Lors de la séance publique du mercredi 18 mai soir, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, à l'unanimité des suffrages exprimés, la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie (rapporteurs pour la commission des affaires économiques saisie au fond Sophie Panonacle et Luc Lamirault, rapporteur pour la commission des lois saisie pour avis Éric Pauget, rapporteure pour la commission des finances saisie pour avis Sophie Mette et rapporteur pour la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire saisie pour avis Anthony Brosse).
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Objet de la proposition de loi :
Mercredi 10 mai, Sophie Panonacle et Luc Lamirault ont présenté la proposition de loi visant à améliorer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, adoptée par le Sénat (auteurs Jean Bacci, Anne-Catherine Loisier, Pascal Martin et Olivier Rietmann), à la commission des affaires économiques.
Les rapporteurs ont souligné que la prévention du risque incendie est « une priorité de premier plan » dans un contexte encore marqué par les méga-feux. Ces derniers, qui couvrent des surfaces de plus de 1 000 hectares et qui sont très difficilement contrôlables de par leur virulence, ont été particulièrement nombreux lors de la saison sèche de 2022 en Gironde et dans certaines régions jusque-là épargnées. Pour Luc Lamirault, ces incendies, qui ont détruit 72 000 hectares, « ont montré un certain nombre de faiblesses en matière de prévention ».
Sophie Panonacle a mis en avant l’intensification du risque d’incendies. Dans les années à venir, le changement climatique suscitera un stress hydrique régulier, une hausse du nombre de sécheresses graves et augmentera l’exposition de 50% des forêts françaises au risque de feu de forêt d’ici 2050. Les incendies considérés comme hors-normes pourraient représenter 15% des feux en 2030 et 30% en 2050. S’agissant de la nature des incendies, 90% des départs de feux de forêt ont pour origine des activités humaines dont 30 à 40% sont volontaires.
Le renforcement et la structuration de la prévention du risque incendie doit par ailleurs s’adapter à la diversité des forêts françaises. En France, 75% des forêts sont privées, 16% publiques et 9% domaniales. Plus de 11 000 communes sont propriétaires d’une forêt, et sur les 3,3 millions de propriétaires, plus de 90% disposent de moins de 3 hectares de forêt. Aussi la rapporteure a-t-elle fait remarquer qu’il est « particulièrement difficile d’établir une standardisation stricte des objectifs et des moyens face à la disparité des statuts des forêts, des spécificités territoriales et de la multiplicité des propriétaires forestiers ».
Sophie Panonacle a évoqué le plan gouvernemental visant à lutter contre les incendies de forêt, qui a « répondu aux premières attentes des acteurs de terrain ». Le ministère de l’Intérieur s’est engagé à mettre à disposition davantage d’engins bombardiers d’eau et terrestres, de pompiers et de militaires pour lutter contre les incendies. 180 millions d’euros alloués aux services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) permettront notamment l’achat de 1 100 engins de lutte contre le feu, ce qui constitue « une première étape conséquente ».
Toutefois, la rapporteure indique que les engagements de l’Etat ne suffiront pas : « chacun à son niveau doit apporter sa contribution, notamment les particuliers riverains des forêts, les propriétaires forestiers et les communes forestières (…) Nous devons trouver les réponses complémentaires pour faire face à la hausse de la menace. »
Le titre Ier vise à élaborer une stratégie nationale et territoriale visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie. Il prévoit, entre autres mesures :
- l’élaboration d’une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies (article 1er) ;
- la définition des territoires dont les bois et forêts réputés particulièrement exposés aux risques d’incendie par voie réglementaire (article 2) ;
- l’extension de la politique de défense des forêts contre les incendies aux surfaces de végétation et aux surfaces agricoles (article 4) ;
- l’intégration systématique du risque incendie au sein des schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) (article 5) ;
- la possibilité de créer des délégations à la protection de la forêt, chargées d’animer et de coordonner les services de l’Etat en matière de défense des forêts contre les incendies (article 6).
Le titre II vise à mieux réguler espaces limitrophes entre la forêt, les zones urbaines et les infrastructures pour réduire les départs de feux et la vulnérabilité des personnes et des biens. Il prévoit, par exemple :
- l’intégration du périmètre des obligations légales de débroussaillement (OLD) dans les documents d’urbanisme (article 8) ;
- le renforcement des obligations de débroussaillement qui incombent aux gestionnaires de sites classés Seveso (article 8 quinquies) ;
- le conditionnement de la mutation d’un terrain concerné par les OLD au respect de ces obligations sur ce même terrain (article 9) ;
- la création d'une nouvelle procédure allégée et simplifiée pour mettre en œuvre des obligations d'urbanisme spécifiques, sans passer par le dispositif contraignant du PPRif (article 13);
- l’envoi par le préfet de recommandations techniques relatives à la résistance des bâtiments aux incendies de forêt (article 14).
Le titre III concerne la gestion de la forêt et la promotion de la sylviculture face au risque incendie. Il prévoit notamment :
- l’abaissement du seuil d’obligation d’élaboration de documents de gestion durable à 20 hectares, contre 25 aujourd’hui (article 16) ;
- l’ajout d’une mission de défense des forêts contre les incendies pour le Centre national de la propriété forestière (article 19).
Le titre IV vise à améliorer l’aménagement et la valorisation des forêts, en appréhendant la défense des forêts contre les incendies à l’échelle du massif. Il dispose, entre autres mesures, l’instauration d’un droit de préemption des parcelles forestières sans document de gestion durable et présentant un enjeu au regard de la défense des forêts contre les incendies, au profit des communes (article 22).
Le titre V vise à mobiliser le monde agricole pour renforcer les synergies entre les pratiques agricoles et la prévention des feux de forêt. Il prévoit notamment la mise en place de contrats de valorisation agricole ou pastorale pour faciliter les coupures agricoles au sein des massifs forestiers (article 25), confie aux chambres d’agriculture une mission de sensibilisation des agriculteurs face au risque incendie (article 27) et prévoit la possibilité pour le préfet de prescrire des réductions de combustibles végétaux aux espaces limitrophes entre les parcelles agricoles et forestières (article 29).
Le titre VI concerne la sensibilisation des populations au risque incendie. Il consacre notamment, au niveau législatif, l’interdiction de fumer dans un bois ou une forêt classé à risque d’incendie pendant la période définie par arrêté préfectoral (article 31).
Le titre VII vise à équiper la lutte incendie à la hauteur du risque. Il prévoit notamment :
- l’exonération de malus « CO2 » et « poids » pour les véhicules d’intervention des SDIS (article 34) ;
- la réduction de cotisations patronales pour les employeurs en contrepartie de la disponibilité de leurs salariés ou agents publics sapeurs-pompiers volontaires (article 34 bis).
Le titre VIII vise à financer la reconstitution de forêts plus résilientes après l’incendie. Il introduit notamment une éco-conditionnalité et une conditionnalité « défense des forêts contre les incendies » pour bénéficier des aides publiques forestières (article 35).