XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du jeudi 05 juin 2025

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Première séance du jeudi 05 juin 2025

Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Abrogation de la réforme des retraites

    Discussion d’une proposition de résolution

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de M. Stéphane Peu et plusieurs de ses collègues, visant à abroger la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 dite réforme des retraites (nos 1352).

    Discussion générale

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Il y a à peine plus de deux ans était promulguée la loi dite réforme des retraites, sans vote du Parlement et contre le refus massif d’une majorité de nos concitoyens.
    Pendant plus de six mois, les travailleurs, les retraités et la jeunesse, soutenus par une intersyndicale puissante et unie, ont exprimé sans discontinuer leur stricte opposition à cette réforme. Ensemble, ils ont proposé des alternatives ambitieuses, raisonnées, que nombre d’entre nous, dans cet hémicycle, ont relayées en vain face à un gouvernement arrogant et enfermé dans ses dogmes.
    L’élaboration et la mise en œuvre de cette réforme n’ont respecté aucune des règles les plus élémentaires de la démocratie sociale et du parlementarisme. C’est pourquoi cette réforme a été et reste un affront fait au peuple français.
    Pourtant, jamais une réforme des retraites n’est allée aussi loin dans la régression sociale. Le relèvement de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans s’est accompagné, dès la promulgation de la loi, d’une augmentation de la durée de cotisation obligeant chacun à travailler un trimestre de plus tous les ans pour prétendre à une carrière complète.
    Cette réforme fut brutale. Dès septembre 2023, au moins 50 000 personnes ont dû décaler leur départ à la retraite et depuis, ce sont plus de 300 000 travailleurs qui ont eu à prolonger leur carrière de trois, six ou douze mois, après plus de quarante années déjà passées au travail.
    En février dernier, la Caisse nationale d’assurance vieillesse a d’ailleurs indiqué que le nombre d’assurés sociaux qui choisissent de prendre leur retraite sans avoir eu une carrière complète, –⁠ donc en subissant une décote – a plus que doublé.
    Consentir à une décote à vie, alors que la pension de retraite moyenne est de 1 626 euros bruts, signifie bien qu’aller au-delà de 62 ans est, pour beaucoup de salariés, strictement impossible.
    Cette réforme n’est pas seulement injuste, elle est punitive pour les travailleurs seniors, relégués dans un chômage de longue durée, enfermés dans un sas de précarité au mépris de leur expérience, ou contraints de passer quelques années de plus en invalidité.
    Même la très libérale Cour des comptes note, dans son rapport au premier ministre d’avril 2025, que le recul de l’âge de la retraite n’implique pas mécaniquement une durée en emploi équivalente, mais exacerbe les inégalités et les fragilités sociales. Elle confirme également que le précédent recul de l’âge de départ de 60 à 62 ans « s’est traduit pour les ouvriers qualifiés par une augmentation du temps en invalidité et du temps ni en emploi ni en retraite », c’est-à-dire au chômage. (« Exactement ! » sur les bancs du groupe GDR.)
    La dernière réforme sanctionne lourdement les femmes, amplifiant les injustices qu’elles subissent. L’inégalité salariale se répercute sur le niveau de leur pension, et le recours à la décote est plus fréquent en raison des carrières hachées et des temps partiels subis.
    Ce n’est donc pas sans cynisme qu’Élisabeth Borne a présenté sa réforme comme un vecteur d’équilibre, de justice et de progrès. Et c’est avec le même cynisme que la Cour des comptes indique que le recul de l’âge de départ est un levier d’économie peu efficace,…

    Mme Stéphanie Rist

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    C’est le seul levier efficace !

    M. Stéphane Peu

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    … qui ne produit des effets qu’à court terme. En revanche, les effets pour les travailleurs sont, eux, tangibles et durables.

    Mme Stéphanie Rist

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    C’est la démographie !

    M. Stéphane Peu

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    Et pourtant, le gouvernement refuse obstinément de revenir sur cette réforme, au motif que le déficit public ne le permet pas. Mais ce mantra, répété à l’envi, ne correspond pas à la réalité.
    Le Conseil d’orientation des retraites l’avait documenté dès 2023 : notre système par répartition fait preuve d’une réelle solidité, et ses dépenses sont stables dans le temps (Mme Stéphanie Rist sourit), aux alentours de 14 % du PIB. Le Conseil avait identifié l’origine de la dégradation financière de notre système de retraite : la diminution des ressources qui lui sont affectées.
    La perte de cotisations sociales dues aux seules niches sociales, c’est-à-dire au contournement des cotisations sur les salaires, non compensé par l’État, était estimée en 2023 à près de 20 milliards d’euros, dont plus de 9 milliards pour les cinq dernières années. Les allégements généraux de cotisations sociales, quant à eux, représentent 80 milliards d’euros.
    Voilà où se trouve l’argent dont ce gouvernement et le président de la République prétendent, la main sur le cœur, ne pas savoir « où aller le chercher ».
    Si cette réforme des retraites continue de nourrir un sentiment d’injustice profond, c’est donc aussi parce qu’elle repose sur le mensonge de la soi-disant faillite de notre système de retraite. L’enjeu de cette réforme est en réalité de faire payer aux futurs retraités la faillite d’une politique économique libérale et archaïque, dont la principale préoccupation est de maintenir au plus bas le coût du travail, en y sacrifiant les ressources des cotisations sociales.
    Le gouvernement, si prompt à alléger la fiscalité des plus riches, ne peut concevoir l’augmentation que d’un seul impôt : l’impôt sur la vie. Il faudra travailler plus, plus longtemps, verser des pensions moins généreuses, voire, demain, subir une TVA sociale sur sa consommation.
    Cette réforme des retraites est donc aussi une bataille idéologique emportant avec elle un choix de société. Elle s’inscrit dans une logique libérale et inégalitaire et propose une société du chacun pour soi, où la marchandisation des vies règne au détriment des principes de solidarité, d’universalité et de démocratie.
    Elle remet en cause les fondements de la sécurité sociale, dont nous célébrons cette année le quatre-vingtième anniversaire, et qui reste la poutre maîtresse du modèle social français.
    Brutale et injuste, cette réforme de 2023 est également la plus grande blessure démocratique depuis la négation du vote des Français lors du référendum de 2005.
    Toutes les manœuvres parlementaires et constitutionnelles ont été utilisées pour confisquer le débat démocratique : 49.3, vote bloqué, restriction du droit d’amendement, refus d’un référendum.
    Les propositions de loi d’abrogation ont aussi été empêchées d’aboutir, soit par des artifices de recevabilité, soit par des manœuvres d’obstruction orchestrées par l’exécutif et sa minorité parlementaire.
    Même le conclave des partenaires sociaux a dû subir ces artifices. En lieu et place de la feuille blanche promise, les syndicats se sont vu imposer un cadre restrictif. Main dans la main, patronat et gouvernement ont érigé des totems et des tabous sur la route des négociations.
    Pour Emmanuel Macron, cette réforme est tellement iconique et obsessionnelle qu’il se prend à rêver qu’elle serait une affaire classée. C’est un aveuglement ! Les Français ont de la mémoire : ils n’ont pas tourné la page. Selon l’étude de l’Ifop d’avril 2025, plus des deux tiers des Français et plus de 78 % des salariés voteraient l’abrogation de cette réforme ; par ailleurs, sept Français sur dix plébiscitent le système par répartition.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Exact !

    M. Stéphane Peu

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    C’est pourquoi aujourd’hui encore, partout en France, les organisations syndicales et nos concitoyens se mobilisent.
    Le pays a besoin de réparer l’outrage qu’il a subi. C’est le sens de notre résolution. Deux ans après la promulgation de la réforme des retraites, nous vous invitons à répondre à la question qui a été jusqu’ici confisquée aux représentants du peuple : la réforme des retraites Borne-Macron doit-elle être abrogée ?
    À ceux qui seraient tentés de disqualifier ce vote en prétendant qu’il ne revêt pas de valeur normative, nous objectons qu’il existe différentes natures de normes : d’une part, celles immédiatement agissantes, d’autre part, celles qui prennent acte et date, et qui obligent.
    Un oui majoritaire de notre assemblée ne permettra plus au gouvernement de prétendre que les Français ont consenti à la spoliation de leur droit à une retraite juste, digne et solidaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)
    Un oui majoritaire réhabilitera notre assemblée et l’expression souveraine du peuple. Un oui majoritaire obligera le gouvernement.
    Madame la ministre, si notre assemblée vote cette résolution, il incombera au gouvernement de réparer la blessure démocratique qui meurtrit notre République. Il aura pour cela deux solutions : soit opter pour la sagesse et la concorde en abrogeant cette réforme, soit saisir, avec le président de la République, les Français par référendum.
    Je me permets, pour conclure, de vous mettre en garde : si vous ne tenez pas compte de ce vote, si vous ne choisissez pas l’une des deux options que nous vous suggérons, alors, je vous promets que nous saurons en tirer toutes les conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. –⁠ Les députés des groupes GDR et EcoS se lèvent ainsi que Mme Sandrine Runel.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Michoux.

    M. Éric Michoux

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    Le débat que nous allons avoir sur la dernière réforme des retraites oublie une évidence : le modèle actuel par répartition est à bout de souffle.
    Dans les années 1950, lors de la création du premier régime de retraite, on comptait quatre cotisants pour un retraité, contre 1,4 cotisant aujourd’hui ; d’ici à 2070, ce chiffre tombera à 1,2 cotisant pour un retraité. Les Trente Glorieuses sont bien loin à présent : le monde a évolué, en même temps que nos conditions de travail et notre démographie.
    Les jeunes cotisants ne sont pas dupes. Ils nous affirment : « Je sais que je cotise pour rien. Le jour de ma retraite, je n’aurai rien. »
    Par ailleurs, notre système ne prend suffisamment en compte ni la pénibilité au travail ni la volonté de certains de maintenir une activité partielle ou totale jusqu’à un âge avancé.
    Au-delà de la question de l’âge de départ à la retraite, le système par répartition est en sursis. Il faut regarder la vérité en face : le nombre de seniors progresse de manière fulgurante alors que celui des cotisants à la retraite diminue.
    Le système actuel est en faillite. Il coûte 350 milliards d’euros par an. Il est même devenu le premier poste de dépense publique avec une prévision de déficit de 7,3 milliards en 2025. Il est devenu une charge importante pour nos entreprises, grevant leur compétitivité.
    Nous traversons une période de transition pour notre système de retraite. Non, les Français ne sont pas attachés à ce système : ils sont ligotés.
    C’est pourquoi nous avons le devoir, vis-à-vis des générations à venir, de le faire évoluer si nous ne voulons pas le voir disparaître. Nous avons besoin d’une réforme ambitieuse et réaliste, qui n’hésite pas à briser certains tabous, sans pour autant remettre en cause le principe de la répartition.
    Ayons le courage de regarder en face la proposition d’une dose de capitalisation pour les cotisants.

    M. Stéphane Peu

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    Bah voilà ! Cela a le mérite de la franchise !

    M. Éric Michoux

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    Cette proposition n’a rien de nouveau : la Suède et les Pays-Bas, entre autres, ont déjà eu le courage de faire évoluer leur modèle dans ce sens. En réalité, ce système existe déjà en France, dans la fonction publique, avec la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), obligatoire pour les fonctionnaires depuis 2005.
    C’est un système qui se porte bien, affichant un taux de rendement interne annualisé de 4,2 % depuis la création de la RAFP. Mieux, le système est géré par un établissement public où siègent tous les syndicats, y compris les plus anticapitalistes.
    Sortons des positions dogmatiques. Les chiffres sont clairs. En moyenne, un salarié cotise 900 euros par mois pendant quarante ans pour finalement percevoir une pension de retraite de 1 800 euros. Avec la même cotisation et une capitalisation à 3 %, sa retraite passerait à 2 200 euros. Avec une capitalisation à 9 %, elle passerait à 3 100 euros.
    Oui, ayons le courage de regarder en face cette proposition d’introduire une dose de capitalisation. Elle permettrait de sauver notre système et d’assurer aux générations futures une retraite à la hauteur de leurs cotisations.
    L’UDR propose également des mesures fiscales qui encouragent une épargne libre et complémentaire. Nos concitoyens doivent retrouver plus de liberté d’investir et doivent pouvoir décider de leur avenir. Ainsi, nous vous proposons d’anticiper la crise et d’offrir un système de retraite plus équitable, durable et pérenne.
    Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDR votera contre cette proposition de résolution.

    M. le président

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    La parole est à M. Théo Bernhardt.

    M. Théo Bernhardt

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    Une fois encore, nous sommes les spectateurs contraints d’une pièce de théâtre dont le scénario est lassant tant il se répète : celle du parti unique qui orchestre son impuissance pour mieux masquer sa responsabilité.
    Le groupe communiste…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Le groupe GDR ! Gauche démocrate et républicaine !

    M. Théo Bernhardt

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    …propose une résolution dénuée de toute portée contraignante contre la réforme injuste des retraites adoptée en 2023 –⁠ une simple pétition de principe. Mais à quoi bon ce simulacre ? Vous cherchez assurément à masquer une vérité gênante : les députés à ma gauche, qui dénoncent aujourd’hui cette réforme, sont les complices de son adoption hier.

    M. Yannick Monnet

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    Et on mange des enfants !

    M. Théo Bernhardt

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    Aucun d’entre vous n’a voté la motion référendaire déposée par le Rassemblement national ; elle aurait pourtant permis au peuple français de s’exprimer sur la réforme des retraites. Vous avez préféré partir à la buvette et vous abstenir.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    La buvette, vous y êtes plus souvent que nous !

    M. Théo Bernhardt

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    Aucun d’entre vous, à l’exception notable de Yannick Monnet, n’a soutenu en octobre dernier la proposition courageuse de notre collègue Thomas Ménagé. Pire, vous avez cyniquement vidé ce texte de son sens en commission, avec une complaisance complice que l’histoire retiendra.
    Aucun d’entre vous n’a voulu aller au vote sur l’article 7, le cœur de la réforme. Vous avez préféré déposer des milliers d’amendements inutiles qui n’ont fait que retarder les débats et donner satisfaction au gouvernement, qui a alors pu envoyer son texte au Sénat.
    Vous pleurez l’incendie que vos alliés ont allumé tout en regrettant que les tentatives d’empêcher la réforme ou de l’abroger aient été vaines. Mais c’est vous qui leur avez donné les allumettes !
    Peut-être aurait-il fallu y penser en mars 2023, quand tout le monde vous demandait de retirer vos amendements pour aller au vote. Peut-être aurait-il fallu y penser en octobre 2024, quand vos amis de l’extrême gauche –⁠ les Louis Boyard, les Hadrien Clouet, les Sandrine Rousseau et compagnie – ont encore servi la soupe aux macronistes en supprimant en commission l’abrogation de la réforme prévue par le texte du groupe Rassemblement national.
    Monsieur le rapporteur, vous évoquez ce texte dans votre proposition de résolution et vous écrivez qu’il « a fait l’objet d’un usage abusif des règles de recevabilité afin de [le] vider de son contenu ». Comme le dit l’adage, il n’est pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Ce texte a d’abord et avant tout été vidé de son contenu par vos alliés.
    Ce sont eux qui siègent à vos côtés grâce au soutien de Gabriel Attal et d’Édouard Philippe.

    M. François Ruffin

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    Vous avez quelque chose à dire à propos des retraites ? Des travailleurs ? De la France ?

    Mme Elsa Faucillon

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    C’est tellement politicard !

    M. Théo Bernhardt

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    Ce sont eux qui ont fait élire Élisabeth Borne, qui a mis en place la réforme des retraites.

    Mme Danielle Simonnet

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    C’est quoi votre position ?

    M. Théo Bernhardt

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    Ce sont eux qui ont décidé, dans la grande alliance du parti unique qui va de Jean-Luc Mélenchon à Laurent Wauquiez, de vider de son contenu la proposition de loi d’abrogation portée par le Rassemblement national.
    Le Parlement n’est pas là pour mendier une abrogation, il est là pour la voter. C’est ce que vous avez tous empêché en octobre dernier, de LFI à DR, alors même que nous savons qu’une majorité absolue existe dans cet hémicycle.
    Vous portez la responsabilité écrasante d’avoir laissé triompher la réforme de Mme Borne. Vous portez la responsabilité d’avoir sacrifié les Français sur l’autel de la duplicité politique.

    M. René Pilato

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    Vous portez la responsabilité de ne pas censurer !

    M. Théo Bernhardt

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    Ne venez pas pleurer les conséquences dont vous avez précieusement entretenu les causes. Vos larmes de crocodile ne tromperont plus personne. Les Français ne sont pas dupes, ils vous ont vus à l’œuvre,…

    M. René Pilato

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    Non, ils ne sont pas dupes, mais c’est vous qu’ils ont vus à l’œuvre ! C’est vous les complices de Bayrou !

    M. Théo Bernhardt

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    …reniant vos engagements pour courir après vos nouveaux totems, à savoir le communautarisme, l’islamisme et l’antisémitisme.

    M. René Pilato

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    C’est vous qui avez été condamnés pour racisme !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Parce que le FN n’a pas changé !

    M. Théo Bernhardt

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    Les Français savent sur qui ils peuvent compter. Ils savent que le projet du Rassemblement national est clair et cohérent.

    M. René Pilato

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    Répéter un mensonge n’en fait pas une vérité !

    M. Théo Bernhardt

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    Pour ceux qui ont commencé avant l’âge de 20 ans et qui exercent un métier difficile, nous proposons un départ à la retraite à 60 ans avec 40 annuités. Pour ceux qui ont commencé après 20 ans, nous proposons un système progressif avec un départ à 62 ans avec 42 annuités.

    M. René Pilato

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    D’après Bardella, c’est 66 ans !

    M. Théo Bernhardt

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    Ce projet, c’est celui qui concilie justice sociale et maîtrise des dépenses publiques face au dérapage incontrôlé de tous les indicateurs sous les mandats d’Emmanuel Macron.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous n’avez pas encore parlé de Marine Le Pen ! Vous êtes hors sujet !

    M. Théo Bernhardt

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    Ce projet, c’est celui qui défend la valeur travail et incite à faire entrer plus tôt nos concitoyens sur le marché du travail. Nous préférons en effet que les Français travaillent entre 23 et 25 ans plutôt qu’entre 62 et 64 ans. Notre projet, enfin, c’est celui d’une France réindustrialisée, souveraine et prospère, où le travail retrouve tout son sens et toute sa dignité.
    La promesse du Rassemblement national a toujours été de refuser la politique du pire et, contrairement à beaucoup d’entre vous, nous tenons nos engagements.

    Mme Elsa Faucillon

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    Vous êtes hors sujet !

    M. Théo Bernhardt

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    Tenir cette promesse sera l’occasion de vous rappeler un élément essentiel : sans le Rassemblement national, personne ne pourra rien faire pour tenter d’abroger ou réussir à abroger la réforme des retraites.

    M. Frédéric Maillot

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    C’est donc à cause de vous qu’elle n’a toujours pas été abrogée !

    M. Théo Bernhardt

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    Aussi inopérante soit-elle, nous voterons cette proposition de résolution. Mais ne vous y trompez pas, les Français ont tout vu et ont compris qui les défendait vraiment. Ils savent qu’ils pourront compter sur Marine Le Pen et Jordan Bardella…

    Plusieurs députés du groupe GDR

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    Ah, nous y voilà !

    Mme Elsa Faucillon

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    Bingo !

    M. Théo Bernhardt

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    …pour réellement abroger la réforme Macron-Borne et instaurer un système de retraites juste, équitable et soutenable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Gérard Leseul

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    Voilà de bien faibles applaudissements !

    M. le président

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    La parole est à Mme Stéphanie Rist.

    Mme Stéphanie Rist

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    Le déficit de notre système de retraites doublera d’ici 2035, puis doublera de nouveau d’ici 2045. Il s’élèvera alors à 30 milliards d’euros, sans compter le déficit du régime public. Notre démographie vieillissante est une réalité. Ce constat est désormais reconnu par tous, même par ceux qui étaient dans un profond déni en 2023 lors de l’adoption de la réforme. Face à ce constat, que proposez-vous ? Ni de se retrousser les manches ni de trouver des solutions, des propositions alternatives et crédibles.

    M. Stéphane Peu

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    Si ! Mais vous ne les avez pas écoutées !

    Mme Stéphanie Rist

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    Le groupe GDR dit : « Très bien, on va dans le mur, mais proposons une abrogation symbolique de la réforme des retraites. »

    Mme Elsa Faucillon

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    C’est vraiment insupportable !

    Mme Stéphanie Rist

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    Au fond, vous nous proposez une résolution paresseuse, stérile et indifférente au sort des générations futures.

    Mme Elsa Faucillon

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    Ridicule !

    Mme Stéphanie Rist

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    Paresseuse et stérile, car elle veut nous faire croire que les jours heureux arriveront sans même le début du commencement d’une proposition viable de financement.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Mensonge !

    Mme Stéphanie Rist

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    Paresseuse et stérile, car elle a l’audace de vouloir conserver les mesures redistributives de la réforme de 2023, tout en refusant de les financer :…

    M. René Pilato

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    C’est faux ! Nous avons proposé des solutions !

    Mme Stéphanie Rist

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    …je pense notamment à l’augmentation de 1,2 milliard en 2024 pour la revalorisation des petites pensions.
    Paresseuse et stérile, car elle est contaminée par l’idée, contre-intuitive à gauche, selon laquelle le travail ne serait qu’exploitation et souffrance.

    M. Stéphane Peu

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    Pourquoi vous obstinez-vous à croire que vous avez raison, alors que 80 % des Français ne sont pas d’accord avec vous ?

    Mme Stéphanie Rist

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    Paresseuse et stérile, enfin, car elle est un bras d’honneur au travail des partenaires sociaux (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR) réunis jusqu’à la fin du mois de juin et qui travaillent à des propositions.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Quelle blague ! C’est vous qui avez piétiné le mouvement social ! C’est vous qui avez méprisé les syndicats !

    M. Stéphane Peu

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    Pour vous, les partenaires sociaux se résument au Medef !

    Mme Stéphanie Rist

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    Enfin, cette proposition de résolution est indifférente au sort des générations futures, car, derrière vos grands discours, il est question de la retraite que toucheront nos enfants et nos petits-enfants.
    À quel point faut-il sous-estimer les Français pour juger qu’ils peuvent penser que leur retraite sera financée sur du vide ?

    M. René Pilato

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    Ne pensez pas à leur place !

    Mme Danielle Simonnet

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    Vous préférez que les Français meurent !

    Mme Stéphanie Rist

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    Vous surfez sur un projet démagogique. Nous, nous voulons garantir une retraite aux Français.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Quel enthousiasme !

    Mme Elsa Faucillon

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    Les Français ne sont pas des enfants !

    Mme Stéphanie Rist

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    Vous l’aurez compris, le groupe Ensemble pour la République ne participera pas à cette farce.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Quelle audace !

    Un député du groupe GDR

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    Le groupe ? Il est où le groupe ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Vous n’aimez la démocratie que lorsqu’elle convient aux intérêts que vous défendez. Malgré votre défaite aux élections européennes de 2024, puis aux législatives qui ont suivi, vous continuez de gouverner comme si de rien n’était.
    Comme si de rien n’était, vous voici à nouveau devant nous à refuser d’abroger le vol de deux ans de vie subi par le peuple français. Votre gouvernement minoritaire, sans légitimité parlementaire ni populaire, pensait que les gens allaient juste oublier. Oublier que la retraite à 64 ans n’a jamais été votée par l’Assemblée. Oublier que le centième 49.3 de la Ve République a été utilisé pour passer en force cette réforme contre l’ensemble des syndicats, contre des millions de grévistes et de manifestants, contre un peuple tout entier.
    Mais rien n’y fait. Personne n’oublie. Personne n’oublie ces deux ans de travail en plus, cette souffrance infligée à la démocratie. Tout le monde comprend que la retraite à 64 ans aurait dû être abrogée depuis longtemps, surtout après la mobilisation citoyenne massive dans les urnes qui nous a donné la victoire et qui vous a lourdement défaits. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
    Vous avez tout tenté. Vous avez refusé de reconnaître le résultat des urnes. Vous avez fait une obstruction massive lors de notre journée réservée du 28 novembre pour empêcher l’Assemblée de voter la fin de la retraite à 64 ans. Vous combattez le droit d’amendement quand il s’agit de pourrir la santé des Français avec la loi « pesticides », mais pour faire cracher à tout le pays deux ans de boulot supplémentaire, aucun problème ! (Mêmes mouvements.)
    Lors de l’examen du budget de la sécurité sociale, vous avez rejeté par 49.3 l’amendement insoumis qui tendait à abroger cette réforme, quand bien même il avait été largement adopté. Vous avez inventé une mascarade de conclave. Vous osez même en appeler au dialogue social, alors que vous avez passé cette réforme au forceps contre la volonté populaire.
    Mais rien n’y fait. Nous voici à nouveau avec cette résolution qui, si elle n’est pas contraignante, montrera que nous sommes toujours largement majoritaires à l’Assemblée pour refuser ce recul de l’âge de la retraite. Majoritaires à l’Assemblée et majoritaires dans le pays, puisqu’en avril 2025, ce sont toujours trois quarts des salariés et deux tiers des Français qui souhaitent l’abrogation de la retraite à 64 ans.
    Rien n’y fait et rien n’y fera, car il y a exactement deux ans, nous faisions à l’Assemblée cette promesse solennelle : nous ne renoncerons jamais à revenir sur cette réforme injuste et injustifiée et à rétablir le droit à la retraite à 60 ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. –⁠ M. François Ruffin applaudit également.) Madame la ministre, nous tiendrons cette promesse. Jamais vous ne viendrez à bout de nous !
    Vous n’avez toujours rien compris à ce qui est en jeu. Une réforme qui touche des millions de personnes dans leur chair et ce pour des générations ; 15 000 personnes qui mourront avant de toucher leur première journée de retraite ; les femmes aux carrières hachées qui se demandent comment tenir jusqu’à 67 ans ; les ouvriers épuisés ; nos compatriotes ultramarins frappés de plein fouet par le chômage et la pauvreté ; les artisans abandonnés ; la jeunesse précarisée. Personne n’a intérêt à votre réforme ; personne n’en veut. Depuis votre réforme, deux fois plus de salariés du privé partent en retraite avec une décote.
    Vous n’avez toujours rien compris, car ce qui est en jeu, c’est le droit de disposer librement de son temps, hors du temps contraint du travail, le droit de passer du temps avec les siens, de s’occuper de son jardin, de prendre soin des autres ; le temps où la société se vit et se lit.
    Aujourd’hui, 50 % des maires de communes rurales sont des retraités, 40 % des présidents d’associations sont des retraités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Sébastien Peytavie applaudit également.) Chaque semaine, ce sont des retraités qui effectuent 23 millions d’heures de garde de leurs petits-enfants. Ne comptez pas sur vos petits tableaux Excel pour cela ; ils vous ont déjà conduits à ruiner le pays.
    Vous voilà, deux ans après, à courir après les folies de la retraite par capitalisation et du travail à n’en plus finir. Vous rêvez du Danemark qui a décidé de la retraite à 70 ans. Vous détruisez le modèle social qui fait la fierté de la France dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
    Ce qui est en jeu, c’est le refus absolu d’un pays où l’on produit plus pour produire plus mal, où 20 % de la nourriture finit à la poubelle, où règne le tout-gaspillage et le tout-jetable, des objets aux êtres humains. Ce qui est en jeu, c’est la dignité de millions de gens qui après avoir tout subi, tout encaissé pendant des années, refusent de se laisser mépriser et osent se redresser, prendre la parole, se mettre debout.
    Non, vous ne viendrez jamais à bout de nous. Nous serons toujours les partisans de la civilisation du temps libéré, pour que chacun puisse travailler moins et mieux, tout en recevant sa part des richesses socialement produites. (Mêmes mouvements.) Nous ferons la retraite à 60 ans, la sixième semaine de congés payés et l’augmentation des salaires.
    On peut situer la fin du mandat d’Emmanuel Macron au jour où Élisabeth Borne, en mercenaire zélée, prononçait ce 49.3 pour imposer la retraite à 64 ans. Cette sécession éclatante avec la souveraineté populaire entraînera votre chute. Votre politique antisociale conduira à votre disparition, et la France devra bientôt choisir entre le camp des racistes et des soutiens au génocide des Palestiniens et le camp de l’union populaire et des principes concrets de l’humanisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR.)
    La vie politique n’échappe pas aux lois de la physique. L’une d’elles est appelée la précession gyroscopique –⁠ autrement dit, le retour à l’envoyeur. Elle est aussi valable en politique : le peuple sanctionne toujours ceux qui ne le respectent pas. Bientôt le peuple en finira avec votre politique de malheur et la Ve République à bout de souffle.
    Des mots de Victor Hugo, qui se rapportent aisément au monarque présidentiel et à cette réforme que nous refusons de toute notre volonté, nous reviennent en écho : « En général, quand une catastrophe privée ou publique s’est écroulée sur nous, si nous examinons, d’après les décombres qui en gisent à terre, de quelle façon elle s’est échafaudée, nous trouvons presque toujours qu’elle a été aveuglément construite par un homme médiocre et obstiné qui avait foi en lui et qui s’admirait. » (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Runel.

    Mme Sandrine Runel

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    Je remercie mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour leur initiative qui nous permet de revenir sur cette réforme des retraites de 2023, une réforme si injuste.
    Deux ans après, c’est avec gravité, détermination et au nom de centaines de milliers de nos concitoyens que nous dénonçons cette injustice sociale et démocratique.
    Une fois encore nous sommes ici pour vous rappeler –⁠ mais cela sera difficile, puisque vos bancs sont vides – que l’avenir ne peut se construire sur le recul des droits sociaux. En repoussant de force l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, vous avez méprisé le quotidien et les difficultés des travailleuses et des travailleurs aux métiers pénibles et aux carrières longues. En pénalisant encore davantage les ouvriers par rapport aux cadres et les femmes par rapport aux hommes, vous avez fait preuve d’une violence sociale sans nom. Vous n’avez fait que creuser des inégalités contre lesquelles nous, élus de gauche, nous battons tous les jours.
    Rappelez-vous ces millions de Français dans la rue, ces mois de grève, cette opposition massive d’une majorité des Françaises et des Français et de toutes les organisations syndicales à votre réforme.
    En dépit de cette mobilisation historique, vous avez choisi le passage en force.
    Utiliser, en même temps, un budget de la sécurité sociale rectificatif et un 49.3 pour faire passer de manière cavalière une loi tant décriée, il fallait oser. Vous avez sans conteste dépassé les bornes.

    M. Boris Vallaud

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    Comme dirait Élisabeth ! (Sourires. –⁠ Mme Céline Thiébault-Martinez applaudit.)

    Mme Sandrine Runel

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    L’enjeu se situe au-delà des querelles de procédure : il y va de la valeur du dialogue social, qui doit associer les partenaires sociaux, les citoyens, et les parlementaires.
    Au début de l’année 2025, les socialistes ont obtenu du gouvernement la tenue de négociations avec les partenaires sociaux et l’assurance que tout pourrait faire l’objet de discussions, y compris l’abrogation du report de l’âge légal de 62 à 64 ans.
    Le premier ministre s’y était d’ailleurs engagé lui-même –⁠ il n’y aurait « ni totem ni tabou », et le Parlement aurait le dernier mot. Or, le 16 mars dernier, revenant sur ses propos, il a exclu que l’âge de départ à la retraite puisse revenir à 62 ans.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Le premier ministre est un menteur !

    M. Pierrick Courbon

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    La honte !

    Mme Sandrine Runel

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    Quelle honte, pour un premier ministre, de ne pas tenir sa parole !
    Aussi serons-nous très attentifs aux résultats de cette concertation que nous accompagnerons si elle représente une avancée. Mais soyez assurés que nous serons aussi pleinement attentifs au respect des engagements pris par le premier ministre, c’est-à-dire à la traduction devant le Parlement des résultats de la négociation.
    Si ces engagements ne sont pas tenus, notre réponse sera ferme : les socialistes déposeront une motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mmes Christine Arrighi et Sandrine Rousseau applaudissent également.)

    M. Paul Christophle

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    Bravo !

    Mme Sandrine Runel

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    Cette proposition de résolution permet à la représentation nationale de se positionner clairement sur cette réforme des retraites et d’exposer sa position aux Français et aux partenaires sociaux.
    Nous, socialistes, voulons emprunter une autre voie : une voie de progrès, de solidarité et de justice. Nous voulons le retour de l’âge du départ à la retraite à 62 ans. Nous voulons mieux reconnaître la pénibilité, faciliter les départs anticipés pour les vies cassées par le travail, garantir des pensions décentes qui permettent de vivre dignement, et non de survivre.
    Depuis dix ans, la pauvreté ne cesse d’augmenter, au point de concerner aujourd’hui plus de 9 millions de personnes, parmi lesquelles des retraités. Vos politiques n’ont fait qu’aggraver ces inégalités et rendre encore plus béante la fracture sociale.
    Aujourd’hui, une colère profonde monte dans notre pays ; elle s’intensifie à chacune des terribles réformes de vos gouvernements successifs.
    Mais nous, socialistes, ne renonçons pas. Nous demeurons fermement engagés en faveur d’une égalité réelle, garantissant à chacun les mêmes droits et les mêmes perspectives. Cette égalité ne peut exister sans une justice sociale exigeante, qui redistribue les richesses et protège les plus vulnérables.
    C’est dans cet esprit que nous voulons réfléchir ensemble à des pistes de réformes du financement de notre système de retraite, afin de le rendre plus juste et plus durable. Nous voulons préparer l’avenir pour ne pas laisser à nos enfants un futur sans protection sociale. Nous refusons votre héritage –⁠ cette réforme des retraites injuste et le déficit de nos caisses de retraite.
    Allons chercher des financements en remettant en question les exonérations de cotisations les plus inefficaces : arrêtez de faire porter l’effort sur les plus modestes !
    Ce ne sont pas des mesures émanant de dangereux gauchistes que je vous recommande, mais des propositions inspirées des recommandations faites publiquement par la Cour des comptes.
    Chers collègues macronistes, même si vous n’êtes pas là aujourd’hui,…

    M. Emmanuel Maurel

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    C’est honteux, ce manque de respect !

    Mme Sandrine Runel

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    …nous vous appelons à un sursaut républicain : il faut sauver notre modèle social. La réforme des retraites que nous défendons n’a rien d’une utopie ; elle relève d’une nécessité sociale, d’une volonté politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    « Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. »
    Ces mots sévères de Charles Péguy devraient être gravés sur le fronton de cet hémicycle tant, depuis deux ans, le débat sur les retraites s’enlise dans les fables que nous aimons nous conter pour repousser la réalité arithmétique implacable du temps, du travail et de la démographie.
    À la manière d’André Malraux qui, en 1965, dévoilait les liaisons politiques les plus improbables, j’observe que cette résolution du groupe GDR visant à abroger la dernière réforme des retraites est le combat commun des quatre gauches et de l’extrême droite. (Mme Karine Lebon s’exclame.)

    M. Stéphane Peu

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    Au moins Malraux avait-il du talent ! S’il était là, il proposerait de passer par un référendum !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Ce mariage ne repose sur aucun projet commun de financement, pas plus que sur une vision partagée de notre modèle social.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Il s’agit simplement de respecter la volonté du peuple !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Ces partenaires d’un jour ne sont fédérés que par le rejet d’une réforme promulguée il y a deux ans…

    M. Stéphane Peu

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    Que nous n’avons jamais votée !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    …et ils ne proposent pas la moindre architecture alternative.

    M. René Pilato

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    Ce que propose Édouard Philippe, c’est la retraite à 67 ans !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Sur l’Europe, la fiscalité, la laïcité, la sécurité, et j’en passe,…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Passez, passez !

    M. Stéphane Peu

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    Que cette réforme trépasse !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    …ils s’opposent frontalement. Cette opposition est même la source du désordre qui règne chaque jour dans cet hémicycle.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Que de mensonges !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Pourtant, aujourd’hui, ils vont sagement s’accorder, unis par le même réflexe, qui les pousse à vouloir abolir sans rien bâtir, dans un assemblage de couleurs discordantes que la moindre épreuve budgétaire ferait craquer.
    Nous en sommes donc à la cinquième tentative, mais celle-ci diffère des précédentes en ce qu’elle est purement déclaratoire.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et alors ? C’est déjà ça !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Cette proposition de résolution ne modifie aucune ligne du code de la sécurité sociale, n’ouvre aucun droit nouveau et n’abaissera l’âge de départ à la retraite pour personne. Elle ne comporte ni étude d’impact ni chiffrage sérieux.

    Mme Karine Lebon

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    C’est le principe d’une proposition de résolution !

    M. René Pilato

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    C’est important, les symboles !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Sa seule finalité est d’obtenir, le temps d’une séance, un vote symbolique que l’on pourra transformer en clip de campagne.
    Ce goût du coup d’éclat mérite qu’on le mette en perspective. Dès qu’on entrouvre le dossier financier, le vernis craque ! On dénombre aujourd’hui 18 millions de retraités aujourd’hui ; ils seront 21 millions demain. On compte 1,7 actif par retraité pensionné, quand ils étaient plus de 4 dans l’après-guerre. Abaisser l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans ouvrirait un trou d’environ 15 milliards d’euros à l’horizon 2030.

    Mme Mathilde Feld

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    Pas du tout ! C’est faux !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Mensonges !

    M. René Pilato

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    Les dividendes représentent plus de 150 milliards distribués ! L’argent est là, il faut aller le chercher !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Cela correspond à la totalité du budget annuel des universités françaises.
    Pour dire la vérité, il faut rappeler que notre pyramide des âges, jadis dotée d’une large base, s’est inversée ; elle n’est plus qu’une pyramide de Ponzi. Plus personne ne croit qu’un tel schéma puisse perdurer : les jeunes générations y voient même une promesse creuse et se demandent déjà si le système existera encore quand viendra leur tour.

    M. René Pilato

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    Ils sont où, vos députés ?

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Face à ces vérités que nous ne voulons pas voir, seuls trois leviers existent : baisser les pensions –⁠ est-ce ce que vous voulez ? –, augmenter les cotisations –⁠ souhaite-t-on vraiment cela ? – (« Oui ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR) ou travailler plus.

    M. François Ruffin

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    Nous proposons des solutions, mais vous ne nous écoutez pas !

    M. René Pilato

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    On peut supprimer les allégements de cotisations sociales par exemple ; il y a énormément de solutions !

    Mme Stéphanie Rist

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    Comme le chômage, par exemple ?

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Voilà pourquoi il faudra inévitablement aller plus loin, en faisant de l’emploi des seniors une priorité nationale, en simplifiant les différents régimes qui brouillent la lisibilité, en consolidant les minima et en préparant un étage collectif de capitalisation afin que la croissance future vienne soutenir les pensions.
    Ces impératifs doivent également nous pousser à travailler un peu plus longtemps –⁠ non par plaisir, mais pour garantir qu’en 2040, chacun perçoive encore une pension décente dans un système lisible et crédible.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Oh là là, c’est vraiment nul !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Refuser ce constat, c’est refuser le contrat social lui-même.
    Pourquoi nier ces réalités pourtant communément admises chez nos voisins, qui ne sont ni moins démocrates, ni moins justes, ni moins solidaires que nous ? Les Français méritent qu’on leur dise que plus l’on repousse les décisions, plus la facture sera lourde. Le système pourrait aussi s’effondrer d’ici quelques années. La Cour des comptes alerte sur le risque de défaut de paiement de la sécurité sociale –⁠ voilà la réalité !
    Le groupe Horizons & indépendants votera contre cette proposition de résolution,…

    Plusieurs députés du groupe EcoS

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    Quelle surprise !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Au moins, cette fois-ci, nous pouvons voter !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    …non par rigidité, mais par responsabilité ; non pour défendre une loi paramétrique, mais l’ensemble des générations de notre pays.

    M. René Pilato

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    Pour défendre les plus favorisés, comme d’habitude !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Refusons les fables politiciennes et accueillons la vérité ; refusons l’illusion, retirons les chaînes de modèles passés qui nous entravent…

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Vous parlez de la sécurité sociale ?

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    …et choisissons la refondation ambitieuse.

    Mme Dieynaba Diop

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    Il faudrait surtout promouvoir la justice sociale, madame !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Il faudra du courage pour transformer notre système largement dépassé et déséquilibré en un pacte durable, lisible et équitable.

    M. René Pilato

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    Nous en avons, du courage !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    L’histoire est pleine de belles âmes et d’esprits bien faits qui prononcent de beaux discours…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ce n’est pas votre cas !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    …et adoptent des résolutions, sans qu’il ne se passe rien. L’histoire avec un grand H a oublié ces gens-là.

    Mme Elsa Faucillon

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    En tout cas, ce n’est pas avec ce discours que vous rentrerez dans l’histoire…

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ah, la parole au peuple !

    M. François Ruffin

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    « Les traders ne connaissent pas la crise sur la place de Paris » : en voilà une super nouvelle ! J’en ai été informé par Les Échos de mon ami Bernard Arnault.

    Mme Stéphanie Rist

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    Ah, c’est votre ami ?

    M. François Ruffin

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    On y apprend aussi que « le nombre de banquiers millionnaires a battu un nouveau record […] chez BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et Natixis ». Ils sont 2,5 fois plus nombreux qu’il y a dix ans. Mais à ces bureaucrates de la finance, quel sacrifice réclamez-vous ? Aucun, jamais.
    On peut lire, toujours dans Les Échos, que « les groupes du CAC40 n’ont jamais été aussi généreux avec leurs actionnaires. […] du jamais-vu. ». Et cocorico : nous voici médaillés d’or, champions des dividendes en Europe ! Mais à ces rentiers de la Bourse, quels efforts demandez-vous ? Aucun, jamais.
    Au contraire, vous les chouchoutez, vous les dorlotez, vous leur faites de gros cadeaux fiscaux à coups de milliards d’euros.
    Les sacrifices, les efforts, c’est aux auxiliaires de vie et aux cheminots, aux caristes et aux métallos, aux soignants et aux couvreurs, aux enseignants et aux travailleurs que vous les réclamez.

    M. Alexis Corbière

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    Quelle honte !

    M. Peio Dufau

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    Il a raison !

    M. François Ruffin

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    Les salaires sont gelés, et affectés depuis trois ans par l’inflation. Les critères de pénibilité ont été retirés –⁠ vibrations, port de charges, postures pénibles, produits chimiques respirés – et deux années de retraite volées.
    Vous dites que vous procédez à des « réformes courageuses ». Mais de quel courage s’agit-il ? Il ne consiste pas à dompter les marchés financiers, à affronter les firmes du numérique, à combattre ces nouveaux seigneurs, mais au contraire à se courber devant eux.

    M. Alexis Corbière

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    Exactement !

    M. François Ruffin

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    Il vous reste le courage d’agir contre les caissières et les infirmières, mais jamais contre les banquiers et les actionnaires ou contre les mécènes de vos campagnes électorales. Vous avez le courage d’être faibles avec les forts, et forts contre les faibles –⁠ le voilà, votre courage ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    M. Paul Christophle

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    Bravo !

    M. François Ruffin

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    Vous avez surtout le courage de vous revendiquer d’une démocratie sans le dèmos –⁠ le peuple – et même contre le dèmos.
    Car comment imposez-vous vos réformes ? Sans courage, avec lâcheté. Vous contournez le peuple, avançant contre trois, quatre, cinq millions de manifestants, contre deux tiers des Français, contre 80 % des salariés, contre tous les syndicats unis et, comme nous allons le constater grâce à nos camarades communistes, contre une majorité de députés de notre Assemblée.

    M. Alexis Corbière

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    Exactement !

    M. François Ruffin

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    Avec vous, il n’y a jamais de vote, mais des 49.3, de l’obstruction et des conclaves. Vous biaisez, vous fuyez, vous enfumez. Vous êtes le gouvernement de l’enlisement : vous enlisez le pays et la démocratie.
    Mais pour servir vos amis, rien n’est jamais trop beau. Vous poussez déjà une nouvelle « réforme courageuse ». Gérald Darmanin a déclaré : « Il faut mettre fin au système par répartition et aller vers un système par capitalisation. »

    M. Alexis Corbière

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    Quelle horreur !

    M. François Ruffin

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    Dans un choeur à mille voix, on entend Édouard Philippe plaider pour « 15 % de capitalisation » –⁠ c’est chiffré. Les macronistes, eux, planchent sur la sémantique. Je cite un cadre du parti : « "Capitalisation" fait peur aux gens, pourquoi pas "retraite par investissement" ? ». (M. Alexis Corbière fait mine de s’esclaffer.) Paul Midy, député, ancien de chez McKinsey, a cette idée : « L’élection présidentielle doit permettre de diriger une partie de notre système vers la capitalisation. » Le déjà candidat Bruno Retailleau s’engage « pour une retraite par capitalisation ».

    M. Alexis Corbière

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    La retraite par capitulation !

    M. François Ruffin

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    Éric Ciotti, allié de Jordan Bardella, formule cette proposition originale : « Osons la capitalisation. » Voilà votre projet, commun à toutes les droites : la solution, c’est la capitalisation.
    Mais la solution pour qui ? Pour les maîtres de l’argent, vos maîtres. Imaginez : pour eux, c’est une folie, une aberration. Près de 400 milliards leur échappent –⁠ 400 milliards qui ne sont destinés qu’aux gens, pour leurs vieux jours, 400 milliards qui échappent au trading à haute fréquence, au boursicotage, au yoyo des marchés.
    Non, juste une caisse, une simple caisse, qui reçoit les cotisations et permet de verser des pensions. Une caisse bâtie en un siècle –⁠ depuis Jaurès et même avant – par les nôtres, par les ouvriers, par les syndicats, par la gauche ; un siècle de petites caisses, d’abord, des caisses d’entraide dans les usines, puis des mutuelles, des fédérations de travailleurs et, enfin, à la Libération, une caisse d’entraide géante, la caisse nationale de la sécurité sociale, cette caisse de 400 milliards d’euros !
    Voilà notre formidable trésor ! Une invention qui a révolutionné des millions d’existences, qui a sorti de la misère des générations entières ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)
    Bien sûr, vous rêvez de la casser, cette caisse. Vous préparez un casse en bande organisée : c’est 400 milliards que vous voulez remettre, comme le reste, aux banquiers, aux actionnaires, aux millionnaires, aux 500 fortunes. Nous ne vous laisserons pas faire !

    Mme Christine Arrighi

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    Jamais !

    M. François Ruffin

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    Pas seulement nous, ici, qui ne sommes rien ou si peu, mais nous dehors, le peuple français. Le peuple attaché à l’égalité, à la fraternité, à la solidarité. Le peuple qui, lors de la prochaine élection, devra trancher entre les privilèges de quelques-uns et notre bonheur commun ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)

    M. Alexis Corbière

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    Bravo !

    M. le président

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    Sur la proposition de résolution, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Stéphane Peu

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    Ah, que dit M. Bayrou ?

    M. Alexis Corbière

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    La parole est au gouvernement !

    M. Pierrick Courbon

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    Lui, il n’a pas raison !

    M. Nicolas Turquois

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    « Il faut en finir avec la souffrance, l’indignité et l’exclusion. Désormais, nous mettrons l’homme à l’abri du besoin. Nous ferons de la retraite non plus une antichambre de la mort, mais une nouvelle étape de la vie. » Ces mots sont ceux qu’Ambroise Croizat prononçait le 3 décembre 1945. Ils raisonnent plus que jamais aujourd’hui.

    M. Nicolas Sansu

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    Ce ne sont pas les vôtres ! Quelle honte de vous les approprier !

    M. Nicolas Turquois

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    Le débat sur les retraites est l’un des plus essentiels, parce qu’il engage notre pacte social, parce qu’il engage les solidarités entre générations et parce qu’il engage très concrètement la soutenabilité de notre modèle social et le futur de notre jeunesse.
    Notre groupe l’affirme avec clarté : nous sommes attachés au système par répartition, nous voulons le défendre. Or, pour le défendre, il faut être lucide sur les équilibres qui le rendent possible, et ceux-ci sont fragiles. D’abord, l’équilibre démographique a changé : on comptait 4 cotisants pour un retraité en 1960. On en compte 1,7 aujourd’hui et demain, on en comptera 1,4.
    Pour ce qui est de l’équilibre budgétaire, le déficit de la branche vieillesse atteint déjà 5,6 milliards d’euros pour 2024 et la suppression de la réforme de 2023 aurait pour effet de l’amplifier de 3,4 milliards d’euros dès l’an prochain et de 16 milliards d’ici 2032.
    Pour rappel, 16 milliards d’euros, c’est la somme des budgets de l’agriculture et de la justice pour 2025.
    La Cour des comptes l’a rappelé dans son rapport de février : malgré les effets attendus de la réforme, la trajectoire financière du système demeure fortement dégradée. Autrement dit, nos comptes sont dans le rouge.
    Dès 2025, le déficit de l’ensemble de notre système de retraite atteindrait 6,6 milliards d’euros. Il se stabiliserait temporairement autour de ce niveau jusqu’en 2030, avant de se creuser à nouveau, pour atteindre près de 15 milliards en 2035 et plus que le double en 2045.
    Nous avons la responsabilité de transmettre aux générations futures un modèle de protection sociale aussi généreux que celui dont nous bénéficions aujourd’hui. Pourtant, monsieur Peu, votre groupe et vous-même feignez d’ignorer l’ensemble des travaux de référence, menés sur le sujet par le Conseil d’orientation des retraites, le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, par la Cour des comptes et par les services de l’État.

    M. Emmanuel Maurel

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    On les a cités !

    M. Stéphane Peu

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    Oui, je viens de les citer !

    M. Nicolas Turquois

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    Vous faites abstraction d’une réalité pourtant documentée. Vous faites abstraction de l’évolution des paramètres socio-démographiques et des enjeux économiques auxquels nous faisons collectivement face.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    C’est vous qui en faites abstraction !

    M. Nicolas Turquois

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    Cette proposition de résolution fait donc tout bonnement fi de cette réalité. Elle promet un retour en arrière, sans financement, sans aucune alternative. C’est un pari dangereux, trop dangereux,…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Quel souffle !

    M. Nicolas Turquois

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    …d’autant plus que la réforme des retraites que vous souhaitez supprimer a permis la mise en place de mesures d’accompagnement ambitieuses. Je pense à la revalorisation des petites pensions, à l’élargissement de la retraite progressive ou encore à la création de nouveaux droits pour les aidants.
    Pour autant, nous n’avons jamais prétendu que ce texte était parfait. (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

    M. Alexis Corbière

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    N’abusez pas de la modestie !

    M. Nicolas Turquois

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    Bien au contraire, le groupe Les Démocrates a toujours défendu l’idée que la réforme pouvait être adaptée. Ses membres s’étaient mobilisés, avec succès lors de son examen par le Parlement pour préserver les personnes les plus exposées à la pénibilité et celles et ceux ayant commencé à travailler tôt.
    Nous pensions également que nous pouvions aller plus loin pour favoriser l’emploi des seniors et des transitions de l’emploi vers la retraite, utiles pour nos concitoyens et pour notre société.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Preuve que vous avez réussi : Bayrou est premier ministre !

    M. Nicolas Turquois

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    L’employabilité des travailleurs en fin de carrière est en effet cruciale pour le dynamisme du marché du travail et donc le financement de nos retraites. Nous soutenons ainsi le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels, en faveur de l’emploi des salariés expérimentés, actuellement examiné au Sénat et prochainement dans notre assemblée.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ce n’est pas le sujet ! Vite, une feuille verte pour l’orateur !

    M. Nicolas Turquois

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    Ce texte, fondé sur l’accord unanime des partenaires sociaux, crée un cadre clair pour lever les freins à l’emploi des seniors, accompagner les parcours professionnels et favoriser des fins de carrière adaptées. Il permet une avancée concrète, attendue, qui renforcera directement l’équilibre de notre système de retraite par répartition.
    Enfin, notre groupe salue le travail engagé dans le cadre du conclave sur les retraites, convoqué à l’initiative du premier ministre, qui a toujours été clair sur sa volonté d’améliorer la réforme de 2023. Nous en appelons à laisser au dialogue social le temps qui lui est indispensable, pour parvenir à des solutions acceptées par le plus grand nombre.
    C’est dans le respect de ces différents principes que le groupe des Démocrates continuera à agir, sans se contenter de slogans ou de postures et sans chercher à agiter encore et toujours un corps social en difficulté, mais avec le souci de la responsabilité, de l’équilibre et de la fidélité à notre modèle de retraite par répartition.
    C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de résolution.

    Mme Dieynaba Diop

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    Tout ça pour ça !

    M. Alexis Corbière

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    Le suspense était intenable !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Didier Berger.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Visiblement, le bloc central a encore eu une panne de réveil !

    M. Jean-Didier Berger

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    Chateaubriand disait (Rires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR) :…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Oh là là !

    M. Jean-Didier Berger

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    …« Le péril s’évanouit quand on ose le regarder. » Je vous inviterai donc à le regarder en face, car les termes de l’alternative qui s’offre à nous pour décrire votre proposition de résolution ne sont guère flatteurs.
    Je ne peux me résoudre à admettre la première hypothèse, selon laquelle votre proposition vous aurait été inspirée par un cynisme électoral pur et simple. En effet, ce cynisme vous engagerait à trahir ceux que vous prétendez défendre matin, midi et soir : les travailleurs et les travailleuses, comme aurait dit Arlette Laguiller. (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
    Oui, vous les trahiriez en abrogeant la réforme des retraites et en envoyant le système de retraites dans le mur.
    Reste une seconde hypothèse : que votre proposition de résolution ait été inspirée par la naïveté et l’irresponsabilité politique. Dans ce cas, vous méritez qu’on vous rappelle, avant que vous tourniez de l’œil, un certain nombre de vérités.
    Oui, j’ai bien l’impression que ce n’est pas le péril qui risque de s’évanouir, mais bien vous, quand je vous aurai rappelé qu’au début des années 1970, on comptait 4 actifs pour un retraité, que nous n’en comptons plus que 1,7, et que ce ratio tombera bientôt à 1,5.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Et la productivité ?

    M. Jean-Didier Berger

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    Il faudra bien trouver des cotisants et de l’argent pour payer les retraites !

    Mme Elsa Faucillon

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    On sait où il est, l’argent !

    M. Jean-Didier Berger

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    J’ai l’impression que vous risquez de vous évanouir si on vous rappelle qu’au Danemark, où l’espérance de vie est plus faible qu’en France, l’âge de départ en retraite est en passe d’être fixé à 70 ans, et qu’en Italie, on envisage d’en faire autant. En Europe, l’âge moyen de départ en retraite est de 65 ans. Mais vous, vous vivez dans un monde parallèle où il vous semble possible de partir en retraite encore plus jeune, à 60 ans, et même pourquoi pas à 55, voire à 50 ans !

    M. Stéphane Peu

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    Soumettez vos idées à un référendum, on verra bien !

    M. Jean-Didier Berger

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    Oui, vous vivez dans un monde parallèle.

    Mme Dieynaba Diop

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    Et vous, dans un monde du multivers qui n’existe même pas !

    M. Jean-Didier Berger

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    Alors même que tous les organismes dont l’objectivité n’est pas sujette à caution annoncent un déficit annuel de 25 à 32 milliards d’euros, à périmètre constant, vous voulez l’alourdir de 16 milliards d’euros par an. C’est peut-être une forme de complotisme qui vous pousse à remettre en cause les conclusions de la Cour des comptes et d’autres organismes, mais pour notre part, nous ne contestons pas leur légitimité.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    On est aussi intéressés par les comptes de la région Auvergne-Rhône-Alpes !

    M. René Pilato

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    Vous êtes mauvais en gestion !

    M. Jean-Didier Berger

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    On peut certainement voir dans l’utilisation de l’outil légistique qu’est une proposition de résolution une preuve de bonne foi, mais vous savez bien que cette proposition ne vous servira à rien, sinon à communiquer. Les Français ne sont pas dupes de l’inefficacité totale de la manœuvre.

    M. Stéphane Peu

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    On en reparlera !

    M. Jean-Didier Berger

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    Pour cette raison, nous ne nous livrerons pas à cette mascarade. Je vous rappelle que les 130 milliards d’euros versés chaque année par l’État pour abonder les caisses de retraite sont autant de milliards d’euros qui manquent à tous les budgets que vous prétendez défendre –⁠ par exemple, cette somme représente environ 20 % des crédits de la dépense intérieure d’éducation.
    Le jour où vous aurez le courage de revenir à la réalité, de vous réveiller, de vous redresser et d’admettre qu’en réalité, vous trahissez et soumettez à un funeste péril ceux que vous prétendez défendre, nous aurons avancé. (Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit.)

    Mme Dieynaba Diop

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    Les LR à la rescousse de Macron !

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry

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    Si la question des retraites revient aujourd’hui dans notre débat, c’est parce qu’elle n’a jamais quitté les esprits de cet hémicycle depuis le printemps 2023.

    M. Nicolas Sansu

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    C’est aussi parce que cette question n’a jamais été tranchée ici !

    M. Stéphane Viry

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    La réforme d’alors a été considérée comme un passage en force, un refus de débat démocratique, une façon de gouverner par l’urgence, au détriment de la recherche d’une nécessaire concorde sur un tel sujet de société.
    Ce traumatisme démocratique est toujours à vif, nous le voyons encore ce matin, et cette réforme n’a apporté ni la justice ni la clarté espérée.
    Cette réforme cherchait à atteindre un objectif comptable, celui du rééquilibrage de notre système de retraite. Pourtant, les perspectives budgétaires ne sont pas au rendez-vous.
    Le déficit de l’ensemble des régimes de retraite devrait atteindre 6,6 milliards d’euros cette année, se maintenir à ce niveau pendant cinq ans, puis s’aggraver fortement pour atteindre 15 milliards en 2035 et 30 milliards en 2045. Où est donc le bénéfice de la réforme qu’on nous avait promis ?
    Il est objectivement grand temps de remettre l’ouvrage sur le métier, mais restons pragmatiques. Prendrons-nous sérieusement l’initiative de proposer aux Français de travailler jusqu’à 70 ans ? Non ! (M. Stéphane Peu applaudit.) Nous savons tous que cette solution n’est ni juste ni réaliste. La retraite n’est pas seulement une affaire d’âge, elle est l’aboutissement d’un parcours de vie, celui du travail qui façonne l’existence de chacun. Les Français y consacrent une grande partie de leur vie, souvent au prix d’une usure physique et psychologique.
    Réduire le débat sur les retraites à la simple fixation de l’âge de la cessation de l’activité, sans questionner l’organisation du travail, sa place dans la société et sa pénibilité, c’est refuser de regarder la société en face.
    Il est donc nécessaire de relancer les travaux portant sur les retraites. Il y a quelques mois, le premier ministre a ainsi décidé de convoquer un conclave, mais dans les circonstances actuelles, il n’en sortira aucune solution clé en main.
    Même s’il n’est pas la conférence de financement que souhaitait le groupe LIOT, ce conclave pourra peut-être aboutir à des décisions dont nous pourrons nous saisir pour faire avancer les travaux sur les retraites.
    Je le redis avec force : les débats sur les retraites dépassent très largement la seule question de l’âge de départ. Nous ne pouvons plus financer notre système de répartition uniquement avec les cotisations sociales.
    Nous devons débattre de cet enjeu sans détour, car nous ne pourrons plus éluder les efforts collectifs, les réalités démographiques et l’état des finances publiques. Il n’y aura pas de solution miracle ou de réforme indolore : il ne peut y avoir qu’un chemin que nous devons rechercher ensemble.
    C’est dans cet esprit que le groupe LIOT continuera, sur un sujet aussi sensible et important que la protection sociale et les retraites des Français, à faire entendre une voie responsable, humaine et ancrée dans le réel. Chacun de ses députés s’exprimera et votera librement selon ses convictions.
    La proposition de résolution du groupe GDR est séduisante, mais son adoption ne serait que symbolique, vous le savez, alors que nos concitoyens attendent des actes. Parce qu’il ne s’agit que d’une proposition de résolution, le texte n’aborde en effet ni les carrières longues ni les carrières hachées, pas plus que l’emploi des plus de 55 ans ou le financement pérenne du système. Or, après deux années de déceptions et d’inquiétudes, nous ne pouvons pas promettre sans garantir. Nous avons besoin d’un horizon plus clair, plus solide. Ainsi le modèle à points mérite-t-il peut-être d’être à nouveau sérieusement étudié. La question des annuités, plutôt que celle de l’âge de départ, me paraît également essentielle : en prenant en compte les singularités de chaque parcours, elle assurerait la transparence nécessaire.
    Cette proposition de résolution a le mérite de proposer à notre assemblée un débat dont nous avons été privés au cours du printemps 2023. Je forme le vœu que la résolution qui en découlera puisse rejoindre les conclusions du conclave, dont je ne doute pas un instant qu’elles contribueront à éclairer nos discussions. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, SOC, EcoS et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Belkhir Belhaddad. Je vous remercie de bien vouloir écouter les orateurs, chers collègues. De nombreuses discussions produisent un bruit de fond assez désagréable.

    M. Yannick Monnet

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    Non, c’est le vent qui bruisse dans les bancs d’en face ! (Sourires.)

    M. Belkhir Belhaddad

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    Aucune réforme des retraites n’est populaire. Les sondages ne peuvent pas être notre boussole, tout comme les manifestations, bien qu’elles soient l’expression d’une démocratie sociale parfaitement complémentaire de la démocratie représentative et qu’il faut à ce titre respecter. Je regrette que notre culture politique ne favorise pas le compromis et que nous ayons du mal à voir les choses autrement que sous l’angle « gagnant-perdant » ; c’est le grand défi d’aujourd’hui et de demain.
    Le choix de l’obstruction à l’Assemblée nationale, tout comme l’utilisation du 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites, ne permet pas au débat de se développer sereinement.

    M. Alexis Corbière

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    Bravo !

    M. Belkhir Belhaddad

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    En 2023, lors de la phase d’examen parlementaire, j’avais rappelé la nécessité d’une réforme afin d’équilibrer le financement de notre régime par répartition et de favoriser une plus grande justice. Je l’avais fait avec la conviction que nous ne pourrons pas faire longtemps l’impasse sur la réforme globale dont notre système a besoin –⁠ laquelle ne peut pas viser uniquement l’âge légal de départ à la retraite. Je suis pour ma part un fervent défenseur de la reprise des travaux sur un régime universel à points, tel qu’il a été conçu en 2018-2019, en le simplifiant afin qu’il soit plus lisible, et en confiant son pilotage aux partenaires sociaux. (Mme Dominique Voynet applaudit.)
    Aborder une réforme uniquement par la question de l’âge –⁠ âge pivot ou âge légal –, comme cela a été fait, est mortifère ; politiquement, c’est une grave erreur de lecture des enjeux que nous devons affronter. Il me paraissait plus intéressant de travailler notamment sur l’augmentation…

    M. Antoine Léaument

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    Des salaires !

    M. Belkhir Belhaddad

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    …de la durée de cotisation. C’est la conviction que j’ai formée après avoir été à plusieurs reprises rapporteur pour avis sur les retraites lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), et membre du Conseil d’orientation des retraites pendant plusieurs années.
    Cette proposition de résolution peut paraître séduisante. Pourquoi ne pas organiser un référendum afin de consulter nos concitoyens sur un sujet aussi important, puisqu’il engage leur avenir sur plusieurs décennies ? Chiche ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Ecos et GDR.)
    Nous devons mener un combat pour un système plus juste, contre les inégalités et les discriminations ; un combat de tous les instants, plus nécessaire encore en période de crise, tant les failles et les défaillances de notre système deviennent plus visibles quand la pauvreté s’accroît. Combien de temps pourrons-nous tolérer que la pension d’une femme soit, en moyenne, inférieure de 40 % à celle d’un homme ? Combien de temps pourrons-nous tolérer de tels écarts de salaires tout au long de la carrière, qui produisent un effet boomerang au moment de la retraite ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Combien de temps pourrons-nous encore tolérer que les carrières hachées, les temps partiels subis, le congé parental, pèsent autant sur les seules femmes ? Combien de temps pourrons-nous encore tolérer que les retraites favorables soient réservées aux carrières longues et ascendantes ? Combien de temps pourrons-nous encore tolérer que les critères de pénibilité excluent les services de soins et les services à la personne, sur lesquels repose la cohésion de notre société ?
    La réponse à toutes ces questions consiste à conserver le meilleur de notre projet de réforme systémique. Travaillons à des mesures qui permettraient de réduire les inégalités. Les débats de la réforme de 2023 avaient permis d’améliorer le texte, notamment sur les carrières longues, les retraites des femmes ou celles des sportifs de haut niveau. Nous devons aussi poursuivre d’autres chantiers, tels que ceux consacrés à l’usure professionnelle, à la pénibilité, au grand âge, à la contribution exceptionnelle des grandes entreprises réalisant des superprofits, ou encore aux salaires minimaux dans les branches professionnelles.
    Je crois qu’il est possible de donner un nouveau souffle à la marche vers un système universel plus juste, plus équitable, plus soutenable. Nous devons emprunter cette voie. L’idée d’un conclave est plutôt bonne, même si elle fait l’objet de critiques, car elle suppose de faire confiance aux partenaires sociaux pour trouver des réponses ; c’est une bonne idée, à condition que ce conclave débouche sur des propositions, comme celle d’examiner à nouveau un projet de système universel à points, que j’évoquais au début de mon propos.
    En parallèle, nous ne pourrons pas faire l’économie de réformer notre système de protection sociale, de dégager des moyens pour le grand âge –⁠ l’autre mur d’investissement qui se dresse devant nous – et d’accorder une autre place à la prévention dans notre système de santé. Ces chantiers nécessitent du courage politique, de la méthode et une implication de l’ensemble de la société française. L’urgence sociale, écologique et financière impose de continuer à réformer pour améliorer le quotidien de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)

    M. Alexis Corbière

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    Bravo !

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

    M. Thomas Portes

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    Bon courage !

    Mme Mathilde Panot

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    Vous n’assumez pas beaucoup, aucun député du socle commun n’est présent pour vous soutenir !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi

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    Pour ce nouveau débat sur la réforme de 2023, j’aurais pu venir avec une pile de rapports publics et partager les éléments de diagnostic figurant dans onze rapports annuels du Conseil d’orientation des retraites. J’aurais même pu rappeler les conclusions du Livre blanc de 1991 de Michel Rocard, ou encore les avis du comité de suivi des retraites, également au nombre de onze. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. –⁠ Brouhaha.)

    M. Stéphane Peu

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    Je les ai cités !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Mon temps de parole n’étant pas limité, j’aurais également pu présenter un diagnostic approfondi des défis auxquels notre système de retraite est confronté.

    M. René Pilato

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    Allez-y !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    J’ai cependant choisi, pour répondre à cette proposition de résolution synthétique, de voyager léger (Mme Dominique Voynet applaudit), avec les deux rapports récents demandés par le premier ministre à la Cour des comptes,…

    M. Stéphane Peu

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    Je les ai cités !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …et avec le texte de la déclaration de politique générale prononcée dans cet hémicycle par le même premier ministre. Le 14 janvier dernier, ce dernier énonçait en effet une réalité qui satisfera les auteurs de la proposition de résolution : « [La question des retraites] continue de tarauder le pays ». (Brouhaha persistant.)
    Cette question taraude effectivement le pays depuis 1991 –⁠ date de publication du Livre blanc commandé par Michel Rocard, huit ans exactement après l’ordonnance fixant l’âge légal à 60 ans – et elle continuera à le tarauder, parce que si cette réforme est nécessaire, elle est aussi difficile. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    M. Alexis Corbière

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    Se pose d’abord une question démocratique !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    La démographie et l’allongement de la durée de vie constituent des contraintes qui conditionnent les recettes et les dépenses de notre système de retraite, que vous le vouliez ou non…

    M. Antoine Léaument

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    Augmentez les salaires et les cotisations !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    La réforme dépend aussi de l’évolution de la productivité et des perspectives de croissance, par nature incertaines, qui pèsent sur les grands équilibres du système.
    Une fois ces données posées, reste la question de l’espace laissé aux choix politiques. Aucun n’est simple. Depuis 1993, les responsables publics –⁠ gauche et droite confondues – ont utilisé tous les leviers, tous les paramètres : mode de calcul des pensions, indexation, durée de cotisation, âge légal, âge d’annulation de la décote…

    M. Stéphane Peu

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    Vous avez asséché les recettes !

    M. Antoine Léaument

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    Augmentez les salaires !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Le système contributif a ainsi été complété par de nombreux mécanismes de solidarité. Paradoxalement, aucune réforme n’a prétendu aller au bout du problème, renvoyant à des ajustements ultérieurs. Nous avons d’ailleurs toujours parlé de « grande réforme », et non de « pilotage » ou d’« ajustements » –⁠ comme nous devrions le faire face à une matière aussi vivante que le système des retraites.
    La seule réforme systémique aurait été celle de 2019-2020, mais elle n’est malheureusement pas allée jusqu’au bout.

    M. Hadrien Clouet

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    La retraite à points, c’est point de retraite !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    La question des retraites continue donc de nous tarauder. La réforme du système est difficile parce que, pour de nombreux salariés, il est vrai que travailler plus longtemps est difficile à concevoir et à accepter dans les conditions actuelles. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. Stéphane Peu

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    Surtout après avoir supprimé les critères de pénibilité !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    À l’hiver 2023, j’ai entendu les opposants à la réforme formuler des oppositions de principe et de méthode –⁠ ces oppositions étaient attendues, si j’ose dire. (Mêmes mouvements.) J’ai aussi et surtout entendu des travailleurs parler non pas de retraite mais de travail, ici et maintenant.

    M. Hadrien Clouet

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    De démocratisation ici et maintenant !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    « Deux ans de plus dans ces conditions, ce n’est pas possible ! », clamaient notamment les manifestants de l’hiver 2023.

    M. Hadrien Clouet

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    Vous n’allez pas rester deux ans de plus en poste, c’est sûr !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Il me semble plus important de nous préoccuper du travail que d’opérer une machine arrière. (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien, madame la ministre !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    On n’entend rien, faites quelque chose, monsieur le président !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    C’est la troisième fois en six mois que nous débattons de la réforme de 2023. (« On ne l’a jamais votée ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR. –⁠ Le brouhaha couvre progressivement la voix de l’oratrice.) Et, pour la troisième fois, un groupe parlementaire nous propose de revenir en arrière.

    M. Stéphane Peu

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    C’est qu’ici, normalement, on vote !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Or depuis les premières réformes du gouvernement Balladur en 1993, personne n’est jamais revenu en arrière.

    M. Alexis Corbière

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    En 1981, on a instauré la retraite à 60 ans !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Même la réforme de 2010, qui repoussait l’âge légal de 60 à 62 ans et qui avait rencontré une opposition politique et sociale historique, n’a été ni défaite ni détricotée une fois la gauche revenue au pouvoir en 2012,…

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Ce n’est pas la gauche !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …alors même que la retraite à 60 ans constituait pour beaucoup un symbole fort. Au contraire, la gauche de gouvernement l’a complétée avec la réforme Touraine. (Le brouhaha persiste.)
    Nous débattons pour la troisième fois de la réforme de 2023 alors que beaucoup de choses ont changé depuis la promulgation de la loi, le 14 avril 2023.

    M. Stéphane Peu

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    À la différence que, pour la première fois, nous allons voter !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Certains continuent cependant de poser le débat dans les mêmes termes : la réforme serait illégitime,…

    M. Hadrien Clouet

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    Oui !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …nous ferions fausse route sur le fond,…

    M. Hadrien Clouet

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    Exact !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …la mobilisation de recettes magiques –⁠ car c’est bien connu, l’argent tombe du ciel ! – permettrait d’équilibrer notre système de retraite, et tout particulièrement le régime général des salariés du privé.

    M. Hadrien Clouet

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    Il y en a, de l’argent ! Commencez par récupérer les exonérations de cotisations patronales !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Ces recettes magiques sont d’autant moins crédibles que la dégradation des finances publiques est aujourd’hui évidente. (Brouhaha.)

    M. Daniel Labaronne et M. François Cormier-Bouligeon

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    Bravo !

    Un député du groupe RN

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    On n’entend rien !

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback et M. Jean-Didier Berger

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    Faites respecter le calme, monsieur le président !

    M. le président

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    Écoutez Mme la ministre, chers collègues, on ne l’entend pas. Un peu de calme, s’il vous plaît. Tous les orateurs ont pu s’exprimer, c’est maintenant au tour de Mme la ministre de le faire. On ne s’entend pas ! (Le brouhaha persiste.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Un peu de respect pour la ministre !

    Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

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    Dit celui qui vient d’arriver !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Encore une fois, vous organisez un procès à charge, sans mentionner les nombreuses avancées de la réforme –⁠ que vous n’envisageriez pas de remettre en cause : la revalorisation des petites pensions, l’amélioration de la prise en compte de la pénibilité, le maintien de la possibilité de partir en retraite à taux plein à 62 ans pour les personnes inaptes et invalides, l’extension aux fonctionnaires de la retraite progressive –⁠ jusqu’ici réservée aux salariés du privé –, la création du cumul emploi-retraite –⁠ qui ne permet pas de cotiser pour la gloire, mais bien d’ouvrir des droits ! –, la création dans le régime général d’un dispositif de pensions d’orphelins, ou encore celle d’une surcote parentale pour les mères de famille.

    Un député du groupe LFI-NFP

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    La cotisation doit rester le principe !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi

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    Le relèvement de l’âge conduit d’abord à l’amélioration de nos comptes sociaux, grâce à l’amélioration du taux d’emploi des plus de 55 ans. Contrairement à ce qui a été dit par le président Peu, le taux d’emploi de ces derniers a augmenté de trois points depuis deux ans…

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Il est si bas, il est dans les limbes !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Bien qu’il soit encore deux fois inférieur à celui de la Suède, il a bien augmenté : davantage de gens de plus de 55 ans travaillent désormais dans notre pays. Ensuite, le relèvement de l’âge conduit à l’amélioration du niveau des pensions.
    Enfin, c’est bien l’augmentation de l’âge légal, mesure que vous qualifiez de régressive,…

    Plusieurs députés des groupes LFI-NFP et EcoS

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    Exactement !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …qui permet de financer ces avancées. Cependant, tout n’était pas parfait, je suis la première à le reconnaître, en particulier s’agissant de la pénibilité (« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR),…

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Oui, il faut améliorer les choses sur ce point !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …puisque 35 % des ouvriers non qualifiés de la manutention et du bâtiment partent pour inaptitude professionnelle entre 51 et 59 ans, ainsi que 25 % des aides à domicile –⁠ sujet que je sais cher à François Ruffin.
    Concernant la méthode, la présente proposition de résolution considère que la réforme de 2023 a été adoptée sans débat. De nombreux de griefs méritent d’être pris en considération, mais pas celui de l’absence de débat ; beaucoup d’entre vous y ont d’ailleurs participé.

    M. Alexis Corbière

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    Mais on n’a jamais voté !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    La résolution détaille par le menu les manquements démocratiques qui auraient accompagné l’adoption de la réforme des retraites : il s’agit d’un procès à charge qui omet les excès, la polarisation et le blocage de l’Assemblée qui ont empêché qu’un vote ait lieu sur le fameux article 7.

    M. Alexis Corbière

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    Pas ça ! Pas vous !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Surtout, je trouve que l’exposé sommaire de la proposition de résolution passe rapidement sur le vote du 17 mars, qui a fait échouer la motion de censure.

    M. Stéphane Peu

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    Vous verrez la prochaine !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Ce vote a eu lieu ; il n’était pas acquis et son résultat serré en prouve toute la valeur. Comme tous les ministres du gouvernement Barnier, censuré par une coalition hétéroclite le 5 décembre 2024,…

    M. Antoine Léaument

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    Vous étiez à terre, battus ! (Rires sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …je mesure encore mieux la valeur du vote du 17 mars 2023, qui a mis en échec les censeurs.
    Le recours à une proposition de résolution permet d’obtenir un vote chimiquement pur, avec une délibération réduite aux interventions des orateurs inscrits.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Il y a eu vingt-trois 49.3 sous la XVIe législature !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    J’ai le plus grand respect pour les résolutions prévues à l’article 34-1 de la Constitution, mais elles n’ont pas force de loi. Je suis au regret de vous dire que, positif ou négatif, le résultat du vote de ce matin ne pourra pas être opposé au vote du 17 mars 2023, sur lequel le gouvernement d’Élisabeth Borne avait engagé sa responsabilité. Quelle sera donc la portée politique du vote d’aujourd’hui ?

    M. Stéphane Peu

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    Ce sera le premier vote sur la réforme des retraites !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’est de l’esbroufe !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Au mieux, il mettra en évidence une coalition d’opposants qui n’ont aucun projet alternatif crédible (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR)

    M. Théo Bernhardt

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    Nous, nous avons un projet !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …et, évidemment, aucun projet commun –⁠ je l’espère, du moins. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Le débat aura-t-il avancé d’un centimètre ? La réponse est clairement non. Les partisans de l’impossible retour en arrière auront simplement pu se compter.

    M. Stéphane Peu

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    Vous savez qu’ici, ce sont les représentants du peuple !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Peut-on faire autrement ? Oui, bien sûr. Bien avant qu’intervienne ce vote sans méthode et sans perspective (Mme Clémence Guetté s’exclame), le premier ministre vous a proposé une démarche constructive, permettant une sortie par le haut de ce conflit politique et social qui ne passe pas. Dès sa déclaration de politique générale, François Bayrou a choisi de « remettre ce sujet en chantier, avec les partenaires sociaux » –⁠ dont nous n’avons pas beaucoup entendu parler dans vos interventions.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Eh oui, faisons confiance aux partenaires sociaux !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Le premier ministre a ainsi répondu à ceux qui réclamaient une conférence de financement sur les retraites, et qui défendent aujourd’hui cette proposition de résolution alors même que la délégation paritaire permanente –⁠ notre conclave social – travaille encore ; il s’est d’ailleurs réuni hier après-midi.

    M. Hadrien Clouet

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    Tous les syndicats ont quitté le conclave !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Le premier ministre a même ajouté que ce débat devait avoir lieu « sans aucun totem ni tabou », dans la perspective de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, dont vous aurez à débattre à l’automne. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    À débattre mais pas à voter, avec le 49.3 !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Le premier ministre a posé une seule condition : le respect de la contrainte financière. La méthode du gouvernement, c’est celle du dialogue social. C’est également ma méthode ; elle donne des résultats.
    Je vous rappelle que des accords nationaux interprofessionnels ont été adoptés en novembre ; ils ont fait l’objet d’un projet de loi adopté hier au Sénat, avec un vote favorable des LR aux socialistes et une abstention des communistes et des écologistes. La démocratie sociale fonctionne donc dans notre pays, à partir du moment où on lui fait confiance, ce qui n’est pas nécessairement votre cas. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. –⁠ Mme Marina Ferrari applaudit.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Ils veulent bordéliser l’Assemblée nationale, c’est tout !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Votre assemblée sera prochainement saisie de ce projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels. Le dialogue social, c’est la méthode.

    M. René Pilato

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    Ce n’est pas cela, le dialogue social !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Concernant le fond, il n’y a ni totem, ni tabou, ni facilité, mais une exigence : celle de la responsabilité et donc du retour à l’équilibre financier en 2030.

    M. René Pilato

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    Arrêtez de mentir, vous êtes ministre !

    M. Aymeric Caron

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    Nous aurions fait bien mieux !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Cette proposition formulée par le premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le gouvernement l’a mise en œuvre avec beaucoup de constance, malgré les critiques et les sceptiques. Au préalable, la Cour des comptes a réalisé un diagnostic synthétique (Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR)

    M. Stéphane Peu

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    Dont vous ne retenez que ce qui vous arrange !

    Mme Claire Marais-Beuil

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    Ça suffit, là !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …pour objectiver les enjeux et sortir des débats qui ont pu perturber les travaux antérieurs. Ensuite, le gouvernement a installé la délégation paritaire permanente sous l’autorité d’une personnalité indépendante et respectée, Jean-Jacques Marette, que je salue. Depuis le début du mois d’avril, les partenaires sociaux travaillent à un bon rythme et en toute autonomie.

    Mme Danièle Obono

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    Allez donc les retrouver !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Nous sommes jeudi et, comme tous les jeudis, la délégation paritaire permanente se réunit. Ses travaux sont éclairés par les administrations.

    M. Aurélien Le Coq

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    Il n’y a plus personne, dans votre conclave !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Les débuts ont effectivement été compliqués. Le départ de Force ouvrière est intervenu de manière très précoce, suivi par celui de l’Union des entreprises de proximité (U2P), puis de la CGT.

    M. Aurélien Le Coq

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    Bravo, la CGT !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    On compte donc trois départs, mais cinq organisations sont toujours autour de la table : le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), qui représentent 95 % des organisations patronales ; la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC, qui représentent 57 % des organisations syndicales de salariés. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    M. Louis Boyard

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    Vous allez la respecter, cette résolution !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Je salue celles et ceux qui ont choisi de rester : certains ont hésité, d’autres ont débattu. La démocratie sociale est bien vivante dans les syndicats ; c’est pourquoi j’y suis attachée.

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Et la démocratie parlementaire ?

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    J’exprime un soutien appuyé à ces organisations qui jouent le jeu de la démocratie sociale, dans un contexte politique difficile et incertain. Les administrations centrales ont été mobilisées de manière parfaitement loyale à leur égard. La réalité, c’est que ces interventions et ces intrusions que, en tant que ministre du travail, je me suis interdit de faire dans les négociations,…

    M. Aymeric Caron

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    Fallait pas !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …votre résolution propose de les faire bruyamment. La réalité, c’est que votre résolution soutient les organisations qui ont quitté la table.

    M. Stéphane Peu

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    Non ! Elle soutient l’intersyndicale !

    M. Sébastien Peytavie

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    Pourquoi ont-elles quitté la table ?

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Elle constitue une motion de défiance adressée aux organisations, patronales comme syndicales, qui acceptent de jouer ce jeu difficile du dialogue social. Je me tourne en particulier vers les partis politiques qui sont tentés de voter cette proposition de résolution et qui se disent farouches partisans du dialogue social. La réalité, c’est que le vote de cette résolution constituerait une invitation à l’irresponsabilité et une marque de mépris envers les partenaires sociaux qui ont décidé de rester autour de la table. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    M. René Pilato

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    Une invitation à abroger la réforme de 2023 !

    M. Aurélien Le Coq

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    Vous méprisez l’Assemblée nationale !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Enfin, comme nous nous y étions engagées avec Catherine Vautrin, nous avons réuni le comité de liaison parlementaire le 14 mai dernier (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) et la triste réalité, c’est qu’en dépit de plusieurs relances, madame Panot, tous les groupes parlementaires ne se sont pas présentés.

    Mme Mathilde Panot

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    Nous ne participons pas à vos mascarades !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Nous avons ainsi respecté l’engagement pris d’informer les parlementaires –⁠ c’était une demande expresse faite au premier ministre. Sur ce sujet clivant, la réunion de travail fut studieuse, sans fracas et sans bruit. C’est sans doute ce qui a conduit certains à s’en détourner : quel est l’intérêt, si cela se passe sans fracas ni bruit ? Ces absences sont très décevantes.
    La présente proposition de résolution intervient à contretemps. Je le dis avec respect aux députés du groupe GDR avec lesquels nous avons établi, je pense, une bonne relation de travail : laissons cette délégation paritaire permanente travailler encore un peu, sans interférence politique, sans pression. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. René Pilato

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    Vous n’aimez pas les corps intermédiaires ! Vous n’aimez pas la démocratie !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Jugez sur pièces et concentrons-nous sur l’enjeu principal : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. J’appelle donc au retrait, sinon au rejet de cette résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)

    M. Jean-Didier Berger

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    Monsieur le président, vous ne pouvez pas laisser la séance se dérouler dans ce bruit !

    Vote sur la proposition de résolution

    M. le président

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    Je mets aux voix la proposition de résolution.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        233
            Nombre de suffrages exprimés                233
            Majorité absolue                        117
                    Pour l’adoption                198
                    Contre                35

    (La proposition de résolution est adoptée.)
    (Les membres des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR se lèvent et applaudissent.)

    2. Encadrement des loyers et amélioration de l’habitat dans les outre-mer

    Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer (nos 1034, 1469).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

    M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

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    Dès mon entrée en fonction, j’ai fait de la question de la vie chère en outre-mer l’une de mes priorités. Je rappelle régulièrement les écarts de prix insupportables entre l’Hexagone et les territoires ultramarins : ils atteignent 16 % en moyenne sur l’ensemble des produits de consommation et dépassent les 40 % sur les denrées alimentaires. La situation est souvent insoutenable pour nos compatriotes ultramarins. Il s’agit d’une véritable fracture sociale qui met en péril la cohésion et l’intégrité même de la nation.
    J’ai d’abord voulu dénoncer les excès de certains. J’ai notamment dit publiquement que de grands groupes, très performants, jouent parfois un rôle d’étouffement de l’économie et, à travers elle, des populations.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Oui, ils s’enrichissent bien !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Je suis allé plus loin que la seule dénonciation. Le gouvernement a soutenu plusieurs initiatives parlementaires : je pense aux propositions de loi récemment examinées, que ce soit ici, comme celle de Béatrice Bellay, ou au Sénat, comme celle de Victorin Lurel et d’Audrey Bélim, qu’il revient maintenant à l’Assemblée nationale d’étudier.
    J’ai également annoncé, en mars, lors de mon déplacement aux Antilles, que je travaillais à un plan complet contre la vie chère, qui se traduirait par un projet de loi. Mardi, j’ai réuni l’ensemble des parlementaires ultramarins pour leur présenter ce texte, ainsi que les mesures réglementaires associées –⁠ circulaires et décrets. L’ensemble sera présenté au mois de juillet. De nombreux parlementaires m’ont, à juste titre, invité à intégrer le prix du logement dans la politique de lutte contre le fléau de la vie chère. C’est une préoccupation que je partage et qui trouve des éléments de réponse dans la présente proposition de loi, défendue par Frédéric Maillot.
    En effet, le constat est le même en matière de logement : en 2022, selon l’Insee, les loyers étaient plus élevés dans les territoires ultramarins que dans l’Hexagone, avec des écarts de 3 % en Martinique ou à La Réunion, de près de 5 % en Guadeloupe et de quasiment 10 % en Guyane. Les loyers occupent aussi une part plus significative du budget des ménages ultramarins que dans l’Hexagone, alors que leurs revenus sont souvent moins élevés.
    Faciliter l’accès à un logement abordable, digne et qui réponde aux besoins des habitants et des territoires s’inscrit donc pleinement dans le combat contre la vie chère.
    J’ai déjà eu l’occasion de le dire à vos homologues du Sénat : la question du logement recouvre des enjeux beaucoup plus larges, engageant l’avenir de nos territoires et la dignité de chacun. Comment, sinon, permettre aux enfants d’être en bonne santé et de pouvoir ainsi apprendre à l’école ? Comment permettre aux jeunes de se former et d’accéder à un emploi, aux familles de vivre ensemble, décemment, et aux anciens de se maintenir dans un logement adapté ? L’accès au logement conditionne, pour une large part, la réussite des politiques publiques.
    Vous savez que nous avons déjà commencé à agir.
    À travers la ligne budgétaire unique (LBU), le ministère des outre-mer finance notamment la construction de logements locatifs sociaux, la résorption de l’habitat insalubre, la réhabilitation du parc social ou encore l’accession sociale à la propriété –⁠ je suis conscient qu’il y a beaucoup à faire dans ce domaine. En 2024, la LBU, qui a été consommée à hauteur de 98 %, a permis de construire et de rénover quasiment 8 000 logements.
    La nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville, en vigueur depuis le 1er janvier –⁠ et sur laquelle a notamment travaillé ma collègue Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville –, a été une avancée : elle est beaucoup plus favorable aux territoires ultramarins.
    Des dispositifs fiscaux existent : TVA réduite et crédits d’impôt. Je viens également de signer le décret, attendu depuis la loi de finances pour 2024, sur la réhabilitation des logements sociaux.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Excellent !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Il reste beaucoup à faire. Les besoins annuels en logements sociaux supplémentaires, estimés entre 8 000 et 10 000, sont considérables ; le nombre de logements insalubres et indignes s’élève à plus de 150 000 ; l’habitat informel et dégradé, sur certains de nos territoires, atteint des niveaux records ; l’offre abordable est insuffisante.
    Il est donc nécessaire d’engager une action puissante. Il faut continuer à accélérer la construction de nouveaux logements, à réhabiliter des logements anciens, à lutter contre l’habitat indigne et à proposer de vrais parcours résidentiels, avec du logement très social, du logement social, mais aussi du logement intermédiaire ainsi que dans le parc libre.
    Cette action doit être collective. Les moyens d’ingénierie, les opérateurs, les bailleurs, les entreprises, les partenaires financiers comme les collectivités doivent être au rendez-vous. Chacun, et pas seulement l’État, doit prendre ses responsabilités.
    Afin de dynamiser cette action commune, je souhaite pouvoir signer à la rentrée, avec toutes les parties prenantes –⁠ même si je sais qu’il existe un certain scepticisme –, le plan Logement outre-mer 3. Il doit permettre de fixer les priorités, territoire par territoire, ainsi que de définir une stratégie globale. Nous y travaillons avec Valérie Létard, ministre chargée du logement.
    C’est donc dans le cadre d’une action plus large, appelée à jouer un rôle important dans l’économie des territoires, pour le secteur du BTP (bâtiment et travaux publics) en particulier, que s’inscrit le soutien du gouvernement à cette proposition de loi. J’ai eu l’occasion de le dire au Sénat, où, grâce à un fécond travail transpartisan entre son auteure –⁠ la sénatrice Audrey Bélim – et la rapporteure Micheline Jacques, elle a été adoptée à l’unanimité.
    Grâce à l’engagement du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont nous connaissons tous la sensibilité aux questions ultramarines, grâce, en particulier, à son président M. Stéphane Peu, à la coprésidente Mme Émeline K/Bidi et au rapporteur M. Frédéric Maillot, vous avez l’occasion, mesdames et messieurs les députés, d’adopter ce matin, sans modification, cette proposition de loi : vous assurerez ainsi sa promulgation et son application rapide. Ce un choix, qui vous revient, est conforme au souhait du gouvernement.
    L’article 1er prévoit l’expérimentation ad hoc d’un dispositif d’encadrement des loyers dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, qui avaient été privées de celui que la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit loi Elan, avait créé. Cet encadrement serait réservé aux communes situées en zone tendue et demeurerait bien entendu facultatif, à la main des élus locaux. Ce n’est pas une solution magique, mais une réelle avancée : pour faire baisser le coût du logement, il faut avant tout augmenter l’offre face à la demande, en soutenant la production de nouvelles habitations.
    L’article 3  bis de la proposition de loi s’inscrit, justement, dans une telle dynamique. Elle rend possible de déroger, dans le domaine de la construction, et pour les régions ultrapériphériques, au marquage CE en vigueur dans l’Union européenne. Cette exemption a été obtenue de haute lutte à Bruxelles, en fin d’année dernière, grâce à une importante mobilisation du gouvernement français. Le nouveau règlement européen sur les produits de construction est entré en vigueur en janvier 2025 : il est temps de le décliner de façon opérationnelle.
    Je suis convaincu que l’adaptation des normes applicables outre-mer –⁠ et pas seulement dans le secteur du logement – est une priorité pour lutter contre la vie chère. Je suis également convaincu qu’une telle adaptation sera un levier pour engager la transformation économique de ces territoires –⁠ nous l’évoquions il y a deux jours avec les parlementaires, et hier encore avec les chambres de commerce et d’industrie des territoires ultramarins. Il faut en finir avec l’économie de comptoir et le « tout-importation depuis l’Hexagone », qui nuit au développement des filières locales et renchérit le coût des produits. Cet article permettra aux représentants de l’État de former des comités relatifs aux produits de constructions, compétents sur les zones géographiques précisées par décret. Ces comités, en tenant compte des besoins de la production locale, des spécificités et des contraintes locales, permettront l’application de l’exemption que j’ai mentionnée plus tôt. Cela permettra aussi, très concrètement, de faire baisser les coûts des matériaux, en facilitant leur importation depuis les pays voisins et, surtout, en valorisant les techniques et les matériaux développés localement. Si cela semble relever du bon sens, nous en sommes encore très éloignés.
    Je vous indique que les services du ministère du logement et du ministère des outre-mer ont d’ores et déjà commencé à travailler sur le décret d’application de l’article 3  bis, afin qu’il puisse être pris le plus rapidement possible. J’espère, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, que le comité interministériel des outre-mer, qui se réunira le 10 juillet, nous permettra d’aborder cette question. Je ne doute pas que, dès lors que le décret aura été publié, plusieurs expérimentations pourront voir le jour –⁠ je sais que plusieurs candidatures se sont déjà fait connaître à La Réunion.
    Mesdames et messieurs les députés, en adoptant cette proposition de loi, comme vos collègues sénateurs il y a quelques semaines, vous ferez davantage que lutter contre la vie chère dans les outre-mer. Vous ferez le choix de l’efficacité, de la simplification, de l’adaptation et de la proximité. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Maillot, rapporteur de la commission des affaires économiques.

    M. Frédéric Maillot, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    S’il n’est pas question de jouer à « Questions pour un champion », je vais toutefois commencer par vous demander si vous savez ce qui coûte le plus cher aux ménages français.

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Le logement !

    Mme Danielle Simonnet

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    Le loyer !

    M. Frédéric Maillot, rapporteur

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    C’est le loyer, c’est le logement. Nos pays dits d’outre-mer n’échappent pas à cette règle. C’est pourquoi notre groupe a pris la responsabilité, par-delà des étiquettes politiques, de mettre à l’ordre du jour ce texte voté à l’unanimité au Sénat, grâce à la sénatrice Bélim, aujourd’hui présente en tribune, et que je tiens à saluer.
    Le dispositif d’encadrement des loyers a déjà fait ses preuves dans plusieurs villes de l’Hexagone : il est temps qu’il fasse également ses preuves dans nos pays dits d’outre-mer. Cette mesure permettra à certains ménages d’économiser jusqu’à cent euros par mois, soit 1 200 euros par an. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS. –⁠ Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.)
    Voilà dix ans que nous attendons, dans nos pays dits d’outre-mer, l’application de la loi de 2024 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – dite loi Alur. Le décret du 25 août 2023 a intégré à ce dispositif de nouvelles villes, comme Rennes ou Saint-Denis de La Réunion, classées en zone tendue. Le délai permettant de candidater au dispositif d’encadrement des loyers prévu par l’article 140 de la loi Elan a toutefois expiré avant même que nous puissions y prétendre.
    Tous les voyants, chez nous, sont au rouge. À La Réunion, 70 % des ménages sont éligibles au logement social, voire très social ; plus de 50 000 demandes de logement sont en attente ; les loyers ont augmenté, en moyenne, de 35 % ; 320 000 Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté ; plus de 143 000 personnes sont mal logées –⁠ chiffre qui s’élève, sur l’ensemble des Drom –⁠ les départements et régions d’outre-mer – à 600 000 personnes. Seuls 1 700 logements ont été livrés en 2024, contre 3 000 en 2017.
    N’attendons pas la prochaine crise sociale : la crise du logement est déjà là. L’encadrement des loyers n’est pas une simple question technique. C’est une nécessité pour les milliers de personnes qui attendent de pouvoir se loger, mais aussi de pouvoir payer un loyer sans devoir renoncer à d’autres dépenses tout aussi importantes. Si l’encadrement ne bloquera pas les prix pour les petits propriétaires –⁠ les loyers continueront naturellement à évoluer –, il permettra de limiter, sur le long terme, des hausses décorrélées des moyens d’existence des locataires modestes. Il empêchera des hausses brutales, que rien ne justifie. L’encadrement des loyers n’est pas un dispositif technique, mais une mesure de justice sociale. À l’heure où trente-huit nouvelles communes, dans les pays dits d’outre-mer, se trouvent désormais en zone tendue, ce rattrapage n’est qu’une juste compensation.
    Le Tampon, Saint-Denis, Sainte-Marie, Saint-Louis, La Possession, Saint-Paul, Le Port, Saint-Pierre, Entre-Deux : autant de villes où les Réunionnais ne peuvent plus se loger à une distance raisonnable de leur travail et pour un prix qui le soit également. Adopter cette proposition de loi, ce n’est pas adopter une mesure futile, mais une mesure nécessaire, qui contribuera à renforcer nos moyens d’existence.
    Comment pourrait-on justifier qu’une famille monoparentale doive se loger dans un T1 ou un T2 et s’acquitter d’un loyer de 1 200 euros ? Est-ce compréhensible ? Est-ce raisonnable ? Je me souviens de cette mère de famille qui m’avait interpellé après que le propriétaire de son logement avait mis fin à un bail vieux de douze ans. Pourquoi ? Pour accepter la proposition d’un groupe de jeunes kinésithérapeutes arrivant sur l’île, prêts à vivre en colocation, pour un loyer bien plus élevé que celui qu’elle pouvait se permettre de payer. Ce genre de comportement n’est pas rare chez nous, et prouve que l’union ne fait pas toujours la force, quand elle laisse sans toit une mère et ses trois enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –⁠ M. Jacques Oberti applaudit également.)
    La solution que nous vous proposons ne prétend pas être parfaite, mais elle aura au moins le mérite de limiter des loyers exorbitants et intolérables pour des ménages ultramarins. La Fondation pour le logement des défavorisés a constaté que les loyers étaient, en moyenne, supérieurs de 194 euros au loyer de référence, soit une perte de près de 2 400 euros par an pour les ménages.
    Chers collègues, nous devons agir : pour faire économiser jusqu’à 1 200 euros par an aux ménages, pour les jeunes actifs et les étudiants précaires, pour la cohésion sociale, contre la spéculation immobilière et contre les expulsions des villes des ménages les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
    Ce texte, enfin, nous ramène au bon sens écologique, au bon sens économique, au bon sens géographique, avec la création de comités référentiel construction. Chers collègues martiniquais, guadeloupéens, guyanais, nous n’avons cessé d’en parler depuis notre arrivée, en 2022, dans cet hémicycle : il est nécessaire que nous puissions avoir des échanges économiques avec les pays de nos bassins géographiques respectifs. Les normes doivent être adaptées à notre climat, à notre réalité et à nos besoins. Nous que l’on définit si souvent comme ultramarins, nous ne sommes pas, géographiquement, des Européens. Nous sommes des Sud-Africains, nous sommes des Sud-Américains, nous sommes des Caribéens. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
    Il est donc temps que nous ayons des échanges solides avec les pays voisins. C’est une question de logique géographique. Par respect par les pays dits d’outre-mer, chers collègues, nous devons avoir le droit d’encadrer les loyers et le droit d’adapter les normes. Ne l’oubliez jamais : gouverner, c’est d’abord loger son peuple. Aux gros propriétaires qui ne cessent d’augmenter les loyers avec indécence, je voudrais rappeler les mots de Thomas Sankara : « Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous. » Vous avez compris le choix qui est le nôtre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    M. Stéphane Peu

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    Champagne pour tous ! (Sourires.)

    Discussion générale

    M. le président

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    La parole est à Mme Karine Lebon.

    Mme Karine Lebon

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    Là où le soleil brille, des milliers de personnes vivent pourtant dans l’ombre, une ombre faite d’inégalités criantes, d’injustices persistantes, d’indifférence parfois, une ombre derrière laquelle des familles entières sont reléguées, écrasées par le poids de loyers devenus tout simplement inabordables, condamnées à l’exclusion, à l’invisibilité, au silence.
    Cette réalité n’est pas abstraite ; elle est tangible, douloureuse, urgente. Des milliers de nos concitoyens, trop souvent oubliés des politiques publiques, la vivent quotidiennement dans les territoires ultramarins.
    Outre-mer, la détresse est silencieuse, structurelle ; c’est celle de familles privées d’un toit digne, d’un espace pour vivre, se construire, respirer. C’est une détresse faite d’attentes interminables pour un logement social, de loyers privés exorbitants, de conditions d’habitat parfois indignes, dans des logements insalubres, surpeuplés.
    La République promet l’égalité ; elle inscrit cette promesse solennelle dans sa devise. Mais qu’en reste-t-il quand des mères élèvent seules leurs enfants dans des logements où l’humidité ronge les murs, quand des jeunes renoncent à poursuivre leurs études parce qu’ils ne peuvent se loger près de leur lieu de formation, quand des aînés terminent leur vie dans la crainte d’être expulsés, ou dans l’indignité d’un habitat dégradé, loin des standards les plus élémentaires du droit au logement ?
    Chez nous, dans les outre-mer, les loyers sont devenus un luxe. À La Réunion, par exemple, ceux du parc privé comptent parmi les plus élevés de France ; ils rivalisent parfois avec ceux de certaines grandes métropoles de l’Hexagone. Et pourtant, les revenus, eux, ne suivent pas. Cette flambée des loyers, conjuguée à une stagnation, voire une baisse du pouvoir d’achat pousse de nombreux ménages dans la précarité ou, pire, dans la pauvreté.
    Mais la crise du logement n’est pas un phénomène isolé ; elle s’inscrit dans un contexte plus large –⁠ celui d’un coût de la vie particulièrement élevé. Dans les outre-mer, les biens de consommation courante coûtent entre 12 et 38 % plus cher qu’en Hexagone. C’est la réalité des rayons de supermarché, des factures d’énergie, de transport, de téléphonie. C’est la réalité des fins de mois tendues, des arbitrages impossibles entre manger, se soigner, se déplacer ou payer son loyer.
    Alors, comment font ces familles ? Comment tenir, quand plus de la moitié du revenu part dans le loyer, et que le reste ne suffit même plus à se nourrir correctement, à scolariser ses enfants dignement, à soigner un proche, à vivre, tout simplement ?
    La crise du logement dans les outre-mer est bien plus qu’un enjeu immobilier : elle est un marqueur des fractures territoriales, des inégalités économiques, de la lenteur de nos réponses institutionnelles. Elle est, plus profondément encore, une atteinte à la dignité humaine : comment pouvons-nous, en conscience, laisser cette situation perdurer ? Comment tolérer que des enfants fassent leurs devoirs sur un coin de table, dans une pièce surpeuplée, que des familles entières vivent dans une seule pièce, sans intimité, sans confort, pendant que les loyers, eux, continuent de grimper sans cadre, sans contrôle ?
    Il n’y a pas de dignité sans un logement digne ; il n’y a pas de liberté sans la sécurité de pouvoir rester chez soi ; il n’y a pas de justice sociale quand le logement devient facteur d’exclusion. Pourtant, en l’état du droit, les outre-mer sont exclus du dispositif d’encadrement des loyers –⁠ oui, exclus. Cette mesure, qui permet de contenir la spéculation et de réguler les abus dans plusieurs villes de l’Hexagone, n’est pas applicable dans les départements ultramarins.
    La loi Elan de 2018 l’a instituée en France hexagonale, mais elle a oublié les outre-mer. C’est une faille, une injustice, une rupture d’égalité flagrante, une entaille dans le pacte républicain : une fois de plus, nos territoires sont les grands absents de ces politiques pourtant nécessaires à la justice sociale.
    Mais, grâce à la proposition de loi adoptée au Sénat, nous avons l’occasion de réparer cette injustice. Ce texte ne vise pas à imposer un cadre uniforme, une mesure autoritaire. Il s’agit de redonner à chaque territoire la liberté d’agir : la liberté, pour chaque collectivité, de solliciter l’encadrement des loyers si la situation locale le justifie. C’est une avancée, une liberté encadrée, réfléchie, fondée sur des données objectives.
    Mais, pour que cette liberté devienne une réalité, il faut des outils. Or, seuls deux territoires ultramarins –⁠ La Réunion et la Guadeloupe – disposent d’un observatoire local des loyers. Sans ces structures, sans données fiables sur les niveaux de loyers, il est tout simplement impossible d’activer le dispositif d’encadrement. Nous devons donc aller plus loin : il faut accompagner tous les territoires dans le déploiement d’outils d’observation, leur donner les moyens d’identifier les abus, de construire une politique cohérente, de restaurer un peu de justice dans un marché locatif asphyxiant.
    Ce combat est bien plus important qu’une bataille de chiffres ou d’indicateurs techniques : c’est celui de la dignité, de l’égalité, du droit fondamental à un logement accessible et sûr. Derrière les chiffres, derrière les graphiques, il y a des vies, des visages, des mères de famille qui s’excusent de ne pas pouvoir accueillir leurs enfants dans des conditions décentes, des jeunes travailleurs contraints de retourner chez leurs parents faute de logement abordable, des retraités épuisés, rongés par l’angoisse de devoir quitter leur maison, leur quartier, leur vie. Ce sont leurs voix que nous devons porter, leurs souffrances que nous devons entendre, leurs espoirs que nous devons raviver.

    M. Emmanuel Tjibaou

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    Absolument !

    Mme Karine Lebon

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    Pour faciliter la construction de logements, qui manquent cruellement dans nos outre-mer, l’article 3  bis constitue une avancée majeure : il reconnaît enfin que construire en Guadeloupe, en Guyane ou à La Réunion ne répond pas aux mêmes règles qu’en Hexagone. Un décret –⁠ j’espère qu’il sera pris rapidement – précisera comment nos territoires pourront être exemptés de certaines normes européennes trop rigides.
    Mieux encore, un comité référentiel construction, espace de dialogue entre bâtisseurs, scientifiques, architectes et artisans, sera institué dans chaque zone ultramarine. Réunis, tous ces acteurs pourront définir des règles adaptées aux réalités locales, valoriser les savoir-faire et les matériaux traditionnels, et imaginer une construction durable, ancrée dans le territoire. Ces comités pourraient même travailler à l’échelle des grands bassins océaniques. C’est une belle reconnaissance des richesses locales et un pas vers une architecture plus libre, plus juste et plus responsable.
    L’encadrement des loyers n’est pas une solution miracle ; il ne réglera pas tous les problèmes du mal-logement. Mais il est un premier pas, un pas vers plus de justice, vers plus d’équité. C’est aussi un signal clair envoyé aux locataires : la République vous voit, vous entend, vous protège.
    C’est pourquoi nous vous appelons à adopter cette proposition de loi conforme, sans en retarder l’entrée en vigueur par une navette parlementaire inutile. Chaque jour de retard, c’est une famille de plus qui bascule, un enfant de plus qui grandit dans la promiscuité, un travailleur de plus qui renonce. Ne laissons pas cette responsabilité nous échapper.
    Agissons ; agissons pour que la République tienne enfin sa promesse, pour que personne –⁠ nulle part – ne soit contraint de choisir entre se loger et se nourrir, pour que, dans les outre-mer comme ailleurs, chacun ait accès à un logement digne, sûr, abordable, pour que l’égalité républicaine ne soit pas qu’un mot, mais une réalité vécue, ressentie, partagée. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. –⁠ Mme Annaïg Le Meur applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Fayssat.

    M. Olivier Fayssat

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    Paraphrasant le président Pompidou, nous pourrions affirmer : il faut adapter la France à la France. C’était sa vision, celle d’une nation lucide soucieuse de conjuguer la grandeur de son passé à la dignité de son avenir. Cette dignité est, hélas, mise à mal dans nos territoires d’outre-mer, qui souffrent.
    Chacun sait que la vie est chère pour nos compatriotes outre-mer –⁠ en particulier le logement. Les loyers atteignent des niveaux comparables, voire supérieurs, à ceux des grandes métropoles françaises, alors que les revenus y sont souvent bien moindres.
    Partout, le constat est identique : l’accès au logement décent devient un privilège. Environ 80 % des foyers sont éligibles au logement social ; pourtant, l’offre est dramatiquement insuffisante. Par nécessité, beaucoup de familles se tournent vers le parc privé, souvent vétuste, parfois indécent : il n’est pas rare de trouver des logements sans eau chaude, ou marqués par une suroccupation chronique. Dans certains foyers, jusqu’à 85 % des revenus sont absorbés par le coût du logement. Une telle situation n’est pas digne de la République. Trop souvent, l’actualité nous rappelle que ces territoires sont les martyrs d’une politique inadaptée à leurs besoins.
    Les auteurs du texte que nous examinons dénoncent l’exclusion de fait des collectivités ultramarines du dispositif d’encadrement des loyers instauré par la loi Elan de 2018, l’éligibilité au dispositif étant conditionnée par le classement en zone tendue qui, jusqu’en août 2023, ne concernait aucune commune ultramarine. Lorsque la liste fut actualisée pour y inclure trente-huit communes ultramarines, les candidatures à l’expérimentation étaient déjà closes.
    La présente proposition entend répondre à l’urgence par des mécanismes ciblés. Elle prévoit la possibilité d’instaurer un encadrement des loyers dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à titre expérimental et pour cinq ans.
    En outre, elle interdit toute majoration de loyer dans les logements non décents, et crée des comités référentiels construction locaux, qui pourront proposer l’adaptation des normes européennes de construction afin de mieux tenir compte des spécificités ultramarines.
    Si nous comprenons et partageons pleinement l’objectif de fournir un logement décent dans ces territoires, à un prix abordable pour tous, nous exprimons toutefois certaines réserves sur les moyens employés pour atteindre ce but.
    Tout d’abord, un encadrement des loyers, même limité, ne saurait constituer une solution pérenne à la crise du logement. La véritable urgence n’est pas de contenir les loyers, mais de construire des infrastructures décentes et adaptées à la demande locale.
    Par ailleurs, le risque est grand que ce type de régulation, même temporaire, décourage l’investissement privé, tarisse l’offre locative et alimente la pénurie. Dans des territoires déjà fragilisés, souvent peu attractifs pour les capitaux, l’encadrement peut devenir un leurre, un soulagement apparent qui masque l’incapacité structurelle à bâtir, rénover, densifier. Certes, la dignité passe par le logement ; mais le logement passe d’abord par sa production. (Mme Béatrice Bellay s’exclame.)
    Notre devoir est d’agir avec mesure, sans dogme, et avec une seule boussole : la dignité concrète des Français d’outre-mer, qui ont droit, eux aussi, à une politique du logement fondée sur l’ambition plutôt que sur la restriction. L’expérimentation, plutôt que la mise en place sèche d’un dispositif rigide, est toutefois une bonne chose –⁠ cela permettra de constater les corrections à adopter, voire de reconnaître la nécessité de trouver une alternative. C’est la raison pour laquelle le groupe UDR s’abstiendra sur cette proposition de loi.

    M. Inaki Echaniz

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    Quel courage !

    M. le président

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    La parole est à M. Joseph Rivière.

    M. Joseph Rivière

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    Monsieur le rapporteur, vous n’avez toujours pas vraiment répondu à ma question : acceptez-vous les voix du Rassemblement national quand celles-ci vont dans votre sens ou préférez-vous continuer à négliger la qualité d’un travail que vous avez qualifié de commun ?
    Le commun, c’est aussi le Rassemblement national.

    M. Frédéric Maillot, rapporteur

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    Encore faut-il en avoir la légitimité…

    M. Joseph Rivière

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    Le Nouveau Front populaire et votre groupe tentent d’imposer leur sectarisme. Cela n’avait pas marché en juillet dernier et cela ne marchera toujours pas aujourd’hui, car la situation du logement outre-mer est un véritable problème. C’est un fléau qui touche tout le monde, y compris les électeurs du Rassemblement national, puisque 600 000 ultramarins, soit 30 % de la population, sont mal logés dans ces territoires –⁠ c’est énorme.
    La présente proposition de loi, expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer, part d’une bonne intention, mais l’enfer est également pavé de bonnes intentions.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On le sait, il suffit de regarder le RN !

    Mme Béatrice Bellay

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    Eh oui, regardez le RN !

    M. Joseph Rivière

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    Ce texte n’est qu’une copie des dispositions appliquées à Paris et dans les grandes métropoles urbaines, et dont les résultats sont désastreux –⁠ gentrification des centres-villes, rejet des populations paupérisées dans les territoires éloignés. Les riches bénéficieront des plafonds de loyer, et les pauvres resteront pauvres, rejoints par la classe moyenne également devenue pauvre.
    Dès son programme de 2017, Marine Le Pen (« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR) proposait un grand plan de défiscalisation pour le logement, s’inspirant des lois Pons de 1986 et Girardin de 2003 qui avaient, en leur temps, fait leurs preuves. Ces programmes doivent être rétablis pour une grande planification de construction de logements sociaux, de logements intermédiaires et de logements particuliers.
    Le groupe Rassemblement national est favorable à cette proposition de loi dans son principe général : nous avons en effet le sens des responsabilités et, surtout, le souci de la stabilité de nos institutions.

    Mme Annaïg Le Meur

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    Alors votez conforme !

    M. Joseph Rivière

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    Mais rappelons d’abord que l’État est seul responsable de l’incurie de la politique du logement de ces quarante dernières années –⁠ par sa méconnaissance des réalités du terrain, par son mépris de nos peuples, par son clientélisme savamment entretenu par des élus locaux, principalement de gauche.

    Mme Béatrice Bellay

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    Et le détournement de 4 millions d’euros par votre parti ?

    M. Joseph Rivière

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    Je disais que nous étions favorables au principe général de cette proposition de loi, mais elle n’envisage pas une grande politique d’investissement en faveur du logement, qu’il soit public ou privé. Le texte ne comporte aucune disposition sérieuse en matière d’urbanisme.

    Mme Béatrice Bellay

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    Où sont vos propositions à vous ?

    M. Joseph Rivière

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    Qu’en est-il des divers plans de prévention des risques imposés par les préfets de passage ? Qu’en est-il de l’absence d’investissements pour l’endiguement des ravines à la suite de transferts de compétences non suivis de transferts de fonds structurels ? Qu’en est-il des divers plans et schémas nationaux qui bloquent les développements de nos territoires et imposent des contraintes aux élus ?

    Mme Béatrice Bellay

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    Aucune proposition en ce sens, dans votre niche parlementaire !

    M. Joseph Rivière

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    Qu’en est-il de l’inégalité juridique entre l’Hexagone et l’outre-mer, concernant l’avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), qui retire aux maires le peu de pouvoir d’urbanisme dont ils disposaient ? Enfin –⁠ et que vous l’admettiez ou non, c’est une réalité –, qu’en est-il de l’absence de politique migratoire qui permet à des migrants illégaux d’entrer dans des logements, chez nous, à La Réunion, qui devraient être réservés aux seuls Français, car les ultramarins sont Français avant tout ?

    Mme Béatrice Bellay

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    Ben voyons, les travailleurs étrangers ne paient pas la TVA, ils ne bossent pas…

    M. Joseph Rivière

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    À l’article 3  bis, sous couvert de « dialogue », de « coopération » –⁠ on invoque même l’histoire –, vous faites entrer les instances internationales dans les « comités référentiels construction ». C’est, ni plus ni moins, de l’entrisme. Vous organisez, par la loi, l’influence d’intérêts étrangers et l’entrée de millions de migrants illégaux, en provenance des Comores, et d’Afrique des Grands Lacs, vers Mayotte et La Réunion. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Mereana Reid Arbelot et Mme Elsa Faucillon

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    N’importe quoi !

    M. Joseph Rivière

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    Cette proposition de loi est un cache-misère et le peuple aura du mal à se contenter du verre à moitié plein. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. José Gonzalez

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Annaïg Le Meur.

    Mme Annaïg Le Meur

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    Je vous le dis d’emblée : le groupe Ensemble pour la République votera telle quelle cette proposition de loi présentée par le groupe GDR. Elle apporte en effet une solution à un problème réel, spécifique et persistant : la régulation des loyers dans les territoires ultramarins.
    L’accès au logement y est particulièrement contraint : foncier rare, prix élevés, normes parfois inadaptées, pression démographique, habitat indigne encore trop présent… Les difficultés sont nombreuses et cumulatives. Dans ce contexte, les tensions sur le marché locatif sont fortes, avec des loyers souvent plus élevés qu’en métropole.
    La présente proposition de loi vise à combler une lacune de la loi Elan de 2018, qui avait permis d’expérimenter l’encadrement des loyers dans les zones tendues, sans toutefois intégrer les territoires d’outre-mer. Ce n’est qu’en août 2023 que trente-huit communes ultramarines ont été intégrées à cette géographie prioritaire, trop tard pour présenter sa candidature à l’expérimentation prévue initialement.
    L’article 1er du présent texte rouvre donc cette faculté pour les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, dans le cadre d’une expérimentation de cinq ans. Il précise par ailleurs que les compléments de loyer ne pourront être appliqués que pour les logements répondant aux critères de décence, ce qui va dans le bon sens.
    Certes, certains avancent que les récentes évolutions réglementaires suffisent à répondre à la question posée ; mais, sur le terrain, les conditions d’application ne sont pas homogènes –⁠ tous les territoires ne disposent pas d’un observatoire des loyers, condition indispensable pour engager une démarche d’encadrement.
    Cette proposition de loi s’inscrit par ailleurs dans une réflexion plus large que j’ai l’honneur de conduire depuis quelques jours. J’ai en effet été nommée rapporteure, aux côtés de notre collègue Inaki Echaniz, d’une mission flash, au sein de la commission des affaires économiques, sur l’encadrement des loyers à l’échelle nationale. Cette mission nous permettra d’évaluer de manière rigoureuse les effets, les conditions de réussite et les limites de cet outil, afin d’éclairer les politiques publiques. Le texte examiné aujourd’hui en constitue une déclinaison locale pertinente.
    L’encadrement des loyers ne saurait être une solution unique mais il peut, dans certaines situations, constituer un levier utile pour mieux protéger les locataires tout en maintenant l’équilibre du marché locatif. Il doit s’accompagner d’une politique globale et cohérente : mobilisation du foncier, relance de la construction, simplification réglementaire, rénovation du parc existant. C’est bien dans cette direction que le gouvernement agit et je salue l’implication constante, en la matière, du ministre des outre-mer et de la ministre chargée du logement. Je sais du reste que cette dernière s’engage pleinement, en ce moment, pour garantir la qualité et la pérennité de MaPrimeRénov’.
    L’article 3  bis, qui prévoit l’adaptation des normes de construction dans les territoires d’outre-mer, représente une autre avancée. Il tire parti du nouveau règlement européen de 2024 en prévoyant la possibilité de déroger au marquage CE (conformité européenne) dans certains territoires, en lien avec les spécificités locales. Les comités référentiels prévus devront être installés rapidement, de manière partenariale et pragmatique.
    Nous devons continuer d’améliorer l’habitat dans les territoires d’outre-mer avec méthode, en nous montrant exigeants et dans un esprit d’adaptation. Lutter contre l’habitat indigne, soutenir les collectivités locales, adapter les normes techniques, encourager une production de logements abordables : voilà les piliers d’une politique du logement durable et équitable dans ces territoires.
    Comme je vous le disais, le groupe EPR votera donc le texte parce qu’il complète les outils existants, répond à une réalité du terrain, et ouvre une voie pragmatique à l’expérimentation. (M. le rapporteur applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandrine Nosbé.

    Mme Sandrine Nosbé

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    Il faut débourser 12 euros pour du papier toilette, 60 euros pour un paquet de lessive, 800 euros par mois pour un studio à Saint-Paul de La Réunion… Voici quelques exemples des prix exorbitants pratiqués dans les territoires d’outre-mer. Les produits alimentaires coûtent 40 % plus cher en Guadeloupe, à la Martinique, en Guyane, à La Réunion, et 30 % plus cher à Mayotte, que dans l’Hexagone.
    Selon l’Autorité de la concurrence, le coût de la vie dans les territoires ultramarins est en moyenne de 19 % à 38 % plus élevé que dans l’Hexagone. Pourtant, la grande pauvreté y est cinq à quinze fois plus importante. Nos concitoyens et concitoyennes des territoires d’outre-mer n’en peuvent plus de cette inégalité intolérable. En témoignent les récentes mobilisations de la population, que le groupe La France insoumise salue car c’est un combat pour la dignité humaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
    La vie chère dans les territoires d’outre-mer n’épargne pas le logement. Ainsi : 3 ultramarins sur 10 sont mal-logés, soit plus de 600 000 personnes ; 64 % de la population ultramarine sont éligibles au logement social, mais seuls 25 % des ménages sont hébergés dans les logements sociaux, faute de construction suffisante ; et, pour certaines familles, le loyer représente jusqu’à 80 % de leur budget.
    À La Réunion, mon île natale, les loyers ont augmenté de 35 % en cinq ans. C’est la quatrième région de France où les loyers sont les plus élevés, cela alors que plus de la moitié de la population vit avec moins de 1 100 euros par mois.
    En déplacement à Mayotte, en avril dernier, j’ai pu constater à quel point ce territoire français était abandonné par l’État. Non seulement la reconstruction est toujours attendue mais, surtout, Mayotte a été traitée à part pendant trop longtemps. Les Mahorais et les Mahoraises en ont assez des dérogations, des spécificités qui les différencient du reste du territoire français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) La promesse de la République, c’est l’égalité devant la loi pour tous et pour toutes.
    Alors quoi ? Les habitants des territoires d’outre-mer seraient-ils des sous-citoyens ? Nous ne pouvons l’accepter. La cherté de la vie est une réalité et une injustice vécue au quotidien. L’encadrement des loyers instauré par la loi Elan depuis 2018 a fait ses preuves dans les communes où il a été expérimenté, comme à Paris où il a permis de mettre des propriétaires véreux au pied du mur et a contribué à réduire la hausse des loyers.
    Mais, encore une fois, les territoires ultramarins en ont été exclus car la loi a été pensée sans eux. Une injustice de plus, alors même qu’ils sont les territoires qui en ont le plus besoin. C’est pourquoi nous soutenons votre proposition d’étendre à toutes les communes ultramarines la possibilité d’expérimenter l’encadrement des loyers pour une durée de cinq ans. Elle ne peut certes à elle seule combler toutes les difficultés du logement dans les territoires d’outre-mer, mais elle est un premier pas essentiel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    Nous, députés du groupe La France insoumise, souhaitons même aller au-delà en pérennisant et généralisant l’encadrement des loyers à l’ensemble du territoire, outre-mer compris, évidemment, car ce dispositif ne doit pas rester une simple expérimentation.
    Enfin, nous soutenons également vos propositions visant à améliorer l’habitat dans les territoires d’outre-mer car elles permettront en particulier de développer les filières locales du bâtiment et travaux publics (BTP) et ainsi de réduire les coûts liés à l’importation de matériaux de construction conformes aux normes européennes.
    Chers collègues, ce vote est l’occasion pour l’Assemblée nationale de réparer une inégalité instaurée par la loi Elan. Cette proposition de loi est donc une proposition de justice. Nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. –⁠ Mme Danielle Simonnet applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Naillet.

    M. Philippe Naillet

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    Dans nos territoires ultramarins, la vie chère ne s’arrête pas seulement aux produits courants, notamment alimentaires, aux dépenses automobiles, au prix du billet d’avion, la vie chère c’est aussi le montant des loyers. Certains ménages ultramarins consacrent entre 50 % et 80 % de leur budget au paiement de leur loyer. Combien de fois ai-je entendu, dans ma permanence, des personnes me dire : « Quand j’ai payé mon loyer, je ne vis plus, je survis. »
    Je profite de me trouver à la tribune pour saluer l’initiative d’Audrey Bélim, sénatrice de La Réunion (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Mereana Reid Arbelot applaudit également), qui assiste à nos débats, et dont la proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer avait été adoptée à l’unanimité au Sénat en mars dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Sandrine Rousseau applaudit également.) Je profite également de la tribune pour remercier nos collègues du groupe GDR et son rapporteur Frédéric Maillot, pour l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de leur niche parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mmes Mereana Reid Arbelot et Sandrine Rousseau applaudissent également.)
    Les débats de ce jour nous offrent ainsi l’occasion d’entériner les avancées concrètes de cette proposition de loi en l’adoptant définitivement et conforme. La semaine dernière, déjà, en commission, nous avons voté ce texte à l’unanimité dans sa version conforme à celle adoptée au Sénat.
    Si la crise du logement est évidemment d’ampleur nationale, je rappellerai cependant à nos collègues de l’Hexagone que la précarité et le mal-logement frappent encore plus durement nos populations dans les territoires d’outre-mer. L’équation est au fond assez simple : avec un niveau de vie des foyers ultramarins structurellement plus faible que dans l’Hexagone, la charge du logement est d’autant plus lourde.
    À cet égard, l’exemple réunionnais est édifiant : le prix à la location du mètre carré est de 16 euros, les loyers ayant augmenté de 35 % en seulement cinq ans. En outre-mer, plus de 80 % des ménages sont éligibles au logement social mais à peine 15 % peuvent en bénéficier. La production de logements aidés s’écroule : 124 000 agréments en 2016, 82 000 en 2023. Le droit au logement décent est loin d’être effectif dans les départements et régions d’outre-mer. Il est par conséquent urgent d’agir.
    Chez nous, avoir accès à un logement relève du parcours du combattant et quand vous obtenez enfin votre logement, c’est le montant du loyer qui vous étrangle. Et je ne parle même pas de cette autre injustice qu’est l’impossibilité pour les ménages qui le souhaitent de devenir propriétaires là où ils sont nés, cela à cause d’un prix du foncier prohibitif.
    L’encadrement des loyers ne pourra résoudre seul la crise ; pour autant, il constitue un levier indispensable afin de juguler l’envolée de ces dernières années. Il est d’autant plus essentiel que les territoires ultramarins avaient été tout bonnement exclus du dispositif instauré dans l’Hexagone par la loi Elan et prolongé jusqu’en 2026 par la loi « 3DS » du 21 février 2022. Rappelons que trente-huit communes situées dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) sont classées en zone tendue ! C’est pourquoi le texte tend à appliquer aux Drom l’encadrement prévu par l’article 140 de la loi Elan et à créer le cadre d’une expérimentation de cinq ans à compter de sa promulgation. D’ailleurs, combattre le mal-logement étant chez nous, socialistes, une préoccupation constante, je salue mon collègue Inaki Echaniz (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC), à l’origine de la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, et désormais corapporteur, avec Mme Le Meur, de la mission flash sur l’évaluation de l’expérimentation de l’encadrement des loyers.
    Le texte prévoit également l’adaptation à l’outre-mer des normes et matériaux de construction, avec un objectif clair : développer des filières dans chacun de nos territoires, importer des matériaux de nos bassins océaniques. Mieux encadrer les loyers sur des marchés tendus, rendre les habitats plus accessibles, plus durables, plus ancrés dans la réalité géographique et climatique de nos territoires ultramarins, voilà donc ce que permettra cette proposition de loi que notre groupe soutient vivement et qu’il nous faut maintenant adopter dans une version conforme à celle du Sénat, car nous souhaitons sa promulgation et son entrée en vigueur dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Ce texte, adopté au Sénat à l’unanimité, met en lumière une injustice territoriale criante : l’exclusion des territoires ultramarins du dispositif d’encadrement des loyers instauré en métropole par la loi Elan. Pour des millions de Français, la crise du logement constitue une réalité concrète, quotidienne, un vrai parcours du combattant, que ce soit chez moi –⁠ dans le Roannais, dans la Loire – ou dans le reste du territoire national. Cette difficulté universellement ressentie prend une intensité dramatique outre-mer, où la flambée des loyers, parmi les plus fortes de France, exacerbe les inégalités et accentue un profond sentiment d’abandon.
    Il est temps de remédier à cette anomalie : la proposition de loi permettra aux collectivités ultramarines classées en zone tendue –⁠ trente-huit, depuis le décret du 25 août 2023 – d’encadrer temporairement les loyers, à l’instar de ce que pratiquent déjà certaines grandes agglomérations métropolitaines.
    Soyons lucides et mesurés : l’encadrement des loyers ne constitue pas une solution miracle. C’est un outil de régulation, un levier contre la vie chère, un marqueur de justice sociale ; il ne remplacera pas une véritable politique de production et de réhabilitation du logement. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. Inaki Echaniz

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    C’est pour ça que vous supprimez MaPrimeRénov’ ?

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Il faut agir sur les causes profondes : manque d’offre, retards d’aménagement, vétusté du parc immobilier. Nous avons avant tout besoin de réformes structurelles, d’une meilleure prise en compte des réalités ultramarines dans les politiques nationales ; il est également indispensable de développer le parc de logement, de supprimer les freins à l’investissement et, comme le prévoit ce texte de manière pertinente, de revoir les normes de construction afin de favoriser l’utilisation de matériaux locaux, plus adaptés et moins coûteux. La création de comités référentiels construction et la possibilité d’exempter certains matériaux du marquage CE vont dans le bon sens : elles permettront de réduire les coûts, de soutenir l’essor d’une filière locale. Enfin, le logement constitue un vecteur d’attractivité économique.
    Dans cet esprit, le groupe Droite républicaine salue l’équilibre obtenu au sein de cette proposition de loi, à laquelle il apportera son soutien. Afin de faciliter son adoption à l’unanimité par notre assemblée, comme cela, je le répète, a été le cas au Sénat, je retire d’ailleurs les amendements déposés par notre groupe, ce qui accélérera le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.) Je vous remercie de ce texte : espérons qu’il améliorera rapidement et de façon concrète la vie de nos concitoyens !

    M. le président

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet

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    La crise du logement, d’une gravité sans précédent dans notre pays, est encore pire outre-mer qu’ailleurs : ainsi, alors que 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social, seuls 20 % en bénéficient. Pour ceux, nombreux, qui n’ont pas accès au logement social, il faut, en plus de la vie chère, subir le loyer cher. Certains territoires ultramarins, comme La Réunion, en proie à une forte spéculation, comptent des loyers parmi les plus élevés de France. Des ménages y consacrent jusqu’à 80 % de leur revenu ! Pourtant, l’encadrement des loyers ne s’y applique pas. Les territoires éligibles n’ont pu y accéder : lorsque l’État les a reconnus comme zone tendue, les dates limites de candidature au dispositif étaient dépassées. Quelle aberration !
    Cette proposition de loi prévoit un dispositif d’encadrement des loyers dans les collectivités ultramarines et une adaptation des normes de construction visant à favoriser les circuits courts, à mieux répondre aux besoins spécifiques de ces territoires, enfin considérés dans leur zone géographique –⁠ les réglementations européennes étaient en décalage total avec les questions de ressources, de culture, voire en contradiction avec les impératifs écologiques. Je tiens vraiment à saluer ce texte, preuve qu’un travail collectif, unitaire, sur des sujets de fond, partant des besoins urgents de la population, comme celui de se loger, est possible au sein du Nouveau Front populaire. En effet, déposé par Audrey Bélim, examiné à l’occasion de la niche socialiste au Sénat, qui l’a adopté à l’unanimité, il est désormais présenté par Frédéric Maillot au titre du groupe GDR ; j’espère que nous l’adopterons unanimement et de manière conforme, afin que son application soit aussi rapide que possible.
    Cette proposition de loi prouve également l’efficacité de l’encadrement des loyers : d’après ses auteurs, l’extension du dispositif permettra aux locataires ultramarins d’économiser en moyenne 120 euros par mois, soit chaque année 1 440 euros, davantage que le montant mensuel du smic ! Encore une fois, il y a urgence à ce que le texte entre en vigueur : l’attitude des sénateurs et la nôtre le confirment. En outre, puisque la pertinence du dispositif est reconnue, et qu’il se trouve en danger, qu’attend le gouvernement pour le sécuriser ? Il faut non seulement le pérenniser, son expérimentation étant concluante, mais le renforcer. Les pistes sont nombreuses : encadrement à la baisse dans les zones tendues, élargissement à l’ensemble du territoire, encadrement du foncier.
    Nous devons considérer le logement comme un bien commun, garanti à toutes et tous, non comme un produit financier à l’étal du banquier ; nous devons faire en sorte que le droit au logement l’emporte sur le droit de spéculer. (Mme Sandrine Rousseau et M. Inaki Echaniz applaudissent.) Il est urgent que, là encore, ce travail se fasse de manière unitaire au sein du NFP. Le groupe Écologiste et social élabore avec le groupe communiste une proposition de loi visant à assurer rapidement la pérennisation dont j’ai parlé, la mission d’information engagée par M. Echaniz nous fournira des éléments concrets d’évaluation, mais il faudra un travail collectif pour aller bien plus loin et que, je le répète, l’encadrement des loyers aboutisse, dans les zones tendues, à les tirer vers le bas.
    Nous voterons pour ce texte en espérant son adoption conforme et surtout que d’autres textes, très vite, permettront durablement aux habitants de tous les territoires de la République de se loger de manière digne sans y consacrer des sommes indécentes. Bravo pour cette proposition de loi ; souhaitons que l’unanimité soit au rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Frantz Gumbs.

    M. Frantz Gumbs

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    Permettez-moi de commencer par saluer à mon tour la sénatrice Audrey Bélim. La crise du logement dans les territoires d’outre-mer, profonde et persistante, touche l’ensemble de nos territoires, y compris les îles de ma circonscription : loyers excessifs, manque structurel de logements sociaux, et une pression insoutenable sur le parc privé –⁠ la pénurie de logements y est aussi grande que dans le parc social – qui fragilise chaque jour davantage les ménages les plus modestes. En Guadeloupe, par exemple à Baie-Mahault, les loyers sont désormais comparables à ceux de métropoles comme Montpellier, malgré un taux de pauvreté parfois deux à cinq fois supérieur à celui de l’Hexagone ; à Mayotte, faute d’un véritable parc social, le secteur privé concentre une majorité de logements indignes aux loyers élevés, contribuant à la précarité et au surpeuplement.
    Cette proposition de loi nous donne l’occasion d’agir concrètement. Le groupe Les Démocrates soutient donc pleinement la version de ce texte issue du Sénat, laquelle offre un levier nécessaire : le dispositif d’encadrement des loyers expérimenté depuis 2018 dans des métropoles comme Paris, Lyon, Aix-Marseille, où son utilité a été démontrée. Nous attendons les résultats complets, mais il apparaît d’ores et déjà essentiel de l’adapter à nos réalités et l’étendre outre-mer, où les tensions sont parmi les plus fortes : à La Réunion, les loyers, qui depuis 2017 ont augmenté de 35 %, atteignent dans certaines communes jusqu’à 85 % du revenu des ménages.
    Je salue également la création dans les Drom et chez moi, à Saint-Martin, des comités référentiels construction, qui intégreront nos réalités locales, nos contraintes géographiques, climatiques et techniques. L’actuelle obligation d’importer des matériaux de construction soumis au marquage CE entraîne des surcoûts considérables : jusqu’à 19 % à Mayotte, 12 % à La Réunion et en Guadeloupe. J’espère que le décret d’application tiendra compte, notamment en ce qui concerne ma région, des exemptions prévues par le règlement européen, permettant une réelle adaptation aux réalités géographiques et géopolitiques.
    Enfin, cette proposition de loi ne doit pas rester isolée. Il convient que l’encadrement des loyers, si important soit-il, s’inscrive dans une stratégie plus large, une ambitieuse politique de justice sociale, de production massive de logements accessibles, de régulation du marché locatif dans tous les territoires ultramarins. Il nous faut répondre à un déficit estimé en 2024 à 110 000 logements, dont 90 000 dans les Drom, car malgré une légère hausse récente, le parc social reste, je l’ai dit, très insuffisant au regard des besoins. Nous avons le devoir d’agir ensemble afin de répondre efficacement aux défis de nos territoires par des solutions adaptées ; cela nécessite un engagement fort, durable, renouvelé en faveur des populations locales, une écoute attentive aux besoins exprimés, une démarche ascendante, bottom-up, sur ce point comme sur bien d’autres. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Karine Lebon applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

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    Les difficultés de logement en outre-mer sont depuis trop longtemps connues, documentées, analysées. Tandis que 80 % des ménages y remplissent les conditions d’accès à un logement social et 70 % à un logement très social, l’offre demeure largement insuffisante : le déficit de logements sociaux dépasse les 110 000 unités, le rythme annuel de construction reste très en deçà des besoins recensés et la spéculation, notamment sur le littoral, progresse au détriment des habitants. Résultats : une proportion importante de logements indignes ou insalubres, des tensions extrêmes sur le marché locatif, des loyers qui explosent –⁠ dans de nombreuses communes, le loyer au mètre carré dépasse ceux de la métropole, où le niveau de vie est pourtant sensiblement plus élevé. Le logement constitue alors l’un des premiers postes de dépense, souvent au prix d’un effort excessif pour les ménages. Les loyers sont ainsi devenus un facteur essentiel de la cherté de la vie outre-mer.
    Derrière ces chiffres, ce sont des hommes, des femmes, des familles entières qui peinent à se loger dans des conditions dignes de ce que la République doit garantir.
    Le dispositif d’encadrement des loyers, instauré par la loi Elan, a montré son utilité dans plusieurs grandes villes métropolitaines. Il permet en effet de réguler les marchés locatifs déséquilibrés et de freiner la hausse excessive des loyers. À Paris, par exemple, il a permis de modérer les prix de 4,2 % par rapport à la période précédant son application. Toutefois, cet outil n’a jamais pu être utilisé par les communes ultramarines qui ont été exclues de facto du dispositif. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui corrige cette incohérence. Elle ouvre aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution la possibilité d’expérimenter l’encadrement des loyers dans un cadre juridique clair, sécurisé et respectueux de leurs compétences.
    Ce texte aborde aussi un autre enjeu majeur : celui de l’adaptation des normes de construction. Les coûts de construction dans les territoires d’outre-mer sont, nous le savons, significativement plus élevés qu’en métropole. Ce différentiel s’explique en grande partie par l’inadaptation des référentiels techniques et réglementaires aux réalités géographiques, climatiques et économiques de ces territoires.
    La création de comités relatifs aux produits de construction, prévue par l’article 3  bis du présent texte, constitue à ce titre une avancée concrète. Ces comités auront pour mission de proposer des référentiels adaptés, de contribuer à l’exemption de marquage CE lorsque cela sera pertinent et de faciliter l’intégration de matériaux locaux dans les filières de construction. Il s’agit d’un levier efficace pour accélérer les chantiers, réduire les surcoûts et mieux maîtriser les délais attendus.
    Nous le savons tous, ce texte ne constitue pas une réponse exhaustive à la crise du logement en outre-mer. Pour autant, il marque une étape significative. Il met à la disposition des collectivités de nouveaux leviers d’action tout en amorçant une simplification attendue du cadre normatif.
    Il s’inscrit dans la perspective plus large du futur plan logement outre-mer dont nous attendons, monsieur le ministre, la présentation d’ici la fin de l’année. Nous espérons que ce plan fixera des objectifs ambitieux, réalistes, assortis de moyens concrets afin de relancer la production de logements, de lutter contre l’habitat indigne et d’améliorer les conditions de vie dans ces territoires.
    Le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de cette proposition de loi car elle incarne des principes qui nous sont chers : l’écoute des territoires, la justice sociale et l’efficacité des politiques publiques.

    M. le président

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    La parole est à Mme Nicole Sanquer.

    Mme Nicole Sanquer

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    Le logement est devenu un révélateur particulièrement brutal de la vie chère dans nos territoires d’outre-mer. Les loyers y dépassent régulièrement ceux pratiqués sur le reste du territoire et pèsent plus lourd encore dans le budget des ménages, dont le revenu médian demeure inférieur à la moyenne nationale.
    Cette tension n’est pas conjoncturelle : elle résulte d’un foncier limité, de coûts de construction renchéris par des normes conçues pour l’Hexagone, et d’un parc social notoirement insuffisant. À ce jour, le déficit est estimé à plus de 110 000 logements. Chaque année qui passe transforme ces manques en spirale d’exclusion.
    En 2018, la loi Elan a permis d’expérimenter l’encadrement des loyers dans les zones tendues. Aucun territoire ultramarin ne figurait alors sur la liste des communes éligibles. L’inscription tardive de trente-huit villes en 2023 est intervenue après la clôture des candidatures, laissant ces collectivités en situation d’exclusion.
    Quel en a été le résultat ? Dans les territoires où les loyers augmentent le plus brutalement, aucun outil de régulation n’a été mis à la disposition des élus locaux. Le texte qui nous réunit aujourd’hui répare cette inégalité en ouvrant une expérimentation d’encadrement spécifique pour une durée de cinq ans. Les collectivités auront deux ans pour se porter candidates. Ce système est simple, fondé sur le volontariat, et est intégralement placé sous contrôle local. Il s’agit d’un levier pour contenir les abus sans figer les marchés. Nous le savons, cela ne résoudra pas le problème de fond que constitue le manque de logement, mais cela permettra de limiter certains abus de la part des propriétaires.
    Certains estiment que l’encadrement découragerait l’investissement locatif. L’argument serait recevable si l’expérimentation était imposée d’en haut. Or elle reste facultative et circonscrite aux secteurs où les loyers ont déjà décroché de toute logique économique.
    D’autres craignent que ce dispositif ne soit que symbolique. À ceux-là, je veux rappeler que l’encadrement expérimental dans l’Hexagone a d’abord exigé un travail d’observation avant de produire des effets. Il en sera de même dans les collectivités d’outre-mer.
    À ceux qui se montrent critiques à l’égard de ce texte, je veux enfin rappeler que les premiers bilans de l’expérimentation dans l’Hexagone tendent à démontrer que l’encadrement permet de contourner la hausse des loyers. Ainsi, et de manière plus générale, je souhaite alerter le gouvernement sur la nécessité de se saisir de ce sujet. L’expérimentation de l’encadrement des loyers prendra fin en 2026 dans l’Hexagone –⁠ c’est demain. Nous ne pouvons pas abandonner du jour au lendemain les ménages qui étaient jusque-là protégés. Il nous faut donc dresser dès à présent un bilan plus poussé de l’expérimentation afin de la pérenniser.
    Revenons maintenant au sujet des territoires d’outre-mer. La mesure d’encadrement des loyers sera insuffisante si nous ne baissons pas les coûts de production du logement. Depuis 2017, le Sénat alerte sur l’enjeu du surcoût créé par l’application aveugle des normes européennes relatives aux matériaux de construction. Cela constitue un effet un frein particulièrement lourd dans les territoires soumis aux cyclones, à la corrosion saline et à l’éloignement des filières d’approvisionnement.
    Le règlement européen de 2024 autorise désormais un marquage régions ultrapériphériques (RUP), adapté à ces spécificités. La présente proposition de loi s’inscrit dans cette même démarche d’adaptation en instituant des comités référentiels capables d’ajuster les exigences techniques aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Cela permettra d’offrir les mêmes garanties de solidité et de sécurité mais avec des matériaux disponibles sur place, mieux dimensionnés et moins coûteux.
    Dans un souci de simplification, d’efficacité et de clarification, notre collègue Max Mathiasin propose de mettre en place ces comités territoire par territoire plutôt que par bassin géographique. Ces comités devront contribuer au travail normatif de l’Association française de normalisation (Afnor) et non le supplanter. De même, le rôle tutélaire du préfet interroge. Je sais que notre collègue aurait souhaité porter ces modifications par voie d’amendement. Toutefois, il est conscient de la nécessité d’une adoption rapide et donc conforme de cette proposition de loi. Cela ne diminue en rien l’importance de ces sujets, pour lesquels une vigilance constante sera nécessaire lors de la mise en application de la loi.
    Refuser d’agir reviendrait à entériner un système à deux vitesses : d’un côté, la régulation de l’Hexagone, de l’autre, le laisser faire dans les outre-mer, alors même que les ménages y sont plus fragiles. La République ne peut accorder des droits différenciés selon les territoires.
    En adoptant cette proposition de loi, nous donnons aux élus locaux les moyens de protéger les locataires, de stimuler une construction adaptée et, surtout, de soulager concrètement les budgets des ménages. C’est une réponse précise, attendue et pleinement justifiée par les réalités économiques et sociales que chacun constate sur le terrain. Je vous invite donc à voter en sa faveur.

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Frédéric Maillot, rapporteur

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    Je souhaite tout d’abord saluer et remercier tous les groupes qui ont exprimé leur volonté de faire adopter ce texte de façon conforme. Vous avez compris à quel point il est crucial d’agir rapidement pour alléger les dépenses des familles et améliorer leur qualité de vie.
    Je tiens tout de même à répondre au collègue Rivière. Vous me demandez de légitimer, en quelque sorte, votre vision de la société. Dans votre prise de parole au cours de discussion générale, vous avez évoqué le séparatisme. Le séparatisme, je ne le répands pas, je le combats. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC. –⁠ Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
    Vous nous avez fait part de vos craintes concernant une ingérence internationale ; je vous invite non pas à l’intelligence mais au bon sens. Par défaut, dans une logique géographique, La Réunion et nos pays d’outre-mer se trouvent bien à l’international. À qui parler, si on ne parle pas à des interlocuteurs internationaux ? Essayez, vous verrez qu’il n’y a rien de dangereux à parler aux autres, à échanger et à construire ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.)

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    (L’article 1er est adopté.)

    Article 3  bis

    M. le président

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    La parole est à M. Joseph Rivière, inscrit à l’article.

    M. Joseph Rivière

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    L’encadrement des loyers est une chose importante pour notre population d’outre-mer. Néanmoins, nous avons déposé ces amendements à l’article 3  bis car nous estimons que les comités référentiels construction doivent être élargis à l’ensemble de la filière participant à l’évolution de la construction des logements, c’est-à-dire les importateurs de matériaux, les banques, les associations de consommateurs ou les associations de locataires. Ces acteurs doivent être pris en compte dans le cadre d’un travail commun de filière afin d’assurer une meilleure efficacité des comités.
    Nous avions déjà déposé ces amendements en commission, où ils n’avaient pas été adoptés. J’appelle l’attention de l’ensemble de nos collègues sur l’importance de ne pas aller trop vite et d’inclure l’ensemble des parties prenantes aux travaux envisagés dans le cadre de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    L’amendement no 9 de M. Antoine Vermorel-Marques est retiré.

    (L’amendement no 9 est retiré.)

    M. le président

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    Sur les amendements nos 4 et 5, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Joseph Rivière, pour soutenir l’amendement no 4.

    M. Joseph Rivière

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    Cet amendement vise à modifier la composition des comités référentiels construction en y incluant les principaux acteurs de la construction de logements. Cela permettra de donner la parole aux acteurs économiques locaux et de créer les conditions d’un dialogue franc, sur le modèle des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), dont M. le ministre a reconnu l’efficacité cette semaine.
    L’objectif est d’élaborer des référentiels adaptés aux besoins en construction en privilégiant les filières économiques locales et de s’assurer de la transparence dans la formation des prix, la construction et l’allocation des logements.
    Les différents intervenants de la filière bâtiment doivent pouvoir expliquer leurs contraintes et leurs modes de fonctionnement afin de renforcer la cohérence des prises de décision.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Maillot, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 4.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        105
            Nombre de suffrages exprimés                105
            Majorité absolue                        53
                    Pour l’adoption                22
                    Contre                83

    (L’amendement no 4 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements nos 1 rectifié et 2 rectifié par le groupe Rassemblement national et sur l’ensemble de la proposition de loi, par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Joseph Rivière, pour soutenir l’amendement no 5.

    M. Joseph Rivière

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    Le présent amendement a pour objet de limiter l’instance de décision aux seuls intérêts nationaux. Il est inconcevable que des instances internationales se permettent d’émettre un avis sur l’usage des deniers publics français et sur la politique intérieure de la France, y compris la politique étatique du logement. Seuls les élus nationaux ou locaux doivent pouvoir s’exprimer et donner leur avis sur la politique du logement.
    Je mentionnerai l’exemple de la Commission de l’océan Indien (COI) qui rechigne à représenter Mayotte en tant que territoire français lors des Jeux des îles de l’océan Indien alors même que c’est la France qui paye. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Maillot, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Un mot seulement : il ne faut pas tout mélanger.
    S’agissant de la Commission de l’océan Indien, Mayotte était représentée au sein de la délégation du président de la République par le président du conseil départemental ; et La Réunion était présente.
    Par ailleurs, si le texte autorise les comités référentiels construction à mener des travaux avec des instances internationales, c’est pour qu’ils puissent prendre contact avec les organismes de normalisation ou de certification des pays voisins.
    Le rapporteur le disait : si nous voulons que les territoires ultramarins voient leur économie s’intégrer pleinement à celle des bassins régionaux, ils doivent pouvoir travailler avec leurs voisins. Non seulement l’adoption de cet amendement déposé au nom d’une vision très étriquée des relations régionales et internationales ferait perdre du temps à cette proposition de loi, mais elle serait contre-productive. Il faut plutôt que Mayotte ou La Réunion puissent construire des relations avec leurs voisins –⁠ en l’occurrence, avec l’Afrique de l’Est, avec Madagascar, avec Maurice, avec les Seychelles…
    Le gouvernement est donc opposé à cet amendement.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 5.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        127
            Nombre de suffrages exprimés                127
            Majorité absolue                        64
                    Pour l’adoption                31
                    Contre                96

    (L’amendement no 5 n’est pas adopté.)

    (L’article 3  bis est adopté.)

    Après l’article 3  bis

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 1 rectifié.

    M. Frédéric Falcon

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    Le diagnostic de performance énergétique, le fameux DPE, est devenu un véritable cauchemar technocratique. Dans les Drom, cette norme pensée pour des appartements haussmanniens parisiens n’a strictement aucun sens. Elle ne prend en considération ni le climat tropical, ni les spécificités architecturales locales, ni les réalités économiques de ces territoires. L’écolo-technocratie parisienne aurait pu y penser, mais non : comme toujours, on impose, on punit, on réglemente à l’aveugle.
    Le DPE fixe des paramètres arbitraires, favorisant certaines méthodes de chauffage au détriment d’autres. Par exemple, sans pompe à chaleur, vous n’avez aucune chance d’obtenir un classement A, B ou C. Le résultat de l’application de ces contraintes est dramatique ; on le voit déjà à Paris, où 75 % des annonces de logement ont disparu en trois ans, ce qui affole même la mairie socialiste, pourtant fervente partisane de cette mesure d’écologie punitive.
    Cette raréfaction sans précédent de l’offre locative est à l’origine de la crise du logement que nous traversons. Le taux de vacance augmente, car les propriétaires ne veulent plus être bailleurs face à la complexité administrative et au risque de contentieux. Le gouvernement envisage désormais que les locataires d’un logement classé G, et bientôt F, puissent assigner leur propriétaire en justice pour l’obliger à réaliser des travaux ou à réduire le loyer. De surcroît, un tel classement rend le bien inéligible aux aides au logement.
    Que devient le propriétaire qui a investi pour sa retraite, qui n’a pas les moyens d’exécuter des travaux ou de supporter une baisse de loyer ? C’est très simple : il finira par donner congé à son locataire et vendre son bien à perte. Ce locataire se trouvera à son tour en difficulté sur un marché locatif déjà asséché.
    Bref, vos délires technocratiques nous mènent droit dans le mur, en métropole comme dans nos outre-mer. Supprimons les contraintes DPE ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Maillot, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Avis défavorable. Cet amendement vise à supprimer les dispositions relatives à la décence énergétique des logements pour les départements et régions d’outre-mer. La suppression du principe de décence énergétique n’est pas souhaitable, à la fois pour assurer aux locataires des conditions de vie de qualité et pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone à horizon 2050, ce qui n’a rien d’un délire bureaucratique.
    J’informe par ailleurs l’Assemblée nationale que le gouvernement poursuit ses travaux en vue de développer un outil DPE spécifique pour l’ensemble des départements et régions d’outre-mer, adapté aux conditions climatiques particulières de ces territoires.
    Votre amendement aurait des effets néfastes sur la vie de nos concitoyens ultramarins.

    M. le président

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    La parole est à M. Matthias Renault.

    M. Matthias Renault

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    L’Assemblée nationale a émis d’excellents votes la semaine dernière sur les zones à faibles émissions (ZFE), sur l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), sur l’A69, sur la proposition de loi Duplomb : il ne faut pas se priver de continuer sur cette lancée. Les DPE constituent à l’évidence notre prochain combat.
    Je me réjouis, du point de vue politique, que le bloc central commence à considérer, et à faire savoir par voie de presse, que l’instauration du DPE était une erreur, et qu’il faut à tout le moins le réformer. C’est en tout cas ce qu’on entend de représentants de Renaissance.

    M. Inaki Echaniz

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    Vous avez voté contre la réforme ! Soyez cohérents !

    M. Matthias Renault

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    Il est, je crois, possible de réunir une majorité dans cette assemblée pour remettre en cause le DPE. Nous sommes en pleine crise du logement : depuis le 1er janvier de cette année, près de 400 000 logements sont sortis de l’offre locative. Ce choc de moindre offre est terrible, alors que le marché du logement a précisément besoin d’un choc d’offre. D’ici quelques années, 5 millions de logements pourraient être concernés.
    Cet excellent amendement propose de commencer par supprimer le DPE dans les territoires d’outre-mer. Le vote qui va intervenir sera politiquement intéressant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve

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    On voit bien quelle est la stratégie du RN.

    M. Matthias Renault

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    Nous sommes transparents !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Vous voulez détricoter tous les progrès et toutes les avancées obtenues par cette majorité dans le combat contre le dérèglement climatique et pour la baisse de nos émissions. Il ne vous aura pas échappé que le logement reste le premier vecteur d’émissions de gaz à effet de serre dans notre pays, devant les transports, devant l’industrie… Réduire les émissions de nos logements doit évidemment être une priorité. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme Élise Leboucher

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    Vous êtes au courant, pour la suspension de MaPrimeRénov’ ?

    M. Pierre Cazeneuve

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    Mais, monsieur Falcon, le plus grave, ce serait d’oublier que les premières victimes des passoires énergétiques, ce sont les locataires eux-mêmes, dont certains habitent dans des logements particulièrement mal isolés, indécents. Il est légitime que les propriétaires supportent une partie des conséquences de cette précarité, et de la nécessité de rénover les logements. Ce serait faire montre d’un mépris absolu que de considérer que l’obligation de rénovation des logements pour offrir aux locataires un logement digne ne doit pas peser sur les propriétaires en outre-mer.
    Nous sommes donc très défavorables à cet amendement.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 1 rectifié.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        149
            Nombre de suffrages exprimés                149
            Majorité absolue                        75
                    Pour l’adoption                38
                    Contre                111

    (L’amendement no 1 rectifié n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 2 rectifié.

    M. Frédéric Falcon

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    Cet amendement de repli propose de revoir à tout le moins le calendrier. Cette remise à plat nous semble d’autant plus justifiée que le gouvernement s’apprête à revoir le dispositif MaPrimeRénov’ –⁠ nous aurions d’ailleurs aimé que Mme Létard, ministre du logement, soit ici pour nous en parler.
    J’ajoute que la contestation quant aux modalités du DPE est de plus en plus forte, notamment du côté de la Cour des comptes.
    J’ai entendu beaucoup de contrevérités. Les émissions du parc résidentiel français sont ainsi de 12 % ; elles sont donc bien loin d’être majoritaires, la France n’émettant elle-même que 0,9 % des émissions de CO2 dans le monde, rappelons-le.
    Cela fait vingt ans qu’on engouffre des dizaines de milliards d’euros dans la rénovation énergétique, pour un résultat minable. Il faut aussi dénoncer tous ces lobbys de la rénovation énergétique qui sont derrière le gouvernement et tous ces professionnels qui s’en mettent plein les proches. Le dispositif MaPrimeRénov’ permet des fraudes massives.
    Visiblement, vous vous apprêtez à le supprimer, mais dans ce cas vous ne pourrez pas demander aux Français de consentir des efforts qu’ils n’ont tout simplement pas les moyens de faire.
    Voilà pourquoi cet amendement prévoit trois années supplémentaires afin de laisser aux Français la possibilité de s’adapter à ces réformes iniques. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Maillot, rapporteur

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    Les problèmes de DPE dans l’Hexagone ne sont pas du tout les mêmes que ceux que nous rencontrons chez nous, à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane.
    En Guadeloupe, en Martinique, le travail a commencé et il nous donne bon espoir. Le DPE local est plus que nécessaire. Il leur reste trois ans pour élaborer un outil et partager leur expertise. Repousser la date ne ferait que freiner les initiatives endogènes, qui visent à adapter le DPE plutôt qu’à le faire disparaître.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Franchement, monsieur Cazeneuve, vous êtes gonflé ! Vous osez tout, là. On est au lendemain de l’annonce de la suspension, ou de la suppression, de MaPrimeRénov’ –⁠ alors que vous aviez déjà divisé par deux les fonds alloués à ce dispositif, passant de 5 à 2,5 milliards, et que vous l’aviez tellement compliqué que les particuliers comme les artisans ne savaient plus comment s’en sortir puisque vous aviez fabriqué une véritable usine à gaz. Et maintenant, vous nous dites que c’est une priorité ?
    Ce gel est une grave erreur. Autant la transition peut, quand il s’agit des mobilités, se heurter à des blocages sociologiques et technologiques, autant elle ne rencontre pas de tels obstacles s’agissant des logements : les gens y sont favorables, et les artisans du bâtiment savent faire. Et là, tout est bloqué !
    Pourtant, ce devrait être un processus gagnant-gagnant-gagnant-gagnant : gagnant pour les factures des gens, gagnant pour les émissions de gaz à effet de serre, gagnant pour les artisans et les travailleurs du bâtiment donc pour l’emploi local, gagnant pour notre indépendance nationale. Le Rassemblement national prétend pourtant s’en soucier, de l’indépendance nationale !
    Au rythme où nous allons, il faudra pour éliminer chacune de nos 5 millions de passoires thermiques à peu près autant de temps qu’il y en a eu entre Jeanne d’Arc et aujourd’hui. Or chacune d’entre elles représente une dépense de pétrole ou de gaz, payés à l’Arabie Saoudite, à l’Algérie, à la Russie, aux États-Unis ; à chaque fois, c’est du déficit commercial et de la dépendance vis-à-vis d’autres pays.

    M. Matthias Renault

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    Vous défendez donc le DPE ?

    M. François Ruffin

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    Il faut donc investir massivement dans les logements : cela nous permettrait à la fois de retrouver de la souveraineté et de combattre le réchauffement climatique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Annaïg Le Meur.

    Mme Annaïg Le Meur

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    Nous avons encore entendu la démonstration du scepticisme du Rassemblement national face au changement climatique : il n’arrête pas de balayer toutes les avancées mises en place par les différents gouvernements.
    Il faut arrêter ! Il y a des réalités : le climat change. Je suis élue dans un territoire littoral, et nous sommes fortement touchés. Le quotidien de tous nos concitoyens est affecté.
    Le DPE est un outil perfectible et nous travaillons tous ensemble pour l’améliorer et l’adapter aux territoires. J’attends aussi que vous votiez la proposition de loi de la sénatrice Amel Gacquerre, qui a repris la proposition qui était initialement celle de M. Marchive et de M. Echaniz : elle vise aussi à améliorer les outils mis en place.
    Tout balayer, tout arrêter –⁠ le DPE, les ZFE, le ZAN –, c’est trop facile ! Et que fera-t-on demain ? Que proposons-nous à nos enfants, à nos territoires ? On recule, on ignore, on se voile la face ? Ce n’est pas la politique que nous voulons mener ; la politique, c’est avancer, c’est se projeter dans l’avenir.
    Certes, il faut améliorer le DPE. Bien sûr, monsieur Ruffin, MaPrimeRénov’ ne doit pas disparaître ; c’est un outil qui est victime de son succès. (Exclamations sur les bancs des groupes EcoS et GDR ainsi que sur les bancs du groupe RN.)

    M. François Ruffin

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    Non !

    Mme Annaïg Le Meur

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    Il faudra peut-être mieux l’encadrer.

    Mme Danielle Simonnet

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    Vous l’avez divisé par deux !

    Mme Annaïg Le Meur

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    Il faudra peut-être trouver plus de moyens pour avancer. Mais le dispositif n’est pas supprimé : il est suspendu afin notamment de laisser l’administration traiter les dossiers, et ainsi de donner des solutions aux gens qui attendent de rénover des biens classés F ou G afin de remettre en location !
    Tel est l’objectif.

    M. Kévin Pfeffer

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    Ça rame !

    Mme Annaïg Le Meur

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    Non, cela ne rame pas ! Nous sommes engagés et déterminés sur ces questions, vous pouvez compter sur nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit également.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Frédéric Falcon.

    M. Frédéric Falcon

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    Je vous invite à regarder ce qu’il se passe dans les autres pays européens. La France est le seul pays à s’imposer des normes aussi drastiques.

    Mme Julie Laernoes

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    C’est faux !

    M. Frédéric Falcon

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    Aucun pays d’Europe ne s’impose des contraintes aussi violentes que le DPE.

    Mme Julie Laernoes

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    Vous mentez !

    M. Frédéric Falcon

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    Allez en Espagne, allez en Italie, allez dans d’autres pays. Cela n’existe pas.

    Mme Julie Laernoes

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    Allez en Allemagne, allez aux Pays-Bas !

    M. Frédéric Falcon

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    Cela n’existe pas ! Je soulignerai une spécificité française : la France dispose d’un parc immobilier plutôt bien entretenu en comparaison de ses voisins.

    Mme Julie Laernoes

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    C’est faux ! On est les derniers en matière de réglementation thermique !

    M. Frédéric Falcon

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    Nous sommes juste en dessous de la Suisse. Le parc français est exceptionnellement en bon état.

    Mme Julie Laernoes

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    C’est de la démagogie sur le dos de l’écologie ! C’est irresponsable !

    M. Frédéric Falcon

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    Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de situations compliquées –⁠ il existe dans certaines villes des poches d’insalubrité dans lesquelles il faut rénover massivement. Mais arrêtez de dire que nous sommes les pires élèves de l’Union européenne.

    Mme Julie Laernoes

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    Parce que nous le sommes !

    M. Emeric Salmon

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    Taisez-vous !

    M. Frédéric Falcon

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    C’est faux, nous sommes de bons élève –⁠ vous pouvez hurler, madame Laernoes, cela ne changera absolument rien.

    Mme Julie Laernoes

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    Essayez de lire un rapport !

    M. Frédéric Falcon

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    Notre collègue Le Meur évoquait la proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété, qui sera inscrite à l’ordre du jour dans les semaines qui viennent. Rappelons que ce texte entérine le fait que les locataires pourront saisir un juge pour obliger leurs bailleurs à réaliser des travaux et à baisser le loyer.

    Mme Julie Laernoes

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    Incroyable ! Les locataires auront des droits opposables !

    M. Frédéric Falcon

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    Que pensez-vous qu’il se passera ? Les bailleurs vendront massivement leurs biens, ils se désengageront de l’investissement immobilier et ils donneront congé à leurs locataires –⁠ le risque contentieux, pour eux, c’est ce qu’il y a de pire. Regardez la réalité en face : nous sommes dans une période de crise budgétaire compliquée et nous n’avons pas les moyens de subventionner ces travaux. Laissons les propriétaires valoriser tranquillement leurs biens dans la durée, comme ils le faisaient avant la loi climat et résilience, et tout se passera très bien. C’est tout. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Julie Laernoes

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    Donc on tire un trait ! Cela va beaucoup améliorer les finances publiques !

    M. Inaki Echaniz

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    C’est une escroquerie !

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 2 rectifié.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        165
            Nombre de suffrages exprimés                164
            Majorité absolue                        83
                    Pour l’adoption                41
                    Contre                123

    (L’amendement no 2 rectifié n’est pas adopté.)

    Article 4

    M. le président

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    La parole est à Mme Béatrice Bellay, inscrite à l’article.

    Mme Béatrice Bellay

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    La liberté de fixer les loyers ne peut être un cheval de Troie du libéralisme sur des terres où la majorité de la population est vulnérable. Car c’est bien de cela dont il est question : en outre-mer, nous n’avons pas de problème d’attractivité, mais les règles du marché ne nous protègent pas. Elle nous écrasent, en particulier les familles, les jeunes et les mères seules, qui vivent avec des revenus deux à trois fois inférieurs à ceux de l’Hexagone, mais à qui l’on demande de supporter des loyers indexés sur la spéculation, le tourisme et l’avidité.
    Oui, l’encadrement des loyers est une urgence sociale et démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Dans nos territoires, qu’il s’agisse de Fort-de-France, de Pointe-à-Pitre, de Cayenne ou de Saint-Denis, le droit au logement est confisqué. Cette confiscation n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’un abandon progressif de l’État régulateur au profit d’un État comptable, qui laisse monter les prix –⁠ un État qui a exclu les outre-mer de la régulation. C’est un militantisme socialiste au Sénat qui nous permet de débattre et de voter aujourd’hui. (Mme Ayda Hadizadeh applaudit.)
    Alors que l’État se veut garant de la dignité, il ne peut ignorer que l’accès au logement digne est l’une des premières lignes de fracture des inégalités coloniales persistantes. Laisser les loyers flamber, c’est maintenir une population captive –⁠ de sa condition et d’un modèle économique qui enrichit les plus puissants et exclut les plus précaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Nous avons besoin de justice. L’encadrement des loyers n’est pas un luxe hexagonal ; c’est un acte de souveraineté sociale pour nos territoires, une mesure de réparation, un droit qu’il faut rétablir pour les pays des océans –⁠ un droit que nous réclamons. C’est mettre fin à la spéculation et à l’usucapion frauduleuse. Nous sommes des citoyens attachés à nos territoires –⁠ à nos terres – et nous exigeons d’être traités comme tels…

    M. le président

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    Je vous remercie.

    Mme Béatrice Bellay

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    …et d’être mis en condition de défendre avec chauvinisme notre droit à vivre dans nos territoires.
    Je vous invite donc à adopter conforme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Danielle Simonnet applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Nous voterons évidemment pour la proposition de loi. En vérité, quand on parle de pouvoir d’achat, la première question qui se pose est celle du logement, en outre-mer mais aussi à Paris ou en Picardie. Il faut le sortir en partie du marché et le réguler. Je profite de l’occasion pour interpeller le ministre des outre-mer sur un dossier connexe : le désordre foncier en Martinique. Cette expression un peu floue renvoie à une véritable spoliation, comme en témoigne l’histoire de la famille Bill, que je vais vous raconter.
    Cette famille est propriétaire depuis des décennies –⁠ elle m’a montré les vieux titres de propriété de sa ferme, des parchemins, qui datent des années 1920. En 2023, elle découvre que, d’un seul coup, elle n’est plus propriétaire car une autre propriété s’est installée sur son terrain. Se retrouvant complètement volée, elle fait appel à la justice, qui lui répond très rapidement puisque ce n’est que deux semaines après le dépôt de plainte, le 12 mars 2025, que le tribunal de Fort-de-France lui envoie un « avis de classement à victime », en d’autres termes un classement sans suite. Pour quelle raison ? D’après le procureur de la République, l’enquête n’a pas permis de déterminer les faits. Mais quelle enquête, en deux semaines ? Les Bill n’ont pas été interrogés –⁠ personne ne l’a été d’ailleurs, alors qu’il s’agit d’un dossier complexe.
    Je vous parle d’une famille, mais elles sont des centaines à être concernées. L’Association pour la Sauvegarde du patrimoine martiniquais Pamart (Assaupamar) a rassemblé au moins 400 dossiers, sans compter les milliers d’autres familles qui ne font pas appel à elle pour rétablir leur droit de propriété. Ces familles se retrouvent spoliées du lieu où elles habitent, des terres qu’elles cultivent, du jour au lendemain. Pour l’instant, la réaction de la justice française consiste à laisser faire.
    À travers vous, monsieur le ministre, c’est évidemment le garde des sceaux que j’interpelle. Y a-t-il une sous-justice pour la Martinique ou bien les Martiniquais ont-ils, eux aussi, le droit à une véritable justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Je serai brève car je sais à quel point le temps est précieux dans une niche parlementaire. Face à l’urgence sociale en outre-mer, il est très important que cette proposition de loi soit adoptée conforme, comme ce fut le cas en commission des affaires économiques. C’est un texte essentiel au regard de la part qu’occupent les loyers dans les dépenses en outre-mer. Monsieur le ministre, pour lutter contre la vie chère, il reste beaucoup à faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Je salue la sénatrice Bélim qui est présente. Je le rappelle, la vie est chère en outre-mer pour de multiples raisons et j’ai pris ce dossier à bras-le-corps. Il n’est pas facile à traiter car cela fait longtemps que les ultramarins attendent des dispositifs efficaces. La circulaire, les décrets et le projet de loi que je présenterai en conseil des ministres, en m’appuyant sur les travaux parlementaires, en particulier les propositions de loi Lurel au Sénat et Bellay à l’Assemblée nationale, ainsi que celle que vous allez adopter dans un instant, permettront je l’espère de renforcer grandement les contrôles et la transparence, même si l’essentiel est de sortir ces territoires d’une économie de comptoir et d’élaborer des projets qui se fondent sur une vraie stratégie économique pour chacun d’entre eux.
    Vous l’avez dit, les dépenses de logement pèsent énormément sur les foyers ultramarins. Le travail qui a été fait aujourd’hui me paraît essentiel. Il ne réglera pas tout –⁠ il n’y a pas de recette magique –, mais il marque une avancée concrète, grâce au travail transpartisan mené au Sénat. La proposition de loi adoptée par le Sénat ouvre l’expérimentation de l’encadrement des loyers en zones tendues dans les outre-mer, simplifie les normes de construction et des matériaux, met fin à des aberrations que chacun a pu souligner, et valorise les filières et les productions locales. En adoptant ce texte, vous ferez œuvre utile. Je m’engage à ce qu’il s’applique le plus rapidement possible –⁠ c’était la demande de plusieurs des orateurs – et à ce qu’il trouve une traduction concrète.
    Monsieur Ruffin, vous m’avez interpellé sur le foncier en Martinique. Même si je ne peux pas vous répondre concernant les situations individuelles, il est incontestable que certaines sont anormales, voire scandaleuses. J’ai confié, début janvier, à Marc Vizy, ancien préfet et ancien ambassadeur qui connaît très bien les outre-mer pour avoir été le conseiller de plusieurs ministres et d’un président de la République sur ces sujets, et pour avoir même été préfet en outre-mer, la mission d’aller plus loin et d’examiner les dispositifs prévus par la loi du 27 décembre 2018, dite loi Letchimy. Ce travail, qui doit être terminé et transmis en juillet, nous permettra, je l’espère, de mieux répondre aux situations que vous avez évoquées. Je ne manquerai pas de prendre contact avec vous, qui avez manifesté de l’intérêt pour ces questions –⁠ vous étiez présent sur place il y a peu.

    (L’article 4 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)

    Explications de vote

    M. le président

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    La parole est à Mme Annaïg Le Meur.

    Mme Annaïg Le Meur (EPR)

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    Ce texte met fin à l’anomalie que représente l’exclusion des territoires ultramarins de l’expérimentation de l’encadrement des loyers prévue par la loi Elan. C’est une juste réparation que de permettre aux territoires d’outre-mer d’y recourir, eu égard au coût de la vie. Il corrige une incohérence liée au marquage CE des matériaux –⁠ il a fallu en importer de Lettonie. Je me réjouis à l’idée d’un vote conforme visant à accélérer la procédure législative. Nous avons eu la chance d’œuvrer ensemble à l’adoption de la proposition de loi. Nous voterons pour, bien évidemment, et nous vous encourageons à apporter votre contribution au travail de la mission flash sur l’évaluation de l’expérimentation de l’encadrement des loyers, dont je suis rapporteure.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR)

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    Je me réjouis que nous ayons de temps en temps des moments comme celui-ci, où nous arrivons à échanger, à débattre et même à nous entendre pour aller le plus vite possible. Avec cette proposition de loi qui permet plus de justice sociale, nous sommes totalement à l’écoute des territoires. Le groupe Horizons & indépendants votera pour le texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        172
            Nombre de suffrages exprimés                169
            Majorité absolue                        85
                    Pour l’adoption                169
                    Contre                0

    (La proposition de loi est adoptée.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR, EcoS, Dem et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à douze heures vingt.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    3. Accorder le versement des allocations familiales dès le premier enfant

    Discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Édouard Bénard et plusieurs de ses collègues visant à accorder le versement des allocations familiales dès le premier enfant (nos 1342, 1473).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. Édouard Bénard, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Édouard Bénard, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    J’ai l’honneur de vous présenter une proposition de loi défendue par notre groupe de la Gauche démocrate et républicaine, visant à accorder le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Après un premier texte que j’avais déposé l’année dernière, à l’occasion déjà de notre niche parlementaire, visant spécifiquement les familles monoparentales, c’est en toute logique que je soumets à vos voix cette proposition de loi visant toutes les familles.
    Ce texte, adopté par une large majorité en commission, répond à une exigence de justice, d’efficacité et d’adaptation aux réalités sociales de notre temps. Il s’agit d’une mesure simple, mais profondément significative : reconnaître que chaque enfant mérite le même accompagnement, quelle que soit sa place dans la fratrie. Loin d’un ajustement technique, c’est un choix politique clair, qui consiste à réaffirmer que notre République a le devoir d’accompagner toutes les familles, sans exception.
    Quand le troisième enfant a longtemps été vu comme une frontière compliquée à traverser, le grand saut dans l’existence réside maintenant surtout dans l’arrivée du premier. Voilà comment Julien Damon décrit les nouvelles compositions familiales dans son ouvrage Les batailles de la natalité. Aujourd’hui, les allocations familiales ne sont versées qu’à partir du deuxième enfant, à l’exception des départements d’outre-mer et de deux collectivités d’outre-mer. Ce seuil, établi dans un tout autre contexte, ne correspond plus à la structure actuelle des familles.
    Plus d’un tiers des familles françaises ont un enfant unique. De manière tendancielle, les familles accueillent de moins en moins d’enfants. Depuis 1975, la part des familles comptant un ou deux enfants a progressé de plus de 29 % alors que celles en comptant quatre et plus a diminué de près de la moitié sur la même période. C’est d’autant plus vrai pour les familles monoparentales, dont une sur deux compte un enfant unique. Pour l’année 2024, les naissances de premiers-nés représenteraient 283 000 naissances sur un total de 663 000, soit 42,5 %.
    Si je tiens d’emblée à préciser qu’il n’y a pas de lien direct entre le système des allocations familiales et la situation démographique actuelle (M. Louis Boyard applaudit), nous ne pouvons que constater collectivement une corrélation entre la réduction des fratries et le fait de verser les allocations familiales seulement à compter du deuxième enfant, alors même que la naissance du premier implique, tout autant que les suivants, de nombreux coûts financiers.
    En effet, nous savons bien que les coûts liés à l’arrivée du premier enfant sont considérables : logement, garde, alimentation, perte de revenus… Selon l’Insee, une naissance entraîne une perte de niveau de vie pouvant aller jusqu’à 11 % pour les parents : ce n’est pas négligeable. Pourtant, il y a un trou dans la raquette : aucune aide familiale spécifique ne vient soutenir les parents entre les trois ans de l’enfant –⁠ âge où s’arrête la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) – et son entrée à l’école primaire, moment où commence l’allocation de rentrée scolaire (ARS).
    En maintenant le seuil actuel, nous entretenons un système qui, de fait, exclut une partie croissante des familles du bénéfice de la solidarité nationale. Il s’agit donc là d’une mesure sociale et universelle. Notre objectif est clair : ouvrir les allocations familiales à toutes les familles, dès le premier enfant, sans condition de rang. C’est une mesure de justice sociale, vous disais-je, car elle corrige une inégalité de traitement. Mais c’est aussi une mesure d’universalité.
    Nous sommes profondément attachés à ce principe républicain d’universalité des droits, qui est le ciment de notre cohésion nationale. Il garantit que chacun, quels que soient son parcours, son revenu et sa situation familiale, peut bénéficier du même accompagnement public. Il protège contre le sentiment, de plus en plus exprimé, d’être laissé de côté par les politiques sociales. Et pour cause...
    Historiquement, les allocations familiales étaient versées pour chaque enfant. Ce n’est qu’en 1939 que le seuil du deuxième enfant a été institué. Nous proposons tout simplement un retour à cette logique initiale, fondée sur une solidarité horizontale, entre ménages avec et sans enfants, et sur une égalité de traitement entre tous les enfants.
    Notre proposition s’inscrit aussi dans une volonté d’agir concrètement pour soutenir les parents, notamment les jeunes foyers souvent confrontés à des conditions économiques difficiles au moment de fonder une famille. Ce soutien est d’autant plus nécessaire que l’on observe aujourd’hui un décalage entre le désir d’enfant –⁠ stable, autour de 2,2 enfants – et la réalité des naissances, avec un taux de fécondité historiquement bas de 1,62 en 2023.
    Il ne s’agit pas d’un projet nataliste, mais d’une réponse sociale. La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) nous l’a rappelé : les prestations familiales influencent davantage le moment où l’on choisit d’avoir un enfant que la décision d’en avoir un. C’est donc bien un levier utile pour permettre aux familles de concrétiser leur projet de vie, sans pression ni contrainte économique. La Cnaf a également indiqué, lors de son audition, que les allocations familiales agissent davantage sur la temporalité de l’arrivée du premier enfant que sur le désir d’enfants.
    Or agir sur l’âge de la première maternité est essentiel à la fois pour laisser la possibilité, à ceux qui le souhaitent, d’avoir d’autres enfants et pour lutter contre l’infertilité, qui touche un couple sur quatre et qui s’accentue avec l’âge des parents.
    Comme je l’ai dit précédemment, l’arrivée d’un enfant dans une famille, si elle n’a pas de prix, génère des coûts importants pour les jeunes parents. Depuis 2016, en effet, on assiste à un décrochage des prestations familiales par rapport au coût de la vie. Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) l’a d’ailleurs estimé, pour la période entre avril 2021 et mars 2025, à 490 euros.
    Certains évoqueront légitimement le coût de cette réforme. Nous n’éludons pas la question, mais il faut la reposer dans son contexte. D’abord, la branche famille de la sécurité sociale est excédentaire –⁠ à hauteur de 1,1 milliard d’euros pour 2024. Ensuite, elle a vu ses marges réduites par le transfert de 2,1 milliards d’euros à la branche maladie pour financer le congé maternité. Enfin, les exonérations de cotisations sociales pour les employeurs –⁠ près de 9,5 milliards d’euros en 2023 – pèsent lourdement sur le financement de notre modèle social.
    La vérité est simple : nous avons les moyens de financer cette mesure. Il suffit de considérer les allocations familiales comme un investissement et non comme une charge : un investissement dans l’égalité, dans la stabilité des parcours familiaux et dans la cohésion sociale de notre pays.
    D’autres, à l’inverse, trouveront ce projet trop minimaliste. Notre proposition de loi est volontairement ciblée. C’est un premier pansement, un petit pas –⁠ et je crois aux victoires par petits pas. Elle ne règle pas tous les problèmes du système, mais elle ouvre un débat de fond. C’est pourquoi deux rapports ont été demandés en commission, l’un pour mesurer les effets de cette proposition sur la précarité familiale, l’autre pour évaluer les perspectives d’une réforme plus globale vers un système universel et accessible à tous, sans baisse des montants. Ces travaux nous permettront d’aller plus loin, pour un véritable droit universel aux allocations familiales dès la naissance et jusqu’à l’autonomie réelle des enfants.
    Cette proposition de loi répond à une réalité sociale et à une attente largement partagée. Elle est soutenue par de nombreuses associations familiales et par nos concitoyens. Je me réjouis que de plus en plus de travaux portent sur une réforme de l’architecture globale de nos politiques familiales, à l’instar de ceux présentés lors de la niche du groupe Les Démocrates, avec la proposition de loi de notre collègue Mme Bergantz –⁠ dont je salue le travail –, visant à simplifier et à réorienter la politique familiale vers le premier enfant, qui n’avait pas pu être débattue dans l’hémicycle. Lors de son examen en commission, avait d’ailleurs été adopté un amendement qui dispose que la nation réaffirme le caractère universel des allocations familiales et se donne pour objectif d’ouvrir le bénéfice des allocations familiales dès le premier enfant.
    Nous partageons tous la responsabilité de faire évoluer notre politique familiale vers plus d’équité, de justice et d’efficacité. Ce texte nous en donne l’occasion. Ne nous contentons pas d’afficher un objectif. Faisons un pas concret et faisons le choix d’une République qui soutient, qui accompagne et qui protège toutes ses familles, dès le premier enfant. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP. –⁠ M. François Ruffin applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap

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    L’intention de cette proposition de loi est louable et partagée : il s’agit de soutenir la capacité des familles à réaliser leur désir d’enfant et de lutter contre la pauvreté infantile. Ces objectifs ont toujours été au cœur de notre politique familiale, qui est un pilier de la solidarité nationale et qui mobilise légitimement des moyens considérables chaque année : 60 milliards d’euros sont consacrés à la branche famille de la sécurité sociale, 40 milliards d’euros supplémentaires sont mobilisés sous forme de dispositifs fiscaux ou connexes. Selon le périmètre retenu, entre 2,7 % et 4,7 % du PIB sont alloués à notre politique publique familiale : c’est l’un des niveaux les plus élevés d’Europe et c’est un choix assumé.
    Pourtant, beaucoup de Français expriment le désir d’être parents sans pouvoir le concrétiser et les naissances ont diminué ces dernières années : c’est là que se situe notre responsabilité collective.
    S’agissant de l’objectif de lutte contre la pauvreté infantile et de la question du revenu des familles, vous considérez, monsieur le rapporteur, que votre proposition de loi s’inscrit dans une logique de solidarité et de redistribution. Toutefois, il me semble important de préciser que si les familles avec un enfant ne sont pas éligibles aux allocations familiales, elles restent soutenues par le système socio-fiscal grâce à un grand nombre de dispositifs : d’autres prestations familiales, pour l’essentiel sous conditions de ressources, comme l’allocation de base de la Paje, l’allocation de rentrée scolaire et l’allocation de soutien familial ; des suppléments liés à leur enfant dans les prestations de solidarité, notamment le RSA ou la prime d’activité ; la prise en compte de leur premier enfant dans le calcul de l’impôt sur le revenu, avec le quotient familial.
    Contrairement à l’objectif recherché par cette proposition de loi, l’extension des allocations familiales au premier enfant n’aurait aucun effet redistributif pour les familles les plus modestes.

    M. Louis Boyard

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    Ah !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Les achats, c’est dès le premier enfant !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Mécaniquement, le versement d’allocations familiales serait absorbé par une réduction à due proportion du RSA ou de la prime d’activité. Je sais que ce n’est pas votre objectif.
    Par ailleurs, cette mesure aurait un coût très élevé –⁠ vous le chiffrez vous-même à plus de 3 milliards d’euros par an – et profiterait davantage aux familles plus aisées. Chacun ici sait que la trajectoire financière de notre modèle de sécurité sociale ne nous permet pas de mettre en place une telle mesure, si ce n’est dans le cadre d’une réforme majeure prévoyant également de réaliser des économies. Nous pouvons avancer ensemble pour adapter aux nouvelles réalités notre système socio-fiscal de soutien à l’entretien de l’enfant, nous pouvons réfléchir à l’ouverture des allocations familiales au premier enfant dans ce cadre, mais nous devons faire preuve de responsabilité et prendre en considération le contexte financier.
    En outre, l’investissement dans les dispositifs de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale semble avoir un effet plus certain sur la réalisation du désir d’enfant que le soutien à l’entretien de l’enfant.

    M. Emmanuel Maurel

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    Cela reste à prouver !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Alors que les dispositifs d’accueil du jeune enfant ne couvrent que 60 % des besoins théoriques, le gouvernement agit déjà par le déploiement du service public de la petite enfance (SPPE)…

    M. Louis Boyard

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    Quelle blague !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    …et par la revalorisation des métiers du secteur, laquelle doit permettre de renforcer l’attractivité des carrières et l’offre d’accueil. La trajectoire financière de la branche famille vise la création de 35 000 places supplémentaires en crèche d’ici 2027 ; je remercie les maires qui s’engagent dans cette dynamique essentielle à l’avenir de la nation comme à l’attractivité de leur territoire. Dès septembre 2025 s’appliquera la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui diminuera le reste à charge des familles modestes pour l’accès aux assistantes maternelles et prolongera le bénéfice du dispositif –⁠ il concerne actuellement les enfants de moins de 6 ans – jusqu’à l’âge de 12 ans pour les enfants élevés par une famille monoparentale. Tous ces dispositifs de soutien à la garde d’enfant concernent évidemment l’ensemble des familles dès le premier enfant et constituent un facteur d’égalité essentiel entre les femmes et les hommes.
    Pour toutes ces raisons, le gouvernement émet un avis défavorable sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Soumya Bourouaha.

    Mme Soumya Bourouaha

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    Nous avons aujourd’hui l’occasion de débattre d’une proposition de loi qui touche au cœur du pacte républicain : la solidarité envers les familles et, plus largement, la conception que nous nous faisons de la justice sociale en matière de politique familiale.

    M. Emmanuel Maurel

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    Très bien !

    Mme Soumya Bourouaha

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    Oui, la baisse de la natalité, alors même que le désir d’enfants ne diminue pas, soulève des questions majeures. L’enquête réalisée en 2023 pour l’Union nationale des associations familiales (Unaf) analyse les différents freins expliquant que l’indice de fécondité des femmes soit de 1,62, alors que les couples désireraient en moyenne avoir 2,27 enfants. Néanmoins, soyons clairs, cette proposition de loi n’a pas pour objectif un quelconque « réarmement démographique ». Je veux saluer le travail de qualité effectué par M. le rapporteur Édouard Bénard qui défendait déjà l’an dernier, lors de notre journée d’initiative parlementaire, cette mesure alors circonscrite aux familles monoparentales.
    La proposition de loi ne s’inscrit pas dans une logique nataliste mais dans celle d’un progrès social attendu. La position historique de notre groupe consiste à défendre une politique familiale émancipatrice centrée sur les besoins des familles, non sur des objectifs démographiques instrumentalisés. Par ce texte, nous visons à terme le rétablissement de l’universalité qu’avaient les allocations familiales lorsqu’elles ont été instaurées en 1945. L’universalité des allocations familiales, c’est un acquis fondamental du modèle social français issu des combats du Conseil national de la Résistance (CNR), c’est un des piliers de la sécurité sociale. Y renoncer, comme cela a été fait en 2015, c’est rompre avec l’ambition fondatrice d’une solidarité nationale inconditionnelle. Il faut revenir, in fine, sur cette réforme de 2015 qui a fait l’erreur de mettre fin à ce modèle (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Elsa Faucillon applaudit également) et de moduler le montant des allocations en fonction des revenus de la famille. Deux plafonds de ressources ont alors été instaurés ; le montant des allocations est divisé par deux lorsque les revenus se situent entre le premier et le second plafond et par quatre lorsqu’ils dépassent le second plafond.
    Certes, la proposition de loi ne supprime pas encore formellement le mécanisme de modulation. Toutefois, en rétablissant le droit universel aux allocations dès le premier enfant, elle marque une étape décisive vers la sortie de cette logique injuste que les communistes n’ont cessé de combattre depuis son instauration. Elle amorce un basculement politique qu’il faudra poursuivre lors de l’examen des prochains textes budgétaires pour rétablir l’universalité pleine et entière.
    En commission des affaires sociales, vous avez été nombreux et nombreuses à reconnaître le bien-fondé de cette perspective mais à vous y opposer en raison de son coût financier. Nous ne partageons absolument pas ce point de vue. Cette mesure ne saurait être résumée à un coût, encore moins à une charge ; elle est un investissement dans la solidarité nationale, un investissement dans l’enfance, un investissement dans l’avenir.

    M. Emmanuel Maurel

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    Absolument !

    Mme Soumya Bourouaha

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    Elle bénéficierait à chaque famille, quel que soit le nombre d’enfants et quel que soit leur rang au sein de la fratrie. En effet, nos modèles familiaux ont évolué. En 2021, 3,5 millions de familles comportaient un enfant unique. Par ailleurs, le nombre de familles monoparentales, qui n’ont souvent qu’un seul enfant et qui se distinguent par des conditions de vie plus précaires que la moyenne, va croissant : ce cas de figure concerne désormais une famille sur quatre. Nous ne pouvons détourner le regard de cette réalité, ni tourner le dos à ces familles. C’est précisément à elles que cette réforme apporte une première aide concrète.
    Il est temps de réformer l’architecture des allocations familiales, en commençant par adopter cette mesure qui s’applique déjà dans les territoires ultramarins. L’argument financier ne tient pas : des moyens pour mettre en œuvre ce texte, il y en a ! En voici quelques exemples. Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, notre groupe a déposé un amendement visant à supprimer les exonérations de cotisations sociales sur les salaires dépassant deux smics. Parmi la masse des niches sociales, évaluées à plus de 90 milliards d’euros par la Cour des comptes, les exonérations de cotisations sur les revenus supérieurs à deux smics –⁠ plus de 2 700 euros net – font partie des plus inutiles. Elles sont d’autant plus injustifiables qu’elles coûtent cher : 8 milliards d’euros. Par contraste, cette mesure coûterait 3 milliards, elle est donc largement finançable. Nous avons également proposé de limiter le champ d’application de l’allègement de cotisations patronales familiales. En effet, ce dispositif qui s’applique désormais aux rémunérations jusqu’à 3,3 smics est inefficace du point de vue de la création d’emplois et de la compétitivité. Il est également coûteux pour les finances sociales, car il entraîne une perte de recettes considérable pour la branche famille.
    Dans ces conditions, il ne tient qu’au gouvernement de lever le gage de cette proposition de loi et d’engager dans le cadre du PLFSS pour 2026, voire dans celui d’un PLFSS rectificatif pour 2025, les mesures qui permettront une plus grande justice sociale à l’égard des familles. Cela suppose de mettre fin à l’hypocrisie budgétaire qui consiste à brandir l’argument du coût tout en multipliant les exonérations sociales sans effet prouvé.
    Cette proposition de loi se veut enfin une réponse à la pauvreté infantile, qui a augmenté de 10 % au cours des sept dernières années et avoisine les 20 %. Elle concerne donc près d’un enfant sur cinq. C’est inacceptable et nous devons réagir.
    Depuis toujours, nous combattons la logique de la modulation parce qu’elle fragmente, divise et oppose les familles entre elles, parce qu’elle attaque le principe même d’universalité. Le texte ne marque pas encore la fin de cette logique, mais il en trace clairement l’horizon. C’est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine vous invite à voter pour cette proposition de loi, pour les familles et pour la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS. –⁠ M. le rapporteur applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Fayssat.

    M. Olivier Fayssat

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    Une nation sans enfants est une nation sans avenir. Cette vérité n’est pas une formule, c’est un rappel. Un rappel historique, d’abord : la politique familiale fut longtemps une fierté française. De la loi Landry de 1932 aux grandes réformes du Conseil national de la Résistance, notre pays avait compris qu’investir dans la natalité, c’était préparer sa force démographique, son modèle social et sa souveraineté. Un rappel républicain, ensuite : la République repose sur la transmission des valeurs, du savoir, de la citoyenneté. Cette transmission commence dans les familles. Ce sont elles qui, chaque jour, sans reconnaissance suffisante, construisent la cohésion nationale à partir de la cellule familiale. Un rappel d’urgence, surtout : en 2023, le taux de fécondité en France est tombé à 1,68 enfant par femme. Pour la première fois depuis la Libération, la France n’assure plus son renouvellement générationnel. Pendant ce temps, l’Allemagne, la Pologne, la Hongrie ou encore l’Italie agissent, investissent, reconstruisent leur politique familiale comme une politique stratégique. Dans ce contexte, cette proposition de loi, qui vise à ce que les allocations familiales soient versées dès le premier enfant, prend tout son sens.
    Je tiens à saluer les amendements déposés par Éric Michoux, qui visent à enrichir le texte sur deux plans essentiels : l’exigence d’évaluation d’impact et l’exploration de financements alternatifs, notamment la révision du quotient familial et la modulation des exonérations de cotisations.
    Cette proposition est plus qu’un simple mécanisme de redistribution : elle redonne du sens. Ce que nous offrons comme droit, nous devons aussi l’attendre comme devoir. À l’heure où le pays s’interroge légitimement sur la responsabilité pénale des parents, après des émeutes lors desquelles trop de mineurs se sont trouvés hors de tout cadre, il est temps d’affirmer que le soutien aux familles ne peut être déconnecté de l’exigence de responsabilité éducative. C’est un rappel moral et républicain. Le pacte social ne tient que si les droits sont liés aux devoirs –⁠ les devoirs d’éduquer, d’accompagner, de transmettre.
    Soutenir la natalité, oui, mais dans un cadre exigeant, structurant, clairement articulé autour de la cohésion nationale. Il ne s’agit pas de récompenser la parentalité, mais de réinvestir la famille comme acteur central de la République ; la famille qui donne la vie, mais qui prépare aussi les consciences ; celle qui élève des enfants, mais qui forme surtout des citoyens.
    Ce texte est équilibré, lisible, ancré dans la réalité. Il assume une ambition nataliste sans verser dans la démagogie. Il réconcilie efficacité budgétaire, justice sociale et exigence républicaine. Le soutenir, c’est honorer les familles, mais c’est surtout honorer la République. Le groupe UDR votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Angélique Ranc.

    Mme Angélique Ranc

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    Nous saluons l’initiative qui consiste à répondre, par ce texte, à une attente légitime des familles : celle d’un meilleur accompagnement dès le premier enfant. À l’heure où la natalité française atteint son plus bas niveau depuis la seconde guerre mondiale, il est en effet urgent de redonner à chaque famille les moyens concrets pour parvenir au nombre idéal d’enfants sans contrainte financière immédiate. Cependant, ce seul texte ne suffira pas à inverser le déclin démographique ni à rendre justice aux familles françaises. L’enjeu actuel exige une politique familiale globale et ambitieuse, structurée autour de trois piliers : la reconnaissance, la justice et la responsabilité.
    Reconnaissance, d’abord, pour l’effort que représente la fondation d’une famille dans la société actuelle. Trop souvent, les familles sont traitées comme une charge budgétaire, alors qu’elles devraient être considérées comme un véritable trésor national. Nous regrettons ainsi que cette proposition de loi fasse l’impasse sur le relèvement du plafond du quotient familial, abaissé arbitrairement en 2013. À cet égard, l’article 1er  bis introduit en commission, visant la remise d’un rapport par le gouvernement, souffre d’une erreur de perspective. Il évoque certes l’idée d’un retour à l’universalité des allocations familiales, mesure que nous soutenons depuis longtemps, mais il remet aussi en cause le quotient familial. Or ces deux mesures sont complémentaires : l’une est une prestation directe, reconnaissant la charge financière objective de l’enfant, l’autre une mesure fiscale qui prend en compte la capacité contributive des familles. Le groupe Rassemblement national, pour sa part, est partisan d’un redressement du seuil du quotient à 2 000 euros et de son indexation sur l’inflation.
    Justice, ensuite, dans la redistribution des prestations. À l’heure où les finances publiques sont sous tension, nous avons la responsabilité de cibler les allocations sur ceux qui participent effectivement à l’effort national. C’est tout le sens de notre amendement visant à réserver le bénéfice des allocations familiales aux familles dont au moins l’un des deux parents est de nationalité française, ou à défaut, cotise. Il est temps de réaffirmer le principe de réciprocité entre droits et devoirs : les prestations financées par la solidarité nationale doivent revenir prioritairement à ceux qui y contribuent. (M. Jean-Paul Lecoq s’exclame.)
    Responsabilité, enfin, face à la montée de la fraude sociale, mais également de la délinquance juvénile. Les chiffres permettant d’évaluer la fraude sociale sont sans appel, car ils montrent une augmentation de 20 % pour les prestations familiales par rapport à l’année passée. C’est là un signal d’alarme : la fraude n’est plus un phénomène marginal, mais un système organisé, souvent transnational, qui détourne nos dispositifs au détriment des familles françaises. Devant l’explosion de la délinquance juvénile, il est important de rétablir l’autorité parentale et de responsabiliser les familles, afin que des scènes d’émeutes, telles que la France en a connu suite à la victoire du Paris Saint-Germain le week-end dernier, ne se renouvellent pas. À cette fin, les Français attendent des réponses fermes ; ils veulent notamment que l’État suspende les allocations familiales pour les parents de mineurs criminels ou délinquants récidivistes. (M. Louis Boyard s’exclame.)
    Pour terminer, je note qu’aucune réponse sérieuse n’est apportée dans cette proposition de loi à la réalité sociale que vivent les jeunes parents, qui se caractérise par des difficultés d’accès au logement, par un manque criant de modes de garde et par la difficulté à concilier la vie professionnelle et la vie familiale, en particulier pour les mères. Là encore, nos concitoyens attendent des engagements concrets au-delà des mesures financières.
    Alors, chers collègues, en dépassant le cadre étriqué de ce texte, nous porterions enfin la voix de millions de Français qui aspirent à élever leurs enfants dignement, dans une société qui reconnaît leur place. Pour nous guider, nous devons prendre pour boussole le bon sens, le respect des efforts, la solidarité assumée, mais aussi la responsabilité. Il faut que la politique familiale redevienne le socle d’un projet de civilisation, d’une France qui choisit de transmettre, de construire et de protéger. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Joséphine Missoffe.

    Mme Joséphine Missoffe

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    Les allocations de la Caisse nationale des allocations familiales sont au cœur de notre modèle de sécurité sociale et de politique familiale. Elles sécurisent les parents et les enfants en visant une justice sociale qui doit protéger toutes les familles selon leurs besoins, en prenant en considération ce qu’elles sont réellement. Pour perpétuer ces principes et objectifs auxquels notre groupe est profondément attaché, il est nécessaire de transformer nos systèmes sociaux en fonction de l’évolution des familles et de notre dynamique démographique. Mais pour que cela marche encore longtemps, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une attention rigoureuse à notre réalité budgétaire.
    Depuis que j’ai rejoint l’Assemblée nationale, c’est le troisième texte que nous étudions sur ce sujet. Cela envoie un signal clair : nous sommes tous ici convaincus que nous devons remettre la parentalité dans le champ des possibles, pour tous les Français, quels que soient leurs revenus, leur situation conjugale ou le nombre de leurs enfants. Notre modèle de soutien aux familles ne doit s’éloigner ni des réalités ni de ses objectifs. La parentalité ne doit devenir ni un luxe ni un privilège. Même si de nombreuses études laissent à penser que cette proposition de loi aura peu d’effet incitatif sur la natalité du pays, elle repose sur l’objectif partagé de mieux soutenir les familles et les familles en devenir.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est un début !

    Mme Joséphine Missoffe

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    Cependant, dans le contexte budgétaire actuel, nous ne pouvons ignorer que l’impact financier d’une telle mesure s’élèverait d’emblée à plusieurs milliards d’euros.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    C’est raisonnable, bravo !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Le coût de deux bombes atomiques, ça suffit !

    Mme Joséphine Missoffe

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    Certains amendements déposés en séance visent à trouver un compromis en ouvrant d’abord cette allocation premier enfant pour les âges et les ménages qui en ont le plus besoin. Cette voie, celle de l’efficacité et de la justice, nous permettra peut-être de tomber d’accord en conciliant la contrainte budgétaire et la mission d’offrir à chacun la chance de la parentalité. Les allocations sont une prestation familiale parmi d’autres, et le groupe Ensemble pour la République prône plutôt un regard critique et réformateur vis-à-vis du système dans son ensemble, afin de le rendre enfin réellement plus simple et plus efficace.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est jamais rassurant, quand vous faites ça !

    Mme Joséphine Missoffe

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    Ainsi nous soutenons globalement la demande de rapport parlementaire inscrite dans ce texte. Mais au-delà, nous restons convaincus qu’une politique familiale et nataliste puissante ne se limite pas à ces prestations. Pour que la parentalité redevienne une source d’épanouissement, notre politique familiale doit être ambitieuse et globale, dans l’esprit de la politique des 1 000 jours ou du service public de la petite enfance. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ Mme Anne Bergantz applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Ersilia Soudais.

    Mme Ersilia Soudais

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    Nous saluons l’initiative de déposer cette proposition de loi qui vise à corriger une injustice. Lors de leur création en 1932, les allocations familiales étaient versées dès le premier enfant, cependant rapidement le choix a été fait en France d’aider davantage les familles lorsqu’elles devenaient nombreuses. L’objectif n’était plus de diminuer les charges liées à l’enfant mais de faire primer une vision nataliste. Cette proposition de loi est d’autant plus importante que le schéma familial ne cesse d’évoluer en France et que les familles composées d’un enfant unique sont de plus en plus nombreuses. Elles représentaient 36,2 % des familles en 2020. Le modèle de l’enfant unique pourrait perdurer au regard de la baisse de la fécondité, que l’on évalue à présent à 1,62 enfant par femme. Nous saluons donc à nouveau cette initiative qui s’inscrit dans l’air du temps.
    Cependant, ce texte comporte des angles morts. Il nous paraît impératif d’alerter sur l’importance de préciser les modalités de l’extension des allocations au premier enfant. Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi, si elle est déployée à enveloppe budgétaire constante, pourrait avoir des retombées catastrophiques, car elle priverait de nombreuses familles d’aides suffisantes. Déjà, en 2015, une prétendue mesure sociale instaurait l’injuste quotient familial. Or, le principe d’universalité est indissociable d’une sécurité sociale forte, qui protège l’ensemble de la population contre l’ensemble des risques sociaux. La modulation selon le revenu a créé un fossé entre les foyers modestes et les foyers aisés et elle a affaibli notre système de protection sociale. C’est pourquoi nous voulons que chacun cotise en fonction de ses revenus et reçoive des prestations en fonction de ses besoins. Des économistes en faveur de la suppression du quotient familial comme Christiane Marty proposent de réinvestir cette dépense fiscale dans les prestations familiales universalisées.
    En attendant, le Rassemblement national s’abrite derrière cette proposition de loi pour développer ses propos nauséabonds et ses obsessions racistes. Le RN aimerait que toutes les allocations soient réservées aux familles dont au moins l’un des deux parents est français –⁠ et ses députés osent dire que ce serait une mesure de justice ! C’est aussi indécent qu’orwellien. Cette demande de préférence nationale, d’autant plus ridicule qu’on sait que les règles pour percevoir le versement des allocations familiales répondent à des critères stricts, les dispense de s’attaquer aux vrais problèmes.
    Même si l’indicateur de fécondité est de 1,62 par femme, le désir d’enfants, lui, ne diminue pas et s’élève à 2,2 enfants par couple. L’une des causes principales de cet écart est l’infertilité des couples. Ce facteur prend une autre dimension dès lors qu’on sait que les pollutions environnementales en sont la première raison. La réautorisation de pesticides interdits, la pollution de l’eau et la contamination aux polluants éternels saccagent non seulement l’environnement mais aussi nos corps. Les substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS), appellation qui regroupe des milliers de substances chimiques, sont présentes dans de nombreux objets du quotidien, se diffusent dans l’eau, les sols, l’air, et contaminent les organismes vivants, dont l’être humain.
    Le texte de loi écologiste restreignant la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS a été approuvé en février dernier, mais il ne va pas assez loin. Plusieurs sites sont touchés par la pollution des PFAS. Ainsi, à La Ferté-sous-Jouarre, en Seine-et-Marne, des prélèvements réalisés en 2020 sur les eaux de surface de la Marne ont révélé des concentrations de 136,7 nanogrammes par litre, un chiffre 13 fois supérieur à la norme de sécurité correspondant aux limites jugées sûres pour la santé humaine. De nombreuses études épidémiologiques montrent l’impact dévastateur des PFAS sur la santé : en plus de la baisse de la fertilité, ils génèrent cancers, troubles hormonaux et maladies cardiovasculaires. Selon Le Monde, environ 2 millions de Français sont déjà affectés par ces substances.
    Une fois l’obstacle de l’infertilité franchi pour les couples qui désirent des enfants, il demeure que la logique d’aide aux familles, avec le versement des allocations familiales dès le premier enfant, ne suffirait pas à diminuer le décrochage de niveau de vie des foyers accueillant un premier enfant. En effet, la vie est chère. La naissance d’un enfant transforme la vie des ménages. Ceux qui sont concernés par la naissance d’un premier enfant perdent 2 à 11 % de leur niveau de vie entre l’année précédant la naissance et celle lui succédant. Les charges financières liées à l’éducation et au mode de garde explosent. Selon l’Unaf, le reste à charge annuel d’un couple de classe moyenne, toutes aides déduites, pour faire garder un jeune enfant par assistante maternelle a augmenté de 604 euros, et pour les crèches, de 328 euros. Cela représente un budget conséquent pour les familles modestes. Ces chiffres sont d’autant plus éloquents que quatre parents sur dix estiment qu’ils n’ont pas bénéficié d’un soutien suffisant du fait de la politique familiale à l’arrivée de leur premier enfant. Permettre aux femmes et aux couples de choisir librement d’avoir ou non des enfants, c’est ne pas laisser les contraintes budgétaires décider à leur place. De plus, comment bien s’occuper de ses enfants lorsque l’équilibre entre temps professionnel et temps personnel ne cesse de pencher en faveur du travail, quand les 35 heures et la réduction du temps de travail sont remises en cause, quand les moyens pour la petite enfance sont encore insuffisants, quand la possibilité même de confier les enfants aux grands-parents est en péril avec le retardement de l’âge légal de départ à la retraite et l’allongement de la durée de cotisation ? Nos enfants ont besoin d’une société anticapitaliste, non pas d’une société xénophobe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Karine Lebon applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj

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    Je voudrais vous parler d’une injustice silencieuse, qui ne fait pas la une des journaux, mais qui touche des millions de familles dans notre pays : le refus de verser des allocations familiales dès le premier enfant. En 2025, une mère ou un père qui accueille son premier enfant ne reçoit aucune allocation familiale, rien, comme si élever un enfant seul coûtait moins cher, comme si les efforts ne commençaient qu’avec le deuxième enfant. Permettez-moi de vous poser cette question simple : à partir de combien d’enfants commence la parentalité ?
    Ce débat n’est pas seulement budgétaire ou technique, même si on voudrait nous enfermer dans ce cadre ; il engage un choix de société. Il touche à deux des principes fondamentaux de notre République, l’universalité des droits et l’égalité républicaine. L’universalité, qui a été amplement évoquée ce matin, est l’un des plus beaux mots du pacte républicain. Nous l’avons toujours défendu, au diapason des pères fondateurs de la sécurité sociale. Souvenez-vous du fameux alinéa du programme du Conseil national de la Résistance, « Les Jours heureux », qui prévoyait « Un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail ». Voilà la définition de l’universalité. (Mme Soumya Bourouaha applaudit.)
    À présent, c’est le contraire qui se produit : l’allocation familiale sélectionne, discrimine selon la taille de la famille et donc exclut. Ce n’est pas une politique familiale mais une politique arithmétique, qui exclut 36 % des familles françaises, celles qui ont le défaut de n’avoir qu’un enfant. Parmi elles, comme d’autres l’ont fait avant moi, je mentionnerai évidemment les familles monoparentales, ces mamans solo qui seraient les premières bénéficiaires de l’extension des allocations familiales.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Bien sûr !

    M. Jérôme Guedj

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    Cette extension alimenterait le travail que nous devons poursuivre dans le prolongement du groupe de travail transpartisan sur les familles monoparentales qu’anime Philippe Brun. Il nous faut rompre avec cette basse conception de la parentalité : l’universalité des allocations doit commencer dès la première naissance, la première nuit sans sommeil, les premières dépenses, les premiers sacrifices. Il faut que, pour chaque enfant, la société fournisse l’aide nécessaire à son éducation, à son alimentation, à sa santé et à sa culture. J’essaie d’être un républicain conséquent et, à cet instant où je défends avec force le principe d’universalité, je répète ce que j’ai dit il y a dix ans dans cet hémicycle : au nom du principe d’universalité, il nous faut proscrire toute logique de sélectivité et notamment la modulation des allocations familiales en fonction des revenus. Cette disposition était une erreur quand elle a été introduite et elle le demeure, d’autant plus que nous constatons à présent que ce cheval de Troie est utilisé pour prendre de nouvelles dispositions. Moduler les allocations familiales en fonction du revenu sert de justification à certains pour défendre l’idée de moduler, par exemple, le remboursement des soins de ville ou des médicaments en fonction des revenus des patients. Jamais la sécurité sociale, qui doit demeurer universelle, ne doit moduler ses prestations en fonction des revenus, que ce soit les allocations familiales, les soins de ville ou les dépenses de pharmacie.  (Mme Soumya Bourouaha applaudit.)
    Autrement, nous remettrions en cause le principe du consentement à la sécurité sociale et nous institutionnaliserions, volontairement ou non, une sécurité sociale à deux vitesses.
    Le second principe qui justifie notre attachement à cette mesure, c’est l’égalité républicaine. Une fois n’est pas coutume, nous appréhendons ce principe à front renversé. Comme l’a mentionné le rapporteur, le versement des allocations familiales dès le premier enfant existe dans les départements et les collectivités d’outre-mer. Pour une fois, essayons de niveler par le haut. Ce sont souvent les départements et les collectivités d’outre-mer qui demandent à être alignés sur les droits existant en métropole ; aujourd’hui, alignons-nous sur les droits existant en outre-mer.
    L’argument objecté en dernier ressort est celui du coût, estimé à 3 milliards d’euros par le rapporteur. Vous nous dites que c’est cher, madame la ministre, mais cela nous coûtera toujours moins que les conséquences de l’inaction, la précarité infantile, le découragement des familles et les inégalités qui se creusent dès les premières années de la vie.
    C’est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe socialiste, je défendrai des amendements visant à financer cette mesure. D’une part, la branche famille a un excédent de 1,1 milliard. D’autre part, il y a surtout la possibilité de revoir les exonérations de cotisations sociales, qui privent la branche famille de ressources indispensables, notamment le fameux bandeau famille.
    Nous sommes fidèles à notre double principe républicain d’universalité des droits et de progressivité de la contribution. Au nom de ce double principe, ouvrons le bénéfice des allocations familiales dès le premier enfant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Suite de la discussion de la proposition de loi visant à accorder le versement des allocations familiales dès le premier enfant ;
    Discussion de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les dysfonctionnements obstruant l’accès à une justice adaptée aux besoins des justiciables ultramarins ;
    Discussion de la proposition de loi visant à un meilleur encadrement du pacte Dutreil ;
    Discussion de la proposition de résolution visant à la reconnaissance, au remboursement et à la réparation par la France de la « double dette » d’Haïti ;
    Discussion de la proposition de loi portant plusieurs mesures de justice pour limiter les frais bancaires ;
    Discussion de la proposition de loi visant à renforcer la solidarité envers les retraités pauvres ;
    Discussion de la proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des opérateurs d’infrastructures de réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra