XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Deuxième séance du jeudi 05 juin 2025

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Deuxième séance du jeudi 05 juin 2025
Avertissement: version provisoire établie à 11:06

Présidence de M. Xavier Breton
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Versement des allocations familiales dès le premier enfant

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Édouard Bénard et plusieurs de ses collègues visant à accorder le versement des allocations familiales dès le premier enfant (nos 1342, 1473).

    Discussion générale (suite)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Nous faisons face à une réalité démographique alarmante : le nombre de naissances dans notre pays ne cesse de diminuer. En 2014, nous comptions plus de 800 000 naissances. En l’espace de dix ans, le nombre de naissances par an est tombé à 660 000. Cette baisse continue affecte directement l’équilibre de notre modèle social, la vitalité du marché du travail et l’efficacité de nos services publics.
    Notre politique familiale se doit de raviver la dynamique des naissances. Il ne s’agit évidemment pas d’imposer la maternité ou la paternité, mais de soutenir celles et ceux qui souhaitent avoir des enfants mais y renoncent, souvent pour des raisons financières. En 2023, les couples en âge de procréer exprimaient le désir d’avoir deux enfants ou plus en moyenne. Pourtant, l’indice de fécondité en 2024 s’élève seulement à 1,62 enfant par femme en âge de procréer. Il existe donc une différence entre l’envie d’avoir un enfant et le choix d’en avoir un. Et cette disparité appelle une intervention adaptée et réfléchie. Dans cette optique, la  proposition de loi relève d’une bonne démarche.
    Je suis en effet d’une génération pour qui devenir parents s’accompagne de nombreuses difficultés : problèmes de fécondité –⁠ trop rarement abordés dans notre hémicycle ; insuffisante prise en compte de la grossesse dans sa globabilité –⁠ je pense notamment à une amie souffrant d’hyperémèse gravidique qui s’est trouvée bien seule, faute d’accompagnement social ; difficultés du post-partum et manque de valorisation du rôle des sage-femmes, des doulas et des autres aides humaines… Cette génération pâtit aussi de l’individualisme de la société. Il faut tout un village pour élever un enfant, disait-on ; or il existe aujourd’hui trop de parents seuls. Elle connaît enfin l’absence des pères : l’égalité entre les parents n’est permise ni par la durée du congé de paternité ni par le regard de la société –⁠ j’en sais personnellement quelque chose.
    Malgré toutes ces difficultés, des mères, des pères décident de faire des enfants. Nous nous devons de leur rendre hommage, de leur dire que nous pensons à eux –⁠ je pense notamment à tous mes amis jeunes qui n’arrivent pas à avoir d’enfant et à toutes les mères seules qui peinent à élever les leurs. Le silence est bien souvent la seule réaction de l’opinion publique, alors que nous devrions leur apporter notre soutien. À tout cela s’ajoutent, pour certaines familles, en particulier pour les femmes seules, des difficultés financières, qui interviennent dès la première grossesse. D’où l’intérêt de cette proposition de loi.
    La particularité du modèle français est en effet de n’accorder le versement des allocations familiales qu’à partir de la naissance du deuxième enfant. Cette spécificité injustifiée fait de plus de 3 millions de familles des laissées pour compte. Parmi nos voisins, l’Allemagne offre une allocation forfaitaire de 250 euros par enfant dès la première naissance ; la Belgique, le Royaume-Uni ou la Suède ont également ouvert le versement des allocations familiales dès le premier enfant.
    Cependant, cette proposition de loi n’est qu’une première étape. Une réforme significative doit s’inscrire dans un cadre beaucoup plus vaste, afin de traiter les différentes difficultés pour être parents que j’ai mentionnées. Au sein de la branche famille, une meilleure allocation des ressources est possible. La Cour des comptes a d’ailleurs identifié 6,3 milliards d’euros de versements indus par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) en 2024. Au sein de la Droite républicaine, nous considérons que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) représente un outil plus adapté pour améliorer le versement des allocations familiales dans le cadre d’une réforme plus globale de la branche famille. Il est également nécessaire de rétablir l’universalité des allocations familiales, supprimée sous François Hollande
    Le groupe Droite républicaine soutiendra donc ce texte. Nous voulons envoyer un message fort au gouvernement, tout en soulignant la nécessité d’opérer une réforme structurelle dans le cadre du PLFSS. Nous tendons donc la main à l’ensemble des groupes parlementaires et au gouvernement : nous devons avancer ensemble dans cette direction pour le bien des familles.

    M. le président

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    La parole est à Mme Lisa Belluco.

    Mme Lisa Belluco

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    Je tiens à remercier le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’avoir fait le choix d’inscrire ce texte dans sa journée d’initiative parlementaire.
    Intégrées au régime général de la sécurité sociale dès sa création en 1945, les allocations familiales ont été conçues pour soutenir la natalité française et aider les familles à assumer la charge effective de leurs enfants. Malheureusement, elles ne sont plus adaptées aux enjeux de notre époque. De nos jours, il existe en effet un écart entre le nombre moyen d’enfants désirés et le taux de fécondité réel –⁠ de nombreux collègues l’ont rappelé après vous, monsieur le rapporteur. Autrement dit, les parents n’ont pas autant d’enfants qu’ils et elles en souhaitent, malgré ce qui reste de nos politiques natalistes.
    Pourquoi cet écart ? Car pour avoir des enfants, encore faut-il pouvoir donner la vie. L’absence de politiques environnementales sérieuses et la suppression des normes existantes contribuent à la baisse de la natalité.
    Je vous donne un exemple : les perturbateurs endocriniens. Ces molécules perturbent notre fonctionnement hormonal et sont fortement suspectées d’altérer les fonctions reproductrices. Les sources d’exposition sont nombreuses : la pollution de l’air, certains produits tels que les médicaments, les jouets ou les produits cosmétiques, ou encore l’eau et l’alimentation, car les pesticides sont des perturbateurs endocriniens. Nous sommes particulièrement vulnérables à ces substances pendant certaines périodes de notre vie : la petite enfance, l’adolescence, mais aussi la phase de développement fœto-embryonnaire.
    Que pouvons-nous faire ? La mairie écologiste de Strasbourg expérimente actuellement une « ordonnance verte » qui permet à des femmes enceintes de bénéficier gratuitement chaque semaine, pendant sept mois, d’un panier de fruits et légumes issus de l’agriculture biologique et locale, afin de limiter leur exposition aux perturbateurs endocriniens. Nous pouvons généraliser cette initiative à l’ensemble du territoire, comme le propose ma collègue écologiste Sandra Regol. Les politiques écologistes sont donc une façon de protéger nos concitoyens et de lutter concrètement contre l’infertilité pour permettre une parentalité saine et choisie.
    Mais vous, du bloc central à l’extrême droite, que faites-vous pour les parents ? Vous supprimez les zones à faibles émissions (ZFE) et vous autorisez des pesticides qui avaient été interdits.

    Mme Anne Le Hénanff

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    Hors sujet !

    M. Marc Fesneau

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    Ce n’est pas le sujet !

    Mme Lisa Belluco

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    Bref, vous aggravez l’exposition de la population à des polluants nuisant à la fertilité –⁠ cela relève pleinement du sujet.
    Les pesticides, parlons-en. Selon un article scientifique de 2015, l’acétamipride a « un effet dévastateur » ; elle favorise notamment les dysfonctionnements érectiles –⁠ ça devrait vous toucher –, cause majeure d’infertilité. Dans une autre étude, de 2019, une équipe de chercheurs a retrouvé le métabolite N-desméthyl-acétamipride dans l’urine d’un quart des nouveau-nés étudiés au sein d’un centre de soins intensifs à Tokyo. « Cela veut dire que la substance passe la barrière placentaire qui protège le fœtus dans le ventre, c’est une catastrophe », disait Jean-Marc Bonmatin, l’un des chercheurs qui a participé à cette étude.
    Et puis, quand il s’agit de limiter notre exposition aux polluants éternels, vous écoutez les lobbys plutôt que les scientifiques. Dans une étude réalisée auprès de 367 femmes enceintes, des chercheuses et des chercheurs, notamment de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), ont mis en évidence une association entre l’exposition à plusieurs PFAS et une altération du placenta, l’organe qui assure les échanges entre le sang de la mère et celui du fœtus. Une fois de plus, sans le groupe écologiste et Nicolas Thierry, il n’y aurait encore aucune loi pour protéger les fœtus de ces polluants toxiques.
    Vous pourrez agiter le chiffon de la natalité tant que vous voudrez, aussi longtemps que vous empoisonnerez nos corps, il n’y aura ni « réarmement démographique » ni parentalité choisie.
    Pour avoir des enfants, il faut aussi du temps pour prendre soin d’eux. Nous pourrions allonger la durée des congés parentaux en nous inspirant des pays scandinaves. En Suède, les couples ont droit à un congé de 480 jours, dont 390 jours sont rémunérés à hauteur de 80 % du salaire. Les 90 jours restants sont payés à un taux forfaitaire. Les parents ont également la possibilité de transférer cette dernière tranche de 90 jours à un proche ou aux grands-parents.
    Justement, les grands-parents : parlons-en. Ils sont des piliers essentiels de nombreuses familles, qu’il s’agisse d’aller chercher les enfants à l’école ou de les garder pendant les vacances. S’assurer que les grands-parents puissent accompagner la parentalité de leurs enfants contribuerait aussi à garantir une parentalité choisie. Or qu’avez-vous fait, collègues du bloc central ? Vous avez instauré un impôt sur la vie : deux ans de travail supplémentaires. La réforme des retraites, c’est aussi cela : moins de temps pour les grands-parents, des corps plus fatigués et moins disponibles, donc moins d’accompagnement pour les parents.

    Mme Anne-Sophie Ronceret

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    Ce n’est pas le sujet !

    Mme Lisa Belluco

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    Je me réjouis du vote qui a eu lieu toute à l’heure –⁠ il devra nécessairement, tôt ou tard, être suivi de l’abrogation de la réforme des retraites.
    Il faut enfin les moyens de s’occuper de ses enfants. Il nous faudrait un véritable service public de la petite enfance et des allocations dès le premier enfant, en particulier pour les familles monoparentales, très exposées à la précarité et dont près de quatre sur dix vivent au-dessous du seuil de pauvreté, contre 14 % des ménages en moyenne.
    La proposition de loi s’attaque à ce dernier problème en prévoyant le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Au fond, elle supprime simplement une anomalie !
    Voilà donc une proposition de justice sociale, qui va dans le sens d’une parentalité choisie plutôt qu’imposée par des politiques natalistes. Le groupe écologiste la soutiendra.

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne Bergantz.

    Mme Anne Bergantz

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    Cette proposition de loi mise à l’ordre du jour par nos collègues du groupe GDR nous donne l’occasion de débattre d’un enjeu majeur, auquel le groupe Les Démocrates est très attaché : l’avenir de notre politique familiale.
    Cette politique est primordiale, car elle sert deux valeurs centrales de notre société : la liberté pour chaque famille d’avoir des enfants ou de ne pas en avoir et l’égalité entre les riches et les pauvres, entre les familles qui ont des enfants et celles qui n’en ont pas, entre les femmes et les hommes.
    En préambule, je formulerai trois observations. Premièrement, notre pays fait face à un hiver démographique sans précédent dont la réalité n’est plus à démontrer. Les chiffres sont connus et répétés : l’indicateur conjoncturel de fécondité a chuté d’année en année pour s’établir à 1,62 enfant par femme en 2024, son niveau le plus bas depuis la première guerre mondiale. Deuxièmement, les familles ont changé et le modèle familial est pluriel : monoparentalité en hausse, famille recomposée, etc. Troisièmement, quelque 47 % des familles ont un seul enfant.
    Disons-le d’emblée, une réforme des allocations familiales, qui ne sont qu’une composante de la politique familiale, ne suffira pas à inverser ces tendances de fond. Seule une refonte générale et ambitieuse de notre politique familiale, allant de la remise à plat de toutes nos prestations à des efforts renouvelés en vue de concilier vie familiale et vie professionnelle, pourrait éventuellement avoir des effets observables sur la natalité et permettre de traduire le désir d’enfant dans la réalité des familles.
    Néanmoins, les allocations familiales jouent un rôle particulier au sein de cette politique. Pensées selon le principe de la solidarité horizontale, elles visent à compenser la charge que représente l’arrivée des enfants ; jusqu’alors, cette compensation n’intervenait qu’à partir de la naissance du deuxième enfant. Cela fait aujourd’hui figure d’anomalie.
    Il est essentiel d’adapter notre système aux réalités démographiques du XXIe siècle en ouvrant le droit aux allocations familiales dès le premier enfant. Nous héritons en effet d’un système construit dans l’immédiat après-guerre, période du baby-boom où l’on considérait que le premier enfant « venait tout seul » et qu’il fallait concentrer le soutien aux familles sur l’arrivée du troisième.
    Les causes sont de la baisse de la natalité sont multiples : insertion professionnelle plus tardive ; difficultés d’accès au logement ; première grossesse à partir de 31 ans en moyenne ; augmentation de l’infertilité ; perte de confiance en l’avenir –⁠ sans compter le fait que les efforts financiers les plus importants que les familles doivent consentir, pour se doter d’un logement ou d’équipements adaptés par exemple, commencent dès l’arrivée du premier enfant.
    Dans ce contexte, il apparaît légitime de vouloir ouvrir l’accès aux allocations familiales dès le premier enfant. Néanmoins, chers collègues, cette proposition de loi se heurte à un problème d’ampleur : le coût de ce droit nouveau, de l’ordre de 3 milliards d’euros, que nos finances publiques ne sont pas en mesure d’absorber. Cette raison empêchera le groupe Démocrate, malgré toute la pertinence de la mesure, de soutenir son adoption.
    Parce que nous sommes attachés à la responsabilité budgétaire, nous considérons pour notre part que la seule façon de rendre possible cet élargissement au premier enfant est de construire une réforme à budget constant. C’est ambitieux, difficile. Cela demande de remettre à plat l’ensemble des prestations familiales, d’en évaluer la pertinence ligne par ligne et d’avoir des objectifs clairs.
    La question de l’universalité doit être posée, et des dispositions telles que la majoration liée à l’âge ou les différences de montant selon le rang dans la fratrie doivent être revues. C’est plus généralement la lisibilité de notre politique, qui a accumulé des droits nouveaux au fil du temps sans prendre en considération la cohérence de l’ensemble, qui doit être interrogée. Il est reconnu que les règles d’articulation entre les différentes prestations sont difficiles à appréhender, de même que leurs barèmes, ce qui rend notre politique familiale illisible.
    En février, j’avais soutenu une proposition de loi visant à ouvrir le bénéfice des allocations familiales dès le premier enfant à charge ; elle réaffirmait le caractère universel des allocations, introduisait un montant unique quel que soit le rang de l’enfant et prévoyait une mise en application progressive pour les nouvelles familles, afin d’éviter qu’il y ait des gagnants et des perdants, par la mise en œuvre de la clause de l’enfant à naître. Cette proposition était ambitieuse et responsable budgétairement ; elle était aussi sujette, je le sais, à débat, mais elle constitue une piste que nous devrons explorer, au même titre que d’autres, au sein d’un espace de dialogue spécifique.
    Je sais qu’il existe une volonté partagée par des collègues issus de tous les groupes politiques de travailler sur ces questions, de réfléchir ensemble aux moyens de mieux soutenir les couples dans leur désir d’enfant, de mieux accompagner les familles au quotidien. C’est pourquoi je forme à nouveau le vœu, comme je l’avais fait lors de l’examen de ma proposition de loi, que nous constituions un groupe de travail transpartisan afin de traiter de ces questions. Attaché à la responsabilité budgétaire, que je comptais défendre au moyen d’amendements qui ont été jugés irrecevables, le groupe Démocrates ne soutiendra pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Béatrice Piron.

    Mme Béatrice Piron

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    Notre pays traverse un moment de vérité démographique : en 2024, l’Insee a recensé moins de 700 000 naissances, soit le niveau le plus bas depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Cette dénatalité menace non seulement notre avenir, mais aussi notre capacité à garantir, demain, le financement de nos retraites, de notre protection sociale et tout simplement la vitalité de notre société.
    Les familles, quant à elles, affrontent des fragilités nouvelles : hausse du coût du logement, difficultés d’accès aux modes de garde, explosion des formes de travail atypiques et développement de l’éco-anxiété. La présente proposition de loi part d’une intention que nous pouvons –⁠ et même devons – tous entendre : il s’agit de reconnaître le coût de l’enfant dès la première naissance, en ouvrant les allocations familiales aux familles ayant un seul enfant à charge. Pour nombre de parents, une telle reconnaissance revêt une dimension symbolique forte : elle revient à leur dire, dès la première naissance, que la nation les accompagne. Sur le papier, l’idée est séduisante ; dans la réalité, elle soulève trois questions centrales relatives à son coût, à son efficacité et à sa cohérence avec une politique familiale ambitieuse.
    Le groupe Horizons & indépendants, auquel j’appartiens, votera majoritairement contre cette proposition de loi en l’état. Il le fera non par rejet de son objectif, mais parce qu’elle ouvre un droit nouveau sans financement identifié, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires. Pour rappel, l’extension des allocations au premier enfant représenterait, faute de mieux cibler ses bénéficiaires, une dépense annuelle d’environ 4 milliards d’euros, sans ressource nouvelle pour la financer. La Cour des comptes nous mettait encore en garde la semaine dernière sur un possible défaut de paiement de la sécurité sociale à l’horizon 2027 ; il nous faut entendre ces signaux !
    Par ailleurs, les effets de cette mesure sur la natalité restent très incertains. Les études montrent que ce n’est pas le montant des allocations qui guide la décision d’avoir un enfant mais la stabilité de l’emploi, l’accès à un mode de garde, la valorisation des congés parentaux et surtout le logement, soit autant de leviers structurants absents de ce texte.
    Enfin, en empilant une mesure supplémentaire sur un système déjà complexe, nous risquons d’en réduire la lisibilité et l’efficacité. L’urgence est ailleurs : il faut construire une stratégie familiale cohérente et ciblée, notamment envers les familles monoparentales, qui représentent à elles seules 40 % des situations de pauvreté infantile.
    Cependant, à titre personnel, je souhaite apporter une nuance à cette position. J’avais moi-même recommandé cette mesure dans mon rapport d’information sur la pauvreté infantile. Elle me semble répondre, sur le fond, à une logique de reconnaissance et de soutien aux familles, notamment les plus vulnérables. Toutes les études démontrent que tout ce qui constitue une carence ou un frein à l’éducation et au développement harmonieux coûte, plus tard, bien plus cher à la société ; il vaut donc mieux, pour cette raison, investir dès le plus jeune âge.
    Cela dit, il nous faut trouver un juste milieu entre ambition sociale et responsabilité budgétaire. C’est précisément ce que je propose à travers deux amendements. Le premier vise à ouvrir cette allocation dès le premier enfant à l’ensemble des familles vivant sous le seuil de pauvreté, indépendamment de leur configuration. Le second prévoit de la réserver aux familles monoparentales vivant sous ce seuil. Elles sont nombreuses et nous devons trouver d’urgence des moyens pour les aider.
    Ces propositions offrent une solution alternative soutenable, ciblée sur les besoins réels et cohérente avec nos priorités sociales. Notre responsabilité n’est pas de choisir entre solidarité et rigueur, mais de concilier ces deux exigences. C’est ainsi que nous pourrons bâtir une politique familiale efficace, équitable et adaptée aux défis de notre temps. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et EPR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Nicole Sanquer.

    Mme Nicole Sanquer

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    Près de la moitié des familles françaises, soit 3,5 millions de foyers, n’ont qu’un seul enfant. Notre natalité a reculé à 1,62 enfant par femme. L’arrivée d’un enfant fait chuter de 2 à 11 % le niveau de vie dès la première année ; cinq ans plus tard, le salaire des mères reste amputé d’un quart. Ces chiffres décrivent une précarité qui s’installe dès le premier berceau.
    Pourtant, le droit aux allocations familiales ne s’ouvre qu’à partir du deuxième enfant. Les 13 milliards d’euros que nous consacrons chaque année au dispositif se concentrent sur les fratries : 148 euros pour deux enfants, 338 euros pour trois puis 190 euros par enfant supplémentaire, modulés partiellement pour les revenus les plus élevés. Les jeunes parents, les foyers monoparentaux et les ménages modestes restent sans soutien.
    La présente proposition de loi tend à corriger cette incohérence en ouvrant un droit universel dès le premier enfant, comme c’est déjà le cas dans nos collectivités ultramarines, où l’allocation de base s’élève à 24,39 euros. Elle aligne la solidarité nationale sur les réalités démographiques actuelles : chaque enfant compte. Notre groupe y est favorable, mais il sera exigeant quant à son application. Il y est favorable parce que le système actuel exclut près d’une famille sur deux et prive surtout les familles monoparentales d’un soutien nécessaire. Il sera exigeant parce que ce texte n’est qu’un point de départ : il laisse ouvertes des questions qui ont trait au montant forfaitaire, à la coordination du dispositif avec l’allocation forfaitaire et le complément familial dont bénéficient les familles nombreuses, ainsi qu’à la soutenabilité d’une mesure dont le coût est estimé entre 4 et 5 milliards d’euros par an. Nous insistons pour qu’un rapport précis éclaire ces paramètres avant l’entrée en vigueur effective.
    Par cohérence, nous demandons aussi que la modulation instaurée en 2015, qui a dégagé 760 millions d’euros d’économies annuelles, soit réexaminée : la justice sociale passe par une universalité réelle combinée à une redistribution mieux ciblée.
    Enfin, l’ouverture des droits dès le premier enfant doit s’accompagner d’un chantier plus large –⁠ places en crèche, réforme des congés parentaux, accès au logement –, pour que l’aide financière soit, plutôt qu’un geste isolé, le premier étage d’une politique familiale modernisée.
    Nous voterons donc ce texte, parce qu’il répond à une nécessité immédiate et qu’il met fin à une inégalité. Mais nous le voterons avec la ferme intention de suivre son application pas à pas, en évaluant annuellement ses effets sur la pauvreté infantile, en mesurant son impact sur l’emploi des femmes et en prévoyant des ajustements si les objectifs de justice sociale ne sont pas atteints. Une telle avancée permettrait de réaffirmer que chaque naissance mérite le même soutien de la nation et que la solidarité familiale doit être garantie à tous, sans distinction. C’est une réponse directe aux besoins réels des familles et le signal qu’attend notre pays pour reconstruire une politique familiale adaptée au XXIe siècle.

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    La parole est à M. Édouard Bénard, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Édouard Bénard, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    Je tiens d’abord à vous remercier, chers collègues, pour la majorité qui semble se dessiner d’après vos propos liminaires. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit mais s’agissant de la trajectoire budgétaire de la sécurité sociale, qui doit à juste titre nous interpeller, celle-ci ne tombe pas du ciel ! Elle résulte de choix politiques que nous proposerons tout à l’heure de réparer.
    Qui plus est, la Cour des comptes, qui, me semble-t-il, n’est pas un organe satellite du parti communiste (Sourires), a précisé, dans son dernier rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, que « l’économie liée à l’élargissement de l’assiette aux versements relevant de la participation aux résultats de l’entreprise et de l’intéressement peut être estimée à près de 3 milliards d’euros ». Trois milliards, c’est justement ce dont nous avons besoin pour financer cette proposition de loi ! La voilà donc toute financée et c’est pourquoi j’émettrai un avis favorable, lors de la discussion des articles, aux amendements du groupe Socialistes allant dans ce sens –⁠ je suis sûr que vous y serez sensibles.
    S’il est possible de faire le choix de couper dans les dépenses et d’accentuer le déséquilibre, je préfère pour ma part explorer les recettes perdues, et il y en a : la réduction de 1,8 point du taux des cotisations d’allocations familiales pour les salariés dont la rémunération annuelle n’excède pas 3,5 smic a représenté 9,5 milliards en 2023.
    Par ailleurs, je ne peux pas laisser dire que cette proposition de loi aurait un impact négatif sur les plus précaires compte tenu de ses effets de seuil : toutes les études d’impact fournies contredisent cette assertion. C’est un choix de société qui s’impose à nous : quel message adresserons-nous aux familles concernées quand nous sortirons de l’hémicycle ? Allons-nous leur dire que parce qu’elles ont déjà droit à des aides soumises à conditions de ressources, elles devront continuer la gymnastique socio-fiscale à laquelle elles sont contraintes, ou bien leur proposerons-nous une aide universelle qui leur évitera bien des questionnements ? Je pense par exemple aux mères qui hésitent à reprendre un temps partiel à la naissance de leur premier enfant par crainte d’une perte de ressources –⁠ cela touche à l’équilibre qui a été évoqué entre vie familiale et vie professionnelle.
    En matière de redistribution, le rapport fait au nom de la commission sur la proposition de loi montre que cette réforme sera bénéfique pour tous et en particulier pour les premier, deuxième, cinquième, sixième et septième déciles : elle permettra un gain de 130 euros en moyenne.
    Voilà ce que j’avais à dire : maintenant, place au débat !

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Comme l’a dit notre excellente collègue Joséphine Missoffe ce matin, nous sommes contre ce texte ; nous serons donc contre cet article, non parce que l’objectif visé ne serait pas louable mais parce que la France se trouve dans une situation budgétaire qui ne lui permet pas de se payer une telle réforme. (« La faute à qui ? » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il faut le dire clairement : le coût de cette réforme serait de plusieurs milliards.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Deux bombes atomiques !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Certains ont évoqué le chiffre de 3 milliards ; quoi qu’il en soit, ce n’est pas une paille ! L’impact budgétaire serait considérable,…

    M. Yannick Monnet

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    Eh oui, il faut des recettes !

    M. Aurélien Saintoul

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    CMA CGM, c’est 7 milliards de manque à gagner fiscal !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …alors que notre déficit est très élevé et que nous éprouvons manifestement des difficultés à rétablir sérieusement les comptes. Nous ne pouvons donc pas nous payer cette réforme !

    Mme Lisa Belluco

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    On n’a pas entendu d’arguments !

    M. Stéphane Peu

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    Pour les recettes, on a des solutions !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ensuite, j’ai entendu les propos du rapporteur à l’instant et j’aimerais que nous allions un peu plus au fond du sujet.

    M. Aurélien Saintoul

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    Vous avez l’habitude de toucher le fond !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Monsieur le rapporteur, vous faites référence aux cotisations : est-ce à dire que votre réforme entraînerait une hausse du coût du travail ? C’est ce que je voudrais comprendre. Si c’est ainsi que vous comptez la financer, comprenez que pour nous, ce n’est pas possible ! Je rappelle que le coût du travail, en France, est trop élevé comparé aux autres pays européens ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Nous en avons déjà débattu à l’automne dernier et j’ai même lu, dans le livre qu’il vient de faire paraître, que le premier ministre censuré aurait maintenant des regrets quant aux réductions d’allègements de charges introduites dans le dernier budget.

    M. Nicolas Sansu

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    Ce ne sont pas des charges, ce sont des cotisations !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    En français, on parle de cotisations !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Notre raisonnement est donc le suivant : sur le plan budgétaire, nous ne pouvons pas nous permettre cette réforme.

    M. le président

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    La parole est à M. Louis Boyard.

    M. Louis Boyard

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    Je rappelle à mon cher collègue qu’il faut parler de cotisations sociales, et non de charges. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
    Aujourd’hui, vous prenez pour prétexte la crise, mais jamais vous ne viendriez nous dire dans cette assemblée qu’il faut dépenser davantage –⁠ c’est votre idéologie, que nous respectons. Vous avez pour objectif d’éviter toute forme de dépense. Nous pourrons y revenir.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Avec cette logique, on n’aurait jamais créé la sécurité sociale !

    M. Louis Boyard

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    Dans la discussion générale, nombre d’orateurs ont parlé de natalité. Je pense qu’il nous faut en effet avoir un débat sur ce thème.
    La natalité française est structurellement à la baisse depuis 1970. On observe d’ailleurs le même phénomène partout en Europe et dans le reste du monde. Cela en surprendra peut-être : la France fait partie des pays européens dont l’indice conjoncturel de fécondité est le plus élevé.
    Les rapports de l’Organisation des Nations unies publiés en 2020, 2022 et 2024 disent tous la même chose : en 2080, le monde entrera en récession démographique. Mesurez ce que cela signifie sur le plan anthropologique : pour la première fois dans l’histoire de notre espèce, la population se mettra à diminuer.
    Certains pays gouvernés par l’extrême droite, la Hongrie par exemple, mènent des politiques visant à relancer la natalité –⁠ les États-Unis s’y mettent aussi. En réalité, on y a réduit les droits des femmes et attaqué l’avortement en prétextant soutenir la natalité. (M. François Piquemal applaudit.) Les politiques d’émancipation des femmes ont disparu au profit d’une politique de la famille. Par ailleurs, ces mesures n’ont aucun effet concret sur la natalité. Vous qui, au Rassemblement national, aimez la Hongrie (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN), sachez que l’indice conjoncturel de fécondité hongrois ne cesse de baisser, en dépit de toutes ces mauvaises politiques.
    Il faut retirer la natalité des objectifs de la branche famille. Vous imaginez plus facilement la fin du monde qu’un monde en récession démographique. Pourtant, c’est un fait anthropologique. Il faut donc arrêter de parler de natalité. Quand on parle de politique familiale, on parle d’égalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et GDR.)

    M. Eddy Casterman

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    Il n’y aura plus personne, mais tous seront égaux !

    M. le président

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux.

    M. Kévin Mauvieux

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    Ce que j’entends m’a donné envie d’intervenir alors que je n’avais pas prévu de le faire.
    Je voulais d’abord saluer ce texte qui nous vient de la gauche. Cela fait des années qu’au Rassemblement national, avec Marine Le Pen, nous soutenons la question de la natalité dans notre pays. Sous de nombreux aspects, la baisse de la natalité est un problème pour notre système économique et social. Quand nous le soulignons, nous nous faisons traiter de tous les noms possibles par l’extrême gauche.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Non, seulement de fascistes !

    M. Kévin Mauvieux

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    Aujourd’hui, c’est cette dernière qui nous apporte le thème sur un plateau –⁠ cela nous fait plaisir.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Nous ne l’abordons pas de la même façon !

    M. Kévin Mauvieux

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    Si cette mesure permet aux Français de faire davantage d’enfants, tant mieux. Le renouvellement des générations permettra d’assurer la pérennité du système social français, ce qui est une excellente chose.
    Il s’agit de permettre aux très nombreuses femmes qui veulent faire des enfants d’en avoir, et non de les instrumentaliser. Beaucoup sont contraintes d’y renoncer, notamment en raison de leur condition financière et économique. Ce texte va donc plutôt dans le bon sens.
    Ces huit dernières années, les macronistes ont planté les comptes de la France. Maintenant, ils nous donnent des leçons et s’esclaffent quand on le souligne. Si les comptes de la France sont dans cet état, c’est de votre fait ! Vous nous dites qu’il faut refuser l’accès aux allocations familiales dès le premier enfant parce que le système économique va mal et que nous sommes en déficit. Une disposition très simple permettrait de financer cette mesure : arrêtons de donner des allocations aux étrangers et concentrons-nous sur les Françaises qui voudraient des enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. –⁠ M. Charles Sitzenstuhl s’exclame également.) Ainsi, nous pourrons financer le système et l’équilibrer.

    M. Louis Boyard

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    Ce n’est même pas vrai ! Regardez les chiffres ; il faut bosser un peu !

    M. Kévin Mauvieux

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    Que cela vous plaise ou non, ce texte va dans le bon sens car il donne aux Françaises la possibilité de faire autant d’enfants qu’elles le souhaitent, en leur versant une allocation dès le premier. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Joséphine Missoffe, pour soutenir l’amendement no 28.

    Mme Joséphine Missoffe

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    Il tend à supprimer le premier alinéa de l’article 1er.
    Le soutien apporté aux parents par les allocations familiales permet à ceux qui le souhaitent de fonder une famille avec davantage de sérénité et de sécurité –⁠ c’est essentiel.
    L’objectif d’étendre le champ de la solidarité nationale pour mieux protéger les familles est certes louable, mais, alors que nous abordons ce sujet pour la troisième fois depuis septembre,…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Vous vous cachez depuis un an !

    Mme Joséphine Missoffe

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    …le groupe EPR se doit de rappeler le coût de cette mesure dans un contexte budgétaire tendu. Même si la situation budgétaire de la branche famille est meilleure que celle d’autres branches de la sécurité sociale, nous devons rester vigilants pour ne pas fragiliser l’équilibre du système social, cette réforme se chiffrant à plusieurs milliards d’euros. Il ne nous faudrait pas, par manque de rigueur, aggraver une situation que nous essayons d’améliorer.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Je ne souhaite pas ouvrir le débat sur la loi de financement de la sécurité sociale ; je ne reviendrai donc pas sur les arguments qui portent sur la trajectoire budgétaire de la sécurité sociale.
    Comme cet amendement vise à vider le texte de son sens, j’y suis évidemment défavorable. Nous aurons l’occasion de revenir sur les gages qui permettraient de financer cette proposition de loi.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Je remercie Mme la députée Missoffe pour cet amendement de bon sens.
    M. le rapporteur affirme qu’il ne souhaite pas ouvrir le débat budgétaire. Pourtant, le problème principal de cette proposition de loi, c’est qu’elle coûte 3 milliards d’euros, sans le début d’un commencement de financement. Nous ne pouvons donc pas la soutenir.
    Le versement des allocations familiales dès le premier enfant viendra diminuer mécaniquement le RSA majoré et la prime d’activité –⁠ des aides attribuées aux familles les plus modestes. Votre mesure aura donc un impact négatif sur les publics cibles.

    M. le président

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    La parole est à Mme Ersilia Soudais.

    Mme Ersilia Soudais

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    Le groupe EPR veut vider cette proposition de loi de son contenu sous le prétexte qu’il n’y aurait pas de sous. En vérité, des sous, il y en a ; c’est juste une question de choix budgétaires ! Pour culpabiliser les femmes de ne pas faire assez d’enfants et pour parler de réarmement démographique, le président Macron et EPR sont au rendez-vous. Par contre, quand il faut aider les couples à faire un choix sans se heurter à des obstacles financiers, il n’y a plus personne !
    Pas moins de 75 % des Français considèrent que Macron est le président des riches.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Quels arguments éculés !

    M. Emeric Salmon

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    Vous avez voté pour lui !

    Mme Ersilia Soudais

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    Ce pourcentage est stable depuis 2018. Ce sentiment s’explique par la mise en œuvre de nombreuses réformes, notamment celle de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Étrangement, le ruissellement n’a pas eu lieu.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Oh là là !

    Mme Ersilia Soudais

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    Je n’évoquerai pas les cadeaux faits aux grandes entreprises. Entre 1993 et 2017, l’impôt sur les sociétés (IS) s’élevait à 33,33 %, avant de passer à 25 % en 2022. En l’occurrence, quand il faut de l’argent, vous en trouvez ! Mais quand il s’agit d’aider les plus précaires, vous n’êtes plus au rendez-vous, vous nous dites que la France est en faillite et que c’est terrible. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Marcellin Nadeau et M. Benjamin Lucas-Lundy applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj

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    Je ne souhaite pas allonger les débats, mais je veux pointer une contradiction dans votre argumentaire, madame la ministre. Vous dites que la mesure envisagée aurait un coût budgétaire, puis qu’elle diminuerait le montant de la prime d’activité et du RSA. Or si l’on suit votre raisonnement, son coût serait compensé par la baisse de la prime d’activité et du RSA –⁠ ce que nous ne souhaitons par ailleurs évidemment pas. Donc, de grâce, épargnez-nous cet argument.
    Mme Missoffe et M. Sitzenstuhl nous disent en substance que cette mesure coûterait « un pognon de dingue », pour reprendre l’expression du président Macron. Mais le pognon de dingue, vous savez bien où il est en ce moment ! La Cour des comptes, qui n’est pas un repaire de gauchistes, nous a présenté son rapport la semaine dernière : les exonérations de cotisations sociales ont quadruplé entre 2014 et 2024 et plus que doublé entre 2017 et aujourd’hui, passant de 37 à 80 milliards. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. –⁠ Mme Dieynaba Diop et Mme Sophie Taillé-Polian applaudissent également.)
    Dans un rapport commandé en son temps par Élisabeth Borne, les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer confirment ce que nous avions démontré avec Marc Ferracci dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) : le fameux bandeau famille –⁠ les exonérations de cotisations pour la branche famille entre 2,5 et 3,5 Smic –, qui coûte 1,6 milliard d’euros, n’a aucun effet, ni sur l’emploi, ni sur la compétitivité des entreprises.
    Je vous soumets donc une proposition qui peut paraître simpliste : supprimons le bandeau famille –⁠ tout le monde le propose aujourd’hui. Par ailleurs, la branche famille ayant un excédent de 1,1 milliard, près des trois quarts du financement de la mesure proposée sont neutres budgétairement, pour un impact immédiat –⁠ redistribution horizontale, soutien au pouvoir d’achat de ces familles, soutien à la consommation, amélioration de la qualité de vie.
    De grâce, cessez de nous dire qu’il n’y a pas d’autre choix, pas d’autre politique possible que de faire des économies sur le dos des allocations familiales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. –⁠ Mme Julie Ozenne applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Monsieur Guedj, vous avez pointé du doigt ce qu’a dit Mme la ministre : le versement des allocations familiales dès le premier enfant serait compensé par la baisse du RSA et de la prime d’activité. Pour les familles les plus précaires, cette mesure serait neutre en matière de pouvoir d’achat et de redistribution. En revanche, si j’ai bien lu la proposition de loi, elle se veut universelle.

    M. Jérôme Guedj

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    Les classes moyennes y gagneront !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Ce sont surtout les classes les plus aisées qui bénéficieraient de cette prime. Pardonnez ma confusion : on dirait que cette proposition de loi vise à donner un excédent de pouvoir d’achat aux classes les plus favorisées, en ignorant les plus précaires.

    M. Jérôme Guedj

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    Non !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Si, mathématiquement c’est bien cela ! Voilà la portée réelle de cette loi, comme l’a souligné Mme la ministre. Je ne pense évidemment pas que cela corresponde à l’intention du groupe communiste.

    M. Nicolas Sansu

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    Ça s’appelle l’universalité des allocations familiales !

    M. Stéphane Peu

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    Les communistes ont toujours défendu ce principe !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Je ne doute pas une seule seconde que vous ne souhaitez pas que cette loi bénéficie uniquement aux classes moyennes supérieures et aux plus riches. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Cependant, le transfert entre le RSA et la prime d’activité d’un côté, et les allocations familiales de l’autre, neutralise la mesure pour les ménages les plus précaires. Votre proposition de loi ne change quelque chose que pour les classes les plus aisées, qui bénéficieront des allocations familiales. Ce n’est ni la bonne méthode, ni l’objectif que nous avons toujours visé.

    M. Antoine Léaument

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    Vous êtes de droite !

    M. Emeric Salmon

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    Et vous, de gauche !

    M. Jérôme Guedj

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    De toute façon, nous souhaitons financer la mesure autrement !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Démontrez-moi que je me trompe, monsieur Guedj, je vous écoute.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Avec vous au côté de de Gaulle, on n’aurait pas eu la sécurité sociale universelle !

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne Bergantz.

    Mme Anne Bergantz

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    Je soutiens le versement des allocations familiales dès le premier enfant.
    Je souhaiterais donner quelques précisions qui éclairent l’évolution de la politique familiale. La solidarité horizontale a eu tendance à diminuer au profit d’une politique sociale. Je ne la remets pas en cause, mais elle a donné à certaines familles l’impression de contribuer sans jamais recevoir. Beaucoup d’autres prestations familiales sont accordées sur critères sociaux. J’émets donc le souhait que nous revenions à l’universalité pour cette seule prestation, les allocations familiales. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. –⁠ M. Jérôme Guedj applaudit également.)

    M. Jérôme Guedj

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    Très bien, on est d’accord !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Mme Soudais a fait une remarque sur Emmanuel Macron, qui serait le président des riches.

    M. Nicolas Sansu

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    Des ultrariches !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Vous vous fondez sur je ne sais quelle enquête, qui ne devrait pas peser très lourd dans un débat qui devrait être de plus haut niveau. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Je vous rappelle par ailleurs l’existence des petits-déjeuners gratuits pour les enfants défavorisés –⁠ voilà une vraie mesure concrète !

    M. Nicolas Sansu et Mme Danielle Simonnet

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    Financée par les collectivités !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Qui l’a proposée ? C’est Emmanuel Macron !

    M. Nicolas Sansu

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    Mais qui paie ?

    Mme Danielle Simonnet

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    Les collectivités territoriales, les maires !

    M. Jean-François Coulomme

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    Mais qu’est-ce qu’ils sont ingrats, ces pauvres !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Les repas de cantine à 1 euro sont un autre exemple de mesures concrètes pour les familles défavorisées. (Exclamations continues sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Nous les devons aussi à Emmanuel Macron ! Qui s’apprête à réformer le complément de libre choix du mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales les plus fragiles ? C’est encore Emmanuel Macron ! Soyez juste dans ce que vous dites.
    Avis favorable sur cet amendement de bon sens défendu par Mme Missoffe.

    (L’amendement no 28 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Joséphine Missoffe, pour soutenir l’amendement no 29.

    Mme Joséphine Missoffe

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    Toujours dans une logique de sobriété budgétaire, cet amendement vise à préserver l’intention de la proposition de loi tout en limitant la charge qu’elle représente pour les finances publiques. Les auteurs de ce texte sont animés par une ambition louable, mais nous devons envisager son coût, et rester raisonnables. Mieux aider les parents ne doit pas conduire à endetter les enfants !
    Nous proposons donc de cibler le dispositif sur les jeunes enfants, ceux de moins de 3 ans. Un tel soutien financier pendant les 1 000 premiers jours du premier enfant permettra de concentrer les efforts sur la période où les besoins sont potentiellement les plus importants, notamment en matière de garde, de soins, de premières dépenses de base et de congés professionnels. Soyons créatifs pour perpétuer une solidarité efficace et durable !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Je comprends que c’est un amendement de repli.
    Le versement de plusieurs prestations familiales, comme l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) ou la prestation partagée d’éducation de l’enfant (Prepare), s’arrête déjà aux 3 ans de l’enfant. Or l’allocation de rentrée scolaire n’est versée qu’à partir des 6 ans de l’enfant. Si nous adoptions votre amendement, les familles comptant un seul enfant et qui sont éligibles aux prestations familiales autres que les allocations familiales ne recevraient aucune prestation financière entre les 3 ans et les 6 ans de l’enfant.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Proposez un sous-amendement, monsieur le rapporteur !

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    D’autre part, en ajoutant des critères supplémentaires aux conditions de versement des allocations familiales, cette disposition poserait une difficulté de gestion aux caisses d’allocations familiales (CAF).
    Enfin, compte tenu de sa forme, l’amendement soulève une interrogation. S’il venait à être adopté, le premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale serait ainsi formulé : « Les allocations familiales sont dues à partir du premier enfant à charge âgé de moins de 3 ans. » Qu’en serait-il, dès lors, pour les enfants suivants ? Pour le deuxième, le troisième ou le quatrième enfant, les parents pourraient-ils bénéficier des allocations familiales après les 3 ans de l’enfant ? Nous n’en savons rien.
    Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Je salue votre effort, madame Piron : vous cherchez à diminuer l’impact de la proposition de loi sur nos finances publiques. Néanmoins, celui-ci demeurerait important. D’autre part, du fait de sa rédaction, l’amendement risque d’avoir des conséquences sur l’ensemble des allocations familiales, qui ne seraient plus versées que jusqu’à l’âge de 3 ans, pour le deuxième enfant, le troisième enfant et au-delà. Je vous invite donc à retirer votre amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je soutiens cet amendement, car son objectif est de contenir l’impact budgétaire de la proposition de loi. Chers collègues qui vous apprêtez à voter ce texte, revenez dans la réalité : le déficit public dépasse 5 % du PIB !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il vient d’où ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Peut-on se permettre de financer un tel texte ? Si nous respections les critères de Maastricht, avec un déficit inférieur à 3 %, nous pourrions à la limite avoir une discussion de cette nature ; je ne la trouverais pas absurde. Mais, au moment où nous nous parlons, l’état de nos finances publiques…

    M. Yannick Monnet

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    C’est vous qui les avez mises dans cet état !

    Mme Danielle Simonnet

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    Quel était donc l’état des finances publiques en 1945 ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …est totalement hors des clous. D’ailleurs, nous peinons à le rétablir : lorsque nous proposons de faire des efforts supplémentaires, vous n’en voulez jamais. Voilà pourquoi nous vous alertons sur le coût budgétaire de votre texte, d’autant que tout cela n’est pas neutre : nous sommes observés par nos partenaires européens, par les marchés financiers, par les agences de notation.
    Manifestement, vu le sens des votes précédents, vous allez réussir à faire passer votre proposition de loi.

    Mme Clémence Guetté

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    Parce que vos collègues sont absents !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Mais je tiens à dire les choses dès à présent : ce sera grâce au soutien des tenants de la préférence nationale. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Sur la loi « immigration », ça ne vous a pas empêchés de dormir !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Tout à l’heure, vous pourrez peut-être vous féliciter d’avoir fait adopter votre texte, mais vous l’aurez voté avec des groupes qui veulent réserver les allocations familiales aux seuls Français. (M. Marc de Fleurian applaudit.) Nous en débattrons lorsque nous examinerons des amendements ultérieurs. J’ignore si, à gauche, vous êtes complètement à l’aise avec l’idée que votre texte passera grâce aux voix de la préférence nationale. (MM. Pierre Cazeneuve et Sylvain Maillard applaudissent. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Ça va bien, les leçons !

    M. le président

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    La parole est à M. Louis Boyard.

    M. Louis Boyard

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    Je réponds à notre collègue : nous sommes toujours plus à l’aise avec cela qu’avec un gouvernement où M. Retailleau est ministre de l’intérieur et que le Rassemblement national ne veut pas censurer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
    Vous parlez de faire des économies. Cet amendement aboutirait effectivement à de grandes économies. Je rappelle la rédaction qui en résulterait : « Les allocations familiales sont dues à partir du premier enfant à charge âgé de moins de 3 ans. » S’il est fait une interprétation restrictive de cette disposition, qu’en sera-t-il des allocations familiales pour les enfants suivants ? Cet amendement a été écrit avec les pieds et devrait, selon moi, être retiré.
    Madame la ministre, je vais vous expliquer pourquoi nous parlons de président des riches. D’abord, demandons-nous qui paye. Le groupe CMA-CGM réalise 25 milliards de superprofits et bénéficie d’une niche fiscale, mais vous refusez de le taxer. (Mêmes mouvements.) Bernard Arnault paye à peine 2 % d’impôts, alors que ma boulangère en paye plutôt entre 20 % et 25 %.
    Ensuite, vous passez votre temps à parler de dépenses publiques sans jamais parler de recettes. Or pour collecter des recettes, il faut de l’emploi.

    M. Sylvain Maillard

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    Vous n’aimez pas le travail !

    M. Louis Boyard

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    Vous prétendez sans cesse avoir créé 2,2 millions d’emplois, mais regardons ce qu’il en est dans les détails. On compte parmi ces emplois 900 000 apprentis. Ce ne sont donc pas des salariés qui vont rester dans la même fonction pendant plusieurs décennies. Surtout, cela ne fait pas rentrer une grande quantité de cotisations. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Ils cotisent ! Tu confonds avec les stagiaires !

    M. Louis Boyard

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    On compte aussi dans ces emplois 700 000 autoentrepreneurs. Donc, non, vous ne pouvez pas dire que vous avez mené une véritable politique de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Et je ne parle même pas des 200 000 emplois qui sont menacés cette année, ni des suppressions de postes de fonctionnaires, ni de la baisse des moyens alloués aux collectivités, qui pourtant, grâce aux marchés publics qu’elles passent, créent de l’emploi et font rentrer des cotisations.
    Par contre, je veux vous parler des 30 milliards d’exonérations de cotisations sociales que vous avez introduites. Elles ont des conséquences concrètes en matière de politique économique : le déficit dont vous parlez. (Mêmes mouvements.)
    Vous êtes au pouvoir depuis sept ans et vous vous plaignez d’une situation dans laquelle vous vous êtes mis tous seuls ! Pourquoi ? Parce que la consommation des ménages est inférieure à ce qu’elle était avant le covid. Les gens consomment moins, donc il y a moins d’emplois et moins de rentrées fiscales. Et vous venez vous plaindre du niveau du déficit ?

    M. le président

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    Merci de conclure.

    M. Louis Boyard

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    Bref, changez de logique et votez contre cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Monsieur Boyard, je ne sais pas dans quelle réalité vous vivez.

    Un député du groupe EPR

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    Une réalité parallèle !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    La France est tout de même l’un des pays du monde qui impose le plus les entreprises…

    M. Jean-François Coulomme

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    …et qui impose le plus les foyers aisés.

    M. Stéphane Peu

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    Les cotisations sociales ne sont pas des impôts ! Quand allez-vous vous mettre ça dans la tête ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Il y a un énorme effort de redistribution et de solidarité dans notre pays. Or vous nous expliquez que l’on ne taxe pas les entreprises, que l’on ne taxe pas les riches.

    M. Louis Boyard

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    Bernard Arnault, à 2 % !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Dans quel monde vivez-vous, monsieur Boyard ? Vous racontez n’importe quoi ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous expliquez que, dans le contexte économique qui est le nôtre, on peut taxer davantage les entreprises.

    M. Stéphane Peu

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    Les cotisations sociales ne sont pas des impôts ! Ce sont deux choses différentes !

    M. Sylvain Maillard

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    C’est le net qui compte !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Quelle entreprise aura envie d’investir et de créer de l’emploi dans un pays piloté par La France insoumise ? Aucune. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ Mme Anne Le Hénanff applaudit également.)

    M. Louis Boyard

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    Jusqu’à présent, nous arrivons en tête aux élections et vous les perdez !

    Mme Anne Le Hénanff

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    Tu ne les gagnes pas non plus !

    (L’amendement no 29 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir les amendements nos 11 et 12, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Béatrice Piron

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    Afin de contenir les dépenses occasionnées par la mesure prévue, l’amendement no 11 vise à en réserver le bénéfice aux foyers vivant sous le seuil de pauvreté. Selon le rapport remis en 2024 par l’Observatoire des inégalités, 5,1 millions de personnes, soit 14 % de la population, vivaient sous le seuil de pauvreté en France en 2024. Plus de 20 % des enfants étaient concernés, sachant que cela affecte réellement leur vie future.
    J’ai bien entendu la remarque de Mme la ministre, mais la mesure ne s’appliquerait pas seulement aux foyers qui touchent le RSA ou la prime d’activité : elle bénéficierait aussi à des familles qui vivent sous le seuil de pauvreté, par exemple des familles où il y a plusieurs enfants et où un seul parent a un emploi. Je pense que nous devons faire un effort pour ces familles.
    L’amendement no 12 est un amendement de repli qui ciblerait plus encore la mesure en la concentrant sur les familles monoparentales en situation de pauvreté.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Tout le monde ici partage votre souhait : soutenir les familles défavorisées, en premier lieu les familles monoparentales. Néanmoins, cela ne doit pas se faire par des amendements qui mettraient à mal le principe d’universalité des allocations familiales, principe que les communistes ont toujours défendu, comme l’a rappelé le président Peu. Rappelons que les allocations familiales sont une prestation, non une aide sociale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. –⁠ M. Antoine Vermorel-Marques applaudit aussi.) Réserver cette prestation à telle ou telle catégorie de familles serait contraire à son esprit même. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur les deux amendements.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Je vous remercie, madame Piron, d’avoir déposé deux amendements de bon sens. La proposition de loi n’est pas financée, et l’idée est bien de réduire son impact financier –⁠ démentiel – en ciblant plutôt les familles qui sont le plus dans le besoin. Malheureusement, vos amendements, tels qu’ils sont rédigés et tel qu’est rédigé le texte initial, ne résoudraient pas le problème, car l’augmentation des allocations familiales entraînerait une baisse des autres prestations qui soutiennent ces familles.
    Je vous invite donc à retirer les amendements, sans quoi mon avis sera défavorable. Il ne faudrait pas donner le sentiment que l’on a réglé le problème, alors que l’on n’améliorerait en rien la situation de ces familles défavorisées.

    M. le président

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    Maintenez-vous vos amendements, madame Piron ?

    Mme Béatrice Piron

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    Oui, je les maintiens, car il faut trouver une solution pour aider ces familles, qui ont réellement besoin d’une aide urgente. On pourrait revoir par décret le mode de calcul des autres prestations pour éviter leur baisse.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Dispensons-nous d’un débat fastidieux entre ceux qui considèrent qu’il y a beaucoup d’argent à prendre chez les très riches et ceux qui estiment qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses de l’État.

    Un député du groupe LFI-NFP

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    La faute à qui ?

    Mme Émeline K/Bidi

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    Vous les avez vidées !

    M. Pierre Cazeneuve

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    En revanche, monsieur le rapporteur, vous avez soulevé un débat de fond très intéressant en évoquant l’universalité des allocations familiales. Il y a là un vrai différend entre la pensée politique que défend votre groupe et celle que soutient le nôtre. Pour notre part, nous pensons que nous devons aider un peu plus ceux qui en ont le plus besoin. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Il a raison !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Et c’est sur cette dynamique de ciblage que nous avons construit notre politique sociale depuis huit ans.
    M. Guedj lève déjà la main pour me répondre, mais je vais lui rendre hommage. Un ancien président de la République, qui siège désormais dans notre assemblée, a eu en 2015 une bonne idée : il a rendu progressif le système des allocations familiales, en faisant en sorte que l’on donne plus aux familles les plus précaires qu’aux familles les plus aisées.

    M. Louis Boyard

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    Une économie de 700 millions d’euros !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il a été mal conseillé ! À l’époque, Macron était l’un de ses conseillers…

    M. Pierre Cazeneuve

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    Ce principe de progressivité des aides sociales et des allocations familiales est très sain.
    Monsieur Guedj, c’est souvent à l’occasion des niches parlementaire que nous débattons de l’universalité de notre modèle social et de la sécurité sociale. Nous sommes d’accord avec l’universalité des contributions, mais la progressivité dans la redistribution nous semble la moindre des choses si nous voulons que notre modèle soit cohérent, juste et financièrement pérenne.

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj

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    Le débat qui oppose la logique d’égalité à la logique d’équité traverse depuis des années la réflexion sur la sécurité sociale et les politiques sociales. La logique d’équité a été introduite progressivement, notamment au sein de la branche famille, un certain nombre de prestations –⁠ le CMG, la Paje, l’allocation de soutien familial (ASF), etc. – ayant été mises sous condition de ressources.
    Or il y a un problème : si l’on fait basculer la sécurité sociale dans la logique de l’équité, en la réservant à ceux qui en ont le plus besoin, on touche à son identité même. En effet, il n’y aura plus alors de consentement à la sécurité sociale, qui repose sur un principe de redistribution à la fois horizontale et verticale. L’universalité, c’est ce qui permet à chacun de dire : je consens à la logique de la sécurité sociale car je sais que ma cotisation me permettra de bénéficier d’une prestation.
    J’étais fermement opposé à la modulation des allocations familiales décidée en 2014-2015, parce qu’elle constituait un cheval de Troie –⁠ je répète ce que j’ai dit lors de mon intervention dans la discussion générale. Nous en voyons les prolongements en ce moment, et je crains que l’on en parle à nouveau lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. En effet, j’ai bien entendu Éric Lombard quand il a dit benoîtement : je ne comprends pas pourquoi un smicard et un milliardaire sont remboursés de la même manière par l’assurance maladie lorsqu’ils consultent un médecin ou achètent des médicaments en pharmacie.
    Introduire cette logique de modulation du remboursement des soins de ville ou des dépenses pharmaceutiques en fonction des revenus ou aggraver la mise sous condition de ressources des allocations familiales, c’est tuer la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)

    M. Stéphane Peu

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    Absolument !

    M. Jérôme Guedj

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    Cela revient à instituer une sécurité sociale à deux vitesses, ce qui amènera certains à se demander pourquoi cotiser s’ils ne bénéficient pas d’une prestation universelle égalitaire et à conclure que, si le système est entièrement soumis à conditions de ressources, ils préfèrent cotiser comme ils l’entendent dans une sécurité sociale privée ! Vous aurez ainsi passé par-dessus bord cette belle idée à laquelle vous êtes tous attachés en ce quatre-vingtième anniversaire de la sécurité sociale : l’universalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)

    Mme Émeline K/Bidi

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    Ils veulent la capitalisation !

    (Les amendements nos 11 et 12, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 26.

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Il vise à modifier une demande de rapport.

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Le texte adopté par la commission prévoit que la Cnaf rende compte, dans le cadre de son rapport annuel consacré à l’activité de la branche famille, des conséquences sur la réduction de la précarité familiale de l’attribution des allocations familiales dès le premier enfant. Or, s’il comporte des chiffres sur l’activité des CAF ainsi que des informations sur l’actualité de la branche, ce rapport n’inclut pas d’éléments d’évaluation des politiques de la sécurité sociale.
    Dès lors, cet amendement propose que le gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport relatif aux effets de la présente proposition de loi sur la réduction de la précarité familiale. Cela présenterait l’avantage de fournir des données et éléments d’évaluation émanant non seulement de la Cnaf, mais aussi de la direction de la sécurité sociale et de la direction générale de la cohésion sociale.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Avis défavorable. Le gouvernement présente des rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale dans les annexes du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. Ces rapports comportent toujours des éléments d’informations sur les réformes qui ont été conduites.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 26.

    (Le vote à mains levées n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        110
            Nombre de suffrages exprimés                110
            Majorité absolue                        56
                    Pour l’adoption                54
                    Contre                56

    (L’amendement no 26 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Sur les amendements nos 43 et 44, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutins publics.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques, pour soutenir l’amendement no 16 rectifié.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Cet amendement rédactionnel vise à nous interpeller sur un sujet majeur : la poursuite du versement des allocations familiales aux parents qui, parce qu’ils violent, battent ou insultent leurs enfants, s’en sont vus retirer la garde par le juge aux affaires familiales (JAF).
    C’est un vrai scandale dans notre pays ! Quand votre enfant est confié à l’aide sociale à l’enfance (ASE) parce que vous n’avez pas su vous en occuper ou le protéger, vous continuez, dans la majorité des cas, à bénéficier des allocations familiales.
    Une proposition de loi, adoptée il y a plus de dix ans au Sénat, vise à retirer lesdites allocations aux parents d’enfants placés pour les verser à ces enfants à leur majorité, mais elle n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée. D’où l’intérêt de cet amendement, qui cible la question de la précarité infantile et des enfants qui, malheureusement, n’ont pas les parents qu’ils méritent.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Avis défavorable pour les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure : un rapport est déjà prévu.

    (L’amendement no 16 rectifié n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 43.

    Mme Angélique Ranc

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    Nous souhaitons réserver les allocations familiales aux familles dont l’un des parents est de nationalité française. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

    Mme Dieynaba Diop

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    Ça faisait longtemps…

    Mme Angélique Ranc

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    Nous y venons ! Cette mesure défendue depuis longtemps par le Rassemblement national (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) s’inscrit dans une logique simple : notre situation budgétaire est catastrophique et nombreux sont nos compatriotes qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois.

    Mme Dieynaba Diop

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    Et nombreux sont les étrangers qui paient des cotisations sociales !

    Mme Angélique Ranc

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    La redistribution sociale doit donc bénéficier en priorité à nos compatriotes.

    Mme Dieynaba Diop

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    Cela n’a aucun sens !

    Mme Angélique Ranc

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    Je m’attends à ce que vous réitériez à propos de cet amendement les accusations de racisme déjà proférées en commission par Mme Soudais.

    Mme Karine Lebon

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    C’est un amendement raciste par excellence !

    Mme Dieynaba Diop

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    Retirez-le !

    Mme Angélique Ranc

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    Si nous avons l’habitude de vos simplifications méprisantes et caricaturales, je tiens à vous rappeler l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. » Je répète : « de tous les citoyens ». Mon amendement porte justement sur cela ; non sur l’origine, la race ou la religion mais sur la citoyenneté. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Avis évidemment défavorable. Sans m’étendre en arguties, cela prouvera à mon collègue du groupe EPR que nous ne sommes pas des tenants de la préférence nationale, ni en fait ni en droit. C’est un principe.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Totalement défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Louis Boyard.

    M. Louis Boyard

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    Le Rassemblement national propose que les personnes qui n’ont pas la nationalité française ne puissent percevoir les allocations familiales. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe RN.)
    Soyons concrets ! Je vais prendre l’exemple d’une famille que je connais. Mehdi, 8 ans, Samira, 10 ans, habitent à Valenton. Leur mère, Djamila, aide-soignante à l’hôpital, les élève seule. Elle travaille entre 35 et 40 heures par semaine pour 1 600 euros nets parce que le reste du salaire obtenu par son travail part dans le brut, c’est-à-dire dans les cotisations sociales.
    Ça veut dire qu’elle travaille entre 35 et 40 heures en tant qu’aide-soignante en France ; elle cotise en France du fait de son travail mais, selon vous, elle n’aurait pas le droit de bénéficier de l’argent qu’elle met dans la caisse. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
    Le pire étant, avec votre idée stupide, qu’elle ne serait pas directement sanctionnée : c’est Mehdi et Samira qui, derrière elle, le seraient, parce qu’à 8 et 10 ans, ils verraient les revenus de la famille baisser pour le seul crime de ne pas avoir des parents de nationalité française !
    Alors évidemment, ici, vous êtes à l’aise : on est à l’Assemblée nationale. Vous pouvez aussi aller le dire sur un plateau de CNews (Exclamations sur les bancs du groupe RN), mais la prochaine fois que vous irez à l’hôpital, allez le dire directement à Djamila, montrez-lui votre amendement ! Quand vous lui expliquerez qu’elle travaille en tant qu’aide-soignante, qu’elle cotise mais qu’elle n’a pas les droits correspondants parce que sa nationalité ne vous plaît pas, croyez-moi, vous tomberez dans les pommes de honte ! (Mêmes mouvements.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Cela n’a aucun rapport : ce n’est pas une cotisation !

    M. Louis Boyard

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    Et ce jour-là, vous serez très contente d’avoir une Djamila issue de l’immigration marocaine pour vous soigner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve

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    J’entends le Rassemblement national dire : « ce ne sont pas des cotisations » ; mais, à votre avis, comment est financée la branche famille de la sécurité sociale ?

    M. Matthias Renault

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    Par l’impôt !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Elle est évidemment financée par les cotisations !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ils n’y connaissent rien !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Les personnes qui travaillent en France et y cotisent ont droit aux prestations liées à ces cotisations, quelle que soit leur nationalité ; sinon, elles ne viendraient pas travailler ! On créerait une injustice folle !
    Sur ce point, je rejoins mon collègue Guedj. L’universalité de la sécurité sociale est l’un des principes fondateurs de notre République, posé en 1946 par Ambroise Croizat et le Conseil national de la Résistance (CNR).

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Ils sont tellement racistes qu’ils en ont perdu la raison !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Chers collègues du Rassemblement national, au-delà de votre xénophobie et de votre racisme crasse (Protestations sur les bancs du groupe RN) qui s’expriment sur les plateaux télé et au travers d’amendements tout à fait scandaleux,…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est la vérité !

    M. Pierre Cazeneuve

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    …réfléchissez au moins à ce qu’est un modèle redistributif basé sur des cotisations ! En sus d’être scandaleux et parfaitement déshonorant pour cette belle maison, ce que vous proposez est tout à fait incongru. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes Dem et LFI-NFP.)

    Mme Dieynaba Diop

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    Amendement xénophobe !

    M. Erwan Balanant

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    Votez contre la bêtise xénophobe !

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 43.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        125
            Nombre de suffrages exprimés                125
            Majorité absolue                        63
                    Pour l’adoption                36
                    Contre                89

    (L’amendement no 43 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 44.

    Mme Angélique Ranc

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    Je souhaitais rebondir sur les propos de M. Boyard. Alors que nombre de nos compatriotes –⁠ je l’ai dit tout à l’heure en défendant mon amendement – ne peuvent plus boucler leurs fins de mois et que les orateurs inscrits sur l’article 1er ont souligné combien le versement des allocations familiales au premier enfant serait coûteux, mon amendement offre une piste pour trouver les fonds qui permettraient à nos compatriotes de nationalité française de bénéficier de ces allocations.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Ils ont cotisé, vous comprenez ?

    Mme Angélique Ranc

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    Monsieur Cazeneuve, vous souhaitez donner l’aumône à tout le monde (Exclamations sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP et EcoS)

    M. Rodrigo Arenas

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    On n’est pas à l’église, ici !

    Mme Angélique Ranc

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    …et aider ceux qui ne sont pas de nationalité française. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Eh bien, je vais vous faire plaisir puisque cet amendement vise justement à attribuer ces allocations à ceux qui cotisent.

    Plusieurs députés

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    Eh bien alors ?

    Mme Angélique Ranc

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    Soyez donc contents et votez cet amendement : il vous est servi sur un plateau d’argent ! Vous auriez même pu le proposer vous-même puisque vous l’aviez signé à l’occasion de l’examen du projet de loi « immigration ».

    Mme Dieynaba Diop

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    Qu’est-ce que vous racontez ?

    Mme Angélique Ranc

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    Pour en venir à cet amendement, il prévoit une double exception au principe tendant à réserver le bénéfice des allocations familiales aux familles dont l’un des deux parents s’acquitte de la contribution sociale généralisée (CSG). La première est prévue pour les non-cotisants qui exercent une activité professionnelle dans un État membre de l’Union européenne ; la seconde joue lorsque l’absence de cotisations concerne une famille dont au moins l’un des parents est de nationalité française. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Avec un amendement pareil, vous refusez la logique selon laquelle la naissance de l’enfant suffit à ouvrir le droit à la prestation.
    Je me demande s’il n’est pas plus insensé qu’indécent ! Il aurait pour conséquence de priver d’allocations familiales une personne en situation de handicap, étant donné que l’allocation aux adultes handicapés (AAH) est exonérée de CSG. C’est pour moi totalement hors de propos. Je rends bien sûr un avis défavorable. (Mme  Marina Ferrari applaudit.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

    Mme Soumya Bourouaha

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    Nous sommes absolument contre cet amendement déposé par le Rassemblement national parce qu’encore une fois, il marque une rupture grave avec les principes fondamentaux de notre politique familiale.
    Vous voulez instaurer une discrimination complètement inacceptable au détriment d’enfants qui vivent dans nos territoires. Au lieu de protéger tous les enfants, quelle que soit leur nationalité, vous voulez les détruire. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
    Si j’emploie des mots forts, c’est qu’il est insupportable d’entendre ce genre de choses dans l’enceinte de notre assemblée. Vous divisez les Français avec vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Pas les Français, justement !

    M. Théo Bernhardt

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    C’est vous qui les divisez !

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Nous sommes bien sûr totalement opposés à cet amendement comme au précédent. Ils montrent le vrai visage du Rassemblement national. Au fond, vous voulez nous vendre une version remastérisée de la préférence nationale, que vous appliquez même au versement des allocations familiales.
    Vous avez beau hurler que vous n’êtes pas d’accord, il n’en reste pas moins vrai que, comme l’ont dit mes collègues, la branche famille est financée par les cotisations. Or il se trouve que, pour cotiser dans ce pays, il n’est pas nécessaire d’être Français. N’importe quel travailleur cotise, quelle que soit sa nationalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes ÉcoS, LFI-NFP et SOC et sur plusieurs bancs du groupe EPR. – M. Erwan Balanant applaudit également.)
    Ces amendements témoignent de la réalité de votre parti et de ses idées nauséabondes, à l’image des neuf députés de votre groupe qui faisaient partie d’un groupe Facebook au sein duquel étaient tenus des propos racistes et antisémites. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Prisca Thevenot

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    Exactement !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Vous ne les aviez pas dénoncés alors que vous auriez dû le faire.
    Nous voterons contre cet amendement car, contrairement à vous, si nous sommes attachés à une chose, c’est bien aux valeurs de notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.–⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Anthony Boulogne

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    Vous irez le dire à Médine !

    M. le président

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    La parole est à M. Matthias Renault. (Exclamations et échanges d’invectives entre les travées.) Chers collègues, veuillez écouter M. Renault !

    M. Matthias Renault

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    Cessons d’échanger des noms d’oiseaux. Premièrement, le concept de nationalité n’est pas raciste. Notre République prévoit que les personnes qui ont la nationalité française n’ont pas les mêmes droits que les autres –⁠ c’est un principe inhérent à tout pays. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
    Deuxièmement, vous avancez l’argument selon lequel les prestations familiales seraient financées par les cotisations. Or la sécurité sociale est entrée depuis plusieurs années dans un processus de fiscalisation rampante. Aujourd’hui, 50 % de la sécurité sociale est financée par l’impôt. La seule prestation financée quasi-intégralement par les cotisations est l’assurance chômage –⁠ dans ce cas précis uniquement, on peut parler d’un système assurantiel puisque ce qui est versé correspond à ce qui est cotisé. Nous pourrions d’ailleurs avoir un vrai débat politique sur cette question lors du prochain PLFSS.
    J’ajoute que les allocations familiales sont financées par des cotisations patronales uniquement –⁠ et non par des cotisations salariales. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Matthias Renault

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    Il n’y a donc pas de lien entre la personne qui cotise et celle qui reçoit une prestation, ce n’est pas un mécanisme de compensation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Cela s’appelle le salaire différé ! Revoyez l’histoire !

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 44.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        132
            Nombre de suffrages exprimés                132
            Majorité absolue                        67
                    Pour l’adoption                37
                    Contre                95

    (L’amendement no 44 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Joséphine Missoffe, pour soutenir l’amendement no 30.

    Mme Joséphine Missoffe

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    Afin d’éviter les effets rétroactifs de l’application de la proposition de loi, il prévoit de limiter le champ de la réforme aux naissances postérieures à la promulgation de la loi, ce qui garantit une mise en ?uvre cohérente, progressive et budgétairement soutenable.
    Une réforme paramétrique d’une telle magnitude doit être appliquée de façon rationnelle. Cet amendement est nécessaire parce qu’il permettra aux organismes de sécurité sociale d’adapter leur système de gestion et à l’État de maîtriser les effets financiers immédiats de la réforme.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    D’une part, votre amendement créerait une inégalité de traitement entre des familles qui se trouvent dans la même situation.
    D’autre part, il entraînerait des difficultés de gestion pour les caisses d’allocations familiales puisque deux systèmes devraient coexister pendant plusieurs années. Qui plus est, selon le directeur général de la Cnaf, le coût d’une telle mesure pourrait atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros.
    Enfin, un tel amendement va à l’encontre de la philosophie générale de la proposition de loi. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Si je reconnais les efforts de Mme la députée pour atténuer l’impact –⁠ démentiel, je le répète – d’une telle réforme sur nos finances publiques, la disposition qu’elle propose créerait, comme l’a dit M. le rapporteur, une inégalité de traitement entre les familles. En outre, le système de gestion par les caisses d’allocations familiales deviendrait très complexe.
    Le mieux est de s’en tenir au rejet de l’article 1er.

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je suis favorable à cet amendement. À mon sens, le gouvernement aurait pu, sinon le soutenir, du moins s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. Notre objectif est tout de même de limiter l’impact budgétaire de la réforme.
    Puisque nous évoquons les enjeux financiers, j’aimerais poser une question à M. le rapporteur. À la page 14 du rapport, conscient que le côut de la réforme peut constituer un frein à son adoption, vous faites trois remarques : premièrement, l’excédent de la branche famille est en excédent ; deuxièmement, c’est cette branche qui prend en charge les indemnités journalières dues pour le congé de maternité après la naissance de l’enfant ; troisièmement, « la réduction de 1,8 point du taux de cotisations d’allocations familiales pour les salariés dont la rémunération annuelle n’excède pas 3,5 smic a représenté 9,46 milliards d’euros en 2023 ». C’est donc dans cette poche que vous comptez prendre l’argent nécessaire.
    Nous savons que le coût de la réforme est de l’ordre de 3 milliards. En revanche, nous aimerions que ses modalités de financement soient définies de façon explicite. En quoi consiste, concrètement, votre tour de passe-passe avec les cotisations ? Et quels sont les effets de cette réforme sur le coût du travail ? Il serait souhaitable que nous disposions de plus d’éléments sur ce point.

    (L’amendement no 30 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 15 et 32, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques, pour soutenir l’amendement no 15.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Le groupe Droite républicaine a toujours défendu le principe de l’université des allocations familiales et celui de leur versement dès le premier enfant. Si nous soutenons cette proposition de loi, sa mise en œuvre soulève des interrogations. Nous proposons donc –⁠ comme nous l’avions fait s’agissant de l’examen du texte sur les retraites agricoles – de fixer une date butoir, en l’occurrence le 13 mai 2027, ce qui imposerait une entrée en vigueur des dispositions de ce texte avant la fin du quinquennat.

    M. le président

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    Sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 32 de Mme Joséphine Missoffe est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    M. Édouard Bénard

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    Défavorable. Sur le no 32, l’argument est le même que sur le no 30. Sur le no 15, je m’interroge sur la pertinence de la date choisie.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Je crains que la situation des finances sociales ne soit pas de nature à nous inviter à l’optimisme s’agissant de notre capacité à appliquer une telle réforme en mai 2027.

    Mme Nadège Abomangoli

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    La confiance règne !

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne Bergantz.

    Mme Anne Bergantz

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    Nous sommes à peu près tous ici favorables à la création de ce nouveau droit mais nous ne sommes pas du tout d’accord sur les modalités d’application. Pour le groupe Démocrates, la question de la responsabilité budgétaire se pose. Nous ne pouvons faire l’économie d’une telle réflexion. C’est pourquoi je soutenais l’amendement précédent de Mme Missoffe, qui prévoyait une clause du premier enfant à naître. Ainsi, il n’y aurait eu ni gagnant ni perdant parmi les familles actuelles et la mesure se serait appliquée uniquement aux familles dans lesquelle un enfant naîtra après l’entrée en vigueur du texte.
    Je nous invite encore une fois à mener ensemble une réflexion sur cette question. Notre approche doit être ambitieuse, exigeante et sans doute courageuse. Il faut totalement remettre à plat la politique familiale.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Sans vouloir vous offenser, madame Bergantz, nous ne sommes pas tous favorables à cette réforme. Un petit village d’irréductibles Gaulois reste sceptique sur la mesure consistant à accorder le versement des allocations à toutes les familles dès le premier enfant.
    En revanche, je pense que nous serons tous d’accord sur la nécessité de trouver des solutions pour que la natalité reparte à la hausse mais aussi pour aider les familles les plus précaires dès le premier enfant.
    Par ailleurs, nous devons avoir aussi le souci de nos finances publiques même si, malheureusement, la conscience de cet enjeu ne semble pas universelle. C’est en tout cas la raison pour laquelle je soutiens ces deux amendements. Grâce à celui de M. Vermorel-Marques, qui prévoit un moratoire, l’addition diminuera puisque, l’année prochaine au moins, le périmètre des finances publiques n’aura pas évolué. Si je pensais qu’il avait une chance d’être adopté, je l’aurais sous-amendé en proposant plutôt comme date butoir le 15 mai 2027 afin de laisser au futur président de la République –⁠ ou à la future présidente –, qui bénéficiera de la légitimité du suffrage universel, le soin de trancher.
    En l’état, nous voterons pour ces deux amendements qui vont dans le bon sens, celui de la limitation de l’impact financier de la réforme.

    (Les amendements nos 15 et 32, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        121
            Nombre de suffrages exprimés                120
            Majorité absolue                        61
                    Pour l’adoption                98
                    Contre                22

    (L’article 1er est adopté.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

    Article 1er bis

    M. le président

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    L’amendement no 8 de M. le rapporteur est rédactionnel.
    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Sagesse.

    (L’amendement no 8 est adopté.)

    M. le président

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    Sur l’amendement n° 36, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Joséphine Missoffe, pour soutenir l’amendement no 36.

    Mme Joséphine Missoffe

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    Il vise à apporter une précision concernant le rapport prévu par l’article 1er  bis afin que celui-ci reflète toutes les réalités du territoire national. En outre-mer, même si les droits et les systèmes de sécurité sociale s’harmonisent avec la métropole, des spécificités demeurent. Il convient de les prendre en considération au moment de l’élaboration de cette proposition de loi.
    Par exemple, en outre-mer, les allocations familiales sont déjà versées dès le premier enfant et, à Mayotte, leur montant est moins élevé à partir du troisième enfant. Dès lors, une approche uniforme nous empêcherait de saisir avec justesse la réalité du terrain.
    Désireux de nous engager pour toutes les familles de France, dans leur diversité, nous voulons nous assurer, par voie d’amendement, qu’une exhaustivité territoriale satisfaisante sera respectée.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Sagesse, comme sur tous les amendements à cet article.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 36.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        105
            Nombre de suffrages exprimés                104
            Majorité absolue                        53
                    Pour l’adoption                95
                    Contre                9

    (L’amendement no 36 est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 10 de M. le rapporteur est rédactionnel.
    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Sagesse.

    (L’amendement no 10 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Joséphine Missoffe, pour soutenir l’amendement no 33.

    Mme Joséphine Missoffe

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    Il vise à supprimer, s’agissant de l’examen des projets de réforme des allocations familiales par le rapport demandé par le Parlement, la mention relative à leur caractère « universel ». Notre groupe considère que l’intégration de cette dimension dans le périmètre du rapport implique la remise en cause d’un principe essentiel de justice sociale dans la politique familiale française.
    Les allocations familiales soutiennent toutes les familles françaises à partir du deuxième enfant mais, depuis 2015, les efforts de solidarité se concentrent plus particulièrement sur les familles les plus modestes.
    Cette modulation du montant des allocations familiales suivant un barème de ressources permet de maintenir un équilibre budgétaire tout en aidant plus puissamment ceux qui en ont le plus besoin. Grâce à cette équation, l’État demeure capable d’offrir au plus grand nombre la chance d’être parent.
    Par cet amendement, nous souhaitons réitérer la nécessité d’amorcer des réformes de fond des allocations familiales et, plus largement, de la politique familiale. Le prisme de l’accès universel ne doit pas se substituer à des efforts plus importants au service de la justice et de l’efficacité.

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements nos 27 et 25, par le groupe Rassemblement national ; sur l’amendement no 46, par les groupes Rassemblement national et UDR ; sur l’article 1er  bis, par le groupe Rassemblement national.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 33 ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Les allocations familiales et leur universalité ne constituent effectivement qu’un maillon de la grande chaîne des politiques familiales. Toutefois, votre amendement prévoit de supprimer de la demande de rapport formulée dans l’article les mots « visant un accès universel ». Or tout l’objet du texte est précisément de rétablir l’universalité des allocations familiales, ou du moins d’y tendre, et de réinscrire la politique familiale dans une logique de redistribution horizontale des ménages sans enfant vers les ménages avec un ou plusieurs enfants. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Sur cet amendement, comme sur tous les amendements à l’article 1er  bis, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    M. le président

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    La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj

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    Je suis à l’origine de cet article 1er  bis, puisque son introduction résulte de l’adoption en commission d’un amendement de demande de rapport que j’avais déposé. Cette demande traduit le souhait, manifestement assez unanime, de mener dans notre assemblée une réflexion d’ensemble sur le devenir des allocations familiales et, plus largement, des dépenses de prestations familiales.
    Tout le monde doit bien avoir les chiffres en tête. À peu près 30 milliards sont versés chaque année au titre des prestations familiales, dont 14 milliards au titre des allocations familiales, celles dont nous parlons à présent. Les autres prestations sont en grande partie soumises à des conditions de ressources, à des titres divers. Ainsi en va-t-il du complément familial, du complément de libre choix du mode de garde ou encore de l’allocation de soutien familial. Au total, près de la moitié des prestations familiales sont donc versées sous condition de ressources.
    Nous cherchons à préserver et même à étendre l’universalité des allocations familiales. L’objectif du rapport demandé est précisément de remettre en question la politique menée dans ce domaine en y réintroduisant une logique d’universalité. Il s’agit d’examiner dans quelles conditions il serait possible de revenir sur la modulation des allocations familiales introduite en 2014-2015 et, une fois que la présente proposition de loi aura été adoptée, comme je le souhaite, d’accentuer le caractère universel des allocations familiales.
    Ce débat nous donnera également l’occasion d’aborder le financement de la branche famille. En effet, en face de prestations universelles, il y a des financements par cotisation. Tout à l’heure, quelqu’un a commis une erreur factuelle : 58 % de la totalité des ressources de la branche famille, soit 35 milliards sur 59 ou 60 milliards, sont issues de cotisations, tandis que 15 milliards proviennent de la contribution sociale généralisée (CSG). On ne peut donc pas laisser dire qu’il n’existe pas de mécanisme reposant sur les cotisations complété par un mécanisme reposant sur la CSG.

    M. Laurent Jacobelli et M. Éric Michoux

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    Ce sont des cotisations patronales !

    M. Jérôme Guedj

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    Il s’agit de cotisations salariales, évidemment acquittées par le patronat –⁠ on parle de salaire superbrut. Par ailleurs, une partie de la CSG qui alimente la branche famille, soit 12 milliards, est prélevée sur les revenus d’activité, donc payée par les salariés. Les revenus de remplacement sont également concernés –⁠ tout le monde paie la CSG. Enfin, la branche famille bénéficie d’une part des impôts, en particulier de la TVA : ce financement correspond à l’universalité des prestations, les allocations familiales n’étant pas liées à une activité professionnelle.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Nous allons laisser le Rassemblement national retravailler ses fiches sur le modèle contributif et la définition des cotisations patronales. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Claire Marais-Beuil

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    On n’a pas besoin de vous !

    M. Emeric Salmon

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    Abandonnez-les, vos fiches ! Le Mozart de la finance a mal interprété sa partition !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Monsieur Guedj, comme vous l’avez parfaitement dit, le versement d’une part significative des prestations familiales est soumis à des conditions de ressources. Il en va de même d’une partie considérable des prestations liées à la branche autonomie –⁠ vous évoquiez ainsi l’AAH.
    Sauf erreur de ma part, bien que des modulations, une progressivité de ces prestations aient été instaurées au fil des années, cela n’a rien changé au fait que l’on n’a pas besoin de payer pour aller chez le médecin. Nous sommes parvenus à maintenir la parfaite universalité de l’accès aux soins et aux médicaments, qu’il faut absolument préserver –⁠ on ne va pas commencer à payer plus cher pour être hospitalisé si l’on est riche que si l’on est pauvre ! Mais cela ne nous empêche aucunement de nous interroger sur la progressivité des aides distribuées et la manière de les spécifier afin qu’elles soutiennent aussi directement que possible ceux qui en ont le plus besoin.
    Dans ces matières, il n’y a pas de « tout ou rien » : l’universalisme n’est pas un impératif catégorique qui devrait s’étendre à la sécurité sociale dans son ensemble. Nous sommes collectivement capables –⁠ vous l’avez dit et votre demande de rapport va dans le bon sens, ce qui ne m’empêchera pas de voter l’amendement no 33 – de préserver notre système de prestations sans faire de l’universalité une obligation absolue. On le voit bien, puisque les modifications par lesquelles nous avons commencé à nous en éloigner ne nous empêchent pas de conserver, s’agissant de l’essentiel, des prestations équitables, même égalitaires, du point de vue de l’accès aux soins.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est vrai !

    (L’amendement no 33 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour soutenir l’amendement no 27.

    Mme Ersilia Soudais

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    Il vise à préciser le sens des mots « accès universel ». Les allocations sont déjà universelles ; ce qui ne l’est pas, c’est leur montant. Il s’agit donc de mettre fin à la modulation du montant des allocations familiales selon les revenus des ménages.
    Je rappelle que l’universalité est une propriété inhérente à une sécurité sociale forte, qui doit protéger l’ensemble de la population contre l’ensemble des risques sociaux. Chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Je rappelle également à quel point les amendements que nous venons d’examiner étaient problématiques, notamment ceux du Rassemblement national qui nous a une fois encore servi un amendement raciste avant de se livrer à un repli cocasse, en demandant que ceux qui ne paient pas la CSG ne soient pas concernés. Les bénéficiaires du RSA et de l’AAH, les chômeurs à faibles revenus, les étudiants ou encore la plupart des apprentis, qui ne la paient pas, seront ravis de savoir que, s’ils ont des enfants et que le Rassemblement national obtient ce qu’il demande, ils ne percevront pas d’allocations ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard

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    À titre personnel et à l’instar du groupe GDR, je suis favorable à l’abrogation de la modulation des allocations familiales, instaurée en 2015 à la seule fin de se conformer à une logique de restriction budgétaire. Toutefois, l’objet du texte est bien de garantir un accès universel aux allocations familiales à toutes les familles dès le premier enfant et sans autre condition, et de mettre un pied dans la porte d’une réforme de l’architecture globale de nos politiques familiales, par un travail que j’espère transpartisan. Pour cette raison, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée nationale sur cet amendement.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Sur cet amendement, comme sur tous les amendements à l’article 1er  bis, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve

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    J’ai déjà beaucoup parlé lors de cette niche et je ne reprendrai plus la parole, mais je dois le faire une dernière fois car, monsieur le président, on ne peut pas laisser passer ça ! L’amendement Boyard défendu par Mme Soudais : on est dans le summum de la déglingue intellectuelle !

    Mme Ersilia Soudais

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    Pardon ?

    M. Pierre Cazeneuve

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    Je ne le dis pas méchamment ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Rodrigo Arenas

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    Tu n’as pas honte, franchement ?

    Mme Ersilia Soudais

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    Il peut m’insulter comme ça ? C’est normal ?

    M. Pierre Cazeneuve

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    Je parlais de l’amendement, madame Soudais, et vraiment pas de vous. Je vous prie de m’excuser si je me suis exprimé de manière abusive.
    Cet amendement vise à faire en sorte que toutes les allocations familiales soient identiques, sans considération du niveau de revenus. Lors de la discussion générale, vous vous êtes livrée à toute une démonstration sur Macron, le président des riches, et autres considérations du même genre, et vous nous présentez maintenant un amendement qui tend à donner plus d’argent à ceux qui n’en ont pas besoin, puisqu’il prévoit d’aligner les prestations et les allocations familiales de ceux qui ont le plus d’argent sur celles de ceux qui en ont le moins. Vous voulez donc faire un cadeau aux riches !

    M. Rodrigo Arenas

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    Alors vous devriez le voter ! Merci pour votre soutien !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Universaliser, c’est donner 2, 3 ou 4 milliards –⁠ on n’arrive pas à chiffrer cette mesure – à ceux qui ont beaucoup d’argent ; je n’ai pas l’impression que ce soit la devise de La France insoumise ! C’est vraiment du grand n’importe quoi. Relisez vos amendements avant de les déposer !

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour un rappel au règlement.

    Mme Gabrielle Cathala

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    Je fais ce rappel au nom de nos collègues Mme Soudais et M. Boyard, pour mise en cause personnelle. M. Cazeneuve vient de moquer un amendement déposé par notre collègue Louis Boyard et défendu par Ersilia Soudais au motif qu’il s’agirait d’un « summum de la déglingue intellectuelle ». Outre le fait qu’il s’agit de propos totalement inappropriés et méprisants,…

    M. Pierre Cazeneuve

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    Pourquoi méprisants ?

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Ce n’est pas méprisant, c’est lucide !

    Mme Gabrielle Cathala

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    …c’est un propos tout à fait savoureux, venant d’un homme dont le seul mérite réside dans la reproduction sociale qui lui permet de siéger ici, puisqu’il est le fils de Jean-Re… (M. le président coupe le micro de l’oratrice. –⁠  Plusieurs députés du groupe LFI-NFP applaudissent cette dernière. –⁠ Protestations sur les bancs du groupe EPR. –⁠ Brouhaha prolongé sur tous les bancs.)

    M. le président

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    Madame Cathala, je vous en prie ! Nous avons tous entendu ce qu’a dit notre collègue Cazeneuve. Il a seulement parlé de l’amendement et à aucun moment des personnes. Vous avez pu faire votre rappel au règlement. Je vous propose de passer au vote.

    Article 1er  bis (suite)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 27.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        101
            Nombre de suffrages exprimés                87
            Majorité absolue                        44
                    Pour l’adoption                36
                    Contre                51

    (L’amendement no 27 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 9 de M. le rapporteur est rédactionnel.
    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Sagesse.

    (L’amendement no 9 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Michoux, pour soutenir l’amendement no 46.

    M. Éric Michoux

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    Le texte que nous examinons est primordial. Le versement des allocations familiales dès le premier enfant est une très bonne chose, une juste reconnaissance de la cellule familiale. La famille constitue une valeur essentielle pour notre société. Elle est notamment le dernier rempart qui protège les plus jeunes. Plus largement, la famille est aussi synonyme de solidarité et d’entraide, à chaque moment de la vie –⁠ les derniers faits divers qui se sont déroulés à Paris illustrent bien l’importance pour les enfants de l’entourage familial. C’est pourquoi nous sommes favorables à ce texte.
    Cependant, une question se pose : comment va-t-on payer ? L’un des députés l’a dit tout à l’heure de manière tout à fait brillante : ça va coûter 1,5, 2 ou 3 milliards –⁠ on ne sait pas trop –, mais comment cela va-t-il être financé ? Je vais vous donner la réponse, toujours la même : l’entreprise ! Dès qu’il y a besoin d’argent, on fait payer l’entreprise !
    En l’occurrence, pour financer cette évolution très positive, le taux réduit de la cotisation d’allocations familiales, fixé à 3,45 % pour les salaires inférieurs à 3,5 Smic, va être remis en cause. Cela veut dire que les charges qui pèsent sur les entreprises vont augmenter et que leur compétitivité en pâtira.
    Nous sommes complètement opposés à ce que l’entreprise, par l’intermédiaire de cette disposition, finance cette bonne idée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. François Cormier-Bouligeon, pour un rappel au règlement.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Ce rappel se fonde sur l’article 70, relatif aux mises en cause personnelles. Il a été dit que notre collègue Pierre Cazeneuve était un exemple de reproduction sociale.

    M. Jean-François Coulomme

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    Eh oui !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Non : c’est un exemple de méritocratie républicaine ! (Protestations et sourires sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    M. Maxime Laisney

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    Même lui, ça le fait rire !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Non seulement M. Cazeneuve doit sa carrière professionnelle aux nombreux diplômes qu’il a brillamment obtenus mais il a en plus été élu et réélu. Et si plusieurs membres de sa famille siègent sur ces bancs (Sourires sur les bancs du groupe EPR), les nôtres comme ceux de la gauche, c’est parce qu’eux aussi ont été élus ! (M. le président coupe le micro de l’orateur.)

    M. Alexis Corbière

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    C’est beau !

    M. Rodrigo Arenas

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    Quelle défense !

    M. Nicolas Sansu

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    Avec de tels amis, pas besoin d’ennemis !

    M. le président

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    Merci d’avoir rappelé ces éléments ! (Sourires.)

    Article 1er  bis (suite)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 46  ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Je n’ai pas d’avis sur la qualité des diplômes de M. Cazeneuve (Sourires), mais pour en venir à l’amendement de M. Michoux, plusieurs travaux ont démontré que les effets de la mesure qu’il propose sur l’emploi sont moins que marginaux. Ainsi, dans leur rapport sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales, en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, MM. Ferracci et Guedj indiquaient que cette mesure avait un effet quasiment nul sur l’emploi et difficilement décelable sur la compétitivité ; ils proposaient ainsi de supprimer cet allégement de cotisations pour les salaires entre 2,5 et 3,5 Smic. La Cour des comptes elle-même est très critique, je l’ai rappelé tout à l’heure : elle précise que l’accumulation d’allégements généraux de cotisations sociales, non compensés ou compensés partiellement, alimente les déficits de la sécurité sociale et l’augmentation de la dette sociale. Il ne serait donc, d’après moi, pas opportun de renoncer à étudier les pistes de financement liées à l’éventuelle abrogation du bandeau famille. C’est pourquoi je suis évidemment défavorable à l’amendement.

    M. Jérôme Guedj

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    Très bien.

    M. le président

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    Le gouvernement, on l’avait noté, s’en remet à la sagesse de l’Assemblée ; et M. Cazeneuve confirme qu’il ne reprend plus la parole.
    Je mets aux voix l’amendement no 46.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        111
            Nombre de suffrages exprimés                110
            Majorité absolue                        56
                    Pour l’adoption                29
                    Contre                81

    (L’amendement no 46 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques, pour soutenir l’amendement no 24.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Il vise à préciser l’objet du rapport demandé. Cette proposition de loi peut nous être très utile dans les années à venir, mais elle ne permettra pas, à elle seule, de relancer la natalité en France et d’accompagner les parents ou les personnes qui souhaitent le devenir. D’où cette demande que le rapport prenne en compte « les évolutions sociétales, la diversité des modèles familiaux » et surtout « les enjeux de natalité ».

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Favorable.

    M. le président

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    Le gouvernement s’en remet là encore à la sagesse de l’Assemblée.

    (L’amendement no 24 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques, pour soutenir l’amendement no 22.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    De même que le précédent, celui-ci vise à conforter le rapport, notamment sur le plan de l’objectivité, en demandant qu’il « s’appuie notamment sur les travaux d’experts indépendants issus de l’Institut national de la statistique et des études économiques et de la Cour des comptes ».

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard

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    Favorable.

    M. le président

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    Le gouvernement, une fois de plus, s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

    (L’amendement no 22 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Joséphine Missoffe, pour soutenir l’amendement no 34.

    Mme Joséphine Missoffe

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    Il est proposé de détailler davantage le périmètre du rapport car il nous faut garantir une évaluation approfondie et transparente des effets de la réforme envisagée pour éviter de passer à côté de ses ambitions initiales. Il est important de préciser clairement les points à prendre en compte et les effets de levier qui permettront de mieux appréhender les dynamiques découlant de changements paramétriques aussi importants. Pour mieux calibrer la politique familiale de demain, l’amendement vise à s’assurer que nous nous posons dès aujourd’hui les bonnes questions.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Autant la question du non-recours est essentielle pour des prestations sociales comme le RSA ou la prime d’activité, autant elle l’est beaucoup moins pour les allocations familiales. En effet, selon le baromètre de la Drees, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, c’est la prestation familiale la mieux connue des Français : 97 % des personnes interrogées déclarent la connaître et 47 % pensent savoir assez précisément qui peut en bénéficier. Quant aux autres demandes de précision, elles me semblent satisfaites par l’alinéa 2 de l’article 1er. C’est donc un avis défavorable.

    M. le président

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    Le gouvernement s’en remet toujours à la sagesse de l’Assemblée.

    (L’amendement no 34 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 1er  bis, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        104
            Nombre de suffrages exprimés                103
            Majorité absolue                        52
                    Pour l’adoption                61
                    Contre                42

    (L’article 1er  bis, amendé, est adopté.)

    M. le président

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    Sur l’amendement no 19, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis également saisi par le groupe Rassemblement national et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Après l’article 1er  bis

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques, pour soutenir l’amendement no 19 portant article additionnel après l’article 1er  bis.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Je propose que le gouvernement remette au Parlement un rapport spécifique relatif à l’impact de l’attribution des allocations familiales dès le premier enfant sur la santé financière des mères seules et à leur accompagnement par l’État. En effet, en donnant naissance à un enfant, les femmes seules peuvent se retrouver dans une situation financière très compliquée. Les allocations familiales n’étant pas versées dès le premier enfant, elles se retrouvent oubliées et laissées pour compte.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Sagesse.

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 19.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        89
            Nombre de suffrages exprimés                81
            Majorité absolue                        41
                    Pour l’adoption                49
                    Contre                32

    (L’amendement no 19 est adopté.)

    Article 2

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    En général, on ne s’inscrit pas sur un article gageant un texte, mais vu qu’il y a des amendements –⁠ j’en remercie le collègue Guedj –, je me suis dit qu’il y avait tout de même nécessité d’avoir un débat sur cet article, d’autant qu’il illustre, lui aussi, le problème de cette proposition de loi : son impact budgétaire considérable. On ne peut pas faire comme si l’équation budgétaire ne comptait pas dans ce texte. Certes, c’est une journée de niche et il est d’usage de permettre au plus grand nombre de textes prévus d’être examinés, mais il y en a parfois qui coûtent plusieurs milliards d’euros et on ne peut l’ignorer. C’est le cas de cette proposition de loi. Je suis à cet égard quelque peu étonné que les perches que nous avons tendues au rapporteur et aux collègues qui vont la voter ne les aies pas poussés à formuler des réponses claires sur les façons de financer le versement des allocations familiales dès le premier enfant.
    Monsieur le rapporteur, je pose encore une fois la question : comptez-vous financer votre proposition de loi en augmentant les cotisations, c’est-à-dire en augmentant le coût du travail ?

    M. Jean-François Coulomme

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    Ça s’appelle la répartition des richesses !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Il faut que ce soit clair pour tout le monde, y compris pour les collègues qui vont la voter –⁠ je pense aux collègues de gauche mais aussi à des collègues de droite qui vont manifestement adopter cette position. Est-ce aux entreprises de payer le coût de cette proposition de loi ? Dernière perche que je vous tends, monsieur le rapporteur !

    M. le président

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    La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir les amendements nos 6 et 5, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Jérôme Guedj

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    Cette proposition de loi juste et nécessaire ne peut se déployer pleinement qu’avec la perspective d’être adossée à un financement juste. Nous saisissons donc l’opportunité que nous offre ce texte pour proposer ce que j’évoquais tout à l’heure et qui est comme notre fil à plomb : l’universalité des droits va de pair avec la progressivité de la contribution. Et pour établir une contribution progressive et juste, il s’agit de voir ce qui, dans le financement actuel de la sécurité sociale, est devenu injuste. Je n’ai pas le monopole de la désignation de ce qui est juste et injuste, mais je vous lis les lignes suivantes : « L’ampleur prise par les régimes sociaux dérogatoires pour les compléments de salaire en modifie leur portée. Ils portent désormais atteinte aux équilibres financiers de la sécurité sociale et à l’équité du prélèvement social entre les entreprises et entre les salariés. Dans un contexte de déficits croissants d’ici à 2027 et de cumul du recours aux différents dispositifs à l’avantage d’un nombre restreint d’entreprises et de salariés, un rapprochement du droit commun s’impose. » Quel en est l’auteur ? C’est la Cour des comptes qui, dans son rapport de mai 2024, fait ce constat et montre que les compléments de salaire représentent environ 80 milliards d’euros, c’est-à-dire 15 % de la totalité de la masse salariale, sans contribuer au financement de la sécurité sociale au même niveau, en proportion, que les salaires.
    Je ne propose pas, dans ces amendements, d’augmenter les taux de cotisations mais de réintroduire dans l’assiette du financement de la sécurité sociale une partie des compléments de salaire qui échappent à l’assujettissement normal. Car il s’agit bien de niches sociales dont la Cour des comptes elle-même considère qu’elles sont devenues un problème par leur ampleur et par leurs modalités d’application.
    Ainsi, l’amendement no 6 assujettit au forfait social standard divers compléments de salaire : je pense au Perco, le plan d’épargne pour la retraite collectif, ou encore au plan d’épargne entreprise.
    Quant à l’amendement no 5, il vise à intégrer l’intéressement et la participation dans le calcul des allégements de cotisations sociales. Pour que cette mesure ne pénalise pas les salariés, nous proposons que seules soient concernées les sommes dépassant deux fois le smic, sachant que le montant moyen versé est de 1 700 euros. Au-delà du plafond, ces primes seraient donc introduites dans l’assiette comme si c’étaient des salaires et on en tirerait les conséquences.
    La Cour des comptes estime le coût de ces niches sociales à 3 milliards d’euros. Je suis à peu près convaincu du caractère totalement indolore de ces mesures qui permettront de financer le dispositif. Oui, nous proposons d’élargir l’assiette du financement de la sécurité sociale pour faire la plus belle chose qui soit au regard de l’héritage de la sécu : élargir son périmètre d’intervention, en l’occurrence par le bénéfice des allocations familiales dès le premier enfant.

    M. Stéphane Peu

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    Bravo !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Édouard Bénard, rapporteur

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    Le travail finance les cotisations, les cotisations financent la sécurité sociale, la sécurité sociale finance la branche famille, et la branche famille, les allocations familiales. Ces amendements proposent deux pistes de financement intéressantes puisqu’on s’attaquerait à deux niches sociales qui amputent directement la branche famille. L’une des pistes–⁠ l’intégration de l’intéressement et de la participation, au-delà de l’équivalent de deux smics, à l’assiette des cotisations de sécurité sociale – financerait directement cette proposition de loi. On propose ainsi des recettes supplémentaires en réponse à ceux qui nous opposent le problème du financement. C’est pourquoi je serai bien entendu favorable à ces deux amendements essentiels.

    M. Jérôme Guedj

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    Mais ce n’est pas tout à fait ce que j’ai exposé !

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée

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    Les deux amendements ont le mérite de mettre en lumière le fait que cette proposition de loi, dont le coût est estimé par le rapporteur à 3 milliards d’euros et dont l’impact concernera non pas les familles les plus défavorisées mais celles dont les revenus sont moyens ou élevés, n’est absolument pas financée. Merci de l’avoir reconnu, monsieur Guedj, en déposant ces amendements ! Au demeurant, ceux-ci renvoient à un débat beaucoup plus large, qui doit avoir lieu dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’émets par conséquent un avis défavorable sur ces deux amendements, tout comme sur l’ensemble d’un texte qui, je le répète, n’est pas financé et qu’il serait irresponsable d’adopter.

    M. le président

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    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin

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    Notre groupe Écologiste et social votera pour le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Mes collègues Perrine Goulet, Karine Lebon et moi-même avions rendu un rapport sur la politique familiale dans le cadre d’une mission flash. La question centrale était la suivante : sachant que chaque homme ou chaque femme de notre pays désire en moyenne 2,3 enfants alors que chaque couple n’en fait que 1,6, comment faire pour combler cette différence ? Il ne s’agit pas d’enjoindre au réarmement démographique, de faire d’une possibilité d’affection, de joie et de tendresse un devoir patriotique, comme le réclame le président de la République –⁠ ce n’est pas le sujet. Il s’agit de savoir comment lever les entraves au fait d’avoir des enfants et d’éprouver la joie de les conduire à l’école.

    ------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Accès à une justice adaptée aux besoins des justiciables ultramarins

    Discussion d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Davy Rimane et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête sur les dysfonctionnements obstruant l’accès à une justice adaptée aux besoins des justiciables ultramarins (nos 1050, 1483).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. Davy Rimane, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Davy Rimane, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Avant d’en venir au cœur de mon propos, je veux nommer, pour qu’ils ne soient pas réduits à des statistiques, à des stéréotypes ou à des lignes perdues dans une dépêche, les familles Gunther, Alatoe, Pierre, Maïpio, Galima, Gipet, Maceno, Moede : sept familles brisées par le chavirage d’une pirogue sur le fleuve Maroni, en Guyane, il y a quelques jours à peine. Le village Kali’na de Paddock est en deuil, la ville de Saint-Laurent-du-Maroni est en deuil, la Guyane est en deuil.
    Je veux dire à leurs proches que leur douleur est la nôtre –⁠ mais je veux dire aussi à la presse hexagonale que son traitement du drame a été indigne. Assimiler ces femmes, ces hommes, ces enfants à des « migrants venus du Suriname », ce n’est pas seulement une erreur factuelle, c’est une faute morale. Ces victimes que l’on a étiquetées comme des migrants n’étaient rien d’autre que des Guyanaises et des Guyanais sur le chemin du retour, et c’étaient avant tout des êtres humains. C’est précisément parce que tant de citoyens ultramarins vivent encore dans l’angle mort du regard national, et trop souvent de la justice, que nous présentons la présente proposition de résolution.
    La justice est censée être l’un des piliers les plus solides de la République française. Elle est représentée par un balancier, qui symbolise l’équilibre, la mesure, l’impartialité. Elle est censée rendre à chacun ce qui lui revient, sans distinction d’origine, de territoire, de langue ou de statut. Posons-nous cette question simple : le balancier est-il encore droit ? Oscille-t-il avec la même justesse partout sur le territoire national ?
    Osons le dire sans détour : le service public de la justice en outre-mer n’est pas seulement en difficulté, il est en état de sous-administration chronique, de relégation organisée. Les Ultramarins ont eux aussi soif de justice mais, souvent, ce qu’ils trouvent face à eux, c’est un mur : un appareil judiciaire cassé, déconnecté, inégalitaire. Ce n’est certes pas une découverte : cela fait des décennies que les rapports s’accumulent, que les témoignages pleuvent, que les chiffres dénoncent –⁠ mais rien ne bouge, ou si peu.
    Pourtant, la réalité est brutale. Le service public de la justice est à la peine, alors même que les faits de violences représentent 30 % du contentieux pénal en outre-mer contre 18 % au niveau national ; alors même que les violences intrafamiliales sont deux fois plus nombreuses en outre-mer que dans l’Hexagone ; alors même que les violences sexuelles font encore l’objet d’une sous-déclaration.
    À Saint-Laurent-du-Maroni, un aller-retour pour une audience coûte plus du quart du revenu médian. À Mayotte, le cadastre est un mirage, les convocations ne parviennent pas à destination, les délais explosent ; on y attend encore la création d’une cour d’appel, qui fait pourtant consensus depuis plus de dix ans. À Wallis-et-Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon, faute d’avocat, les justiciables placent leurs vies entre les mains de citoyens défenseurs, qui, bien que parfois formés à la marge, sont pourtant chargés d’assurer leur représentation en matière pénale. En Polynésie, des contentieux traînent deux ans, parfois trois. Sur les 118 îles que compte le territoire, les services de l’État ne sont présents de manière permanente que dans 16.
    Pendant ce temps, des familles attendent, des enfants grandissent sans juge des enfants, des victimes renoncent. Ce sont des territoires entiers qui vivent dans l’angle mort de la République ; des territoires français ; des citoyens français.
    On nous rétorquera peut-être que la justice est en crise partout, y compris dans l’Hexagone. C’est vrai, mais ce que vivent les outre-mer, c’est une double peine : à la crise nationale s’ajoute le mépris structurel. La crise dans l’Hexagone n’annule pas celle des outre-mer. Elle l’amplifie ; elle l’invisibilise.
    Là où l’Hexagone a des retards, nous avons des absences. Là où l’on parle de manque de moyens, nous parlons de vacance de postes, d’isolement des magistrats, d’absence de greffiers, de roulement constant d’intervenants non formés.
    Ajoutez à cela la complexité des réalités locales : pluralité des langues, traditions orales, statuts coutumiers, illettrisme, zones enclavées, fractures numériques. Ce n’est pas un problème de détail, c’est une question de principe. Doit-on s’accommoder d’un juge qui part tous les deux ans, d’un greffe vide, d’une convocation envoyée dans une langue que tous ne maîtrisent pas nécessairement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –⁠ Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.)
    Nous ne sommes pas là pour écrire un rapport de plus, qui s’empilera sur les autres. Nous voulons des auditions, nous voulons des témoignages, nous voulons un état des lieux précis, territoire par territoire, et, surtout, nous voulons des recommandations budgétaires, organisationnelles, humaines. Nous voulons la vérité, les moyens et la volonté.
    Mes chers collègues, ce que nous proposons aujourd’hui n’est ni une manœuvre politique ni un geste symbolique ; c’est un acte de justice, au service de l’adaptation sincère de nos politiques publiques aux réalités vécues, là où elles s’exercent. J’ai eu l’occasion de le dire en commission et je le répète : une justice maltraitée finit toujours par être une justice maltraitante.
    En votant pour cette proposition de résolution, vous ne soutenez pas la création d’une commission de plus. Vous affirmez que nous sommes des Français à part entière et non des Français à part, invisibilisés de la scène nationale sauf quand il s’agit de faire de nos territoires des laboratoires pénitentiaires ou des vitrines sécuritaires pour des personnalités politiques en mal de visibilité.
    L’équité en matière d’accès à la justice ne peut être un énième idéal abstrait. Elle doit être une exigence concrète, y compris à 7 000, 9 000 ou 17 000 kilomètres de Paris.
    Il est temps que le balancier de la justice soit recalibré –⁠ pas au nom d’un quelconque esprit de revanche, mais au nom d’un principe fondamental auquel trop de nos concitoyens ne croient plus : celui selon lequel nul n’est au-dessus de la loi.

    M. Davy Rimane

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    Faut-il, pour autant, laisser s’installer une abdication plus insidieuse encore, qui consisterait à tolérer que certains vivent, en silence, en dessous de la justice ? Ce ne serait plus un recul, mais une capitulation morale.
    Je vous invite à voter cette résolution avec lucidité, exigence et conscience, non pour une catégorie de Français, mais pour respecter la promesse républicaine dans son entier.

    Discussion générale

    M. le président

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    La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot.

    Mme Mereana Reid Arbelot

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    Monsieur le président, monsieur le rapporteur, cher Davy Rimane, chers collègues, ia ora na  C’est avec engagement et conviction que je prends la parole pour soutenir cette proposition de résolution qui vise à créer une commission d’enquête sur les dysfonctionnements obstruant l’accès à une justice adaptée aux besoins des justiciables ultramarins.
    Mon territoire, la Polynésie française, est régi par l’article 74 de la Constitution qui reconnaît notre spécificité législative. Toutefois, nous partageons avec tous les autres territoires dits d’outre-mer cette réalité commune : les difficultés d’accès à la justice.
    La création de cette commission d’enquête est nécessaire, urgente, et sera, je l’espère, le catalyseur d’une refonte de la politique judiciaire dans les outre-mer.
    Faisons un peu d’histoire. En 1951, le ministre de la France d’outre-mer s’oppose à la ratification de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Conscient que la France ne respecte pas les termes de la CEDH dans ses territoires dits d’outre-mer, il craint de l’exposer au regard désapprobateur des autres pays. Rappelons pourtant qu’à cette date, les anciennes colonies étaient déjà intégrées dans la République.
    C’est l’image politique du pays qui a primé, à cette époque, sur les droits fondamentaux inhérents à tout être humain.
    Cette image, il en est aujourd’hui question car l’image de la République que renvoie la justice dans nos territoires est inquiétante. C’est une justice lointaine, géographiquement, mais aussi humainement, linguistiquement et socialement. Elle est lointaine par ses moyens, comme dans les priorités de l’État.
    Comme le disait Patrick Lingibé : « Si la justice est en grande difficulté dans l’Hexagone, elle est parfois dans un état de coma avancé en outre-mer. » Ce diagnostic est connu. Il a déjà été dressé par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), par les états généraux de la justice, par le rapport Sauvé qui en est issu, par des collectifs d’avocats et des universitaires. Il est mis en avant par les députés ultramarins depuis plusieurs législatures.
    Il est temps de cesser de regarder ce problème sans agir. La justice dans les outre-mer souffre de failles structurelles profondes.
    Il y a d’abord d’un problème d’accès à la connaissance du droit. La faiblesse du maillage juridique, la fracture numérique, l’absence de traducteurs sont autant d’obstacles au premier pilier de l’État de droit : savoir ce à quoi on a droit.
    La justice, en outre-mer, souffre aussi de l’éloignement physique des magistrats. En Polynésie française, certaines îles n’ont vu aucun magistrat passer depuis des années. Les audiences foraines sont rares, difficilement organisables et insuffisantes. Comment parler d’égalité devant la justice quand il faut parfois une journée de transport et des centaines d’euros pour simplement déposer un recours ?
    La dématérialisation, dans ce contexte, aggrave l’injustice. Elle fait croire à une modernisation alors qu’elle exclut encore plus ceux qui n’ont ni accès au réseau, ni formation suffisante, ni outils. Elle rend la justice fictive pour nombre de nos concitoyens.
    La question du multilinguisme est, pour nous, centrale. La Constitution impose le français comme langue de la République, mais cela ne doit pas mener au refus de traduire, d’interpréter et d’accompagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –⁠ M. le rapporteur applaudit également.)
    Il est difficile de travailler dans une langue que l’on ne maîtrise pas, avec une procédure que l’on ne comprend pas, face à un juge dont on ignore les codes, et qui ignore les nôtres. Mettre le justiciable dans une telle situation est inacceptable.
    Pourtant, des solutions émergent. Lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, les amendements que nous avons défendus, et adoptés, tracent des pistes concrètes : formation des citoyens défenseurs à Wallis-et-Futuna, traduction des supports juridiques dans les langues locales, adaptation des bâtiments de justice aux spécificités climatiques de nos territoires, visites de palais de justice au cours de la scolarité de nos enfants…
    Ces avancées prouvent que l’égalité est possible, mais elles ne suffiront pas sans un engagement durable de l’État. La justice ultramarine ne doit plus être un outil d’assimilation : elle doit devenir un service public respectueux de tous.
    La commission d’enquête pourra se pencher sur les interactions entre droit coutumier et droit républicain, car dans nos territoires, il existe des régimes coutumiers, des règles de filiations et des logiques foncières spécifiques.
    Elle devra également s’interroger sur l’attractivité des postes judiciaires. En Polynésie comme ailleurs, nous constatons que des greffes en tension, des rotations excessives de magistrats peu formés au contexte local et une absence de continuité induisent de la défiance et nuisent à la qualité de la justice rendue.
    Enfin, l’aide juridictionnelle, la prise en charge des déplacements des avocats, les frais d’accès à la justice doivent être réévalués à l’aune des réalités de nos territoires. Il ne peut y avoir d’égalité des droits sans égalité des moyens.
    La justice reste une compétence régalienne, même pour les territoires bénéficiant d’une autonomie très poussée. Il est temps de construire une justice plus proche de tous les justiciables. Cette commission d’enquête permettra de s’attacher aux problématiques ultramarines en matière de justice, et de recommander des évolutions adaptées. Elle nous fera passer de la dénonciation à la proposition, pour coconstruire une justice de qualité, accessible et humaine.
    Le groupe GDR défend et soutient ce texte, et vous appelle à le soutenir également. Mauruuru –⁠ merci. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

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    Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre qui est absent, cette proposition de résolution est nécessaire, elle est même plus qu’urgente.
    Depuis des décennies, les gouvernements successifs –⁠ de toutes les sensibilités politiques – ferment les yeux sur la situation dramatique de la justice en général, et de la justice ultramarine en particulier.
    Depuis plus de trente ans, rien n’a été fait, sur le plan structurel, pour corriger des déséquilibres pourtant criants. Les rares fois où l’on a agi, cela s’est toujours fait dans l’urgence, jamais dans la stratégie.
    Ce n’est plus un angle mort, c’est devenu une zone de relégation institutionnelle. Pour preuve, sur les 250 pages du rapport issu des états généraux de la justice, seules deux pages sont consacrées à la justice ultramarine. Leur lecture est pour le moins édifiante. Les rapporteurs évoquent « une justice ultramarine en état de grande fragilité ». C’est un doux euphémisme : il ne s’agit pas d’un incident ponctuel ou d’un simple retard d’investissement, mais d’une véritable crise systémique.
    Les juridictions ultramarines sont confrontées depuis des années à une extraordinaire accumulation de difficultés structurelles : des infrastructures vétustes voire indignes, et à tout le moins inadaptées aux besoins locaux ; des postes non pourvus de magistrats et de greffiers, faute d’attractivité, mais aussi d’une volonté politique de résorber les inégalités ; des délais de traitement des dossiers, encore plus longs qu’en métropole, qui heurtent les principes fondamentaux du droit et alimentent parmi les citoyens un sentiment d’injustice et d’abandon ; une fracture numérique qui aggrave encore l’éloignement entre les justiciables et leur institution.
    Le rapport évoque aussi une défiance envers la justice dans les outre-mer. Qui peut encore s’en étonner ? Comment faire confiance à une institution qui, dans certains territoires, rend la justice dans des bâtiments insalubres, avec des effectifs réduits et dans des délais qui découragent à jamais toute démarche judiciaire ? Cette situation n’est pas un accident. C’est la conséquence directe d’un désintérêt coupable, nourri par une méconnaissance des réalités locales, et trop souvent par une vision purement jacobine de la République.
    Nos compatriotes ultramarins n’ont jamais réclamé une justice d’exception. Ils demandent simplement une justice à hauteur d’homme, à la fois respectueuse des principes de la République et, surtout, adaptée aux réalités sociales, culturelles et géographiques du terrain. Nous leur devons la vérité, nous devons dresser un état des lieux précis, entendre celles et ceux qui, chaque jour, font de leur mieux –⁠ et Dieu sait que c’est difficile – pour tenter de faire fonctionner ces juridictions dans des conditions que beaucoup de nos concitoyens de métropole n’imagineraient même pas.
    Nous devons aussi nous interroger sur l’inaction de l’État, l’inefficacité des plans précédents, le défaut de programmation budgétaire, et l’absence chronique de moyens. Oui, il faut dénoncer et interroger le double visage d’un discours républicain qui proclame l’égalité, mais laisse s’installer une justice à deux, voire trois vitesses. Oui, il faut briser cette mécanique du sous-investissement chronique. Oui, il faut enfin une réponse politique forte, à la hauteur des enjeux.
    L’égalité des droits sur l’ensemble de nos territoires est l’un des socles de notre République. La justice est le fondement même du pacte social : là où il n’y a pas de justice, il n’y a pas d’État.
    La création de cette commission d’enquête doit être un acte de confiance dans notre capacité collective à enfin réformer, enfin corriger et enfin mieux faire. C’est pourquoi le groupe Rassemblement national votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente.

    M. Guillaume Gouffier Valente

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    Je tiens d’abord à m’associer aux mots du rapporteur, par solidarité, et en recueillement, à la suite du drame survenu il y a quelques jours en Guyane.
    Nous examinons la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les dysfonctionnements obstruant l’accès à une justice adaptée aux besoins des justiciables ultramarins.
    Nombreux sont les constats préoccupants concernant l’accès à la justice dans les outre-mer. Une étude réalisée en 2021 pour le Conseil national des barreaux, indique que 58 % des Ultramarins éprouvent des difficultés à faire valoir leurs droits.
    Cette réalité est due, avant tout, à un déficit de magistrats, de greffiers et d’autres professionnels du droit. Faute de moyens humains suffisants, les retards dans le traitement des affaires se multiplient et aggravent la surcharge de travail de ces professionnels.
    S’ajoutent à cela des différences culturelles entre certains professionnels de la justice issus de l’Hexagone et les justiciables ultramarins, dégradant encore une confiance déjà mise à mal.
    Les territoires disposent également d’un nombre limité de tribunaux. Pour les citoyens vivant dans les zones reculées, avoir accès aux services de la justice relève parfois –⁠ et même bien souvent, selon les territoires – d’un parcours du combattant.
    Il faut aussi compter avec la précarité économique qui touche de nombreux citoyens ultramarins. La proposition de résolution le souligne : le PIB moyen par habitant au niveau national était de 34 500 euros en 2020, alors qu’il était de 9 700 euros à Mayotte, et en 2023, le taux de chômage en France hexagonale était de 7,3 % alors qu’il s’élevait à 19 % à La Réunion. Dans ces conditions, les frais d’avocat ne peuvent être supportés, d’autant qu’ils sont encore plus lourds en outre-mer que dans l’Hexagone.
    Enfin, la fracture numérique et les barrières linguistiques constituent autant d’obstacles qui se mettent en travers d’un accès égal pour tous à la justice.
    Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation. L’égalité devant la loi et dans l’accès à la justice est une exigence de l’État de droit. La France doit œuvrer sans relâche pour garantir les droits fondamentaux partout sur son territoire.
    Face à cette réalité, de nombreux dispositifs ont été créés ces dernières années. Les audiences foraines ont été considérablement développées, qu’il s’agisse du justibus en Martinique ou des pirogues du droit en Guyane. Des brigades de soutien ont été inaugurées en 2023 à Mayotte et en Guyane pour renforcer l’attractivité des professions judiciaires. La loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027 a permis des augmentations massives d’effectifs pour renforcer le service public.
    La proposition de résolution déposée par le groupe GDR vise à créer une commission d’enquête pour comprendre les obstacles qui entravent l’accès aux droits des citoyens ultramarins et ainsi trouver des leviers d’action efficaces. Si le groupe Ensemble pour la République partage les constats établis dans la proposition de résolution, notre position demeure la même qu’en commission : le format d’une mission d’information nous semblerait plus pertinent qu’une commission qu’enquête, compte tenu du fleurissement de celles-ci. Nous avons toutefois conscience que le texte que nous examinons sera adopté si les positions des uns et des autres sont les mêmes qu’en commission. Bien évidemment, monsieur le rapporteur, nous prendrons toute notre part aux travaux de cette commission d’enquête.
    Sa création ne s’inscrirait pas dans le cadre du droit de tirage du groupe GDR. Ce droit a déjà utilisé pour la commission d’enquête relative à la politique française d’expérimentation nucléaire en Polynésie française. Les commissions d’enquête revêtent un caractère exceptionnel, afin de maintenir leurs capacités de contrôle et d’évaluation. Le groupe Ensemble pour la République ne votera pas en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Il est plus que temps de révéler enfin la vérité sur les dysfonctionnements de la justice dans les dits outre-mer. Face à l’acuité de la crise, le tribunal du peuple nous condamne à agir, il nous condamne à réussir. Est-il besoin de démontrer qu’un peuple qui vit l’injustice au plus profond de sa chair, des entrailles de sa mémoire, ne peut nourrir en son sein que défiance, déviance et désespérance ?
    Qu’ils soient structurels, organisationnels ou humains, ces dysfonctionnements portent gravement atteinte à la qualité et à la crédibilité du service public de la justice, à la confiance des citoyens dans l’État dit de droit ainsi qu’aux droits fondamentaux des justiciables.
    Derrière le mot « dysfonctionnements » se cachent des vies broyées, des droits suspendus, des dossiers qui se perdent –⁠ comme par désenchantement –, des non-lieux scandaleux, des familles sans réponse, des procédures qui s’éternisent et s’éternisent encore, des audiences reportées –⁠ faute de personnel –, des décisions rendues si tard, qu’elles en perdent leur sens. Parmi les problèmes les plus fréquemment signalés, figurent les délais de traitement excessifs, et ce dans tous nos territoires, pour les affaires civiles, pénales ou administratives, entraînant une atteinte réelle au droit à un procès dans un délai raisonnable. Ce droit est pourtant garanti tant par la Constitution que par les conventions internationales ratifiées par la France, telles que la CEDH.
    Les personnels –⁠ magistrats, greffiers, personnels administratifs – se trouvent dans une situation de sous-effectif chronique qui affecte la qualité et la continuité du service judiciaire. Disons-le franchement : une nomination dans une juridiction ultramarine est considérée le plus souvent par les fonctionnaires non originaires de ces territoires au mieux comme un passage, au pire comme une sanction. Cela les empêche de s’impliquer ou d’avoir une vision à long terme. Dans le même temps, les fonctionnaires ultramarins en poste dans l’Hexagone attendent en vain leur mutation. (M. Frédéric Maillot applaudit.) L’administration reconnaît que le centre de leurs intérêts matériels et moraux (CIMM) se trouve dans un territoire ultramarin en pure perte !
    Parlons des conditions matérielles dégradées dont souffrent la plupart des tribunaux ultramarins. La dignité du service rendu et la sécurité des agents sont compromises. Des agents maltraités, une justice maltraitée deviennent à leur tour maltraitants envers les justiciables.
    Parlons des difficultés d’accès au droit pour les citoyens les plus vulnérables, provoquées par le manque d’information, une aide juridictionnelle hypothétique, l’absence d’interprète ou l’éloignement géographique des institutions judiciaires, souvent amplifié par le faible développement des transports en commun.
    Partout dans les territoires ultramarins des audiences se tiennent sans interprète et la barrière linguistique rend l’institution judiciaire quasi inaudible pour des milliers de personnes. Partout, les délais deviennent insupportables ; ce n’est plus de la lenteur, mais de la paralysie. Pire, des suspicions répétées de conflit d’intérêts, de partialité ou de traitement différencié dans certaines procédures, soulèvent de sérieuses interrogations quant à l’impartialité de la justice locale et à son indépendance.
    Comment comprendre qu’en Martinique, par exemple, les militants anti-chlordécone sont harcelés et condamnés, alors que les auteurs et bénéficiaires de cet empoisonnement massif, perpétré en toute connaissance de cause, n’ont jamais, au grand jamais, été inquiétés ? Comment comprendre que les vols et autres spoliations des terres martiniquaises se multiplient, en ce moment même, sous le regard permissif, si ce n’est complice, de la justice, et ce au mépris du droit de propriété, pourtant réputé imprescriptible dans la Constitution ?
    Face à ces constats alarmants, et en écho à la mobilisation de nombreux citoyens et professionnels du droit, un diagnostic rigoureux et impartial s’impose. Cette commission d’enquête s’inscrit dans un devoir de transparence et de vérité. La soutenir, c’est précisément renoncer au renoncement ambiant.
    Chers collègues, en votant pour ce texte, je vous invite à nous jurer, comme Thomas Sankara, « de ne plus jamais accepter sur la moindre parcelle de cette terre le moindre déni de justice ». (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, GDR et sur plusieurs bancs du groupe SOC. –⁠ M. le rapporteur applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Naillet.

    M. Philippe Naillet

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    Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je veux dire toute notre solidarité aux personnes et familles endeuillées par le drame survenu le 1er juin sur le Maroni. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
    L’accès au droit et à la justice pour nos concitoyens d’outre-mer est un sujet qui est particulièrement cher à notre groupe. Il renvoie à une exigence fondamentale : garantir une égalité réelle entre tous les citoyens de la République, quelles que soient leurs origines sociales ou géographiques.
    Je salue l’initiative du groupe GDR visant à proposer la création d’une commission d’enquête qui s’inscrit dans une démarche rigoureuse et qui puise son inspiration dans la réalité vécue par nos concitoyens.
    Le Défenseur des droits, l’Insee ou la CNCDH ont tous souligné à des moments différents le traitement inégal dont sont victimes nos compatriotes ultramarins : un taux de pauvreté jusqu’à dix fois supérieur à celui de l’Hexagone, un taux de chômage pouvant aller jusqu’à 38 %, une aide juridictionnelle insuffisante. Comment garantir à nos concitoyens le droit à un recours effectif dans de telles conditions ? Cette réalité a été dénoncée à maintes reprises, mais cela n’aura que rarement été suivi d’effets.
    Au-delà des constats que l’on peut d’ores et déjà réaliser sur la base des données disponibles, il convient avant toute autre chose d’approfondir nos connaissances sur ce sujet et de mener une enquête exhaustive sur ces dysfonctionnements. C’est sur les fondements d’une telle enquête qu’il conviendra d’établir des pistes d’améliorations.
    À cet égard, la commission d’enquête aura pour mission de proposer des correctifs afin de renforcer l’efficacité juridictionnelle dans les territoires d’outre-mer, de formuler des propositions en vue d’améliorer l’aide juridictionnelle pour assurer une égalité réelle en matière d’accès à la justice pour les citoyens ultramarins, d’améliorer les rapports de confiance avec la justice ultramarine et de rendre plus effectif le retour des personnels judiciaires ultramarins.
    Je souhaite souligner l’intérêt que porte le groupe Socialistes et apparentés aux effets bénéfiques qu’auraient les travaux de cette commission d’enquête en vue de rétablir le dialogue social avec les citoyens ultramarins. La pluralité des thèmes abordées témoigne d’une volonté de ne pas traiter les outre-mer en adoptant une approche unique, calquée sur celle de l’Hexagone, mais d’avoir à cœur de prendre pleinement en considération les singularités de chaque territoire ultramarin : normes coutumières, multilinguisme, effets de l’éloignement géographique sur le service public de la justice, rôle de la dématérialisation, formation et attractivité des magistrats.
    Si l’article 6 de la Déclaration des droits de 1789 consacre le principe suivant lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », cela ne saurait justifier notre inertie en tant que législateur. Le Conseil constitutionnel lui-même considère que « le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».
    Entendons-nous bien : cette commission d’enquête ne peut être que le point de départ d’une démarche globale. Il ne s’agira pas seulement d’établir un diagnostic. Il faudra agir une fois qu’il sera établi. Il appartiendra au gouvernement, qui n’est pas limité comme le sont les parlementaires par l’article 40 de la Constitution, de déposer un projet de loi de programmation sur la justice dans les outre-mer.
    Tout en saluant une nouvelle fois la proposition du rapporteur Davy Rimane, je souhaite vraiment que les travaux de cette commission d’enquête ne viennent pas s’ajouter à une longue liste d’expertises demeurées sans suite. Il nous appartiendra d’y veiller collectivement afin que les travaux d’évaluation menés par le Parlement se traduisent par des mesures législatives qui permettent concrètement de remédier aux dysfonctionnements constatés par la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –⁠ M. le rapporteur applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Le texte que nous examinons part d’un constat que nous partageons tous : dans les outre-mer, l’accès à la justice est entravé par des obstacles réels, multiples et profondément ancrés. Nous reconnaissons sans détour que les carences en moyens humains et matériels, l’éloignement géographique, la fracture numérique, les barrières linguistiques et les spécificités coutumières minent le bon fonctionnement de nos institutions judiciaires. Il s’agit là de dysfonctionnements graves qui alimentent la défiance des citoyens ultramarins envers la justice de la République.
    Oui, cette situation est inacceptable ; oui, elle exige des réponses ; mais c’est précisément là que notre position diffère. Le groupe Droite républicaine ne met pas en cause la légitimité du sujet, ni la sincérité des parlementaires qui défendent cette proposition de résolution. En revanche, nous doutons de l’adéquation de l’outil proposé. Une commission d’enquête n’est pas un instrument de réforme législative. C’est un outil d’investigation, destiné à faire la lumière sur des faits graves, dissimulés et susceptibles d’engager des responsabilités.
    Or nous ne sommes pas face à des scandales cachés ou à des dysfonctionnements soudains. Nous sommes face à une série de difficultés structurelles, connues, documentées, analysées par le ministère de la justice, la Cour des comptes, le Défenseur des droits ou encore le Conseil supérieur de la magistrature.

    ------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------

    M. Olivier Fayssat

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    Vous parlez même de consentement à l’impôt dans l’exposé des motifs du texte. Effectivement, ce consentement est de 100 % si on interroge ceux qui ne paient pas d’impôts, ou très peu. Mais, dans un pays parmi les plus taxés au monde, comment pouvez-vous imaginer que ceux qui portent les finances publiques sur leurs épaules ne soient pas au bord du renoncement ?
    J’en terminerai sur une note positive : l’avantage d’examiner des textes venant de l’extrême gauche, c’est qu’il n’y a pas 800 amendements d’obstruction, pas plus qu’une motion de rejet préalable. En revanche, la difficulté est que, quand nous disons « entreprise », vous entendez « kolkhoze ».

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Oh !

    M. Olivier Fayssat

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    Quand nous imaginons une transmission, vous comprenez confiscation et quand nous espérons le dynamisme, vous rêvez de collectivisation.

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    C’est bien ! Ce n’est pas caricatural du tout !

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie-Laurence Roy.

    Mme Sophie-Laurence Roy

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    Au Rassemblement national, nous voulons renforcer le pacte Dutreil, parce qu’il n’y a ni emplois ni salariés sans entreprises et pas d’entreprises sans entrepreneurs. (M. Aurélien Le Coq s’exclame.) Sans entreprises, il n’existe aucune prospérité, ni pour la France ni pour les Français. Le Rassemblement national défend ce principe de réalité. Quand, en France, une entreprise française peut être reprise par un Français qui la connaît parce qu’il y travaille déjà, nous devons aider cette transmission. Voilà le principe de réalité que nous devons garder en tête lorsque nous débattons du pacte Dutreil.
    Le texte qui nous est présenté a pour but de taxer toujours plus…

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Ah bon ?

    Mme Sophie-Laurence Roy

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    …nos concitoyens qui travaillent. Comme de nombreux impôts, il aura un effet pervers : la transmission d’entreprises sera plus coûteuse, et donc plus difficile et plus rare.
    Pourtant, le défi qui est devant nous est immense. Selon la chambre de commerce et d’industrie (CCI), 25 % des dirigeants de PME et d’ETI ont plus de 60 ans et 11 % ont plus de 66 ans. D’ici à 2032, 700 000 entreprises devront être cédées. La CCI estime qu’une année comptant 50 000 transmissions représente 770 000 emplois maintenus. À l’inverse, la plupart du temps, une entreprise non transmise disparaît ou passe sous pavillon étranger, bien souvent pour être pillée avant d’être liquidée.
    Le pacte Dutreil permet de transmettre une société à quelqu’un qui y travaille déjà et qui n’aura pas à s’endetter pour la reprendre, alors que, s’il le faisait, cela alourdirait inévitablement les charges futures de l’entreprise. En France, seulement 12 % des transmissions d’entreprises se font dans le cadre familial, contre 65 % en Allemagne et 76 % en Italie. Cette faiblesse structurelle, qui affaiblit la continuité économique et la résilience de notre tissu productif, trouve une grande partie de sa source dans la lourdeur de la fiscalité sur les transmissions. Elle explique aussi pourquoi notre pays dispose d’un réseau d’ETI beaucoup plus restreint que celui de nos voisins. C’est pourtant ce tissu d’ETI qui assure la stabilité de l’emploi, la capacité d’exporter et l’ancrage territorial.

    M. Emeric Salmon

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    Elle a raison !

    Mme Sophie-Laurence Roy

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    Face à cette réalité, affaiblir le pacte Dutreil aggraverait la situation. Allonger la durée des engagements de conservation de la société tout en réduisant l’abattement et interdire certaines pratiques comme le démembrement rendrait la transmission encore plus coûteuse et, donc, plus difficile, ce qui serait dangereux pour l’emploi et l’économie en France.
    Au Rassemblement national, au contraire, nous voulons renforcer le pacte Dutreil. Nous proposons une exonération totale des droits de mutation à titre gratuit en contrepartie d’un engagement de conservation pendant dix ans.

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Bien sûr ! Embrassons-nous, Folleville !

    Mme Sophie-Laurence Roy

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    Ce n’est pas un cadeau.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi et M. Aurélien Le Coq

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    Si !

    Mme Sophie-Laurence Roy

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    C’est un contrat, un engagement à long terme fondé sur la continuité de la direction de l’entreprise.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Ça s’appelle les priviléges !

    Mme Sophie-Laurence Roy

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    Toute la force du dispositif Dutreil est là : il ne fonctionne que si la transmission se fait au bénéfice de quelqu’un déjà impliqué dans la direction de l’entreprise, d’un membre de la famille actif dans la structure, d’une personne formée, fidèle et enracinée dans l’histoire de l’entreprise. Il permet un vrai passage de relais puisque l’une des conditions de son utilisation est la détention finale du pouvoir de direction.
    Le pacte Dutreil n’est pas une niche. C’est une mesure de transmission, de stabilité et de pérennité. Il profite non aux spéculateurs mais aux entrepreneurs qui veulent transmettre plutôt que vendre. C’est pour cela que nous voterons contre la proposition de loi, qui affaiblit un outil structurant au nom d’un dogme fiscal abstrait. Monsieur le rapporteur, vous avez dû remonter loin et même parler de Mirabeau ou de je ne sais quel auteur du XVIIIe siècle. (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Eh oui ! C’est beau, l’histoire…

    Mme Sophie-Laurence Roy

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    En fragilisant la transmission des entreprises, vous mettez en péril l’emploi, l’ancrage territorial des entreprises et la souveraineté économique du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Oh là là !

    M. Aurélien Le Coq

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    C’était magique !

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Aurélien Le Coq

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    Deux macronistes se succèdent !

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Ils ont la parole deux fois de suite ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Quand, dans l’ordre du jour de la niche parlementaire de nos collègues communistes, j’ai vu que nous allions parler de fiscalité, un vif sentiment d’inquiétude s’est emparé de moi.

    M. Aurélien Le Coq

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    À raison !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    À raison !

    M. Aurélien Le Coq

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    Vous avez raison d’avoir peur : nous arrivons !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Quand j’ai vu qu’une des propositions de loi visait à remettre en cause les équilibres du pacte Dutreil, je me suis dit que nos collègues de gauche n’avaient toujours pas compris dans quel climat l’économie française se trouve depuis plusieurs mois.

    M. Jean-François Coulomme

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    À cause de vous !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Les chefs d’entreprise sont extrêmement inquiets de tous les débats sur la fiscalité qu’ouvrent certains partis, pour la plupart de gauche, même si je rappelle qu’à l’automne dernier, le Rassemblement national a voté à plusieurs reprises avec elle en faveur de hausses d’impôts. Tout cela provoque énormément d’instabilité.
    Une fois encore, chers collègues, monsieur le rapporteur, vous vous attaquez à quelque chose qui fonctionne.

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Ah bon ?

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Vous n’avez pas écouté l’intervention du rapporteur !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Quel est votre problème avec le pacte Dutreil ?

    M. Aurélien Le Coq

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    C’est vous, le problème !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je n’arrive pas à le comprendre. Ce dispositif fiscal existe depuis une vingtaine d’années. Il a été mis en place sous Jacques Chirac, par un gouvernement de droite modérée et républicaine, ni ultralibérale ni ultracapitaliste. Il a trouvé ses équilibres ainsi que son public et il permet qu’en France, l’un des pays les plus fiscalisés d’Europe et de l’OCDE, des entreprises familiales soient transmises. Nous en avons eu besoin après avoir constaté, dans les années 1980 et 1990, que des entreprises familiales, qui auraient pu être transmises à des descendants et qui auraient donc pu rester ancrées localement sur le territoire national, avaient fait l’objet de raids hostiles venus de l’étranger. La France a donc créé le pacte Dutreil pour protéger son tissu économique.
    J’ai été très perturbé car, dans leurs interventions, MM. le rapporteur Sansu et le président Coquerel n’ont presque pas parlé des entreprises, pourtant concernées au premier chef par le texte. Nous avons eu droit à de magnifiques théories de gauche radicale sur l’héritage. Mais ce n’est pas le sujet !

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Si !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous n’avez presque pas prononcé les mots « industrie » ou « industriel ».

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Bien sûr que si !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je n’ai même pas souvenir que vous ayez parlé d’artisanat…

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Ah si !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …ou des exploitations agricoles !

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Et on ne parle que d’entreprises qui valent plus de 50 millions d’euros !

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Vous n’avez pas écouté le rapporteur !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Pourtant, le pacte Dutreil concerne le tissu économique de la France, les PME, les ETI, les forces vives de l’économie française, qu’elles soient industrielles, artisanales ou agricoles –⁠ j’insiste sur ce dernier point. Ce pacte rend possible des transmissions et permet de protéger ainsi que de garder en France des entreprises performantes, ancrées et parfois très anciennes. (M. Mathieu Lefèvre applaudit.) Je pourrais citer plein d’exemples, tirés notamment de ma circonscription du centre de l’Alsace.
    Au groupe EPR, nous ne comprenons pas pourquoi vous vous attaquez au pacte Dutreil. Tout cela participe du climat d’angoisse fiscale dans lequel se trouve le pays.

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Ah oui ? Bien sûr…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Dans la situation économique actuelle, vous ne faites pas œuvre utile en vous attaquant une fois de plus à un dispositif fiscal qui fonctionne et qui a trouvé sa raison d’être.

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    C’est sûr que, pour certains, il fonctionne très bien…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Enfin, si vous avez beaucoup parlé des niches fiscales, vous avez omis de dire qu’elles incluent aussi le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, les abattements sur le montant des pensions ou les différents taux réduits de TVA. Comme toujours, votre offensive contre les niches fiscales est à géométrie variable et vous vous attaquez à celles qui bénéficient aux chefs d’entreprise et aux entrepreneurs.
    Nous nous opposerons résolument au texte, sur lequel nous avons déposé des amendements pour susciter un débat de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Le Coq.

    M. Aurélien Le Coq

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    Il est temps de mettre fin au séparatisme. En effet, notre société est rongée de l’intérieur par un séparatisme qui détruit chaque année un peu plus les services publics. C’est le séparatisme des riches, des ultrariches, des grandes fortunes à qui même la mort n’arrive pas à arracher leurs précieux milliards !
    Et moi qui pensais naïvement que les êtres humains étaient égaux au moins à deux moments, celui de leur naissance et celui de leur mort ! Eh bien non ! Il existe une classe vorace, cupide, égoïste dont les membres organisent leur existence pour ne surtout pas partager la richesse qu’ils ont accaparée, même lorsqu’ils auront rendu leur dernier souffle.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Le débat porte sur l’économie et non sur l’héritage !

    M. Aurélien Le Coq

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    Macron a fait de la France une société où la naissance donne soit la fortune à certains, soit, à tous les autres, une condamnation à rester pauvre de génération en génération. En 2024, en France, neuf personnes sont devenues milliardaires, dont sept sont des super-héritiers. Comment donc est-ce possible, alors que je croyais que l’État taxait jusqu’à plus soif ? Il taxe, certes, mais pas les plus riches.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Il a raison !

    M. Aurélien Le Coq

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    Ceux-là, soit 0,1 % de la population, touchent en moyenne un héritage de 13 millions d’euros, c’est-à-dire 180 fois l’héritage médian. (Mme Claire Marais-Beuil et M. Charles Sitzenstuhl s’exclament.) Et ils paient 10 % d’impôts sur cette somme, alors qu’ils devraient normalement être taxés à 42 %.
    C’est que parmi les niches fiscales, cages dorées pour enfants aux parents fortunés, il y a le pacte Dutreil, qui permet une exonération de 75 % sur les frais de transmission des biens professionnels. Or, dans des héritages si importants, les biens professionnels, c’est-à-dire les parts d’entreprise, occupent une place prépondérante. On ne parle ici ni de petits patrons ni de la maison de leur famille (Mme Claire Marais-Beuil s’exclame.), ni même du château de Montretout de Mme Le Pen –⁠ quoique ! On parle de propriétaires d’entreprises –⁠ et surtout de grosses entreprises, puisque 5 % des ménages détiennent 95 % du patrimoine professionnel.
    Le pacte Dutreil, c’est au moins 3 milliards d’euros par an pris à l’État par une classe pour qui la valeur travail se résume à l’exploitation du travail des autres. (Mme Anaïs Belouassa-Cherifi applaudit.) Disons-le tout de suite : ce séparatisme est institutionnalisé, accepté et encouragé par Emmanuel Macron, le premier responsable de l’entrisme de la finance dans les instances de pouvoir. Depuis que le banquier Macron nous gouverne, l’usage du pacte Dutreil a progressé de 50 %.
    L’enfer fiscal à propos duquel la Macronie pleure chaque jour n’est pas seulement composé des 75 % d’exonération du pacte Dutreil. Y ajouter la pratique dite du démembrement permet au taux d’exonération de l’impôt sur les successions d’atteindre 90 %.
    Par-delà la mort, les milliardaires ont trouvé en la France le chemin vers un paradis fiscal bien réel. Ils peuvent même tout faire passer, dans ces superbes exonérations : les biens professionnels, bien sûr, mais aussi leurs holdings, qui peuvent, elles, regrouper des œuvres d’art ou du patrimoine immobilier.
    Alors je vous entends, collègues macronistes : il s’agirait de protéger le patrimoine industriel français. Si seulement c’était vrai ! Les usines ferment à tour de bras, tout le monde ici en est témoin. L’Inspection générale des finances (IGF) indique d’ailleurs que même le Medef a été incapable de fournir des arguments sur les effets positifs du pacte. Vous êtes simplement en train de défendre la rente de quelques-uns.
    Mais le séparatisme des plus riches nous coûte cher –⁠ trop cher. Nous n’avons plus les moyens d’un assistanat pour enfants de milliardaires. Dans les trente prochaines années, vingt-cinq milliardaires devraient transmettre leur patrimoine, soit 460 milliards d’euros de fortune cumulée. Si rien n’est fait, ce sont 160 milliards d’euros de recettes qui manqueront à l’État.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    On est censé parler de chefs d’entreprise, ici !

    M. Aurélien Le Coq

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    Madame la ministre chargée des comptes publics, vous qui cherchez de l’argent : 160 milliards d’euros… Pour des gens qui n’ont fait que se donner le mal de naître, ça fait un peu cher la baby shower, non ? (Sourires sur quelques bancs du groupe LFI-NFP –⁠ Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.).) Alors, collègues macronistes, puisque vous passez votre vie avec vos larbins du Rassemblement national…

    M. Emeric Salmon

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    C’est vous qui avez fait élire Macron !

    M. Aurélien Le Coq

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    …à multiplier les délires complotistes contre nos concitoyens de confession musulmane,…

    M. Emeric Salmon

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    C’est vous qui l’avez fait élire !

    M. Aurélien Le Coq

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    …agissez contre le seul séparatisme réel : celui des riches. Mais peut-être que vos obsessions haineuses ont précisément pour but de détourner l’attention du casse du siècle que vous et vos amis milliardaires êtes en train de réaliser. (Mme Anaïs Belouassa-Cherifi applaudit.)

    M. Emeric Salmon

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    Si vous n’êtes pas content, vous n’aviez qu’à pas voter Macron !

    M. Aurélien Le Coq

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    Dans ces basses œuvres, vous êtes une fois de plus main dans la main avec le Rassemblement national qui vous a aidé à rejeter ce texte en commission. Entre le peuple et Macron, le Rassemblement national a choisi Macron.

    M. Emeric Salmon

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    Vous avez voté pour lui !

    M. le président

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Aurélien Le Coq

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    Entre le peuple et les ultrariches, le Rassemblement national a choisi les ultrariches.

    M. Emeric Salmon

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    Arrêtez !

    M. Aurélien Le Coq

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    Il est grand temps, dans ce pays, que la République reprenne ses droits et que le peuple reprenne son dû. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    M. Emeric Salmon

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    Il nous traite de larbins alors qu’il s’est fait élire par les macronistes !

    M. le président

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    La parole est à M. Inaki Echaniz.

    M. Inaki Echaniz

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    Le débat qui s’ouvre est un puissant révélateur, pour chacun, de sa conception de l’équité, un révélateur, pour chacun, de sa conception de la valeur travail. Chers collègues de la droite de cette assemblée, pour paraphraser un ancien président qui vous est cher, vous n’avez pas le monopole de la valeur travail. Non seulement vous n’en avez pas le monopole mais vous y êtes ardemment opposés. Vous y êtes opposés en privilégiant la fiscalité sur les salaires par rapport à la fiscalité sur le capital. Vous y êtes opposé en privilégiant la TVA sociale par rapport à la contribution sur les hauts patrimoines. Vous y êtes opposés encore en luttant férocement pour protéger les dynasties d’oligarques et en laissant pour compte les travailleurs les plus modestes. Vous y êtes opposés enfin en privilégiant ceux qui se sont simplement donné la peine de naître au bon endroit, par rapport à ceux qui se battent pour vivre ou survivre.
    Je me permets de rappeler un chiffre : en France les 10 % les plus chanceux héritent de 2 000 fois plus que les 20 % les moins chanceux. Défendre la valeur travail, madame la ministre, c’est s’opposer à ce modèle. Ce constat fait, les débats sur l’héritage sont donc un puissant révélateur de démagogie.
    Se sont succédé à cette tribune et s’y succéderont ensuite plusieurs orateurs, du centre à l’extrême droite, unis comme souvent par la volonté de pérenniser inégalités des chances et accumulation de capital. Ils s’y succéderont en se prétendant défenseur des familles mais en se gardant de rappeler que, dans la société qu’ils ont créée –⁠ que vous avez créée, monsieur Lefèvre –,…

    M. Emeric Salmon

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    Vous avez voté pour eux !

    M. Inaki Echaniz

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    …il est tout simplement impossible d’être financièrement très aisé sans hériter.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Vous parlez comme si vous n’aviez jamais été au pouvoir !

    M. Inaki Echaniz

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    Vous prétendez, monsieur Lefèvre, que les Français croulent sous les droits de succession, alors que deux tiers n’en payeront pas car ils ne recevront hélas qu’un trop maigre capital. Vous vous gardez de rappeler que les plus aisés échapperont largement à tout impôt par l’intermédiaire de nombreuses niches dont je ne dresserai pas la liste ici.
    Quant à nous, socialistes, à l’image de nos camarades de gauche nous ne nous résignerons pas. Vous pouvez compter sur nous pour œuvrer ici et partout où nous le pourrons afin que le travail paye plus que la rente. Vous pouvez compter sur nous pour défendre la valeur travail dans les faits et non dans les discours. Vous pouvez compter sur nous pour que le hasard de la naissance ne soit pas, ne soit plus, le seul déterminant de la vie de nos concitoyens.
    Parmi les niches que je viens d’évoquer, l’une revêt un caractère particulier et nous occupe ce jour : le pacte Dutreil. Ce dernier a la qualité d’être probablement l’un des seuls dispositifs fiscaux dérogatoires dont les fondements font quasiment l’unanimité ici. Il convient de le maintenir…

    M. Mathieu Lefèvre

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    Très bien !

    M. Inaki Echaniz

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    …dans la mesure où c’est une clef devant permettre la transmission d’entreprises familiales d’une génération à l’autre.

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Personne n’a dit le contraire !

    M. Inaki Echaniz

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    Néanmoins, ce dispositif fait l’objet de nombreux abus que ce texte du rapporteur Sansu propose de corriger. Le principal dispositif proposé vise à réduire légèrement l’abattement sur les valorisations d’entreprises transmises excédant 50 millions d’euros. En s’opposant à ce texte, certains prétendront défendre le garagiste ou l’agriculteur de son village, le boulanger d’à-côté ou encore la petite ou moyenne entreprise industrielle de son voisin. Un basique calcul, monsieur Lefèvre, permet cependant d’estimer rapidement que cette proposition de loi n’affectera que cinquante riches familles par an. Assumez donc que ce sont elles que vous défendez, pas votre boucher, pas votre coiffeur ni l’agriculteur, même pas la boutique de services informatiques de votre rue.

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Et même pas la boulangerie de Megève !

    M. Inaki Echaniz

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    Chers collègues, il y avait sous la IIIe République les « 200 familles » qui, pour citer Édouard Daladier, était « devenues les maîtresses indiscutables, non seulement de l’économie française, mais de la politique française elle-même ». Un empire de 200 familles qui pesait sur le système fiscal, 200 familles plaçant leurs mandataires dans les cabinets politiques et agissant sur l’opinion publique par le contrôle de la presse. (Exclamations sur les bancs des groupes EPR et DR.) Ce sont bien ces 200 familles, souvent les mêmes qu’il y a un siècle et demi, qui se satisferont aujourd’hui de l’alliance entre le centre libéral et le Rassemblement national autoritaire, pour leur permettre d’accumuler chaque année davantage de richesses.
    Quant à nous socialistes, nous nous tiendrons naturellement aux côtés de nos camarades de gauche pour défendre la valeur travail avant la valeur hasard de la naissance. Nous soutenons donc cette proposition en formulant le vœu qu’elle ne soit qu’une première pierre sur le chemin de la réforme de la fiscalité sur les successions. Cette réforme n’est plus simplement souhaitable, chers collègues, elle est vitale pour la pérennité du pays et des sociétés du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR. –⁠ M. le rapporteur applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Le prends la parole après un orateur du groupe Socialistes et apparentés mais j’ai plutôt l’impression qu’il s’agissait d’un représentant du groupe La France insoumise.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Très juste !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    J’ai été très étonné des propos tenus, ciblant directement des personnes qui investissent et auxquelles on doit plutôt rendre hommage.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Oh là là !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    On nous propose d’empêcher le chef d’entreprise de transmettre les clés de sa boutique à sa fille ou à son fils.

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Ah bon ?

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    L’œuvre de toute une vie serait réduit à néant par cette proposition de loi. Cette idée est bien plus qu’une simple entrave : c’est un coup de poignard porté au cœur de l’esprit d’entreprise et à la valeur du travail.
    Pensez un instant à ce que représente une entreprise pour son dirigeant. Ce n’est pas qu’une source de revenus, ce n’est pas qu’un simple lieu de travail, c’est souvent le fruit d’une vie entière de dévouement, de sacrifices, d’innovation et de sueur, une vie entière à partir tôt le matin, à rentrer tard le soir, à en oublier parfois sa famille et ses amis. C’est un rêve bâti brique par brique, une croissance
    gagnée jour après jour, une volonté insatiable de transmettre –⁠ transmettre son entreprise un jour à sa fille ou à son fils.
    Quand nous débattons du pacte Dutreil, chers collègues, nous débattons de bien plus que d’un simple dispositif fiscal : nous parlons de la transmission du fruit d’une vie de travail, d’un patrimoine professionnel que des femmes et des hommes ont construit avec patience, engagement, parfois même, j’y insiste, à force de sacrifices ; nous parlons d’entreprises familiales françaises, enracinées, qui irriguent et structurent la vie de nos territoires.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Voilà, la droite qu’on aime !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Chers collègues, avant de nous lancer dans des débats sur l’opportunité de réviser le pacte Dutreil, il me semble essentiel de rappeler pourquoi ce dispositif existe. La France, même avec le pacte Dutreil, est toujours le pays affecté de la fiscalité sur les donations et successions, rapportée à son PIB, la plus lourde de tous les membres de l’OCDE.

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Cinq pour cent !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Ce n’est pas une donnée anodine, mais c’est une réalité qui peut conduire des familles à vendre une part de leur héritage pour simplement s’acquitter d’un impôt confiscatoire.
    Le pacte Dutreil est un outil indispensable pour permettre la transmission d’entreprises dans un cadre familial. Il évite que l’impôt devienne une rupture, une fin. Il empêche nos savoir-faire de passer sous pavillon étranger. Il prévient les délocalisations et les destructions d’emplois. Il favorise le passage de témoin et assure la continuité d’une stratégie entrepreneuriale et industrielle.
    Si le pacte Dutreil est un outil essentiel, il l’est d’autant plus dans le contexte que nous traversons. En 2024, nous avons connu un record, en quinze ans, de défaillances d’entreprises, et donc des plans sociaux à répétition, un retour du chômage, une contraction du crédit pour les PME…

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    C’est sans doute à cause de nous !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Mes chers collègues, je pose la question : est-ce le moment de créer de l’instabilité fiscale ? Est-ce le moment d’altérer la prévisibilité dont doivent bénéficier les dirigeants et les familles ? (MM. Mathieu Lefèvre et Charles Sitzenstuhl applaudissent.) Est-ce le moment de dire à ceux qui bossent dur qu’ils ne pourront pas transmettre leur entreprise à leur fils ou à leur fille ? La réponse est dans la question. C’est pourtant l’objectif de cette proposition de loi.

    Mme Clémence Guetté

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    Mensonge !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    En voulant augmenter la durée de l’engagement de conservation à huit ans, vous proposez de durcir encore davantage les conditions d’un dispositif pourtant déjà encadré de plusieurs conditions cumulatives garantissant une conservation effective des titres et une implication des bénéficiaires dans la gestion de l’entreprise.
    En instaurant un seuil à 50 millions d’euros à partir duquel l’abattement sera réduit à 50 %, vous ne faites rien d’autre que d’alourdir la fiscalité sur les successions.

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Dites lesquelles !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Pourquoi ce seuil qui reviendrait à exclure les ETI qui réussissent ? Une entreprise qui vaut plus de 50 millions d’euros, c’est une entreprise qui embauche, qui exporte, qui investit.
    Enfin, en supprimant la possibilité de transmettre des titres démembrés, vous réduisez à néant l’un des principaux avantages du pacte Dutreil : assurer une transition en douceur dans la transmission de la gestion entre les générations.
    Chers collègues, la fiscalité n’est pas qu’une affaire de recettes, c’est aussi une affaire de confiance, de lisibilité, de capacité à se projeter. Or, avec cette proposition, ce que vous envoyez comme message, c’est : « Demain, les règles pourront encore changer. »

    M. Nicolas Sansu, rapporteur

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    Oui ! Et heureusement !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Cela, c’est le poison de l’investissement de long terme, pour le chef d’entreprise qui veut transmettre son entreprise à son fils ou à sa fille.
    Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Droite républicaine voteront contre les amendements du rapporteur destinés à rétablir le dispositif supprimé par la commission des finances et s’opposeront à toute proposition conduisant à alourdir encore davantage la fiscalité sur les entreprises, sur ceux qui travaillent et sur les Français. (MM. Mathieu Lefèvre et Charles Sitzenstuhl applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à M. Tristan Lahais.

    M. Tristan Lahais

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    Je suis très heureux, au nom du groupe Écologiste et social, de pouvoir dire en quelques mots notre soutien à cette proposition de loi, que nous considérons comme d’intérêt général majeur. Je suis également heureux, à cette occasion, de constater l’union de la gauche et des écologistes.
    En proposant une réforme du pacte Dutreil, le présent texte revient sur la légitimité de l’héritage –⁠ donations et successions –, en ce qu’il peut altérer le contrat social et miner les valeurs de la République. Aucune méritocratie ni aucune prétendue valeur travail ne résistent au constat d’une société où l’héritage constitue le principal facteur de différenciation des niveaux de vie de nos concitoyens.
    Alors que, dans les années 1970, 30 % du patrimoine des ménages était le fait de l’héritage, cette proportion atteint dorénavant 70 % du patrimoine consolidé. En d’autres termes, cela signifie que le travail ou le mérite, même altéré de rémunérations distribuées sur le fondement de représentations sociales discutables, pèsent moins que la naissance pour expliquer la richesse ou la pauvreté de nos concitoyens.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Et les fermes bio, on les transmet comment ?

    M. Tristan Lahais

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    Pire, cette tendance devrait s’accroître dans les prochaines années du fait de la démographie et des politiques fiscales et sociales plus favorables à la rémunération du capital qu’à celle du travail.
    Pour l’heure, la répartition de l’héritage, fondant donc 70 % de notre richesse accumulée, est celle d’une immense inégalité qui ne manque d’ailleurs pas d’en générer d’autres, qu’il s’agisse d’inégalités de revenus ou d’opportunités sociales ou culturelles.
    Mais revenons-en à la stricte répartition de l’héritage. C’est d’abord une immense inégalité parce qu’un de nos concitoyens sur deux ne percevra, au cours de sa vie et généralement plus à la fin qu’au début, qu’un maximum de 70 000 euros. Parmi eux, une partie substantielle, les 10 % les plus pauvres percevront même un héritage négatif, contraints de devoir payer, faute de parents ayant les revenus suffisants pour leurs retraites, plus encore pour la prise en charge de la perte d’autonomie.

    ------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------