Troisième séance du jeudi 15 mai 2025
- Présidence de M. Roland Lescure
- 1. Lutte contre la mortalité infantile
- Discussion des articles (suite)
- Article 2 (suite)
- Amendements nos 22 rectifié, 23 rectifié, 29 rectifié, 30 rectifié, 31 rectifié, 47 rectifié, 6 et 11
- M. Paul-André Colombani, rapporteur de la commission des affaires sociales
- M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins
- Amendements nos 34, 35 rectifié, 2 rectifié, 1 et 9
- Après l’article 2
- Article 3
- Après l’article 3
- Article 4
- Article 2 (suite)
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- Discussion des articles (suite)
- 2. Croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels
- 3. Généralisation de la connaissance et de la maîtrise des gestes de premiers secours tout au long de la vie
- 4. Lutter contre la pédocriminalité
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Lutte contre la mortalité infantile
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Paul-André Colombani et plusieurs de ses collègues visant à lutter contre la mortalité infantile (nos 1237, 1373).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles de la proposition de loi ; elle a entendu la présentation par leurs auteurs des amendements nos 22 rectifié et identiques et de l’amendement no 6 à l’article 2, qui font l’objet d’une discussion commune.
Article 2 (suite)
M. le président
Je rappelle que les amendements identiques nos 22 rectifié de M. Paul-André Colombani, 23 rectifié de M. Laurent Panifous, 29 rectifié de Mme Marie-Charlotte Garin, 30 rectifié de Mme Karine Lebon, 31 rectifié de M. Arnaud Simion et 47 rectifié de Mme Murielle Lepvraud ont reçu un avis favorable du rapporteur, et l’amendement no 6 de Mme Josiane Corneloup un avis défavorable, et que le gouvernement s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée sur l’ensemble des amendements.
Je rappelle également que les amendements nos 22 et identiques feront l’objet d’un scrutin public, qui a déjà été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
Je voulais réagir aux propos de M. le ministre au sujet du moratoire que les amendements tendent à instaurer. Vous affirmez n’avoir aucune envie de fermer les petites maternités ; vous vous engagez même à les préserver. Je ne demande qu’à vous croire. Mais dans la configuration politique actuelle, qui peut dire – moi pas plus qu’un autre – qu’il siégera encore sur ces bancs dans trois ans ?
L’objet de ce moratoire est d’interdire pour trois ans toute fermeture d’une petite maternité. Aucun d’entre nous ne peut assurer que son mandat politique durera autant. Il est donc important de voter en faveur de ces amendements pour protéger nos petites maternités quel que soit le devenir de nos mandats.
M. le président
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset
Si nous devons protéger quelqu’un, ce sont les femmes et les bébés. Quand un accouchement se passe normalement, que ce soit dans une clinique de proximité, un établissement éloigné ou même à domicile, tout le monde est content. Le bébé naît dans des délais normaux, il a une couleur normale, il pousse ses premiers cris, pleure, crache son méconium. On coupe le cordon, on réchauffe le nouveau-né et on le met dans les bras de la maman. Le papa est présent, les grands-parents attendent dans la salle d’à côté. Le lendemain paraît une publication : Jean-François est né, il pèse 3,5 kilogrammes. Voilà la situation idéale.
Mais savez-vous ce qui peut arriver quand l’accouchement se passe mal ? Il y a plusieurs niveaux de gravité, le pire étant la rupture utérine : l’utérus se déchire, la parturiente souffre atrocement ; elle risque de mourir d’hémorragie. Si elle n’est pas opérée en urgence, on perd la maman et le bébé.
M. Michel Lauzzana
Eh oui !
M. Jean-François Rousset
Vient ensuite la souffrance fœtale aiguë : faute de monitoring et d’un réanimateur spécialisé présent sur place, on perd le bébé. Cela peut survenir n’importe où et n’importe quand, c’est imprévisible. En cas de procidence du cordon ombilical – le cordon enserre le cou du bébé –, si on ne sait pas le reconnaître et qu’on prolonge l’accouchement par voie basse, soit le bébé meurt étouffé, soit il gardera des séquelles irréversibles à vie.
Si l’accouchement dure trop longtemps, que la maman s’épuise et ne peut plus forcer, il faut pratiquer une césarienne en urgence, ce qui nécessite un spécialiste. Il faut également poser une péridurale en urgence et ne pas la rater, faute de quoi on provoque une souffrance, voire une catastrophe.
Si l’accouchement se passe à peu près bien, mais que le bébé peine à sortir, il faut pratiquer une épisiotomie. Si elles sont mal faites, les épisiotomies entraînent trente ans plus tard des incontinences, des troubles de la statique pelvienne, des prolapsus utérins ou rectaux. Alors oui, je soutiens qu’il faut que les femmes accouchent dans les meilleures conditions de sécurité possibles, ce qui n’est pas une question de proximité.
M. Maxime Laisney
Il faut y mettre les moyens partout !
M. Jean-François Rousset
Il faut faire preuve de courage politique et aucun électeur ne nous reprochera de privilégier la sécurité absolue des accouchements. Voilà pourquoi je m’opposerai à la réintroduction du moratoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Serge Muller.
M. Serge Muller
Notre groupe votera en faveur de ces amendements.
M. Damien Maudet
C’est un changement de stratégie !
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je m’exprime avec une certaine émotion, car je comprends tout à fait, monsieur le rapporteur Colombani, monsieur le président Panifous, le souhait et les préoccupations émanant des territoires : ils doivent être entendus. Je tiens cependant à rappeler le contexte. Comme le souligne le rapport de M. Colombani, nous sommes mauvais et nous ne savons pas pourquoi. Nous parlons, chers collègues, de plus de 2 000 enfants qui meurent chaque année. Il faut remettre ce problème au centre : 2 000 enfants meurent tous les ans et nous ne savons pas pourquoi.
Il y a beaucoup d’explications possibles. J’entends, monsieur le rapporteur, que vous vous concentrez sur la proximité. Pour moi, il faut écouter un peu la science. Comme notre collègue Rousset l’a rappelé, si la proximité est un sujet de préoccupation, la sécurité reste primordiale. Or ces petites maternités, on le sait, fonctionnent souvent avec une équipe qui n’est pas stable, avec des médecins intérimaires qui vont et viennent – ce n’est pas leur faire offense que de le rappeler.
Chers collègues, c’est un conseil que je vous donne : avant d’aller à l’hôpital, sachez qui vous opère…
M. le président
Monsieur Isaac-Sibille, il faut conclure.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je dispose de deux minutes !
M. le président
Dont il ne vous reste qu’une seconde, monsieur le député.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Sachez qui vous endort ! (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur, qui tente de poursuivre son propos.)
M. le président
Monsieur Isaac-Sibille, veuillez regagner votre place, s’il vous plaît !
La parole est à M. Loïc Kervran.
M. Loïc Kervran
Quelques mots pour expliquer en quoi ce moratoire peut être intéressant. Si on croit au maillage des maternités, aux maternités de proximité, à l’avenir des territoires, il permet aussi de donner de la visibilité aux femmes qui vont accoucher.
Dans le Cher, nous avons quatre maternités. Le plan régional de santé en prévoit trois ou quatre à l’avenir : c’est une épée de Damoclès au-dessus des futures mamans,…
M. Jean-François Rousset
On ne parle pas de ça !
M. Cyrille Isaac-Sibille
C’est des enfants qu’il faut parler !
M. le président
S’il vous plaît, seul M. Kervran a la parole !
M. Loïc Kervran
…qui ignorent si la maternité dans laquelle elles souhaitent être suivies existera encore au moment de l’accouchement. En faisant diminuer le nombre d’accouchements dans les petites maternités, ce type de mesure aggrave donc les problèmes de sécurité que vous évoquez.
D’autre part, quand la maternité la plus proche est à 50 kilomètres, la distance compte…
Mme Josiane Corneloup
Eh oui !
M. Loïc Kervran
….et ce n’est pas en vous adressant à des services déjà surchargés que vous serez mieux pris en charge. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT.– M. Damien Maudet applaudit également.– M. Jean-François Rousset s’exclame.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Proença.
M. Christophe Proença
Je voudrais parler au nom de la ruralité et revenir sur ce qui a été dit à plusieurs reprises à propos du département du Lot, département rural que son taux de mortalité infantile très élevé – 6,2 ‰ – rapproche de la Seine-Saint-Denis, dont il diffère tellement par ailleurs. Alors que notre département est très agréable à vivre, sans pollution, qu’il offre une qualité de vie correcte et un niveau de vie dans la moyenne nationale, pourquoi ce taux est-il si élevé ?
Je ne suis pas en mesure de vous répondre, mais on peut y réfléchir. Cela tient peut-être à un défaut de suivi médical, de prévention, mais peut-être aussi au fait que nos femmes doivent se déplacer : dans un département qui représente deux circonscriptions, nous n’avons qu’une maternité, à Cahors. Dans le nord du Lot, il faut faire une heure, voire une heure et demie de voiture pour se rendre à la maternité. Mon propre petit-fils est né à la maison il y a quelques mois ; sa mère n’avait pas eu le temps de se déplacer jusqu’à la maternité. Cela s’est bien terminé, mais je considère que les risques pris par les gens qui vivent dans ces territoires, qu’il s’agisse d’accéder à la maternité ou aux urgences, doivent être pris en compte par le gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, LIOT et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Mazaury.
M. Laurent Mazaury
Pour commencer, je rappelle que le moratoire prévoit évidemment des exceptions en cas de danger pour la sécurité ou si la maternité ne possède pas – n’étant pas médecin, je ne sais comment dire, je ne suis pas au niveau de certains orateurs de ce soir –…
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Mais si !
M. Antoine Léaument
Chacun est légitime !
M. Laurent Mazaury
…le niveau de technicité lui permettant de sauver des vies.
Notre collègue vient de citer le cas de la Seine-Saint-Denis. Je prendrai quant à moi un exemple qui peut paraître incroyable, celui de Versailles, dans la circonscription voisine de la mienne. On pourrait penser qu’à Versailles, il y a tout, mais non : on y ferme aussi une maternité, malgré les problèmes de temps de trajet bien connus, même quand le transport de la future maman est assuré par le Samu.
De grâce, faisons confiance aux élus de la République,…
M. Cyrille Isaac-Sibille
À la science !
M. Laurent Mazaury
… aux services de santé, accordons-nous sur ce moratoire de trois ans. Il est indispensable d’étudier à nouveau posément les temps de trajet et les conditions de sécurité, de faire confiance aux responsables de santé exerçant dans nos villes, dans nos régions, afin de rebâtir tous ensemble un système qui soit efficace. La qualité technique importe évidemment, mais il faut aussi que nous rassurions les futures mamans quant à la possibilité d’accéder en toute sécurité à des maternités de proximité. C’est un élément essentiel pour bâtir des projets de vie pour nos enfants.
Ce moratoire de trois ans nous assurera la sérénité nécessaire. Je sais pouvoir compter sur votre sens des réalités et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié, 23 rectifié, 29 rectifié, 30 rectifié, 31 rectifié et 47 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 82
Contre 13
(Les amendements identiques nos 22 rectifié, 23 rectifié, 29 rectifié, 30 rectifié, 31 rectifié et 47 rectifié sont adoptés ; en conséquence, l’amendement no 6 tombe.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, LIOT et GDR.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Paul-André Colombani, rapporteur de la commission des affaires sociales
Il s’agit d’un amendement de clarification.
M. le président
La parole est à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins
Avis favorable.
(L’amendement no 11 est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir l’amendement no 34.
Mme Murielle Lepvraud
Cet amendement vise à étendre aux maternités assurant moins de 1 000 accouchements par an le moratoire qui vient d’être adopté pour celles qui en assurent moins de 300. Si le seuil excessivement restrictif de 300 accouchements était retenu, le moratoire ne concernerait que 23 des 111 maternités menacées de fermeture recensées par le rapport de l’Académie nationale de médecine.
En portant ce seuil à 1 000, notre amendement vise à protéger davantage de maternités de proximité, afin de garantir à toutes les femmes un accès digne et sûr à une maternité quel que soit leur lieu de vie.
À titre d’exemple, la maternité de Guingamp a enregistré 458 accouchements en 2022, soit bien au-delà du seuil de 300 accouchements actuellement retenu. Pourtant, les accouchements y sont suspendus depuis le 26 avril 2023.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Et pourquoi ?
Mme Murielle Lepvraud
Vous voyez donc que le seuil de 300 accouchements par an est nettement insuffisant pour protéger nos maternités menacées.
Ce moratoire étendu doit effectivement protéger les maternités menacées, mais aussi servir à conduire une vraie évaluation de l’impact des fermetures sur la santé des femmes et des nouveau-nés, ainsi que sur l’équilibre des territoires, dans une perspective d’égalité de l’accès aux soins. Il doit également permettre de faire le point sur les maternités surchargées, celles que l’on appelle les usines à bébés, engendrées par ces nombreuses fermetures. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – M. Sébastien Peytavie applaudit aussi.)
M. le président
Sur l’amendement n° 35 rectifié, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 34 ?
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Il vise à étendre l’état des lieux qui doit être réalisé par les ARS – agences régionales de santé – aux maternités pratiquant moins de 1 000 accouchements par an. Je comprends le problème que vous soulevez, mais pour que le dispositif prévu à l’article 2 soit efficace et cohérent, nous devons limiter l’état des lieux aux maternités pratiquant moins de 300 accouchements. Sinon, j’ai bien peur que ce travail soit dilué et que les études auxquelles il donnera lieu manquent de précision.
Par ailleurs, je pense que l’état des lieux sur les maternités pratiquant moins de 300 accouchements sera forcément utile, par la suite, à l’ensemble des maternités les plus vulnérables. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
Je pense que nous nous trompons de critère. Vous n’arrêtez pas de parler du nombre d’accouchements, mais j’ai envie de vous parler du nombre d’obstétriciens et d’anesthésistes dans les maternités,…
Mme Nicole Dubré-Chirat
Il en faut aussi !
Mme Claire Marais-Beuil
…car c’est de là que vient le problème ! Je vais vous raconter une histoire. J’ai pratiqué l’obstétrique pendant trois ans et il m’est arrivé d’enchaîner deux jours de travail d’affilée, pendant lesquels je ne suis pas sortie du bloc. Je vous jure qu’au bout de quarante-huit heures, j’ai demandé aux sages-femmes de transférer toutes les femmes présentes, car j’allais finir par tuer l’enfant et la maman ! (MM. Cyrille Isaac-Sibille, Michel Lauzzana et Jean-François Rousset applaudissent.) C’était une mesure de sécurité. Quand nous n’avons pas d’anesthésiste à disposition, comment faisons-nous ?
Je veux juste vous poser une question, à vous qui avez peut-être une fille ou une femme. Accepteriez-vous de l’emmener dans une maternité dépourvue d’anesthésiste ? Que se passerait-il si elle devait subir une césarienne en urgence ? J’ai de la chance, j’ai des garçons, mais si j’avais une fille, je ferais très attention ! J’entends ce que vous dites et je conçois que vous vouliez tous des maternités sur votre territoire, mais la sécurité de la femme et de l’enfant est prioritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
Je veux dire à une partie de l’hémicycle qu’il faut arrêter de voir tout en noir et blanc. Blanc quand le RN vote la censure avec vous ; noir quand il vote avec nous (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) – je m’adresse tout particulièrement à M. Maudet. Vous avez dit une chose à laquelle nous adhérons : il y a un critère de distance qui doit être pris en considération. Nous sommes d’accord ! Mais plusieurs médecins, y compris l’oratrice qui vient de s’exprimer, viennent de vous expliquer que ce n’était pas du tout le seul critère à prendre en considération et que la sécurité des femmes et des enfants devait l’être également. Il y a de plus en plus de prématurés ; ils doivent parfois être réanimés. Savez-vous en quoi cela consiste ? C’est très technique ! Il n’y a pas beaucoup de maternités qui peuvent faire de la réanimation infantile.
La situation que vous allez créer risque donc d’être très difficile. Nous venons de vous expliquer à quoi nous faisons face, par moments, dans les maternités. Par conséquent, je vous en conjure : prenez le temps de lire ce qui est écrit ! Nous avons inscrit dans le texte que les ARS doivent procéder « à un état des lieux des établissements de santé exerçant une activité d’obstétrique ». Nous sommes d’accord, il faut d’abord évaluer avant de fermer. Mais si l’on décrète par principe qu’il ne faut fermer aucune maternité, on verra se généraliser des situations qui s’observent déjà, où des maternités restent ouvertes mais ne pratiquent aucun accouchement,…
Mme Nicole Dubré-Chirat
Oui, il ne s’y passe rien !
M. Michel Lauzzana
…parce que la sécurité adéquate n’est pas garantie. Ça existe déjà ! Vous ne voulez pas l’entendre, mais c’est une réalité de terrain. (M. Jean-François Rousset applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.
Mme Marie-Charlotte Garin
C’est un faux débat, chers collègues. L’amendement que nous venons de voter dit très précisément, en effet, qu’« aucune autorisation relative à une activité d’obstétrique ne peut être retirée ou remise en cause, sauf – ouvrez grand les oreilles – en cas de danger pour la sécurité des patients » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme Josiane Corneloup
Eh oui !
Mme Marie-Charlotte Garin
La réalité qu’expérimentent les professionnels de santé sur le terrain et les difficultés liées aux situations de sous-effectifs – nous savons que les soignants souffrent partout sur le territoire, et en particulier dans les territoires périphériques – sont donc précisément prises en considération ! Qui voudrait laisser ouvertes des maternités…
M. Michel Lauzzana et M. Jean-François Rousset
Vous !
Mme Marie-Charlotte Garin
…où les patientes et les enfants seraient mis en danger ? C’est complètement lunaire !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Avec quels obstétriciens voulez-vous qu’elles fonctionnent ? Avec quels anesthésistes ? Il n’y en a pas !
M. le président
Laissez parler Mme Garin, s’il vous plaît.
Mme Marie-Charlotte Garin
Nous ne sommes pas obligés de nous invectiver et de nous hurler dessus, cher collègue.
M. le président
Je m’en occupe, madame Garin.
M. Matthias Tavel
Rappelez-le à l’ordre, alors !
M. le président
Je fais au mieux, monsieur Tavel. Allez-y, madame Garin.
Mme Marie-Charlotte Garin
En réalité, si vous approuvez le principe selon lequel nous ne fermerons pas les maternités à moins que les patientes y soient en danger,…
M. Charles Sitzenstuhl
Ce n’est pas ce que vous avez voté !
Mme Marie-Charlotte Garin
…nous sommes d’accord ! Vous créez un faux débat pour vous cacher derrière votre petit doigt, parce que nous refusons d’interdire la fermeture de maternités pendant trois ans. Ce n’est qu’un moratoire : détendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – MM. Sébastien Peytavie et Arnaud Simion applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Je ne vais pas dresser une liste de cas cliniques médicaux, mais nous avons tous été confrontés à des histoires qui ressemblent à celle de notre collègue du Lot M. Proença. Une des personnes les plus proches de moi s’est retrouvée dans une situation d’urgence obstétricale ; le jour où c’est arrivé, elle était attendue à une heure de son lieu d’accouchement. Heureusement que la petite maternité du coin était toujours ouverte,…
Mme Élise Leboucher
Eh oui !
M. Paul-André Colombani, rapporteur
…parce que la personne dont je parle a dû bénéficier d’un code rouge, à savoir une césarienne en urgence. Et dire que cette maternité-là, on menaçait de la fermer il y a deux ans ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NFP, SOC et EcoS. – M. Loïc Kervran applaudit également.)
(L’amendement no 34 est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 35 rectifié et 2 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 35 rectifié.
M. Damien Maudet
« Petits patients, petits moyens ». Voilà ce que l’on entend en pédiatrie ou en néonatologie, à Limoges ou même à Paris. Les vingt années au cours desquelles la mortalité infantile a augmenté sont aussi lrs vingt années pendant lesquelles des économies ont été réalisées sur le système de santé ; ce sont les vingt années qui ont vu se succéder des réformes telles que celle de la tarification à l’activité (T2A). Une telle corrélation n’est certainement pas due au hasard ! (M. Maxime Laisney applaudit.)
La T2A a créé un système dans lequel certains actes sont moins rentables que d’autres. C’est sans doute un hasard, mais les accouchements, la maternité et la réanimation néonatale sont des actes qui sont parmi les moins rentables : ils rapportent beaucoup moins que d’autres actes de chirurgie. Ainsi, certaines sages-femmes expliquent que lorsqu’elles procèdent au codage de leurs actes, donc lorsqu’elles les répertorient pour être remboursées par l’assurance maladie, elles cherchent la meilleure recette pour ne pas faire perdre d’argent à l’établissement dans lequel elles exercent.
M. Matthias Tavel
C’est vrai !
M. Damien Maudet
Nous devons absolument sortir de ce système et revoir le mode de financement des maternités, de la réanimation néonatale et de toutes les activités liées à l’accouchement afin de faire en sorte qu’elles ne soient pas sous-financées par rapport à d’autres activités ni moins rentables que d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Marie-Charlotte Garin applaudit également.)
M. le président
L’amendement no 2 rectifié de M. Arnaud Simion est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Vous souhaitez compléter l’article en mentionnant l’Ondam – objectif national de dépenses d’assurance maladie. Cela me paraît utile : je donne donc un avis favorable à l’amendement no 35 rectifié et demande le retrait du no 2 rectifié, parce que la rédaction du premier, qui fait mention du « mode de financement de l’activité obstétrique », est un peu plus complète.
(L’amendement no 2 rectifié est retiré.)
M. le président
uel est l’avis du gouvernement sur l’amendement no 35 rectifié ?
M. Yannick Neuder, ministre
Sagesse.
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Ce dont il est ici question, c’est de lutter contre la mortalité infantile ; ce qui est en jeu, c’est la vie de 2 000 enfants tous les ans. Ce n’est pas un problème budgétaire ! Si ces maternités ferment, ce n’est pas parce qu’elles manquent de budget : c’est parce qu’elles manquent d’obstétriciens,…
Mme Nicole Dubré-Chirat
Eh oui !
M. Cyrille Isaac-Sibille
…d’anesthésistes, de sages-femmes (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) et de pédiatres.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Et pourquoi il n’y en a pas ?
M. Cyrille Isaac-Sibille
Si ces enfants meurent, c’est souvent parce que l’endroit où ils naissent manque de pédiatres et d’un service de réanimation néonatale, et non parce que leur mère vit loin d’une maternité. Il y a effectivement une perte de chance liée à la distance, je l’avoue, mais les décès dont nous parlons, qui concernent 2 000 enfants par an,…
Mme Marie-Charlotte Garin
2 700 !
M. Cyrille Isaac-Sibille
…ne sont pas liés à un problème de budget ! Il n’est pas question d’argent ici, mais de vies d’enfants.
Mme Marie-Charlotte Garin
À vous entendre, on ne dirait pas !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Si les maternités ferment, c’est plutôt en raison d’un problème de démographie médicale : malheureusement, on manque de professionnels de santé, et notamment de pédiatres et de services de réanimation néonatale.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
C’est donc un manque de moyens !
M. le président
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
La T2A est en effet un vrai problème, qui a des répercussions dans tous les services des hôpitaux. Il faut à mon avis revoir ce dispositif, d’autant que la tarification à l’acte exige de tout coder, ce qui fait perdre un temps fou aux personnels des hôpitaux. Si nous voulons résoudre le problème des maternités – je m’adresse ici à M. le ministre –, il va falloir vraiment se pencher sur le nombre de médecins, d’obstétriciens et d’anesthésistes, car il y a là un véritable problème. Si nous voulons maintenir nos maternités, commençons par fabriquer des médecins ! (M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.)
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Et par rendre la filière attractive !
M. le président
La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet
La plupart des maternités qui ont fermé dans les dernières années sont des maternités privées. Pourquoi ? Parce qu’une maternité privée a besoin d’être rentable. Or ces activités-là – je viens de vous le dire – ne sont pas rentables. Ces maternités ont donc fait un choix qui est – attention, cher collègue, je vais parler d’argent ! – un choix économique,…
M. Cyrille Isaac-Sibille
Mais non !
M. Damien Maudet
…en décidant de fermer certains services pour en privilégier d’autres. Je pourrais même dire que ce n’est pas de leur faute ; c’est simplement que certains actes sont plus rentables que d’autres.
Dans le public, c’est un peu différent. Quand le représentant de la maternité d’un hôpital vient défendre la survie de son service auprès de son établissement, qui doit faire un arbitrage entre la maternité et un autre service, par exemple de chirurgie, peut-être la direction choisira-t-elle la maternité, en tenant compte d’un souci d’ordre populationnel sur son territoire. Mais peut-être se dira-t-elle qu’étant à court financièrement, elle aurait tout intérêt à privilégier l’activité qui lui rapportera le plus : dans ce cas, ce ne sera pas la maternité ni la réanimation néonatale !
M. Michel Lauzzana
Mais non !
M. Damien Maudet
Il faut savoir que 23 % des services de néonatologie refusent des bébés parce que les capacités d’accueil sont insuffisantes ;…
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il n’y a pas de personnel !
M. Damien Maudet
…et si elles sont insuffisantes, c’est parce que ces services sont ceux qui sont les moins financés ! Voilà ce qu’il faut comprendre. C’est donc bien un problème économique, et vous ne pouvez pas dire qu’il ne faut pas parler d’argent simplement parce qu’il est question de bébés qui meurent.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Manque de personnel !
M. Damien Maudet
C’est un problème de personnel, mais comment pourrait-on recruter du personnel alors que les hôpitaux ont 3,5 milliards d’euros de dette ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Comment recruter dans ces conditions ? Les établissements vont forcément favoriser certains services qui sont rentables, plutôt que les maternités qui ne rapportent pas assez ! Aujourd’hui, un accouchement rapporte moins que le changement d’une prothèse de hanche. Nous devons nous poser la question : pourquoi ces actes ne rapportent-ils pas assez ? Faisons en sorte qu’ils rapportent davantage ! Le président de la République a parlé de réarmement démographique, mais il faut que l’État et la sécurité sociale prennent leur part, pour que les femmes puissent accoucher dans de bonnes conditions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je m’en suis remis à la sagesse de l’assemblée sur votre amendement, monsieur Maudet, car la question que vous posez mérite de l’être. Mais ne me faites pas regretter ma décision ! Je ne peux vous laisser tenir de tels propos.
M. Michel Lauzzana
Ah, tout de même !
M. Yannick Neuder, ministre
Bien souvent, je m’abstiens de réagir car si le gouvernement s’exprime trop un jour de niche parlementaire, on aura tôt fait de l’accuser de faire de l’obstruction. Or je souhaite, comme tout ministre, qu’un maximum de textes puisse être examiné dans ce cadre, quel que soit le groupe qui en est à l’origine. Cependant, je tiens tout de même à vous dire quelques mots.
Tout d’abord, le jour où une maternité ne présente plus toutes les garanties nécessaires pour assurer la sécurité d’une mère et de son enfant, qu’elle réalise plus ou moins de 300 accouchements par an, le ministère doit prendre ses responsabilités. Cela résulte des textes en vigueur, et en tant que ministre de la santé et médecin, je ne laisserai jamais une structure ouverte, quel que soit le nombre d’accouchements qu’elle réalise, si elle n’offre pas toutes les garanties de sécurité nécessaires. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et HOR.)
M. Isaac-Sibille l’a très bien dit, une maternité, pour offrir cette sécurité, doit compter le bon nombre de professionnels aux bons postes : des gynécologues, des anesthésistes, des réanimateurs en pédiatrie, des sages-femmes, selon le niveau de la maternité. Mais il n’est pas indispensable que toutes les maternités soient au même niveau. Cessez donc d’opposer le critère de proximité à tous nos arguments : une maternité de proximité de niveau 1 peut suffire pour la plupart des grossesses et faisons confiance aux médecins qui considèrent qu’une grossesse est à risque pour organiser l’accouchement dans une maternité de niveau supérieur.
Ensuite, le ministre de la santé que je suis ne peut laisser dire qu’on manque de personnels dans les hôpitaux parce que l’on n’embauche pas. Je passe mes journées à répéter aux personnels de direction des hôpitaux que s’ils ont le personnel nécessaire pour ouvrir des lits, on financera. C’est d’ailleurs bien parce qu’il n’y avait aucune restriction budgétaire que nous avons pu tenir les services d’urgence durant la pandémie. C’est pourquoi il faut former plus, mieux et partout, car si des lits ferment, c’est parce qu’on manque de personnel et non de financements.
M. Damien Maudet
Arrêtez, monsieur le ministre…
M. Yannick Neuder, ministre
Des mesures vous seront donc présentées jusqu’au 14 juillet pour former plus de soignants. En lien avec les régions, nous avons obtenu dans le projet de loi de finances pour 2025 une enveloppe supplémentaire de 215 millions d’euros pour la formation des paramédicaux. D’ici quelques semaines, nous ferons d’autres propositions dans le sillage de la proposition de loi que j’avais défendue lorsque j’étais député et que l’Assemblée nationale a adoptée en décembre 2023. Elle contient trois mesures essentielles : la suppression du numerus apertus, pour permettre de former davantage de médecins en fonction des besoins des territoires, des dispositions pour faire revenir les étudiants en médecine partis à l’étranger, et enfin le développement des passerelles permettant aux paramédicaux ou à d’autres professionnels de devenir médecins grâce à la formation continue.
Des décrets et des arrêtés seront également pris avant l’été pour que les 3 700 docteurs juniors puissent aller soutenir les médecins dans les territoires. Enfin, il est prévu de refondre les épreuves de vérification des connaissances pour parvenir à recruter 4 000 Padhue – praticiens à diplôme hors Union européenne – par an. Je veux bien que l’on débatte, mais je ne peux laisser dire des contrevérités. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 35 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 56
Contre 14
(L’amendement no 35 rectifié est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Arnaud Simion, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Arnaud Simion
L’amendement tend à s’assurer que la pause de trois ans dans les fermetures de maternité se traduise bel et bien par l’amélioration de la sécurité des accouchements réalisés et de la santé des nouveau-nés.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Le rapport qui doit être remis au Parlement formulera des recommandations relatives à la sécurité des accouchements réalisés dans les petites maternités. L’amendement me semble satisfait par celui que nous avons adopté en commission, puisque l’alinéa 5 de l’article 2 prévoit que « ce rapport détaille les moyens […] à mettre en œuvre pour maintenir [les petites maternités] dont la présence est nécessaire à la sécurité et à l’accessibilité des soins. » Par conséquent, demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 1 est retiré.)
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon, pour soutenir l’amendement no 9.
Mme Karine Lebon
Il tend à compléter le rapport prévu à l’alinéa 5 pour qu’il formule également des propositions visant à assurer une offre suffisante de prise en charge néonatale sur l’ensemble du territoire, en veillant notamment aux conditions d’accessibilité géographique.
Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ce que les professionnels eux-mêmes qualifient de situation très préoccupante. Ainsi, 23 % des services déclarent refuser régulièrement des entrées critiques faute de place ; en juin 2023, ce sont 5 % des lits qui étaient fermés en néonatalogie ; surtout, de grandes disparités sont à déplorer selon les territoires en matière d’accès aux soins des nouveau-nés en situation de détresse. Dans certains départements, des bébés prématurés ou en détresse vitale sont transférés dans des établissements éloignés du lieu de résidence de leurs parents. Il arrive également que des nouveau-nés soient pris en charge par des équipes en sous-effectifs, submergés de travail, à la limite de l’épuisement. C’est une situation indigne d’un système de santé solidaire, indigne de notre République mais surtout évitable si nous avions le courage politique d’agir.
L’amendement ne vise pas à créer une nouvelle norme, mais simplement à ce que le rapport prévu prenne en compte cette réalité. Lors de la naissance d’un enfant, chaque minute compte. Le pronostic vital d’un enfant ne devrait pas dépendre du code postal de sa naissance. L’égalité territoriale ne saurait être une expression creuse : c’est un engagement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Le rapport est prévu pour traiter de la prise en charge obstétrique et néonatale sur l’ensemble du territoire. Nous avons adopté en commission un amendement qui tend à ce que le rapport formule des propositions de révision des décrets relatifs à la périnatalité, y compris en matière de modalités et de ratios d’encadrement. Votre amendement me paraît donc satisfait. Je vous invite à le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.
(L’amendement no 9 est retiré.)
(L’article 2, amendé, est adopté.)
Après l’article 2
M. le président
La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir les amendements nos 27 et 28, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Murielle Lepvraud
Permettez-moi d’abord de préciser que les seuils de 300 et 1 000 accouchements par an ont été déterminés par l’Académie de médecine et non par nous – nous sommes au contraire très favorables à ce qu’aucun seuil ne soit fixé.
J’en viens aux amendements. L’amendement no 27 vise à ce que les aides et subventions destinées à financer les activités d’obstétrique soient octroyées en priorité aux établissements publics.
À Guingamp, alors que les accouchements sont suspendus depuis près de deux ans faute de personnel, l’agence régionale de santé a choisi d’allouer une subvention exceptionnelle de 300 000 euros à la maternité de la clinique privée à but lucratif qui se trouve juste à côté. La maternité publique de Guingamp reste à l’arrêt alors qu’elle cherche, elle aussi, à recruter. Le fait que les cliniques parviennent à recruter et non les hôpitaux publics pose question. L’activité obstétrique est une mission de service public, pas un vecteur de rentabilité.
L’amendement de repli no 28 cible plus précisément les établissements publics dont l’activité obstétrique est menacée d’une suspension, c’est-à-dire les 111 maternités menacées par une fermeture.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Avis défavorable aux deux amendements. Nous en avons débattu en commission. Le problème se pose en termes inverses dans ma circonscription de l’extrême sud de la Corse, à Porto-Vecchio : c’est une clinique privée qui assure cette mission de service public et garantit l’accès aux soins. Lui supprimer le financement reviendrait à fermer la maternité.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre
Avis très défavorable. Vous opposez système public et système privé, mais nous avons de telles difficultés pour assurer l’accès aux soins dans les déserts médicaux que nous avons bien besoin de cette collaboration entre le public et le privé. Il faut arrêter d’opposer les professionnels de santé entre eux. Le rapporteur a raison : dans de nombreux territoires, il n’existe qu’une offre privée. Si elle venait à disparaître, le secteur public serait incapable d’absorber la file active de patients qui se retrouveraient sans médecin. Nous avons besoin que tout le monde soit sur le pont, voire encore plus, ce qui explique que le premier ministre ait récemment présenté un pacte de lutte contre les déserts médicaux pour former plus de médecins, et mieux.
M. le président
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
C’est l’exemple type de votre tendance à tout voir en noir et blanc. L’idéologie pense à votre place.
M. Matthias Tavel
Un peu de respect, collègue !
M. Michel Lauzzana
Si nous n’avions pas le privé, la situation serait extrêmement difficile. Dans ma circonscription, un accord a été passé entre le public et le privé pour que la maternité de la clinique soit transférée à l’hôpital public et que les gynécologues de la clinique aillent travailler à l’hôpital.
Je dirai ensuite à M. Maudet que les services de l’État sont très vigilants. Les ARS surveillent et on ne peut pas fermer des lits aussi facilement que vous le pensez. Ainsi, à Agen, le service de cardiologie interventionnelle – spécialité chère à M. le ministre – se trouve à la clinique tandis que celui de neurologie interventionnelle est à l’hôpital, sous la vigilance de l’ARS qui veille à une bonne répartition des moyens. Nous avons besoin du privé comme du public. Retirez vos lunettes idéologiques !
M. le président
La parole est à Mme Murielle Lepvraud.
Mme Murielle Lepvraud
Monsieur le ministre, il ne s’agit pas, par notre amendement, d’opposer le public au privé, mais de prioriser les moyens alloués. Quand un établissement public et un établissement privé ont tous deux besoin de moyens supplémentaires, il est normal que l’argent public serve d’abord au service public. C’est du bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Cyrille Isaac-Sibille
Parce qu’il y a des nouveau-nés publics et des nouveau-nés privés ?
(Les amendements nos 27 et 28, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Serge Muller, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Serge Muller
Il vise à confier aux ARS la mission de publier une cartographie annuelle fondée sur les temps de trajet réels vers les maternités, qu’elles soient privées ou publiques. Il ne s’agit pas d’un exercice statistique abstrait, mais d’un outil de planification sanitaire permettant d’identifier les zones à risques, les désertifications obstétricales et de restaurer l’accès aux soins pour toutes les femmes enceintes. Cette mesure de bon sens répond à un impératif d’équité, de visibilité et d’action. Elle devrait, me semble-t-il, rassembler au-delà des clivages.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul-André Colombani, rapporteur
L’état des lieux que nous proposons de dresser dans l’article 2 répond à la question que vous soulevez. Avis défavorable.
(L’amendement no 19, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
Article 3
M. le président
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 50.
M. Yannick Neuder, ministre
Il s’agit de supprimer la définition par la Haute Autorité de santé (HAS) d’un protocole national de formation à l’urgence obstétricale, afin de gagner du temps et de former plus rapidement les professionnels de santé. Nous souhaitons en effet que cette formation continue obligatoire à l’urgence obstétricale puisse ouvrir. Deux facteurs conditionnent la réactivité d’une équipe à l’urgence maternelle et néonatale : la formation régulière à la gestion de l’urgence et la formalisation d’une organisation interne à la gestion de ces situations. Ces éléments sont pris en compte dans le cadre de la certification des établissements publics et privés par la HAS. Les exigences sur la gestion des risques obstétricaux majeurs et la prise en charge du nouveau-né ont ainsi été renforcées au sein du référentiel national de certification qui sera applicable aux visites d’établissements à compter de septembre 2025.
En revanche, il ne paraît pas nécessaire de définir un protocole national de formation continue obligatoire. Outre le fait que cela ajouterait une nouvelle mission à la HAS dans un contexte de rationalisation des missions des agences sanitaires, l’enjeu principal est moins de définir le contenu des formations aux gestes d’urgence que d’installer des formations en équipe, par exemple des simulations d’urgence, dans un contexte où la stabilité des équipes des maternités n’est par ailleurs pas toujours assurée.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul-André Colombani, rapporteur
De nombreux rapports, dont celui de Mme Anne Bergantz et M. Philippe Juvin, que je salue, insistent sur le besoin de renforcer considérablement la formation continue dans les unités d’obstétrique. Il s’agit pour moi d’un élément nécessaire au maintien des petites maternités.
J’entends toutefois votre argument relatif aux missions déjà existantes de la HAS et m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur cet amendement.
(L’amendement no 50 est adopté. En conséquence, l’amendement no 4 tombe. )
M. le président
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l’amendement no 16.
Mme Marie-Charlotte Garin
Par cet amendement, nous proposons que les formations dispensées aux personnels de santé puissent inclure une sensibilisation à la réduction de l’exposition des femmes enceintes aux perturbateurs endocriniens et aux facteurs de risques environnementaux.
On le sait, la santé des nouveau-nés commence bien avant l’accouchement. Elle est nécessairement affectée par l’exposition à la pollution environnementale : l’exposition des femmes enceintes à la pollution de l’air, aux pesticides, aux perturbateurs endocriniens, aux plastiques, aux solvants et, par exemple, aux polluants éternels ont un impact sur les naissances prématurées, les malformations des nouveau-nés et les complications néonatales. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous alerte depuis bien longtemps, on a tendance à ne pas l’écouter et à préférer les logiques du profit à celles de la santé publique.
Je crois que cela pose la question de la responsabilité. On voudrait nous faire croire au quotidien, dans les grands discours, que la responsabilité est individuelle et qu’il appartient au consommateur, au patient, à la femme enceinte d’essayer par leur consommation de se protéger de cette pollution environnementale. En réalité, la responsabilité n’est pas individuelle : nous faisons face à un problème systémique. Les industriels qui choisissent de nous empoisonner, d’empoisonner les femmes enceintes et d’empoisonner les enfants à naître sont bien évidemment responsables.
M. Emeric Salmon
Personne n’empoisonne personne !
Mme Marie-Charlotte Garin
En tant que législateur, nous portons aussi une responsabilité collective, avec le gouvernement, lorsque nous légiférons – comme nous le faisons en ce moment – ou que nous étudions la proposition de loi Duplomb en commission des affaires économiques sans prendre la décision de protéger les citoyens et les citoyennes de la pollution environnementale…
M. Matthias Tavel
Eh oui !
Mme Marie-Charlotte Garin
…ni celle de voter l’interdiction des polluants éternels dans les ustensiles de cuisine comme les poêles à frire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –Mme Karine Lebon applaudit également. )
Par cet amendement, le groupe écologiste propose vraiment le minimum syndical : informer au moins les professionnels de santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Si vous avez raison de dire qu’il est nécessaire de sensibiliser davantage les professionnels de santé et surtout les familles et futurs parents sur les perturbateurs endocriniens, les substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) et sur la pollution en général, nous parlons ici des gestes d’urgence obstétrique. Votre amendement dévoierait la portée et l’objectif de cette formation, car il s’agit d’un tout autre sujet. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre
Même avis.
(L’amendement no 16 est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Serge Muller, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Serge Muller
Cet amendement de ma collègue Marie-France Lorho vise à autoriser les sages-femmes libérales à accéder à la formation dispensée dans les établissements de santé publics et privés désignés au présent article.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Trois amendements, qui se ressemblent, concernent les sages-femmes libérales. En théorie, les sages-femmes libérales n’entrent pas dans les blocs d’accouchement. C’est donc plutôt un avis défavorable.
Si elles exercent des missions impliquant des accouchements, elles bénéficieront de la formation ; si elles remplissent d’autres missions – on peut aussi penser aux sages-femmes de protection maternelle et infantile (PMI) –, cette formation ne semble pas nécessaire.
M. le président
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 37, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, et sur l’article 3, par le groupe Horizons & indépendants.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du gouvernement sur l’amendement no 5 ?
M. Yannick Neuder, ministre
Il est défavorable. Précisons que les sages-femmes évoquées, c’est-à-dire les sages-femmes libérales si je comprends le sens de cet amendement, bénéficient du développement professionnel continu (DPC). Tous les professionnels de santé, quel que soit leur statut – libéral ou hospitalier public ou privé –, se forment. Les sages-femmes bénéficient de formations continues en lien avec leur pratique professionnelle.
M. le président
La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet
Nous ne voterons pas cet amendement : l’amendement no 37, qui arrive juste après, rend cette formation obligatoire alors qu’ici, elle est seulement ouverte aux sages-femmes libérales.
(L’amendement no 5 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 37 – qu’il a déjà presque défendu !
M. Damien Maudet
Oui, c’est vrai ! Après avoir entendu les observations de M. le rapporteur et de M. le ministre, je précise qu’il s’agit d’une demande des sages-femmes libérales. Lorsqu’elles sont à quarante-cinq minutes du premier établissement de santé, elles disent que la formation à ces gestes d’urgence peut être tout à fait nécessaire.
Sans être trop long, car nous sommes dans une niche parlementaire, je prends trente secondes pour contester que les finances des hôpitaux ne soient pas responsables des pénuries de personnel. Dans certains services, par exemple un service parisien de réanimation pédiatrique, on nous explique qu’il faut faire du mécénat pour financer du matériel. Croyez-vous que cela donne envie aux personnels d’aller travailler dans ces services ? Non ! Les personnels ne veulent pas y travailler car on n’y investit pas. Nous pourrons en rediscuter.
Mme Claire Marais-Beuil
Quel est le rapport avec l’amendement ?
M. Damien Maudet
Monsieur Lauzzana, avez-vous lu l’enquête sur la mortalité infantile ? Un de vos collègues y raconte avoir été confronté à la fermeture d’une maternité privée. Il explique que l’État ne peut rien faire car il ne veut pas entrer dans un bras de fer avec le privé. En réalité, l’activité du privé dépend d’autorisations qui sont données par l’administration. Si on disait au secteur privé : « si vous supprimez un établissement sans mon accord, moi je vous supprime une autorisation ailleurs », la situation serait réglée dans la minute. Mais ce n’est pas ce qui est fait ! Aujourd’hui, on laisse faire.
M. Charles Sitzenstuhl
Qui a dit ça ?
M. Damien Maudet
Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales, dans le livre que je vous recommande d’acheter ! Il estime qu’on ne peut rien faire pour empêcher le privé de s’en aller. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Yannick Neuder, rapporteur
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 37.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 73
Contre 41
(L’amendement no 37 est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.– M. Sébastien Peytavie applaudit également.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 3.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 102
Contre 8
(L’article 3, amendé, est adopté.)
Après l’article 3
M. le président
L’amendement no 33 de M. Jean-Hugues Ratenon est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul-André Colombani
Je donnerai un avis défavorable sur toutes les demandes de rapport, à l’exception de celle-ci : il est impossible de rester indifférent au taux de mortalité infantile dans les outre-mer, deux fois plus élevé que la moyenne nationale.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre
Même avis.
(L’amendement no 33 est adopté.)
M. le président
L’amendement no 20 de M. Serge Muller est défendu.
(L’amendement no 20, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes La France insoumise-Nouveau front populaire et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir l’amendement no 25.
Cet amendement sollicite la remise d’un rapport pour évaluer les besoins de formation et identifier les leviers d’action permettant de renforcer l’exercice hospitalier en gynéco-obstétrique, pédiatrie et anesthésie.
Vous avez beaucoup parlé du manque de médecins ; nous devons évaluer précisément les besoins. Les petites maternités souffrent d’un déficit d’attractivité majeur : près de 91 % d’entre elles font face à des tensions démographiques et à une instabilité chronique de leurs équipes. Si depuis 2012 le nombre de professionnels formés dans les disciplines précitées n’a cessé d’augmenter, cette progression reste insuffisante et les effectifs se dirigent de plus en plus vers l’exercice libéral, désertant l’hôpital.
Nous avons donc besoin d’un diagnostic clair sous la forme d’un rapport qui évalue non seulement les besoins en formation, mais aussi les leviers pour renforcer l’attractivité de ces spécialités à l’hôpital.
(L’amendement no 25, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 26 de M. Damien Maudet est défendu.
(L’amendement no 26, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Article 4
(L’article 4 est adopté.)
Explications de vote
M. le président
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR)
Le groupe UDR votera en faveur de cette proposition de loi, car la hausse de la mortalité infantile en France, qui révèle une désorganisation profonde de notre politique périnatale et une perte de maîtrise de l’aménagement sanitaire du territoire, est inacceptable dans un pays développé.
Cependant, cette loi ne suffira pas : le moratoire sur les fermetures de maternités doit être la première marche d’une politique périnatale ambitieuse, cohérente et nationale. Il ne doit pas être vu comme un blocage, mais au contraire comme le point de départ d’une reconstruction. Si une maternité ne doit pas rester ouverte pour le principe – il est évident qu’il faut y garantir la sécurité –, où est cette sécurité quand une mère accouche dans une gendarmerie ou un camion de pompiers à plus d’une heure d’une maternité ?
Maintenant, soyons lucides ! Si nous demandons des maternités, ce qui suppose des médecins, des sages-femmes et de nombreuses équipes médicales, il nous faut surtout des enfants ! Il ne peut y avoir de politique périnatale sérieuse sans une politique nataliste volontaire et un soutien actif à la parentalité. Nous souhaitons une politique globale qui donne la possibilité de bénéficier de soins de proximité : une préparation à la naissance accessible, un suivi gynécologique régulier et un accompagnement postnatal structuré.
Il faut aussi des conditions de travail attractives pour les professionnels de santé, un engagement pour relancer la natalité et une réelle solidarité territoriale en faveur des territoires ruraux.
Si le groupe UDR soutient cette proposition de loi, il attend une vision d’ensemble et une action d’ampleur : il y va de l’avenir de notre pays.
M. le président
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset (EPR)
En démarrant ces discussions, nous pouvions avoir l’ambition sinon de nous attaquer, du moins de réfléchir aux véritables causes de la mortalité infantile dans notre pays. Sur ce point, je rejoins Cyrille Isaac-Sibille qui évoquait la prévention. Nous n’avons pas parlé de vaccination, alors même que la vaccination contre la rougeole – maladie transmissible, éminemment contagieuse et qui tue les enfants en bas âge – est en recul. Voilà une première cause de mortalité infantile.
L’obésité, le diabète, l’hypertension et la sédentarité, qui sont des facteurs connus et identifiés d’aggravation des risques de grossesse difficile et d’accouchement prématuré, se développent. Nous n’en avons pas dit un mot ; on a demandé des rapports sur tout, sauf là-dessus !
Mme Élise Leboucher
À quoi est-ce lié ? Retirez la loi Duplomb !
M. Jean-François Rousset
Si le moratoire pour éviter la fermeture des maternités est la mesure phare de cette proposition de loi, il ne tient pas compte – je l’ai dit – des risques de complications graves pour la maman et le bébé. Vous manquez de courage politique ! C’est de l’affichage et les gens le savent. Chez moi, il y a une maternité. Quatre postes sont ouverts au recrutement, mais personne ne vient. La maternité est toujours là, mais les accouchements ne sont pas possibles !
Votre discours consistant à opposer public et privé en permanence ne fait de bien à personne. Il y a des endroits où le privé travaille bien et d’autres où le public travaille bien. Les médecins du privé et du public ont le même engagement.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ils n’ont pas les mêmes moyens !
M. Jean-François Rousset
Ils accomplissent une mission de service public. La tendance actuelle est de favoriser le transfert de l’un vers l’autre, car les moyens nécessaires en matière de surveillance néonatale et d’échographie obstétricale sont très importants. Il faut les partager, aller chercher les compétences là où elles se trouvent et accueillir les futures mères là où elles peuvent être prises en charge en toute sécurité par des personnels compétents pour éviter des accouchements catastrophiques.
M. Jean-François Rousset
Je propose donc à mon groupe de s’abstenir. Nous sommes en effet favorables à l’article 1er qui prévoit la création d’un registre national des naissances. Je le répète, nous ne sommes pas bons lorsque nous nous livrons à une évaluation. Chaque fois que nous légiférons sur un texte, nous devrions mettre en place un recueil d’informations reposant sur des données prospectives. Seules les études prospectives font avancer la science – et peut-être aussi la politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Arnaud Simion.
M. Arnaud Simion (SOC)
Comme on dit habituellement, ce texte marque une première étape. Je remercie M. le rapporteur d’avoir versé cette question au débat. Nous savons tous à quel point le parcours législatif est semé d’embûches, tortueux et incroyablement long. Comme l’a dit Karine Lebon, nous ignorons où nous serons dans trois ans et quel sera alors le visage de l’Assemblée qui légifèrera. Nous n’avons pas de temps à perdre.
M. Arnaud Simion
Monsieur le ministre, vous avez émis un avis de sagesse sur les amendements rétablissant le moratoire sur les fermetures de maternités. Merci ! Nous vous demandons à présent de ne pas attendre l’adoption définitive de cette proposition de loi pour appliquer ce moratoire avec les services de votre ministère. Ce serait un signal fort, une vraie réponse attendue par les femmes, par les enfants, par les professionnels de santé et par nos territoires.
M. Arnaud Simion
Le groupe Socialistes votera bien sûr pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet (LFI-NFP)
Je remercie tout d’abord M. le rapporteur d’avoir mis à l’ordre du jour cette proposition de loi. Je remercie également la commission, mais aussi M. le ministre pour nos échanges, ainsi que les collègues avec qui nous avons débattu aujourd’hui.
M. Damien Maudet
J’exprime tout d’abord notre soulagement s’agissant de l’instauration du moratoire. Je rejoins les propos de mon collègue socialiste : il pourrait être appliqué avant même l’examen du texte au Sénat. De même, le registre national des naissances pourrait être créé dès maintenant, sans attendre la fin de la navette parlementaire.
M. Damien Maudet
Par ailleurs, je suis satisfait que, grâce à l’adoption de notre amendement, la nécessité de réviser les décrets de 1998 soit inscrite dans la loi. Les professionnels attendent cette révision depuis vingt-sept ans.
Mme Marie-Charlotte Garin
C’est vrai !
M. Damien Maudet
Je me félicite également que nous ayons pu introduire dans le texte une réflexion sur le financement de l’activité obstétrique et sur le poids de la tarification à l’activité dans cette spécialité, et enfin qu’une formation aux gestes d’urgence obstétrique soit désormais prévue pour les sages-femmes libérales.
M. Damien Maudet
Un collègue expliquait tout à l’heure qu’un moratoire ne réglerait rien parce que les causes de la mortalité infantile sont connues et qu’il faudrait donc s’attaquer à un grand nombre de facteurs aggravants. Or dans les autres pays d’Europe, dans lesquels on retrouve les mêmes facteurs aggravants, la mortalité infantile n’a pas augmenté autant que chez nous. Allez savoir pourquoi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Mais vous préférez faire porter aux mères la responsabilité qui pourrait aussi être celle de l’État.
M. Damien Maudet
Enfin, et c’est une forme de reproche que je m’adresse aussi à moi-même, nous devons aussi avoir une pensée, et des mots, pour les familles et les parents endeuillés. Même face au deuil, nous ne sommes pas égaux, et peu nombreuses sont les structures dans lesquelles les personnels sont formés sur le deuil périnatal. Nous devons mener une réflexion sur cette question, car les familles qui subissent cette terrible épreuve doivent être accompagnées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem)
Je remercie à mon tour la commission des affaires sociales, qui a travaillé sur ce sujet important, mais aussi nos collègues Philippe Juvin et Anne Bergantz, auteurs du rapport qui a abouti à cette proposition de loi, ainsi que le rapporteur, qui a mis ce sujet sur la table.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Nous sommes mauvais dans ce domaine. La France est déclassée, elle se situe au vingt-troisième rang du classement européen pour la survie des enfants.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Notre groupe s’abstiendra pour plusieurs raisons. L’article 1er, qui prévoit la création du registre national des naissances, constitue l’apport essentiel de cette proposition de loi.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Nous avons discuté longuement aujourd’hui sans jamais évoquer la question du pourquoi : pour quelles raisons ces 2 000 enfants meurent-ils ? Notre collègue Maudet explique que c’est à cause des fermetures de maternités.
M. Damien Maudet
Je n’ai pas dit que cela !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Or nous sommes l’un des pays d’Europe qui comptent le plus de maternités. Par conséquent, cet argument ne tient pas. (MM. Damien Maudet et Matthias Tavel s’exclament.)
M. Cyrille Isaac-Sibille
Nous ne connaissons donc pas les raisons de ce taux de mortalité si élevé – s’agit-il de causes environnementales, sociales, médicales, liées à la prématurité ou à une malformation ? Est-ce un problème de distance excessive ?
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il faut absolument que nous obtenions des informations, c’est urgent. Voilà pourquoi la création du registre est très importante. Monsieur le ministre, il est possible de s’y atteler très rapidement. Nous pouvons par exemple demander aux sociétés savantes de se pencher sur la question dans les plus brefs délais pour nous permettre d’en savoir plus dès cette année.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Par ailleurs, nous avons eu un débat concernant l’article 2. Je ne pense pas que la distance qui sépare le domicile de la maternité soit réellement un problème, mais le registre nous le dira. Si des maternités ferment malheureusement, ce n’est pas pour des questions budgétaires mais démographiques. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Cyrille Isaac-Sibille
Nous souhaitons tous, bien sûr, que nos femmes et nos filles puissent accoucher dans les meilleures conditions. Ce que nous demandons, ce n’est pas la proximité des établissements mais la qualité des soins. Cela suppose la présence de personnels compétents. C’est sur cet enjeu que nous devrons faire des efforts, car si les petites maternités ferment, c’est par manque de personnel qualifié. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup.
Mme Josiane Corneloup (DR)
Le groupe Droite républicaine votera en faveur de cette proposition de loi. Il est de notre responsabilité de réagir avec des mesures concrètes, adaptées et durables face à un taux de mortalité qui s’accroît. Nous avons longuement évoqué ce problème aujourd’hui.
Mme Josiane Corneloup
D’une part, les données fiables que nous obtiendrons grâce à la création du registre national des naissances permettront de bâtir une stratégie efficace.
Mme Josiane Corneloup
D’autre part, le moratoire de trois ans sur les fermetures de maternités permettra de prendre le temps de réaliser une évaluation fine et territorialisée qui représentera un apport bienvenu avant de décider d’une éventuelle fermeture. (Mme Marie-Charlotte Garin applaudit.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 101
Majorité absolue 51
Pour l’adoption 97
Contre 4
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et LIOT et sur quelques bancs du groupe HOR.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul-André Colombani, rapporteur
Je remercie l’ensemble des députés qui ont voté pour ce texte, ainsi que le président et les collaborateurs de mon groupe qui m’ont permis de le défendre. Les mesures qui y figurent, comme la création du registre national des naissances ou la mise en place de formations, nous permettront de progresser dans ce domaine. Le moratoire n’est pas de trop. Je pense qu’il ne mettra jamais les femmes qui doivent accoucher dans une situation d’insécurité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je remercie le rapporteur Colombani pour cette proposition de loi. C’est une question importante pour nous tous, quelle que soit notre couleur politique. Cette proposition de loi nous obligera à prendre en considération les différents facteurs – environnementaux, professionnels, liés au maillage des territoires – susceptibles d’expliquer les chiffres de la mortalité infantile.
M. Yannick Neuder, ministre
Nous devons aussi observer la situation au niveau européen. J’ai cité tout à l’heure un chiffre important : en Europe, 75 % des enfants décédés au cours du premier mois de vie sont des prématurés. Nous devons donc redéfinir précisément la grande prématurité, en connaître les causes et savoir comment la prendre en charge. Vous pouvez compter sur l’engagement de mon ministère pour s’atteler à cette tâche dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur divers bancs.)
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
2. Croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels
Discussion d’une proposition de loi (procédure de législation en commission)
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Stéphane Viry et plusieurs de ses collègues visant à créer une croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels (nos 255, 1370).
M. le président
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l’article 107-3 du règlement, nous entendrons tout d’abord les interventions du rapporteur de la commission et du gouvernement, puis les éventuelles explications de vote des groupes. Nous passerons ensuite directement au vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
Présentation
M. le président
La parole est à M. Stéphane Viry, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Stéphane Viry, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Je veux tout d’abord exprimer mon soutien au sergent Niccolo Scardi, à sa famille et à ses camarades sapeurs-pompiers. Il a été victime d’une attaque délibérée il y a quelques jours, lors d’un rodéo urbain. Je souhaite donc commencer mon intervention en disant mon indignation face à cette agression qui n’est pas seulement inadmissible, mais aussi révoltante. Cette situation exige une réponse ferme et immédiate des pouvoirs publics, tant sur le plan répressif que préventif – et je vous fais confiance sur ce point, monsieur le ministre. La protection de nos sapeurs-pompiers ne doit souffrir aucune exception.
M. Stéphane Viry, rapporteur
Dans ce contexte, notre proposition, qui vise à créer une croix de la valeur des sapeurs-pompiers, prend une dimension particulière. Cette initiative législative est née d’un constat partagé avec des sapeurs-pompiers du département des Vosges, mais aussi avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.
M. Stéphane Viry, rapporteur
Malgré leur engagement quotidien au service de nos concitoyens, les risques qu’ils encourent et le dévouement dont ils font preuve, nos sapeurs-pompiers ne disposent toujours pas d’une distinction professionnelle spécifique valorisant pleinement leur bravoure et leur abnégation.
M. Stéphane Viry, rapporteur
Je me réjouis que cette initiative ait recueilli l’unanimité en commission des lois. Cette convergence transpartisane témoigne d’une volonté collective. Nos 250 000 sapeurs-pompiers, dont 198 000 volontaires, méritent un dispositif de reconnaissance à la hauteur de leur engagement.
M. Stéphane Viry, rapporteur
Notre proposition de loi, enrichie en commission d’un amendement qui prévoit la possibilité d’une attribution à titre posthume, vise à combler ces lacunes en instituant une nouvelle distinction. La croix de la valeur permet de reconnaître à la fois un engagement exceptionnel, sans condition d’ancienneté, mais aussi les actes de bravoure significatifs, avec des critères adaptés à la réalité du terrain, sans oublier la valorisation des interventions opérationnelles complexes. J’ajoute qu’une attribution locale est également possible, dans une logique de proximité et de reconnaissance directe.
M. Stéphane Viry, rapporteur
Cette distinction constitue un mécanisme concret de valorisation, mais aussi un outil managérial précieux pour les directeurs des services d’incendie et de secours, comme l’a souligné l’Association nationale des directeurs et directeurs départementaux adjoints des services d’incendie et de secours, l’Andsis, qui soutient notre démarche.
M. Stéphane Viry, rapporteur
Pour conclure, je tiens à rappeler que nos sapeurs-pompiers attendent toujours le décret d’application relatif à la bonification de leur retraite. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP, SOC et LIOT.) Le ministre de l’intérieur s’était engagé à ce que le décret soit publié au début de cette année. Au-delà de la création de la croix de la valeur, nous veillerons désormais collectivement au respect de cet engagement essentiel pour la valorisation de leur carrière.
M. Stéphane Viry, rapporteur
Mes chers collègues, par ces quelques mots, je vous invite tout simplement à soutenir cette proposition de loi qui honore celles et ceux qui incarnent les valeurs fondatrices de notre pacte républicain. Chaque jour, par tous les temps, dans les circonstances les plus exigeantes, ils assurent notre protection collective. Je vous propose de voter pour cette croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes SOC et DR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Comment ne pas partager votre volonté d’honorer, de remercier, de récompenser les 255 000 sapeurs-pompiers professionnels et volontaires qui constituent la colonne vertébrale de notre modèle de sécurité civile ? Comment, à cet instant, ne pas avoir une pensée pour Niccolo Scardi, qui continue de lutter contre la mort au moment même où je vous parle, après l’agression qu’il a subie à Évian samedi dernier ?
Chacun dans cet hémicycle connaît et reconnaît la bravoure et le sens du sacrifice de ces hommes et de ces femmes. À Mayotte, ravagée par les vents ; en Ille-et-Vilaine, dévastée par les flots ; dans le Maine-et-Loire, touché par les flammes, les sapeurs-pompiers ont toujours fait face. Ils incarnent, comme chacun le sait ici, le sens de l’engagement dans une société qui l’a souvent perdu et qui, dans le même temps, ne cesse d’exiger du soin et des services.
Car depuis la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, le quotidien de nos pompiers a profondément changé. Les risques se sont multipliés. On évoquait précédemment les catastrophes naturelles. D’autres enjeux sont apparus, comme les risques industriels qui se complexifient à la vitesse des nouvelles technologies.
Les missions ont évolué. La lutte contre les incendies ne représente plus que 6 % de l’activité des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), tandis que la part des soins aux personnes atteint près de 85 %. La pression opérationnelle s’est accentuée. En dix ans, le nombre d’interventions quotidiennes a augmenté de 17 % : près de 5 millions d’interventions ont ainsi lieu chaque année, soit une toutes les sept secondes, un chiffre considérable. Tous ces chocs, toutes ces crises, les sapeurs-pompiers les ont assumés sans faillir.
En relançant le Beauvau de la sécurité civile, que ce soit durant la phase de concertation ou lors des échanges avec les associations d’élus et les organisations représentatives du personnel de la sécurité civile, tous les sujets ont été abordés, du champ missionnel au financement des Sdis en passant par l’éducation aux risques. Une autre question a été au cœur de nombreux échanges, celle-là même qui nous occupe aujourd’hui : la reconnaissance de leur dévouement.
Alors que notre société s’affaisse sous le poids des individualités, il est essentiel de rendre hommage à ceux qui continuent d’incarner la solidarité et le désintéressement. C’est le meilleur moyen d’essaimer le sens de l’engagement. C’est cet objectif que vise la proposition de loi déposée par le groupe LIOT. Si, comme je l’ai dit, le gouvernement partage sans réserve cette ambition, il ne peut néanmoins – je dois le dire simplement – endosser complètement les moyens proposés pour y parvenir.
Non seulement tous les sapeurs-pompiers sont éligibles aux grands ordres nationaux, comme la Légion d’honneur ou l’ordre national du Mérite, ainsi qu’à la médaille de la sécurité intérieure, mais ils peuvent également se voir décerner des récompenses officielles qui leur sont exclusivement destinées : la médaille d’honneur des sapeurs-pompiers, qu’ils reçoivent en fonction de la durée de leur engagement et la médaille d’honneur des sapeurs-pompiers avec rosette pour services exceptionnels, décernée à des sapeurs-pompiers s’étant particulièrement distingués dans l’exercice de leurs fonctions, et ce sans condition de durée d’engagement. Enfin, comme toute personne ayant accompli un acte héroïque ou ayant fait preuve d’un dévouement exemplaire, parfois au péril de sa vie, les sapeurs-pompiers peuvent recevoir la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement. Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, la nation que vous représentez dispose déjà de nombreux moyens de témoigner sa reconnaissance à nos sapeurs-pompiers.
La croix de la valeur que la proposition de loi entend instituer ne pourrait que difficilement trouver sa place au sein de cet ensemble. Surtout, elle pourrait avoir une conséquence pratique inverse de celle qui est recherchée. En effet, une nouvelle décoration manquant de références historiques et dont le prestige ne serait pas immédiatement établi pourrait constituer un frein à l’accès aux deux ordres nationaux auxquels les sapeurs-pompiers peuvent prétendre et aspirent. Plus compliqué : en venant s’ajouter à toutes les distinctions existantes, la création de cette croix de la valeur pourrait aussi entraîner une forme de dévalorisation de l’ensemble du système français des décorations. C’est d’ailleurs pour ce motif que la grande chancellerie de la Légion d’honneur, que nous avons sollicitée pour avis, s’est montrée défavorable à cette proposition. Enfin, sur un plan strictement juridique, je précise que la création d’une distinction nationale relève du pouvoir réglementaire et non du pouvoir législatif.
Cependant, le gouvernement, constatant l’accueil unanimement positif réservé dans cette assemblée à cette proposition de loi, n’entend pas émettre à son sujet un avis défavorable. Il s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Explications de vote
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (LIOT)
Les députés du groupe LIOT font partie de ceux qui, depuis de nombreuses années, plaident dans notre assemblée pour une meilleure reconnaissance des sapeurs-pompiers, ces hommes et ces femmes qui œuvrent quotidiennement pour la sécurité des Français.
Cette proposition de loi, en créant une croix de la valeur dédiée au corps des sapeurs-pompiers, permettra à notre pays d’exprimer sa reconnaissance pleine et entière à l’égard des 43 000 sapeurs-pompiers professionnels et des près de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires qui assurent chaque jour la protection de la population, la sécurité des territoires et la gestion des crises. C’est une manière pour notre assemblée de dire aux sapeurs-pompiers que nous avons conscience de leur engagement et de leur bravoure et que nous leur en sommes reconnaissants. Cette croix doit aussi traduire l’attachement de tous les citoyens envers ceux qui constituent un maillon indispensable de notre modèle de sécurité civile.
Je remercie l’ensemble des groupes qui ont voté pour ce texte en commission et j’espère que nous observerons encore aujourd’hui la même unanimité.
Je plaide évidemment pour que le décret d’application relatif à la bonification des trimestres de retraite des sapeurs-pompiers volontaires soit enfin rédigé et publié au Journal officiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. le ministre fait signe qu’il souhaite prendre la parole.)
M. le président
Monsieur le ministre, vous vouliez ajouter quelque chose à ce sujet ? Je brise un peu le protocole mais, eu égard à l’importance de cette question, je vous donne la parole.
M. François-Noël Buffet, ministre
Je n’ai pas répondu sur ce point, comme j’aurais dû le faire. Le décret devrait être pris avant la fin du mois de juin. Un dernier arbitrage doit avoir lieu la semaine prochaine.
M. le président
J’ai brisé tous les usages, mais c’était pour la bonne cause. Nous revenons aux explications de vote.
La parole est à M. Antoine Villedieu.
M. Antoine Villedieu (RN)
Il est des silences que notre République ne peut plus se permettre, des engagements qui, par leur constance, leur intensité et parfois leur héroïsme, appellent une reconnaissance explicite. Chaque année, en France, plus de 250 000 femmes et hommes, militaires, professionnels ou volontaires, interviennent quotidiennement, par tout temps, en tout lieu, pour porter secours, protéger, sauver. Ils sont présents dans nos villes, dans nos campagnes, dans les territoires d’outre-mer, dans nos territoires les plus reculés, dans les moments critiques où tout vacille. Ils interviennent face aux flammes, à l’effondrement, à la désolation. Ils affrontent les accidents, les drames familiaux, les violences urbaines, les catastrophes. Ils le font avec courage, sang-froid, humilité.
Je le dis ici avec une émotion toute particulière, car je suis fils d’un sapeur-pompier – mon père, ce héros – dont j’ai naturellement suivi l’exemple pendant cinq années. J’ai choisi d’emprunter la même voie que lui, en m’engageant à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, où j’ai eu l’honneur de servir au sein de la dixième compagnie. Je sais ce que représente cet uniforme, ce que coûte un engagement total au service des autres : les départs précipités, les nuits sans sommeil, les interventions marquées par le risque, la souffrance, parfois la mort. Je sais aussi l’attente silencieuse des familles, les sacrifices consentis loin des projecteurs et la force intérieure qu’il faut pour continuer, jour après jour, mission après mission.
Je peux vous le dire en conscience : nous ne cherchons pas la reconnaissance mais, quand elle vient, quand la République l’affirme avec solennité, elle donne du sens, de la fierté, du souffle pour continuer.
Pourtant – c’est la contradiction à laquelle il nous faut remédier –, l’engagement exceptionnel des sapeurs-pompiers n’est reconnu que par des médailles qui saluent l’ancienneté, le temps passé, mais jamais la valeur démontrée ; des médailles qui, dans la hiérarchie de nos distinctions nationales, occupent l’un des échelons les plus bas. Est-ce cela que la République veut dire à ceux qui risquent leur vie pour en sauver d’autres ? Est-ce là tout ce que nous pouvons leur offrir en retour du sacrifice personnel, familial, parfois vital, qu’ils acceptent ? Je ne le pense pas !
Nous savons qu’il est possible de faire autrement. En 2019 a été créée une médaille des réservistes volontaires de défense et de sécurité intérieure. Cette distinction, légitimement respectée, occupe une place honorable dans l’ordre protocolaire. Pourquoi, alors, ce déséquilibre ? Pourquoi une telle lacune au détriment de ceux qui interviennent physiquement, quotidiennement, au péril de leur intégrité, dans chaque département de notre France ?
C’est ce vide que cette proposition de loi entend combler par la création d’une croix de la valeur des sapeurs-pompiers. Elle ne récompensera pas l’ancienneté, mais l’acte, le courage, l’héroïsme, le sens du devoir accompli dans des circonstances exceptionnelles. Elle sera accessible à tous les sapeurs-pompiers sans distinction de statut car, face aux flammes, il n’y a ni volontaires, ni bénévoles, ni professionnels : il n’y a que des serviteurs ! Nous proposons que cette décoration trouve sa juste place dans l’ordre des distinctions nationales, entre la croix du combattant et la médaille de la reconnaissance française, un rang symbolique fort, qui reflète la nature du service rendu, un service de protection, de bravoure, de sacrifice, au bénéfice direct de nos concitoyens.
Mes chers collègues, à une époque où le doute s’installe, où les repères vacillent, il est des gestes simples, forts, fédérateurs. Je pense que la création de cette croix en est un. Elle dira officiellement, institutionnellement ce que tant de Français ressentent à chaque fois qu’ils croisent un camion rouge : « Merci, merci d’être là pour nous ! » Ce texte ne divise pas, il rassemble. Il n’est ni partisan, ni polémique. Il est juste. Il est temps que la nation honore ses pompiers comme il se doit, pas seulement par des mots, mais par un signe visible, durable, digne, qui élève et inspire.
Comme nous l’avons toujours fait, nous, députés du groupe Rassemblement national, soutiendrons cette proposition de loi. Nous remercions encore une fois tous les pompiers engagés pour leurs concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Hoffman.
Mme Emmanuelle Hoffman (EPR)
Valoriser l’engagement exceptionnel de nos sapeurs-pompiers est bien plus qu’un simple geste symbolique : c’est un acte de justice et de reconnaissance envers celles et ceux qui incarnent chaque jour le courage, la solidarité et l’altruisme au service de tous.
Les sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels ou volontaires, sont les premiers à intervenir lors de situations d’urgence : incendies, accidents, catastrophes naturelles ou encore crises sanitaires. Leur mission est de protéger les personnes, les biens et l’environnement, souvent au péril de leur propre vie. Ils sont formés pour faire face au danger, agissent avec sang-froid dans des contextes extrêmes et font preuve d’un dévouement sans faille qui fait d’eux de véritables héros du quotidien. Leur engagement contribue à la sécurité et à la cohésion de notre société et mérite d’être reconnu à sa juste valeur.
Force est de constater que seules deux décorations sont véritablement dédiées aux sapeurs-pompiers : la médaille d’honneur des sapeurs-pompiers et la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement. Si ces distinctions honorent l’ancienneté et des actes exceptionnels, elles ne reflètent pas pleinement le sacrifice et le courage manifesté en opération, notamment dans les situations les plus périlleuses.
Notre système de reconnaissance présente donc un manque, que la création d’une croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels comblerait justement.
Il est également fondamental de rappeler que près de 80 % des sapeurs-pompiers en France sont volontaires. Ces femmes et ces hommes s’engagent, bien souvent en parallèle de leur métier ou de leurs études, sacrifiant leur temps libre, leur vie personnelle et familiale pour la sécurité de tous. Leur disponibilité, leur engagement citoyen et leur esprit de solidarité sont le socle de notre modèle de sécurité civile. Leur offrir une reconnaissance à la hauteur de leur engagement, c’est aussi valoriser ce volontariat essentiel à la résilience de notre pays.
Pompiers, volontaires, professionnels, héros : la République leur doit un signe fort. En créant une croix de la valeur qui leur soit dédiée, nous affirmerons collectivement que leur engagement n’est ni anodin, ni invisible. Nous leur adresserons un message clair : la République sait ce qu’elle leur doit et entend le leur signifier publiquement.
Ce geste de reconnaissance s’inscrit dans la continuité de nos valeurs républicaines d’engagement, de solidarité et de respect envers celles et ceux qui veillent chaque jour sur la sécurité de tous.
Depuis 2017, la majorité présidentielle et le groupe EPR se sont engagés sans relâche en faveur des sapeurs-pompiers. Sous l’impulsion du président de la République, des investissements importants ont été réalisés pour renforcer les moyens de la sécurité civile afin de moderniser les équipements et de garantir l’avenir de notre modèle de volontariat.
Je souhaite également saluer, avec une émotion toute particulière, le travail exceptionnel de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR),…
M. Pierre Cazeneuve
Eh oui !
Mme Emmanuelle Hoffman
…dont le siège se trouve dans ma circonscription, au cœur du 17e arrondissement. Leur engagement a été héroïque lors de l’incendie de Notre-Dame de Paris, ce 15 avril 2019 qui restera gravé dans la mémoire collective : ce soir-là, alors que la France et le monde entier retenaient leur souffle, 600 sapeurs-pompiers de Paris, appuyés par des renforts venus de toute l’Île-de-France, ont combattu les flammes sans relâche pendant plus de neuf heures, dans des conditions extrêmes et au péril de leur vie.
Aussi le groupe EPR soutiendra-t-il pleinement la proposition de loi visant à créer une croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels. Leur engagement exceptionnel ne doit jamais être banalisé ni oublié. C’est aussi un encouragement pour l’ensemble des effectifs, un soutien moral dans leurs moments de doute et un hommage rendu à celles et ceux qui ont parfois sacrifié leur intégrité physique, voire leur vie, pour sauver autrui – les actes insupportables survenus récemment en sont encore un exemple. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Alexandre.
M. Laurent Alexandre (LFI-NFP)
La semaine dernière, la commission des lois a adopté à l’unanimité cette proposition de loi qui vise à créer enfin une distinction pour les sapeurs-pompiers afin de récompenser leur bravoure et leur engagement continu au service de la nation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.) La création de cette croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels est une initiative importante. Évidemment, mon groupe apportera ses voix à ce texte. Et pour cause puisque les forces de sécurité civile, dont les sapeurs-pompiers, sont plus que jamais en première ligne, notamment face à la multiplication des phénomènes naturels extrêmes liés au changement climatique : je pense aux terribles orages de grêle et aux importantes inondations qui ont touché ma circonscription l’an dernier. Dans nos territoires, les pompiers sont souvent les premiers sur place à être aux côtés des habitants sinistrés mais, au-delà des catastrophes et du secours aux personnes, ils assurent aussi au quotidien des missions de lien social fondamental, là où la population est souvent plus âgée et l’habitat plus éclaté. Cette médaille sera pour eux une incitation à persévérer et un hommage à juste titre pour service rendu.
Mais je vous alerte sur la crise profonde que traverse le corps des sapeurs-pompiers. En votant cette proposition de loi, notre groupe souhaite donc qu’elle débouche aussi sur des actes concrets. (Mêmes mouvements.) Il y a urgence du fait de la baisse et du vieillissement des effectifs professionnels, mais aussi du fait des souffrances psychologiques que souligne une hausse dramatique du nombre de suicides. Collègues, la nation doit reconnaissance à ses pompiers, mais aussi tout mettre en œuvre pour leur faciliter la tâche. Le premier ministre a évoqué l’idée de consulter le peuple concernant les orientations budgétaires du pays… Si les Français avaient pu ainsi s’exprimer sur le budget pour 2025 de M. Bayrou, je peux vous assurer qu’ils n’auraient pas validé la baisse de 5,68 % des crédits dédiés à la sécurité civile (Mêmes mouvements) et qu’ils n’auraient pas non plus voté la coupe de 5,6 milliards dans le budget des collectivités alors que celles-ci financent très majoritairement la sécurité civile. Face à l’augmentation de leurs activités, les Sdis devraient au contraire voir leurs moyens augmenter.
Soutenir réellement nos pompiers, c’est renforcer et non menacer les organes essentiels d’anticipation des risques comme Météo France ou encore l’ONF, l’Office national des forêts. (Mêmes mouvements.)
Soutenir réellement nos pompiers, c’est améliorer leur rémunération (Mêmes mouvements), sachant qu’un soldat du rang professionnel au premier échelon touche à peine le Smic.
Soutenir réellement nos pompiers, c’est se soucier de leur santé en les faisant bénéficier d’une véritable médecine du travail car leur surexposition aux risques aboutit au chiffre suivant : la prévalence de cancers chez les pompiers de 35 à 39 ans est de 323 % supérieure à celle de la population générale !
Il y a urgence à agir ! C’est pourquoi nous avons formulé par voie d’amendement des propositions urgentes et réclamées par les pompiers eux-mêmes pour améliorer leurs conditions de travail et leur rémunération et pour enfin prendre en compte leur santé par la mise en place d’une fiche de suivi sanitaire individuelle et par la création d’une banque de données visant à assurer le suivi épidémiologique des pompiers. Ces amendements n’ont malheureusement pas été repris dans ce texte.
Si nous soutenons aujourd’hui une initiative pertinente qui apporte une juste reconnaissance de la nation à nos soldats du feu, il faudra aller plus loin et plus vite pour améliorer concrètement les conditions d’exercice des pompiers dans leur indispensable mission au service des Français. Le groupe LFI-NFP y prendra toute sa part. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Proença.
M. Christophe Proença (SOC)
Je souhaite exprimer toute ma solidarité et celle du groupe socialiste au sapeur-pompier sergent-chef très grièvement blessé il y a quelques jours en Haute-Savoie (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LIOT), dans des conditions honteuses, et lui exprimer tout notre soutien et notre indignation ! Cet acte a évidemment choqué tous les Français parce qu’ils sont comme moi attachés intimement à leurs sapeurs-pompiers qui incarnent la conception du service public dans toute sa grandeur : le dévouement de 200 000 citoyens et citoyennes au service du bien commun, parfois au péril de leur vie. Je me réjouis que la présente proposition de loi offre à la représentation nationale l’occasion d’exprimer, cette semaine précisément, toute la reconnaissance de la nation à ses sapeurs-pompiers. Ce texte traduit cette gratitude et cet attachement dont je ne doutais pas. Dans un pays si critique à l’égard de ses services publics, il est essentiel de rappeler que 95 % des Français portent un regard positif sur ce corps, symbole de dévouement, de courage et d’humilité.
Toutefois, cette satisfaction ne doit pas occulter les difficultés réelles que les professionnels comme les volontaires rencontrent au quotidien. Je fais le vœu, comme d’autres ici, que le texte que nous nous apprêtons à voter – et je souhaite que ce soit le plus largement possible – ne soit pas un palliatif honorifique à leurs difficultés et que nous aurons bientôt le même enthousiasme pour financer les Sdis, revoir la répartition de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance ou encore préserver le statut des volontaires. Notre modèle français fait partie des plus solides en Europe, comme le montre notre taux, parmi les plus élevés, de sapeurs-pompiers volontaires, mais nous devons le valoriser et le décret tant attendu, monsieur le ministre, doit venir.
Je serai honoré, comme mes camarades, d’assister aux futures cérémonies de remise de la croix de la valeur, une distinction qui soulignera la bravoure et l’engagement opérationnel de ces femmes et de ces hommes sans attendre le nombre des années.
Le groupe socialiste votera ce texte avec force et conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Vincent Jeanbrun.
M. Vincent Jeanbrun (DR)
Partout dans notre territoire, ce sont 247 000 femmes et hommes, sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, qui veillent chaque jour sur nos concitoyens et, parmi eux, près de 80 % s’engagent bénévolement, portés par leur seul sens du devoir. En 2023, ils ont réalisé plus de 4,7 millions d’intervention, je dis bien 4,7 millions, soit une toutes les 7 secondes. Et face à une telle intensité, ils répondent toujours présents, avec courage, humilité et un dévouement qui force le respect. La nation leur doit évidemment une reconnaissance sans faille. Derrière ces chiffres, il y a des vies sauvées, des catastrophes évitées et des hommes et des femmes qui s’engagent sans compter. Leur engagement n’est pas seulement une question de durée : c’est une question de valeurs, de sacrifice et de vie parfois mise en danger.
Mais leur héroïsme va dorénavant bien au-delà des flammes et des secours à la personne. Car aujourd’hui, dans certains quartiers de notre République, nos sapeurs-pompiers ne peuvent tout simplement plus intervenir librement.
M. Jean-Pierre Vigier
C’est pas normal !
M. Vincent Jeanbrun
Ils doivent être escortés par les forces de l’ordre, parfois même par des unités de CRS, ils portent désormais des caméras-piétons, et même des gilets pare-lames, non pour protéger les autres mais pour se protéger eux-mêmes parce qu’ils sont devenus des cibles ! Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés. L’actualité nous l’a encore cruellement rappelé à Évian-les-Bains, où ce sapeur-pompier volontaire a été victime d’une tentative de meurtre le 10 mai dernier : il a été délibérément renversé par un individu, laissant ce jeune homme entre la vie et la mort. Et ce soir nous pensons à lui et à sa famille. Voilà où nous en sommes. Nos héros du quotidien sont attaqués. Et pour une raison, mes chers collègues, que je ne connais que trop bien : désormais, lorsqu’ils mettent leur uniforme, ce sont des cibles parce qu’ils incarnent la République.
Et qu’offre actuellement la nation aux sapeurs-pompiers pour reconnaître leur courage et leur engagement ? Une médaille d’ancienneté reléguée au trentième rang protocolaire, bien après celle des réservistes de la police ou de la gendarmerie. En créant une croix de la valeur propre aux sapeurs-pompiers par cette proposition de loi, nous ne leur offrons pas qu’une médaille : nous leur rendons justice. Certes, ce texte ne propose qu’un symbole, mais notre République est faite de symboles et celui-ci est particulièrement important.
La Droite républicaine votera évidemment cette proposition de loi pour affirmer, haut et fort, que la France respecte et honore ses sapeurs-pompiers. Il est temps de leur dire, par cet acte : nous sommes fiers de vous, et nous vous remercions. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Laurent Panifous applaudit également.)
M. Jean-Pierre Vigier
Bravo ! Voilà un discours au moins !
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS)
Nos sapeurs-pompiers contribuent chaque jour à protéger nos concitoyennes et nos concitoyens, leur portant secours en toutes circonstances, sans craindre de mettre leur propre vie en péril. Les députés du groupe Écologiste et social, et plus largement l’ensemble des représentants de notre nation, leur en sont infiniment reconnaissants.
Les pompiers peuvent recevoir les décorations que nous évoquons depuis le début de l’examen de cette proposition de loi, quel que soit leur statut, mais il existait tout de même un angle mort : aucune ne permettait de témoigner la reconnaissance de la nation pour certaines mobilisations exceptionnelles des soldats du feu. Il nous semble donc que cette nouvelle décoration officielle permettrait d’honorer à sa juste valeur l’engagement des femmes et des hommes appartenant au corps des sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels, militaires ou volontaires, en distinguant leur bravoure et leur engagement opérationnel exceptionnel en intervention, aujourd’hui trop peu récompensés. Monsieur le ministre, vous venez de dire que le prestige de cette croix de la valeur ne serait pas assuré… Je crois au contraire que par ce débat et par ce vote à l’Assemblée nationale, nous lui donnons tout son prestige et l’inscrivons ainsi dans l’histoire de la nation française.
Cette proposition de loi, cela a été déjà dit dans les interventions précédentes, ne constitue pas une réponse aux nombreux problèmes auxquels sont confrontés nos services d’incendie et de secours : un manque criant de financement qui ne permet pas de réaliser les investissements nécessaires pour faire face aux défis qui sont devant nous et aussi face à eux, à savoir le réchauffement climatique, le vieillissement de la population et les risques industriels ; la crise de l’engagement par absence de reconnaissance et des moyens nécessaires alors que nombre de femmes et d’hommes souhaitent consacrer une partie de leur temps, y compris durant leur carrière, au bénéfice du plus grand nombre ; les risques physiques et psychologiques accrus pour nos pompiers en raison des fumées propageant des PFAS, ces substances perfluorées, ou encore des agressions ; un manque de reconnaissance salariale, et la question des retraites, qui a été évoquée. À la bonne heure, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à publier fin juin le décret sur les retraites. Enfin un engagement sur cette question : il faudra le tenir.
Tous les problèmes que je viens de rappeler doivent trouver des réponses le plus rapidement possible dans un projet de loi ambitieux, issu des travaux du Beauvau de la sécurité civile, et concrétisé par des financements à la hauteur des attentes et des besoins. Les écologistes y seront extrêmement attentifs. Nous veillerons à ce que les pompiers ne soient plus sacrifiés sur l’autel de la rigueur budgétaire qui désarme notre pays et le rend plus vulnérable aux crises à venir. Dans l’attente du projet de loi et pour toutes les raisons exposées, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à Mme Delphine Lingemann.
Mme Delphine Lingemann (Dem)
Au nom du groupe Les Démocrates, permettez-moi tout d’abord de saluer l’initiative du groupe LIOT. Cette proposition de loi rend un hommage appuyé et mérité à celles et ceux qui, chaque jour, veillent sur nous : la grande famille des sapeurs-pompiers.
Qu’ils soient professionnels ou volontaires, jeunes, expérimentés ou anciens, tous ont en commun un sens aigu du devoir, du courage et de l’engagement. Avec mes collègues, nous voulons réaffirmer, avec sincérité, notre reconnaissance et notre admiration.
Leur engagement est une vocation, un choix de vie. Être pompier, c’est répondre présent à toute heure du jour et de la nuit, partir porter secours sans hésiter, se tenir debout dans les flammes, les inondations, les accidents, les drames.
Profondément ancrés dans la vie de nos territoires, aux côtés des gendarmes et des policiers, ils sont le premier visage de la République dans les moments les plus critiques.
Avec cette proposition de loi, il s’agit de leur dire qu’au-delà des mots, notre reconnaissance doit aussi se traduire en actes. Créer une croix de la valeur spécifiquement dédiée aux sapeurs-pompiers, c’est leur offrir une distinction à la hauteur de leur engagement. Une croix qui viendra saluer, comme son nom l’indique, leur valeur, ou plutôt les valeurs que nous leur reconnaissons : le service aux autres, la solidarité, l’honneur.
Cette croix prendra symboliquement et officiellement place parmi les plus hautes distinctions de la République et complétera utilement la liste des médailles qui peuvent leur être remises : médaille d’honneur des sapeurs-pompiers pour services exceptionnels, médaille d’ancienneté, médaille de la sécurité intérieure et médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement. Aucune n’a la même force symbolique qu’une croix de la valeur, et le fait qu’elle puisse être décernée à titre posthume lui confère une dimension de dignité et de mémoire particulièrement importante.
Le groupe Les Démocrates apportera donc son soutien plein et entier à cette proposition de loi. En la votant, nous adresserons un message clair de gratitude et de respect à nos sapeurs-pompiers qui, chaque jour, font honneur à la République et incarnent les belles valeurs de notre nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Laurent Panifous et Mme Brigitte Klinkert applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere (HOR)
Je tiens d’abord à saluer l’annonce du ministre, de la publication d’ici fin juin du décret sur la bonification des trimestres de retraite des sapeurs-pompiers volontaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)
M. Benoît Biteau
Très bien ! C’est le plus important !
M. Jean Moulliere
Nos sapeurs-pompiers méritent bien plus qu’une simple médaille. Ils méritent la reconnaissance éternelle de notre pays et de nos concitoyens pour les sacrifices qu’ils consentent au quotidien.
Cette reconnaissance, largement plébiscitée par les Français, se heurte pourtant à une réalité préoccupante : l’ensauvagement de notre société, qui se manifeste par des agressions de plus en plus fréquentes à leur encontre.
Au nom du groupe Horizons & indépendants, je tiens à adresser tous nos vœux de prompt rétablissement à Niccolo Scardi, sapeur-pompier d’Évian-les-Bains, gravement blessé alors qu’il tentait de stopper un rodéo urbain. C’est une tentative de meurtre inqualifiable. Face à ces délinquants multirécidivistes, nous devons poursuivre le combat pour restaurer l’autorité de l’État. Il est temps d’en finir avec l’impunité juvénile et de mettre un terme à cette violence qui gangrène notre société.
Jour après jour, nuit après nuit, les sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, veillent sur nous. Ils incarnent le dévouement et le courage. Je souhaite également saluer la relève : cette jeunesse qui s’engage, se met au service des autres et porte haut les valeurs de solidarité et de civisme. Chez moi, à Templeuve-en-Pévèle, les jeunes sapeurs-pompiers en sont un magnifique exemple – merci à eux pour leur engagement.
À la différence des militaires, des réservistes, de la police et de la gendarmerie, les sapeurs-pompiers ne reçoivent pas de croix de la valeur. Leur engagement est uniquement récompensé à l’ancienneté. Il est essentiel de reconnaître leur courage et leur dévouement par une distinction à la hauteur de leurs actes.
Avec mes collègues du groupe Horizons & indépendants, en particulier Didier Lemaire, très engagé pour défendre nos amis sapeurs-pompiers, nous saluons l’initiative du groupe LIOT, qui honore la bravoure de ces hommes et de ces femmes par la création d’une croix de la valeur des sapeurs-pompiers. Nous voterons évidemment en faveur de ce texte adopté à l’unanimité en commission, avec la conviction que cette reconnaissance est juste et méritée. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR)
Dans chaque recoin de notre pays, des femmes et des hommes se dressent face au danger. Pompiers professionnels ou volontaires, tous répondent à l’appel avec la même force d’âme, la même abnégation, le même sens du devoir.
Je ne saurais poursuivre sans nommer l’insoutenable. Il y a quelques jours, à Évian-les-Bains, le sergent-chef Niccolo Scardi, sapeur-pompier volontaire, a été violemment percuté alors qu’il tentait de mettre fin à un rodéo urbain. Il lutte encore aujourd’hui entre la vie et la mort. Cet acte d’une sauvagerie extrême est le reflet glaçant d’un mépris croissant envers ceux qui s’engagent pour les autres. À travers lui, c’est l’uniforme que l’on a visé, l’engagement que l’on a frappé, la nation que l’on a défiée.
L’instauration de la croix de la valeur adressera un message clair aux 250 000 sapeurs-pompiers de France, dont 197 000 sont volontaires, et que nous peinons trop souvent à recruter, à fidéliser, à reconnaître. Par cette distinction, la République leur dira : Nous vous voyons, nous vous respectons, nous vous soutenons.
Face aux éléments déchaînés, aux accidents tragiques, aux interventions sous tension, leur engagement est total, leur courage souvent invisible, leur sacrifice parfois ultime. Et pourtant, jusqu’à aujourd’hui, notre République ne disposait d’aucune distinction spécifique pour honorer ces femmes et ces hommes.
Cette carence symbolique contraste avec l’admiration unanime que leur porte la population. Cette proposition de loi vise à réparer une injustice. La création d’une croix de la valeur des sapeurs-pompiers, conçue sur le modèle des décorations militaires, mais adaptée à la mission civile des secours, permettra d’honorer ceux qui se distinguent par des actes de bravoure exceptionnelle en intervention. Elle pourra être décernée à titre posthume, afin que la République puisse honorer ses héros même après leur disparition.
Ce texte respecte le cadre strict défini par le décret du 28 novembre 1962 portant code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire. Il s’inscrit dans la tradition des distinctions réservées aux serviteurs de l’État, à l’image de la médaille d’honneur des douanes ou de celle de la sécurité intérieure.
Mais il existe une autre forme de blessure, plus silencieuse, plus intime : celle du traumatisme, de la fatigue accumulée, de la reconnaissance absente ; celle qui ronge à l’intérieur et qui, pour certains, a conduit à l’irréparable. C’est pourquoi cette croix n’est pas seulement une décoration ; c’est un acte de justice. Elle dit que la République n’oublie pas, qu’elle nomme, reconnaît et honore.
La croix de la valeur des sapeurs-pompiers inscrit dans le droit le devoir de reconnaissance de la nation envers ses serviteurs les plus exposés. Elle n’est ni un privilège, ni une faveur, mais un hommage légitime, et un symbole d’unité nationale. Elle rappelle que le courage n’est pas un fait divers, mais un principe républicain.
Le groupe UDR votera ce texte avec conviction et solennité. À travers ce vote, nous pensons à celles et ceux qui veillent dans l’ombre, comme à ceux qui sont partis. La nation ne les oubliera pas ; la République les honore enfin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon (GDR)
Nous voterons pour la proposition de loi visant à créer une croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels. Nous le faisons avec reconnaissance et exigence car, si les discours de reconnaissance sont fréquents, les actes le sont beaucoup moins.
Les sapeurs-pompiers sont en première ligne partout : contre les feux de forêt, face aux inondations, lors des accidents de la route, pendant les crises sanitaires, lors des catastrophes naturelles. Partout où l’État recule, ils tiennent le territoire à bout de bras, parfois au prix de leur santé, souvent dans l’indifférence des décideurs.
Ce soir, nous avons une pensée pour Niccolo Scardi. Comme lui, ces femmes et ces hommes sont des engagés, volontaires ou professionnels, toujours au service des autres. Ils incarnent la solidarité, le courage, l’abnégation. Et pourtant, que leur offre-t-on ? Des effectifs sous pression, des casernes qui ferment, des risques de plus en plus lourds, de moins en moins de reconnaissance.
Je rappellerai une vérité trop souvent tue : les pompiers sont trois fois plus exposés au risque de développer un cancer que la population générale. Pourquoi ? À cause de l’exposition répétée aux fumées toxiques, à l’amiante, aux produits chimiques, aux suies industrielles. Malgré cela, le tableau des maladies professionnelles reste dramatiquement incomplet : des pathologies liées à leur métier, comme certains cancers professionnels, ne sont toujours pas reconnues automatiquement.
Bien sûr, la création de cette croix de la valeur est nécessaire. Elle permettra de récompenser, enfin, des actes de bravoure, sans attendre une médaille après dix ou vingt ans de service. Elle redonne du sens à la reconnaissance républicaine, sans condition d’ancienneté, pour des actes exceptionnels.
Mais elle ne suffit pas. Cette croix ne doit pas être le cache-misère d’un désengagement de l’État ; elle doit marquer le début d’un sursaut politique en faveur d’une véritable politique de santé au travail dans les services de secours, pour la pleine reconnaissance des maladies professionnelles liées à l’activité de pompier, pour un accroissement des moyens humains et matériels, pour la défense du volontariat, du statut et des droits des professionnels.
Nous voterons donc pour cette mesure de justice mais nous le ferons en regardant au-delà du symbole afin que, demain, les sapeurs-pompiers soient non seulement décorés, mais aussi protégés, écoutés et respectés. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – MM. Steevy Gustave et Arnaud Simion applaudissent également.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 123
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 123
Contre 0
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, EPR, Dem et HOR, sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe RN.)
3. Généralisation de la connaissance et de la maîtrise des gestes de premiers secours tout au long de la vie
Discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Salvatore Castiglione et plusieurs de ses collègues visant à généraliser la connaissance et la maîtrise des gestes de premiers secours tout au long de la vie (nos 1229, 1375).
Présentation
M. le président
La parole est à M. Salvatore Castiglione, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Salvatore Castiglione, rapporteur de la commission des affaires sociales
Je commencerai mon intervention en vous lisant un message que j’ai reçu hier soir, et qui nous est tous destiné : « Je voulais vous adresser un message de soutien sincère et reconnaissant à la veille de l’examen de la proposition de loi. Nous savons malheureusement ce que veut dire mourir en silence sur un terrain et ce que représente chaque minute, chaque geste. Votre initiative est une lueur d’espoir pour nous et tant d’autres familles. Elle montre que les choses peuvent bouger, que le sport peut rester un espace de vie, pas de mort. Nous serons de tout cœur avec vous demain. »
Ce message m’a été adressé par Ulrich Maurel, le beau-père du jeune Grégoire, mort à 19 ans, lors d’un entraînement de rugby dans ma circonscription. Si j’ai tenu à vous lire ce message, c’est parce que c’est ce décès brutal qui a motivé la rédaction de cette proposition de loi essentielle. C’est donc avec engagement et conviction que je défends ce texte visant à généraliser la connaissance et la maîtrise des gestes de premiers secours tout au long de la vie.
Ce drame n’est pas isolé ; il reflète un défaut majeur de sensibilisation et de formation aux gestes de premiers secours dans notre pays. Malgré les engagements pris par le président de la République il y a huit ans pour former 80 % de la population française, on estime que seuls 40 % des citoyens français ont bénéficié d’une formation aux gestes de premiers secours.
Mme Ségolène Amiot
Encore une promesse non tenue !
M. Salvatore Castiglione, rapporteur
C’est l’un des taux les plus bas en Europe ; à titre de comparaison, plus de 80 % des Norvégiens, des Allemands et des Autrichiens sont formés. En France, seule une personne sur dix déclare avoir une très bonne connaissance de ces gestes essentiels.
Le citoyen constitue pourtant le premier maillon de la chaîne de survie : il peut repérer les premiers signes, alerter les secours et prodiguer les premiers soins. Alerter, masser, défibriller dans les premières minutes de l’accident, c’est multiplier les chances de survie – sachant qu’il faut généralement une quinzaine de minutes aux secours pour intervenir.
Chaque année en France, 50 000 personnes subissent un arrêt cardiaque, et seulement 5 % survivent faute d’intervention des témoins présents. Pourtant, les chances de survie atteignent 35 % lorsque les gestes de premiers secours sont correctement pratiqués.
Il nous manque ce maillon citoyen essentiel pour sauver des vies dans des situations variées qui engagent la responsabilité de chacun d’entre nous : un accident de la vie courante, un accident de la route, un arrêt cardiaque soudain ou même des épisodes de crise majeure, comme la survenue d’une catastrophe naturelle ou d’un attentat.
Dans ces moments-là, personne ne souhaite se sentir démuni. Il nous revient de donner les moyens à nos concitoyens d’avoir les compétences et la confiance suffisante pour agir dans ces situations de vie ou de mort.
C’est toute l’ambition qui sous-tend cette proposition de loi : diffuser massivement la connaissance et la maîtrise des gestes de premiers secours en France en créant un continuum d’occasions propices et d’incitations à se former tout au long de la vie.
Il ne s’agit pas seulement de former le plus grand nombre, mais aussi de faire en sorte que les connaissances soient régulièrement actualisées par la formation et la sensibilisation. Une unique formation suivie il y plus de dix ans ne garantit pas que les personnes formées se sentent assez compétentes pour porter assistance en situation d’urgence. C’est par la répétition des apprentissages et la systématisation de l’offre de formation à différents âges de la vie que le plus grand nombre se sentira capable d’agir face à l’urgence.
Cette proposition de loi contient des mesures ambitieuses pour systématiser la formation aux premiers secours à tous les âges de la vie, en commençant par l’école à l’article 1er, puis dans le monde du travail à l’article 2 et lors de l’examen du permis de conduire à l’article 3.
Je commence par l’école, dont le rôle est absolument essentiel. Je ne méconnais pas les freins rencontrés par l’éducation nationale pour former 100 % des élèves de troisième à la formation de premiers secours citoyen (PSC) – seuls 30 % d’entre eux ont pu être formés au cours de l’année scolaire 2022-2023.
La commission des affaires sociales a adopté deux amendements à l’article 1er afin d’élargir le vivier de formateurs dont dispose l’éducation nationale pour atteindre les objectifs fixés en 2016. L’article amendé prévoit, d’une part que les nouveaux enseignants bénéficient d’une formation aux premiers secours dans le cadre de leur formation initiale ; d’autre part une augmentation progressive de la proportion d’élèves formés aux PSC au fil des années, en fixant un objectif intermédiaire de 45 % d’élèves de troisième formés à la fin de l’année scolaire 2025-2026, afin d’atteindre l’objectif de 100 % en 2030.
Je souhaite remercier l’ensemble des collègues présents en commission mercredi dernier qui ont pris la mesure de l’importance de ce texte et l’ont enrichi pour qu’il soit véritablement opérationnel et permette de sauver des vies.
Les échanges en commission ont montré que le point de tension de cette proposition de loi, s’il devait y en avoir un, était l’article 3, qui fait d’ailleurs l’objet d’amendements de suppression déposés par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République.
Je n’envisage pas de dissocier l’application de l’article 1er de l’article 3, qui contient une mesure cruciale pour massifier la formation aux premiers secours en France : conditionner l’inscription à l’examen du permis de conduire au suivi d’une formation PSC.
Je sais que cette proposition sera fortement débattue. Elle relève pourtant de l’évidence à plusieurs égards, notamment si on considère les exemples européens : en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Italie, en Norvège, mais aussi en Slovaquie et en Tchéquie, une formation au secourisme d’une journée est un préalable obligatoire à l’obtention du permis de conduire. La France fait figure d’exception.
Avec plus d’un million de candidats chaque année, le passage du permis de conduire est un moment stratégique pour contrôler que l’ensemble des citoyens a pu suivre une formation aux premiers secours.
Les trois articles de cette proposition de loi, qui traitent respectivement de l’apprentissage à l’école, au travail et lors du passage du permis de conduire, forment un tout ; ils sont indissociables. Supprimer l’une des dispositions reviendrait à vider le texte de sa substance, donc à renoncer à atteindre l’objectif de 80 % de la population formée aux premiers secours.
C’est pour cette raison que j’ai cherché le compromis le plus réaliste possible : par un amendement, j’ai proposé de différer l’entrée en vigueur de l’article 3 afin qu’elle n’intervienne qu’en 2030. Ce délai permettrait d’anticiper cette nouvelle obligation de sorte qu’elle ne pèse pas sur l’accessibilité effective du permis de conduire et qu’elle puisse être appliquée dans la sérénité.
Cela met aussi en cohérence l’entrée en vigueur du premier alinéa de l’article 3 avec les échéances fixées à l’article 1er, tel qu’adopté par la commission des affaires sociales. Ce dernier prévoit l’augmentation progressive de la proportion d’élèves formés aux PSC en classe de troisième : 100 % d’une classe d’âge devrait donc être formée aux premiers secours en 2030.
Les discussions avec les personnes auditionnées et les ministères ont montré que cette échéance était réaliste ; j’espère donc que cet amendement permettra de trouver un compromis entre nous tous.
Les auditions que nous avons menées, ainsi que le travail effectué avant moi par notre ancienne collègue Béatrice Descamps, qui avait eu à cœur de défendre ce sujet, montrent tout le chemin qu’il nous reste à parcourir pour former 80 % de la population française.
Un arrêt cardiaque peut intervenir à tout moment, à tout âge. Si 80 % de la population était formée aux gestes de premiers secours, 200 000 vies pourraient être sauvées chaque année en France. Ces gestes doivent devenir naturels pour favoriser une intervention rapide avant l’arrivée des secours et ainsi sauver des vies.
Aujourd’hui, nous sommes bien loin de cet objectif, mais cette proposition de loi peut nous aider à l’atteindre. C’est pourquoi je remercie mes collègues du groupe LIOT d’avoir accepté de l’inscrire à l’ordre du jour de cette journée réservée.
Je regrette que nous n’ayons pas le temps de débattre de ce texte. Mais nous ne renonçons pas ; dans la mesure où il s’agit de sauver des vies, nous ne renoncerons jamais. Tôt ou tard, avec votre aide, nous ferons voter ce texte essentiel. Je m’arrête donc ici pour ce soir, car il mérite un débat de qualité, qui permettra de lui donner toute sa puissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, SOC et HOR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je tiens à féliciter le député Castiglione. En tant que ministre de la santé mais aussi que cardiologue, je sais combien il importe de s’attaquer à ce problème. Pas moins de 50 000 personnes meurent d’un arrêt cardiaque chaque année. Si 80 % de la population était formée aux gestes de premiers secours, nous pourrions effectivement sauver 200 000 vies par an. Chaque minute de retard dans la prise en charge correspond à 10 % de chances de survie en moins. Je rappelle brièvement le message de la campagne Trois gestes pour sauver une vie : « Alerter, masser, défibriller. » Je compte sur vous tous pour que nous puissions revenir sur ce texte. Vous bénéficierez naturellement du soutien du gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Ségolène Amiot applaudit également.)
M. le président
Il est pris acte du retrait de la proposition de loi par son auteur en application de l’article 84, alinéa 2, du règlement.
En conséquence, il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion de ce texte.
4. Lutter contre la pédocriminalité
Discussion d’une proposition de loi
(procédure de législation en commission)
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la pédocriminalité (nos 369, 1372).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l’article 107-3 du règlement, nous entendrons d’abord les interventions du rapporteur et du gouvernement, puis les explications de vote des groupes. Nous passerons ensuite directement au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
Présentation
M. le président
La parole est à M. le rapporteur suppléant de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Stéphane Viry, rapporteur suppléant de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Je suis chargé de rapporter cette proposition de loi au nom de notre collègue Christophe Naegelen.
Elle porte sur un sujet important et grave. La pédocriminalité en ligne est devenue un phénomène massif dans notre pays. Les statistiques doivent nous interpeller : la France serait le quatrième plus gros hébergeur de contenus pédophiles au monde, et ce phénomène est en forte croissance. J’irai à l’essentiel car le temps nous est compté.
La traque des comportements pédophiles en ligne représente un défi pour les forces de l’ordre et les services judiciaires. Au pénal, il est parfois difficile d’imputer de tels agissements à un auteur identifié. Ces dernières années, le législateur a cherché à muscler la législation afin de mieux punir et traquer ces comportements pédophiles en ligne et hors ligne, notamment au travers des lois du 5 mars 2007 et du 21 avril 2021.
La loi du 5 mars 2007 a créé le délit de proposition sexuelle faite à un mineur de 15 ans ou se présentant comme telle. C’est cette infraction qui a inspiré la présente proposition de loi. Il s’agit d’étendre la définition des délits de corruption de mineur, d’incitation d’un mineur à commettre tout acte de nature sexuelle et de sollicitation de contenu pédopornographique auprès d’un mineur. Avec ce texte, ces délits seront également constitués s’ils sont commis à l’encontre d’une personne majeure se faisant passer pour un mineur.
Cette proposition, même si son ambition est modeste, vient combler une lacune en donnant les moyens d’une meilleure répression des actes pédocriminels en ligne. Elle aura atteint son but si de nouvelles poursuites judiciaires permettent d’éviter la commission de tels actes, qui peuvent par ailleurs être le prélude à des faits plus graves, commis hors ligne.
La commission des lois a largement adopté ce texte, amendé de quelques précisions rédactionnelles. Je vous invite donc à voter cette proposition de loi de notre collègue Christophe Naegelen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Arnaud Simion et Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
Je souhaite vous assurer du soutien plein et entier du gouvernement à ce texte, qui entend mieux réprimer les actes de pédocriminalité. Je tiens à saluer le député Naegelen et l’ensemble des députés qui ont conduit à faire avancer la réflexion sur ce sujet.
Je prends la parole avec gravité et détermination. Le sujet qui nous rassemble touche à l’un des fondements de notre pacte social, la protection de l’enfance. Le gouvernement ne souhaite laisser aucune place à l’impunité lorsqu’un adulte cherche à abuser d’un enfant ou croit pouvoir le faire – je sais que c’est aussi le cas de cette assemblée.
Il y a un mois, je me suis rendue dans les locaux de l’Office mineurs (Ofmin). J’ai pu y mesurer toute l’étendue de l’expertise, du professionnalisme et de l’engagement des agents de l’Office, qui doivent traiter quotidiennement un flux croissant de contenus et d’actes proprement insupportables.
La présente proposition de loi est une étape supplémentaire dans cette lutte de tous les instants. Elle doit combler une faille juridique identifiée à plusieurs reprises par les praticiens du droit comme par les associations spécialisées. Cette faille permet à un auteur d’échapper aux poursuites au motif que la personne qu’il tentait de corrompre et qu’il croyait mineure était en réalité majeure. Cette situation, qui survient notamment dans le cadre d’opérations de cyberinfiltration, crée une zone d’impunité difficilement acceptable, car elle ne permet pas de tenir compte de l’intention de l’auteur des faits. Ce texte entend donc réprimer les agissements de tout individu qui, croyant s’adresser à un mineur, engage – ou pense engager – avec lui une relation à caractère sexuel.
Dans l’univers numérique, les interactions sont souvent anonymisées et dématérialisées. Des individus mal intentionnés exploitent ces caractéristiques pour contacter des personnes qu’ils croient mineures dans le but de commettre des actes répréhensibles et inadmissibles. Lorsque la victime s’avère majeure bien qu’elle se soit présentée comme mineure, la législation actuelle ne permet pas toujours de sanctionner l’intention. Cette proposition de loi vise à combler cette lacune en introduisant une infraction spécifique qui permet de réprimer les actes pédocriminels.
Le gouvernement considère que cette mesure est essentielle pour renforcer la protection des mineurs et affirmer notre tolérance zéro envers les comportements pédocriminels. Elle complète les dispositifs existants en matière de lutte contre les violences sexuelles et correspond aux engagements pris pour garantir un environnement sûr à nos enfants, y compris en ligne.
Cette initiative parlementaire s’inscrit dans le prolongement d’une politique pénale résolument volontariste en matière de lutte contre la pédocriminalité. Ces dernières années, des avancées majeures ont été adoptées – rallongement des délais de prescription des crimes sexuels commis sur les mineurs, aggravation des peines encourues et suivi des auteurs. Nous avons également travaillé à améliorer la formation des enquêteurs, des magistrats et des professionnels de santé afin de mieux détecter les signaux faibles et d’adapter la prise en charge des enfants victimes.
Le numérique pose des défis nouveaux : avec les réseaux sociaux, les applications de messagerie et les jeux en ligne, les prédateurs disposent désormais d’une multitude d’outils leur permettant d’entrer en contact avec des mineurs. Le phénomène du grooming, processus insidieux de manipulation qui précède souvent le passage à l’acte, s’est banalisé, échappant encore trop souvent à la répression, faute de preuves directes ou d’infraction caractérisée. C’est ici que ce texte trouve tout son sens : il donne au juge la possibilité de sanctionner une intention criminelle en se fondant sur des éléments objectifs.
Au-delà de cette proposition de loi, les enjeux sont immenses. Il nous faut aller plus loin pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants en ligne. Cela implique de renforcer la coopération avec les plateformes, de systématiser les signalements et de développer l’intelligence artificielle (IA) pour détecter les contenus pédopornographiques, mais aussi de mieux accompagner les victimes souvent très jeunes, aux parcours de reconstruction complexes.
Mme Estelle Youssouffa
Madame la ministre, pourriez-vous conclure ? Sinon, nous n’aurons pas le temps de procéder aux explications de vote.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée
N’ayez crainte, je conclus, mais ce texte est important !
Un amendement adopté en commission prévoit la remise d’un rapport sur les risques posés par l’intelligence artificielle, notamment en matière de pédocriminalité en ligne – ce thème a été abordé lors de ma visite à l’Office mineurs. Je partage l’inquiétude liée au développement de ce type de contenus. Générés par l’IA, ils n’en sont pas moins répréhensibles car ils viennent alimenter des fantasmes et des pratiques criminelles.
Je tiens à saluer le travail des parlementaires, l’engagement des associations et des professionnels de la protection de l’enfance. Leur mobilisation est cruciale pour faire évoluer notre législation et relever les défis posés par les nouvelles formes de criminalité. (Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit.)
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Explications de vote
M. le président
Mes chers collègues, il nous reste seize minutes pour six explications de vote. À raison de deux minutes au maximum par orateur, nous devrions pouvoir voter, mais à minuit pile j’interromprai les débats.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha (GDR)
Je serai brève pour que nous puissions voter. Bien entendu, le groupe GDR soutient pleinement l’objectif de cette proposition de loi, qui va permettre que les infractions soient constituées, même lorsque la victime est un enquêteur se faisant passer pour un mineur. Ce texte va renforcer l’efficacité des enquêtes et des poursuites contre les auteurs de tentatives de corruption ou d’exploitation sexuelle de mineurs.
Nous voterons donc en sa faveur, en appelant tout de même à un renforcement des moyens de lutte contre ce fléau comme des moyens dédiés à la prévention et à la sensibilisation de nos concitoyens, pour une vraie prise de conscience collective. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve (EPR)
Le groupe Ensemble pour la République votera pour ce texte, comme il l’a fait en commission. Il contient des avancées majeures et comble un vide juridique, ce qui nous permettra de poursuivre les pédocriminels en nous appuyant sur le développement de nouvelles techniques d’enquête.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire au rapporteur Naegelen, dont je veux saluer le travail, il est essentiel de prendre en considération tous les citoyens qui, au travers de différentes associations, ont choisi de se mobiliser contre la pédocriminalité. Cette proposition de loi est importante pour leur protection et les actions qu’ils engagent, dans la perspective de poursuites judiciaires. Je remercie donc le groupe LIOT d’avoir proposé ce texte qui constitue un progrès concret pour la lutte contre la pédocriminalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et LIOT.)
M. le président
La parole est à Mme Catherine Hervieu.
Mme Catherine Hervieu (EcoS)
Pour compléter ce qui vient d’être dit par les uns et les autres, la lutte contre la pédocriminalité doit devenir une vraie priorité nationale. Elle doit impérativement passer par la prévention, l’éducation et le repérage, mais aussi par une augmentation des moyens de la justice (Mme Ségolène Amiot applaudit), du nombre d’enquêteurs et des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, alors même que le gouvernement lui a supprimé 500 postes.
La France doit impulser une dynamique à l’échelle européenne pour que les plateformes numériques aient l’obligation de détecter les contenus pédocriminels.
Nous devons également œuvrer à ce que les conditions soient réunies pour que s’ancre dans la société la volonté de vraiment protéger les enfants et non plus les agresseurs.
Le groupe Écologiste et social votera pour cette proposition de loi, tout en appelant à une politique bien plus ambitieuse en matière de lutte contre la pédocriminalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau (Dem)
Inutile de vous dire que le groupe Les Démocrates votera en faveur de ce texte. En effet, cette proposition de loi va permettre de combler un vide juridique et de nous assurer que les pédocriminels soient bien condamnés pour leurs actes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR, HOR et LIOT.)
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR)
Protéger les enfants et lutter contre la pédocriminalité est une lutte de tous les instants. Cette proposition de loi vise à apporter un complément de rédaction au code pénal, afin de répondre à un vide juridique auquel font actuellement face les policiers et les gendarmes, dans le cadre des enquêtes sous pseudonyme. Ce complément de rédaction est plus que nécessaire pour couvrir l’ensemble des hypothèses et garantir une condamnation pénale des responsables de ces actes. C’est pourquoi le groupe Horizons & indépendants votera pour. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, EPR, Dem et LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (LIOT)
Je remercie tous les collègues de nous avoir soutenus lors de cette niche parlementaire, où nous aurons fait adopter quatre propositions de loi, ce qui n’est pas rien.
Cette dernière proposition de loi apporte un complément bienvenu au code pénal, qui permettra désormais à un enquêteur de pouvoir se faire passer pour un mineur afin de pouvoir caractériser les délits d’incitation d’un mineur à commettre tout acte de nature sexuelle et de corruption de mineur en ligne. Cela permettra de mieux réprimer ce fléau qu’est la pédocriminalité sur les réseaux sociaux et autres darknets. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, EPR, Dem et HOR. – Mme Ségolène Amiot applaudit également.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l’adoption 56
Contre 0
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Panifous.
M. Laurent Panifous
Monsieur le président, je vous adresse mes remerciements ainsi qu’à celles qui vous ont précédé en cette journée. Le groupe LIOT avait à cœur de défendre des textes importants pour le quotidien des Françaises et des Français.
Je tiens aussi à remercier tous les députés qui ont participé à cette journée. Il n’est pas toujours facile de s’investir dans la niche d’un autre groupe que le sien, et je remercie d’autant plus ceux qui ne sont pas membres du groupe LIOT mais ont joué le jeu et sont restés jusqu’à minuit. Je remercie également tous les collaborateurs et les administrateurs de cette très belle maison qu’est l’Assemblée nationale.
J’en terminerai en disant combien ce soir je suis fier d’être le président – tout frais – de ce beau groupe, atypique mais fort, qu’est le groupe LIOT. (Applaudissements sur l’ensemble des bancs.)
M. le président
Avec l’accord du président Panifous, je vais lever la séance.
5. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs ;
Suite de la proposition de loi relative à l’aide à mourir.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra