Première séance du jeudi 10 avril 2025
- Présidence de M. Jérémie Iordanoff
- 1. Approbation de conventions et d’accords internationaux
- 2. Amendement du protocole de Londres à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers
- 3. Simplification de la vie économique
- Discussion des articles (suite)
- Article 1er (suite)
- Article 1er (suite)
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Approbation de conventions et d’accords internationaux
Procédure d’examen simplifiée
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, de deux projets de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux (nos 1110, 1185 ; 1154, 1184). Le premier d’entre eux a été adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée.
Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre aux voix chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.
Modification de l’accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
(Le projet de loi est adopté.)
Accord-cadre France-Nations unies portant sur les arrangements relatifs aux privilèges et immunités
(Le projet de loi est adopté.)
2. Amendement du protocole de Londres à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification d’une résolution portant amendement de l’article 6 du protocole de Londres de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières (nos 942, 1186).
Présentation
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Je suis heureux de présenter aujourd’hui le projet de loi visant à autoriser la ratification de la résolution qui porte amendement de l’article 6 du protocole de Londres de 1996. Ce protocole complète et modifie la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières. Cette résolution autorise l’échange transfrontalier de dioxyde de carbone. Elle permettrait à la France d’exporter le CO2 capté sur son territoire et de le stocker de manière sécurisée dans des formations géologiques sous-marines relevant d’États partenaires disposant de capacités opérationnelles.
Sa ratification est essentielle pour atteindre nos objectifs climatiques fixés notamment lors de la COP21. En effet, l’accord de Paris de 2015, dont la négociation et l’adoption par 195 États ont été un tour de force de la diplomatie française, engage le monde entier à contenir le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2 degrés Celsius et invite à poursuivre les efforts pour le limiter à 1,5 degré. Pour prendre leur part à cette ambition, la France et l’Union européenne se sont fixé des objectifs clairs et ambitieux : réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 et atteindre la neutralité climatique en 2050.
Si la réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre reste une priorité, la France doit pouvoir recourir, parallèlement, à des techniques de capture et de stockage de carbone. Dans la plupart des scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), l’atteinte de la neutralité climatique requiert en effet la poursuite de ces deux objectifs.
L’utilisation de ces techniques de capture et de stockage restera mesurée. En effet, l’objectif n’est pas de reporter sur d’autres pays les efforts auxquels nous ne serions pas prêts à consentir nous-mêmes. Cette résolution doit plutôt nous donner les moyens adéquats de remplir nos objectifs de décarbonation.
Certaines émissions d’origine industrielle ne pourront pas être entièrement évitées, même en recourant aux meilleures technologies disponibles. C’est le cas, par exemple, dans l’industrie cimentière : la réaction chimique qui constitue la base du procédé de fabrication produit inévitablement du CO2. Dans ce cas de figure, comme dans d’autres, la capture et le stockage du CO2 représentent une solution incontournable et complètent nos efforts réalisés en matière de réduction des émissions.
Les puits de carbone naturels, tels que nos forêts, sont évidemment à privilégier et doivent constituer la plus grande partie de nos capacités d’absorption et de stockage du CO2 nécessaires pour atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. Toutefois, ils pourront utilement être complétés par des solutions technologiques qui permettent la capture et le stockage du carbone. Dans le cadre de notre stratégie industrielle et de décarbonation française de long terme, plusieurs projets devraient ainsi voir le jour dès 2028 pour capturer une partie du CO2 produit par notre industrie. À partir de 2030, nous pourrons capturer entre 4 et 8 millions de tonnes de CO2 par an, notamment au niveau des hubs industriels portuaires du Havre, de Dunkerque, de Saint-Nazaire et de Fos-sur-Mer.
Or, à cet horizon, nos capacités nationales effectives de stockage géologique seront largement insuffisantes pour accueillir tout le CO2 capté. L’accès aux sites de stockage en mer du Nord ou en Méditerranée, bientôt opérationnels chez nos voisins européens, s’avère donc crucial pour nous permettre de respecter nos engagements climatiques. Ces sites sont par ailleurs relativement peu nombreux au regard des besoins et font face à une forte demande.
Le texte qui vous est proposé est par ailleurs cohérent avec l’approche et la législation de l’Union européenne. En effet, le règlement pour une industrie « zéro net » publié en juin 2024, fixe un objectif de 50 millions de tonnes de capacité opérationnelle annuelle d’injection de CO2, d’ici à 2030, à l’échelle de l’Union. Cette dynamique traduit une montée en puissance de cette technologie, étant entendu que l’Union pourrait avoir à capter jusqu’à 550 millions de tonnes de CO2 par an d’ici à 2050 pour atteindre l’objectif « zéro net ».
À ce jour, douze États ont ratifié la résolution dont l’adoption est soumise à votre examen. Nous sommes donc encore loin de la ratification nécessaire des deux tiers des cinquante-cinq parties de la convention de 1972. Mais la résolution de 2019 nous permet d’en appliquer les dispositions de manière provisoire et nous n’aurons donc pas à attendre d’autres signatures pour pouvoir l’appliquer immédiatement. Cette application rapide est attendue par nos partenaires. Elle est indispensable pour que nos entreprises puissent dès maintenant réserver des capacités de stockage dans les pays voisins – capacités aujourd’hui limitées et très demandées.
Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu’appelle la résolution portant amendement à l’article 6 du protocole de Londres, dont la ratification est aujourd’hui soumise à votre autorisation. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à M. Xavier Lacombe, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier Lacombe, rapporteur de la commission des affaires étrangères
Avant d’entrer dans le fond du projet de loi, permettez-moi de rappeler brièvement le contexte juridique, environnemental et technologique dans lequel s’inscrit ce texte. Le protocole de Londres de 1996, conclu sous l’égide de l’Organisation maritime internationale (OMI), interdit par principe le rejet de déchets en mer, sauf exceptions strictement listées. Ce protocole, héritier direct de la convention de Londres de 1972, encadre le dépôt de déchets en milieu marin et a été ratifié à ce jour par cinquante-cinq États.
En 2006, une première résolution est venue autoriser, sous conditions strictes, le stockage sous-marin de dioxyde de carbone. C’est à cette époque que les technologies de captage et stockage du carbone – ou CSC – commencent à se structurer à l’échelle internationale. En 2009, la résolution LP.3(4) portant amendement au protocole de Londres, et objet du présent projet de loi, a été adoptée afin de permettre le transfert transfrontalier de CO2 destiné à être stocké sous les fonds marins. Elle complète la précédente résolution en autorisant une coopération entre États : capter ici, stocker là, selon les capacités géologiques de chacun.
Cette résolution n’est toutefois pas encore entrée en vigueur, faute d’avoir été ratifiée par les deux tiers des parties. En 2019, une nouvelle avancée a été permise par la résolution LP.5(14), qui autorise une application provisoire du texte, à condition que les États souhaitant s’en prévaloir aient eux-mêmes procédé à la ratification. C’est précisément ce que permet ce projet de loi : franchir l’étape juridique nécessaire pour autoriser l’exportation du CO2 capté vers des pays partenaires, tels que la Norvège ou le Danemark, avec lesquels la France a signé des accords bilatéraux en début d’année 2024.
Ce projet de loi a d’ores et déjà été adopté par le Sénat, puis par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Il s’agit désormais d’aboutir à une adoption définitive, en apportant les clarifications nécessaires et en levant les interrogations qui peuvent encore entourer cette technologie. Je comprends que le texte puisse susciter des interrogations légitimes. Il remet en question notre rapport à l’innovation technologique, à la planification écologique et à la souveraineté industrielle. Il soulève également des questions en matière d’aménagement du territoire, d’acceptabilité sociale, voire de priorisation des efforts dans notre politique de décarbonation et de transition énergétique.
C’est pourquoi on peut saluer la levée de son examen en procédure simplifiée, qui permet aujourd’hui un véritable débat en séance publique. Il est sain, et même salutaire, que nous puissions débattre collectivement de ce que représente le captage et stockage du carbone, ses promesses et ses conditions de réussite.
Le CSC, rappelons-le, est un processus technique rigoureux. Il consiste d’abord à capter le CO2 à la sortie des cheminées industrielles, à le purifier, à le comprimer puis à le transporter, par pipeline ou par navire, jusqu’à un site de stockage souterrain. Là, il est injecté dans une formation géologique profonde située à plusieurs centaines de mètres sous terre ou sous la mer. Ce CO2 y est ainsi piégé sous forme supercritique, c’est-à-dire dans un état intermédiaire entre gaz et liquide. Son confinement a été éprouvé dans des projets de référence, comme la plateforme norvégienne Sleipner, où des millions de tonnes de CO2 ont été stockées depuis 1996. Des campagnes indépendantes de surveillance ont confirmé la stabilité de ces stockages.
Alors, pourquoi ratifier en 2025 une résolution adoptée en 2009 ? Parce que le contexte a profondément évolué. À l’époque, le CSC était une technologie naissante. Aujourd’hui, elle est mieux maîtrisée, le cadre européen s’est étoffé et, surtout, les conditions économiques ont changé : le prix du carbone sur le marché européen est passé de 8 euros la tonne en 2015 à plus de 75 euros en 2025 et devrait dépasser 120 euros à l’horizon de 2030. Le CSC devient, dans ce contexte, une solution économiquement pertinente pour les secteurs les plus émetteurs.
Soyons clairs : le CSC n’est pas une alternative à la sobriété ni un substitut à la transition énergétique. Il ne permet pas de se dispenser d’efforts, mais de traiter une partie des émissions dites incompressibles. Il est indispensable pour des secteurs comme la sidérurgie, la chimie lourde, la production de ciment ou de chaux – activités pour lesquelles il n’existe aujourd’hui aucune solution technique de substitution à grande échelle. Ces secteurs sont très émetteurs, mais nous ne pouvons nous en passer. Nous devons donc leur offrir des perspectives crédibles de décarbonation.
M. le ministre de l’industrie le sait mieux que nous tous : la réussite de la transition industrielle passe par une stratégie technologique cohérente, pragmatique et compatible avec les contraintes propres à nos sites de production. Cette stratégie, le gouvernement l’a engagée avec force, notamment avec la loi « industrie verte » de 2023, qui vise à accélérer la réindustrialisation tout en réduisant les émissions, à renforcer l’attractivité des territoires et à faire émerger une nouvelle génération de sites industriels décarbonés.
Dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) révisée, qui fixe l’objectif de réduction de 35 % des émissions industrielles entre 2015 et 2030, mais aussi la neutralité carbone à l’horizon de 2050, le CSC est identifié comme un levier indispensable pour atteindre ces objectifs, en complément d’autres outils : électrification, hydrogène, biomasse, chaleur renouvelable. Ces leviers sont activés simultanément avec une montée en puissance progressive.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les industries représentent plus de 18 % des émissions nationales de CO2. Les cinquante sites les plus émetteurs concentrent à eux seuls plus de 12 % des émissions. L’État les accompagne, notamment par la signature de contrats pour la réussite de la transition écologique. À ce jour, trente-deux contrats ont été signés, visant une réduction de 45 % des émissions d’ici 2030 et s’appuyant sur divers procédés, dont le CSC. Selon les projections de la SNBC, cette technologie pourrait représenter entre 8 % et 13 % de l’effort de décarbonation à l’horizon 2050. Elle s’inscrit dans un cadre d’ensemble qui mêle innovation technologique, efforts de sobriété et transition énergétique.
Elle est aussi un levier de compétitivité et de souveraineté industrielle. Une partie des 5,6 milliards d’euros consacrés à la décarbonation de l’industrie dans le cadre du plan France 2030 est dédiée au CSC. À l’échelle territoriale, des dynamiques collectives se structurent autour d’écosystèmes industriels bas-carbone combinant énergies propres, réseaux de chaleur et infrastructures de transport du CO2. Ces initiatives encouragées par l’État préfigurent ce que pourrait être une industrie décarbonée, compétitive et ancrée dans les territoires, et montrent qu’un tel projet repose en partie sur le CSC.
Ce projet de loi n’impose rien, il rend possible. Il ne choisit pas le stockage contre la sobriété ni l’offshore contre le local, il ouvre une option, en complémentarité avec d’autres leviers. Il n’est ni un renoncement ni une facilité : c’est un texte de responsabilité, de cohérence, de méthode. Il permet à la France de s’aligner avec ses partenaires européens, de sécuriser des projets industriels pour ses fleurons nationaux et de se doter d’un outil de décarbonation parmi d’autres. Je vous invite donc à voter en faveur de son adoption. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
Le projet de loi dont nous sommes saisis a été adopté par le Sénat le 12 février. Le protocole de Londres, adopté dans le prolongement de la convention de Londres de 1972, constitue un pilier essentiel de la gouvernance environnementale internationale en matière de protection des milieux marins. Il établit clairement le principe de l’interdiction de l’immersion de déchets en mer, mais permet des exceptions limitativement énumérées à ce principe. C’est dans ce cadre que nous examinons aujourd’hui l’opportunité de ratifier une résolution qui autorise, sous certaines conditions, l’exportation de dioxyde de carbone en vue de sa séquestration géologique sous-marine.
Cette évolution normative proposée dès 2009 procède de la volonté d’adapter le droit international environnemental aux nouveaux défis climatiques. Elle vise à répondre à une question fondamentale : comment stocker durablement le carbone que nous ne sommes pas encore en mesure de ne pas émettre ? Il est évident que le captage et la séquestration du carbone ne sauraient se substituer aux efforts de réduction de nos émissions à la source. Ils constituent toutefois un levier indispensable de notre stratégie climatique, en particulier pour les secteurs industriels dont la décarbonation totale reste pour l’instant hors de notre portée.
La France s’est dotée d’une stratégie nationale bas-carbone ambitieuse ayant pour objectifs la réduction de 35 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour tenir ces engagements, elle doit mobiliser tous les instruments disponibles, y compris le CSC, à condition qu’il soit rigoureusement encadré, techniquement maîtrisé et – point important – socialement accepté.
Cette technologie est en effet confrontée à plusieurs défis techniques. Si le captage en tant que tel, effectué sur site industriel, est une technologie mature, le transport implique quant à lui l’installation de canalisations, de terminaux et de navires spécialisés, soumis à de fortes exigences d’étanchéité et de sécurité. Enfin, le stockage géologique nécessite l’identification de sites adaptés tels que des aquifères salins profonds ou d’anciens gisements d’hydrocarbures.
Sur le plan environnemental, des préoccupations légitimes existent. Le risque de fuite est jugé faible, mais s’il se concrétisait, cela pourrait entraîner une acidification locale de l’eau en cas de stockage offshore.
Le coût global du captage et de la séquestration géologique d’une tonne de CO2 est actuellement estimé entre 100 et 200 euros. Comme l’a dit M. le rapporteur, il est tout à fait probable que le CSC devienne économiquement rentable à l’avenir, compte tenu de la hausse du prix des quotas d’émission.
Enfin, l’acceptabilité sociale de cette technologie est un enjeu majeur. La transparence, la concertation et l’accès à l’information sont essentiels pour construire la confiance nécessaire à la réussite de ces projets.
Je tiens à souligner – le rapporteur a d’ailleurs insisté sur ce point – que cette ratification n’est pas un feu vert inconditionnel à toutes les pratiques de stockage sous-marin. Celles-ci supposent au contraire la conclusion d’un accord préalable entre l’État exportateur et l’État importateur, la délivrance de permis et le respect des règles européennes en vigueur depuis la directive du 23 avril 2009.
C’est un texte technique, certes, mais porteur d’une ambition indispensable. Il s’agit de concilier l’impératif environnemental et les nouvelles capacités industrielles. C’est pour ces différentes raisons que la commission des affaires étrangères a adopté, après un débat nourri, ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Berville.
M. Hervé Berville
La lutte contre le changement climatique représente le plus grand défi de notre génération. Pour relever ce défi majeur, la France et l’Union européenne se sont dotées d’objectifs ambitieux mais nécessaires, parmi lesquels l’atteinte de la neutralité carbone d’ici à 2050. Cet objectif exige une transformation profonde et ambitieuse de nos économies, de nos industries et de notre quotidien. Le projet de loi visant à autoriser la ratification de la résolution portant amendement de l’article 6 du protocole de Londres à la convention de 1972 concerne un sujet crucial pour l’atteinte de ces objectifs climatiques : le stockage des émissions de carbone dites incompressibles – celles que nous ne pouvons ni réduire ni éviter –, qui proviennent majoritairement de l’industrie. Très concrètement, cette résolution permettrait à la France d’exporter une partie de ses émissions incompressibles vers des pays partenaires comme la Norvège, pour que ce carbone soit stocké dans les fonds marins.
Vous le savez, la France s’est dotée d’une feuille de route ambitieuse, la stratégie nationale bas-carbone, pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour nos secteurs industriels, l’objectif est de réduire de 20 millions de tonnes les émissions de CO2 par rapport à 2023. Sur ces 20 millions, il est prévu que 4 millions soient captés et stockés. Un cinquième de l’effort qui reste à accomplir pour réduire les émissions du secteur repose donc sur la technologie dont nous débattons ; vous conviendrez que ce n’est pas négligeable. La technologie de stockage du CO2 constitue un levier important pour l’atteinte des objectifs de décarbonation. Le transport transfrontalier du CO2 ouvre également la voie à des projets internationaux susceptibles d’avoir un impact positif sur notre bilan carbone, tout en nous permettant de collaborer avec nos voisins européens et de maximiser notre efficacité collective.
Le projet de loi représente donc un équilibre entre innovation technologique et protection de l’environnement. La mise en place de ces technologies nécessitera la création d’infrastructures de transport telles que des canalisations ou des terminaux. Le coût de ces infrastructures sera principalement assumé par les acteurs industriels, afin de garantir que l’effort soit juste et partagé.
Je tiens cependant à dire très clairement que cette technologie ne peut être utilisée qu’en tout dernier recours, lorsqu’il n’existe aucune autre solution de décarbonation viable pour l’industrie. La capture du CO2 ne doit pas devenir une solution miracle, l’arbre qui cache la forêt des nécessaires efforts en matière de réduction des émissions. En effet, pour réduire les émissions, nous mobilisons de nombreux leviers comme l’efficacité énergétique, l’électrification, le recours à la biomasse ou encore le recyclage. Cependant, certaines productions industrielles comme celles du ciment, de la chaux, de l’aluminium ou de divers produits chimiques s’accompagnent d’émissions dites incompressibles, qui ne sauraient être réduites à la source par les moyens que je viens d’évoquer. Dans ces cas précis, la capture et le stockage du CO2 deviennent des outils indispensables à notre stratégie de décarbonation globale, complémentaires aux autres leviers de réduction des émissions.
Enfin, il nous faudra assurer le suivi de ces procédés et demeurer vigilants quant à leurs effets. Le transport du CO2, sa capture et son stockage doivent se faire dans le respect absolu de l’environnement et des populations. Les exploitants devront réaliser des études approfondies pour caractériser les risques associés au transport du CO2 ; je pense aux risques de fuite et à ceux qui pèsent sur les écosystèmes marins. Pour avoir personnellement travaillé à la protection des écosystèmes marins et de l’océan, que nous connaissons encore très mal, je sais que toute mesure pouvant les affecter doit être suivie avec une attention particulière et rigoureuse.
Ce projet de loi constitue le troisième pilier de la stratégie que nous développons en faveur de la protection des océans et de la décarbonation. Grâce à la sobriété, à l’accélération des efforts de décarbonation et à la création d’outils de stockage du dioxyde de carbone, nous pourrons atteindre la neutralité carbone. Nous nous doterons de tous les outils nécessaires pour atteindre nos ambitieux objectifs nationaux et internationaux.
Pour toutes ces raisons, le groupe Ensemble pour la République appelle à voter le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Pierre-Yves Cadalen
Est-il possible de s’arrêter un instant et de réfléchir ? Pour un instant seulement, s’arrêter et réfléchir ; pour un instant seulement, regarder l’histoire qui se déploie sous nos yeux. Le changement climatique est engagé sur une pente qui, si nous la suivons, nous conduira à une catastrophe dont les proportions sont inaccessibles à notre imagination. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le changement climatique provoque des catastrophes qui tuent déjà. À Derna, en Libye, 11 000 personnes ont péri des suites d’inondations consécutives à la tempête Daniel en septembre 2023. Le changement climatique est en train de dégrader les conditions de vie de milliards d’êtres humains par la raréfaction de la ressource en eau, la menace sur les littoraux, la savanisation de forêts tropicales ou encore la désertification.
Le changement climatique ne vient pas de nulle part. Il est provoqué par l’explosion de la production mondiale d’énergies carbonées : le gaz, le charbon ou le pétrole. Rappelons-nous par exemple que la production mondiale de charbon n’a cessé d’augmenter ; en d’autres termes, comme le montre très bien l’historien Jean-Baptiste Fressoz, le pétrole ne s’est jamais substitué au charbon. Mais pourquoi diable cette explosion de la production mondiale ? Il se trouve qu’un même mode de production s’est généralisé au monde entier, s’est étendu sans cesse, et que l’économie capitaliste semble pour certains un horizon indépassable. Si elle l’était, nous serions perdus.
Au changement climatique se lie une chute de la diversité biologique dont le point historique de comparaison le plus récent est la disparition des dinosaures. Un générique célèbre dans mon enfance parlait d’« un monde jamais vu encore » ; nous y voilà pourtant. Nous sommes face à une situation dont, je pense, nous avons bien du mal à saisir l’ampleur. Le pire scénario du Giec évalue à 5 degrés Celsius le réchauffement climatique attendu en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. Le climat en serait lourdement modifié pour très longtemps. Ce que nous faisons en notre siècle engage l’humanité sur plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers d’années. Continuer ainsi, c’est une folie. Penser que les petits pas suffiront, une folie. Penser que le capitalisme y pourvoira, une folie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le débat d’aujourd’hui l’illustre bien. Nous produisons trop de CO2 ? Aucun problème, nous le transporterons et le stockerons ! Où donc ? Où nous l’avons pris. Voilà le principe des techniques de captage et de stockage géologique de carbone. Ici, nous parlons du stockage sous-marin, développé tout particulièrement en mer du Nord.
Est-il possible, là encore, de s’arrêter un instant et de réfléchir ? À l’heure où nous parlons, aucun dispositif ne permet de suivre le chemin qu’emprunte le CO2 une fois réinjecté dans ces puits de carbone. Nous ne savons pas ce qu’il en advient : des scientifiques de Brest me l’ont assuré et un rapport de l’IEEFA, l’Institut d’économie de l’énergie et d’analyse financière, l’établit.
Mme Mathilde Panot
Eh oui !
M. Pierre-Yves Cadalen
Il est dans ces conditions fort probable qu’il s’échappe en partie vers l’océan, lequel s’acidifie sous la pression de la perturbation du cycle du carbone. Cette technologie est donc particulièrement incertaine. Sa défense absolue participe de l’idée folle selon laquelle le changement climatique serait un problème soluble techniquement : puisque nous avons trop de CO2 dans l’atmosphère, mettons-en un peu ici ou là, et on verra bien ! Nous avons déjà bien assez joué aux apprentis sorciers, pourtant le capitalisme nous entraîne toujours plus sur cette voie.
Cette technologie s’insère en effet pleinement dans l’économie capitaliste. Plus de 80 % du carbone capturé ainsi est réinjecté dans les puits pétroliers par un procédé nommé récupération assistée du pétrole, qui vise à optimiser la production de carbone dans le même temps. Elle est belle, la décarbonation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La proposition que nous examinons résulte donc de l’économie capitaliste qui repose sur l’accumulation sans fin pour nourrir les profits.
Une technique n’est pas neutre : elle s’inscrit toujours dans une organisation donnée de la production. Vouer une confiance aveugle à la technique, c’est penser que nous pourrions être sauvés autrement que par nous-mêmes. (Mêmes mouvements.) En réalité, la situation appelle une réorganisation générale de nos modes de production et de consommation, que nous devons opérer sans attendre. Nous devons porter nos efforts collectifs vers cet objectif pour notre société. Nous ne pourrions envisager l’emploi de techniques bien éprouvées de stockage de carbone – lesquelles n’existent pas actuellement – que si elles s’avéraient nécessaires étant donné la trajectoire sur laquelle nous sommes lancés.
M. Hervé Berville
C’est exactement ce que nous voulons faire !
M. Pierre-Yves Cadalen
L’avenir reste donc à inventer. Il ne passera pas par la construction de pipelines pour envoyer en mer du Nord notre trop-plein de CO2. Plus jeune, je jouais à un jeu de stratégie, Civilization, qui valorisait une certaine conception de l’histoire, depuis l’Europe, la domination coloniale et la nécessaire expansion du capitalisme. Les millénaires passaient puis, lorsque notre siècle arrivait, quelle que soit la partie, à la fin, c’était toujours la même histoire : pollutions endémiques, accidents nucléaires, désastres variés. Et si on changeait d’histoire ? Et si on s’arrêtait, un instant seulement, pour réfléchir ? On s’arrête, on réfléchit, et ce n’est pas triste.
Nous vous appelons à voter contre la ratification de cet amendement au protocole de Londres. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Excellent !
M. le président
La parole est à M. Fabrice Roussel.
M. Fabrice Roussel
La temporalité du vote de cet amendement à l’article 6 du protocole de Londres est bien particulière. Tout d’abord, adopté en 2009, il nous est soumis aujourd’hui alors qu’il est appliqué provisoirement depuis 2019. J’y vois un profond manque de respect envers la représentation nationale. Signalons que seuls douze pays ont ratifié cette exception. Ensuite, ce projet de loi intervient à quelques semaines de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc) organisée en France, où notre mobilisation sera entière pour protéger nos espaces maritimes. Enfin, une nouvelle fois, c’est l’urgence qui prévaut car, si nous sommes aujourd’hui réunis, c’est parce que la ratification est nécessaire pour signer un partenariat avec la Norvège sur le captage et le stockage du carbone fin avril.
Ce projet de loi démontre plusieurs choses. Tout d’abord, nous ne savons pas traiter le stockage au niveau national. La France n’a aucun projet de stockage offshore ; les premières orientations stratégiques en la matière ne datent que de 2023 et le document « État des lieux et perspectives de déploiement du CCUS (Capture, stockage et valorisation du carbone) en France » a été publié seulement en juillet dernier. Cependant, des projets de capture et de stockage du CO2 se développent autour de hubs de CO2 ; ils sont principalement situés dans des zones portuaires fortement émettrices et disposant d’un accès à la mer permettant des transferts vers des sites de stockage.
Ensuite, nous devons accélérer la décarbonation de notre industrie. En effet, des filières économiques ne disposent pas d’alternatives décarbonées, ce qui est dommageable. Enfin, et alors que ce processus de captage est utilisé notamment par des raffineries, nous devons être ambitieux dans notre production d’énergie décarbonée. Pourtant, notre pays présente un important retard technologique dans le développement des énergies décarbonées. Ce retard nous oblige à travailler avec d’autres pays, à l’heure où le climat géopolitique mondial ne nous permet pas de dépendre d’eux.
La France a mis trop de temps à avancer sur ces questions et manque désormais d’implication dans la prise en considération des enjeux environnementaux. Le gouvernement vient de soumettre à la consultation du public sa dernière version de la troisième édition de la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui n’est pas révolutionnaire et ne fait pas consensus.
Nous reconnaissons toutefois l’importance du projet de loi que nous examinons et des enjeux qu’il soulève. L’élimination du carbone rejeté dans l’atmosphère est une nécessité. Tant que les émissions industrielles dépassent de très loin la capacité d’absorption du carbone des systèmes naturels, son captage par les puits de carbone technologiques est inévitable.
Toutefois, nous insistons lourdement sur trois points essentiels pour le groupe Socialistes et apparentés.
Premièrement, le recours au captage du carbone et sa séquestration doivent être strictement encadrés et réservés aux émissions résiduelles incompressibles, c’est-à-dire à celles qui ne peuvent pas être supprimées à la source ou pour lesquelles les alternatives décarbonées sont pour le moment inexistantes ou limitées. Deuxièmement, cette solution ne peut constituer qu’un complément aux efforts de réduction des émissions : qu’il s’agisse des industriels ou des pays qui y ont recours, elle ne peut être considérée comme une solution alternative. Troisièmement, il a été dit à juste titre que le recours aux technologies de captage et de séquestration du carbone était intégré en France dans la plupart des scénarios visant la neutralité carbone. Cependant, cette solution ne peut pas être utilisée par des pays riches pour atteindre leurs objectifs de neutralité carbone sans réduire leurs émissions.
Par ailleurs, cette technologie est non seulement très coûteuse, mais également consommatrice d’énergie, les procédés de captage, de compression et de liquéfaction nécessitant une quantité significative d’électricité et de chaleur. Nous ne pouvons qu’espérer que cette énergie sera fournie par des énergies renouvelables ou bas-carbone et ne créera pas d’émissions supplémentaires.
La France n’a pas déployé de stratégie de stockage offshore et n’a rien fait pour accélérer la réflexion sur ce sujet. Nous voulons qu’elle se saisisse réellement de cette question, tout en demandant un encadrement plus strict. Nous ne pouvons accepter que la mer continue à être un exutoire pour les déchets résultant des activités humaines. Nous devons de manière urgente renforcer notre politique de lutte contre le changement climatique et accélérer la décarbonation de notre industrie. (Mme Christine Arrighi applaudit.) Il faut privilégier des solutions de décarbonation profondes auxquelles le captage de carbone et sa séquestration ne doivent pas se substituer, et accélérer la conservation et l’accroissement des puits de carbone naturels tels que les écosystèmes marins, les forêts et les sols.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra.
Mme Christine Arrighi
Mais non, il faut voter contre !
M. Hervé Berville
Oh là là !
M. le président
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
L’industrie pollue, l’État cautionne, et le peuple, lui, subit. Voilà le plan climat qui nous est proposé aujourd’hui.
Mme Christine Arrighi
Eh oui !
Mme Sabrina Sebaihi
Il nous est demandé de voter une résolution qui devait passer inaperçue ; sans la levée de la procédure simplifiée, nous n’aurions même pas débattu de ce texte qui autorise pourtant l’exportation de dioxyde de carbone à des fins de stockage sous la mer dans les formations géologiques d’autres pays.
Mme Christine Arrighi
Eh oui !
Mme Sabrina Sebaihi
On appelle cela, en y apposant un vernis technocratique, du captage et stockage de CO2 ; pourtant, en réalité, ce que nous avons sous les yeux n’est pas une solution, mais un gigantesque écran de fumée et une fuite en avant industrielle. L’enfouissement de CO2 n’est pas une réponse aux urgences écologiques, mais une promesse mensongère, taillée sur mesure pour les lobbys industriels, un alibi technologique pour ne surtout rien changer au modèle productiviste.
Mme Christine Arrighi
Et pour du crédit impôt recherche !
Mme Sabrina Sebaihi
Cette résolution permet de perpétuer un modèle obsolète fondé sur les énergies fossiles, les grandes infrastructures centralisées et l’exploitation sans limite des ressources de notre planète. Atteindre la neutralité carbone ne consiste pas à enfouir le CO2, mais à le réduire à la source. Plutôt que de s’attaquer aux causes profondes du problème, on choisit une fois de plus de déplacer, de cacher, d’enfouir – littéralement – loin des regards, loin des peuples, loin de notre responsabilité, à 20 000 lieues sous les mers, comme écrivait Jules Verne.
Prenons l’exemple du projet Callisto. Il prévoit d’embarquer le CO2 capturé dans la vallée du Rhône pour le liquéfier, l’envoyer en Italie par bateau et l’enfouir sous l’Adriatique, à hauteur de 4 millions de tonnes de CO2 par an, et jusqu’à 16 tonnes demain. Il s’agit d’enfouir nos échecs dans les profondeurs sous-marines en croyant qu’ils disparaîtront. Ce que vous cachez, ce sont vos lâchetés politiques et votre refus de bifurcation.
M. Hervé Berville
Oh !
Mme Sabrina Sebaihi
À quel prix ? Au moins 1 milliard d’euros, rien que pour construire le carboduc dans la vallée du Rhône – je n’évoque même pas le coût environnemental et sanitaire. Cette technologie n’est pas neutre, mais fait peser des risques considérables sur l’environnement : fuites, sismicité induite, contamination de nappes phréatiques, déplacements de population. En 2020, aux États-Unis, dans l’État du Mississippi, une rupture de pipeline transportant du CO2 a provoqué l’évanouissement de dizaines de personnes, dont certaines souffrent encore de séquelles neurologiques. Demain, à Ravenne, à Naples ou ailleurs, combien y aura-t-il de victimes ? Qui sera responsable ? Qui paiera ? Ce que vous nous proposez ici, c’est un nouveau colonialisme écologique : faire des sous-sols des autres les décharges souterraines de notre industrie. Allons-nous continuer à faire payer à d’autres peuples le prix de notre propre inaction climatique ?
Mme Christine Arrighi
Ni vu ni connu !
Mme Sabrina Sebaihi
Faire preuve de solidarité internationale, ce n’est pas déplacer nos nuisances chez les autres, à l’instar des 800 000 tonnes de déchets plastiques exportées par la France en 2021 (Mme Christine Arrighi et M. Pierre-Yves Cadalen applaudissent), mais assumer nos responsabilités. Si cette technologie est la solution miracle qu’on nous vend, pourquoi les industriels y rechignent-ils tant et pourquoi faut-il qu’elle soit perfusée à l’argent public ? Il est facile de répondre à ces questions : elle coûte cher, pollue et ne s’attaque pas aux racines du mal. Ce n’est qu’un cautère sur une jambe de bois. Pendant que ces mirages sont financés, le déploiement des vraies solutions est retardé. Nous ne le répéterons jamais assez, les vraies solutions résident dans la sobriété énergétique, l’efficacité industrielle, la réduction à la source des émissions, la relocalisation de nos productions, les investissements dans les énergies renouvelables, la planification écologique, la justice sociale et climatique – je vous assure, chers collègues, que ce ne sont pas de gros mots. Nos modes de production basés sur les logiques extractivistes sont obsolètes. S’y accrocher désespérément ne changera rien et c’est même aller à contresens de l’histoire.
Tout cela demande bien sûr du courage politique. Il faut s’attaquer aux intérêts de Total, de Lafarge ou encore d’ArcelorMittal, choisir la transition juste, investir dans les territoires, dans la formation, dans la reconversion – investir en somme dans l’humain et l’avenir. Ce projet de loi qui prétend faire sa part pour le climat recycle en réalité les illusions du passé. Ce n’est pas un texte de transition, mais de résignation, ni de transformation, mais de soumission au grand capital. Nous ne voulons pas d’un capitalisme repeint en vert. Nous voulons un modèle qui respecte les limites planétaires, qui met la vie au centre, qui écoute les peuples plutôt que les actionnaires. Face à cette logique du déni, de l’exportation des nuisances, nous, écologistes, ferons toujours entendre une autre voix, celle du courage, de la cohérence et de la lucidité, qui dresse un horizon écologiste, décolonial, solidaire et émancipateur.
Le groupe Écologiste et social, vous l’aurez compris, votera donc contre cette résolution, parce qu’elle n’est pas une solution. Finalement, voter cette résolution, c’est offrir aux industriels le choix de la facilité de l’enfouissement au détriment du vivant et de la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Pierre-Yves Cadalen applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Maud Petit.
Mme Maud Petit
Du 9 au 13 juin prochains, la France organise, à Nice, la troisième conférence des Nations unies sur l’océan.
Le principal but de ce rendez-vous est de mettre en œuvre l’objectif de développement durable n° 14 du programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, qui vise à promouvoir la conservation et l’exploitation durable des écosystèmes marins et côtiers. Ce sera un moment crucial pour rappeler la nécessité de protéger les océans.
En 1972, la convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets fut l’une des premières sur le sujet. Cette convention et le protocole de Londres qui s’ensuivit en 1996 constituent le cadre juridique international applicable à la prévention de la pollution marine et océanique dans le but de protéger la santé humaine, les ressources biologiques et l’environnement marin. De ces deux textes découlent des règles strictes qui réglementent l’enfouissement des déchets dans les zones sous-marines et qui définissent les modalités de stockage et les catégories de déchets susceptibles d’être séquestrés dans les sous-sols marins. L’article 4 du protocole de Londres interdit par principe l’immersion de déchets et n’octroie cette possibilité que dans quelques exceptions. L’article 6 traite de la protection du milieu marin contre la pollution transfrontalière et interdit l’exportation de déchets vers d’autres pays. En 2006, l’immersion du dioxyde de carbone est autorisée.
En 2009, l’article 6 est de nouveau amendé pour autoriser l’exportation transfrontalière du flux de CO2, dans le cadre d’une séquestration sous-marine, à la condition qu’un accord soit conclu entre les pays concernés. Quinze ans plus tard, il nous est demandé d’approuver la ratification de cette résolution portant amendement de l’article 6 du protocole de Londres.
Dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone, notre objectif est de réduire de 35 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Nous pourrons atteindre ces objectifs ambitieux en continuant à réduire nos émissions de gaz à effet de serre et en nous appuyant sur les technologies de captage et de séquestration du CO2.
Or, au regard des projets de capture de dioxyde de carbone en développement sur notre sol, notre pays n’a pas – pour l’heure – de capacités de séquestration suffisantes pour le stocker. Aucun site de stockage français ne sera prêt avant 2030, voire 2032. Les sites industriels français, qui n’ont donc pas de solutions technologiques pour se décarboner, doivent se tourner vers des alternatives à l’extérieur de nos frontières.
À l’heure actuelle, notre pays n’a d’autre choix que d’exporter ses flux de dioxyde de carbone capturés vers des pays proches disposant des installations de stockage adéquates. La ratification de la résolution amendant l’article 6 du protocole de Londres permettra d’exporter ces flux et de signer un partenariat de stockage avec la Norvège, en mer du Nord.
Comme beaucoup d’entre vous, je me suis interrogée sur la logique et l’éthique d’un tel processus. Il ne me semblait pas écoresponsable de séquestrer nos déchets de CO2, de leur faire traverser des frontières et de les stocker à l’étranger. C’est la raison pour laquelle je me suis abstenue lors du vote en commission.
J’ai cherché à connaître les conséquences d’une absence de ratification de cet amendement : si la France, qui n’a pas de capacités de séquestration et de stockage sur son sol, ne peut pas exporter ses déchets vers des pays qui disposent des technologies efficientes, elle n’atteindra pas les objectifs climatiques de la stratégie nationale bas-carbone à l’horizon 2030.
Je rappelle que l’aide européenne allouée aux entreprises est soumise à la condition que le projet de stockage de CO2 hors de nos frontières soit validé par la ratification de l’amendement. En l’absence de ratification, c’est-à-dire sans assurance de débouchés pour le CO2 capté et sans fonds européens, nos industriels ne pourront pas prendre seuls de telles décisions d’investissements.
Cela mettrait un coup d’arrêt à la dynamique de développement de la filière captage et stockage du carbone, fragilisant des filières industrielles comme la chimie, le ciment, la chaux et l’aluminium qui, faute d’alternative technologique, ne pourront pas se décarboner.
Mme Christine Arrighi
Vous prenez le problème à l’envers !
Mme Maud Petit
Bref, cela ferait perdre le bénéfice des subventions européennes accordées aux projets français les plus avancés et pourrait causer l’abandon de ces derniers.
Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, c’est bien pour respecter nos engagements climatiques, soutenir le développement des technologies de décarbonation et renforcer la coopération internationale qu’il nous faut adopter ce texte. Ce n’est pas un blanc-seing que nous donnons, car ces solutions ne doivent pas être la norme. Pour toutes les raisons évoquées, le groupe des Démocrates votera donc en faveur de la ratification de l’amendement. (Applaudissements sur les bancs des commissions.)
Mme Christine Arrighi
Éviter, réduire, compenser, c’est cela qu’il faut faire !
M. le président
La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Ce projet de loi tend à autoriser la ratification de l’amendement de l’article 6 du protocole de Londres sur la pollution des mers, afin d’autoriser l’exportation et l’importation de captations de carbone, en vue d’une séquestration dans les fonds marins.
Permettez-moi de rappeler à ceux qui nous écoutent les enjeux de ce texte. Pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, plusieurs moyens sont à notre disposition. Il y a d’abord les efforts des industries, des services et des consommateurs pour réduire leur impact sur le climat et l’environnement. Il y a ensuite les mesures pour préserver et accroître les puits naturels de carbone que sont les forêts, les sols et les océans.
Toutefois, cela n’est pas suffisant : il existe toujours une part incompressible d’émissions de gaz à effet de serre, qui ne peuvent être réduites par la seule décarbonation des activités économiques et la préservation des eaux et des forêts.
Ce sont des émissions de gaz à effet de serre pour lesquelles nous devons envisager de nouvelles solutions. Pour le groupe Horizons & indépendants, la neutralité carbone doit en effet être accomplie par tous les moyens. L’heure n’est pas aux demi-mesures : face à l’urgence climatique, tous les leviers doivent être actionnés.
L’un d’entre eux est la séquestration de carbone dans les sols et les fonds marins. De quoi parle-t-on ? D’abord, et avant tout, d’une technologie permettant de capter et de stocker les émissions de carbone. Ensuite, de la capacité – que nous pouvons développer – de séquestration de ce carbone, afin d’éviter qu’il ne pénètre dans l’atmosphère.
Enfin, d’une technologie complémentaire de celles que nous pouvons déployer pour réduire les émissions : les énergies renouvelables, le nucléaire, la rénovation énergétique des bâtiments et les modes de transport propres, pour n’en citer que quelques-unes.
Pour que cette technologie remplisse pleinement son rôle, encore faut-il que le cadre juridique international permette de le faire. C’est précisément l’objet de ce texte : autoriser la ratification de l’amendement de 2009 à l’article 6 du protocole de Londres.
Cet amendement crée une exception à l’interdiction d’exporter des déchets ou d’autres matières à des fins d’immersion en mer, en autorisant explicitement le transport transfrontalier de dioxyde de carbone capté et destiné à être séquestré dans des formations géologiques sous-marines.
Il prévoit des garanties : tout transfert de CO2 devra être encadré par un accord ou un arrangement entre les pays concernés. Cet accord devra répartir les responsabilités de manière claire et conforme aux exigences environnementales.
Pourquoi cela est-il crucial ? Parce que la France ne disposera pas de capacités opérationnelles de stockage géologique de CO2 avant au moins 2030, alors que des projets industriels de capture du carbone sont déjà en cours – nous nous en félicitons. Des entreprises comme EQIOM et Lhoist, ainsi que le projet D’Artagnan, soutenus par des financements européens majeurs, ont besoin de solutions d’exportation dès maintenant, afin de ne pas compromettre leurs investissements.
Sans la ratification de cet amendement, ces projets pourraient être suspendus, voire annulés. Pire encore, c’est l’ensemble de la trajectoire de réduction des émissions prévue dans notre stratégie nationale bas-carbone qui serait remise en question. Ce texte n’est donc pas un détail technique, mais un levier indispensable pour permettre à la France d’atteindre ses objectifs climatiques,…
Mme Christine Arrighi
Il n’y a aucun objectif !
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
…tout en soutenant l’innovation industrielle et en contribuant à la lutte mondiale contre le changement climatique.
Mme Sabrina Sebaihi
Vous prenez en otage les générations futures !
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
En votant ce texte, nous faisons plus qu’une simple autorisation de ratification. (Mme Julie Ozenne proteste vivement.) Je sais parler fort aussi ! Nous faisons un pas concret, cohérent et nécessaire vers la neutralité carbone. Donnons à la France les moyens d’agir avec responsabilité, ambition et détermination. Le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de ce projet de loi. (Mme Julie Ozenne s’exclame de nouveau.)
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
La convention de Londres de 1972 et son protocole de 1996 constituent le cadre international de prévention de la pollution marine causée par l’immersion de déchets. La réglementation, gérée par l’OMI, a progressivement évolué pour interdire l’immersion de certaines substances dangereuses et encadrer strictement le rejet en mer d’autres matières résiduelles.
Ce projet de loi vise à autoriser la ratification de la résolution qui modifie l’article 6 de la convention. Adopté en 2009, l’amendement permet l’exportation transfrontalière de flux de dioxyde de carbone en vue de leur séquestration géologique sous-marine. Cette modification vise donc à offrir une solution supplémentaire pour réduire les émissions de CO2, tout en garantissant, en principe, tout impact négatif sur les écosystèmes marins.
C’est une exception à l’article 6, dont l’objectif est d’accompagner le développement de technologies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le captage et le stockage du carbone sont un levier essentiel pour atteindre les objectifs climatiques à horizon 2030 et 2050. Il s’agit d’une solution complémentaire à la transition énergétique et d’une technologie essentielle pour la réduction des émissions de CO2, notamment pour les secteurs industriels comme la cimenterie ou la sidérurgie.
De nombreux pays européens, à l’instar de la Norvège et des Pays-Bas, ont déjà développé des infrastructures permettant ce type de stockage sous-marin. La France, qui ne dispose pas encore de capacités opérationnelles équivalentes, pourrait ainsi avoir recours à l’exportation temporaire de CO2 pour répondre à ses engagements climatiques.
Pour garantir un cadre strict et sécurisé, l’amendement impose plusieurs conditions essentielles, comme le fait qu’un accord ou un arrangement doive être conclu entre les pays concernés, ou encore que les conditions de stockage respectent les mêmes exigences environnementales que celles imposées par le protocole de Londres.
Cependant, il est nécessaire d’établir des points d’alerte. Tout d’abord, le captage et le stockage du carbone ne doivent pas être un prétexte pour maintenir un modèle industriel polluant. (Mme Christine Arrighi applaudit.)
Cette ratification ne doit pas empêcher de continuer à mettre en œuvre des alternatives plus durables. Il est essentiel que cette approche s’inscrive dans une stratégie plus large, combinant réduction des émissions, innovation industrielle et construction d’infrastructures de stockage sur le territoire national.
Les énormes moyens engagés nous interrogent : ne seraient-ils pas plus efficaces, s’ils étaient investis dans l’efficacité énergétique ou les énergies renouvelables ?
Mme Christine Arrighi
Eh oui ! Bien sûr !
M. Michel Castellani
Des garanties solides doivent être apportées quant aux conditions de stockage. L’amendement prévoit que l’exportation ne pourra se faire qu’entre États appliquant les normes du protocole de Londres, mais des mécanismes de suivi et de contrôle rigoureux devront être mis en place pour éviter les risques de fuite ou de pollution.
Les implications de cette ratification doivent être examinées sous l’angle de la protection des écosystèmes marins. On ne peut ignorer l’impact fortement négatif que ne manqueront pas d’avoir ces stockages sur les équilibres physico-chimiques et biologiques. Nous avons déjà eu à débattre de la sauvegarde des fragiles fonds sous-marins.
Les territoires insulaires et ultramarins, déjà confrontés aux effets du changement climatique, nécessitent aussi une vigilance accrue. Nous devons tenter d’éviter des conséquences négatives sur leur environnement lui aussi fragile.
Mme Christine Arrighi
Ils vont enfouir au large de Bastia ! (Sourires.)
M. Michel Castellani
Ce qui nous est demandé pose une contradiction redoutable, que l’humanité doit affronter volens nolens : d’un côté, la nécessité, dans l’état actuel de la technologie, d’une dynamique de croissance qui conditionne l’équilibre général de notre société ; de l’autre, la gestion de plus en plus difficile des externalités catastrophiques de cette croissance pour le milieu naturel. La dynamique du toujours plus – de biens, de services, d’humains sur la Terre – trouvera inéluctablement sa limite. Nous faisons trop souvent semblant d’ignorer cette réalité fondamentale.
À l’évocation de toutes ces restrictions, vous comprendrez que ce texte ne suscite pas un enthousiasme particulier au sein du groupe LIOT. (M. Jimmy Pahun applaudit.)
M. le président
Sur l’article unique, je suis saisi par les groupes Ensemble pour la République et Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Nous sommes invités à nous prononcer sur un amendement à l’article 6 du protocole de Londres qui, au terme de l’adoption de la résolution du 30 octobre 2009, autorise l’exportation ou l’importation de dioxyde de carbone à des fins de séquestration géologique, notamment sous-marine.
Nous pourrions nous interroger sur les raisons pour lesquelles la France se propose de ratifier cette résolution, près de quinze ans après son adoption. La raison en est qu’elle a récemment conclu deux accords bilatéraux : avec la Norvège en janvier 2024 et avec le Danemark en mars 2024.
Si l’accord avec la Norvège concerne essentiellement la mise en œuvre d’une coopération commerciale visant à faciliter la mise en relation des entreprises spécialisées dans le stockage du dioxyde de carbone, l’accord franco-danois prévoit explicitement le transport transfrontalier du CO2 des fins de stockage géologique permanent. D’autres projets sont en cours, comme celui avec l’Italie.
Le sujet qui nous occupe pose à cet égard de nombreuses questions. Nous n’avons pas d’opposition de principe au développement des technologies de stockage de carbone. Le Giec lui-même considère la capture et la séquestration du carbone comme une option crédible pour contribuer à la réduction des émissions provenant de grands systèmes industriels ou énergétiques.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Absolument !
M. Jean-Paul Lecoq
L’Agence internationale de l’énergie estime quant à elle que le CSC permettrait de réduire d’environ 10 % les émissions mondiales de gaz à effet de serre à horizon 2050.
Ce qui pose sérieusement question dans ce texte, qui autorise à exporter son dioxyde de carbone si l’on ne dispose pas soi-même de capacités de séquestration, c’est qu’il met en relief le manque cruel de volonté de la France de réduire efficacement ses émissions de carbone et de développer ses propres solutions. (Mme Christine Arrighi applaudit.) L’Agence de la transition écologique a montré que, compte tenu des effets néfastes du transport au-delà de 200 kilomètres, les sites de stockage doivent être les plus proches possible de la source d’émissions de CO2. Or vous nous proposez aujourd’hui d’exporter du CO2 pour qu’il soit stocké en mer du Nord !
Une fois de plus, le milieu marin va servir d’exutoire pour les déchets résultant des activités humaines : il sera l’immense tapis sous lequel on amoncelle la poussière. Une fois de plus, la France se décharge de ses responsabilités sur des pays tiers : elle ne va pas s’assurer que de telles activités ne nuisent pas aux écosystèmes marins ;…
Mme Christine Arrighi
Pendant des millions d’années !
M. Jean-Paul Lecoq
…elle s’en remettra aux dispositifs de surveillance créés par d’autres États, au risque de diluer sa propre responsabilité environnementale. Or le stockage souterrain, comme sous-marin, n’est pas sans risque pour l’environnement : risques de fuites, sismicité induite, pollution des nappes…
Nous ne pouvons souscrire à cette approche, à cette logique de fuite en avant qui sert d’alibi aux industriels pour continuer à émettre massivement du CO2, plutôt que d’investir dans la décarbonation de leur outil de production. Les solutions de captage et de stockage de carbone ne doivent servir que de solutions palliatives, ne concerner en somme que les émissions résiduelles inévitables, ce que l’on pourrait appeler le CO2 ultime. Elles n’ont pas vocation à servir de subterfuge. Or c’est exactement ce que vous nous proposez avec ce texte.
Nous avons devant nous d’immenses défis à relever, tant en matière de lutte contre le réchauffement climatique que d’adaptation à ce changement. Or cette adaptation deviendra impossible si nous atteignons le seuil de 4 degrés Celsius de réchauffement. Nous devons donc investir massivement dans la sortie des hydrocarbures et l’électrification des usages, dans l’efficacité et la sobriété énergétique – une sobriété choisie et non subie –, dans l’accompagnement des entreprises, des agriculteurs et des salariés pour gagner le pari d’une transition socialement et économiquement juste.
Pour la majorité, l’enjeu est ailleurs, nous l’avons bien compris : il s’agit d’ouvrir à nos entreprises industrielles les plus émettrices l’accès au marché du stockage international…
Mme Christine Arrighi
Avec l’argent du contribuable !
M. Jean-Paul Lecoq
…afin de leur offrir une alternative compétitive face à l’augmentation des quotas de carbone en Europe. C’est une réponse à courte vue, révélatrice d’un certain mépris – ou d’un profond aveuglement – face aux enjeux sociaux et environnementaux cruciaux que soulève le changement climatique. Le groupe GDR votera donc résolument contre le projet de ratification que vous nous présentez. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Dragon.
M. Nicolas Dragon
Le projet de loi visant à ratifier l’amendement à l’article 6 du protocole de Londres de 1996 est présenté comme une avancée dans la lutte contre le changement climatique. Et pourtant, derrière cet écologisme de façade se cache une réalité beaucoup plus préoccupante.
Mme Julie Laernoes
L’immigration ?
M. Nicolas Dragon
En effet, par manque d’investissements suffisants, nous nous apprêtons à transférer nos émissions de CO2 hors de nos frontières, dans les abysses, en rejetant la responsabilité sur les générations futures et en déguisant tout cela en solution durable.
Ce texte vise à accélérer l’exportation de CO2 liquéfié vers d’autres pays pour le stocker au fond des mers. En Europe, le choix se porte notamment sur la mer du Nord, qui pourrait servir de sarcophage aux émissions de CO2, là où l’exploitation gazière et pétrolière y a laissé des cavités aptes à accueillir ce stockage. Cette technique, inventée aux États-Unis pour augmenter la pression dans les gisements pétroliers et relancer la production de puits anciens, n’est pas neutre.
Présenté comme propre, ce mécanisme est en réalité un contournement. Loin de résoudre le problème, il le déplace et, pire encore, il l’enfouit littéralement. Faute d’avoir développé des capacités de stockage dans son propre territoire, la France s’apprête à envoyer ses émissions ailleurs : la pollution sera donc, elle aussi, ailleurs. Dans les profondeurs des océans, des risques existent. La Terre étant en perpétuel mouvement, des séismes pourraient entraîner l’ouverture de ces poches et provoquer la remontée du CO2 dans l’atmosphère, ce qui nous ramènerait au point de départ.
Mme Christine Arrighi
Eh oui !
M. Nicolas Dragon
Les fonds océaniques abritent une biodiversité fragile, parfois encore inexplorée, qui joue un rôle essentiel dans l’équilibre de notre planète, notamment en produisant l’oxygène que nous respirons. Les utiliser comme dépotoir pour nos émissions de gaz à effet de serre, c’est prendre un risque dont personne ne peut prédire les conséquences. C’est aussi masquer ce qui nous dérange en surface pour aller le cacher au plus profond des mers, sans en mesurer les dangers.
Nous devons également souligner l’absence d’une vision nationale sur ce sujet. Si la France croit réellement au captage et au stockage du CO2, pourquoi n’y a-t-il pas d’investissements massifs dans des infrastructures de ce type ? Pourquoi une nation qui fait partie des puissances mondiales accepte-t-elle encore une logique d’externalisation qui la rend dépendante d’autres pays pour gérer ses propres émissions ? Il serait judicieux d’investir dans des plateformes offshore sur nos propres espaces. Ce projet de ratification n’envoie qu’un seul signal à la population : que l’on peut se débarrasser du CO2 comme on jette un encombrant à la mer. C’est une vision dangereuse, qui ne va pas favoriser la prise de conscience collective sur l’environnement.
Dans quelques semaines, la France accueillera à Nice la troisième conférence des Nations unies sur l’océan. Que dirons-nous aux autres nations ? Que notre solution pour réduire les gaz à effet de serre consiste à les enfouir dans les profondeurs marines ?
Nous ne sommes pas opposés par principe à la technologie de captage et de stockage du carbone,…
M. Xavier Lacombe, rapporteur
Ah !
M. Nicolas Dragon
…notamment dans certaines zones géographiques déjà équipées par les industriels. Elle peut avoir un rôle technique à jouer, dès lors qu’elle est bien encadrée, sur des sites industriels adaptés, afin de réduire les risques environnementaux. Mais cela ne doit pas devenir une solution de confort pour rester en phase avec le calendrier de décarbonation préconisé par le Giec. Ce n’est pas une solution pérenne que d’exporter les problèmes, encore moins une stratégie durable pour nos entreprises, pour lesquelles un tel procédé relève de la logique décroissante engendrée par le Green Deal.
Dès lors, jusqu’où irons-nous contre nos entreprises ? Nous devons prendre nos responsabilités et tracer une politique nationale cohérente, respectueuse de nos engagements en matière de biodiversité, tout en intégrant les enjeux économiques. En l’absence d’une vision nationale claire, nous restons dubitatifs quant aux implications environnementales de ce texte.
À l’heure de l’urgence climatique, la France doit incarner autre chose que le rejet sous-marin de ses propres émissions. C’est pourquoi, avec bon sens et responsabilité, le groupe Rassemblement national fait le choix de s’abstenir sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Nous avons entendu certaines réserves…
Mme Christine Arrighi
Des oppositions !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
…sur le texte qui vous est soumis. Je rappelle que la capture de carbone, dans tous les scénarios, restera une exception et que notre approche de la transition écologique s’appuie sur deux fondations, les seules susceptibles de nous permettre d’atteindre nos objectifs en matière de décarbonation et de préservation de la biodiversité.
La première fondation, c’est de toujours s’appuyer sur la science. Or, de ce point de vue, la quasi-intégralité des scénarios du Giec repose pour partie sur de la capture de carbone. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR et sur les bancs des commissions.)
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Absolument !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
On peut être d’accord ou ne pas être d’accord avec les prescriptions du Giec, mais si on est d’accord avec elles, on est obligé d’accepter le principe selon lequel, par exception, et de façon minoritaire, la capture de carbone vient compléter la palette de nos outils.
Mme Julie Ozenne
Pas dans les fonds marins !
Mme Sabrina Sebaihi
Pas de cette manière !
Mme Christine Arrighi
Le premier principe, c’est d’éviter d’émettre des gaz à effet de serre !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
La deuxième fondation de notre approche en matière de décarbonation, c’est qu’il faut tenir compte des réalités et qu’on ne peut pas imposer des obligations ou des pénalités lorsqu’il n’existe pas d’alternative. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Il y a, mesdames et messieurs les députés, dans certaines de vos circonscriptions, des entreprises qui n’ont pas de solution pour atteindre les objectifs de décarbonation, ce qui les assujettit – et c’est bien normal – à des pénalités, au titre du marché du carbone, par exemple.
Mme Sabrina Sebaihi
Il faut réduire les émissions, pas les enfouir !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Que va-t-il se passer pour ces entreprises, pour ces usines qui, dans le secteur de l’industrie ou de la chimie, n’ont pas de solution alternative à la capture du carbone ?
M. Thibault Bazin
On risque de perdre des emplois !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Elles vont être obligées de payer de lourdes pénalités, qui vont ensuite peser sur leur capacité à maintenir l’emploi sur les sites industriels.
M. Thibault Bazin
Il faut les protéger et les préserver !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Vous voulez opposer l’emploi et la transition écologique, alors que ce protocole nous offre une solution complémentaire qui s’ajoute, par exception, à tous nos efforts en matière de décarbonation.
Mme Sabrina Sebaihi
Vous n’aidez pas les entreprises !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Parce que nous pensons que la seule solution pour atteindre nos objectifs de décarbonation, c’est de suivre les prescriptions de la science, nous suivons les prescriptions du Giec.
Mme Sabrina Sebaihi
Décarboner, ce n’est pas enfouir !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
J’ai parlé du Giec, mais j’aurais pu parler aussi du Haut Conseil pour le climat (HCC), qui reconnaît lui-même qu’une partie, certes minoritaire, de capture de carbone sera nécessaire.
Mme Julie Ozenne
Pas dans les fonds marins ! C’est dangereux ! Vous fabriquez des bombes !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Et parce que notre approche repose aussi sur l’accompagnement des filières, lorsque celles-ci n’ont pas de solution, nous retenons cette option qui vient compléter, par exception, la palette de nos outils pour réduire nos émissions de carbone dans l’atmosphère,…
Mme Sabrina Sebaihi
Vous ne réduisez rien du tout !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
…donc les conséquences dramatiques du dérèglement climatique, qui touchent désormais toutes les circonscriptions, qui peuvent être dévastatrices et qu’il est de notre obligation morale de minimiser.
Mme Christine Arrighi
On a compris, c’est bon !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
J’ai entendu aussi qu’il serait inacceptable que notre action contre le dérèglement climatique puisse se manifester et s’organiser à l’extérieur de nos frontières, mais je m’inscris en faux contre cet argument.
Mme Mathilde Panot
Vous êtes en train de faire de l’obstruction !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Lorsqu’avec notre aide publique au développement, nous réduisons les émissions de gaz à effet de serre de 13 millions de tonnes par an, soit l’équivalent des émissions de la métropole de Lyon, nous agissons à l’extérieur des frontières nationales au service de la lutte contre le dérèglement climatique.
Mme Sabrina Sebaihi
Vous êtes en train de créer des bombes à retardement !
M. Jean-Noël Barrot, ministre
Il n’y a pas d’incompatibilité entre l’action qui est la nôtre à l’international et l’atteinte de nos objectifs en matière de lutte contre le dérèglement climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur les bancs des commissions.)
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.
Article unique
Vote sur l’article unique
M. le président
Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 136
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l’adoption 49
Contre 55
(L’article unique n’est pas adopté, non plus que l’ensemble du projet de loi.)
3. Simplification de la vie économique
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique (nos 481 rectifié, 1191).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 1965, 513, 549, 688 et 1114 à l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le président
Sur ces amendements no 1965 et identiques, je suis saisi par les groupes Socialistes et apparentés et Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour soutenir l’amendement no 1965.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Il vise à revenir sur la suppression, adoptée en commission, du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Créé par Geneviève Fioraso en 2013, à la suite des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, le HCERES est le garant de l’indépendance de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur ; il fait partie intégrante de la crédibilité internationale de notre autonomie, de nos libertés académiques. Sa suppression sèche constituerait donc une régression politique et académique majeure, et ferait de la France une inquiétante exception au sein de l’OCDE, car l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche, que la loi érige en obligation, serait automatiquement internalisée au sein du ministère.
Le gouvernement a entendu vos critiques : le rapporteur nous a d’ailleurs, à juste titre, demandé des garanties pour l’avenir. Il serait donc fondamental de laisser à la nouvelle présidente du HCERES, que vous avez auditionnée en février, le loisir de mener à bien les réformes structurelles qu’elle s’est très clairement engagée à opérer : réduction de moitié des référentiels d’évaluation, évaluation par établissement et non plus par formation, simplification des procédures. Nous sommes rejoints sur ce point par de nombreux acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche : France Universités, la CFDT éducation, le SNPTES-Unsa, la Fage (Fédération des associations générales étudiantes) appellent à ne pas supprimer le HCERES, mais à accompagner la réforme amorcée, dont je vous promets que nous la conduirons à son terme. L’indépendance de l’évaluation n’est ni une option, ni un coût administratif, mais une exigence indispensable, je le répète, à la préservation de l’autonomie et des libertés académiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Patrick Hetzel applaudit également.)
Mme Sophie Taillé-Polian
Il y a peu de choses que nous voulions supprimer qui ne soient pas indispensables, à vous entendre !
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour un rappel au règlement. Monsieur Tanguy, je vous signale par avance que si votre propos n’a pas de rapport avec la discussion en cours, je vous retirerai la parole.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je ne sais pas à quel titre, monsieur le président, puisqu’un rappel au règlement peut n’avoir pas de lien avec la discussion.
M. le président
Je vous prie de relire l’article 58 du règlement, monsieur Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Il y est question des rappels au règlement répétés, et celui-ci est mon premier de la séance – j’ajoute qu’il restera le seul, si cela peut rassurer ceux qui, ici, ont peur de la libre expression. Il se fonde sur l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Cela n’a aucun rapport avec le déroulement de la séance. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l’amendement no 513.
M. Erwan Balanant
Je voudrais appuyer les propos du ministre : la commission des affaires culturelles a auditionné Coralie Chevallier, le 19 février, dans la perspective de sa nomination à la présidence du HCERES. Il existe en effet une démarche de transformation de cet organisme, dont l’utilité est grande pour le milieu universitaire. M. le ministre a mentionné un certain nombre d’entités qui le soutiennent : le supprimer reviendrait à commettre une erreur importante, aux dépens de nos universités, mais aussi de notre souveraineté en matière de recherche scientifique. Je vous invite donc à adopter ces amendements identiques.
M. le président
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l’amendement no 549.
Mme Béatrice Piron
Le ministre a très bien argumenté en faveur de la suppression de l’alinéa 2, qui lui-même prévoit que soit supprimé le HCERES. Cet organisme reconnu contribue à la crédibilité de notre système universitaire : sa disparition pourrait nuire à la reconnaissance des diplômes français, ainsi qu’à l’intégration de nos établissements au sein des classements internationaux. J’insiste également sur le fait qu’il est responsable et garant de la qualité de la recherche en France. Nous parvenons même à faire venir des chercheurs des États-Unis : il serait dommage de nuire à cette attractivité !
M. le président
La parole est à M. Jean Laussucq, pour soutenir l’amendement no 688.
M. Jean Laussucq
Il est identique à ceux qu’ont soutenus le ministre et les précédents orateurs. Renoncer à supprimer le HCERES, essentiel à la crédibilité, au sérieux de la recherche française, ainsi qu’à l’ensemble du monde universitaire, serait à la fois utile et important. Ainsi que l’a souligné M. Balanant, la nouvelle présidente de cette autorité administrative indépendante s’est engagée à conduire un énorme programme de réformes et de restructurations, dont certaines sont déjà entamées ; je vous invite collectivement à conserver le HCERES. (Mme Céline Calvez applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 1114.
M. Patrick Hetzel
Il est également identique aux précédents. En matière d’enseignement supérieur et de recherche, les procédures d’évaluation sont longtemps restées internes au ministère ; en 2006, la législation a créé une entité indépendante, l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), transformée en HCERES en vertu de la loi dite Fioraso du 22 juillet 2013. Je le dis à mon tour, cet organisme joue un rôle décisif dans l’évaluation de la recherche française, contribuant ainsi à la crédibilité internationale de cette dernière. Il convient de revenir absolument sur sa suppression.
M. le président
La parole est à M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission spéciale pour les titres Ier à VI, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques.
M. Christophe Naegelen, rapporteur de la commission spéciale
C’est la commission qui, par voie d’amendement, a introduit dans ce projet de loi la suppression du HCERES. Au cours de la séance quelque peu caricaturale d’hier soir, j’ai tenté d’expliquer qu’entre le passage du texte en commission et son arrivée en séance publique, nous avions continué de recueillir des informations, comme nous le prouverons tout au long de l’examen de l’article 1er, et en somme d’élaborer une méthode de travail – c’est M. Fournier, je crois, qui a employé l’expression – afin d’exposer des arguments mieux fondés, des justifications compréhensibles par tous.
D’une part, le HCERES a une nouvelle présidente, ce qui suppose, si nous lui en laissons le temps, un changement d’attributions, de méthode, de ligne directrice. D’autre part, lorsque nous avons étudié la possibilité de supprimer diverses entités, la dimension financière a joué un rôle important : le HCERES devrait disposer l’an prochain d’un budget de 19,8 millions d’euros, soit 4,2 millions de moins que cette année. Pour toutes ces raisons, à titre personnel, j’émettrais un avis favorable aux amendements, c’est-à-dire à son maintien.
J’ajouterai, toujours en référence à la séance d’hier soir, que M. Leseul a eu raison de me reprendre au sujet des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser). Gardons-nous des généralités : qui sommes-nous pour prétendre détenir la vérité universelle ? Il y a des Ceser qui fonctionnent très bien, même si ce n’est pas le cas de tous – j’aurai l’occasion d’y revenir lorsque nous en viendrons à ce point.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour un rappel au règlement.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Il se fonde sur l’article 100 du règlement, relatif à la bonne tenue des débats. Nous parlons de supprimer ou conserver le HCERES et d’autres entités importantes, ce qui fait débat parmi nous (Protestations sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem) :…
M. Erwan Balanant
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…au lieu que les interventions suivant la présentation d’un amendement soient limitées à un orateur pour et un contre, serait-il possible qu’un représentant de chaque groupe puisse s’exprimer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est tout le problème de ce texte, en particulier de son article 1er, qui vise, sans étude d’impact, à rayer d’un trait de plume toutes sortes d’organismes. Il conviendrait que nous ayons au moins un débat éclairé… (M. le président coupe le micro de l’oratrice, qui est applaudie par quelques députés du groupe LFI-NFP.)
M. le président
J’ai entendu votre demande : je veux bien admettre deux orateurs pour et deux contre. (« Non ! » sur divers bancs.) Si les intervenants s’écartent de l’objet des amendements, nous reviendrons à un pour et un contre. Il n’est pas question de bordéliser la séance, comme c’était le cas hier soir ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Article 1er (suite)
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous sommes opposés à ces amendements identiques : l’évaluation doit être internalisée, comme c’était le cas avant 2006, où il s’agissait d’une mission du ministère. En outre, le HCERES fait double emploi avec un certain nombre de structures également chargées d’évaluer des travaux de recherche : commission des titres d’ingénieur, commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion, ou encore commission consultative nationale des instituts universitaires de technologie (IUT).
M. Erwan Balanant
Ça n’a rien à voir !
M. Matthias Renault
Libre à vous de l’affirmer : cela prouve une lecture critique du rapport sur lequel je m’appuie, publié en 2021 par la Cour des comptes ! Le débat parlementaire est aussi fait pour ça… L’indépendance du HCERES, dont le président est nommé par décret présidentiel, a quant à elle fait l’objet des critiques de syndicats et d’enseignants-chercheurs : prenons garde au vernis d’expertise sous lequel se dissimulent des prises de position politiques à certains moments un peu chauds, dirai-je, pour le gouvernement.
Enfin, le HCERES ajoute une couche supplémentaire de complexité administrative pour les établissements et les unités de recherche. C’est ce que souligne la Cour des comptes, dans son rapport sur le HCERES daté du 4 juin 2021, en insistant sur l’inflation du nombre de rapports d’évaluation du HCERES dont les recommandations sont rarement suivies d’effets.
C’est pourquoi nous proposons l’internalisation de cette structure au sein du ministère d’enseignement supérieur et de la recherche, comme c’était le cas avant 2006.
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Erwan Balanant
Ça fait trois orateurs contre si on compte le rappel au règlement !
M. Hendrik Davi
Avec ce texte, on voit bien que le gouvernement veut simplifier la vie économique… et pas celle des chercheurs ! En commission, j’avais proposé la suppression du HCERES avant tout parce qu’elle est demandée de longue date par les premiers intéressés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Exactement !
M. Hendrik Davi
C’est là la grande différence avec les nombreuses suppressions que vous proposez dans ce texte, dont le seul objectif est de réduire les droits des salariés, les normes environnementales en vigueur et la vitalité du débat démocratique.
Toutes les mobilisations des scientifiques ont mis la suppression du HCERES et de son ancêtre, l’AERES, à l’ordre du jour. Toutes ! (Mêmes mouvements.)
Elle figure même dans la plateforme commune de revendications de l’université ouverte.
Près de 5 000 scientifiques ont signé une pétition en ce sens après la suppression de l’amendement de suppression du HCERES en commission, soit en seulement deux semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe LFI-NFP
Eh oui !
M. Hendrik Davi
Presque toutes les organisations syndicales, à l’exception de celles que vous avez mentionnées bien sûr, sont favorables à sa suppression : SUD Recherche, le syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique (SNTRS), la fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture (FERC), le syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP), et même la CFDT Recherche. (Mêmes mouvements.)
Pourquoi la communauté est-elle aussi unanime ? Parce que le constat est très clair : les évaluations du HCERES sont inutiles, toxiques et dangereuses pour la liberté académique et la liberté pédagogique. (Protestations sur les bancs du groupe EPR.)
Inutiles, cela a déjà été dit, parce que les évaluations ne sont pas suivies d’effets. Les personnels sont évalués et recrutés par leur établissement. Il existe donc une décorrélation absurde entre l’évaluation collective opérée par le HCERES d’une part, et les évaluations des individus opérées par les établissements de recherche d’autre part.
Ceux qui ne connaissent pas le monde de la recherche ne le comprennent pas. C’est pourtant fondamental.
Toxiques, parce que ces évaluations promeuvent la compétition, le système du publish or perish – publier ou périr –, et contribuent à l’explosion des mauvaises pratiques et fraudes qu’elles devraient pourtant combattre. C’est bien le HCERES qui applique le nouveau management public dans la recherche, charriant son lot de dérives en termes de fardeau administratif et d’épidémies de burn-out.
M. Hervé Berville
C’est incroyable !
M. Hendrik Davi
Dangereuses enfin, parce que ces évaluations sont instrumentalisées par le pouvoir. Ça a été le cas pour la campagne d’évaluation de la vague E, dans laquelle 25 % des formations en sciences humaines ont reçu des avis négatifs. C’est comme si l’esprit de Trump et de Musk avait gagné le HCERES.
Nous souhaitons la suppression du HCERES parce que c’est une instance politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Il existe des alternatives. On peut par exemple confier les missions du HCERES aux établissements universitaires. Ils sont dotés de conseils scientifiques, de sections du Conseil national des universités, de représentants élus par les personnels qui organisent déjà le recrutement. Ils peuvent donc parfaitement endosser ce rôle d’évaluation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.
M. Arnaud Saint-Martin
La suppression du HCERES est nécessaire. Il n’aurait même jamais dû être créé : c’est une anomalie et une aberration. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Tous les arguments mobilisés pour en justifier l’existence sont totalement déconnectés de la réalité et de l’expérience vécue par la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche qui en subit l’arbitraire, le mantra de l’excellence et l’injonction à l’évaluation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le HCERES est nocif, toxique, pourrit le travail universitaire et plombe les savoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hervé Berville
Vous êtes contradictoires ! Hier, vous disiez l’inverse.
M. Arnaud Saint-Martin
C’est, depuis 2013, la tronçonneuse, la hache du savoir.
M. Hervé Berville
Ce sont pourtant les trumpistes qui veulent tout supprimer à la hache !
M. Arnaud Saint-Martin
C’est pourquoi tenter de le rétablir participe d’une logique détestable contre laquelle nous nous élevons depuis toujours, parce que nous sommes attachés à la raison et parce que nous nous opposons fermement à l’obscurantisme qu’implémente cette instance nocive.
C’est la seule, de la trop longue liste de suppressions sans procès, que nous défendrons.
M. Hervé Berville
Il y a peu d’instances que la gauche veuille supprimer…
M. Arnaud Saint-Martin
Le HCERES, comme cela a été démontré maintes fois, est un gaspillage de ressources, d’argent public et d’énergie collective, au service d’une évaluation faite selon des indicateurs bibliométriques et des critères qui n’ont d’académique que le nom.
Cette instance n’est pas indépendante, et on le sait. Elle exerce un contrôle politique des savoirs et apparaît même comme une police des savoirs.
Les communautés académiques se mobilisent depuis des années contre cette instance. Elles n’ont jamais été entendues : pire, elles ont été méprisées par les gouvernements successifs, alors que sa mise en place était déjà controversée.
L’instance ne fait que produire de volumineux rapports d’évaluation qui épuisent les personnels et finissent par servir de cale pour les armoires. Les conséquences pratiques de cette réalité commencent à se faire sentir, et ça fait mal.
La campagne d’évaluation de la vague E a sanctionné des formations dans des universités déjà exposées à l’austérité budgétaire. Cela a suscité une mobilisation légitime dans les départements de sciences humaines et d’humanités. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Les universités sont vent debout contre cette instance à cause de laquelle leurs formations sont dévaluées, menacées, dévalorisées, alors que les savoirs qu’elles enseignent sont essentiels et critiques.
L’air de rien, ce sont des disciplines entières qui se trouvent sur la sellette à cause du HCERES.
M. Hadrien Clouet
Exactement !
M. Arnaud Saint-Martin
Une autre voie est possible : faisons confiance aux professionnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, à l’évaluation par les pairs et à une évaluation pleinement autonome opérée par le Conseil national des universités ou les sections du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique.
Maintenons cette suppression dans l’intérêt général de l’université et de la recherche et pour assurer leur rayonnement international.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je souhaite soutenir le maintien du HCERES.
Avant tout, je suis très étonné de ce que j’entends depuis quelques minutes. Il faut que tout le monde, en particulier dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, ait conscience de ce qui est en train de se passer ce matin. Nous commençons très mal la journée.
Nous assistons à une alliance entre la gauche et l’extrême droite pour supprimer une institution de l’enseignement supérieur,…
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Mais arrêtez !
M. Charles Sitzenstuhl
…alors que depuis des semaines, vous montez au créneau, et à juste titre d’ailleurs, pour dénoncer le trumpisme rampant et les attaques systématiques contre l’enseignement supérieur. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Hervé Berville
Eh oui ! Trumpistes !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous allez dans quelques instants supprimer une institution…
M. Hervé Berville
Sans évaluation !
Mme Sandra Marsaud
Quelle honte !
M. Charles Sitzenstuhl
…que vous, la gauche, avez mise en place en 2013 avec François Hollande et Geneviève Fioraso. L’extrême droite, dans quelques minutes, va faire l’appoint pour que vous puissiez supprimer le HCERES. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Hier soir, j’étais présent : j’ai entendu tous vos argumentaires. Vous avez dit que nous étions en train de ratiboiser les agences de l’État, que nous voulions passer au lance-flammes l’ensemble des institutions et des organismes de l’État. Et que faites-vous aujourd’hui ? Vous allez supprimer, sans évaluation, une institution étatique.
Le fait que nous défendions aujourd’hui le HCERES contredit tous les mensonges que vous avez proférés hier. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hervé Berville
Eh oui !
M. Charles Sitzenstuhl
Chers collègues de gauche, et je m’adresse notamment aux socialistes et aux écologistes, réfléchissez ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Si vous vous en prenez à l’enseignement supérieur et à la recherche française avec l’aide de l’extrême droite, j’espère que vous pourrez encore vous regarder dans la glace. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre
Je souhaite rappeler que l’obligation d’évaluation des formations et des laboratoires restera inscrite dans la loi quoi qu’il arrive. En supprimant le HCERES, vous donnerez au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est-à-dire à l’autorité politique, la faculté de conduire lui-même ces évaluations.
C’est profondément contraire à l’idée même de liberté académique. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR, Dem et DR.)
M. Erwan Balanant
Exactement ! Bravo LFI !
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Je rappelle que la commission s’est prononcée en faveur de la suppression du HCERES. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Bravo la commission !
M. Gérard Leseul
À titre personnel, et au nom du groupe socialiste, je ne peux accepter la méthode par laquelle le HCERES est aujourd’hui supprimé. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Nous avons défini une règle : nous nous opposerons à la suppression de toute instance, comité, commission figurant dans le présent article qui ne serait pas conditionnée à une évaluation préalable.
Sur le fond comme sur la forme, nous ne pourrons donc pas vous suivre, chers amis, pour voter la suppression du HCERES. Nous voterons pour ce rétablissement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem, HOR. – M. Emmanuel Grégoire applaudit également.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1965, 513, 549, 688 et 1114.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 145
Nombre de suffrages exprimés 139
Majorité absolue 70
Pour l’adoption 63
Contre 76
(Les amendements identiques nos 1965, 513, 549, 688 et 1114 ne sont pas adoptés.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Erwan Balanant
C’est bien : le ministère a maintenant tous les pouvoirs !
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir l’amendement no 905.
M. Matthias Renault
Cet amendement a exactement le même objet, puisqu’il propose de supprimer le HCERES, mais sur une autre base législative.
D’abord, j’en profite pour revenir sur la notion de liberté académique. Je suis étonné d’entendre que cet argument est mobilisé tant par les défenseurs du maintien du HCERES que par ses pourfendeurs. Or il me semble qu’un conseil bureaucratique, situé à Paris, qui multiplie les rapports inutiles est, par définition, une entrave à la liberté académique. Je ne comprends donc pas que l’on puisse soutenir le maintien du HCERES au nom de la liberté académique alors même qu’il lui est contraire.
Ensuite, vous dites que la politique fera désormais de l’évaluation et que cela n’est pas souhaitable. Je tiens à souligner que c’est déjà le cas, puisque le HCERES a lui-même une dimension évidemment politique. Cela a été rappelé précédemment à juste titre.
L’évaluation du travail de recherche pourra donc très bien être effectuée, comme avant 2006, directement par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle pourra être, le cas échéant, décentralisée au sein des établissements.
Enfin, le groupe socialiste nous dit qu’il faudrait systématiquement évaluer tout projet de suppression d’agences, autorités ou comités rattachés à l’État avant d’acter leur suppression. C’est comme si nous, parlementaires, n’étions pas vraiment habilités à prendre des décisions de suppression de telles instances. Je m’oppose fermement à cet argument.
Ces instances ne forment pas une administration administrante intouchable à propos de laquelle les parlementaires devraient s’abstenir de s’exprimer.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Par cohérence, la commission est plutôt favorable à l’amendement.
À titre personnel, et conformément aux explications que j’ai données tout à l’heure, j’y suis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Philippe Baptiste, ministre
Je ne sais pas s’il est très cohérent d’avoir maintenu votre amendement, puisque le vote précédent a supprimé l’organe qui en est l’objet. Je donne donc un avis défavorable par cohérence.
(L’amendement no 905 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 1964, 1027 et 1193.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 1964.
M. Philippe Baptiste, ministre
Cet amendement permet de rétablir l’Afitf, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Elle a été créée dans le but de flécher des recettes vers les projets de transport avec l’objectif de garantir souplesse et réactivité.
Le ratio de crédit géré par agent au sein de cette agence est l’un des meilleurs de la République, avec 1 milliard d’euros par agent. Ce chiffre met en valeur l’efficacité du travail de l’équipe restreinte de l’Agence.
Ainsi, l’Agence a un coût de structure de 800 000 euros, ce qui en fait un modèle de frugalité.
La conférence de financement des transports à venir permettra de définir ses nouvelles priorités et d’envisager une possible évolution de la gouvernance des projets. C’est pourquoi nous proposons le rétablissement de cette agence et nous soutiendrons les amendements qui iront dans le même sens.
M. le président
Sur les amendements identiques nos 1964, 1027 et 1193, je suis saisi par les groupes Socialistes et apparentés et Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 1027.
M. Gérard Leseul
Il vise à rétablir l’Afitf, comme l’a proposé M. le ministre. Cette agence gère quasiment 5 milliards d’euros qui sont fléchés vers le développement des mobilités et des transports. Sur cette somme, près de 2 milliards sont des taxes affectées. Si l’Afitf était supprimée, je ne vois pas où iraient, dans le budget général de l’État, ces 2 milliards qui ne seraient pas affectés aux mobilités, en particulier aux transports ferroviaires. L’efficacité de cette agence est démontrée – la commission du développement durable a auditionné son président à plusieurs reprises –, c’est pourquoi nous sommes très favorables à son rétablissement.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Bonnet, pour soutenir l’amendement no 1193.
M. Nicolas Bonnet
Les députés du groupe Écologiste et social sont favorables également au rétablissement de l’Afitf. Cette agence permet de financer les infrastructures de transport routières, mais aussi ferroviaires. Nous devons renforcer la démocratie en son sein pour mieux choisir les priorités en matière de transition des mobilités. Néanmoins, on ne peut pas la supprimer sans prévoir autre chose à la place et sans avoir pris le temps d’analyser les avantages et les inconvénients et de proposer des pistes d’amélioration.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Lors de l’examen de cet amendement de suppression par la commission, plusieurs d’entre nous avaient mentionné le rapport de la Cour des comptes qui était critique quant à la plus-value de l’Afitf. C’est la raison pour laquelle j’avais émis un avis favorable à l’amendement, qui avait été adopté par la commission. À titre personnel, je suis favorable au rétablissement de l’Afitf, pour une seule raison.
Mme Anne-Laure Blin
On ne va pas changer d’avis en plein débat !
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, madame Blin ! Le budget de l’Afitf s’élève à 3,8 milliards d’euros. Ces crédits sont consacrés aux infrastructures de transport dans nos territoires. Si nous supprimons cette agence par un amendement, ces crédits seront rendus au budget de l’État, donc ne seront plus fléchés vers les transports – nous n’avons pas de solution de repli. Certes, les critiques à l’égard de l’Afitf sont nombreuses, comme le montre le rapport de la Cour des comptes, c’est pourquoi il faudrait proposer une solution quant à l’affectation de ces 3,8 milliards afin qu’ils soient fléchés vers les infrastructures de transport.
M. le président
La parole est à M. Hervé Berville.
M. Hervé Berville
En vous entendant et en lisant le rapport de la commission, je suis quand même saisi d’un doute. J’ai des difficultés à comprendre pourquoi le ministère des transports ne pourrait pas gérer des financements qui sont dédiés à sa raison première : le déploiement d’infrastructures. Depuis plusieurs années, nous assistons à une agencification des politiques publiques – je ne suis pas convaincu que cela améliore l’efficacité et la lisibilité de l’action publique pour les citoyens. Je n’ai pas du tout compris ce qui empêcherait de faire en sorte que le ministère des transports gère des crédits destinés au financement des infrastructures de transport. (M. Loïc Prud’homme applaudit.)
M. Thierry Benoit
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin.
Mme Anne-Laure Blin
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir donné un avis favorable en commission spéciale. Depuis l’examen en commission, on mesure bien la pression qui pèse sur nos épaules pour revenir sur les amendements adoptés en commission. À la suite de l’émoi suscité par la suppression de certaines agences, nous sommes sollicités de toutes parts, vous comme moi, pour les rétablir. Je l’ai dit en commission, l’Afitf est étroitement subordonnée à l’administration centrale du ministère des transports, en l’occurrence à la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités. C’est ce qui a conduit la commission à adopter l’amendement.
Nous nous appuyons sur le rapport de la Cour des comptes – nos collègues de gauche devraient s’en féliciter : contrairement à leurs allégations d’hier soir, nous travaillons ! – et ce rapport est très clair : il considère l’Afitf comme une simple caisse de financement qui lui permet de contourner la législation budgétaire.
M. Hervé Berville
Exactement !
Mme Anne-Laure Blin
Nous aurons l’occasion de nous prononcer sur le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) lors de l’examen d’amendements ultérieurs, mais force est de constater que l’Afitf forme un doublon avec un autre comité. Nous avons besoin de faire le ménage dans ces agences qui se multiplient à foison et qui rendent complètement illisibles les politiques menées en matière d’infrastructures de transport.
Nous avons évidemment besoin d’infrastructures de transport – en tant qu’élue d’un département rural, je suis bien placée pour le savoir. Il convient de donner de la lisibilité à l’organisation de l’État, de manière à rendre opérationnels et effectifs les dispositifs que nous voulons dans nos territoires. Cela passe par la simplification du millefeuille, donc par la suppression d’un certain nombre de comités. Pour ce qui est de l’Afitf, je persiste à penser qu’elle pourrait très bien trouver sa place dans une fusion avec d’autres organisations existantes – je n’ai pas changé d’avis sur ce point.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Je remercie notre collègue Blin qui a travaillé le sujet tout au long des travaux en commission – je lui en donne acte.
Mme Anne-Laure Blin
Merci !
M. Christophe Naegelen, rapporteur
En revanche, sachez que je suis complètement imperméable aux pressions – mon changement de position ne résulte en aucun cas d’une pression de qui que ce soit.
Mme Anne-Laure Blin
Je sais ce que c’est ! Je le vis !
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Depuis la fin du travail en commission il y a quinze jours, j’ai recueilli des informations complémentaires. Sur ce point, mon ego n’est pas un problème : dès l’instant où l’on me prouve que j’ai tort sur un point, je suis parfaitement disposé à me rallier aux arguments qui le prouvent. On aura l’occasion de le voir tout au long de l’examen du texte : sur certains points, je resterai fidèle à ma position en commission ; sur d’autres, ma position évoluera parce que les informations qui m’auront été apportées pendant ces quinze jours m’auront convaincu que nous n’avons pas pris les meilleures décisions en commission.
Mme Anne-Laure Blin
Quelle coordination avec le COI ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je reste favorable au rétablissement de l’Afitf – et si ces amendements étaient rejetés, il me resterait un autre amendement à défendre sur ce point.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1964, 1027 et 1193.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 112
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l’adoption 49
Contre 55
(Les amendements identiques nos 1964, 1027 et 1193 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de deux demandes de scrutins publics : sur l’amendement no 148, par les groupes Rassemblement national et Socialistes et apparentés ; sur le sous-amendement no 2640, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 148.
M. Michel Castellani
Cet amendement de notre collègue Taupiac prévoit que la suppression de l’Afitf prenne effet le 1er janvier 2026, après l’adoption du projet de loi de finances pour l’année 2026. Ainsi, un programme spécifique pourra être créé lors des discussions budgétaires afin de permettre une meilleure traçabilité des crédits des transports.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 2640 à l’amendement no 148.
M. Christophe Naegelen, rapporteur
C’est un sous-amendement rédactionnel à l’amendement de notre collègue David Taupiac. Nous n’avons pas rétabli l’Afitf, sa suppression est donc actée ; laissons-nous un peu de temps, jusqu’au 1er janvier 2026, pour organiser cette suppression, en particulier la gestion des fonds.
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul, vice-président de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
M. Gérard Leseul
Avis favorable à l’amendement et au sous-amendement.
M. le président
La parole est à M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Les députés du groupe Rassemblement national voteront pour cet amendement pour des raisons pratiques. Nous avons décidé de supprimer l’Afitf ; il faut le temps de la mise en œuvre. Je me réjouis de cette suppression qui a été réclamée à trois reprises par la Cour des comptes pour des raisons de lisibilité budgétaire – en 2009, en 2016 et en 2024. La Cour a estimé que cette agence était une coquille vide, qui servait de courroie de transmission financière pour des fonds de concours, en particulier pour des ports. En tant que rapporteur spécial du budget pour le programme Affaires maritimes, pêche et aquaculture, j’avais recommandé sa suppression. L’ancienne rapporteure spéciale sur ce même budget, Mme Arrighi, avait également recommandé d’internaliser l’Afitf, ce qui montre que cette question est transpartisane – même sur les bancs de la gauche, après étude approfondie, on peut être favorable à la réinternalisation d’opérateurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Marc Fesneau.
M. Marc Fesneau
Je vous mets en garde – nous démarrons à peine cette longue litanie. Rappelons d’abord le titre du projet de loi : simplification de la vie économique. Nous risquons de voir plusieurs dispositions censurées par le Conseil constitutionnel – il y a des cavaliers législatifs partout. Et après, on dira que c’est la république des juges ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Gérard Leseul applaudit également.) Pas du tout ! Le Conseil constitutionnel fera son travail, car ce sont des cavaliers législatifs – le précédent amendement sur le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur n’a rien à voir avec le texte.
M. Hervé Berville
Eh oui !
M. Jean-Luc Fugit
Il a raison !
M. Marc Fesneau
Ensuite, vous ne verrez jamais les députés du groupe Les Démocrates s’interdire de modifier, de supprimer ou de fusionner des agences. Mais l’Afitf gère plusieurs milliards d’euros. On dit aux opérateurs, qui attendent des réponses, qu’on supprime l’Afitf et qu’on leur donnera jusqu’au 1er janvier 2026. Soyons sérieux ! En agissant de la sorte, on décrédibilise toutes les démarches de simplification. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Monsieur le ministre, je partage le point de vue de notre collègue du groupe écologiste qui s’est exprimé tout à l’heure : il y a un sujet de gouvernance de l’Afitf et de coordination de ses actions avec celles du ministère des transports. Mais là, on supprime la structure sans savoir ce qu’on va faire de l’argent ni comment les projets seront instruits dans les délais, en l’absence de structure alternative. Cet amendement n’est pas acceptable : il n’est pas satisfaisant de supprimer des structures comme celles-là sans avoir la moindre idée de ce par quoi on la remplacera. Ce n’est pas du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Gérard Leseul applaudit également)
Mme Anne-Laure Blin
Je ne suis pas d’accord !
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 2640.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 96
Majorité absolue 49
Pour l’adoption 96
Contre 0
(Le sous-amendement no 2640 est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 148, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 93
Contre 0
(L’amendement no 148, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
Sur les amendements no 153 et identiques, je suis saisi par les groupes Rassemblement national, La France insoumise-Nouveau Front populaire et Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 153, 1033, 1789 et 2105.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l’amendement no 153.
Mme Stella Dupont
La Commission supérieure du numérique et des postes, la CSNP, est une nouvelle fois menacée de suppression. Par ces amendements, nous sommes un certain nombre à proposer son maintien. Il s’agit de préserver cet organisme parlementaire indépendant, qui me semble essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie. Cette commission composée de députés et de sénateurs éclaire le Parlement sur les enjeux numériques et postaux. Elle complète ainsi l’action de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l’Arcep, qui régule le marché, et celle du Conseil national du numérique, le CNNUM, qui conseille le gouvernement.
La suppression de la CSNP priverait le Parlement d’un éclairage indépendant et expert, crucial pour des débats de qualité. Je note qu’en 2024, cette commission s’est réunie plus de cent fois et a produit neuf avis, démontrant ainsi son engagement actif. J’ajoute que son coût de fonctionnement est négligeable puisqu’il est environ de 20 000 euros par an, auquel s’ajoutent deux équivalents temps plein. Nous avons donc vraiment les moyens de maintenir cette structure très utile pour notre activité de parlementaire.
M. le président
La parole est à M. Jacques Oberti, pour soutenir l’amendement no 1033.
M. Jacques Oberti
Je voudrais tout d’abord rectifier une erreur commise hier par notre collègue LR lors de la discussion générale : il ne s’agit pas du CSNP, mais bien de la CSNP, la Commission supérieure du numérique et des postes ! (Exclamations sur les bancs du groupe DR.)
Mme Anne-Laure Blin
Vous êtes très attentif à mes propos, je suis flattée !
M. Jacques Oberti
Cette commission supérieure, fort bien présidée par un sénateur LR, Damien Michallet,…
Mme Anne-Laure Blin
C’est la preuve qu’il n’y a pas de copinage !
M. Jacques Oberti
…a la caractéristique fort rare d’être bicamérale puisqu’elle est composée de sept députés et sept sénateurs, choisis évidemment dans un esprit transpartisan, ainsi que de trois personnalités qualifiées, toutes bénévoles. Elle travaille pour les parlementaires et produit à ce titre de très nombreux avis et recommandations sur les transformations numériques – dans une vision transversale et non par politique publique, comme les groupes d’études de l’Assemblée –, mais aussi sur le service postal. Depuis le début de cette législature, elle a rendu : en octobre, un avis sur la transposition de la directive NIS 2 sur la cybersécurité ; en novembre, un avis sur l’inclusion numérique ; en décembre, un avis sur la mission d’aménagement du territoire confiée à La Poste ; en février, un avis sur l’intelligence artificielle ; et très récemment, en avril, un avis sur l’extinction de la 2G et de la 3G.
Mme Anne-Laure Blin
Et l’Arcep ?
M. Jacques Oberti
Elle n’est assimilable ni à l’Arcep, le gendarme des télécommunications en tant qu’autorité de régulation administrative, ni au Conseil national du numérique, qui conseille le gouvernement. C’est la raison pour laquelle nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, souhaitons maintenir la CSNP. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme Anne Le Hénanff applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Nosbé, pour soutenir l’amendement no 1789.
Mme Sandrine Nosbé
Cet amendement vise en effet à maintenir la Commission supérieure du numérique et des postes car sa suppression, comme toutes celles qui jalonnent cet article, apparaît très problématique : aucune étude d’impact n’a été produite sur ses effets et les arguments qui la sous-tendent sont plus délirants les uns que les autres.
Mme Anne-Laure Blin
L’étude d’impact était jointe au texte initial ! Il fallait la lire ! Il faut travailler !
Mme Sandrine Nosbé
La suppression de la CSNP serait de plus très grave à plusieurs titres. Rappelons tout d’abord qu’il s’agit de la seule instance bicamérale permanente et transpartisane dédiée à ce secteur et qu’elle porte, du fait de la présence de parlementaires, un regard particulier sur les questions d’équité territoriale face à l’aménagement numérique, en particulier s’agissant de l’exacerbation de la facture numérique sur notre territoire. Grâce à son caractère bicaméral, cette commission a une vision stratégique, politique et globale de l’aménagement numérique territorial et des postes qu’aucune autre commission parlementaire ne pourrait avoir et qui manque grandement aux acteurs publics chargés du numérique.
Elle ne fait donc pas doublon avec l’Arcep, comme vous le prétendez, madame Blin, ni avec le Conseil national du numérique, car les membres de ces deux institutions sont, eux, désignés par le gouvernement, contrairement à ceux de la Commission supérieure du numérique et des postes, et leurs missions ne sont pas les mêmes. De plus, cette commission est active : elle s’est réunie plus de 130 fois en 2023 et a produit des rapports qui ont alimenté la réflexion collective autour de la 5G par exemple.
À l’heure où la facture numérique est importante en France, une telle suppression serait un mauvais signal au regard de la réduction des inégalités et des précarités numériques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 2105.
M. Emmanuel Maurel
Pour répondre à M. Fesneau, je pense que la meilleure solution pour éviter cette espèce de ball-trap qui va nous occuper pendant des heures eût été de supprimer l’article 1er, comme nous le proposions – le problème aurait été réglé. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Un député du groupe LFI-NFP
Exactement !
M. Emmanuel Maurel
Nous sommes contraints de travailler ainsi parce que vous n’avez pas accepté cette logique de simplification, au moins du texte.
Je propose donc à mon tour, au nom du groupe GDR, de rétablir la CSNP dont la commission spéciale a voté la suppression car c’est une instance bicamérale, transpartisane, permanente, active, une instance de contrôle parlementaire, dont nous avons bien besoin. Et je tiens à rassurer les collègues obsédés par la gestion des deniers publics : elle ne coûte quasiment rien. Ce n’est pas en supprimant cette instance que vous allez sauver la vie économique du pays et la vie des entreprises.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Elle a approuvé la suppression de la CSNP et donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Je note que les amendements identiques suivants, déposés par les députés Le Hénanff, Travert, Vojetta, Ferrari, Belluco, Pochon et Taite, ont le même objet, même s’ils ne concernent pas tout à fait les mêmes alinéas.
Nous avons pris le temps, au cours des quinze derniers jours, d’aller à la rencontre des membres de la CSNP. Plusieurs députés l’ont rappelé, c’est une instance bicamérale qui se réunit régulièrement, qui est productive et dont le coût est faible pour les deniers publics – tout au plus pouvons-nous espérer que ses dépenses de fonctionnement ne soient plus prises en charge à l’avenir par l’État, mais par les deux assemblées. Pour ces différentes raisons, contrairement à la position du gouvernement en commission, favorable à sa suppression, et pour faire mentir ceux qui me dépeignent, comme ils l’ont fait hier, en apôtre de Musk ou de je ne sais qui encore, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme Anne Le Hénanff
Merci, monsieur le ministre.
Mme Anne-Laure Blin
C’était dans votre texte, monsieur le ministre ! Ce n’est pas logique !
M. le président
La parole est à M. Guillaume Kasbarian.
M. Guillaume Kasbarian
La Commission supérieure du numérique et des postes, c’est un peu l’Arlésienne ! Déjà à l’époque de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite Asap, nous avons essayé de la supprimer et nous avons vu alors un formidable lobby parlementaire s’activer pour la maintenir coûte que coûte.
Je donne un conseil à tous les collègues qui voudraient créer de nouveaux comités : la meilleure façon de les sécuriser éternellement, c’est d’y faire siéger des parlementaires, parce que vous pouvez être certains que vous aurez alors à vie des défenseurs de ces instances ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Manuel Bompard
Quel mépris pour les parlementaires ! Quelle démagogie de bas étage !
M. Guillaume Kasbarian
Cette commission soi-disant indépendante avait des particularités qui étaient déjà bizarres à l’époque : une partie de ses financements était fléchée par Bercy, y compris le chauffeur et les locaux qui étaient payés par le ministère pour qu’elle puisse fonctionner en toute indépendance…
J’ajoute qu’il y a déjà d’autres commissions qui traitent du numérique. Si on ne supprime pas la Commission supérieure du numérique et des postes, que fait-on alors du Conseil national du numérique et du Comité national de dialogue de l’Agence nationale des fréquences ? Et que fait-on des divers opérateurs, agences et comités, qui assurent exactement les mêmes missions et qui, en fait, ne servent plus à rien ? On ne peut pas les multiplier et les laisser essaimer sur le même sujet en considérant que tout est en permanence essentiel.
Enfin, monsieur le ministre, les alinéas dont les auteurs des amendements demandent la suppression ne sont pas du tout des cavaliers législatifs puisque cette disposition était dans le texte initial du gouvernement.
Mme Anne-Laure Blin
Exactement !
M. Guillaume Kasbarian
Il y a donc zéro cavalier en l’espèce. Je pense qu’il est temps de mettre de côté le lobby parlementaire qui veut maintenir absolument toutes les commissions et tous les comités. Allons-y et n’ayons pas peur : il y a d’autres comités qui traitent le sujet ! (Protestations sur les bancs des groupes SOC et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Matthias Tavel
C’est quoi ces propos antiparlementaires ?
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
La suppression de la CSNP est tout aussi scandaleuse que les arguments qui ont été avancés pour défendre son maintien ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.) Il s’agit là encore d’une suppression délirante et qui ne résiste pas au peu de méthodologie que vous vous êtes appliqué pour savoir quand supprimer ou maintenir un organisme.
L’activité de la CSNP a été évoquée : elle a tenu 130 réunions en 2023, 98 en 2024, et de nombreux avis ont été donnés sur des sujets aussi importants que la fracture numérique, la 5G ou l’intelligence artificielle. Oui, cette commission est importante et nous allons essayer d’obtenir son maintien.
Quant à l’argument selon lequel elle ferait doublon, nous avons dit et répété qu’elle n’était pas identique à l’Arcep ni au Conseil national du numérique. Si vous aviez un minimum travaillé,…
M. Guillaume Kasbarian
On ne vous a pas attendue !
Mme Claire Lejeune
…si vous aviez ne serait-ce que consulté les sites de ces trois instances, vous vous seriez rendu compte que les missions et la composition ne sont pas les mêmes. (Mêmes mouvements.)
Et puis surtout, la suite de la discussion va montrer que ce sont souvent les instances où siègent des parlementaires qui sont ciblées. Il est d’ailleurs heureux que des parlementaires travaillent sur de tels sujets ! En tant que parlementaires, vous devriez les défendre plutôt que de jeter l’opprobre sur le travail de vos collègues. C’est honteux ! (M. Guillaume Kasbarian s’exclame.) Nous proposons, quant à nous, de voter pour le rétablissement de la CSNP supprimée par le projet de loi.
Encore un mot sur votre méthode grossière : je me suis entretenue le lundi 24 mars, juste avant le début de l’examen du texte en commission spéciale, avec la déléguée territoriale de La Poste de mon département, l’Essonne : elle était scandalisée que vous vouliez supprimer cette instance. (M. Guillaume Kasbarian fait mine de jouer du violon.) Il y a par ailleurs une lettre ouverte d’acteurs du numérique à François Bayrou pour protester contre cette suppression. Vous avez tout le monde contre vous ! Nous rétablirons cette commission que vous avez supprimée dans le projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour un rappel au règlement.
Mme Danielle Brulebois
Sur le fondement des articles relatifs au bon déroulement de nos débats, je me permets de dire que, dans cette assemblée, il n’est pas permis de juger ses collègues en leur disant qu’ils ne travaillent pas ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Je pense que tous les députés ici travaillent et il est insupportable de s’entendre dire par une députée LFI que les autres collègues ne travailleraient pas ! Nous sommes ici pour débattre sur le fond, pour donner des arguments, mais pas pour juger nos collègues ! Juger nos collègues ne se fait dans aucune instance, ni dans les conseils municipaux, ni dans les conseils départementaux. On ne juge pas ses collègues, on débat… (M. le président coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe EPR applaudissent cette dernière.)
Plusieurs députés du groupe EPR
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel, pour un rappel au règlement.
M. Matthias Tavel
Sur la base de l’article 70, alinéa 5, relatif à celui « qui s’est rendu coupable d’outrages ou de provocations envers l’Assemblée ou son président ». Nous venons d’assister à une scène extravagante dans laquelle un député de la nation accuse un « lobby parlementaire ».
M. Jean-François Coulomme
Quelle honte !
M. Matthias Tavel
Ce sont des propos inacceptables, antiparlementaires, poujadistes, qui font honte à son groupe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Marie Pochon applaudit également.) Un tel discours est inacceptable venant de membres d’une assemblée parlementaire pour laquelle tant de Français se sont battus,…
M. Emeric Salmon
Arrêtez ! C’est vous qui vous battez dans les couloirs !
M. Matthias Tavel
…pour laquelle les Français ont fait des révolutions ! (M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP, ainsi que Mme Marie Pochon, applaudissent ce dernier. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Marina Ferrari, pour un rappel au règlement.
Mme Marina Ferrari
Au titre de l’article 95 sur le déroulé de l’examen des amendements.
Je note que la prochaine série d’amendements identiques, le no 217 et suivants, porte également sur le maintien de la CSNP. Je ne comprends pas qu’ils ne soient pas présentés en discussion commune avec ceux que nous examinons présentement.
Mme Anne-Laure Blin et M. Emeric Salmon
C’est parce qu’ils ne portent pas sur les mêmes alinéas !
M. le président
C’est en effet la raison.
Article 1er (suite)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 153, 1033, 1789 et 2105.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 128
Majorité absolue 65
Pour l’adoption 75
Contre 53
(Les amendements identiques nos 153, 1033, 1789 et 2105 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 217 à 403 rectifié tombent.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. – M. Stéphane Travert et Mme Marina Ferrari applaudissent également.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Stella Dupont, pour un rappel au règlement.
Mme Stella Dupont
Il se fonde sur l’article 95 relatif au déroulement de la discussion des amendements.
Je ne vois pas bien comment nous allons travailler si l’auteur d’un amendement ne peut pas reprendre la parole après l’avoir présenté, ne serait-ce que pour le retirer. Nous avons là un problème de fonctionnement qui empêche que nos débats se passent le mieux possible et dans l’apaisement. (MM. Éric Martineau et Jacques Oberti applaudissent.) L’auteur d’un amendement devrait au minimum pouvoir dire deux mots à l’issue des réponses de la commission et du gouvernement.
M. le président
C’est bien noté. S’il y a une demande de retrait, vous pouvez me le signaler. En revanche, si je redonne la parole à toutes les personnes qui ont déposé des amendements identiques, le débat n’avancera pas. Il faut qu’il ait lieu, qu’il soit éclairé – et donc que tous les avis s’expriment –, mais on ne peut pas le ralentir sans objet.
Article 1er (suite)
M. le président
Sur les amendements identiques nos 370, 646, 1531, 2174 et 2532, je suis saisi par les groupes Rassemblement national, La France insoumise-Nouveau Front populaire, Socialistes et apparentés et par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour un rappel au règlement.
Mme Anne-Laure Blin
Il se fonde sur l’article 95. Ce qui se passe au cours de cette séance est incompréhensible – je demande pardon à Mmes et MM. les administrateurs de le dire. Hier soir, j’ai évoqué l’irrecevabilité opposée à certains amendements. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.) Ce matin, un de mes amendements, le no 2625, n’est plus soumis au débat alors qu’il concernait l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Initialement, mon rappel au règlement portait sur la scission d’un amendement que j’avais déposé, le no 17, divisé en deux par les services de la séance et devenu ainsi le no 2625.
M. Inaki Echaniz
C’est parce qu’il était mal écrit !
Mme Anne-Laure Blin
Cet amendement devait être appelé en discussion après un autre déposé par un autre groupe qui reprenait purement et simplement celui que j’avais défendu en commission. Je ne comprends ni pourquoi il n’était pas prévu que je m’exprime en premier alors que je suis à l’origine de l’amendement, ni pourquoi il vient de disparaître du dérouleur de séance.
M. Inaki Echaniz
Ne remettez pas en cause la séance !
M. le président
Les amendements portant sur des articles ou des alinéas supprimés tombent de manière automatique.
Mme Anne-Laure Blin
Mais le dispositif n’était pas le même !
Article 1er (suite)
M. le président
Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 370, 646, 1531, 2174 et 2532.
La parole est à Mme Liliana Tanguy, pour soutenir l’amendement no 370.
Mme Liliana Tanguy
Il vise à supprimer les alinéas 36 à 38 de l’article 1er, qui prévoient la disparition du Conseil supérieur de la forêt et du bois (CSFB) et de ses comités spécialisés. Dans un contexte où nous avons besoin de protéger les forêts et de les adapter au changement climatique, c’est une très mauvaise décision. Cette instance représentative de l’ensemble de la filière de la forêt et du bois est indispensable pour guider les orientations de la politique forestière, publique ou privée. Aussi, je vous prie de maintenir le CSFB dans ses missions et ses attributions.
M. le président
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir l’amendement no 646.
M. Charles Fournier
Comme nos collègues Maurel et Fesneau, je pense depuis le début de nos débats que nous nous y prenons mal. Monsieur le ministre, je n’ai pas dit que vous faisiez du trumpisme. J’ai dit que l’article 1er ouvrait la voie au trumpisme et que beaucoup s’en étaient saisis en ce sens. Il faut écouter mes propos avec attention.
M. Laurent Marcangeli, ministre
Vous n’êtes pas le seul à l’avoir dit !
M. Charles Fournier
Votre remarque ne s’adressait pas à moi ? C’est comme cela que je l’avais prise, mais peut-être en effet ne suis-je pas le seul à l’avoir dit.
Selon moi, cet article ouvre la porte aux argumentations lunaires selon lesquelles certains organismes ne servent à rien ou qu’il faut en supprimer pour la seule raison qu’il y en aurait trop. L’exercice collectif qui aurait dû être mené ne l’a pas été, ce qui a ouvert la voie à ce que nous sommes en train de vivre.
J’en reviens au CSFB, que certains voudraient supprimer alors que la forêt représente un enjeu majeur à l’heure du réchauffement climatique et qu’il est presque la seule instance où l’on peut en parler. Il aurait fallu avoir un peu de temps pour se convaincre les uns les autres.
Mme Anne-Laure Blin
Travaillez !
M. Charles Fournier
Je travaille, madame Blin ! Vous, vous ne connaissiez pas la plupart des organismes que vous avez cités hier ! Vous n’avez cessé de répéter : « Je ne connais pas. »
Mme Anne-Laure Blin
C’est vous qui ne les connaissez pas !
M. Charles Fournier
Je connaissais tous ceux dont vous avez parlé, Conseil national de l’air (CNA) en tête. S’il y avait eu une réflexion collective au sein d’une délégation parlementaire, nous travaillerions aujourd’hui d’une manière beaucoup plus sérieuse que nous le faisons.
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 1531.
Mme Claire Lejeune
Pourquoi parlons-nous de trumpisme ? Pourquoi convoquons-nous l’image de la tronçonneuse ? Parce que, dans cet hémicycle, une personne se revendique ouvertement et fièrement d’Elon Musk, et parce qu’il est inexact de prétendre que vous visez des instances bureaucratiques. Encore une fois, avec le CSFB, vous visez une instance de concertation démocratique. C’est la démocratie que vous visez ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Le CSFB est la seule instance où les filières amont et aval du secteur peuvent se réunir avec des acteurs associatifs, des élus et des représentants des conseils départementaux ou régionaux.
Pensez-vous que la forêt est un petit sujet pour notre pays ? Alors qu’elle est au cœur de la lutte contre le dérèglement climatique et de la préservation de la biodiversité (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), vous voulez casser la seule instance qui en offre une vue d’ensemble en permettant une discussion démocratique entre les acteurs et en fournissant de l’information et une vision des meilleurs outils en la matière. Votre volonté de supprimer une instance de cette nature témoigne de votre mépris pour ces sujets. Il est important de la rétablir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 2174.
Mme Chantal Jourdan
Il vise à rétablir le CSFB, créé en 2015 par modification d’une instance antérieure. Sa composition a été récemment revue pour qu’il réunisse davantage d’acteurs. Comme cela a été dit, il est encore plus utile aujourd’hui qu’hier, car le changement climatique a des effets néfastes sur la forêt et, en répercussion, sur la production de bois. Cette situation oblige l’ensemble des acteurs à réfléchir et à se coordonner pour adapter toute la filière du bois. Cela nécessite d’imaginer comment modifier les pratiques, comment les évaluer et comment revoir la trajectoire.
Je souligne le caractère transpartisan de l’amendement no 370, qui a été repris par plusieurs groupes. Cela témoigne de l’intérêt et même de la nécessité de rétablir le CSFB.
M. le président
La parole est à M. Marc Fesneau, pour soutenir l’amendement no 2532.
M. Marc Fesneau
Il vise à rétablir le CSFB, que j’ai présidé. Je rappelle les critères que nous avions déterminés pour décider de la suppression d’un organisme ou de sa fusion avec un autre. Représente-t-il un coût ? Est-il redondant ? Se réunit-il ? Le CSFB ne coûte rien, n’est pas redondant et se réunit. Cela devrait suffire à déterminer notre vote. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. Charles Fournier
C’étaient les trois critères !
M. Marc Fesneau
C’étaient les trois critères, et j’ai tendance à suivre le ministre, non par seule discipline, mais aussi parce que sa logique met un peu de cartésianisme dans notre réflexion.
Par ailleurs, alors que la filière du bois et de la forêt est très émiettée, le CSFB est la seule instance qui réunisse dans la même pièce les opérateurs et les propriétaires, que les uns ou les autres soient publics ou privés. Ni l’Office national des forêts (ONF) ni le Centre national de la propriété forestière (CNPF) ne le font. Que diable allons-nous chercher des poux à une structure qui est utile, qui ne coûte rien et qui n’est pas redondante ?
M. Charles Fournier
Par principe !
M. Marc Fesneau
Il faut la maintenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Joël Aviragnet applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
La commission avait voté la suppression du CSFB, avec des arguments valables : aucune réunion en 2020 et 2021, une réunion en 2022, aucun rapport produit au cours de ces trois années. C’est ce qu’établissait le jaune budgétaire. Toutefois, les quinze derniers jours ont permis de retravailler la question. En 2023, le CSFB a publié un rapport sur des assises qui avaient eu lieu les années précédentes et, en 2024, il s’est réuni plus de dix fois et a produit des travaux. La commission est défavorable aux amendements de rétablissement – c’est son vote et c’est mon rôle de le rapporter. En revanche, à titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Favorable.
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
En tant que président du groupe d’études Forêt et filière bois, j’estime que nous avons besoin du CSFB et je pense que nombre des membres du groupe d’études seront d’accord avec moi. La forêt est un sujet majeur. Nous avons un problème de stockage du carbone, d’autant que les capacités du puits de carbone que représente la forêt diminuent.
Mme Anne-Laure Blin
Ce n’est ni le sujet ni la question !
M. Hendrik Davi
Nous avons besoin d’adapter nos forêts pour faire face au changement climatique et, pour ce faire, nous avons besoin du CSFB, où se retrouvent l’ensemble des acteurs du secteur. Nous devons les mettre autour d’une table pour réfléchir à une gestion plus durable des forêts ou au morcellement de la propriété forestière. Ces sujets nécessitent que les associations environnementalistes comme France nature environnement (FNE), les coopératives et les forestiers se réunissent pour discuter et avancer. Alors que nous espérons une grande loi transpartisane sur la forêt, la suppression du CSFB serait un très mauvais signal. (Mmes Marie Pochon et Manon Meunier applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
L’ONF n’est compétent que sur les forêts publiques et les commissions locales forestières n’ont, par définition, qu’un champ d’action territorialement limité. Ni l’un ni les autres ne peuvent se substituer au CSFB. Je soutiens donc les amendements.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 370, 646, 1531, 2174 et 2532.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 132
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 89
Contre 43
(Les amendements identiques nos 370, 646, 1531, 2174 et 2532 sont adoptés.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Marie Pochon applaudit également.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Perrine Goulet
Rappel au règlement au titre de l’article 100, alinéa 4.
Les amendements qui viennent en discussion, du no 2156 rectifié au no 1963 du gouvernement, portent tous sur le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA). Pourtant, ils ne font pas l’objet d’une discussion commune. Certes, les services ont dû travailler avec rapidité, mais cela fait quand même beaucoup : Marina Ferrari avait déjà signalé un problème similaire tout à l’heure. Il serait dommage que nous discutions de l’amendement no 2156 rectifié indépendamment des autres, en particulier de celui du gouvernement, qui propose une solution différente. Ne pourrions-nous pas suspendre la séance afin de regarder quels amendements peuvent être examinés en discussion commune ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. le président
J’allais précisément annoncer une suspension de séance de dix minutes, chère collègue. Et à la reprise, je vous proposerai une discussion élargie sur l’amendement no 2156 rectifié afin que chacun des groupes puisse prendre la parole.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)
M. le président
La séance est reprise.
Article 1er (suite)
M. le président
Sur l’amendement no 2156 rectifié, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Comme je l’indiquais avant la suspension, un orateur de chaque groupe pourra s’exprimer sur cet amendement, dont l’adoption ferait tomber les amendements no 129 et identiques, no 1963, ainsi que les amendements no 1968 et identiques.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 2156 rectifié.
M. Gérard Leseul
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à revenir sur la suppression du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) et sur celle du HCFEA. Il tend donc à supprimer l’alinéa 39 et, en conséquence, l’alinéa 140 de l’article 1er.
Ces deux organismes aident la puissance publique en lui fournissant une expertise rigoureuse et indépendante sur les politiques sanitaires, sociales et médico-sociales. Ils permettent ainsi d’identifier des pistes de réformes : qu’il s’agisse de la construction des lois de financement de la sécurité sociale, de la réforme des services d’autonomie ou des Ehpad, leur travail constitue une ressource précieuse et structurante, notamment pour notre activité de parlementaires.
Inférieur à 1 million d’euros pour chacun, leur coût de fonctionnement – l’un des arguments avancés par le comité de la hache – est sans commune mesure avec les bénéfices qu’en tirent aussi bien le Parlement que les pouvoirs publics. Leur suppression contraindrait en outre l’État à faire appel à des intervenants extérieurs pour recueillir des avis pertinents sur ces sujets.
Nous proposons donc le rétablissement de ces instances ; d’autres amendements préciseront l’utilité de chacune d’entre elles.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
L’existence même d’un amendement tendant à rétablir le HCFEA et le HCAAM prouve qu’ils avaient été supprimés en commission. Néanmoins, j’avais émis un avis défavorable à la suppression de ces instances pour plusieurs raisons.
Le HCFEA ne répond pas aux critères justifiant une suppression : il s’est réuni à plus de vingt-sept reprises en 2023 et toutes les parties prenantes en rappellent l’importance pour les politiques de la famille et de l’enfance. Le HCAAM exerce quant à lui d’importantes missions de suivi des dépenses de l’assurance maladie et contribue à la bonne gestion des finances publiques.
La commission ayant voté en faveur de leur suppression, elle émettrait un avis défavorable à leur rétablissement, auquel je suis favorable à titre personnel.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
La discussion qui nous occupe doit prendre en compte l’amendement no 1963 du gouvernement, au profit duquel je vous invite à retirer cet amendement et les amendements identiques suivants. Voici pourquoi.
Très large, le champ d’intervention du HCFEA s’étend de l’enfance au grand âge. Le chef du gouvernement a récemment chargé cet organisme d’une mission sur l’avenir du système de protection sociale et sur le rétablissement de son équilibre financier. Le gouvernement n’est donc pas favorable à sa suppression, mais à certaines mutualisations.
La loi Taquet du 7 février 2022 relative à la protection des enfants prévoyait le regroupement de plusieurs entités au sein du nouveau groupement d’intérêt public (GIP) France enfance protégée. Après deux années d’exercice, les synergies attendues de l’intégration du secrétariat général du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) et du Conseil national de l’adoption (CNA) ne sont manifestement pas au rendez-vous.
Par ailleurs, contrairement aux autres entités de ce GIP qui ont des vocations opérationnelles, les deux conseils, CNPE et CNA, ont vocation à éclairer le débat public et le gouvernement. Ils doivent exercer leurs compétences en toute indépendance. C’est pourquoi nous proposons dans l’amendement no 1963 que leur secrétariat général relève d’une entité indépendante et non du GIP dont l’État et les départements partagent la gouvernance à parité.
Mme Marie Mesmeur
Quelle magouille ! On ne comprend rien !
M. Laurent Marcangeli, ministre
J’esquisse la défense de l’amendement no 1963, puisque son objet est en partie le même que celui de M. Leseul. Défavorable à la suppression du HCFEA, le gouvernement souhaite toutefois en mutualiser les moyens d’action avec d’autres organismes. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement au profit du nôtre.
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois.
Mme Danielle Brulebois
Je prends la parole dès maintenant pour défendre l’amendement no 129, qui risque de tomber en cas d’adoption de l’amendement no 2156 rectifié.
Mon amendement vise à défendre le HCFEA. Dans le Jura, l’action de cette instance est reconnue par les acteurs, aussi bien les militants associatifs des Pep 39 et de l’Udaf – union départementale des associations familiales – que les membres de la fonction publique hospitalière. Cet organisme est donc utile. Successeur du Conseil national des retraités et personnes âgées (CNRPA), il poursuit des missions qui importent d’autant plus que nous souhaitons redéfinir la place des retraités dans la société et promouvoir les services permettant le maintien à domicile des personnes âgées.
En matière de politique familiale, ce haut conseil agit également en faveur de la jeunesse. Réservant une place importante aux jeunes gens dans la définition des politiques publiques qui les concernent – ce que je trouve intéressant –, cette instance participe à l’apprentissage de la vie civique et démocratique. Pourquoi nous priverions-nous d’un tel espace de réflexion et de proposition, dont les préconisations nous reviennent d’ailleurs bien moins cher que celles d’un cabinet de conseil ?
M. le président
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
J’ai moi aussi déposé un amendement visant à préserver le HCFEA, seule instance qui permet de traiter l’enfance, la famille et le grand âge de manière globale et non en silo, une telle approche ayant manifestement favorisé les synergies.
Ce haut conseil s’est-il souvent réuni ? De fait, il a rendu cinq rapports et six avis l’an dernier, et ses membres ont été entendus à quarante reprises par des décideurs publics, qu’ils appartiennent à l’Assemblée, au Sénat ou à des ministères. Je souhaite donc le maintien de cet organisme dont on voit bien l’importance.
J’en viens à l’amendement no 1963 du gouvernement. En 2019, j’avais moi-même proposé de regrouper certaines instances ; nous pouvions rattacher le CNPE à deux d’entre elles : le GIP ou le HFCEA. À l’époque, nous avions choisi le GIP. Force est de constater, après avoir échangé avec les acteurs, qu’ils n’arrivent pas à travailler ensemble de manière satisfaisante au sein du GIP France enfance protégée. Qui plus est, ce GIP étant présidé par les départements et l’État, la question du rattachement du CNPE au HCFEA, plus indépendant, se pose.
Confier au HCFEA la gestion du CNPE et du CNA, comme le propose l’amendement du gouvernement, est sans doute une bonne idée, puisque tous les organismes chargés de rendre des avis sur les décrets seraient ainsi réunis. Je serai attentive à la suite de la discussion, mais cet amendement du gouvernement me semble proposer une évolution pertinente au vu des questions de rattachement que nous nous sommes déjà posées. Le rattachement au GIP n’ayant pas fonctionné, il est intéressant d’envisager à nouveaux frais une solution initialement écartée – le rattachement au HCFEA. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin.
Mme Anne-Laure Blin
Il faut distinguer les instances de gouvernance et de pilotage, d’une part, des missions confiées aux organismes dont nous débattons, en l’occurrence le HCFEA, d’autre part.
Un amendement que j’ai proposé et qui a été adopté en commission tend à supprimer ce haut conseil. De quoi parlons-nous ? D’une instance dont le coût de fonctionnement annuel dépasse les 800 000 euros. Vu le nombre de réunions par an, chacune coûte donc 30 000 euros. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Perrine Goulet
Vous oubliez les rapports !
Mme Anne-Laure Blin
Certes, des rapports sont remis, madame Goulet : cinq en 2024, soit 62 000 euros pour chaque production de cette instance.
Mme Marie Mesmeur
Ce n’est pas la question ! On ne calcule jamais comme ça !
M. Hervé de Lépinau
Ce n’est pas une ZAD ici !
Mme Anne-Laure Blin
Je suis une grande défenseuse de la politique familiale française. Je crois que nous manquons d’une vision pour favoriser la natalité en France. C’est un point que je tiens à défendre. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Puisqu’il s’agit de rationaliser le millefeuille administratif, force est de constater qu’existent des doublons administratifs : le comité interministériel à l’enfance, le haut-commissariat à l’enfance, créé il y a trois mois à peine par le président de la République, le CNPE, le GIP France enfance protégée.
Mme Manon Meunier
Ça n’a rien à voir !
Mme Anne-Laure Blin
Il est manifestement nécessaire de clarifier le fonctionnement, le pilotage et la gouvernance de ces instances. C’est la raison pour laquelle je continue de défendre la suppression du HCFEA.
Mme Perrine Goulet
Mais il s’occupe du grand âge aussi ! On voit bien que vous n’y connaissez rien !
M. le président
La parole est à Mme Marie Mesmeur.
Mme Marie Mesmeur
Comme la discussion des amendements se rapportant au CNPE, dont le Rassemblement national souhaite la suppression, me donnera sans doute l’occasion de le rappeler, les chiffres concernant la santé mentale et la pauvreté des enfants et des jeunes, ainsi que le taux de mortalité infantile, devraient nous alerter. Or votre réaction consiste à supprimer le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
Comme il y a du chômage, créons un Haut Conseil du chômage !
Mme Marie Mesmeur
Aux collègues qui veulent le supprimer, notamment à Mme Blin, je rappelle – à moins que je ne le leur apprenne – que ce Haut Conseil, chargé d’éclairer les pouvoirs publics de ses nombreux rapports, est directement rattaché aux services du premier ministre. Comme nous n’avons plus de ministre spécifiquement chargée de l’enfance et vu la situation en matière de santé des enfants, il est préférable que François Bayrou garde auprès de lui une telle instance afin d’être éclairé.
Je donnerai trois éléments à l’appui de ma démonstration : 20 % des enfants vivent sous le seuil de pauvreté (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), la mortalité infantile explose de façon plus qu’inquiétante (Exclamations sur les bancs du groupe RN),…
Mme Anne-Laure Blin
Hors sujet !
Mme Marie Mesmeur
…des dizaines de milliers d’enfants n’ont pas de logement stable et digne (« Hors sujet ! » sur les bancs du groupe RN) ; et vous, vous nous parlez de natalité !
M. Philippe Ballard
Vous écoutez ce que nous disons ? Vous comprenez ce que nous disons ?
Mme Marie Mesmeur
Êtes-vous bien certains de vouloir faire des économies sur le dos de nos enfants ? La Défenseure des droits et tous ceux qui se soucient de l’intérêt de l’enfance s’opposent à cette suppression et vous regardent ! Hier, vous tentiez de légitimer vos suppressions et vos méthodes trumpistes en utilisant de pseudo-arguments minables et démagogiques, allant jusqu’à nous accuser d’être contre les hôpitaux et contre les personnes âgées ;…
Mme Anne-Laure Blin
C’est factuel !
Mme Marie Mesmeur
…mais vous, êtes-vous contre l’enfance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot
Bravo Marie !
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous sommes pour la suppression de ces deux organismes dans un but de simplification. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Erwan Balanant
C’est sûr, vous êtes simplistes !
Mme Ségolène Amiot
Vous voulez casser l’État !
M. Matthias Renault
De façon générale, ces hauts conseils thématiques aux attributions très larges font doublon avec une institution dont la mission, qui est d’ailleurs constitutionnelle, est d’aider le Parlement : la Cour des comptes, qui dispose d’une sixième chambre dédiée aux affaires sociales.
Mme Marie Mesmeur
Ça n’a rien à voir !
M. Matthias Renault
Elles font également doublon avec l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et, s’agissant des statistiques, le ministère de la santé compte une direction dédiée qui s’appelle la Drees – direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. En ce qui concerne l’enfance, deux organismes existent déjà – cela a été rappelé : le Conseil national de la protection de l’enfance et le haut-commissariat à l’enfance, qui vient d’être créé.
Mme Manon Meunier
Ça n’a rien à voir !
M. Matthias Renault
Dans ces conditions, vous ne pouvez pas nous dire que si nous nous opposons au maintien du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, c’est que nous sommes contre l’enfance, contre la famille ! À ce compte-là, vous pourriez nous dire que vous voulez créer un Haut Conseil contre le chômage et que si nous nous y opposons, c’est que nous sommes pour le chômage ! La démagogie, c’est précisément cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Anne-Laure Blin
C’est vrai !
M. Matthias Renault
D’un point de vue plus politique, je constate que depuis le début du débat en séance, nous réexaminons les suppressions d’organismes et d’agences décidées en commission. En somme, nous sommes en train de détricoter tout ce qui a été fait en commission !
Mme Manon Meunier
Ce qui a été fait en commission, c’est n’importe quoi !
M. Matthias Renault
Je m’interroge donc sur le rôle du bloc central : les téléphones ont dû sonner, la pression sur le gouvernement et sur le bloc central a dû être énorme après les suppressions qui ont eu lieu en commission ! Voilà que nous détricotons tout ce qui a été fait : le bloc central est en train de rejoindre la gauche,…
Mme Anne-Laure Blin
Il n’y a pas de bloc central ! À la limite, il y a un bloc gouvernemental !
M. Matthias Renault
…manifestement sous une certaine pression. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
On marche sur la tête ! Rendez-vous compte : vous envisagez de supprimer des organismes qui ont fait la démonstration de leur utilité (Exclamations sur les bancs du groupe RN), et pas uniquement par la qualité des travaux qu’ils produisent ! À chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous nous appuyons par exemple sur les avis du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge – notamment ceux du Conseil de l’âge, mais pas seulement.
Mme Perrine Goulet
Eh oui !
M. Jérôme Guedj
Je peux vous assurer qu’ils font preuve d’une indépendance certaine, d’un positionnement rigoureux et critique. En effet, la nature même de ces organismes, c’est de faire vivre la pluralité des positions : on trouve en leur sein des personnalités qualifiées, les partenaires sociaux et aussi des parlementaires, et leurs débats permettent d’alimenter nos réflexions.
L’autre argument aberrant, c’est celui qui a trait au coût de ces organismes.
Mme Anne-Laure Blin
Vu la dette de l’État, ce n’est pas si aberrant !
M. Jérôme Guedj
Franchement, quand on voit la qualité de leurs travaux par rapport à ce qu’ils nous coûtent, en comparaison avec ce que fournissent d’autres organismes susceptibles d’être mobilisés par l’État – nous avons débattu ici du recours à des cabinets de conseil privés, qui fait exploser les coûts (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC) –, ce que vous dites est une aberration !
Dernier point, mentionné à l’instant par le ministre, je veux souligner un paradoxe terrible. Trois hauts conseils sont concernés : vous voulez en supprimer deux, le HCFEA et le HCAAM, mais il y en a un troisième, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS), qui échappe pour le moment à vos propositions. Ces trois organismes, donc, viennent d’être saisis par le premier ministre, et c’est heureux,…
Mme Anne-Laure Blin
Voilà qu’il défend le gouvernement !
M. Jérôme Guedj
…pour formuler des propositions sur la trajectoire de financement de la sécurité sociale.
Mme Anne-Laure Blin
Il y a du boulot, c’est sûr !
M. Jérôme Guedj
Nous avons besoin de ces propositions pour préparer le prochain PLFSS. Vraiment, vous allez à rebours de la complémentarité que nous devons rechercher entre ces différentes instances !
Vous avez mentionné l’Igas et la Cour des comptes ; l’Igas est un organisme formidable – je ne vais pas vous dire le contraire, j’en suis issu (« Ah ! » sur quelques bancs des groupes RN et DR) –, mais sa valeur ajoutée n’est pas la même que celle des hauts conseils dont nous parlons. Elle travaille sur commande des ministres alors que ces trois organismes ont une capacité d’autosaisine et peuvent porter un regard critique sur la politique gouvernementale. Surtout, ils accomplissent un travail très fin sur l’ensemble des décrets et des textes de loi qu’ils examinent, travail qui a en outre une dimension prospective. Nous nous plaignons souvent de ne pas faire suffisamment de prospective ; appuyons-nous sur les organismes qui en font, au lieu de les supprimer !
Enfin, monsieur le ministre, votre amendement ressemble à du bricolage. L’idée d’opérer des rattachements peut être intéressante, mais sanctuarisons d’abord le rétablissement du HCFEA et du HCAAM, dont nous avons besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
Sur le fondement de l’article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats.
Il reste 1 428 amendements à examiner et nous sommes jeudi ; si nous passons vingt minutes sur chaque amendement avec une prise de parole par groupe, je ne vois pas comment nous réussirons à simplifier la vie économique ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Erwan Balanant
Avec vos cinquante-huit rappels au règlement, pas étonnant que ça n’avance pas !
Mme Perrine Goulet
On a perdu beaucoup de temps à cause de vous hier soir !
M. Pierre Meurin
Monsieur le président, ne pourrait-on pas revenir à un pour un contre sur chaque amendement, afin d’avancer plus vite ? (« Ouin ouin ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Perrine Goulet
Après le bazar que vous avez mis hier soir, vraiment ?
M. le président
Je ne sais pas si vous étiez présent avant la suspension, monsieur Meurin, mais depuis l’ouverture de la séance, nous avons appliqué le principe un pour un contre. Il se trouve que si l’amendement de M. Leseul était adopté, les suivants tomberaient. J’ai donc décidé d’accepter une prise de parole par groupe sur cet amendement – et seulement sur celui-là. Il n’y a aucun problème quant au déroulé de la séance.
Article 1er (suite)
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel
Nous avons là une nouvelle illustration de l’absurdité de l’article 1er, que je pointais tout à l’heure quand Marc Fesneau nous appelait en quelque sorte à la raison. Franchement, en quoi la suppression du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge contribuera-t-elle à simplifier la vie économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Erwan Balanant
Je suis d’accord !
M. Emmanuel Maurel
En quoi cela contribuera-t-il à simplifier la vie des entreprises et des gens ?
Mme Florence Herouin-Léautey
En rien !
M. Emmanuel Maurel
C’est l’écueil que je soulignais déjà tout à l’heure : nous aurions mieux fait de supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Nous aurions ainsi pu débattre de manière plus apaisée, plus sérieuse et plus intéressante.
Pour revenir à l’objet de l’amendement en discussion – j’ai moi-même déposé un amendement sur le sujet –, nous parlons d’organismes dont les travaux sont nourris, fondés et utiles. Ils abordent par exemple les questions de la restauration scolaire et de la politique familiale, à laquelle certains tiennent tant – et ils ont raison, c’est important !
Mme Anne-Laure Blin
Exactement !
M. Emmanuel Maurel
Bref, leur suppression n’a rien à faire dans ce texte et elle n’apportera rien du tout ; elle ne fera que sanctionner des experts, des gens qui travaillent bien et qui fournissent des études instructives, susceptibles de nourrir les politiques publiques. Franchement, passons à autre chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Julie Ozenne
Oui, ce n’est pas sérieux !
M. le président
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
J’entends beaucoup parler de « millefeuille administratif », mais je voudrais préciser que les hauts conseils, pour la plupart, sont des instances de participation de la société civile qui fournissent des expertises permettant d’éclairer nos décisions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Les réduire à de simples organes administratifs est un contresens. Ils ne coûtent pas cher et font entendre la voix des acteurs concernés.
Vous nous dites à longueur de temps que nous ne pouvons pas parler d’agriculture, par exemple, parce que nous ne discutons pas avec les agriculteurs, et voilà que vous voulez nous priver de toute expertise, de tout regard de la société civile ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)
Vous êtes dans la contradiction permanente : à certains moments, quand cela vous arrange, il ne faut pas discuter parce qu’il faut aller vite et donc ne pas écouter les experts ; et à d’autres moments, il faudrait faire exactement le contraire ! En l’espèce, je ne suis pas opposé à voir les choses évoluer :…
Mme Anne-Laure Blin
Mais pas tout de suite !
M. Charles Fournier
…peut-être ces instances ne fonctionnent-elles pas bien, mais ne vaudrait-il mieux pas faire des propositions pour les rendre plus efficaces ?
Mme Anne-Laure Blin
Il faut réfléchir au lieu d’agir, c’est ça ?
M. Charles Fournier
Non, mais il faut travailler sérieusement, madame Blin !
Mme Anne-Laure Blin
Sérieusement, venant de vous, ça ne manque pas de sel !
M. Charles Fournier
Nous pourrions proposer de les faire évoluer au lieu de simplement les supprimer au détour d’un amendement – avant de se rendre compte, un jour, que leurs avis étaient utiles. Ces organismes peuvent évoluer et on peut opérer des rattachements – j’y suis moi-même favorable –, mais il faut le faire sérieusement, pas de la manière dont vous le faites. J’aurais aimé que nous supprimions l’article 1er pour que la discussion avance ; nous aurions tous été en congés plus tôt ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
Mme Anne-Laure Blin
Le droit à la paresse ! (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2156 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 160
Nombre de suffrages exprimés 158
Majorité absolue 80
Pour l’adoption 71
Contre 87
(L’amendement no 2156 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
Sur les amendements no 129 et identiques, je suis saisi par les groupes Rassemblement national, La France insoumise-Nouveau Front populaire, Socialistes et apparentés et Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Ayda Hadizadeh, pour un rappel au règlement.
Mme Ayda Hadizadeh
Sur le fondement de l’article 58 de notre règlement, selon lequel « les rappels au règlement et les demandes de parole pour fait personnel ont toujours priorité sur la question principale ».
M. Charles Alloncle
Vous allez parler de votre violence ? Vous n’avez pas honte de siéger ?
Mme Ayda Hadizadeh
Je m’en excuse, mais je dois revenir sur un incident qui est arrivé hier. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Souffrez pour une fois, chers collègues, d’entendre la vérité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Un collègue du Rassemblement national, Jean-Philippe Tanguy, m’a mise en cause nommément, en écorchant d’ailleurs mon nom de famille – il n’a pas été capable de le prononcer correctement, mais je lui pardonne ! Il m’a accusée de m’être « rendue coupable d’intimidations, d’insultes et d’une tentative de vol d’un téléphone [appartenant à] une journaliste, dans le jardin des Quatre-Colonnes », ajoutant que le « flagrant délit » était visible sur une vidéo. (« Eh oui ! C’est honteux ! » sur les bancs du groupe RN.) Ce sont des accusations graves : je demande des excuses…
M. Hervé de Lépinau
C’est dingue !
Mme Ayda Hadizadeh
…à ce collègue. (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS, dont plusieurs députés se lèvent.) En est-il capable ? À lui de le prouver. (Exclamations vives et prolongées sur les bancs du groupe RN.) S’il présente ses excuses, je les accepterai ; sinon, mon groupe se réserve la possibilité de saisir le bureau de l’Assemblée. Contrairement à vous, nous pensons que les faits sont importants : nous ne passons pas notre temps à tordre la vérité pour en faire des mensonges. J’attends des excuses !
M. Robert Le Bourgeois
Quelle honte !
M. Emeric Salmon
La honte !
M. le président
Je crois comprendre qu’il n’y a pas d’excuses.
Article 1er (suite)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 129, 753, 1028, 1149, 1378, 1550, 2157, 2320, 2346, 2366 et 2423.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 129.
Mme Danielle Brulebois
Il vise à rétablir le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, qui s’occupe des politiques menées à tous les âges de la vie ; il est donc utile.
M. le président
L’amendement no 753 de M. Charles Fournier est défendu.
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 1028.
M. Jérôme Guedj
J’invite tous nos collègues qui n’ont pas eu l’occasion de le faire à consulter le site du HCFEA ; vous y verrez la variété des avis et des rapports qu’il publie. Je suis convaincu que chacun d’entre vous pourra y puiser de la matière pour nourrir ses réflexions, notamment en vue de nos débats sur le PLFSS – mais pas uniquement. Vraiment, je ne vois pas d’équivalent dans ce que vous proposez !
Par ailleurs, je souscris pleinement à ce qu’a dit notre collègue Emmanuel Maurel tout à l’heure : les acteurs économiques qui interviennent dans ce champ de la famille, de l’enfance et de l’âge – par exemple dans l’aide à domicile des personnes âgées ou dans l’accompagnement de l’enfance – ont eux-mêmes besoin de l’expertise fournie par le Haut Conseil. Celle-ci permet d’ailleurs souvent, contrairement à ce que vous venez de dire, de simplifier et de fluidifier la réglementation existante dans ces secteurs si essentiels à l’accompagnement des personnes vulnérables.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1149.
M. Thibault Bazin
Je partage avec le président et le rapporteur de la commission spéciale le souci de simplifier. En l’espèce, il faut bien distinguer d’une part les instances qui relèvent de la gouvernance et du pilotage des politiques relatives à l’enfance, et d’autre part celles qui ont pour mission le conseil à l’évaluation des politiques publiques. On voit bien, ici, qu’entre le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et le Conseil national de la protection de l’enfance, il y a un potentiel doublon administratif. Tous les deux ont été créés en 2016 ; ils ont des missions très similaires, émettent des avis et formulent « toutes propositions utiles relatives à la prévention et à la protection de l’enfance ».
L’objectif de simplification pourrait donc se concrétiser ici, mais il faut rappeler que le HCFEA s’est lui-même substitué à plusieurs instances : le Haut Conseil de la famille (HCF), le Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA), le Comité national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées et des personnes handicapées (CNBD), le Comité national de soutien à la parentalité (CNSP) et la Commission provisoire « Enfance et adolescence » de France Stratégie.
Je tiens aussi à porter à la connaissance de la représentation nationale l’existence d’une lettre adressée le 22 avril 2020 par la doyenne des présidents de chambre de la Cour des comptes au premier ministre, qui plaidait pour une suppression du CNPE – et non du HCFEA – et pour une redistribution de ses attributions vers le HCFEA pour ce qui est de sa fonction consultative et de la production d’avis et vers la Drees s’agissant de la production de statistiques.
Oui, il faut simplifier et éviter les doublons, mais ce n’est pas le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge qu’il faut supprimer ; c’est le CNPE, en redistribuant ses missions.
Mme Marie Mesmeur
Mais ce n’est pas du tout la même chose !
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Marc de Fleurian, pour un rappel au règlement.
M. Marc de Fleurian
Je le formule sur le fondement de l’article 70 du règlement. Tout à l’heure, madame Hadizadeh, vous avez mis en cause personnellement un collègue du Rassemblement national.
Mme Ayda Hadizadeh
Vous n’avez pas écouté !
Mme Mathilde Panot
Arrêtez de pleurer !
M. Manuel Bompard
Ouin ouin !
M. Marc de Fleurian
Et vous vous êtes vantée de ce que vous avez fait hier. Vous avez même posté une vidéo pour le montrer. Je lis les commentaires qui figurent sous votre vidéo : « Ces images prouvent que les violences… » (M. le président coupe le micro de l’orateur. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également. – Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Béatrice Bellay
Ça suffit !
M. Matthias Renault
Vous souriez, madame Hadizadeh ! Il y a une fierté dans la violence !
M. Matthias Tavel
Arrêtez de pleurnicher, les ouin-ouin !
M. le président
En cas de mise en cause personnelle, il est possible de faire un rappel au règlement, mais il n’y a pas lieu, dans l’hémicycle, de lire les commentaires publiés sur les réseaux sociaux.
M. Emeric Salmon
Elle a fait exactement la même chose ! Le deux poids, deux mesures, ça va deux minutes !
M. le président
Ce qui s’est passé hier dans l’hémicycle et les commentaires sur les réseaux sociaux, ce sont deux choses différentes.
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour un rappel au règlement.
M. Erwan Balanant
Ce n’est plus le Rassemblement national, c’est le règlement national…
M. Sébastien Chenu
Je me fonde sur l’article 70, alinéa 3, du règlement, relatif à la mise en cause personnelle.
Monsieur le président, j’en appelle au respect de l’équité dans cet hémicycle. Vous avez permis à notre collègue du Val-d’Oise de lire tout un discours pour justifier le comportement de délinquante qu’elle a eu hier. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Ayda Hadizadeh
Non, c’était une réponse à la prise de parole de votre collègue Tanguy hier !
M. Sébastien Chenu
Monsieur le président, laissez Marc de Fleurian terminer son propos ! Notre collègue du Val-d’Oise a eu hier un comportement manifeste de délinquante à l’égard d’une femme qu’elle a voulu empêcher de s’exprimer. (« Quatre millions ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est très choquant. Il faut que ce soit su de tous les Français, qui peuvent voir les images. Un tel comportement ne peut pas être justifié, même dans un hémicycle. C’était un comportement absolu de délinquante ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Un député du groupe LFI-NFP
Tu diras ça au juge !
M. le président
Merci. Chacun a pu s’exprimer.
Article 1er (suite)
M. le président
L’amendement no 1378 de M. Olivier Serva est défendu.
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l’amendement no 1550.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
On persiste à vouloir supprimer le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge sous prétexte qu’il ferait doublon avec d’autres instances.
Mme Anne-Laure Blin
Doublon, triplon…
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Or vous confondez tout. Le Conseil national de la protection de l’enfance, évoqué par le collègue Bazin, traite de la protection de l’enfance, qui n’est pas du tout l’objet du HCFEA. Ce dernier ne fait pas non plus doublon avec le comité interministériel à l’enfance, dont la mission est de suivre la mise en œuvre de la politique de l’exécutif. Pour sa part, le HCFEA, qui réunit notamment plusieurs représentants de la société civile, est chargé d’éclairer les pouvoirs publics sur la politique qu’ils mènent, grâce à des propositions et des travaux réalisés de manière indépendante. Cela n’a vraiment rien à voir. La Fédération hospitalière de France (FHF) s’inquiète de son éventuelle disparition, car il propose régulièrement des pistes de réformes.
Quant au coût de fonctionnement du HCFEA, que vous invoquez, il est inférieur à 1 million d’euros. Si on le supprime, que se passera-t-il ? On sollicitera des cabinets de conseil privés, ce qui coûtera beaucoup plus cher. Qui plus est, les conseils n’émaneront pas de la société civile, ni de ceux qui connaissent le sujet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
En France, la mortalité infantile ne fait qu’augmenter.
Mme Anne-Laure Blin
Vous l’avez déjà dit !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Il y a quelques mois, le ministère chargé de l’enfance a été supprimé. Ce n’était vraiment pas le bon moment ! (Mêmes mouvements.) Les travaux du HCFEA nourrissent ceux des parlementaires. Nous auditionnons ses membres, nous lisons ses rapports.
Lors de son assemblée générale du 1er avril, l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), qui regroupe 20 000 structures des champs social, médico-social et sanitaire, a adopté une motion pour dénoncer la suppression de certaines instances, parmi lesquelles le HCFEA, et la défiance à l’égard de la société civile ainsi exprimée par la France, dans un contexte d’évolution autoritaire de nombreux pays.
M. Philippe Lottiaux
Retour au Moyen Âge…
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Je vous appelle à incarner un pôle de résistance à ce mouvement et à rétablir le HCFEA ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Céline Thiébault-Martinez, pour soutenir l’amendement no 2157.
Mme Céline Thiébault-Martinez
Il vise à rétablir le HCFEA, de même que nous demandons le rétablissement du HCAAM. Ces deux hauts conseils sont utiles. Nous ne comprenons pas votre volonté de nous priver de connaissances et d’éclairage sur les politiques publiques et sur les décisions que nous sommes amenés à prendre. Ces instances font appel à l’intelligence collective et réalisent des travaux marqués par la transversalité.
Le HCFEA a été créé par la loi de 2016 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, car on s’était rendu compte qu’il n’y avait aucune approche transversale des politiques de la famille, de l’enfance et du grand âge : chacun travaillait dans son couloir de nage ; il n’y avait pas de partage de l’information. L’intérêt du HCFEA réside précisément dans la transversalité : il permet d’échanger, de confronter les points de vue, d’apporter des éclairages à l’ensemble des décideurs publics, notamment à l’Assemblée nationale.
Ma collègue vient de le dire, ces hauts conseils ont une véritable valeur ajoutée pour la société. On y trouve des représentants des administrations centrales, des assemblées parlementaires, de l’ensemble des grands organismes qui produisent des statistiques, des syndicats et des associations. Quand vous aurez supprimé le HCFEA, que direz-vous à l’Union nationale des associations familiales (Unaf) ? Quelles seront alors sa place et la portée de son travail ?
Pour promouvoir l’approche pluridisciplinaire, ces hauts conseils recourent à des experts. On y trouve des personnalités qualifiées, qui peuvent être des sociologues ou des psychologues.
M. le président
Je vous prie de conclure.
Mme Céline Thiébault-Martinez
Il me semblait important de rappeler ces points.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 2320.
M. Emmanuel Maurel
Je défends moi aussi le maintien du HCFEA. J’ai entendu tout à l’heure les arguments d’une collègue de droite ou macroniste – on ne fait pas toujours la différence. (Murmures.) J’ai mis le Modem de côté, monsieur Fesneau ! Je sais qu’avec vous, on peut discuter, par exemple sur ces amendements.
M. Hervé Berville
Pas de leçons ! Ne distribuez pas les bons et les mauvais points !
M. Emmanuel Maurel
Cette collègue s’est livrée à un calcul un peu absurde, dont le résultat était qu’un rapport du HCFEA coûtait 62 000 euros. J’ai fait à mon tour un petit calcul : 62 000 euros, c’est le coût d’une page PowerPoint d’un rapport de McKinsey ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Pierrick Courbon applaudit également.) Si vous voulez vraiment faire des économies, c’est possible : commencez par là, comme l’a recommandé un rapport transpartisan publié par le Sénat il y a un an.
M. le président
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l’amendement no 2346.
Mme Perrine Goulet
Je suis heurtée par les raccourcis simplistes de Mme Blin, notamment par sa manière de calculer le coût d’un rapport du HCFEA. (Mme Marina Ferrari applaudit.)
Le HCFEA dispose de 5 équivalents temps plein (ETP). Son fonctionnement – l’animation des réunions, l’élaboration des rapports et des avis – coûte 800 000 euros par an. Honnêtement, ce n’est pas en économisant cette somme que l’on va sauver le pays !
Mme Anne-Laure Blin
Continuons à creuser, vous avez raison !
Mme Perrine Goulet
En revanche, la suppression du HCFEA mettrait vraiment en difficulté la protection de l’enfance.
Pour justifier cette suppression, madame Blin, vous avez dressé la liste des organismes qui traitent de l’enfance. Or je vous rappelle que le HCFEA est compétent aussi pour la famille et pour le grand âge. Nous avons besoin d’une structure permettant de sortir de l’approche en silo.
Il a été question de la Drees, qui joue effectivement un rôle important. Néanmoins, sur la question de l’enfance, nous avons un problème de manque de données – vous devriez le savoir, madame Blin, puisque vous avez siégé un temps à la délégation aux droits des enfants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Julie Ozenne applaudit également.) Nous avons donc d’autant plus besoin de l’expertise du HCFEA, à même de fournir des orientations.
Quant au CNPE, il est rattaché au premier ministre et chargé de donner des avis sur les textes législatifs et réglementaires relatifs à la protection de l’enfance.
Mme Anne-Laure Blin
Il travaille donc en silo !
Mme Perrine Goulet
Sa mission est différente de celle du HCFEA, et nous avons besoin des deux organismes.
Contrairement à ce qu’a affirmé un collègue, personne ne nous a appelés au téléphone. Nous faisons simplement notre travail. En ma qualité de présidente de la délégation aux droits des enfants, je coopère depuis très longtemps avec ces organismes ; ils n’ont pas besoin de m’appeler pour que je les défende.
Je vous invite tous à vous reporter à l’amendement no 1963 du gouvernement, qui vise non seulement à préserver le HCFEA, mais aussi à mieux positionner le CNPE et le CNA pour améliorer leur fonctionnement, en rattachant leur secrétariat général au HCFEA plutôt qu’au GIP France enfance protégée. (Mme Ayda Hadizadeh et M. Mickaël Cosson applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l’amendement no 2366.
M. Erwan Balanant
J’aimerais compléter les brillants propos de ma collègue Perrine Goulet en m’adressant à nos amis de la droite et de l’extrême droite.
M. Jérôme Guedj
Amis, amis…
M. Erwan Balanant
Oui, plutôt collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Anne-Laure Blin
Nous n’avons jamais été amis, je le confirme !
M. Erwan Balanant
Les uns et les autres précisent que je n’ai jamais été leur ami, je le confirme à mon tour. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) J’essayais simplement d’être courtois, une qualité qu’il serait bon de cultiver dans notre assemblée.
Je m’adresse donc à nos collègues : avez-vous jamais lu un rapport du HCFEA ?
Mme Anne-Laure Blin
Nous ne travaillons pas, c’est bien connu ! Vous seuls travaillez !
M. Erwan Balanant
Vous qui parlez sans cesse des politiques locales et de l’implantation dans les territoires – déclarations dont le nombre est inversement proportionnel à votre implantation (Mme Anne-Laure Blin s’exclame) –, vous auriez dû lire le rapport que le HCFEA a consacré en novembre 2024 à la restauration scolaire. Des membres du HCFEA sont venus me le présenter et nous avons eu un débat à ce sujet. Le rapport fournit des éléments particulièrement intéressants qui peuvent nourrir notre discussion avec les collectivités locales, lesquelles sont évidemment en première ligne sur la question.
Vous voulez tout détricoter. J’ignore à quel genre de monde vous aspirez, mais ce n’est pas celui que nous voulons !
M. le président
L’amendement no 2423 de M. Frédéric Valletoux est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
De même que pour l’amendement no 2156 rectifié de M. Leseul, l’avis de la commission est défavorable, puisqu’elle s’est prononcée pour la suppression de cette instance. À titre personnel, je suggère le retrait des amendements au profit de l’amendement no 1963 du gouvernement. Le ministre l’a expliqué tout à l’heure, celui-ci prévoit une certaine mutualisation des secrétariats généraux et des ressources humaines, ce qui simplifierait la gouvernance.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
J’invite de nouveau les auteurs de ces amendements à les retirer au profit de l’amendement no 1963 du gouvernement, qui vise non seulement à rétablir le HCFEA, mais aussi à lui rattacher le secrétariat général du CNPE et du CNA, ce qui contribuera à la simplification.
Mme Ayda Hadizadeh
De la vie économique ?
M. le président
La parole est à Mme Marie Mesmeur.
Mme Marie Mesmeur
La protection de l’enfance est une politique publique à part entière, qui concerne non pas tous les enfants, mais 400 000 enfants placés sous mesure de protection judiciaire ou administrative. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avons besoin d’un CNPE fort et indépendant pour traiter de cette politique. La mission du HCFEA est très différente, puisqu’il est compétent pour les politiques relatives à la famille, à l’enfance – dans son ensemble –, à la jeunesse et à l’âge. (Mêmes mouvements. – Mme Ayda Hadizadeh, Mme Perrine Goulet et M. Nicolas Thierry applaudissent également.)
Mardi, la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance a remis son rapport. (M. Charles Fournier applaudit.) À cette occasion, nous avons reçu dans nos murs soixante ex-enfants placés, qui ont dénoncé les failles institutionnelles et le manque de moyens, ainsi que les décès qui se produisent malgré cette politique.
Or certains, notamment le RN, plaident tout bonnement pour la suppression du CNPE, tandis que d’autres veulent le fusionner avec une autre instance en le privant de son regard indépendant sur la protection de l’enfance. On ne peut pas l’accepter ! Cela montre à quel point vous méconnaissez les politiques familiales, en particulier la politique de protection de l’enfance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu
Je me suis penché sur les rapports du HCFEA et en ai retenu trois au hasard. En décembre 2023, le HCFEA a publié un rapport sur « Le pouvoir d’achat des familles face au choc d’inflation » ; or il existe déjà un rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur ce sujet. En mars 2023, il a adopté un rapport intitulé « Accueil des enfants de moins de 3 ans : relancer la dynamique » ; or la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et l’Observatoire national de la petite enfance (Onape) rendent déjà des rapports sur cette question. En novembre 2022, il a remis un rapport dénommé « Les droits de l’enfant : quel chemin parcouru et comment avancer ? » ; or il existe déjà un rapport du Défenseur des droits en la matière.
Tout cela fait doublon. Ces rapports s’empilent et finissent par caler des armoires. Il est temps de faire un peu de ménage, comme nous vous le proposons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Je connais bien ce sujet car je représente notre institution au sein du HCFEA. J’ai écouté les explications de M. le ministre et je retire mon amendement au profit de celui du gouvernement. Comme je l’ai indiqué dans l’exposé sommaire de mon amendement, s’il y a des simplifications à faire, il faut aller plus loin que ce que prévoit l’amendement gouvernemental en raisonnant par mission et non par structure.
M. Marc Fesneau
C’est vrai !
M. Thibault Bazin
Il ne suffit pas de mutualiser les secrétariats ! La mission de production statistique doit être déléguée à la Drees plutôt que partagée entre plusieurs organismes. Quant à la mission consultative, elle doit être confiée à une seule institution. Il faut harmoniser les missions afin de mieux les articuler. Telle est ma proposition.
(L’amendement no 1149 est retiré.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 129, 753, 1028, 1378, 1550, 2157, 2320, 2346, 2366 et 2423.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l’adoption 59
Contre 92
(Les amendements identiques nos 129, 753, 1028, 1378, 1550, 2157, 2320, 2346, 2366 et 2423 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur l’amendement no 1963, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 1963 du gouvernement.
M. Laurent Marcangeli, ministre
Je propose de rétablir le HCFEA et de lui rattacher les secrétariats généraux du CNA et du CNPE. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Erwan Balanant
Ben voilà !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
À titre personnel, je l’ai dit tout à l’heure, je suis favorable à l’amendement du gouvernement. En revanche, la commission ne l’a pas examiné.
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Mesurons l’absurdité de la situation : nous en sommes à rétablir le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge dans un texte consacré à la simplification de la vie économique parce que des collègues ont fait rigoureusement n’importe quoi en commission spéciale ! (Mmes Ayda Hadizadeh et Marina Ferrari applaudissent.) Vous avez supprimé une foule de comités et de commissions sans avoir réfléchi le moins du monde à l’apport de ces instances à notre société et à la vie économique.
Monsieur le ministre, nous vous soutenons dans votre entreprise de rétablissement de cet organisme, mais reconnaissez l’absurdité de la situation dans laquelle nous a placés la commission spéciale, qui a légiféré n’importe comment. Je l’ai dit hier : j’ai honte, et je suis triste de la manière dont nous légiférons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Inaki Echaniz
Bravo, bien dit !
M. Emeric Salmon
Vous remettez en cause la présidence de Ian Boucard !
M. Thibault Bazin
Il a fait une excellente présidence !
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Je souhaite répondre à M. Leseul que la simplification passe également par la concentration des moyens. Dès lors que toutes ces hautes autorités sont consommatrices de personnels et d’argent, nous ne sommes pas hors sujet.
M. Inaki Echaniz
Rendez les 4 millions !
Mme Ayda Hadizadeh
Rendez l’argent !
M. Hervé de Lépinau
On va nous parler de la famille, de l’enfance et du grand âge alors même que, depuis François Hollande, il n’y a plus de politique familiale.
M. Inaki Echaniz
Les Le Pen, çà, c’est de la politique familiale !
M. Matthias Tavel
Prends des leçons de la famille Le Pen !
M. Hervé de Lépinau
Monsieur le ministre, avant d’évoquer les rapports et les organismes, recréez une politique familiale digne de ce nom !
Mme Ayda Hadizadeh
La politique familiale, c’est redistribuer de l’argent à la famille Le Pen !
M. Hervé de Lépinau
Par ailleurs, je vous rappelle que les départements sont les collectivités responsables de la politique de l’enfance à travers l’aide sociale à l’enfance (ASE) : ils ont la capacité de corriger ce qui dysfonctionne, et nous savons que les dysfonctionnements sont nombreux au sein des services de l’ASE. Les départements sont également en charge de la solidarité envers le grand âge : il faut conserver ce maillage territorial essentiel pour être au plus près de nos citoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Il y a beaucoup de demandes de prise de parole. Exceptionnellement, j’en accepte deux supplémentaires. Je vous remercie d’être brefs et d’apporter des arguments qui n’ont pas déjà été développés.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin.
Mme Anne-Laure Blin
Monsieur le ministre, avant l’examen des amendements visant le rétablissement du HCFEA, vous nous avez expliqué que vous aviez la volonté de mutualiser les compétences. En réalité, votre amendement équivaut à une seconde délibération puisque nous venons de confirmer que nous ne voulons pas supprimer le HCFEA.
Mme Florence Goulet
N’importe quoi !
Mme Anne-Laure Blin
Sous le prétexte fallacieux de la mutualisation, votre amendement revient sur une décision des élus de la nation. La vérité, c’est que si nous avons consolidé en séance la suppression du Haut Conseil, il existe encore aujourd’hui de nombreuses institutions. Votre amendement vise-t-il véritablement à mutualiser les instances nommées par mon collègue Thibault Bazin ? Êtes-vous prêt à une mutualisation des services dont le nombre rend la politique familiale illisible, du point de vue de la gouvernance tout du moins ?
M. le président
La parole est à Mme Marie Mesmeur.
Mme Marie Mesmeur
Nous voterons pour cet amendement…
Un député du groupe EPR
Très bien !
Mme Marie Mesmeur
…car nous souhaitons le rétablissement du HCFEA, mais, ce faisant, nous sommes contraints d’approuver le rattachement du CNPE et du CNA au HCFEA sans que cette question ait été débattue ici. Le HCFEA ne traite pourtant pas spécifiquement de l’enfance protégée, contrairement au GIP France enfance protégée.
Je dénonce la mauvaise qualité de ces débats, qui confinent à l’imposture car nous n’avons même pas d’étude d’impact sur les évolutions envisagées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Anne-Laure Blin
C’est vrai !
Mme Marie Mesmeur
C’est navrant. Je demande la suppression de ce texte ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Anne-Laure Blin
Ça vous arrangerait bien !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1963.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 147
Nombre de suffrages exprimés 147
Majorité absolue 74
Pour l’adoption 99
Contre 48
(L’amendement no 1963 est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 1591, par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur les amendements no 1029 et identiques, par les groupes Rassemblement national, La France insoumise-Nouveau Front populaire et Écologiste et social ; sur l’amendement no 1619, par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 1591.
M. Bastien Lachaud
Par cet amendement, nous nous opposons à la suppression irresponsable de deux organismes qui n’ont absolument rien à voir avec la simplification de la vie économique, mais concernent notre défense nationale.
Le premier, la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel (Cnema), est l’organisme qui vérifie l’application des conventions d’Ottawa et d’Oslo sur le désarmement et la destruction de ces munitions qui sont aujourd’hui interdites. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Les mines antipersonnel frappent essentiellement les civils, notamment les enfants. La France les a éradiquées, mais elles demeurent massivement présentes dans le monde. Des centaines de milliers de mines ont été déversées en Ukraine : lorsque la paix reviendra, un nécessaire déminage de ce pays devra être réalisé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) La Cnema peut y veiller et y contribuer. Pour reprendre les arguments du président Fesneau, cet organisme se réunit, ne coûte rien et n’est pas redondant : pourquoi le supprimer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le second organisme est le Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM). Alors que le gouvernement envisage de doubler le nombre de réservistes, vous proposez de supprimer l’instance qui organise la réserve et réunit les représentants de la société civile autour de cette question fondamentale.
M. Hervé Berville
C’est laborieux !
M. Bastien Lachaud
Compte tenu de la situation mondiale, il est irresponsable de supprimer ces deux organismes, d’autant que quatre pays de l’Union européenne viennent de se retirer de la convention d’Ottawa. Si la France supprimait la Cnema, elle enverrait un signal très négatif sur le respect du droit international. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Après avoir étudié les demandes de suppression de ces organismes, la commission s’est prononcée en leur faveur pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les missions du CSRM sont consultatives et peuvent être assurées par d’autres structures, notamment la division interarmées des réserves. Ensuite, la mission fonctionnelle de la Cnema est déjà largement réalisée par les services ministériels compétents. Le soutien aux actions internationales de déminage, évoqué par M. Lachaud, sera apporté par d’autres vecteurs administratifs, assurant la continuité des engagements de la France sans nécessiter le maintien de cette instance spécifique.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Cet amendement vise à revenir sur la suppression de la Cnema et du CSRM. Mon avis est défavorable compte tenu de l’existence du dispositif de la garde nationale, créée en 2016. Cette structure, dont les missions sont très similaires à celles du CSRM, est plus agile et opérationnelle, de sorte qu’elle a progressivement supplanté ce conseil.
M. le président
Je précise que l’adoption de cet amendement ferait chuter les quatre amendements suivants.
Je vais donner la parole à deux orateurs pour et à deux orateurs contre.
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
Je soutiens cet amendement parce que le risque de prolifération est réel en Europe : ces deux instances sont donc nécessaires.
L’exercice que nous menons en ce moment sur des sujets que nous ne maîtrisons pas entièrement me pose véritablement problème. Pour de nombreux sujets et de nombreux organismes, il conviendrait de mener un travail sectoriel approfondi et de compléter les travaux de la commission par d’autres éclairages. Tout au contraire, nous y allons à la hache ! Nous traitons ces questions superficiellement et nous prenons finalement des décisions déraisonnables. Sur ce sujet comme sur d’autres, des éclairages d’experts sont nécessaires : il nous faut changer de méthode ! (M. Christophe Bex applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin.
M. Pierre Meurin
Nous voterons contre cet amendement. On nous accuse « d’y aller à la hache » alors que nous débattons d’un texte de simplification de la vie économique !
M. Charles Fournier
C’est le Haut Conseil de la coupe !
M. Pierre Meurin
Vous passez votre temps à chercher à rétablir des comités Théodule,…
M. Charles Fournier
Que vous appelez Théodule !
M. Pierre Meurin
…mais où est l’effort de simplification ? (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC) Vous ne faites aucune proposition de simplification. Autrement dit, votre obsession est de complexifier la vie économique ; vous êtes les ennemis de nos artisans, de nos entrepreneurs, de nos collectivités territoriales, de nos agriculteurs ! (Protestations sur les bancs du groupe SOC.)
Les masques tombent. Nous sommes là pour simplifier la vie économique. Si vous voulez la complexifier, trouvez un autre endroit : c’est pas ici que ça se passe ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Charles Fournier
Quel est le rapport entre les mines antipersonnel et la vie économique ?
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Je ne vois pas en quoi les deux organismes dont il est question ici ont un lien avec la vie économique, excepté peut-être le CSRM. Ce comité que nous proposons de rétablir n’a rien à voir avec la division interministérielle dont vous évoquez l’existence : ils n’ont pas la même composition. Dans le comité que vous supprimez, toute la société civile est représentée, notamment grâce aux employeurs et aux artisans qui y siègent. En empêchant qu’ils puissent s’exprimer sur la question de la réserve, c’est donc vous qui les malmenez ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Revenons-en à la Cnema. Elle rassemble des parlementaires et des associations mobilisées sur la question des mines antipersonnel. La remplacer par un service ministériel relève, pour le coup, de la bureaucratisation, parce que cela empêche le contrôle parlementaire et la société civile de s’exprimer et d’être pleinement informée.
Supprimer ces deux organismes aboutira à l’inverse de ce que vous visez, c’est-à-dire à une complexification, parce que nous ne saurons plus où les discussions sur cet enjeu majeur auront lieu et parce que ces discussions seront moins publiques et moins démocratiques. Et surtout, que la France supprime son organe chargé du suivi de l’application de la convention d’Ottawa à l’heure où quatre pays de l’Union européenne s’en retirent laisse penser que notre pays pourrait faire de même. Ce serait dramatique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Cet amendement, qui vise à supprimer les alinéas de l’article 1er prévoyant la suppression de la Cnema et du CSRM, est très pertinent.
Monsieur le ministre, vous avez fourni une réponse tout à l’heure au sujet du CSRM, mais on vient d’expliquer en quoi il était important et permettait une concertation impliquant l’ensemble des parties prenantes.
Par ailleurs vous n’avez rien répondu au sujet de la suppression de la Cnema, alors que, comme cela a été dit à plusieurs reprises, l’actualité internationale est meurtrière et guerrière sur le sol européen, en Ukraine, et que, nous le savons, énormément de mines antipersonnel sont présentes dans ce pays. Quel signal la France va-t-elle envoyer en supprimant cette commission ? (M. Dominique Potier applaudit.) Vous n’avez pas répondu à cette question, monsieur le ministre !
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Marcangeli, ministre
Je vous répondrai tout à l’heure quand nous aborderons de nouveau le cas de la Cnema.
M. Emeric Salmon
Mais si l’amendement est adopté, nous ne l’aborderons pas puisque les amendements identiques qui suivent tomberont !
M. Laurent Marcangeli, ministre
L’amendement propose d’annuler la suppression de deux organismes, dont la Cnema. Je m’exprimerai au sujet de cette dernière lorsque nous examinerons les amendements no 1029 et identiques qui ne concernent qu’elle. Il fallait m’écouter si vous vouliez savoir ce que j’ai à dire.
M. Manuel Bompard
On vote, là !
M. le président
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Plusieurs de nos collègues ont invoqué l’argument selon lequel la suppression de tel ou tel organisme n’aurait pas de lien avec la simplification de la vie économique. Je vous rappelle qu’en tant que parlementaires, nous travaillons dans le cadre d’un projet de loi. Or ce projet de loi, tel qu’il a été déposé en avril 2024, non par le précédent gouvernement, mais par celui d’avant…
M. Charles Fournier
Ce n’est pas le même texte !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Ce n’est pas le même texte, mais que prévoyait son article 1er, monsieur Fournier ? De supprimer cinq instances consultatives administratives qui, selon l’exposé des motifs, s’étaient très peu réunies, ou pas du tout, au cours des années précédentes. C’était un engagement du premier ministre de l’époque Gabriel Attal.
Je les cite, ce qui vous permettra de constater qu’ils n’entretiennent pas tous de rapport avec la vie économique : le Conseil stratégique de la recherche (CSR), le Conseil supérieur de l’aviation civile (CSAC), la commission chargée d’apprécier l’aptitude à exercer les fonctions d’inspecteur général ou de contrôleur général, le Comité national de la gestion des risques en forêt et la Commission supérieure du numérique et des postes. Le champ d’application de ce projet de loi était donc déjà très vaste en avril 2024.
Vous voulez protéger la Cnema, d’autres veulent la supprimer et je n’ai même pas d’avis sur la question. Débattons, mais ne reprochez pas aux collègues qui proposent de supprimer des instances de ne pas aller dans le sens du texte, car c’est précisément dans ce sens qu’allait l’article 1er tel que le gouvernement de Gabriel Attal l’avait présenté.
Mme Anne-Laure Blin
Merci, monsieur le président !
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard, pour un rappel au règlement.
M. Manuel Bompard
Il se fonde sur l’article 45 de la Constitution, relatif à la recevabilité des amendements.
Notre collègue vient de nous expliquer, de manière peu convaincante, les liens qui existent entre les amendements de suppression de certains organismes et la simplification de la vie économique. Je suis assez stupéfait que l’on considère ces amendements comme pertinents au regard de l’objet du texte, la simplification de la vie économique, alors que nos amendements visant à revenir sur la réforme des seuils applicables en matière de franchise de TVA pour les microentrepreneurs, une mesure prévue par le dernier budget, passé en force par 49.3, n’ont pas été considérés comme recevables ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Mme Christine Pirès Beaune applaudit également. – Mme Anne-Laure Blin s’exclame.)
Mme Anne-Laure Blin
Dites-le au président Coquerel, c’est lui qui décide de la recevabilité des amendements !
M. Manuel Bompard
S’il y a un sujet en rapport avec l’objet du texte, c’est bien l’augmentation du taux de TVA pour les microentrepreneurs ! Pourquoi ne peut-on pas en débattre alors qu’on peut discuter de la suppression de certains organismes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) J’aimerais bien que vous me l’expliquiez, monsieur le président de la commission spéciale, sur la base de l’article 45 de la Constitution relatif à la recevabilité des amendements. Pourquoi les amendements concernant les organismes sont-ils recevables alors que ceux que nous avons déposés au sujet de la TVA pour les microentrepreneurs ne le sont pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Il est facile d’être populiste, collègue Bompard.
M. Manuel Bompard
Ce n’est pas du populisme !
M. Antoine Léaument
Vous êtes de droite !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Nous sommes des parlementaires et nous savons ce qu’est un cavalier législatif et ce qui n’en est pas un, que l’on soit d’accord ou non. Au nom de la commission spéciale, j’ai été amené à juger de la recevabilité des amendements. Le critère de recevabilité que j’ai appliqué est bien moins strict que celui de la présidente de l’Assemblée et tous les groupes ont pu constater qu’un nombre important d’amendements avaient été jugés recevables.
Il se trouve que tout amendement concernant un organisme est recevable dès lors que le gouvernement a proposé ne serait-ce que la suppression d’un seul organisme dans la version initiale du projet de loi, quel que soit l’organisme concerné.
En tant que parlementaire, avant d’avoir à juger de la recevabilité d’amendements, je n’avais proposé aucune suppression d’organisme car je partageais votre avis et j’estimais que cela n’avait pas sa place dans le projet de loi. Mais j’ai constaté, après vérification du règlement de l’Assemblée, que ces suppressions pouvaient y figurer.
Quant au sujet de la TVA, il n’y a dans ce texte aucune mesure budgétaire ni financière.
M. Manuel Bompard
C’est de la simplification !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Monsieur Bompard, je suis en train de vous dire que l’on ne juge pas de la recevabilité des amendements déposés sur un texte en fonction de son titre. Vous en profitez d’ailleurs abondamment, comme lorsque vous avez déposé, au nom du groupe La France insoumise, un recours contre la loi « immigration » au motif que le traitement des mineurs non accompagnés n’entretenait pas de lien avec l’immigration. Nous sommes pourtant quelques-uns ici à estimer que ce lien existe ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Anne-Laure Blin
Absolument !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Qu’a fait le Conseil constitutionnel ? Il vous a donné raison, parce qu’il a estimé que le texte ne présentait aucune accroche relative aux mineurs non accompagnés, alors que ce sujet a un rapport avec l’immigration.
Vous avez raison : supprimer les seuils applicables en matière de franchise de TVA serait une bonne mesure, source de simplification. Mais il se trouve que cela n’a pas de rapport avec le texte.
Article 1er (suite)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1591.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 53
Contre 83
(L’amendement no 1591 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 1029, 1596 et 2023.
L’amendement no 1029 de M. Gérard Leseul est défendu.
La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir l’amendement no 1596.
Mme Murielle Lepvraud
Vous souhaitez supprimer la Cnema… La situation géopolitique se tend de jour en jour, les conflits augmentent partout dans le monde et vous voulez supprimer la Cnema ! Les mines antipersonnel mutilent, tuent sans distinction, principalement des civils, dont une grande partie d’enfants, et vous voulez supprimer la Cnema !
À l’heure où des pays comme la Pologne ou la Finlande veulent se retirer de la convention d’Ottawa, qui interdit l’utilisation des mines antipersonnel, il est au contraire nécessaire pour la France de contribuer activement à la défense de cette convention. La Pologne envisage de produire 1 million de ces mines et, au lieu de vous insurger, vous voulez supprimer la Cnema !
Hier, en commission de la défense, j’ai interrogé M. Lecornu au sujet de cette suppression : il n’était même pas au courant ! Vous voulez supprimer des instances sans réelle étude d’impact et sans consulter vos rangs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Supprimer la Cnema reviendrait à supprimer la seule et unique instance française chargée du suivi de l’application de la convention d’Ottawa au moment où, plus que jamais, la France a un rôle à jouer dans la défense des accords internationaux de désarmement. C’est inepte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
L’amendement no 2023 de M. Laurent Mazaury est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
M. Christophe Naegelen, rapporteur
Pour rester cohérent, avis défavorable.
Je réponds au collègue Lachaud, dont je sais l’investissement sur le sujet pour avoir siégé deux ans au sein de la commission de la défense. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit au sujet du pouvoir de contrôle. En réalité, les parlementaires continueront de l’exercer. Je vous rappelle qu’aux termes de l’article 24 de la Constitution, qui définit le rôle du Parlement, il sera possible à la commission de la défense, dont vous faites partie, de constituer une mission d’information. Il sera même possible de demander la création d’une commission d’enquête parlementaire, ce qui permettra de contrôler les mesures prises, le but de la suppression de la Cnema étant de confier à d’autres instances les capacités dont elle dispose.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
La Cnema a été créée en 1998 pour suivre l’application de la convention d’Ottawa par la France. Pas par le reste du monde : par la France. Or notre pays a détruit ses stocks. Nous n’avons plus de mines antipersonnel. La commission chargée de vérifier le respect par la France de cette convention n’a donc plus de raison d’être. (M. Hervé Berville applaudit.)
M. Hervé Berville
Eh oui !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Dans un souci de simplification, il faut donc supprimer cette commission. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Je ne siégeais pas au sein de la commission spéciale.
M. Charles Fournier
Très spéciale !
M. Dominique Potier
Elle était très spéciale, oui, visiblement.
Avec le recul que cela me confère, je me dis que quels que soient les arguments d’Horizons, que vient de présenter le ministre, le signal envoyé par la suppression de la Cnema, dans un domaine comme la lutte contre les mines antipersonnel, est tout simplement catastrophique.
On peut rapprocher cette volonté de suppression du mouvement animé par la droite et l’extrême droite (Sourires sur les bancs des groupes RN et UDR) à l’échelon européen par l’intermédiaire de lois omnibus qui balaient le devoir de vigilance imposé aux multinationales et, plus généralement, toutes les régulations instaurées ces dernières années.
Nous vivons un moment de délire, qui nous voit perdre la raison. Je le dis avec force : il s’agit d’un moment de décivilisation ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI-NFP. – M. Alexandre Allegret-Pilot lève les bras au ciel.)
M. Matthias Renault
Quelle démagogie !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Parce qu’on supprime une commission qui n’a plus d’utilité ?
M. Dominique Potier
Nous perdons nos repères, nos limites, et nous sommes en train de faire absolument n’importe quoi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Les arguments énoncés par le collègue Potier montrent combien il est nécessaire de supprimer cette commission.
M. Rodrigo Arenas
Mais pas du tout !
M. Hervé de Lépinau
Le ministre vient de rappeler qu’elle avait été créée pour veiller à la destruction de notre stock de mines antipersonnel.
Monsieur Lachaud, au regard de l’explication que vous avez livrée, l’organisme dont nous discutons constitue l’exemple typique d’une instance qui devrait être internationale ! Il serait pertinent de proposer que l’Assemblée parlementaire de l’Otan, l’AP-Otan, ou l’ONU accueillent en leur sein une délégation consacrée au contrôle du respect de la convention d’Ottawa, soit une mission parfaitement louable.
Mais une telle commission à l’échelon franco-français ne présente plus d’intérêt. Nous sommes soucieux ici de simplification. Comme l’a rappelé le ministre, la Cnema est désormais sans objet. Il faut donc la supprimer. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Je réponds au ministre, qui n’a pas lu, je pense, la convention d’Ottawa.
M. Rodrigo Arenas
Bien sûr !
M. Bastien Lachaud
Son article 6 dispose que la France, en tant que signataire, doit fournir « assistance » aux « autres États parties » pour remplir leurs « obligations », « si possible et dans la mesure du possible ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Dominique Potier applaudit également.)
Je cite également l’article 9 : la France doit prendre « toutes les mesures législatives […] appropriées […] pour prévenir et réprimer toute activité interdite à un État partie en vertu de la […] convention ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Dès lors que des États parties ne respectent pas la convention, nous devrions pouvoir agir par la loi. Nous avons besoin de la Cnema (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR) parce qu’elle n’a pas pour seul objet de s’assurer que la France a supprimé ses stocks de mines ! Vous réduisez la portée de la convention d’Ottawa ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Rodrigo Arenas s’exclame.) Je disais que la France n’avait plus la volonté d’appliquer la convention d’Ottawa : le gouvernement, au banc, vient de le confirmer.
Quant au collègue du Rassemblement national… (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Merci, monsieur Lachaud. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Marcangeli, ministre
Je vous confirme que je ne dors pas avec la convention d’Ottawa, monsieur le député, même s’il s’agit d’un texte particulièrement important. Je ne la connais pas par cœur.
M. Rodrigo Arenas
Il faudrait !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Vous n’avez pas écouté ce que j’ai dit juste avant, au sujet du précédent amendement : nous continuons de contribuer internationalement au contrôle de l’application de la convention, par l’intermédiaire d’autres institutions…
M. Bastien Lachaud
Organismes !
M. Mathieu Lefèvre
Ça n’a rien à voir !
M. Laurent Marcangeli, ministre
…et organismes. La Cnema a pour seul objet de veiller au respect par la France de l’engagement pris en application de la convention d’Ottawa, à savoir de détruire son stock. C’est fait ! Plus d’intérêt ! Suppression ! (M. Mathieu Lefèvre applaudit.)
M. Manuel Bompard
Lamentable ! Nous parlons de sujets sérieux !
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1029, 1596 et 2023.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 56
Contre 75
(Les amendements identiques nos 1029, 1596 et 2023 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
4. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra