Deuxième séance du lundi 02 juin 2025
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- 1. Fiscalité des microentrepreneurs et des petites entreprises
- Discussion générale (suite)
- M. Thomas Lam
- M. Emmanuel Maurel
- M. Charles Alloncle
- M. Joël Bruneau
- Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Discussion des articles
- Seconde délibération
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- Discussion générale (suite)
- 2. Accès au logement pour les travailleurs des services publics
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Fiscalité des microentrepreneurs et des petites entreprises
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos micro-entrepreneurs et nos petites entreprises (nos 1337, 1468).
Discussion générale (suite)
Mme la présidente
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Thomas Lam.
M. Thomas Lam
Nous évoquons aujourd’hui un sujet qui me tient particulièrement à cœur, puisque je suis entrepreneur dans la vie civile : les microentrepreneurs, les autoentrepreneurs et, plus largement, les travailleurs indépendants.
J’irai droit au but car le groupe Horizons & indépendants soutiendra évidemment cette proposition de loi. Elle s’inscrit en effet dans la continuité du combat que nous menons depuis plusieurs mois afin de réparer l’injustice d’une mesure initialement prévue dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 : un dispositif discret prévoyait à l’article 10 un abaissement du seuil de franchise de TVA pour les microentrepreneurs.
Nous ne pouvons pas faire porter le poids de nos erreurs budgétaires aux microentreprises en augmentant la pression fiscale déjà énorme. Cette mesure a suscité une vive contestation que j’ai entendue, comprise et soutenue. Je remercie Mme la ministre, Véronique Louwagie, d’avoir écouté les parlementaires et suspendu la mesure.
Nous étions plusieurs, de tous bords, à avoir déposé des propositions de loi pour l’abroger. Nous avons atteint notre objectif puisque nous examinons aujourd’hui celle de notre collègue Paul Midy qui sera, je l’espère, adoptée à l’unanimité.
Cette proposition de loi, qui vise à garantir aux microentrepreneurs un cadre fiscal stable, juste et lisible, relève du minimum syndical que nous leur devons.
Il faut en effet offrir un environnement encore plus favorable à celles et ceux qui sont la cheville ouvrière d’une économie agile, le visage de l’innovation locale, le relais d’un service de proximité que l’on dit essentiel.
Ouvrons le débat sur la situation des travailleurs indépendants en France. Ces derniers sont plus de 4 millions ; ce sont des commerçants, des artisans, des free-lances, des professions libérales, dans tous les secteurs d’activité. Ils rendent service à tous nos concitoyens.
Ils ont choisi la liberté d’entreprendre, mais cette liberté ne doit pas être synonyme d’insécurité ; ils ont choisi l’autonomie, mais cette autonomie ne doit pas se transformer en isolement. Les travailleurs indépendants ne peuvent plus être les oubliés de notre modèle social.
Aujourd’hui, ils cumulent les responsabilités de l’entreprise, sans bénéficier de ses protections, avec les exigences du salariat, sans les droits associés. Cette situation n’est plus tenable. Au sein du groupe Horizons & indépendants, nous souhaitons que le débat sur le statut de celles et ceux qui se mettent en danger pour créer leur propre emploi soit rouvert : leur protection sociale, leurs droits à la formation, la question des seuils et des taux de cotisations doivent faire l’objet d’une concertation et d’une discussion approfondie.
Dans un environnement économique toujours plus instable, nous ne voulons pas d’une société à deux vitesses – d’un côté, des salariés protégés et, de l’autre, des indépendants exposés. Nous appelons de nos vœux une société du travail équitable, qui reconnaît toutes les formes d’engagement et de contribution. Les travailleurs indépendants ne sont pas une parenthèse dans l’histoire du travail moderne ; ils en sont la promesse. Ils sont la preuve vivante qu’un autre rapport au travail est possible,…
Mme Danielle Simonnet
Que l’exploitation est possible !
M. Thomas Lam
…plus libre, plus souple…
M. Jean-François Coulomme
Et plus précaire !
M. Thomas Lam
…mais pas moins juste. Notre République ne peut se permettre de négliger ceux qui inventent, adaptent, soutiennent, sauvent parfois. Il est temps de refonder notre contrat social avec eux, pour qu’ils soient reconnus, protégés et représentés. (M. Paul Midy, rapporteur de la commission des finances, applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel
Ce texte, très attendu, fait suite à une situation qui avait suscité un émoi certain. Nous avions tous été beaucoup sollicités par des concitoyens légitimement inquiets.
La discussion a cependant pris un tour quelque peu surprenant : les orateurs du bloc central passent leur temps à déplorer les conséquences dont ils ont obstinément chéri les causes ! Si nous en sommes là, c’est bien parce que le gouvernement que vous avez soutenu a fait examiner en catimini au Sénat, en deuxième délibération, un amendement que les sénateurs avaient préalablement rejeté. Cet amendement visait à grappiller quelques dizaines de millions d’euros.
M. Mathieu Lefèvre
Nous ne l’avons pas voté !
M. Emmanuel Maurel
Si nous ne l’avons pas voté, monsieur Lefèvre, c’est parce qu’il y a eu un 49.3 !
M. Mathieu Lefèvre
Pas au Sénat !
M. Emmanuel Maurel
Vous avez d’ailleurs fait une déclaration étonnante : « Les oppositions génèrent du stress. »
M. Mathieu Lefèvre
Tout à fait !
M. Emmanuel Maurel
Ce sont plutôt votre politique budgétaire, vos 49.3, vos motions de procédure, votre usage à mauvais escient du parlementarisme rationalisé qui créent et entretiennent le stress des Français et des entreprises dans ce pays ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mmes Béatrice Bellay et Danielle Simonnet applaudissent également.)
Nous nous apprêtons à rétablir un régime fiscal qui venait compenser le caractère dérogatoire et régressif d’un statut juridique et social qui, sous couvert de « modernité » et d’« adaptabilité » – j’ai bien écouté tous ceux qui m’ont précédé –, risque d’entraîner une généralisation de la précarité. D’autres l’ont très bien dit avant moi : l’autoentrepreneuriat n’est pas le nec plus ultra du progrès social. Ces travailleurs sont souvent exploités et sous pression ; ils connaissent des difficultés. Comme l’a très bien expliqué le président Coquerel en faisant référence aux travaux de la députée européenne Leïla Chaibi, il faudra se battre pour que ces travailleurs reviennent dans le droit commun du salariat. Voilà un vrai combat progressiste, que nous devrons mener demain !
Nous n’avons pas d’autre choix que de rétablir le régime en vigueur jusqu’à l’année dernière, faute de pouvoir quelque peu rééquilibrer les différents seuils de TVA. Comme le font remarquer à juste titre les artisans, on applique des taux différents à des activités qui sont pourtant de même nature.
Nous sommes contraints de valider la suspension de l’abaissement du seuil de franchise de TVA des autoentrepreneurs parce que l’approche obsessionnellement comptable de votre politique budgétaire, madame la ministre, crée infiniment plus de problèmes qu’elle n’en résout. On ne peut pas diminuer impunément d’un tiers, voire diviser par plus de trois, le plafond d’exemption de TVA d’un modèle économique aussi fragile.
En votant la proposition de loi du collègue Paul Midy, que je remercie, même si lui non plus n’est pas exempt de contradictions, nous mettons fin, au moins pour 2025, à une incertitude juridique et fiscale qui embrume la vie des travailleurs exerçant sous le régime de la microentreprise.
Mais, cher collègue, qu’en sera-t-il l’année prochaine ? Le premier ministre, que vous soutenez, annonce une diminution du budget de 40 milliards : comment fera-t-on ? Ces autoentrepreneurs ne risquent-ils pas de vivre un nouveau pic de stress, si vous coupez de nouveau massivement dans les dépenses et les régimes fiscaux, comme vous l’avez fait par le passé ? C’est inquiétant ! Nous stabilisons la situation en réglant dans l’urgence un problème causé par une impréparation totale, mais la situation de demain nous inquiète. François Bayrou a déclaré qu’aucun Français ne sera épargné ; j’espère au contraire que beaucoup le seront.
J’espère aussi que nous aurons enfin la sagesse collective de nous attaquer aux causes d’un précariat du XXIe siècle qui ressemble furieusement à celui du XIXe siècle. Le plus sûr moyen de venir en aide aux autoentrepreneurs, tout en sécurisant l’activité artisanale, c’est d’en finir avec les abus des plateformes, en reconnaissant à tous ceux qui travaillent pour elles une présomption irréfragable de salariat. En voilà un combat d’avenir, que toute la gauche mènera, j’en suis certain, avec tous ceux qui le souhaitent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Alloncle.
M. Charles Alloncle
Ce soir, je pense à cette France que l’on ne voit pas, que l’on n’entend jamais ;…
M. Antoine Léaument
À Laurent Wauquiez ?
M. Hadrien Clouet
Ou à Marine Le Pen ?
M. Antoine Léaument
Peut-être à Éric Ciotti ?
Une députée du groupe RN
Un peu de respect !
M. Charles Alloncle
…à cette France qui ne bloque pas les routes, ne casse pas de vitrines et ne connaît pas la grève – non par faiblesse ou par désintérêt, mais seulement parce qu’elle n’a pas le luxe de pouvoir s’arrêter de travailler.
C’est la France des indépendants, des artisans, des commerçants, celle des petits patrons mais des grandes fatigues. Cette France est si besogneuse qu’elle ne voit même pas ses enfants grandir.
Voilà huit ans qu’elle est prise dans la tempête de vos hésitations, rongée par l’incertitude que vous générez, lassée des injonctions contradictoires que vous lui imposez. Depuis votre arrivée au pouvoir, votre schizophrénie est devenue méthode politique : vous soufflez le chaud et le froid, sans gêne ou moindre sentiment de honte, sans même demander pardon.
Et pourtant, des excuses, vous auriez pu en présenter aux Français, vous qui avez fermé Fessenheim avant de relancer le nucléaire ; vous qui avez vendu Alstom avant de racheter les turbines Arabelle ; vous qui avez fait s’embraser les ronds-points avant d’enterrer la taxe carbone ; vous qui avez parlé avec mépris des « gueux » avant d’amender vos zones à faibles émissions (ZFE) ; vous qui, quatre mois après le vote de votre budget, vous félicitez d’effacer une mesure inique que vous vouliez pourtant imposer, l’abaissement du seuil de franchise qui allait soumettre à la TVA plus de 205 000 entreprises.
Et pas n’importe quelles entreprises : celles des petits patrons. Ces centaines de milliers d’autoentrepreneurs ont franchi le pas, souvent seuls et sans filet, et ont lancé leur propre activité. Ils font tourner notre économie à la force du poignet, ne comptant ni les heures, ni leurs efforts, sans attendre un merci. Dans votre quête des 40 milliards, ce sont eux que vous avez osé matraquer en premier ! Comment avez-vous même pu y songer dans un pays qui est déjà le plus fiscalisé ?
Madame la ministre chargée des petites et moyennes entreprises, les entrepreneurs étouffent. Je le sais car je l’ai vécu en montant mon entreprise. Je l’ai vu en dédiant mon activité au service des autoentrepreneurs. J’ai vu leur solitude dans ces méandres administratifs, leurs nuits passées à faire de la comptabilité, leurs angoisses d’un éventuel appel du banquier. Je les ai vus hésiter, douter, sombrer quelquefois, étourdis par le vertige de l’échec, la crainte d’être jugé à la moindre baisse de chiffre d’affaires. Je les ai vus parfois faire défiler leur vie, mettre en danger leur famille pour une assurance oubliée ou une facture impayée.
Mais vous, qui n’avez jamais connu la peur de tout perdre,…
M. Philippe Vigier
Il a trente balais et il vient nous expliquer la vie !
M. Charles Alloncle
…vous qui vivez à l’abri avec vos emplois à vie et vos gracieux salaires,…
M. Emmanuel Maurel
Oh là là !
M. Antoine Léaument
C’est quoi ça ?
M. Charles Alloncle
…dans le confort feutré de vos ministères,…
M. Pierre-Yves Cadalen
Mais qui est-ce ?
M. Charles Alloncle
…vous ne trouvez rien de mieux à faire que de les surcharger de nouveaux doutes, de nouvelles taxes et de nouveaux formulaires.
Votre inconséquence fiscale a même permis un exploit politique rare, une convergence des luttes que toute la gauche vous envie : vous avez réussi à liguer contre l’État l’autoentrepreneur et le capitaine d’industrie.
De Bernard Arnault aux artisans commerçants et entrepreneurs de l’Hérault, vous avez réussi à dresser toutes les forces vives du pays contre l’impôt. Au fond, voilà la vraie fracture française : ce fossé béant entre un pouvoir qui dilapide et un peuple qui se saigne.
M. Antoine Léaument
Mais qui a écrit ce discours ?
M. Charles Alloncle
Cet immense abîme, entre des ministres qui, même déchus, seront toujours bien lotis et des Français qui, eux, jouent un peu leur vie chaque jour.
À l’UDR, nous voterons pour cette proposition de loi, mais seulement parce qu’elle corrige vos erreurs.
M. Antoine Léaument
Ah !
M. Charles Alloncle
En revanche si, demain, votre majorité s’avisait de s’en prendre à nouveau aux Français qui créent, aux travailleurs qui triment, aux silencieux qui cotisent, ce sera pour vous l’infamie, la censure et la porte de sortie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Antoine Léaument
Il a dit censure ?
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
Je vais être bref. Puisque nous sommes tous d’accord pour voter cette proposition de loi, je vous épargnerai un certain nombre de polémiques inutiles.
Cette disposition, introduite de manière un peu subreptice dans le PLF – que l’Assemblée n’a pas voté – a créé une vive émotion, en particulier dans le monde des microentrepreneurs, même si la fixation d’un seuil de franchise de TVA concerne – il faut le rappeler – toutes les entreprises, quelle que soit leur forme juridique.
Je remercie madame la ministre d’avoir entrepris de réunir les différents groupes parlementaires pour tenter une concertation qui, bien qu’elle n’ait pas complètement abouti, nous amène à retirer cette mesure inscrite dans le PLF.
Si l’on peut admettre que notre fiscalité – particulièrement la TVA – mériterait sans doute un petit toilettage pour gagner en cohérence, cette disposition apparue soudainement présentait deux grands défauts. Le premier était de donner l’impression de pénaliser l’esprit d’entreprise alors même qu’il n’a jamais été aussi nécessaire de l’encourager dans notre pays. C’est ainsi en effet que cela a été ressenti par toutes celles et tous ceux qui, ayant eu le grand mérite de créer leur propre activité, se sont manifestés auprès des parlementaires de tous bords.
Second défaut : loin – comme on l’a parfois laissé entendre – d’augmenter substantiellement les recettes de l’État, cette mesure aurait incité un certain nombre d’activités à retourner dans le domaine de l’économie souterraine plutôt que de participer à l’économie officielle, génératrice de cotisations.
Si, comme tous les autres groupes, le groupe LIOT votera cette proposition de notre collègue Paul Midy – que je remercie de son initiative –, il rappelle que d’autres sujets que celui du seuil de franchise de TVA méritent d’être travaillés, notamment celui de la concurrence entre les différentes formes d’entreprise, par exemple entre l’autoentrepreneuriat et l’artisanat, en particulier dans le domaine du bâtiment ou des travaux publics. D’autres orateurs ont évoqué cette réalité avant moi et je déposerai un amendement pour appeler le gouvernement à s’emparer assez rapidement de ce sujet, sous l’angle fiscal mais aussi sous ceux de la réglementation des qualifications professionnelles et de la sécurité des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Je voudrais réagir sur quelques points et répondre à plusieurs questions qui m’ont été posées.
Monsieur le président Coquerel, j’apporterai deux corrections à vos propos relatifs à la transposition à venir d’une directive. Vous avez indiqué que cette transposition devrait intervenir avant janvier 2026 ; en réalité, la transposition doit être réalisée avant décembre 2026, ce qui nous laisse encore un peu de temps.
Par ailleurs, et cette observation vaut également pour Mme Danielle Simonnet, vous l’évoquez comme si elle était intitulée « présomption de salariat sur les plateformes », il s’agit en fait d’une directive « relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme ».
Mme Danielle Simonnet
Vous savez bien qu’elle porte sur la présomption de salariat !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je pense que cette précision peut éclairer l’ensemble des parlementaires.
M. Anthony Boulogne du Rassemblement national, comme M. Charles Alloncle, de l’UDR, reprochent au gouvernement de ne pas avoir pris la mesure des problèmes que l’abaissement des seuils de franchise de TVA créerait aux entreprises. Je souhaiterais leur rappeler qu’à l’automne 2025 des députés issus de leurs deux groupes ont déposé des amendements pour abaisser ce seuil.
Mme Danielle Simonnet et M. Philippe Vigier
Eh oui !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Il s’agit de l’amendement no 229 du Rassemblement national qui visait à abaisser ce seuil à 18 750 euros… (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Charles Alloncle
Ce n’est pas notre groupe !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…et de l’amendement no 3089 du groupe UDR.
Mme Danielle Simonnet
Bas les masques !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je vous invite à vérifier. Je pense que c’est important. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.).)
Si je suis persuadée que nous pouvons débattre de manière apaisée sur ce sujet, tout ceci montre qu’il soulève de vraies questions. D’ailleurs l’ensemble des parlementaires qui se sont exprimés le confirment.
Au demeurant, je suis d’accord avec vous pour reconnaître que le débat ne s’était pas instauré comme il aurait dû l’être : c’est la raison pour laquelle le gouvernement a suspendu la mesure.
MM. Mathieu Lefèvre et Corentin Le Fur, évoquent, pour l’un, la nécessité de réduire les dépenses et, pour l’autre, le besoin d’alléger les charges. Je suis tout à fait d’accord avec eux. Vous le savez, nous sommes engagés sur cette voie. Pour autant, nous gardons la faculté, le cas échéant, de revoir un certain nombre de dispositifs, non dans l’objectif d’augmenter les impôts mais dans celui d’éviter les distorsions de concurrence.
Madame Pirès Beaune, vous avez indiqué – je reconnais là votre souci du détail – qu’il nous faudrait aborder les prochaines discussions budgétaires avec davantage d’informations. En ce sens, dans la perspective du PLF 2026, le gouvernement a pris l’engagement de fournir une étude d’impact et de réunir un certain nombre d’éléments qui dépasseront probablement la seule question de la franchise de TVA.
Bien que le sujet ait été abordé principalement sous l’angle de la microentreprise, un tiers seulement des entreprises concernées par le seuil de franchise de TVA relèvent de ce régime. Nous ne pouvons donc réduire la question de l’abaissement du seuil de franchise de TVA à son impact sur les microentrepreneurs.
Madame Sophie Mette, vous avez évoqué un besoin d’évaluation : je viens de répondre sur ce point. Vous avez aussi posé une question sur la manière dont le gouvernement envisageait de faire face à la diminution de recettes – soit 780 millions en année pleine dont 400 millions pour l’État – consécutive à l’abandon de la mesure.
Vous le savez : il existe toujours une différence entre les prévisions et le budget, compte tenu des modifications qui peuvent intervenir en termes d’hypothèses de croissance, d’inflation ou de taux d’intérêt. Le gouvernement maintient sa ligne et son engagement relatif à une perspective de déficit à 5,4 % du PIB. Eu égard aux très nombreux aléas susceptibles d’affecter à la fois les recettes et les dépenses – dont nous avons ici une illustration – le gouvernement a procédé à une mise en réserve d’un peu plus de 8 milliards d’euros à l’échelle interministérielle.
Je salue les propos de M. Thomas Lam relatifs à la protection sociale. Monsieur le député, vous avez été un des premiers à agir dans ce domaine et à évoquer l’impact de cette mesure en matière de protection sociale, qu’il s’agisse de la complémentaire santé, de la maladie, des accidents du travail ou de la retraite. Tous ces points méritent d’être étudiés.
Monsieur Bruneau, vous avez évoqué l’importance de mettre en avant l’esprit d’entreprise et la volonté d’entreprendre : le gouvernement s’engage en ce sens…
M. Charles Alloncle
Cela ne se voit pas !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…et se félicite que le régime de la microentreprise soit plébiscité. Toutefois, s’il a été un succès, ce régime mérite d’être revu parce que, dans un certain nombre d’activités, sans aller jusqu’à créer une concurrence déloyale, il y a des distorsions de concurrence dont nous devons tenir compte. À cet égard, la révision de la franchise de TVA peut constituer un outil de correction.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Madame le ministre, vous marquez le point ! Vérification faite, la transposition doit être effective en décembre 2026. Dont acte. Je remarque toutefois avec plaisir que vous connaissez cette date et que vous savez que la transposition s’impose. De plus, elle doit être réalisée « au plus tard » à cette date, cela peut donc se faire avant cette échéance !
M. Hadrien Clouet
Excellent !
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument, inscrit sur l’article 1er.
M. Antoine Léaument
C’est une grande joie ce soir de débattre de ce texte qui vient corriger l’un des problèmes du précédent budget à propos duquel La France insoumise avait lancé l’alerte (M. Charles Sitzenstuhl sourit).
En effet, à la suite d’une pétition lancée dès le 4 février 2025 par la Fédération nationale des autoentrepreneurs et microentrepreneurs, nous avons commencé à sonner l’alarme. C’est peut-être ce qui vous a décidé à corriger l’erreur que vous aviez commise ! (M. Charles Sitzenstuhl rit.) En tout état de cause, pour ce qui nous concerne, nous considérons que la victoire ne revient pas aux Insoumis mais à la mobilisation des autoentrepreneurs :…
M. Charles Alloncle
Ils ne votent pas pour vous !
M. Antoine Léaument
…grâce à la pétition qu’ils ont lancée, ils ont réussi à convaincre l’intégralité de l’Assemblée nationale (Applaudissements sur plusieurs les bancs du groupe LFI-NFP)…
M. Charles Alloncle
Ils vous détestent !
M. Antoine Léaument
…jusqu’au Rassemblement national qui, dans ce même budget, avait pourtant déposé des amendements pour aggraver encore votre texte !
Ce soir, je le répète, ce n’est pas la victoire des Insoumis même si nous étions les premiers à avertir. Ce soir, c’est la victoire de toutes les autoentrepreneures et de tous les autoentrepreneurs, qui, par leur lutte, ont réussi à faire revenir en arrière les macronistes qui les avaient malheureusement taxés une fois de plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Farida Amrani
Eh oui !
M. Antoine Léaument
Je sonne de nouveau l’alarme pour le peuple qui nous écoute parler sur ces bancs, puisque, n’ayant pas réussi à augmenter la TVA pour les autoentrepreneurs, vous voulez l’augmenter pour tout le monde et faire supporter à l’ensemble de la population française la charge des cadeaux accordés aux plus riches.
De nouveau, vous nous trouverez contre vos projets de TVA injuste car cette TVA est l’impôt le plus injuste qui soit ! Force soit à l’impôt sur le revenu et à la progressivité de l’impôt ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Quel plaisir madame la ministre de vous retrouver dans vos nouvelles fonctions (Mme la ministre déléguée sourit) sur un sujet qui démontre la mauvaise gestion des affaires publiques ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
En effet, l’abaissement du seuil de franchise de TVA résulte d’un amendement déposé au Sénat à l’issue de la discussion en première lecture du PLF, adopté – hélas – sans examen ni en commission ni en séance publique et sans davantage d’examen à l’Assemblée nationale, que ce soit en commission ou en séance, du fait du 49.3.
L’exposé sommaire de l’amendement était savoureux : on y invoquait l’harmonisation européenne des seuils et 400 millions de recettes attendues en 2025, 800 millions en 2026 ! D’une part, si ces seuils avaient été définitivement adoptés, bien des autoentrepreneurs auraient arrêté leur activité tandis que d’autres auraient basculé dans le travail au noir de sorte que nous n’aurions jamais perçu ces 800 millions en année pleine : l’assiette fiscale se serait tout simplement évaporée !
M. Mathieu Lefèvre
Vous n’étiez peut-être pas en CMP ?
M. Emmanuel Maurel
Il y était !
M. Charles de Courson
D’autre part, s’agissant de l’harmonisation européenne, rien ne nous oblige à nous aligner sur les seuils les plus bas. D’ailleurs, dans certains pays de l’Union, le seuil est fixé à zéro euro – eh oui.
Ayant soutenu l’un de vos prédécesseurs, Hervé Novelli, au moment de la création du statut d’autoentrepreneur, je suis favorable à cette proposition de loi qui vise à revenir au statu quo ante.
Je signale au passage, en tant que rapporteur général du budget, qu’il convenait de préciser la date d’entrée en vigueur du texte : le 1er mars 2025. C’est d’ailleurs ce que prévoient des amendements identiques adoptés à l’unanimité en commission des finances, l’un de M. le rapporteur, l’autre dont je suis l’auteur.
Enfin, madame la ministre, vous savez bien qu’un abaissement du seuil uniquement pour le secteur du bâtiment se heurterait à des problèmes constitutionnels.
Par conséquent, revenons au droit existant et tout le monde sera satisfait. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Mon collègue et ses amis de La France insoumise ne manquent pas d’air. Je veux saluer leur reconversion. Depuis 2017, vous n’aviez pas de mots assez durs à l’égard des autoentrepreneurs. Or, comme par hasard, vous voilà devenus leurs défenseurs !
M. Antoine Léaument
Je suis moi-même autoentrepreneur !
M. Jean-René Cazeneuve
Le 10 mars 2012, Jean-Luc Mélenchon – un de vos amis, je crois – a déclaré qu’il supprimerait le statut d’autoentrepreneur, « arnaque de première grandeur ». C’est bien vous qui teniez ces propos ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Dès lors, je me suis demandé pourquoi vous aviez subitement changé d’avis.
J’ai trouvé la réponse à cette question dans un excellent ouvrage que je vous encourage à lire, La Meute d’Olivier Pérou et Charlotte Belaïch. Il nous apprend que, pendant la campagne présidentielle de 2017, Jean-Luc Mélenchon a massivement eu recours à des autoentrepreneurs. Il a salarié plusieurs collaborateurs, dont certains siègent d’ailleurs ici même aujourd’hui. Je comprends donc mieux votre reconversion. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot
Ils étaient salariés, ce n’étaient pas des autoentrepreneurs !
M. Jean-René Cazeneuve
Le parti qui défend les entreprises et les entrepreneurs depuis 2017, c’est nous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Rires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 11, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Midy, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir cet amendement.
M. Paul Midy, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Je n’avais pas réagi à la fin de la discussion générale mais je tiens à remercier à présent l’ensemble des orateurs pour leur intervention.
Cet amendement est rédactionnel.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Favorable.
Mme la présidente
Si tout le monde est d’accord, je propose de ne pas attendre les cinq minutes réglementaires. (Assentiment.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 11.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 131
Contre 0
(L’amendement no 11 est adopté.)
Mme la présidente
Je vous informe que je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 18 par le groupe Rassemblement national, sur le no 12 par le groupe Ensemble pour la République et sur l’article 1er par ces deux groupes.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons à trois amendements, nos 18, 13 et 14, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 13 et 14 sont identiques.
La parole est à Mme Sophie Mette, pour soutenir l’amendement no 18.
Mme Sophie Mette
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il est souhaitable de trouver une issue législative rapide pour sécuriser juridiquement le régime de franchise en base de TVA, dans la mesure où la suspension s’opère contra legem et s’expose donc à des risques de contentieux administratif.
Toutefois, la simple abrogation de la réforme laisserait en suspens plusieurs questions dont celle des distorsions de concurrence à la fois internes et, potentiellement, externes que le régime génère.
Ainsi le présent amendement prévoit-il de prendre en considération les distorsions de concurrence propres au bâtiment et aux travaux publics (BTP) en instaurant un seuil dérogatoire de 25 000 euros applicable aux prestations de services de travaux immobiliers.
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l’amendement no 13.
Mme Béatrice Piron
J’avais déjà déposé cet amendement en commission des finances mais j’aimerais savoir ce que pense Mme la ministre de cette question, relative au secteur du bâtiment, et sur laquelle nous sommes quelque peu divisés.
Cet amendement vise à maintenir le niveau du seuil de franchise en base de TVA à 25 000 euros spécifiquement pour le secteur du bâtiment. Très attendue par les entreprises, une telle mesure permettrait d’écarter un risque important d’effet d’aubaine favorisant la concurrence d’entreprises européennes venant exercer en France et pouvant bénéficier, depuis le 1er janvier dernier, du haut niveau de franchise en base de TVA français en comparaison de leur pays – en Espagne, par exemple, aucune franchise n’est appliquée.
D’ores et déjà, les entreprises artisanales du bâtiment qui emploient moins de dix salariés sont directement confrontées à une distorsion de concurrence en raison de l’absence d’obligation de collecte de la TVA pour les microentreprises.
Ainsi, le chiffre d’affaires généré par les microentreprises du secteur non soumises à la collecte de TVA s’élèverait, selon le rapporteur, à 2,5 milliards d’euros, ce qui représente de l’activité en moins pour les très petites entreprises (TPE) dans le secteur du bâtiment. Celles-ci connaissent une baisse d’activité depuis huit trimestres : - 4 % en 2024 et - 5 % sur le premier trimestre 2025. Un tel recul a déjà entraîné la suppression de plus de 27 000 emplois en 2024 et 14 000 défaillances d’entreprise.
La défense de l’entrepreneuriat devrait passer en premier lieu par celle des TPE du bâtiment qui emploient 570 000 personnes, forment 60 000 apprentis et contribuent chaque année à soutenir les finances publiques du pays par la TVA qu’elles collectent. Ces entreprises supportent toutes les normes, toutes les charges fiscales et tout le poids des formalités administratives. Le maintien d’un tel déséquilibre risque de dégrader très fortement leur acceptation de ces obligations.
Qu’avez-vous à nous dire sur ce sujet, madame la ministre ?
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 14.
M. Nicolas Ray
Déposé par M. Jean-Pierre Vigier, il est identique au précédent et vise à maintenir un seuil de franchise spécifique pour ce secteur particulier du bâtiment. Vous le savez, les entreprises demandent depuis longtemps une telle mesure afin de protéger le secteur face à la concurrence déloyale de microentreprises venues notamment d’autres pays de l’Union européenne.
Le système fiscal actuel crée un déséquilibre au détriment des TPE et d’artisans qui supportent les charges, les normes et les formalités administratives et qui créent de l’emploi.
Un tel seuil qui favorise les microentreprises pourrait au moins être limité dans le temps – à la période pendant laquelle l’entreprise s’installe et se développe –, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Je sais que cette proposition avait été étudiée dans le cadre de la consultation que vous aviez menée avec le sens de l’écoute et du dialogue que nous vous connaissons. Nous aimerions donc connaître plus précisément le point de vue du gouvernement sur cette question.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Paul Midy, rapporteur
Je demande leur retrait et, à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Je vous en explique les raisons et je me permettrai de consacrer un peu de temps à cette question qui est au cœur de nos débats.
Il faut tout d’abord bien distinguer « concurrence » et « concurrence déloyale ». Prenons une TPE et une PME qui se disputent un marché. Elles ont beau ne pas remplir les mêmes conditions ni même être soumises au même régime fiscal, on ne peut pas pour autant parler de « concurrence déloyale ». Ce raisonnement vaut aussi pour une PME en concurrence avec un grand groupe. Il faut faire attention aux mots. On ne peut pas toujours qualifier une concurrence de « déloyale ».
La littérature officielle disponible sur cette question montre d’ailleurs qu’il n’existe pas de concurrence déloyale en la matière. C’est par exemple le cas du dernier rapport relatif à l’autoentrepreneuriat de l’Inspection générale des finances (IGF) qui date de 2013 – certes, il est un peu ancien, c’est d’ailleurs pour cette raison que nous aimerions que le gouvernement demande qu’il soit mis à jour.
Allons un peu plus loin et intéressons-nous plus particulièrement au secteur du bâtiment, en prenant en considération les informations données par les uns et par les autres, y compris la Capeb – Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment – et la FFB – Fédération française du bâtiment – qui ont fait part de leurs sollicitations et que nous avons bien sûr auditionnées.
Dans le secteur du bâtiment, le chiffre d’affaires des autoentrepreneurs s’élève à 5 milliards d’euros. Si l’on exclut ceux qui ne sont pas soumis à la TVA, le montant concerné n’est donc plus que 2,5 milliards. Le chiffre d’affaires total du secteur atteint 175 milliards et celui des TPE de moins de dix salariés – celles qui concurrencent le plus directement les autoentrepreneurs – 85 milliards d’euros. On voit bien en comparant les deux chiffres – 2,5 milliards d’un côté et 85 milliards de l’autre – que la capacité des autoentrepreneurs à générer une forte concurrence est très faible.
Par ailleurs, les autoentrepreneurs et les TPE sont présents dans le domaine de la rénovation. La TVA y est de 10 % en cas de facturation et de 20 % pour l’achat de matériaux. En net, la différence fiscale représente donc en moyenne seulement 3,5 % du chiffre d’affaires.
Pour ces deux raisons, même si l’on qualifiait la concurrence de « déloyale » – ce qui ne me semble pas pertinent –, le périmètre concerné serait très restreint.
Par ailleurs, soyons très concrets – j’en viens à un argument important évoqué dans le cadre de la discussion avec la Capeb et la FFB. Imaginons que nous baissions le seuil de TVA. Dans un monde idéal, rêvé, tout le monde appliquerait la loi, déclarerait la TVA et paierait toutes les charges. Nous savons toutefois que la création du statut d’autoentrepreneur a eu pour effet principal de faire passer tout un pan d’activités de l’économie informelle vers l’économie formelle. Par conséquent, et au vu de sondages effectués par certaines fédérations, on peut supposer que l’activité qui entraînerait un dépassement des seuils de chiffre d’affaires retournerait majoritairement dans l’économie informelle où on ne paie ni la TVA, ni les charges sociales, ni les impôts sur le revenu. En l’espèce, nous serions bien sûr face à un phénomène de concurrence déloyale.
Si une telle mesure était appliquée, il y a donc de fortes chances pour que la situation se dégrade encore plus. Voilà pourquoi je m’y oppose.
En outre, comme l’a dit M. de Courson, il ne semble pas possible, d’un point de vue constitutionnel, de prévoir une mesure pour un secteur spécifique – on peut le faire en revanche pour un type d’activité particulier. Les dispositifs proposés ne sont donc pas opérants même si ces amendements nous donnent au moins l’occasion de discuter de ces questions.
Il apparaît aussi, après la discussion générale, que nous sommes tous d’accord sur le fond du texte. Notre objectif est à présent d’aller le plus vite possible pour sécuriser les autoentrepreneurs. Il serait donc souhaitable d’obtenir au Sénat un vote conforme. Pour y parvenir, il est préférable que le dispositif soit le plus simple possible, autrement dit qu’on se contente d’un retour au droit existant.
Enfin, s’agissant des autoentrepreneurs qui passent d’un pays à l’autre, je précise à la collègue Piron que la TVA s’applique avec les mêmes seuils pour les activités qui ont lieu en France – qu’il s’agisse d’autoentrepreneurs français ou étrangers. S’ajoute un autre seuil : la somme des activités dans chacun des pays ne peut dépasser 100 000 euros, un chiffre légèrement supérieur au seuil de 85 000 euros et bien au-dessus de celui de 37 500. Le cas des autoentrepreneurs étrangers que vous évoquez me semble donc bien couvert par la proposition de loi.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je voudrais tout d’abord réagir aux propos de M. Antoine Léaument, qui souhaitait s’attribuer la primeur du dispositif. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Éric Lombard, ministre de l’économie et des finances, a proposé la suspension du dispositif dès le 6 février, donc bien avant que vous puissiez faire quoi que ce soit.
M. Antoine Léaument
C’est ce que je disais : ma vidéo date du 4 février ! Merci de me donner le point !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
J’en viens aux amendements qui prévoient d’établir un seuil spécifique pour les entreprises du bâtiment – un secteur, certes, particulier.
Dans le cadre de la concertation que j’ai menée, j’ai reçu un grand nombre de fédérations. J’ai pu entendre trois points de vue différents sur ce sujet. Les uns – comme la FFB ou la Capeb dans le secteur du bâtiment, mais aussi d’autres fédérations – sont favorables à l’abaissement du seuil de franchise de TVA à 25 000 euros. D’autres souhaitent revenir au dispositif antérieur, comme le prévoit la proposition de loi défendue par Paul Midy.
Une troisième catégorie d’acteurs est ouverte à un dispositif évoluant entre un seuil de franchise de TVA à 25 000 euros et les autres seuils tels qu’ils existaient – il peut y en avoir quatre. Les fédérations et organismes de cette troisième catégorie mettent souvent en avant un constat : dans le secteur du bâtiment, un problème de distorsion de concurrence se pose – je ne parle pas de concurrence déloyale. Personne ne peut nier la réalité de ce problème : j’en veux pour preuve qu’à l’automne dernier, lors de l’examen du PLF pour 2025, plus de cent députés issus de sept groupes parlementaires ont déposé un grand nombre d’amendements à ce sujet.
Je rappelle quelques chiffres. Parmi les 200 000 entreprises concernées par l’abaissement du seuil de franchise de TVA, 53 000, soit un quart, appartiennent au secteur du bâtiment. Autre chiffre important : dans le secteur du bâtiment, la moitié des entreprises dont le chiffre d’affaires se situe en dessous du seuil de franchise choisissent malgré cela, parce qu’elles peuvent y trouver un intérêt, d’être assujetties à la TVA, renonçant à bénéficier de la franchise en base de TVA. Le dispositif de la TVA ne pénalise donc pas forcément les entreprises de ce domaine et l’abaissement du seuil de franchise n’a pas forcément d’effet négatif sur elles.
Puisque le rapport d’évaluation du régime de l’autoentrepreneur établi en 2013 par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a été évoqué, je rappelle également – c’est important – que ce document indique très clairement qu’il n’y a pas de concurrence déloyale mais des distorsions de concurrence. En effet, lorsqu’il y a concurrence déloyale, c’est que les règles ne sont pas respectées. Dans le cas d’espèce, elles le sont mais, selon le rapport, on constate des distorsions de concurrence, c’est-à-dire des « entorses aux règles de la compétition entre prestataires qui avantagent l’un ou plusieurs d’entre eux sur leur marché ».
Compte tenu de la situation, comme vous l’aurez compris, le gouvernement souhaite que le débat ait lieu à l’automne prochain dans le cadre de l’examen du PLF pour 2026 dans le but de parvenir à une solution équilibrée prenant en compte la réalité de ces distorsions de concurrence, qui peuvent notamment exister dans le secteur du bâtiment, déterminant le seuil de franchise adéquat et atteignant un objectif de simplification.
Sur ces amendements en discussion commune, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Les députés du groupe LFI voteront contre ces amendements.
Je ne répéterai pas les arguments formulés par notre collègue Paul Midy mais je voudrais tout de même ajouter quelque chose.
Il aurait été honnête de la part des collègues qui ont présenté ces amendements d’écrire, à la fin de l’exposé de leurs motifs, qu’ils ont été travaillés avec FFB et la Capeb. Il n’y a pas de honte à dire avec qui l’on travaille ! Quand je rédige des amendements relatifs au logement, je cite bien souvent les associations de défense des locataires ou du droit au logement avec lesquelles je les ai élaborés. Lors du débat sur la fin de vie, par exemple, je n’ai pas hésité à dire que tel amendement avait fait l’objet d’un travail avec l’ADMD, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. C’est comme cela que l’on assure la transparence.
Vous estimiez, madame la ministre, que le fait que de nombreux députés aient déposé les mêmes amendements sur les mêmes sujets prouvait que le problème que ces amendements soulevaient était réel. Non : cela prouve seulement que la FFB et la Capeb se livrent à un très bon travail de lobbying, à tel point que beaucoup de députés ont été les premiers à dégainer des amendements presque copiés-collés, qui reprenaient intégralement leur argumentaire.
Vous affirmez qu’il n’y a pas de concurrence déloyale mais des distorsions de concurrence.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le rapport !
Mme Danielle Simonnet
Le rapport, fort bien ! Tout dépend de ce dont on parle. Je pense pour ma part que le problème tient, plutôt qu’à la TVA, au fait que de plus en plus d’entreprises – dans le secteur du bâtiment mais pas seulement – externalisent certaines tâches en se reposant sur une chaîne de sous-traitance en cascade au bout de laquelle se trouvent des autoentrepreneurs, afin d’essayer, comme on l’entend, de diminuer le coût du travail et de s’exonérer de toute obligation de payer ou de participer au paiement des cotisations sociales, afin de revenir au tâcheronnat du XIXe siècle.
Voilà le problème que nous rencontrons : s’il peut y avoir de vrais indépendants, des autoentrepreneurs créateurs de leur activité, ceux qui abusent de ce dispositif sont de plus en plus nombreux. Notre tâche n’est donc pas tant de résoudre un problème relatif à la TVA que, dans le cadre du débat sur la transposition de la directive européenne sur les travailleurs des plateformes numériques – vous avez raison : son titre officiel ne fait pas mention de la présomption de salariat –, d’empêcher l’abus consistant à recourir à de faux indépendants, qui constitue un salariat déguisé, que ce soit par les plateformes ou par le biais de la sous-traitance en cascade. (Mme Sandra Regol et M. Emmanuel Maurel applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Les grands chiffres qui motivent le rejet de ces amendements ont été rappelés. D’abord, dans le secteur du BTP, 2,7 % seulement du chiffre d’affaires est lié aux activités effectuées dans le cadre de microentreprises et la moitié des acteurs qui réalisent cette proportion très faible du chiffre d’affaires sont déjà assujettis à la TVA. Il s’agit donc ici d’une guerre absolument picrocholine.
Bien sûr, le fait que ces amendements ont été rédigés à l’extérieur de l’Assemblée nationale, comme cela a été dit à l’instant, ne nous échappe pas. Du reste, les députés qui les ont rédigés et déposés sont sans doute ceux-là mêmes qui avaient rédigé et déposé des amendements prévoyant d’instaurer une situation encore plus difficile pour les microentreprises, artistes, auteurs et avocats. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) En effet – il faut rappeler les chiffres –, certains membres de cette assemblée ne voulaient pas fixer un seuil de franchise à 25 000 euros mais bien à 18 750 euros !
Mme Danielle Simonnet
12 000 !
M. Hadrien Clouet
Quinze d’entre eux faisaient partie du groupe LR, quinze du groupe EPR, sept du groupe Horizons et soixante-dix des groupes RN et UDR. Si des gens à l’extérieur se demandent qui sont ces députés, qu’ils m’écrivent un courriel : je le leur préciserai – il serait trop long de les citer ici.
On a beaucoup entendu parler de concurrence loyale et déloyale. Collègues, sérieusement ! Vous voulez qu’on parle de concurrence déloyale dans le secteur du BTP ? Très bien ! Parlons de Bouygues, Vinci et Eiffage, les grandes majors monopolistes du secteur qui cassent les prix par le recours à la sous-traitance en cascade ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les petites entreprises sont notamment concernées.
Vous voulez parler de déloyauté ? Parlons-en au sujet des Jeux olympiques (JO), dont les grands projets pharaoniques ont notamment reposé sur l’exploitation violente de travailleuses et de travailleurs parfois dépourvus de titres de séjour. (M. Charles Sitzenstuhl s’exclame.)
Vous voulez parler de déloyauté ? Quelque 76 000 accidents du travail ont eu lieu en 2023 sur les chantiers du BTP, ce qui conduit des travailleurs temporaires à ne pas déclarer leurs accidents, sans quoi ils seraient blacklistés et ne pourraient revenir travailler le lendemain sur un chantier. Voilà ce qui s’appelle de la déloyauté et une concurrence inadmissible dans ce pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Les entreprises dont nous parlons sont utiles : il ne s’agit pas de gens qui veulent faire de l’optimisation fiscale. Ceux-là, ce sont vos amis ! Au contraire, celles et ceux dont nous discutons font vivre nos territoires et nous devons les protéger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Nous ne pouvons pas voter ces trois amendements, qui présentent un véritable risque d’inconstitutionnalité. En effet, comment justifier que les seuils qui s’appliquent au secteur du BTP soient différents de ceux qui s’appliquent aux autres secteurs d’activité ? On pourrait formuler les mêmes arguments relatifs à une éventuelle concurrence déloyale s’agissant par exemple du secteur des garages, des réparations. Si nous votions ces amendements, nous prendrions donc le risque de mettre le doigt dans un engrenage qui nous conduirait, dans la prochaine loi de finances, à abaisser les seuils pour tout le monde et à commettre ainsi à nouveau l’erreur qui fut celle du gouvernement de l’époque. Il faut donc vraiment rejeter ces trois amendements.
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Piron.
Mme Béatrice Piron
Je retire mon amendement…
M. Hadrien Clouet
Ah ! Excellent !
Mme Béatrice Piron
…pour satisfaire le rapporteur. Je remercie Mme la ministre d’avoir pris en compte et reconnu le fait qu’il existe une certaine distorsion de concurrence. J’ajoute qu’il faut vraiment penser aux systèmes de contrôle permettant de repérer la non-déclaration de la TVA par les microentreprises internationales ou étrangères qui, puisqu’elles ne déclarent jamais rien, dépassent le seuil de 25 000 euros de chiffre d’affaires.
M. Antoine Léaument
Bien !
Mme Béatrice Piron
Je veux insister sur ce point, dont j’espère que nous reparlerons lors de l’examen du prochain PLF. (M. le rapporteur applaudit.)
(L’amendement no 13 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Ne nous trompons pas dans les mots que nous employons. Nous venons de dire que nous avons besoin d’une fiscalité stable, lisible, prévisible et nous déciderions d’augmenter massivement les impôts ? Ne nous leurrons pas : ces amendements entraîneraient une augmentation d’impôt significative ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
C’est votre PLF !
M. Mathieu Lefèvre
Dans cet hémicycle, nous ne sommes pas d’accord sur tout – c’est le moins que l’on puisse dire ! Mais il me semble qu’un consensus nous rassemble autour de la proposition de loi de Paul Midy tendant à un retour au droit antérieur. Ne cherchons pas à complexifier la situation et revenons au dispositif ex ante ! Surtout, mes chers collègues, ayons bien conscience que la fiscalité est une passion française ! On pense réduire les problèmes de notre pays en actionnant le seul levier fiscal. (M. Guillaume Kasbarian applaudit.) Or nous n’y parviendrons pas ainsi ! Nous nous y prenons extrêmement mal ! Contentons-nous de ce que nous avons de mieux à faire ce soir et revenons au droit ex ante, qui fonctionne. Rejetons donc ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Mette.
Mme Sophie Mette
Je retire mon amendement…
M. Hadrien Clouet
Ah !
Mme Sophie Mette
…en espérant que le travail se poursuive en faveur des microentrepreneurs et des autoentrepreneurs. Je compte sur le travail parlementaire pour avancer dans cette direction.
(L’amendement no 18 est retiré.)
Mme la présidente
Monsieur Ray, l’amendement de M. Jean-Pierre Vigier est-il maintenu ?
M. Nicolas Ray
Oui.
(L’amendement no 14 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Paul Midy, rapporteur
Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 12.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 175
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue 88
Pour l’adoption 174
Contre 0
(L’amendement no 12 est adopté.)
Mme la présidente
Madame la ministre, sur cet amendement, il faudrait que vous nous indiquiez si vous acceptez de lever le gage.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Comme vous le savez, puisqu’Éric Lombard, ministre de l’économie et des finances, l’a annoncé, une instruction ministérielle a été prise le 28 mai pour suspendre l’application de la mesure pendant toute l’année 2025. Vous pouvez donc considérer que le gage est déjà levé. (M. le rapporteur applaudit.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 1er, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 175
Nombre de suffrages exprimés 175
Majorité absolue 88
Pour l’adoption 175
Contre 0
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 15, par les groupes Rassemblement national et Écologiste et social ; sur l’amendement no 10, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Après l’article 1er
Mme la présidente
Nous en venons à plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 1er.
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 15.
Mme Danielle Simonnet
Le nombre d’autoentrepreneurs augmente mais, dans la réalité, cette croissance est surtout due au développement de l’ubérisation, qui abuse de ce statut de manière illégale. En effet, à chaque fois que des travailleurs des plateformes numériques estent en justice contre les plateformes qui les emploient pour dénoncer un lien de subordination manifeste et du salariat déguisé en demandant à être requalifiés en salariés, ils gagnent.
Si vous m’avez reprise, madame la ministre, au sujet de l’intitulé exact de la directive européenne sur les travailleurs des plateformes numériques, reconnaissez néanmoins que cette dernière tend justement à instaurer une présomption de salariat applicable à ces travailleurs. On voit, dans tous les pays européens, que ce sont de faux indépendants. Pour remédier à cette situation, la directive oblige les États membres à transposer dans leur droit une inversion de la charge de la preuve de telle sorte que, dorénavant, les plateformes devront requalifier en salariés les indépendants qu’elles emploient – d’où la présomption de salariat. Il leur reviendra de démontrer qu’elles n’ont pas à le faire si elles contestent cette obligation.
Les autoentrepreneurs travailleurs des plateformes – pas forcément les autres – font l’objet d’une utilisation abusive de leur statut et doivent en plus payer la TVA. Or, quand ils seront salariés, ils ne paieront pas la TVA puisque c’est l’employeur qui s’en acquitte. Par exemple, le chauffeur d’un VTC paie la TVA non seulement sur le revenu qu’il tire de la course qu’il effectue mais aussi sur la commission qu’il verse à Uber, Bolt ou une autre plateforme. Anticipons la transposition en droit français de la directive « présomption de salariat », qui devra bien avoir lieu d’ici à décembre 2026, et décrétons dès à présent que les plateformes doivent s’acquitter de la TVA ! Il me semble que cela serait juste.
Je vous rappelle tout de même que lors des auditions menées dans le cadre de la commission d’enquête Uber Files, tout le monde a reconnu qu’on était dans l’illégalité, même des notes internes du ministère du travail le montraient. Donc anticipons en garantissant l’État de droit.
M. Antoine Léaument
Elle a raison !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Midy, rapporteur
L’amendement a été rejeté en commission.
Mme Danielle Simonnet
Il y avait égalité des voix !
M. Paul Midy, rapporteur
C’est vrai. Mais j’entends que c’est un amendement d’appel pour alerter sur les risques d’un salariat déguisé. Il faut en effet que le droit s’applique également si c’est le cas, mais je pense que votre amendement ne traite pas directement de cette question. J’en demande donc le retrait à titre personnel.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous proposez par cet amendement de désigner redevables de la TVA les plateformes de commerce électronique en lieu et place des petites entreprises qui y ont recours pour exercer leurs activités. Cette proposition est quelque peu différente de celle qui concerne le seuil de franchise de TVA mais, à ce stade, elle n’est pas conforme au droit de l’Union européenne régissant cette taxe puisque c’est uniquement dans des situations limitativement énumérées et sous de strictes conditions déjà transposées dans notre droit national qu’une telle possibilité existe.
Une phase de consultation va être lancée au cours du second semestre 2025 pour préparer la transposition de la directive sur les travailleurs des plateformes, qui aura lieu en 2026. Des situations telles que celle que vous évoquez pourront alors être abordées.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je profite de cet amendement de Danielle Simonnet pour répondre à mes collègues Jean-René Cazeneuve et Mathieu Lefèvre qui estiment contradictoire de demander la suppression d’une mesure introduite dans la dernière loi de finances par le gouvernement qu’ils soutiennent tout en exprimant son désaccord avec le statut d’autoentrepreneur.
Je vais vous expliquer : nous, nous refusons que ceux qui ont créé les conditions de l’exploitation des autoentrepreneurs les aggravent encore.
M. Emmanuel Maurel
Absolument !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Nous ne sommes pas contre les autoentrepreneurs, mais contre ce statut. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Gabrielle Cathala
Exactement !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Vous ne l’avez d’ailleurs pas créé pour eux, mais pour les plateformes. Je vous rappelle qu’un autoentrepreneur est trois fois plus pauvre qu’un salarié, que sa situation est précaire et qu’il n’a pas de protection sociale. Vous avez créé les conditions pour que les plateformes puissent exploiter les gens dans un cadre qui rappelle le travail à la tâche du XIXe siècle. Si c’est votre modèle social, il est évident en tout cas que ce n’est pas le mien.
En plus, ce statut vous a permis d’arranger les statistiques puisque 18 % des entreprises actives en 2014 étaient des microentreprises, et qu’elles sont 32 % aujourd’hui, ce qui alimente les créations d’entreprises dont vous vous vantez depuis 2017. Je ne crois pas que les autoentrepreneurs, qui sont les esclaves du XXIe siècle, puissent être comparés aux entreprises que vous vous vantez d’avoir multipliées.
Mme Élisa Martin
Exactement !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Pour toutes ces raisons, nous ne sommes pas d’accord avec vous. Et comme vous aimez citer le président, je vous rappelle qu’il a avancé l’idée que Uber valait mieux que dealer. Finalement, il y a toujours autant de dealers et encore plus de travailleurs ubérisés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. David Amiel
Il y a moins de chômage !
Mme la présidente
La parole est à M. Anthony Boulogne.
M. Anthony Boulogne
Le Rassemblement national a toujours été en première ligne lorsqu’il s’agit de défendre les travailleurs précaires et en particulier ceux des plateformes numériques. Nous l’avons dit et redit : l’ubérisation de l’économie, loin d’être une modernisation vertueuse, constitue une attaque en règle contre notre modèle social. Elle a été systématiquement encouragée par les gouvernements successifs, notamment par les macronistes qui ont fait le choix de la dérégulation au détriment des protections collectives.
Dans ce contexte, l’amendement de Mme Simonnet a le mérite sans doute de s’inscrire dans une réflexion plus large sur le statut des travailleurs des plateformes et des obligations fiscales de ces dernières. Il va dans le bon sens en posant une limite nécessaire car les plateformes ne peuvent continuer à se retrancher derrière un salariat déguisé pour contourner leurs obligations sociales et fiscales. Il s’agit d’un enjeu de justice économique et de concurrence loyale.
En acceptant que certains opérateurs échappent à la TVA sous prétexte qu’ils exploitent des indépendants, on encourage en réalité une forme de dumping social et fiscal intolérable. Ce sont nos PME, nos TPE, nos artisans et nos commerçants, respectueux des règles, eux, qui en payent le prix. Nous voterons donc en faveur de cet amendement. Non pas parce qu’il réglerait tout, mais parce qu’il envoie un signal clair. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Antoine Léaument
Et vous avez signé l’amendement à 18 000 euros ! C’est incroyable !
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Les arguments du président de la commission des finances me rappellent ceux que développait ici même le député Jean-Luc Mélenchon. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Excellente référence !
M. Charles Sitzenstuhl
J’étais à l’époque conseiller ministériel, mais je me souviens de ses propos et j’ai revu récemment la vidéo. Mais chers collègues, notamment Insoumis, je ne m’explique pas pourquoi vous n’allez pas jusqu’au bout de la démarche :…
M. Mathieu Lefèvre
Bien sûr.
M. Charles Sitzenstuhl
…si vous considérez que le statut d’autoentrepreneur ou de microentrepreneur relève d’une phase encore plus avancée du capitalisme que vous n’aimez pas, pourquoi ne proposez-vous pas la suppression de ce régime ? Il y a une incohérence dans vos prises de position à cet égard depuis plusieurs mois, mais je pense en avoir compris la raison : vous constatez tout simplement que ce régime est populaire et qu’il fonctionne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Pas dans la vraie vie !
M. Charles Sitzenstuhl
Institué par la droite, par l’Union pour un mouvement populaire, en 2008, par Nicolas Sarkozy, François Fillon et Hervé Novelli, ce régime a fonctionné à tel point que tous les candidats de gauche – je pense notamment aux candidats à la présidentielle de 2012, qu’il s’agisse de M. Mélenchon ou du candidat socialiste – avaient dit qu’ils reviendraient dessus, mais qu’ils ne l’ont pas fait.
M. Jean-François Coulomme
Nous le ferons !
M. Charles Sitzenstuhl
Permettez-moi de souligner vos contradictions : si vous n’aimez pas ce statut, allez au bout de votre démarche.
Nous, nous soutenons les microentrepreneurs et les autoentrepreneurs parce que nous pensons que ce statut permet à des Français de travailler et ainsi de s’insérer dans le marché de l’emploi ou du moins d’avoir un complément de revenu. Vous voulez vous rapprocher d’une cause que vous savez populaire, alors qu’au fond vous la dénoncez. Nous sommes contre ce type d’amendement.
Je conclurai en notant qu’il est tout de même étrange qu’encore une fois, le Rassemblement national va voter avec la gauche sur un sujet relevant de la fiscalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. David Guiraud.
M. David Guiraud
Le débat est intéressant. Le statut de microentrepreneur fonctionne tellement bien que je vais vous donner leur salaire moyen : 560 euros par mois en 2019 et 590 euros par mois en 2023. Si pour vous, le dispositif fonctionne bien, je comprends que vous ne vous rendiez pas compte que vous avez mis la société française de travers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs collègues, notamment M. Jean-René Cazeneuve, nous ont accusés d’être dans une contradiction en défendant les microentrepreneurs tout en dénonçant les effets précarisants de leur statut. Je comprends que pour eux, c’est un sacrilège que de défendre des Français qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts.
Pire, on vient de nous reprocher d’oser dénoncer un statut précarisant alors que certains députés LFI ont, dans une autre vie, été microentrepreneurs. Mais dois-je vous apprendre, monsieur Cazeneuve, qu’on vit dans une société avec toute sa complexité et toutes ses contradictions, nous y compris. Et vous, quand vous êtes en train de briser en deux la sécurité sociale, cela ne vous empêche pas de vous rendre chez le médecin en affichant un sourire Colgate triple XL car votre carte Vitale permet de vous faire rembourser les soins par la sécurité sociale. Et pourtant vous la détruisez ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Notre critique de fond, c’est qu’à travers ce dispositif des microentrepreneurs, vous vous inscrivez dans la droite ligne de ce que fait Emmanuel Macron depuis qu’il est élu président de la République : utiliser la TVA pour ponctionner, pour vampiriser toujours plus les Français, notamment ceux qui bossent, afin d’alimenter les caisses du grand patronat et de compenser les exonérations de charges sociales et les suppressions d’impôts, à hauteur de plus de 100 milliards d’euros. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Et dans le droit fil de cette stratégie, la TVA sociale est en train d’arriver… Vous l’avez déjà fait une fois sous Macron et vous voulez recommencer à hauteur de plus de 200 milliards d’euros, volés ainsi aux Français pour pouvoir enrichir les grands groupes. C’est bien pourquoi nous sommes contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs députés du groupe EPR
On n’a jamais augmenté la TVA !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Midy, rapporteur
Si notre objectif commun est bien de rechercher le vote conforme au Sénat à l’étape suivante et donc de revenir exactement à l’épure du droit existant, il ne faut pas que cet amendement soit adopté. Je me permets, chère collègue, de réitérer ma demande de retrait – je crois me souvenir que vous l’avez bien retiré en commission. À défaut, j’invite les collègues à le rejeter, c’est très important.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je voulais réagir aux propos du président de la commission des finances car je trouve profondément blessant de qualifier les autoentrepreneurs d’esclaves du XXIe siècle. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR. – M. Philippe Vigier applaudit également.) Aujourd’hui, le statut des microentrepreneurs est plébiscité car il offre l’occasion à un certain nombre de personnes de se lancer dans l’entrepreneuriat de manière très simple.
M. Jean-François Coulomme
Elles n’ont pas le choix !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Faut-il revoir le dispositif ? Peut-être mais, en tout cas, il est plébiscité. Quant aux chiffres que vous évoquez, monsieur Guiraud, ils doivent être corrigés : il faut en effet savoir que plus d’un autoentrepreneur sur deux cumule avec une activité relevant d’un autre statut.
Mme Danielle Simonnet
Parce que leur salaire n’est pas assez élevé !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
C’est un choix (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP) en fonction de dispositifs très différents. Certains sont autoentrepreneurs à titre d’activité principale, mais d’autres à titre d’activité secondaire, et un autoentrepreneur sur deux est salarié, que ce soit dans le privé ou dans le secteur public. Vous ne pouvez donc pas dire que ce statut ne correspond pas à une attente : il reflète le choix d’un certain nombre de personnes et il faut continuer à le soutenir.
Il convient en revanche d’accompagner les autoentrepreneurs et les microentrepreneurs, notamment par de la formation, pour qu’ils puissent évoluer vers un autre statut, pour que leur entreprise puisse grossir et qu’ils embauchent des salariés. Ce n’est pas toujours facile et ça mérite qu’on s’en soucie ; nous nous y attelons au gouvernement.
Mme la présidente
Madame Simonnet, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Danielle Simonnet
Oui.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 15.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 186
Nombre de suffrages exprimés 176
Majorité absolue 89
Pour l’adoption 101
Contre 75
(L’amendement no 15 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 10.
Mme Christine Pirès Beaune
Lors de nos différentes réunions de concertation post-réforme à Bercy, on s’est aperçu qu’il nous manquait pas mal de données. Parfois l’autoentrepreneuriat est choisi, mais parfois il est subi ; parfois c’est une activité accessoire, parfois une activité principale. Il concerne parfois plusieurs activités – on l’a vu tout à l’heure en évoquant l’exemple du bâtiment. Il nous semble nécessaire, avant de toucher à quoi que ce soit, de disposer d’éléments précis. D’où cette demande de rapport.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Midy, rapporteur
Depuis le début, toutes nos discussions montrent clairement qu’il y a besoin de mettre à jour les rapports existants et de disposer de plus de chiffres pour se projeter dans la modernisation du statut. Je suis donc favorable à titre personnel aux demandes de rapport, mais je vous rappelle l’objectif : voter un texte que le Sénat puisse adopter conforme. À cet égard, l’adoption de l’amendement précédent est une mauvaise nouvelle – ne pourrait-on pas revenir dessus en seconde délibération ?
Mme Danielle Simonnet
Vous n’avez qu’à supprimer l’Assemblée, ça ira plus vite !
M. Paul Midy, rapporteur
Par conséquent, demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. Il s’agit, je le répète, d’aller chercher le vote conforme du Sénat. À défaut, il y aura encore un ou deux mois de stress pour des millions d’autoentrepreneurs. Cela vaut le coup d’agir collectivement pour faire les choses bien, même si je suis favorable aux rapports – je voulais d’ailleurs déposer le même amendement.
Je profite de la présence de Mme la ministre déléguée pour lui demander qu’une mission soit diligentée, que les rapports existants soient mis à jour et que des moyens suffisants soient consacrés à ce que Mme Pirès Beaune demande, comme nombre d’entre nous.
Si vous ne le faites pas, je propose que nous le fassions au Parlement, mais que le gouvernement s’en occupe serait une bonne nouvelle.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
En réponse à la demande de rapport qu’exprime l’amendement, je signale que nous disposons déjà de certains éléments. Je pense au rapport du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) publié en septembre 2024 et à ceux des différentes fédérations d’autoentrepreneurs. Par ailleurs, nous aurons à nouveau l’occasion d’aborder ces questions à l’automne. Il ne me paraît donc pas opportun à ce stade de demander un rapport dans un délai de trois mois. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Sur le fond, je suis totalement d’accord avec l’amendement qui a été adopté. Toutefois, après son examen en commission, M. le rapporteur, qui lui était favorable, s’est rapproché du Sénat pour savoir si une version du texte intégrant cet amendement avait une chance d’y être adoptée, ce qui éviterait un passage en commission mixte paritaire (CMP). La réponse a été négative. Or je milite pour que nous transmettions au Sénat un texte qu’il puisse adopter. Sinon, nous perdrons deux mois et allons faire retomber dans l’angoisse les personnes qui attendent ce texte.
En revanche – et même si je comprends, madame la ministre déléguée, que cela ne soit pas dans les trois mois –, n’est-il pas possible d’avoir une actualisation des données et un rapport tel que celui demandé ? Ne pouvez-vous pas vous engager à nous fournir une étude dans l’année, notamment pour préparer le prochain PLF ? Cela rassurerait Mme Pirès Beaune et réglerait la question de son amendement, avec lequel nous sommes tous d’accord.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Je retire mon amendement car j’ai entendu ce qu’ont dit M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée et M. le président de la commission des finances. (M. le rapporteur applaudit.)
(L’amendement no 10 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 4.
Mme Mathilde Feld
Un peu comme celui de Mme Pirès Beaune, il vise à demander un rapport sur le chiffre d’affaires des microentreprises et sur les revenus de celles et ceux qui y travaillent.
L’attractivité du statut de microentrepreneur a été construite au détriment des salaires différés que sont les droits aux congés payés, aux aides au retour à l’emploi, aux arrêts maladie et à la retraite. Ce statut a ainsi constitué une aubaine pour nombre de grands groupes économiques et financiers, qui ont externalisé des activités préalablement assurées par des salariés pour remplacer ces derniers par des travailleurs pauvres payés à la tâche, sans code du travail ni convention collective pour les préserver de la fin de mission – un licenciement déguisé. La montée en puissance des plateformes utilisant ce statut comme salariat déguisé, avec Uber au premier rang, a accentué le phénomène. La massification de l’autoentrepreneuriat a permis de contourner le code du travail, pour le plus grand bonheur des sociétés ayant recours à ces services d’externalisation, et de désocialiser l’activité professionnelle, pour le plus grand bonheur des gouvernements libéraux, soucieux de serrer les vis budgétaires de la sécurité sociale au nom d’un déficit qu’ils alimentent eux-mêmes.
Avant de prendre des décisions sur ce que pourrait être la fiscalité des microentreprises, il est essentiel de faire ce que le gouvernement n’a pas réalisé préalablement à la conception du PLF pour 2025 : étudier la structure de leur chiffre d’affaires et des revenus qu’elles permettent, afin de mettre en place des mesures qui sortent les travailleuses et les travailleurs de la pauvreté et non qui les y plongent, comme le font les macronistes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Midy, rapporteur
Pour les mêmes raisons que celles invoquées à propos de l’amendement précédent, je demande le retrait de celui-ci. À défaut, mon avis sera défavorable.
Je profite du fait d’avoir la parole pour demander à Mme la ministre déléguée de réclamer une seconde délibération sur l’amendement no 15, qui serait rejeté par les sénateurs comme en CMP et qui, par ailleurs, n’est pas opérationnel. Sa première fonction était de susciter un débat important, que nous avons eu. Mais si nous voulons être efficaces et épargner deux mois supplémentaires de stress à 200 000 autoentrepreneurs, nous devons le rejeter et tout faire pour obtenir un vote conforme du Sénat.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Il est défavorable, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment. Madame Pirès Beaune, sans qu’il y ait un rapport formel, je m’engage à vous fournir les éléments disponibles avant l’examen du PLF pour 2026. Toutefois, cela ne sera pas fait dans les trois mois et certaines données demandées seront sans doute manquantes, comme l’estimation des cotisations sociales acquittées par les microentrepreneurs et la simulation des droits ouverts associés.
Sur l’amendement no 15, en réponse à l’attente de l’Assemblée nationale, je demande une seconde délibération. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – M. Paul Christophe applaudit également.)
Mme Stéphanie Rist
Bravo !
Mme la présidente
Madame Feld, maintenez-vous l’amendement no 4 ?
Mme Mathilde Feld
Je le retire, en espérant que nous aurons un vrai débat au moment de l’examen du prochain PLF. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 4 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Aurélien Le Coq
Madame la ministre déléguée, collègues macronistes, au moment de la CMP sur le PLF, vous avez joué aux apprentis sorciers avec la TVA en tripatouillant les seuils. Pourquoi avez-vous pris cette décision ? À voir comment vous rétropédalez désormais, il y a deux hypothèses. La première est celle de votre incompétence : vous vous seriez trompés et n’auriez pas fait exprès. La seconde, c’est que, consciemment, vous avez choisi de taxer les plus pauvres – et vous avez été pris la main dans le sac (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), la main dans la poche et dans le compte en banque des autoentrepreneurs.
Parmi les autoentrepreneurs qui galèrent, certains sont particulièrement précaires. Avec cet amendement, je veux appeler l’attention sur le sort des artistes auteurs. Écrivains, compositeurs, peintres ou photographes, ils sont 300 000 en France. Ils forment une population qui arrive à peine à survivre : 53 % des graphistes gagnent moins de 8 000 euros par an et la plupart des artistes auteurs se battent avec des revenus de quelques centaines d’euros. Et quand, par miracle, ils franchissent les seuils qui leur ouvrent le droit de cotiser pour leur retraite, ils sont menacés d’une TVA supplémentaire, alors qu’ils n’arrivent pas à vendre leurs prestations, alors que les collectivités territoriales ne prennent plus leurs expositions.
Comme pour tous les microentrepreneurs et comme pour l’immense majorité des autoentrepreneurs, vous prévoyiez de prélever 20 % sur l’ensemble de leurs revenus et non sur leurs seules ventes. Vous versez aujourd’hui des larmes de crocodile alors qu’avec le budget que vous avez voté, vous vouliez faire payer aux plus pauvres 400 millions d’euros supplémentaires que vous refusiez de prendre aux milliardaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Farida Amrani
Une honte !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Midy, rapporteur
Comme pour les autres demandes de rapports, je demande le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 5, ayant reçu un avis défavorable du gouvernement, est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Aurélien Le Coq
Votre budget d’austérité, votre budget anti-pauvres, votre budget antisocial a été imposé de force par une CMP et un 49.3. Ne faites pas comme si aucun d’entre vous n’en était responsable alors que je vois sur vos bancs M. Amiel, qui était rapporteur de la CMP ! (Protestations et brouhaha prolongé sur les bancs du groupe EPR.) Peut-être n’avez-vous toutes et tous rien vu ni entendu, peut-être avez-vous dû attendre que des vidéos sortent sur les comptes TikTok de certains parlementaires ou que les autoentrepreneurs se mobilisent, mais il y a dans cet hémicycle des gens qui étaient dans la CMP, qui se sont battus pour l’imposer et pour qu’elle soit conclusive.
Un député du groupe EPR
Baratin !
M. Aurélien Le Coq
Parmi les nombreuses victimes de la réforme que vous avez décidé aujourd’hui d’abroger, on compte notre État de droit et la capacité de chacune et de chacun à se défendre en justice. En effet, des avocats figurent parmi les assujettis au régime des microentrepreneurs et, quand le seuil de franchise baisse, leurs honoraires augmentent. En conséquence, des personnes qui sont juste au-dessus des seuils pour bénéficier de l’aide juridictionnelle n’ont plus les moyens de se payer un avocat et de se défendre correctement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Jean Terlier
C’est complètement faux !
M. Aurélien Le Coq
Vous pouvez faire des gestes dans tous les sens, mais c’est la réalité ! Votre mesure touche plein de facettes dans toute la société. C’est parce que vous refusez de le voir que nous avons déposé de nombreuses demandes de rapport. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Sur l’article 2 ainsi que sur les amendements nos 2, 3 et 9, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 6 ?
M. Paul Midy, rapporteur
J’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 6, ayant reçu un avis défavorable du gouvernement, est retiré.)
Article 2
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 2.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 193
Nombre de suffrages exprimés 193
Majorité absolue 97
Pour l’adoption 191
Contre 2
(L’article 2 est adopté.)
Titre
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 1, 2, 3 et 9, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Philippe Vigier
Encore ? Il sera retiré aussi ou pas ?
M. Aurélien Le Coq
Fait assez surprenant, au moins deux tiers de l’hémicycle semblent ce soir être frappés d’une forme d’amnésie collective, semblant découvrir un texte visant à corriger une erreur dont on ne sait d’où elle est arrivée. La réalité est que, des macronistes au Rassemblement national, vous êtes en pleine crise d’hypocrisie aiguë. (Approbation sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Or nous en sommes là parce qu’il y a quelques mois, un premier ministre, Michel Barnier – que nous avons ensuite mis dehors –, puis son successeur, François Bayrou – qui, lui, est malheureusement toujours là –, ont décidé qu’il fallait trouver des dizaines de milliards d’euros d’économies pour continuer d’offrir des cadeaux aux plus riches. Pendant la discussion du budget, il n’a pas été question de faire payer MM. Arnault, Mulliez ou Mittal. Eux, on peut continuer sans problème à les arroser et à les gaver d’argent public. Et qui a-t-on fait payer à leur place pour trouver les 400 millions d’euros d’économies supplémentaires réclamées par le gouvernement ? Vous avez pris cette somme aux coiffeurs, aux petits artisans, aux boulangers, aux graphistes, à ceux qui n’ont pas les moyens de se rémunérer.
Mon collègue Guiraud l’a rappelé tout à l’heure : le revenu moyen des autoentrepreneurs est de 590 euros par mois – 590 euros ! Et vous osez nous expliquer que le régime actuel est plébiscité ?
Mme la présidente
Merci, cher collègue.
M. Aurélien Le Coq
Les gens n’arrivent pas à vivre correctement de leurs salaires, ils travaillent en temps partiel ou par intérim. La voilà, la réalité ! Avec cet amendement, nous souhaitons dénoncer cette hypocrisie, qui s’étend jusqu’aux bancs du Rassemblement national et jusqu’à la première des fraudeuses, Marine... (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Plusieurs députés du groupe LFI-NFP applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Mathilde Feld
Nous proposons de donner à cette proposition de loi un titre descriptif et factuel en rapport avec son contenu, à savoir « proposition de loi abrogeant la réforme du seuil de la taxe sur la valeur ajoutée pour les autoentrepreneurs ».
Il nous semblerait absurde de conserver un titre trop long et par ailleurs pompeux, qui décrit si mal le contenu du texte. Manquer à ce point de lisibilité tout en faisant la promotion de celle-ci dans le titre relève pour le moins du paradoxe ! De fait, le cadre fiscal serait stable si une loi ne venait le modifier : il paraît contre-intuitif de vouloir garantir sa stabilité tout en légiférant. Il nous semble important de rompre avec la tentation de la grandiloquence, qui ne fait que dégrader la lisibilité de la loi alors que cette dernière est un objectif à valeur constitutionnelle que tout élu devrait garder en tête.
Non, la proposition de loi n’a pas vocation à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible. Cela aurait supposé d’effectuer en amont un travail de fond afin de déterminer ce qu’est une fiscalité juste pour les microentreprises et de déterminer quelle contribution fixer pour quels droits – un chantier que le rapporteur se garde bien d’ouvrir. La proposition de loi vise simplement à maintenir une stabilité fiscale par rapport à 2024, stabilité qui a été remise en cause par le gouvernement et ses alliés. Cesser de dévoyer le langage et nommer correctement les choses, c’est quand même le minimum ! Cela passe par le changement de titre de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Hadrien Clouet
Lui aussi vise à donner au texte un titre en adéquation avec son contenu. En l’espèce, il s’agit de reprendre l’intitulé de la proposition de loi que nous avions déposée à la fin février à l’Assemblée nationale en vue d’abroger les dispositions dont nous discutons ce soir. Ce texte est celui qui avait recueilli le plus grand nombre de signatures : nous étions quatre-vingt-onze à l’avoir déposé – sans aucun effet. Or lorsque quatre-vingt-dix parlementaires d’un groupe différent prennent conscience du problème et déposent devant le bureau de l’Assemblée une proposition visant à abroger votre politique fiscale injuste, eh bien là, comme par hasard, ça se réveille !
Une réunion a lieu à Bercy. Des macronistes se disent : « Mince ! Qu’ai-je voté ? » Une partie des députés siégeant sur les bancs qui nous font face – ceux du RN – s’exclament : « Ciel ! Qu’ai-je copié-collé dans un amendement sans rien y comprendre ? » Nous assistons à une opération de clairvoyance. Les uns n’avaient pas compris ce qu’ils avaient déposé – ce n’est pas très grave. Les autres l’avaient compris et se rendent compte après coup que ce n’est pas tenable – c’est beaucoup plus grave. Dans les deux cas, cela nous montre que la lutte paye. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Philippe Vigier
La lutte finale ?
M. Hadrien Clouet
Tel est le message qui doit sortir de l’Assemblée nationale ce soir : la lutte paye – la lutte des artistes-auteurs, des avocats, des esthéticiens et esthéticiennes, des guides conférenciers, de tous ces corps de métier qui ont été en grande partie précarisés, dont la moitié exerce sous le statut de microentrepreneur par choix, l’autre moitié, par défaut, subissant les logiques de restructuration du marché. Quelle que soit la raison qui leur fait partager ce destin commun, c’est parce qu’elles et ils se sont battus ensemble que nous sommes là ce soir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Le vote qui aura lieu dans quelques minutes sera une manière de leur dire bravo. La France est fière de celles et ceux qui se battent ; la France est fière de ses microentrepreneurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
L’amendement no 9 de Mme Christine Pirès Beaune est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Paul Midy, rapporteur
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Les titres proposés sont intéressants par certains aspects mais ils sont incomplets.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Avis défavorable sur les quatre amendements.
Madame Feld, monsieur Le Coq, les titres que vous proposez ne correspondent pas du tout à la réalité.
M. Hadrien Clouet
Mais le mien, si !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous évoquez des autoentrepreneurs ou des microentrepreneurs. Or ce qui est visé par la proposition de loi, c’est le seuil de franchise de TVA qui s’applique à l’ensemble des entreprises – parmi lesquelles un tiers ne relève pas de l’auto- ou du microentrepreneuriat. À chaque fois, vous faites une confusion entre ces dispositifs pourtant complètement différents.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
(Les amendements nos 1, 2, 3 et 9 sont retirés.)
Seconde délibération
Mme la présidente
En application de l’article 101 du règlement, le gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 1er bis.
Article 1er bis (seconde délibération)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1, visant à supprimer l’article 1er bis.
M. Paul Midy, rapporteur
Le présent amendement, qui résulte de la demande de seconde délibération par le gouvernement, tend à supprimer l’article introduit par suite de l’adoption de l’amendement de notre collègue Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Notre excellente collègue Simonnet, s’il vous plaît ! (Sourires.)
M. Paul Midy, rapporteur
Notre excellente collègue Simonnet – j’espère obtenir en échange un vote en faveur de l’amendement ! (Sourires.)
L’objectif est, en supprimant l’article, d’assurer un vote conforme au Sénat afin que l’on en finisse le plus rapidement possible, que l’on n’ait pas à convoquer une CMP et que les 200 000 entrepreneurs concernés ne perdent pas encore deux mois. Votez massivement pour cet amendement, ce serait formidable ! Je vous demande de vous exprimer non sur le fond, mais en faveur d’un vote conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Jean-Paul Mattei
Pour la sécurité !
Mme Danielle Simonnet
Je demande une suspension de séance, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Quel est l’avis du gouvernement sur l’amendement du rapporteur ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
J’ai demandé une seconde délibération afin de répondre au souhait exprimé par le Parlement. Je m’en remettrai donc à la sagesse de l’Assemblée pour ce qui concerne cet amendement.
J’ajouterai, sur le ton de la plaisanterie, que c’est la première fois qu’en qualité de ministre je demande une seconde délibération et que je me réjouis que cette demande fasse plaisir à chacun, parce qu’en général, ce n’est pas le cas ! (M. le rapporteur applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Pour ma part, non seulement je soutiens cette seconde délibération, mais je l’ai même demandée – voilà qui n’est pas banal, en effet ! En l’état, vu les rapports de force, le texte n’a aucune chance d’être adopté conforme au Sénat ; il y aura une CMP à l’issue de laquelle l’article introduit par suite de l’adoption de l’amendement de Mme Simonnet ne sera pas conservé. Nous risquons ainsi de perdre deux mois pour rien. Néanmoins, sur le fond, je suis entièrement d’accord avec l’amendement et il faudra bien que cette transcription voie le jour.
Ce petit épisode montre en tout cas que c’est une bonne chose que l’Assemblée vote ; si nous avions voté sur le budget, à mon avis, nous n’aurions pas eu à discuter de cette proposition de loi aujourd’hui, parce qu’une telle mesure n’aurait jamais été adoptée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
D’abord, je note avec fierté – une fierté collective – qu’il existe dans cet hémicycle une majorité de personnes qui considèrent que l’ubérisation, ou plutôt le capitalisme de plateforme, abuse du statut d’autoentrepreneur. Il s’agit en réalité d’un salariat déguisé. Il serait urgent de transposer la directive relative à la présomption de salariat : c’est aux plateformes de payer la TVA, non aux travailleurs.
Cela étant dit, j’entends néanmoins l’argument de M. le rapporteur et de Mme la ministre déléguée : si nous sommes réunis autour de ce texte, c’est que nous voulons que, dans les plus brefs délais, notre assemblée puisse réparer la faute politique commise par le gouvernement, qui avait introduit cette mesure injuste dans la loi de finances au Sénat après avoir activé le 49.3. Pour cela il faut un texte aussi simple que possible et tel que le Sénat le vote conforme.
Étant par ailleurs attachée à l’unité du Nouveau Front populaire,…
M. Laurent Jacobelli
Ça existe encore, ce machin ?
Mme Danielle Simonnet
…j’ai pris langue avec tous les groupes qui le composent et je crois pouvoir affirmer que tous s’abstiendront afin de permettre de revenir sur cette mesure fiscale.
Entendez bien toutefois que le débat sur l’ubérisation devra avoir lieu, de même que toutes les concertations nécessaires pour transposer la directive européenne sur la présomption de salariat. Il s’agit en effet du problème principal pour les autoentrepreneurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Midy, rapporteur
Merci à la collègue Simonnet pour ces propos…
Mme Danielle Simonnet
L’excellente collègue Simonnet !
M. Paul Midy, rapporteur
L’excellente collègue Simonnet – on va aller jusqu’au bout !
Afin de m’assurer que tout le monde soit au clair avant de voter, je rappelle que si vous voulez que le vote soit conforme, il faut voter en faveur de cet amendement. Je vous conjure de le faire en masse ou de vous abstenir. Merci beaucoup !
(L’amendement no 1 est adopté ; en conséquence, l’article 1er bis est supprimé.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Explications de vote
Mme la présidente
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Bruno Clavet.
M. Bruno Clavet (RN)
Les députés du groupe Rassemblement national voteront pour ce texte. Notre engagement en faveur des autoentrepreneurs et des très petites entreprises est total. Nous avons toujours défendu la réussite économique et l’entrepreneuriat, et cela ne changera pas.
Je souhaite néanmoins répondre aux collègues qui nous ont interpellés. Collègues macronistes, vous nous traitez d’hypocrites,…
M. Antoine Léaument
Non, c’était nous !
M. Bruno Clavet
…mais de qui vous moquez-vous ? Vous voulez mettre un terme à la réforme des seuils de franchise en base de TVA, que vous jugez très mauvaise, mais vous soutenez le gouvernement qui a fait adopter cette mesure sans passer par un vote. Quel culot de prétendre défendre les autoentrepreneurs alors que votre propre gouvernement veut leur faire les poches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Quant à vous, collègues de gauche, nous n’avons aucune leçon à recevoir d’élus dont le programme économique conduirait la France à la ruine ! On s’en est aperçu lors des débats budgétaires, vous n’avez que le mot « impôts » à la bouche. L’impôt confiscatoire, celui qui tue toute initiative économique, voilà votre projet.
M. Hadrien Clouet
Les 18 000 euros, on en parle ?
M. Bruno Clavet
Vous vous posez en défenseurs des autoentrepreneurs alors que vous êtes les premiers à vouloir extorquer aux acteurs économiques le fruit de leur travail. Vous n’avez jamais défendu la France qui travaille ; vous préférez celle qui casse et qui ruine notre pays. (Mêmes mouvements.)
Quant à nous, chers collègues, nous restons fidèles à la ligne défendue par Marine Le Pen :…
M. Philippe Vigier
Rendez-nous Jordan !
M. Bruno Clavet
…récompenser ceux qui travaillent, favoriser l’initiative et l’innovation. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Bien sûr, je le répète, le groupe Rassemblement national votera en faveur de cette proposition de loi, dont nous espérons que le Sénat se saisira rapidement afin qu’elle soit adoptée dans les plus brefs délais. Nous le devons à des millions d’indépendants et d’autoentrepreneurs qui vivent avec la boule au ventre. Chers collègues, mettons fin à cette réforme inique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre (EPR)
Je commence par saluer le travail du rapporteur Paul Midy sur cette proposition de loi, examinée à l’initiative du groupe EPR. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Paul Midy est un défenseur inlassable de l’esprit d’entreprendre ; il l’a montré ce soir encore. Je salue également le travail du gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) Les concertations ont été menées très rapidement par la ministre déléguée, après que l’on s’est aperçu que cette mesure constituait un mauvais coup porté à la France qui travaille, cette France qui a envie de réussir et qui demande simplement qu’on la laisse le faire sans changer son cadre fiscal et réglementaire tous les quatre matins.
Nous avons assisté à un bal des hypocrites dans cet hémicycle – en effet, monsieur Clavet : entre La France insoumise qui, il y a quelques années, qualifiait les autoentrepreneurs d’auto-esclaves et vous-mêmes, chers collègues du Rassemblement national, qui proposiez de les taxer encore plus – ce n’était pas il y a si longtemps, le 15 octobre dernier – dans un amendement que l’on peut retrouver sur le site de l’Assemblée.
Que nous dit cet épisode de notre façon de travailler, si ce n’est que la censure et les modalités d’examen du projet de loi de finances qui s’ensuivent sont une mauvaise façon d’aborder le budget, dangereuse pour l’esprit d’entreprendre de ce pays ? Il nous montre également que la fiscalité est toujours une facilité, dont les Français qui ne demandent qu’à vivre de leur travail finissent par payer le prix.
Ce soir, nous corrigeons une injustice. Merci à Gabriel Attal et à Paul Midy de l’avoir permis ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
On en reparlera à propos de la TVA sociale !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP)
Ce soir, c’est une victoire de la mobilisation des autoentrepreneurs et des microentrepreneurs : ils sont parvenus à faire reculer le gouvernement d’Emmanuel Macron, François Bayrou et l’ensemble de la minorité présidentielle.
M. Philippe Vigier
Vous, vous êtes ultraminoritaires !
M. Aurélien Le Coq
Parce que vous avez tendance à passer en force, qu’il est rare que vous reculiez, gloire à celles et ceux qui sont parvenus à défendre leur travail et leurs revenus par leur mobilisation !
M. Jean-René Cazeneuve
Spartacus ! (Sourires.)
M. Aurélien Le Coq
Vous nous avez accusés de ne pas aimer les microentrepreneurs,…
Mme Stéphanie Rist
Mais c’est vrai !
M. Aurélien Le Coq
…de ne pas aimer la France qui travaille, mais dites-moi, chers collègues, quel type d’amour consiste à vouloir les taxer davantage ? Sont-ce là les preuves d’amour que vous leur donnez ?
La mesure que nous abrogeons aujourd’hui, c’est encore vous qui en parlez le mieux. Puisque vous voulez un cadre « juste et lisible », c’est que la mesure de votre gouvernement était injuste et illisible. Puisque M. Lefèvre affirme que ce texte recelait un « mauvais coup » porté à la France qui travaille, vous reconnaissez que le président de la République, la majorité qui a fait passer le budget en force et son gouvernement sont les auteurs du mauvais coup.
Pour ce qui est du Rassemblement national (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN), vous pouvez bien vous déguiser en chevaliers blancs de l’autoentrepreneuriat, vous ne ferez oublier à personne – à personne ! – que vous étiez les premiers à proposer une mesure bien plus violente. M. Anthony Boulogne, monté tout à l’heure à la tribune pourfendre cette mesure, est lui-même signataire de l’amendement no 229 au projet de loi de finances, qui visait à l’aggraver. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Dominique Voynet applaudit également.) Mais ce n’est pas tout : M. Sébastien Chenu, vice-président du Rassemblement national, Mme Edwige Diaz, vice-présidente du Rassemblement national, M. Laurent Jacobelli, Mme Laure Lavalette ont eux aussi signé cet amendement.
À force de mentir, vous êtes devenus les premiers fraudeurs du système politique. Dès le budget 2023, vous aviez commencé à vous en prendre aux autoentrepreneurs : le même amendement avait alors été déposé ; parmi ses signataires, figurait – excusez du peu ! – Mme Marine Le Pen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Laurent Jacobelli
Il y a un temps de parole spécial pour LFI ?
M. Aurélien Le Coq
Oui, nous abrogeons aujourd’hui l’une des mesures injustes d’un budget où elles se ramassent à la pelle, un budget dont l’unique objectif était de continuer à frapper les plus pauvres, celles et ceux qui galèrent déjà. Oui, madame la ministre déléguée, si la moitié des autoentrepreneurs sont aussi des salariés, c’est peut-être que ce pays compte de plus en plus de salariés pauvres, que la plupart des emplois qui s’y créent sont des emplois précaires, des intérims et des contrats courts, si bien que les gens ont besoin d’un complément de revenu.
M. René Pilato
Le travail ne paie pas !
Un député du groupe RN
La prochaine fois, tu ne voteras pas pour eux !
M. Aurélien Le Coq
Non, il ne s’agit pas d’un régime populaire, parce que personne n’aime la précarité, personne n’aime la galère, personne n’aime aller bosser pour survivre, ce dans quoi vous enfermez les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Comme cela a été rappelé, vous avez l’habitude de tripatouiller la TVA pour faire des cadeaux aux plus riches.
Un député du groupe RN
Tu les as fait élire, ce sont tes copains !
M. Aurélien Le Coq
Comme vous avez abrogé cette mesure injuste, il faudra bientôt abroger les autres. En effet, vous avez annoncé l’instauration d’une TVA sociale, mesure la plus injuste qui soit, qui consiste à faire peser sur la consommation populaire, à faire payer à toutes les familles, chaque fois qu’elles se rendent dans un supermarché pour acheter un pack de lait, une baguette ou que sais-je, les 90 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales dont vous faites chaque année bénéficier les employeurs, leurs patrons.
M. Laurent Jacobelli
Encore cinq secondes et il va chanter « L’Internationale » !
M. Aurélien Le Coq
Vous appliquez déjà cette méthode en volant 100 milliards de TVA dans les poches des plus pauvres pour compenser les cadeaux que vous faites aux plus riches.
Alors, chers collègues, c’est déjà une victoire que l’abrogation de cette mesure injuste, mais il faudra en venir un jour ou l’autre – et si possible mercredi prochain – à la censure de ce gouvernement pour l’empêcher de commettre encore de tels méfaits. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC)
Les députés du groupe Socialistes et apparentés voteront bien sûr en faveur de ce texte. Répondant, je crois, à l’un de nos collègues, vous avez rappelé, madame la ministre déléguée, que le ministre Lombard avait annoncé la suspension de la mesure dès le 6 février dernier. Vous auriez pu ajouter que dès avant cette annonce, je vous avais alertée sur la dangerosité de cette disposition et que le 11 février, je vous avais interrogée à ce sujet dans le cadre des questions d’actualité au gouvernement, car la nouvelle avait semé la panique – je dis bien la panique – chez les autoentrepreneurs.
M. Inaki Echaniz
Tout à fait !
Mme Christine Pirès Beaune
J’entends bien que vous veniez d’être nommée à votre poste, mais vous m’aviez opposé plusieurs raisons fallacieuses, invoquant d’abord la nécessité de transposer une directive européenne, alors même que la transposition avait eu lieu dans la loi de finances pour 2024 (M. Inaki Echaniz applaudit), avant d’affirmer que le régime de TVA des microentrepreneurs était censé être transitoire d’après le rapport Novelli, lequel ne prévoyait rien de tel – vous l’avez reconnu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Devant le tollé, vous avez suspendu la réforme. Je pense pourtant que ce soir, les bénéficiaires de franchises en base de TVA – tous ne sont pas autoentrepreneurs, il est vrai – ne sont pas tout à fait rassurés. Je crains même qu’à l’issue de nos débats, ils ne soient très inquiets. En effet, vous avez laissé entendre à plusieurs reprises que ce régime de franchise pourrait faire l’objet d’une réforme lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Or le problème ne tient pas à la franchise en base de TVA, mais à tous les autres sujets de préoccupation dont nous avons parlé ce soir. Aussi me paraît-il utile que vous rassuriez les autoentrepreneurs, ne serait-ce qu’en leur garantissant que leur voix, celle de leurs représentants, de la Fédération nationale des autoentrepreneurs et microentrepreneurs (FNAE) et de l’Union des autoentrepreneurs (UAE) seront entendues.
En tout cas, ce soir, je me réjouis que ce texte close un épisode fâcheux et fasse l’objet, si j’en crois ce que j’entends, d’un vote unanime. Souhaitons que le Sénat s’en saisisse très rapidement, afin que tout le monde soit au moins rassuré avant l’été ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Corentin Le Fur.
M. Corentin Le Fur (DR)
Le groupe Droite républicaine votera évidemment en faveur du texte qui nous rassemble aujourd’hui et que je remercie le rapporteur Paul Midy d’avoir déposé. Je remercie également Mme la ministre déléguée Véronique Louwagie, qui a très tôt suspendu la mesure que nous nous apprêtons à abroger.
La Droite républicaine est profondément attachée aux autoentrepreneurs de ce pays, qui s’inquiétaient à juste titre d’une mesure qui a suscité beaucoup de stress et d’angoisse, de détresse parfois. Je me réjouis donc que nous puissions clore cet épisode fâcheux. Défendons la liberté d’entreprendre – c’est fondamental ! –, défendons la France qui travaille, tous ceux qui bossent ! Ces milliers d’autoentrepreneurs, souvent des femmes habitant en zone rurale, ont aussi le souhait d’adapter leurs conditions de travail à leur situation personnelle. Beaucoup de femmes célibataires, de « mamans solos » choisissent le statut parce qu’il est adapté à leur mode de vie, qu’il en préserve la qualité.
Je tiens à rappeler que la Droite républicaine est à l’origine d’un statut que l’on doit – cela a été dit – à Hervé Novelli et à Nicolas Sarkozy. Il convient de défendre ce statut, celui de milliers et milliers de microentrepreneurs de ce pays. Cela ne nous exonère pas pour autant d’une réflexion sur les limites de ce modèle, voire ses dérives – comme le salariat déguisé ou une forme de concurrence déloyale, qui existe bel et bien, notamment dans le secteur du bâtiment –, que je vous sais déterminée à traiter, madame la ministre déléguée. Il faut travailler sur ces sujets, et l’examen du PLF pourra fournir l’occasion de le faire.
Cependant, ce n’est pas l’objet du jour : aujourd’hui, réjouissons-nous de l’unanimité qui nous rassemble. Je veux aussi saluer la sagesse de la gauche qui a accepté cette seconde délibération pour permettre au texte d’être adopté le plus rapidement possible.
Mme Dominique Voynet
Merci Danielle !
M. Corentin Le Fur
Quand le Parlement arrive à s’unir – ce n’est pas si fréquent –, on peut s’en réjouir ! Je souhaite désormais que le Sénat se saisisse au plus vite de la proposition de loi afin que cette mesure soit abrogée. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet (EcoS)
Je voudrais d’abord dire que la lutte, ça paye. Je félicite les autoentrepreneurs et les microentrepreneurs : bravo à vous ! Vous nous avez inondés de courriels et je vous dis merci. Vous avez organisé des rassemblements, comme aux Invalides, et vous avez fait connaître vos métiers à travers de nombreux témoignages. Nombre d’articles de presse témoignent aussi des manifestations qui ont eu lieu dans plusieurs départements. Votre lutte a payé ! Nous allons voter ce texte, sans doute à l’unanimité.
Cela dit, j’ai encore une question : entre M. Paul Midy et le gouvernement, qui dit la vérité, qui ment ? Si la suspension décidée par le gouvernement jusqu’au prochain PLF est véritablement effective, cette proposition de loi n’était pas nécessaire. Le texte de M. Paul Midy est-il vraiment utile, ou n’est-il qu’une opération de récupération destinée à redorer le blason de la Macronie ?
M. Hadrien Clouet
Ça, c’est l’après-Midy !
M. Timothée Houssin
Vous cherchez Midy à quatorze heures !
Mme Danielle Simonnet
Celle-ci, en effet, s’était totalement discréditée auprès des autoentrepreneurs lorsqu’elle a fait adopter cette mesure scandaleuse au Sénat au moyen d’un amendement gouvernemental, alors que l’Assemblée avait été contournée par l’utilisation du 49.3 !
Nous avons donc besoin de savoir : si la proposition de loi est utile, cela signifie que l’annonce du gouvernement n’était pas fiable ; à l’inverse, si la suspension est effective, alors la proposition de loi ne sert à rien ! Malgré tout, vous l’avez bien compris, nous voterons ce texte. Nous voulons rassurer les autoentrepreneurs et nous devons tout faire pour que le Sénat puisse l’adopter conforme, afin de garantir et de sécuriser son application.
Je précise tout de même que je souhaiterais voir l’Assemblée examiner un texte de loi plus large sur cette question. Le gouvernement voulait certes abroger la mesure, mais pas dans tous les secteurs ! Son application au secteur du bâtiment, notamment, a été débattue. Madame la ministre déléguée, je vous préviens : nous n’accepterons pas le moindre tripatouillage qui viserait à la réintroduire dans le prochain PLF. Votre engagement doit être clair et ferme : on ne tripatouillera plus la TVA et ses seuils ! Cela me paraît essentiel.
J’ajoute que si le groupe Écologiste et social a accepté que la seconde délibération revienne sur l’adoption de son amendement, il se réjouit de voir qu’une majorité peut se dessiner, dans notre hémicycle, contre l’ubérisation et contre le capitalisme de plateformes : c’est une fierté collective ! J’espère qu’une même majorité permettra de transposer la directive européenne dans notre droit français. Il faut faire disparaître les abus liés à l’utilisation du statut d’autoentrepreneur – un statut de « faux indépendant » – par les plateformes mais aussi par les entreprises qui externalisent, ce qui leur permet de baisser leurs coûts en évitant d’assumer leurs responsabilités d’employeurs, d’appliquer le code du travail et de verser des cotisations sociales. Tout le projet d’Emmanuel Macron, qui l’avait d’ailleurs écrit dans son livre Révolution,…
M. Timothée Houssin
Vous l’avez lu en entier, c’est bien !
Mme Danielle Simonnet
…était de casser le salariat et le système de protection sociale en soutenant l’ubérisation : nous devons y mettre un terme pour faire respecter l’intérêt général et l’État de droit, et nous devons aussi donner les moyens à nos administrations de s’en assurer. Actuellement, ce n’est pas le cas. Ces plateformes sont hors-la-loi : elles ne respectent ni le code du travail, ni les règles de la concurrence, ni celles de la fiscalité puisqu’elles ne payent pas leurs impôts en France. Pourtant, on ne donne pas aux administrations les moyens de faire respecter l’État de droit.
Pour tous les autoentrepreneurs, l’abrogation de cette mesure va donc être un soulagement. J’espère qu’elle sera aussi un signal : le gouvernement doit cesser de taper sur les petits. Vous avez besoin de trouver de l’argent ? Nous savons où il y en a. Il faut taper sur les gros, pas sur les petits !
M. Emeric Salmon
Il ne faut taper sur personne !
Mme Danielle Simonnet
Alors que vous avez voulu vous attaquer aux autoentrepreneurs, je pense à une autre profession qui se mobilise en ce moment, celle des taxis : en instaurant une nouvelle tarification de l’assurance maladie pour le transport de patients en taxis conventionnés, lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), vous vous êtes encore attaqués aux petits ! Et pendant ce temps, les plateformes, qui s’exonèrent de leurs obligations, appauvrissent l’État et la sécurité sociale.
Je pense que vous avez été sincère, monsieur Midy, et peut-être les 100 députés macronistes qui ont soutenu votre initiative l’étaient-ils aussi. Je vous propose donc quelque chose : puisque vous ne souhaitez pas vous attaquer aux petits, faisons une proposition de loi visant à abroger la mesure introduite dans le dernier PLFSS s’agissant des taxis ! Nous avons d’ailleurs toute une série d’ateliers des lois à vous proposer : ils pourraient déboucher sur de nouveaux textes qui permettraient de revenir sur toutes les mesures qui ont été imposées de manière scandaleuse par le gouvernement à notre assemblée.
Trêve de plaisanteries : si nous avions pu débattre du budget dans cet hémicycle, nous n’en serions pas là. Il me reste quelques secondes pour vous dire : renoncez au 49.3 et vous n’aurez plus à corriger ce type d’erreurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Mette.
Mme Sophie Mette (Dem)
Le groupe Les Démocrates votera cette proposition de loi. Je voudrais particulièrement remercier Paul Midy et Mme la ministre déléguée, qui ont parfaitement défendu notre position s’agissant des autoentrepreneurs. Comme je l’ai dit lors de l’examen du texte, il est tout à fait nécessaire de trouver une issue législative rapide pour sécuriser juridiquement le régime de franchise en base de TVA.
Nous appelons au lancement rapide d’une grande réflexion sur le régime spécifique des autoentrepreneurs et sur ses potentielles dérives par rapport à sa vocation initiale, qui était de constituer un tremplin vers une activité pérenne et un statut protégeant mieux le chef d’entreprise. Il est crucial que nous trouvions un équilibre sur cette question : nous devons garantir aux autoentrepreneurs un cadre juridique lisible et faire baisser la pression fiscale sur le coût du travail tout en veillant à ne pas créer d’injustices fiscales.
Notre groupe s’y efforcera lors de l’examen du prochain projet de loi de finances : vous pouvez compter sur notre engagement en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau (LIOT)
En tant que nouveau député, je ne me lasse pas d’admirer la grande qualité de notre assemblée : sur un texte à propos duquel nous sommes tous d’accord, nous avons réussi à nous disputer pendant plus de trois heures ! (Sourires et applaudissements sur divers bancs.)
Cela dit, le groupe LIOT ne dérogera bien évidemment pas à cette belle unanimité : il votera le texte proposé par Paul Midy pour régler le problème relatif au seuil de franchise de la TVA. Par la suite, s’il n’est pas question de remettre en cause le statut de microentrepreneur ou d’autoentrepreneur, il faudra veiller à ce que les effets de bord qui lui sont liés soient examinés et évités. Nous nous y emploierons en d’autres occasions, lors de l’examen d’autres textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel (GDR)
En effet, nous sommes tous d’accord au moins sur un point : un émoi légitime a suscité une mobilisation exemplaire. Ce texte était donc attendu mais normalement – c’est là que nous sommes en désaccord –, il n’aurait même pas dû être à l’ordre du jour ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Arthur Delaporte applaudit également.) Mais oui, monsieur le rapporteur ! Si le gouvernement n’avait pas tordu le bras aux sénateurs, en catimini, pour imposer une réforme dont même eux ne voulaient pas – un gouvernement que vous avez soutenu, monsieur Lefèvre, et qui est allé jusqu’à brutaliser le Sénat ! –, nous n’en serions pas là ! D’ailleurs, vous dites n’importe quoi sur le 49.3 : il portait sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce n’est donc pas cela qui a créé du stress et abouti à la situation actuelle.
M. Mathieu Lefèvre
C’est vous qui le dites, monsieur Maurel !
M. Emmanuel Maurel
Nous voterons ce texte, donc, mais cela ne nous dispensera pas d’un débat sur les différents seuils de TVA qui taxent différemment les mêmes activités. C’est un problème qui est soulevé par les artisans, et ils ont raison.
Nous ne ferons pas non plus l’économie d’un débat sur le statut juridique et social de l’autoentreprise (M. Arthur Delaporte et Mme Dominique Voynet applaudissent), car je continue à penser qu’il participe d’un vaste mouvement de précarisation du travail. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Nous devons y réfléchir et réagir. Comme l’a très bien dit Danielle Simonnet, la présomption de salariat doit être le grand combat progressiste de demain : nous serons au rendez-vous sur cette question. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
Enfin, madame la ministre déléguée, je vous mets en garde car je vous ai entendue et je sais que le diable se niche dans les détails. Je sais qu’ici, nous réglons un problème urgent, mais eu égard aux propos de M. Bayrou, qui a annoncé une saignée de 40 milliards dans le prochain budget (M. Charles Sitzenstuhl s’exclame), je ne voudrais pas qu’après avoir soulagé les autoentrepreneurs pour quelques mois, nous nous retrouvions face aux mêmes difficultés l’année prochaine ! Soyons collectivement vigilants ; en attendant, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 227
Nombre de suffrages exprimés 227
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 227
Contre 0
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Le texte a été adopté à l’unanimité.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Midy, rapporteur
J’ai une pensée pour les millions d’autoentrepreneurs que compte notre pays. Beaucoup nous regardaient et je suis sûr que, comme moi, vous avez reçu de nombreux messages en direct. Nombre d’entre eux dormiront mieux ce soir ; c’est une bonne nouvelle ! C’est rare, c’est difficile mais c’est possible, pour notre assemblée, de parvenir à un vote à l’unanimité sans abstention. Je suis fier du travail collectif que nous avons accompli ces derniers jours et de l’image que nous avons donnée de l’Assemblée nationale. Je vous remercie toutes et tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je voulais simplement apporter deux précisions.
Madame Pirès Beaune, vous me demandiez de rassurer les microentrepreneurs mais je le répète : il n’a jamais été question de modifier leur régime fiscal et social. Je tenais à réaffirmer que le gouvernement n’engage absolument pas de réforme en la matière et ce n’était d’ailleurs pas du tout le sujet qui nous a occupés aujourd’hui, qui concernait le seuil de franchise de la TVA.
Madame Simonnet, je vous redis que le gouvernement a pris une instruction ministérielle le 28 mai dernier ; publiée au Bofip – Bulletin officiel des finances publiques –, parmi les actualités, sous le numéro 2025-00087, elle fait état de la suspension du dispositif d’abaissement du seuil de franchise de la TVA jusqu’au 31 décembre 2025. Ce dispositif a donc été validé.
Mme Danielle Simonnet
La proposition de loi ne sert donc à rien !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-deux, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Accès au logement pour les travailleurs des services publics
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. David Amiel et plusieurs de ses collègues visant à améliorer l’accès au logement des travailleurs des services publics (nos 1332, 1449).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. David Amiel, rapporteur de la commission des affaires économiques
« Je suis deux fois en prison : dans la journée, quand je travaille ; le soir, quand je rentre chez moi. » Voilà ce que m’a dit un agent pénitentiaire de la prison de la Santé.
Les travailleurs indispensables au bon fonctionnement de nos services publics – des aides-soignantes aux enseignants, des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) aux surveillants pénitentiaires et aux policiers – ne parviennent plus à se loger convenablement dans bien des endroits de nos territoires.
M. Inaki Echaniz
La faute à qui ?
M. David Amiel, rapporteur
Face à la flambée des prix, nombre d’entre eux voient leur pouvoir d’achat amputé,…
M. Inaki Echaniz
Augmentez les salaires !
M. David Amiel, rapporteur
…sont contraints d’accepter plusieurs heures de trajet quotidien et, exténués, finissent souvent par jeter l’éponge. Évidemment, nos agents publics ne sont pas les seuls touchés par la crise du logement. Néanmoins, les exigences spécifiques au secteur public appellent des mesures d’urgence.
M. Inaki Echaniz
Supprimez la RLS !
M. David Amiel, rapporteur
D’abord, contrairement au secteur privé, ils ne bénéficient d’aucun dispositif équivalent à Action logement. Ensuite, l’impossibilité pour les agents publics de se loger décemment menace l’avenir même de nos services publics : nos écoles, nos crèches, nos hôpitaux ne parviennent plus à recruter.
La proposition de loi que je vous soumets part du terrain : elle se nourrit de plus de 200 auditions de tous ceux – employeurs, organisations syndicales, collectivités, acteurs du logement – qui, à travers le pays, multiplient les initiatives en faveur du logement des travailleurs du service public, mais qui butent sur une législation archaïque. Par ce texte, nous entendons soutenir ces initiatives sans opposer les travailleurs les uns aux autres – je le souligne –, sans déshabiller Pierre pour habiller Paul. Toutes les mesures proposées dans ce texte…
M. Inaki Echaniz
Sont mauvaises !
M. David Amiel, rapporteur
…visent à soutenir la production de logements supplémentaires, non à changer l’ordre d’une file d’attente déjà trop longue.
M. Inaki Echaniz
Supprimez la RLS ! Ce sera plus simple !
M. David Amiel, rapporteur
Cette proposition de loi a été enrichie par le travail en commission et par des échanges constructifs avec les différents groupes parlementaires, que je remercie. Deux articles ont ainsi été ajoutés au texte.
L’article 1er de la proposition de loi vise à augmenter l’offre de logements de fonction pour les agents publics en permettant leur réalisation sous le statut du logement social. Cette possibilité, qui existe pour l’État, est fermée aux collectivités territoriales, aux hôpitaux et aux entreprises de service public, alors que ces acteurs contribuent de la même manière au service public et font face aux mêmes difficultés.
Concrètement, l’employeur public qui apporterait des financements supplémentaires aux bailleurs sociaux, dans le cadre d’une convention de réservation, disposerait d’un parc de logements qu’il pourrait proposer à ses agents en raison de leur fonction. Ceux-ci rendraient les logements s’ils venaient à changer de métier, pour en faire bénéficier leurs successeurs. Autrement dit, nous proposons d’étendre une possibilité existante pour répondre aux besoins urgents des aides-soignantes, des infirmières, des personnels des crèches, des fonctionnaires des collectivités territoriales et des salariés des entreprises publiques de transport.
L’article 2 tend à inciter les administrations publiques à céder du foncier, avec décote, pour produire du logement, en leur permettant de disposer en échange d’un parc pour leurs agents auprès du bailleur concerné.
L’article 2 bis, ajouté en commission à l’initiative d’Inaki Echaniz et de ses collègues socialistes, permettra au maire qui attribue un logement à certains agents publics d’obtenir un droit de réservation équivalent ailleurs dans le département, sur le contingent du préfet.
L’article 3 exempte de la gestion en flux, instaurée par la loi Elan, les réservations de certains logements sociaux attribués à des personnels exerçant des fonctions sensibles. C’est un débat un peu technique. Comme vous le savez, la gestion en flux ne permet pas aux employeurs publics de déterminer précisément la localisation des logements qu’ils réservent auprès des bailleurs sociaux. Il existe des exceptions : une gestion en stock est prévue pour certaines catégories d’agents publics, notamment les policiers et les métiers de la défense nationale, dès lors qu’ils seraient, dans certains quartiers, exposés à des menaces ou à des représailles. Mais il y a eu des oublis, que nous proposons de corriger ici. Je pense en particulier aux agents de l’administration pénitentiaire, que j’ai évoqués au début de mon propos.
L’article 3 bis, issu d’un amendement adopté en commission, offre une plus grande souplesse aux bailleurs sociaux logeant des agents publics, en exemptant de l’obligation de regroupement les bailleurs qui sont des filiales d’entreprises publiques.
Dans le prolongement de nos discussions sur la proposition de loi de notre collègue Romain Daubié visant à faciliter la transformation de certains bâtiments en habitations, l’article 4 tend à faciliter la construction de logements sur des parcelles réservées à des équipements publics. Actuellement, lorsqu’une personne publique dispose d’une surface qu’elle considère comme surdimensionnée, la reconversion de ce foncier en logements est parfois rendue impossible par le plan local d’urbanisme (PLU) ou nécessite la modification de celui-ci. Pour accélérer ces opérations, nous proposons de permettre aux communes de déroger au PLU.
L’article 5 prévoit une mesure de simplification : il s’agit d’autoriser les personnes publiques à déléguer à un mandataire privé la gestion technique et financière de leur parc locatif. Nous résoudrons ainsi une difficulté à laquelle s’était heurtée l’AP-HP en 2021, ce qui avait freiné les travaux de rénovation de son parc de logements.
L’article 6 demande au gouvernement de remettre un rapport sur les modalités de création d’un Action logement du service public. Les politiques menées en faveur du logement des agents sont très disparates, certains ministères ayant historiquement investi beaucoup plus que d’autres dans ce domaine. Il importe de remédier à ces inégalités et d’harmoniser la politique de l’État en la matière.
Nous n’arriverons pas ce soir au terme de l’examen de cette proposition de loi. Mais l’accueil réservé au rapport que j’avais remis, il y a plus d’un an, aux ministres Stanislas Guerini et Guillaume Kasbarian (M. Gabriel Attal et Mme Liliana Tanguy applaudissent) – ce rapport avait été salué par les organisations syndicales, par les employeurs, par les élus locaux et par tous les groupes politiques – ainsi que le vote massif du présent texte en commission commandent que nous prenions des mesures d’urgence.
M. Inaki Echaniz
La suppression de la RLS !
M. David Amiel, rapporteur
Il est urgent d’agir pour nos services publics ; le temps presse. Je sais que nous trouverons avec le gouvernement et l’ensemble des parlementaires le temps nécessaire à la discussion du texte.
Les travailleurs du service public, ceux que nous avons applaudis à nos fenêtres il y a cinq ans, sont chassés silencieusement de nos villes.
M. Inaki Echaniz
Ils méritent une augmentation de salaire !
M. David Amiel, rapporteur
Nous devons entendre leur détresse et répondre à leur besoin urgent de logement. Je sais pouvoir compter sur un large soutien de l’Assemblée nationale pour travailler sur la question. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
Ma collègue Valérie Létard, ministre du logement, et moi-même nous présentons devant vous pour soutenir, au nom du gouvernement, une proposition de loi essentielle pour améliorer la vie de nos agents publics.
Nous le savons tous, ce texte est le fruit d’un long travail de concertation et de terrain engagé par le député David Amiel dans le cadre de la mission que lui avait confiée le gouvernement et qui a débouché, en avril 2024, sur la remise de son excellent rapport intitulé « Loger les travailleurs des services publics ». Je souhaite le remercier chaleureusement pour son engagement sans faille en faveur des agents publics et de la résolution des problèmes qu’ils rencontrent, notamment en matière de logement. (M. Guillaume Kasbarian et Mme Annaïg Le Meur applaudissent.)
En tant que ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, j’ai souhaité, dès ma nomination et dans la continuité de mes prédécesseurs, mettre le logement des agents publics au cœur des priorités. C’est pourquoi nous soutenons pleinement ce texte ; je connais d’ailleurs l’espoir qu’il suscite.
Nos agents sont les garants de nos institutions et les piliers de nos administrations. Qu’ils soient enseignants, policiers, infirmiers, militaires, agents pénitentiaires ou agents municipaux, quel que soit le versant de la fonction publique auquel ils appartiennent, quelle que soit leur fonction, ils méritent notre reconnaissance et notre soutien…
M. Inaki Echaniz
Et une augmentation de salaire !
M. Laurent Marcangeli, ministre
…car ce sont eux qui font vivre, chaque jour, nos services publics.
M. Inaki Echaniz
Ça, c’est vrai.
M. Laurent Marcangeli, ministre
En tant qu’ancien parlementaire et élu local, je sais aussi à quel point les difficultés d’accès au logement nuisent à l’attractivité de nos services publics, de même qu’elles peuvent nuire à l’attractivité économique de nos territoires.
M. Inaki Echaniz
La faute à qui ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Partout, les employeurs publics nous alertent sur la peine croissante qu’ils ont à recruter, faute de logements disponibles à proximité du lieu de travail des agents, mais aussi de logements abordables dans le parc privé. En effet, derrière la problématique du logement des agents publics se cache aussi une question de pouvoir d’achat.
M. Inaki Echaniz
Eh oui !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Pour les agents publics comme pour la majorité de nos concitoyens, le logement est le premier poste de dépenses mensuelles. Malheureusement, ces désagréments ne se limitent pas à la région parisienne ou aux grandes métropoles. Nous l’avons constaté sur le terrain : ils existent aussi dans les villes de taille moyenne, dans les zones tendues, littorales ou frontalières, ou encore dans les territoires insulaires et ultramarins.
Lors d’une visite à l’AP-HP, le rapporteur et moi avons pu mesurer concrètement les attentes dans ce domaine et nous rendre compte des difficultés pour recruter et conserver les personnels soignants – même lorsqu’est menée une politique très volontariste en la matière, que je tiens à saluer ici.
M. Inaki Echaniz
Il faut les payer mieux !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Je me rendrai en outre cette semaine en Haute-Savoie, département où de nombreuses communes sont en zone tendue, pour échanger avec les acteurs locaux et identifier les blocages rencontrés par les agents publics. Je tiens à saluer l’engagement des parlementaires de Haute-Savoie sur ces questions.
Bien entendu, le présent texte s’inscrit dans un ensemble plus vaste de mesures en faveur du logement, que je laisserai à ma collègue Valérie Létard le soin d’évoquer. Il ne résoudra pas à lui seul la crise du logement.
M. Inaki Echaniz
Ça, c’est sûr !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Il ne résoudra pas non plus l’intégralité des problèmes d’attractivité intrinsèques à la fonction publique. Il n’en constitue pas moins une pierre indispensable à l’édifice de la politique du gouvernement en faveur de nos agents.
Pour améliorer la situation des agents en matière de logement, nous disposons de plusieurs leviers, qui ont trait au foncier, à la mutualisation des parcs ou encore à la rotation. Certaines mesures de ce texte nous donneront davantage de moyens pour agir en ce sens. Je pense notamment à l’article 1er, relatif à la clause de fonction, qui fait débat.
M. Guillaume Kasbarian
C’est l’article le plus important !
M. Inaki Echaniz
C’est le plus mauvais !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Je pense aussi à l’article 4, qui vise à faciliter l’autorisation de projets de construction de logements sur les fonciers publics, donc à augmenter l’offre de logements abordables disponibles. Je pense encore à l’article 6, qui permettra d’engager une réflexion, avec les organisations syndicales et les employeurs, sur un Action logement du secteur public.
Au-delà de ce texte, nous nous efforçons de renforcer la communication sur les dispositifs existants, car nous ne pouvons pas laisser dire que nous partons d’une feuille blanche ! À cet égard, nous avons lancé en décembre dernier le portail en ligne « Le logement des agents publics ». Ce dispositif, qui doit encore monter en puissance, permet déjà aux agents de prendre connaissance des dispositifs auxquels ils sont éligibles pour accéder aux logements sociaux et intermédiaires, pour louer dans le parc privé ou pour accéder à la propriété.
Je tiens aussi à vous annoncer le lancement d’une mission interministérielle, pilotée par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), pour développer de manière transversale l’offre de logements et mutualiser l’offre existante en mobilisant davantage le foncier public et en amplifiant les partenariats avec les acteurs du logement social.
L’accès au logement est un enjeu majeur pour l’attractivité de la fonction publique et un facteur déterminant pour permettre à l’État, aux collectivités et aux hôpitaux de recruter et de fidéliser leurs agents, notamment dans les territoires les plus denses ou les plus isolés. Il y va de la continuité et de l’efficacité de l’action publique.
Nous entamons l’étude de ce texte à une heure tardive, mais j’espère que la représentation nationale pourra reprendre prochainement sa discussion et le voter. Monsieur le rapporteur, vous pouvez compter sur le soutien du gouvernement, en particulier sur le mien, pour aller au bout de cet examen. Nos agents publics l’attendent et le méritent. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du logement.
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement
Mon collègue Laurent Marcangeli l’a exposé : dans les zones tendues, les agents publics sont confrontés à de grandes difficultés pour se loger à proximité de leur lieu d’emploi. Je pense en particulier aux agents qui travaillent à des horaires décalés ou assurent des astreintes et dont les missions sont essentielles aux services publics de notre quotidien – dans les domaines de la santé, des transports, de la sécurité et dans bien d’autres.
Mon premier message sera de rappeler que mon objectif est d’apporter une réponse globale à la crise du logement et de répondre aux besoins de tous. Cela passe d’abord par une augmentation des capacités de production de logements dans toutes les zones qui connaissent des tensions. Nous avons pris plusieurs mesures en ce sens : l’extension du prêt à taux zéro (PTZ), qui doit aider à solvabiliser la demande ; la baisse de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui vise à accroître la production de logements sociaux ; l’aide aux maires bâtisseurs, qui décolle, puisqu’elle a déjà été demandée par quarante-sept communes. Nous devons poursuivre ce travail en relançant l’investissement locatif. J’espère que vous serez à mes côtés pour ce faire, car c’est une réponse essentielle et complémentaire au développement du parc de logement social.
Cela dit, nous devons être très attentifs aux difficultés particulières comme celles que vous avez identifiées concernant les agents publics, monsieur le rapporteur – j’en profite pour saluer à mon tour l’important travail que vous avez réalisé. Quand le logement d’un fonctionnaire est trop éloigné, ce sont, au-delà de son cas propre, tous les usagers du service public qui en pâtissent. J’adhère donc à votre démarche de faire du logement un pilier de la résilience et de la pérennité de nos services publics.
Toutefois, pour qu’elle porte des fruits positifs, cette démarche doit finement cibler les agents publics qui sont en première ligne. C’est pour cela que, à l’occasion de l’examen de votre amendement de réécriture de l’article 1er, que le gouvernement soutiendra, je préciserai l’importance, dans la suite de la navette, d’étudier précisément le cas des salariés des entreprises publiques. Le risque collectif est que, partant d’une intention louable, nous mettions en péril la mutualisation mise en place, depuis plus de soixante-dix ans, au sein du groupe Action logement. Cette mutualisation a montré sa force et sa résilience, avec 800 000 salariés aidés à nouveau l’an passé dans l’accès au logement social, à la propriété et au parc locatif privé. Nous ne pouvons pas nous permettre de fragiliser cet outil et je sais que ce souci est largement partagé sur ces bancs, même si nous souhaitons tous atteindre les objectifs fixés par le texte.
Tout comme Action logement accompagne les salariés, nous devrons veiller à accompagner soigneusement les agents publics qui souscriraient à la clause de fonction. L’information annuelle proposée par le député Echaniz est peut-être trop régulière mais une information à chaque renouvellement de bail me semble une politique transparente. Je suis également sensible à la possibilité, pour un agent public locataire, de lever sa clause de fonction au bout d’un certain nombre d’années de service, d’autant que cette clause ne doit pas rigidifier le marché de travail, au risque de freiner la mobilité professionnelle, la productivité et la croissance.
Cette démarche ne doit pas non plus conduire à mettre différents publics en concurrence dans l’accès au logement. C’est pour cela que la politique du logement doit d’abord être celle de la production de nouveaux logements,…
M. Inaki Echaniz
Eh oui !
Mme Valérie Létard, ministre
…et que le soutien parlementaire à cette cause est essentiel. C’est aussi pour cela que le gouvernement soutiendra l’amendement de M. le rapporteur à l’article 2, visant à bien expliciter l’absence d’impact, sur les contingents de l’État et des collectivités, du déplafonnement des contingents réservés aux propriétaires publics de fonciers mis à disposition pour construire de nouveaux logements. Cette démarche n’est en effet vertueuse que si elle permet de produire de nouveaux logements. L’article 1er devra donc être clarifié dans le cadre de la navette pour ne s’appliquer qu’aux contreparties financières ou foncières qui seront données à la suite de la promulgation de la loi.
C’est aussi le sens de l’amendement à l’article 3, tendant à ce que les exceptions à la gestion en flux ne s’appliquent qu’aux nouvelles conventions de réservation. Il sera d’ailleurs utile que la navette détaille le cadre des négociations de ces conventions, par exemple pour garantir le maintien de contingents non réservés et l’information des élus locaux sur ce point, ou pour intégrer des critères sur les distances emploi-logement pour certains emplois stratégiques.
Cette proposition de loi va dans le bon sens car elle permettra de mobiliser davantage de ressources des employeurs, davantage de fonciers publics et de financements pour construire plus rapidement des logements au bénéfice des agents qui œuvrent au quotidien pour les services publics. Mesdames et messieurs les députés, ce texte est révélateur des fortes attentes de nombre de Français en matière de logement. Ce soir, nous aurons commencé à répondre à une partie de ces attentes. Vous pouvez compter sur ma mobilisation et celle de l’ensemble du gouvernement pour poursuivre le travail global et structurel de réponse à la crise que nous traversons. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au gouvernement ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements ;
Suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière ;
Discussion de la proposition de loi portant reconnaissance de la Nation envers les rapatriés d’Indochine et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français ;
Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues ;
Discussion de la proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail ;
Discussion de la proposition de loi visant à exercer l’accès à l’emploi, pérenniser et étendre progressivement l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée comme solution de retour à l’emploi pour les personnes privées durablement d’emploi.
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 3 juin 2025 à zéro heure cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra