous pourrons en discuter, mais c’est ainsi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Guillaume Lepers applaudit également.) Elle a décidé à la majorité de restreindre le ZAN (M. Pierre Meurin applaudit) et de supprimer trente-sept organismes. Certes, on peut refaire le débat, chercher à revenir au texte initial et estimer que celui-ci était formidable.
Mme Lisa Belluco
Oui, on va refaire le débat !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
On va le refaire avec grand plaisir, j’en suis très impatient !
Avant que nous entamions l’étude du projet de loi, le gouvernement nous a expliqué qu’il s’agissait d’un texte technique, que ce n’était pas le grand soir de la simplification. Or les députés réunis en commission spéciale, accomplissant leur travail d’élus, ont décidé d’en faire un texte politique.
Nous reviendrons sur chacun des sujets évoqués par la commission spéciale. Chacun aura son avis, chaque avis aura son importance, l’hémicycle votera et la souveraineté populaire l’emportera. Néanmoins, j’invite tous les collègues, notamment ceux du bloc central,…
M. Pierre Meurin
Il n’y a personne !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
…à considérer la situation avec attention. Si l’on rétablit tout ce qui a été supprimé en commission spéciale, quel message adressera-t-on aux Français ? Nous montrerons que nous sommes prisonniers des corporatismes et des conservatismes (Applaudissements sur les bancs du groupe RN), de ceux qui expliquent qu’il faut conserver leur commission qui s’est réunie trois fois en dix ans, au motif qu’elle ne coûte pas si cher, de ceux qui publient un communiqué de presse pour faire valoir toute l’importance de leur organisme, dont personne n’a pourtant jamais entendu parler.
M. Pierre Meurin
Exactement !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Si, dans cet hémicycle, nous ne faisons pas le job d’ici à vendredi minuit, ceux qui ont peur de la hache auront non pas la hache, mais la tronçonneuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Christophe Naegelen, rapporteur, M. Guillaume Lepers et M. Henri Alfandari applaudissent également.)
M. le président
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable. Je ferai respecter strictement le temps de parole de deux minutes, de sorte que nous puissions procéder au vote avant la fin de la séance.
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel (GDR)
Je m’adresse aux deux ministres qui se sont succédé à la tribune : vous voyez votre texte trop beau !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Eh oui !
M. Emmanuel Maurel
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Marcangeli, il n’est pas attendu par les Français.
M. Pierre Meurin
Bien sûr que si !
M. Emmanuel Maurel
Non, cher collègue, personne ne nous arrête dans la rue pour nous dire : s’il vous plaît, dépêchez-vous de voter le projet de loi de simplification de la vie économique !
M. Laurent Croizier
Allez donc dans la rue ! Sortez de vos permanences !
M. Emmanuel Maurel
Je sors autant que vous, monsieur Croizier ! Dans ma circonscription, nos concitoyens me parlent du pouvoir d’achat, des services publics, de la sécurité ; ils ne me parlent pas de la suppression de l’Office français de la biodiversité. Vous racontez n’importe quoi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Un député du groupe RN
Ils ne supportent plus l’Ademe non plus !
M. Emmanuel Maurel
En réalité, c’est un texte pour se faire plaisir : chacun joue à celui qui a la plus grosse tronçonneuse. (Sourires.)
M. Matthias Renault
J’ai une belle tronçonneuse !
M. Emmanuel Maurel
Voilà à quoi cela se résume. Vous êtes des Milei au petit pied et reprenez à votre compte une rhétorique franchement éculée : l’État est obèse, il faut dégraisser le mammouth…
M. Alexandre Dufosset
Laissez le mammouth tranquille !
M. Emeric Salmon
Et laissez Claude Allègre tranquille ! Le pauvre !
M. Emmanuel Maurel
…et toutes ces sottises qui ont été maintes fois démenties. Je suis d’ailleurs déçu, car il y aurait beaucoup à faire pour simplifier la vie des entreprises. Celles-ci se plaignent de la paperasse, notamment sur la TVA ou pour l’Urssaf. Or j’ai regardé attentivement le texte, madame Louwagie, et il ne prévoit rien pour les entreprises, si ce n’est un article relatif à la dématérialisation dans les procédures de marché public. Autrement dit, vous ratez votre cible. Tout cela est un écran de fumée qui vous permet de vous faire plaisir à grand renfort de déclarations caricaturales.
M. Alexandre Dufosset
C’est la démocratie !
M. Emmanuel Maurel
Monsieur Marcangeli, vous avez enrôlé toute la littérature mondiale : Julien Gracq, La Fontaine et même Kafka. Je n’ai pas toujours compris où vous vouliez en venir, mais pour ce qui est de Kafka, il faudrait arrêter d’utiliser ChatGPT, car Kafka décrit l’individu isolé face à la bureaucratie d’un État totalitaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
Merci, cher collègue.
M. Emmanuel Maurel
Suggérez-vous que nous vivons dans un régime totalitaire ? Jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas le cas, et ce n’est pas ce que pensent les Français. Donc… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. Laurent Croizier
C’était du grand n’importe-quoi !
M. le président
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux (UDR)
Depuis plus de quinze ans, les écolos, les socialos et les macronistes ont créé le monde de la défiance : toujours plus de taxes, toujours plus de normes – nous en sommes à 400 000 –, toujours plus de contraintes administratives et fiscales, un code du travail de 5 600 pages, la transposition de normes, les contrôles administratifs, la punition écologique. Avec les DPE, le ZAN,…
M. Charles Fournier
C’est bien le sujet !
M. Éric Michoux
…les plans locaux d’urbanisme (PLU), la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), le droit au logement opposable (Dalo), les schémas de cohérence territoriale (Scot), les ZFE, vous fatiguez les Français, vous désespérez les entrepreneurs.
M. Charles Fournier
Vous versez dans l’anti-écologie !
M. Éric Michoux
Les ZFE sont une véritable assignation à domicile non seulement pour les plus pauvres, mais aussi pour les entrepreneurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Comme l’a dit le ministre, les pauvres n’ont pas de voiture. Voilà une découverte ! Auparavant, les socialistes parlaient des sans-dents ! Les gueux d’aujourd’hui sont chassés des villes bobos ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Nous avons obtenu une victoire en commission : la suppression des ZFE. Nous comptons la confirmer en séance publique. Je tiens à féliciter Pierre Meurin et son équipe pour leur travail approfondi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Anne-Laure Blin
Et le groupe Droite républicaine !
M. Éric Michoux
Oui, le groupe Droite républicaine aussi.
Il est temps de renouer avec la confiance, car sans elle, il n’est pas possible de réinvestir. Ce début de texte instille la confiance, et c’est une bonne chose. Je tiens d’ailleurs à remercier le président de la commission spéciale, Ian Boucard, pour son travail exceptionnel. Il a réussi à allier les contraires. Bravo à lui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR, RN et DR. – M. Christophe Naegelen, rapporteur, applaudit également.)
M. Patrick Hetzel
C’est mérité ! Ian Boucard a fait un excellent travail !
M. Éric Michoux
Vous l’avez compris, le groupe UDR votera contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault (RN)
Il y a en France 400 000 normes – c’est absolument considérable ! Nous avons 1 200 agences, opérateurs et comités Théodule en tout genre. La vie des particuliers et de nombreux chefs d’entreprise commence à ressembler à un chemin de croix.
M. Jean-Claude Raux
Ce ne sont pas les entreprises qui sont visées !
M. Matthias Renault
La petite proposition de loi qui nous est soumise...
M. Philippe Vigier
C’est un projet de loi ! Ce n’est pas la même chose !
M. Matthias Renault
…ne promet certes pas la révolution, on l’a répété, mais elle vise à supprimer – enfin ! – des normes. Il faudrait d’ailleurs renouveler l’exercice. Très modeste à l’origine, le texte a été complété grâce à de nombreux amendements d’initiative parlementaire sur des sujets très intéressants, en particulier l’objectif ZAN.
Je viens d’entendre que personne n’attendait ce texte de simplification et que personne n’en parlait. Pourtant, je peux vous dire que les élus locaux attendent la suppression de la loi ZAN ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Nous avons aussi voté la suppression de certains comités Théodule, opérateurs et agences qui participent de cet État mammouth étouffant l’action publique et contribuent à la dérive de nos finances publiques – faut-il rappeler que notre dette atteint 3 300 milliards d’euros ?
J’en viens aux ZFE, sujet populaire s’il en est. Il faut les supprimer, car c’est une mesure inique de ségrégation sociale. (Mêmes mouvements.)
Nous voyons bien que la gauche est quelque peu gênée par ce texte car, bien qu’elle s’en défende, elle est le parti de la bureaucratie et de l’État mammouth,… (Mêmes mouvements)
M. Emmanuel Maurel
N’êtes-vous pas fonctionnaire ?
M. Yannick Monnet
Vous faites le bonheur des cabinets privés, notamment de McKinsey !
M. Matthias Renault
…le parti des fromages de la République, le parti de l’écologie punitive. (Mêmes mouvements.) Voilà enfin un texte qui remet tant soit peu en cause ce socialisme qui, depuis trop longtemps en France, vampirise l’État et le débat public. (« Excellent ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Guillaume Kasbarian.
M. Stéphane Peu
Elon Musk !
M. Guillaume Kasbarian (EPR)
Nous avons droit à une nouvelle motion de rejet préalable, présentée par les écologistes. Nous ne sommes pas vraiment surpris : depuis 2017, la gauche a rejeté systématiquement toutes les lois de simplification. Vous avez été contre la loi Asap, contre la loi relative à l’industrie verte et contre la loi Pacte. Dès que l’on parle de simplification, vous êtes contre.
M. Charles Fournier
Car on vous connaît et on sait ce que vous en faites !
M. Guillaume Kasbarian
Au Sénat, vos collègues de gauche se sont eux aussi opposés à tous les textes de simplification.
Pourquoi donc ? Premièrement, vous êtes les gardiens du temple. Pour chacun des comités et autres organismes dont il a fait la liste, M. Fournier s’est récrié : vous vous rendez compte, vous allez supprimer ce comité, c’est gravissime ! Vous êtes des conservateurs qui ne veulent toucher à rien. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Anne-Laure Blin
Ils ne savent même pas à quoi servent ces comités !
M. Guillaume Kasbarian
Dès qu’il y a une commission ou un comité, il est forcément utile. Vous refuserez toutes les suppressions, j’en suis absolument persuadé.
Deuxièmement, vous refusez d’écouter les électeurs. Vous ne voulez pas entendre que des gens viennent dans nos permanences pour nous dire qu’il y a trop de formulaires Cerfa, trop de bureaucratie, trop de complexité en matière de commande publique, trop de normes, trop de taxes, trop d’emmerdes… qu’il faudrait supprimer. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, RN, DR, Dem et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Vous considérez que c’est un sous-sujet, qu’il ne faudrait pas traiter.
Troisièmement, par idéologie, la simplification passe pour vous par une seule chose : le recrutement de davantage de fonctionnaires pour traiter les règles et normes supplémentaires. C’est plus d’impôts et de dépenses publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Ne touchons à rien, ne supprimons aucun comité ni aucune règle, et ça ira mieux pour les particuliers et les entreprises ! Voilà votre vision idéologique de la simplification. Nous savions que vous n’aimiez pas la tronçonneuse, mais en réalité, vous n’aimez pas non plus le sécateur, ni même le coupe-ongles ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Vous ne voulez rien changer. Nous sommes bien évidemment très opposés à votre motion de rejet préalable, et nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, RN et DR. – M. le président de la commission spéciale applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Nosbé.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP)
Votre projet de loi de simplification est un mirage. Pire, il est assassin. Ce texte fourre-tout ne simplifie rien. En revanche, il revient sur des acquis des salariés tout en supprimant des sanctions pour les chefs d’entreprise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Du reste, c’est l’objectif même de ce texte : faire primer les intérêts des entreprises et s’attaquer au droit de l’environnement. Sous couvert de simplification, c’est un florilège de régressions démocratiques, sociales et environnementales. (« Bien dit ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Lors de son passage en commission, les climatosceptiques,…
M. Pierre Meurin
Ça faisait longtemps !
Mme Sandrine Nosbé
…du groupe Horizons & indépendants au groupe Rassemblement national, ont pris part à cette fête de la dérégulation, en menant une véritable offensive trumpiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vos objectifs sont clairs : laisser le champ libre aux data centers, faciliter l’implantation de projets d’infrastructures, tailler dans les instances consultatives, supprimer l’obligation de saisine préalable de la CNDP (Mêmes mouvements), affaiblir les outils démocratiques avant l’élaboration de projets ayant un impact sur l’environnement. (« Bien dit ! » et « Exactement ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Votre intention de porter préjudice à la vie démocratique est claire.
En faisant disparaître ces instances de dialogue, vous ne supprimerez pas la contestation, au contraire. Votre message est clair : vous faites de la simplification le cheval de Troie de la dérégulation environnementale. M. Macron et ses gouvernements successifs n’en sont pas à leur coup d’essai : il y a eu la loi relative à l’industrie verte ; il y a cette loi de simplification de la vie économique ; il y aura la loi Duplomb. Votre projet est clair : il est écocidaire. (« Exactement ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pourtant, ce qui est attendu de la part du gouvernement et des députés de la nation que nous sommes, c’est davantage de sens des responsabilités.
Pour toutes ces raisons, ce projet de loi doit être rejeté. Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire est contre une régression du droit des salariés. Nous sommes contre une rupture de la protection de l’environnement. Nous sommes contre une attaque de notre démocratie. Nous sommes contre une menace catastrophique pour le climat. Nous voterons donc pour cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent, et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul (SOC)
Le groupe Socialistes et apparentés avait entamé avec honnêteté et sincérité les travaux sur ce texte en commission spéciale. Nous avons regardé ce qui pouvait être légitimement simplifié, clarifié ou remplacé, voire supprimé. Hélas, mille fois hélas, cet examen s’est transformé en concours de la caricature, du meilleur démagogue, voire du meilleur trumpiste, consistant à supprimer à l’aveugle concertations, normes et garde-fous,…
Mme Christine Arrighi
C’est une honte !
M. Gérard Leseul
…à déréguler, à remettre en cause non seulement les droits et la protection des salariés, mais aussi la protection de notre environnement. Ce n’est pas acceptable. Madame le ministre, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas accepter cela.
Pire, dans un élan purement démagogique, à la faveur d’une alliance totalement baroque entre l’extrême droite, la droite et une partie du bloc central, la commission spéciale a supprimé le Conseil national de la montagne, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), les Ceser, et j’en passe.
Dans ce contexte politique marqué par une conflictualité spéciale, de plus en plus forte, par des débats qui sont, ici même, de plus en plus difficiles, alors que nous avons besoin d’entretenir la concertation et les discussions entre toutes et tous, ces suppressions sont pour la plupart totalement hasardeuses et dangereuses.
M. Emmanuel Maurel
Bloc central, ressaisis-toi !
M. Gérard Leseul
Je regrette profondément la faiblesse du travail de la commission spéciale qui, sans évaluer l’efficacité, l’efficience, la réalité de ces instances importantes pour notre fonctionnement démocratique et pour l’ensemble de notre dialogue social (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS), s’est arrogé le droit d’en supprimer plusieurs. Nous soutiendrons fermement la motion de rejet. (Mêmes mouvements.)
M. le président
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin.
Mme Anne-Laure Blin (DR)
Cette motion de censure est un aveu patent : la gauche ne veut rien changer !
Mme Julie Laernoes
C’est une motion de rejet !
Mme Anne-Laure Blin
Tout va bien, ne changeons rien, la France se porte à merveille ! (Protestations sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Julie Laernoes
Caricature !
Mme Anne-Laure Blin
Monsieur Fournier, je m’interroge sur ce qui vous gêne le plus dans ce texte : est-ce le mot « simplification » ou l’expression « vie économique » ? La réalité est que nous, députés du groupe de la Droite républicaine, nous assumons avoir travaillé. Nous avons travaillé parce que le texte présenté par le gouvernement n’était pas le grand soir – cela a été dit. Nous avons fait le travail qui nous incombe en tant que parlementaires : progresser, pierre après pierre, vers la simplification !
Que vous le vouliez ou non, la simplification passe par la suppression d’un certain nombre de comités…
M. Yannick Monnet
À commencer par le comité politique des LR !
Mme Anne-Laure Blin
Lorsque nous avons mis les choses à plat, vous avez été incapables de nous expliquer à quoi servaient certains d’entre eux, dont, parfois, vous ne connaissiez même pas l’existence avant que nous proposions leur suppression…
M. Gérard Leseul
C’est faux !
Mme Anne-Laure Blin
Malheureusement, l’irrecevabilité de plusieurs amendements nous empêchera de débattre de certains sujets, ce que nous regrettons. Nous ne pourrons traiter ni des lourdeurs administratives qui pénalisent nos agriculteurs, ni de celles qui sévissent dans l’urbanisme et le domaine commercial. Nous devons toutefois continuer à œuvrer en faveur de la simplification car ces pesanteurs représentent un coût pour les finances publiques. Cette fabrique à normes nous dépossède, nous, responsables politiques, de notre pouvoir de décision.
Au-delà des considérations personnelles, sachez dépasser clivages et copinages ! Aujourd’hui, les Français nous demandent cette simplification. (Protestations sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Christine Arrighi
Personne ne la demande !
Mme Julie Laernoes
Jamais aucun Français ne demande cela !
Mme Anne-Laure Blin
Ils ont besoin de lisibilité car ils ne comprennent plus le millefeuille administratif, devenu incommensurable !
Nous voulons mettre en place le dispositif Dites-le nous une fois, qui est fondamental, car la bureaucratie constitue un obstacle évident à la compétitivité économique.
Nous avons aussi besoin du « test PME » que vous avez fait supprimer.
Ces normes étouffantes sont absurdes. Nous voterons contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à Mme Julie Ozenne.
Mme Julie Ozenne (EcoS)
Ici, personne n’est hostile à une simplification de nos vies…
M. Guillaume Kasbarian
Si, vous étiez contre !
Mme Julie Ozenne
…de nos vies personnelles comme de notre vie économique. Non monsieur, nous sommes tous pour une simplification mais, si nous y sommes tous favorables, mon collègue Maurel l’a dit, nous sommes passés à côté ! Nous avons besoin d’humanité (Protestations sur les bancs des groupes RN et DR. – M. Pierre Meurin fait mine de jouer du violon), nous avons besoin de nous parler, de débattre, d’être aidés, nous avons besoin de solidarité.
Derrière l’objectif affiché de simplification, ce texte opère en réalité une série de reculs majeurs pour notre démocratie, notre environnement et nos droits sociaux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.) Sous couvert de rationalisation administrative, le gouvernement nous propose une réforme à marche forcée qui supprime de nombreuses instances essentielles, notamment des instances de concertation.
Mme Anne-Laure Blin
Eh oui !
Mme Julie Ozenne
Vous affaiblissez aussi toutes nos protections environnementales…
Mme Anne-Laure Blin
C’est faux !
Mme Julie Ozenne
…c’est-à-dire notre santé, nos corps vivants, le monde vivant !
Mme Anne-Laure Blin
Le poulpe !
Mme Julie Ozenne
Vous réduisez les possibilités de recours pour la société civile et marginalisez encore davantage le Parlement.
M. Fabien Di Filippo
Vous avez un micro, il est inutile de crier !
Mme Julie Ozenne
Supprimer les ZFE qui visent à lutter contre la pollution, le ZAN qui tend à nous permettre de vivre correctement,…
Plusieurs députés du groupe RN
Ah !
Mme Julie Ozenne
…faciliter la qualification unilatérale de projets d’intérêt national majeur, comme les data centers ou la A69…
M. Jean Terlier
Très bonne nouvelle !
Mme Julie Ozenne
…sans réel débat démocratique sont autant d’exemples qui témoignent d’un projet plus régressif que simplificateur.
Ce texte fragilise par ailleurs des normes essentielles dans les domaines du droit du travail, des obligations extrafinancières des entreprises ou de la commande publique. Le développement de logiques dérogatoires sans encadrement clair ouvre la voie à des dérives incompatibles avec les engagements climatiques et sociaux dans notre pays.
Nous voterons donc cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
M. le président
La parole est à Mme Delphine Lingemann.
Mme Delphine Lingemann (Dem)
Dans l’ensemble de nos territoires, la simplification représente un enjeu majeur pour toutes nos entreprises, en particulier les plus petites. À ce titre, nous nous réjouissons tous que ce sujet arrive enfin dans notre hémicycle. Nous attendions ce texte depuis de longs mois !
Certes, cela a déjà été dit, il n’organise ni le grand soir ni le grand choc de simplification que nos entrepreneurs souhaitent…
Mme Anne-Laure Blin
C’est bien dommage !
Mme Delphine Lingemann
…mais il comporte des mesures concrètes et utiles qui vont dans le bon sens.
Pour autant, notre groupe ne votera pas ce projet de loi en l’état. (Mme Florence Herouin-Léautey et M. Gérard Leseul applaudissent.)
M. Yannick Monnet
Bravo !
Mme Delphine Lingemann
La suppression du « test PME » ainsi que certaines dispositions de l’article 1er, dont les effets vont bien au-delà de l’objectif de simplification, nous préoccupent. Supprimer pour supprimer, sans discernement, ce n’est pas simplifier ! Ne faisons pas de ce texte ce qu’il n’est pas ! Il nous faut une ligne directrice claire : celle d’une simplification au service de l’action économique et au service de celles et ceux qui font vivre nos territoires.
Ce texte ne peut devenir, au fil des amendements, un véhicule de remise en cause de pans entiers de nos politiques publiques (Mme Marina Ferrari applaudit.)
Il ne peut pas davantage être le prétexte à des promesses démagogiques à court terme. Gardons le cap dans nos débats : oui à la simplification de la vie économique, oui à la simplification de la vie de nos entreprises !
Nous avons devant nous un ensemble de mesures concrètes qu’il nous revient d’examiner avec sérieux pour qu’elles produisent des effets tangibles. Notre groupe proposera que cet exercice salutaire soit reconduit chaque année car nous devons à nos entrepreneurs une démarche régulière, responsable et éclairée.
Le groupe Les Démocrates votera contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme Marina Ferrari
Voilà !
M. le président
La parole est à M. Henri Alfandari.
M. Henri Alfandari (HOR)
Chers collègues issus des bancs de la gauche, vous prétendez défendre la concertation et la démocratie et vous nous reprochez de supprimer des comités.
M. Nicolas Sansu
Oui !
M. Henri Alfandari
La réalité est qu’avec cette motion de rejet, vous nous interdisez de remplir notre rôle de députés : il incombe en effet à la représentation nationale de discuter des grands sujets et de trancher.
Mme Danielle Simonnet
Pas à la tronçonneuse !
M. Henri Alfandari
Or vous refusez systématiquement le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
De même, vous nous caricaturez de manière systématique,…
Mme Julie Laernoes
Pas besoin, vous le faites très bien vous-mêmes !
M. Henri Alfandari
…par exemple, en nous traitant d’écocides !
Vous dites aimer l’État et les emplois mais cela suppose de faire des projets d’intérêt général et de les défendre.
M. Patrick Hetzel
Il a raison !
Mme Danielle Simonnet
Vous n’aimez pas les emplois !
M. Henri Alfandari
Que reprochez-vous donc à la proposition de Guillaume Kasbarian (Mme Danielle Simonnet fait la grimace) de renforcer les projets d’intérêt national majeur qui procurent des emplois et profitent à tous, à la décarbonation comme à nos objectifs climatiques ?
Nous prévoyons d’étendre la raison impérative d’intérêt public majeur, initialement conçue pour favoriser les énergies renouvelables – notamment les éoliennes –, à d’autres projets importants pour l’intérêt de nos collectivités. Qu’y trouvez-vous à redire ?
Chers collègues, acceptez le débat ! Ne vous cachez pas ! Si vous avez confiance dans le bien-fondé de vos positions, convainquez-nous en ! À défaut, votre défaite sera une bonne nouvelle pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen (LIOT)
Monsieur Fournier, vous nous avez parlé de mesures antidémocratiques et antisociales : vous perdez votre sang-froid ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
Bravo !
M. Christophe Naegelen
La réalité est qu’en vous écoutant – j’ai eu l’occasion de le dire dans la discussion générale –, j’ai plutôt l’impression que le travail réalisé en commission est bien construit.
Vous prétendez défendre les services publics mais vous n’avez pas présenté d’amendement pour demander qu’ils soient d’intérêt national majeur. Cela signifie que vous placez votre conception de l’écologie au-dessus des services publics de nos concitoyens. C’est un vrai débat qu’il aurait été intéressant de mener. Pour nous, les services publics doivent présenter un intérêt majeur pour nos concitoyens, notamment dans les territoires ruraux.
En réalité, après des débats qui s’étaient bien passés en commission, vous tenez des propos plus qu’excessifs. J’espère que nos échanges seront plus calmes durant l’examen de ce projet de loi, ô combien important ! Je l’ai dit, il y a sans doute des choses à modifier dans le texte mais, pour cela, il nous faut l’étudier ensemble.
M. Charles Fournier
Vous ne dites rien au sujet des amendements du RN ?
M. Christophe Naegelen
Notre groupe s’est toujours opposé à la possibilité de supprimer un texte avant même son examen. Nous voterons contre la motion de rejet préalable. (M. le président de la commission spéciale applaudit.)
M. le président
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 246
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 111
Contre 135
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Mme la présidente a reçu de M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement une lettre l’informant du retrait de l’ordre du jour du vendredi 11 avril de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel et à la souveraineté audiovisuelle.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra