Première séance du mardi 08 juillet 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Hommage à M. Olivier Marleix
- 2. Questions au gouvernement
- 3. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère
- 4. Questions au gouvernement (suite)
- Relations entre la France et l’Algérie
- Maîtrise de la dépense publique
- Politique fiscale
- Dermatose nodulaire contagieuse bovine
- Rentrée scolaire en Martinique
- Fermeture de l’usine De Dietrich de Mertzwiller
- Urbanisation en Polynésie française
- Examen du permis de conduire
- Suites du cyclone Garance à La Réunion
- Anniversaire de la loi permettant aux femmes de travailler et d’ouvrir un compte en banque.
- Déserts médicaux
- Sécurité des produits non-alimentaires
- Situation à Gaza
- Interdiction des pesticides
- Détention de Boualem Sansal
- 5. Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur
- Présentation
- M. Julien Dive, rapporteur de la commission mixte paritaire
- Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
- Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
- Mme Anne Bergantz (Dem)
- M. Xavier Albertini (HOR)
- M. Paul Molac (LIOT)
- Présentation
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Hommage à M. Olivier Marleix
Mme la présidente
(Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du gouvernement se lèvent.) Hier après-midi, notre Assemblée nationale s’est glacée de stupeur et de douleur lorsque nous avons appris la tragique disparition de notre collègue Olivier Marleix.
Olivier Marleix était des nôtres. Il siégeait dans cet hémicycle depuis 2012. Il en était une figure familière, un collègue estimé, pour beaucoup un ami. Je peux en témoigner comme nombre d’entre vous sur ces bancs : Olivier Marleix incarnait le parlementaire dans la plus noble acception du terme. Il était à la fois un technicien rigoureux et méticuleux, un orateur pugnace et précis, un défenseur de nos institutions et un fidèle serviteur de l’intérêt général. Chacun ici le savait. Chacun ici le respectait.
La politique, Olivier Marleix l’avait dans le sang. C’est son père, Alain, ancien député du Cantal et secrétaire d’État entre 2007 et 2010, qui lui transmit, selon ses mots, le « virus » de l’intérêt général. Refusant cependant d’être un héritier, il se présenta non dans le Cantal paternel et pompidolien mais dans la deuxième circonscription d’Eure-et-Loir, où il fut élu en 2012 et réélu en 2017, 2022 et 2024.
Durant ces quinze années, Olivier Marleix fut un véritable pilier de la commission des lois. Il s’investit particulièrement dans la lutte contre la corruption et les conflits d’intérêts, en grand défenseur de la déontologie et de l’intégrité parlementaires. Le fil rouge de son engagement, ce fut peut-être son admiration, teintée de nostalgie, pour l’État gaullo-pompidolien. Fervent avocat de la souveraineté industrielle et énergétique de la France, il présida ainsi en 2018, avec une pugnacité que chacun lui reconnaît, la commission d’enquête sur les décisions de l’État en matière de politique industrielle.
Enfin, tout au long de ses engagements, Olivier Marleix n’a jamais séparé la liberté des Français de leur sécurité. Sa toute première intervention dans cet hémicycle, le 6 novembre 2012, comme sa toute dernière, le 1er juillet dernier, portèrent justement sur la sécurité des Français. Olivier Marleix prenait encore la parole dans l’hémicycle mardi dernier. Il était alors comme nous l’avions toujours connu : précis, impliqué, respecté. Il devait siéger cet après-midi même sur les bancs de la commission, pour défendre la proposition de loi dont il était le rapporteur.
Derrière le député engagé et investi, il y avait également l’homme unanimement apprécié. Les hommages d’hier en témoignent : ils sont venus de tous les bancs de l’hémicycle, démontrant qu’au-delà de nos différences politiques souvent radicales, nous appartenons à une seule et même grande famille, la famille parlementaire.
Nous sommes très nombreux ici à pouvoir attester de la force de caractère d’Olivier Marleix, de sa stature morale. Oui, il fut un opposant résolu ; mais il fut toujours un opposant respectueux de nos institutions et des autres, exigeant et courtois, digne et élégant mais aussi pince-sans-rire – et nous sommes beaucoup à avoir fait l’expérience de son humour tranchant mais toujours pertinent.
Je peux témoigner personnellement de ces qualités, pour avoir travaillé étroitement avec lui, sept années durant, au sein de la commission des lois puis en conférence des présidents. Homme de droite, il incarnait avant tout une droiture républicaine en vertu de laquelle il ne transigeait jamais avec ses convictions ; il plaçait l’intérêt général et notre institution au-dessus de tout.
Député de la nation, Olivier Marleix était aussi un élu de terrain. Conseiller général puis vice-président du conseil départemental d’Eure-et-Loir, maire d’Anet de 2008 à 2017, il était enraciné dans son territoire. Il avait fait sienne cette idée de Georges Pompidou, qu’il admirait : « La République doit être celle des politiques au sens vrai du terme, de ceux pour qui les problèmes humains l’emportent sur tous les autres, ceux qui ont de ces problèmes une connaissance concrète, née du contact avec les hommes […]. »
Mes chers collègues, dans quelques mois, nous rendrons collectivement hommage, dans cet hémicycle, en présence de sa famille, à Olivier Marleix. Je prononcerai à cette occasion son éloge funèbre. Aujourd’hui, en cette heure de deuil, nos pensées attristées se tournent vers sa famille et ses proches. Qu’ils sachent que la représentation nationale tout entière partage leur peine et se tient à leurs côtés. J’adresse aussi une pensée particulière à nos collègues députés de la Droite républicaine, qui perdent un ancien président de groupe dont la voix portait bien au-delà de leurs rangs.
En hommage à Olivier Marleix, je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement observent une minute de silence.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, président du groupe Droite républicaine.
M. Laurent Wauquiez
Olivier Marleix a été le président de notre groupe. La semaine dernière, il était encore là, assis à sa place parmi nous. Aujourd’hui, son siège est vide ; il est parti et il laisse derrière lui, pour chacun d’entre nous, une infinie tristesse. Ceux qui le connaissaient bien savaient déceler, au-delà de sa pudeur, l’immense sensibilité de son âme. Son départ et la brutalité des circonstances appellent tant de questions, des regrets aussi : ces paroles que nous n’avons pas pu prononcer, ces échanges que nous aurions aimé avoir, tout ce qu’on n’a pas eu le temps de dire.
Cette peine, rien ne pourra la combler. Elle laisse son lot, pour chacun d’entre nous, de souvenirs, de regrets, de souffrances. Mais notre devoir, c’est de garder autre chose d’Olivier Marleix. Notre devoir, c’est de faire en sorte que la brutalité de son départ et la façon dont elle nous marque ne fassent pas oublier la dignité de son engagement politique et ce qui était le sens de sa vie, celle d’un député au talent rare. Lui, le fidèle serviteur de la tradition gaulliste, qui avait appris auprès des plus grandes figures de notre famille politique, de Charles Pasqua à Nicolas Sarkozy. Lui, le Cantalien au caractère parfois rude mais toujours espiègle. Lui qui a toujours refusé d’être un héritier et qui avait choisi de se construire par le suffrage universel. Lui qui avait épousé ce département d’Eure-et-Loir où, dans sa commune d’Anet, qu’il avait choisie comme on choisit une famille, sa gentillesse et sa proximité faisaient l’unanimité.
Olivier avait gardé de Georges Pompidou, qu’il admirait tant, cette conviction que la belle politique conjugue l’enracinement dans un territoire et le regard qui emporte au-delà de la colline. Oui, il aimait en politique les grands débats ; il aimait les idées qui élèvent. Il y avait en lui la force du travail et le panache des convictions, qu’il défendait avec courage. Il le faisait d’abord pour nos institutions, dont il refusait de voir perdre l’esprit de la Ve République – il y mettait toute son énergie en commission des lois, où sa parole était écoutée et respectée ; ensuite pour la souveraineté de la France, et il s’était tant battu contre la vente de nos fleurons industriels.
Mais il menait aussi des combats plus intimes comme la protection de l’enfance, et bien des associations ont rendu hier hommage à cette part plus personnelle de son engagement. Il refusait que la vie politique soit abîmée, qu’elle soit gangrenée par la médiocrité. Homme de lecture et d’écrit, il ne cessait de réfléchir, de questionner, de proposer pour tracer un chemin de reconstruction française.
Je tiens à saluer, au nom de notre famille politique, les témoignages de tous bords qui se sont exprimés. Ils ont rendu hommage à celui qui était respecté parce que, quelles que soient nos différences politiques, il menait chacun de ses combats avec droiture et panache.
Dans cette épreuve, nos cœurs et nos pensées se tournent vers ses proches, sa famille, tous ceux et celle qui l’aimaient, et ses deux filles. La vie politique peut être dure. Derrière les apparences qui protègent, derrière les sourires que l’on affiche parfois comme des armures, derrière les silences que l’on ne comprend pas toujours, on sous-estime toujours la solitude des êtres. Mais Olivier, tu n’es pas seul ! Tu n’es pas seul. Tu comptes ici des compagnons fidèles, des amis qui perpétueront ta mémoire, celle d’un homme droit qui a dédié sa vie à l’honneur et à l’amour de son pays. (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement se lèvent et applaudissent très longuement.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre.
M. François Bayrou, premier ministre
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Laurent Wauquiez, le gouvernement veut vous dire à quel point il a partagé avec vous, hier, votre stupéfaction et votre immense tristesse à l’annonce du départ d’Olivier Marleix, à quel point il partage l’arrachement qui est le vôtre, et à quel point il partage l’affection qui a été traduite sur bien des bancs tout comme le respect que cette personnalité rare faisait naître. Olivier Marleix était un combattant, fort de convictions dont chacun connaissait la puissance. Infatigable parce qu’il ne cessait de défendre une certaine idée de la France, de sa souveraineté, en particulier de sa souveraineté économique et industrielle, il nourrissait pour notre pays, au-delà des dossiers dont il avait la charge, un amour enraciné. Cette figure que beaucoup estimaient sur tous les bancs, cette figure-là nous rappelait que la politique n’est pas seulement débat, concurrence et affrontement, qu’elle est quelque chose d’autre, le partage d’un idéal dont nous ne nous faisons sans doute pas tous la même idée mais qui est aussi essentiel pour nous tous.
Vous l’avez dit, ou du moins nous l’avons senti dans vos propos, madame la présidente, monsieur le président Wauquiez, ce drame nous a rappelé aussi qu’il y a dans tout être humain des fragilités et des failles, même chez les hommes qui paraissent inflexibles. Beaucoup d’entre nous, hier et ce matin, se sont dit qu’il ne fallait pas laisser sans réponse ces failles et ces fragilités, qu’il serait bon que les mains se tendent.
Pour Olivier Marleix, cette affection-là méritait d’être traduite aujourd’hui à l’Assemblée nationale. C’est aussi ce que veut vous dire le gouvernement par ma voix. (Applaudissements sur tous les bancs.)
2. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Hausse de la pauvreté
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Il est évidemment difficile de prendre la parole après cet hommage à notre collègue dont le décès soudain nous a toutes et tous touchés, et je voudrais ici à mon tour saluer sa mémoire.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances. L’Insee vient de publier son rapport sur les inégalités pour l’année 2023 et le verdict est tombé. La France a atteint son plus haut niveau de pauvreté depuis que l’indicateur existe. Elle compte désormais 12 millions de pauvres et 30 % des Français ont vu leur niveau de vie reculer. L’Insee vient ainsi mettre des chiffres sur ce que les Français vivent au quotidien : la difficulté à boucler les fins de mois, le travail qui ne permet plus de vivre correctement, l’abandon des personnes sans abri à leur sort.
Cet appauvrissement des plus modestes et des classes moyennes est le fruit de sept ans de macronisme : aucune volonté de lutter contre la pauvreté et une ubérisation de l’emploi qui se traduit par une baisse du niveau de vie des indépendants et des microentrepreneurs ainsi que par un développement des temps partiels.
De l’autre côté du spectre, le niveau de vie des plus riches a continué à augmenter grâce à vos largesses, notamment par la faible imposition des revenus du capital et la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % les plus aisés. Résultat : une forte hausse des inégalités, qui atteignent le même niveau que sous Nicolas Sarkozy.
Ma question sera donc double. Vous engagez-vous à faire enfin contribuer les plus riches, qui paient aujourd’hui moins d’impôts que les classes moyennes, en intégrant au budget 2026 l’impôt plancher sur la fortune, désormais soutenu par neuf prix Nobel d’économie ? Vous engagez-vous parallèlement à renoncer à tout gel des prestations sociales, à enfin agir pour le pouvoir de vivre des travailleurs modestes et à soutenir les politiques de sortie de la pauvreté, comme les territoires zéro chômeur de longue durée, le plan logement d’abord, ou la présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Tout comme il est difficile de poser une question dans de telles circonstances, il est difficile d’y répondre. Je vous donnerai cependant quelques éléments d’information avant que le premier ministre ne présente, le 15 juillet prochain, les orientations du gouvernement pour relever le défi qui se présente à nous et qui dépasse largement les simples considérations budgétaires.
La France reste le pays le plus redistributif de l’OCDE puisque, avant transferts, les écarts de revenu constatés entre les plus pauvres et les plus aisés sont de un à dix-huit alors qu’ils ne sont plus que de un à trois grâce à notre système fiscal et aux dispositifs de redistribution monétaire et non monétaire. Ce sont les travaux de Jean-Marc Germain qui en attestent et ils doivent être considérés pour ce qu’ils sont.
Incontestablement, la Ve République est, depuis ses débuts, ancrée dans un modèle social qui fait notre force. Hélas, ce modèle est à présent fragilisé…
Mme Marie-Charlotte Garin
Par votre politique !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…par la dette et le déficit. Nous croyons cependant qu’il pourra être sauvé par le travail et l’entreprise.
Quand nous faisons du RSA un outil de retour au travail, en six mois, 42 % des personnes qui ont participé à l’expérimentation ont retrouvé un emploi. Nous croyons aussi à l’entreprise. Je l’ai déjà dit devant vous et nous en avons suffisamment débattu : nous ne pensons pas que faire partir les 1 800 entrepreneurs qui ont réussi à créer des emplois dans notre pays sera la réponse à nos problèmes. Le CAC40 représente 1,2 million d’emplois en France ; les 6 000 plus belles entreprise de taille intermédiaire de France, ce sont 4 millions d’emplois. (Mme Olivia Grégoire applaudit.) Ce sont ces emplois que nous devons développer.
Que pourrais-je vous dire en conclusion ? Oui, nous voulons un système social fort. Pour cela, nous avons besoin d’entreprises solides et d’un système fiscal efficace. Ma main ne tremble pas face à la fraude (M. Romain Daubié applaudit) et nous n’hésiterons pas davantage à inscrire dans la loi les mesures qui s’imposent pour lutter plus efficacement contre la suroptimisation fiscale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Hausse de la pauvreté
Mme la présidente
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin
Au nom du groupe socialiste, nous adressons nos condoléances aux proches et à la famille du député Olivier Marleix.
Monsieur le premier ministre, 40 milliards d’euros d’économie programmés dans le prochain budget, alors même qu’une maladie gangrène la France de l’intérieur, celle de la pauvreté. Nous le savons, vous le savez, ce sont toujours les plus modestes qui paient la facture. Ils sont, selon l’Insee, près de 10 millions, soit un Français sur six. Jamais le nombre de pauvres n’a été aussi élevé : étudiants, chômeurs, mais aussi travailleurs pauvres – autoentrepreneurs, agriculteurs, contractuels, salariés à temps partiel.
Parmi les victimes de cette épidémie, on retrouve surtout des femmes, en particulier les mamans de familles monoparentales – pas moins d’une famille sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Les Restos du Cœur nous alertent concernant la situation des enfants car 10 % de leurs bénéficiaires sont des bébés entre 0 et 3 ans.
Il ne s’agit pas seulement de chiffres, mais bien de vies. La précarité frappe singulièrement en milieu rural, où le non-recours aux aides est plus massif qu’ailleurs, où la pauvreté s’enracine et assigne à résidence. Ce qui me surprend, monsieur le premier ministre, c’est la dignité de ceux qui subissent cette fracture sociale, face à l’inefficacité de vos politiques. Au quotidien, la vie de millions de Français est faite de renoncements.
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le patrimoine des 500 familles les plus riches de France a doublé, passant de 600 à 1 200 milliards d’euros. Les cadeaux aux riches se multiplient, tout repose sur les classes laborieuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Ces derniers jours, nous avons eu écho des mesures qui viendront alimenter vos annonces budgétaires. Nous ne pouvons pas croire un seul instant que vous allez remettre en cause les mesures de réduction fiscale pour les Françaises et les Français qui font preuve de générosité en versant des dons aux associations. Lors du prochain débat budgétaire, les députés socialistes seront mobilisés. Nous veillerons à protéger le pouvoir d’achat de celles et ceux qui n’ont que leur travail pour vivre.
Monsieur le premier ministre, jusqu’où ira votre complaisance envers les ultrariches ? Quand ferez-vous preuve de courage politique ? L’adoption d’une seule proposition suffirait à mieux répartir les richesses, celle de la taxe Zucman. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Quels engagements prenez-vous, devant la représentation nationale, pour que vos économies ne se fassent pas sur le dos des plus vulnérables ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. Boris Vallaud
Et de la pauvreté !
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Vous avez rappelé les faits, mais n’oublions pas de préciser que le revenu médian, en 2022, a également progressé. C’est important de le signaler car le revenu du seuil de pauvreté est fixé à 60 % de ce revenu médian.
Les chiffres que vous avez donnés sont ceux de l’année 2023, laquelle, par définition, ne prend pas en compte les dépenses engagées au début de l’année 2024, à savoir la revalorisation de 4,6 % des minima sociaux au 1er avril 2024. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Cela étant dit, je vais vous citer quelques réponses que nous allons apporter à la situation que vous dénoncez. La France, ma collègue l’a dit à l’instant, est le pays le plus redistributif puisque nous consacrons 31,5 % du PIB aux dépenses sociales contre en moyenne 26,6 % dans les pays de l’Union européenne.
D’autre part, vendredi dernier, j’ai réuni avec le premier ministre l’ensemble des associations qui luttent contre l’exclusion. Ce dernier a pris plusieurs engagements extrêmement forts, à commencer par celui de ne pas remettre en cause les réductions fiscales sur les dons versés aux associations d’utilité publique, comme le proposait l’Inspection générale des finances dans son rapport.
Mme Dieynaba Diop
Cela ne résout pas le problème.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ensuite, dès le budget 2025, 10 millions supplémentaires seront alloués à l’aide alimentaire. Surtout, nous devrons avoir la capacité d’accompagner les mères de familles monoparentales vers l’emploi, en leur proposant des modes de garde, en ouvrant des crèches à vocation d’insertion. C’est ainsi, en trouvant des solutions concrètes pour réinsérer durablement ces personnes dans l’emploi, que nous mettrons fin à la précarité des enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Boris Vallaud
Mais quand ?
3. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère
Mme la présidente
Avant de donner la parole au prochain orateur, je suis heureuse de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’assemblée nationale du Vietnam, conduite par Mme Nguyen Thuy Anh, présidente du groupe d’amitié Vietnam-France. (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement se lèvent et applaudissent, tournés vers les tribunes.)
4. Questions au gouvernement (suite)
Relations entre la France et l’Algérie
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Bigot.
M. Guillaume Bigot
Au nom du groupe Rassemblement national, je tiens tout d’abord à adresser nos plus sincères condoléances aux proches et à la famille de notre collègue Olivier Marleix. (Applaudissements.)
Ma question s’adresse au ministre des affaires étrangères. Il y a quelques semaines, le ministère nous demandait de ne pas évoquer le cas de Boualem Sansal dans cet hémicycle, dans l’espoir d’amadouer les autorités algériennes qui le retiennent en otage. Bilan de cette diplomatie de l’apaisement pour notre compatriote malade du cancer et âgé : cinq ans de prison. Mais qu’avez-vous fait à part exiger le silence ?
De l’aveu du député européen Bellamy, la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères ignorait que le cas Sansal était une priorité française. Le comité de soutien à Sansal dénonce aussi votre inaction : « Rien n’a été fait. », proclame-t-il. Rien n’a été fait non plus pour Christophe Gleizes, journaliste français condamné à sept ans d’emprisonnement pour un article sur un club de foot kabyle. Ici encore, le Quai d’Orsay a imposé le silence à sa famille depuis son arrestation en mai 2024. Une année d’omerta, pour ne pas froisser Alger !
Vous avez imposé le silence aux familles et aux élus de la nation. Résultat : deux Français en prison. Deux humiliations. Et une triple faillite.
Faillite nationale d’abord car le monde entier sait que le passeport français n’offre plus aucune protection. Si Sansal et Gleizes avaient été américains, ils seraient déjà libres ! (M. François Cormier-Bouligeon proteste.)
Faillite parlementaire ensuite puisque même les élus sont priés de se taire !
Faillite européenne enfin, quand la France n’ose même pas nommer ses priorités à Bruxelles ou, ce qui est pire encore, Bruxelles les ignore.
Nous le répétons depuis des années : avec l’Algérie, la complaisance ne fonctionne pas. Il faut dénoncer les accords, suspendre les visas et ce qui reste de l’aide au développement. Monsieur le ministre, combien de Français doivent encore être emprisonnés pour que la France relève la tête ? Pensez-vous être qualifié pour diriger notre diplomatie alors que vous êtes incapable de protéger nos compatriotes et nos intérêts ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Votre question porte sur un prétendu silence qui serait exigé de certains : le sujet évoqué est bien trop sérieux pour une telle question. Nous n’obligeons personne à garder le silence ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous vous demandons de comprendre notre démarche, qui repose sur l’intelligence collective : la diplomatie doit pouvoir travailler le plus efficacement possible au service de tous nos compatriotes, partout dans le monde. (Mêmes mouvements.) Ce n’est pas en multipliant les coups de menton et les déclarations que nous libérerons nos compatriotes, notamment ceux emprisonnés en Algérie et en Iran. Avec les services diplomatiques, nous les accompagnons, les défendons et exigeons chaque jour leur libération. (Mêmes mouvements.)
M. Thierry Tesson
Ça ne se voit pas !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Votre question me permet de rappeler le contexte et de revenir sur les causes du gel total des relations entre la France et l’Algérie. Douze agents de notre ambassade ont été expulsés à la mi-avril ; le départ immédiat de nos agents en mission courte a ensuite été exigé. C’est l’attitude des autorités algériennes qui nous empêche de respecter les engagements pris au mois de mai, notamment au cours d’échanges avec le chef de l’État.
M. Alexandre Dufosset
Mais alors, que fait-on ?
Un député du groupe RN
Soumission !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Chaque jour, la diplomatie est à pied d’œuvre. Elle ne perd jamais de vue sa priorité : la protection de tous les ressortissants français, au rang desquels Boualem Sansal et Christophe Gleizes – je vous remercie d’avoir aussi mentionné ce dernier. J’ai une pensée quotidienne (Exclamations sur les bancs du groupe RN) pour nos compatriotes en Iran, notamment Cécile Kohler et Jacques Paris, en prison depuis plus de trois ans. Nous ne les oublions pas et faisons tout pour obtenir la libération immédiate de tous ces ressortissants français. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Bigot.
M. Guillaume Bigot
Je vous remercie pour cet aveu : la politique d’apaisement que vous avez préconisée a abouti à l’expulsion de diplomates. De petites compromissions en grands relâchements, l’apaisement s’est transformé en aplatissement. Je citerai ici Jean-Pierre Chevènement : « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa… ». (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe RN et plusieurs députés du groupe UDR applaudissent ce dernier.)
Maîtrise de la dépense publique
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je tiens d’abord à dire l’émotion du groupe Ensemble pour la République à la suite de la mort tragique d’Olivier Marleix. Nous présentons nos condoléances à nos partenaires des Républicains, à ses proches et à sa famille. (Applaudissements.)
Madame la ministre des comptes publics, la semaine dernière, la Cour des comptes tirait une nouvelle fois la sonnette d’alarme pour alerter sur la situation financière de la France. Au premier trimestre, la dette publique s’est élevée à 114 % du PIB. L’endettement repart à la hausse et pose désormais un risque d’emballement. La France ne peut plus faire l’autruche.
Il faudra prendre des décisions fortes à la rentrée pour le budget 2026.
Une députée du groupe RN
C’est vous qui êtes au pouvoir !
M. Charles Sitzenstuhl
Le gouvernement évoque 40 milliards d’euros d’efforts. Cet objectif ne doit absolument pas être perdu de vue, mais pas à n’importe quel prix. Le ras-le-bol fiscal reste un sentiment puissant dans le pays : ne le sous-estimez pas.
La classe moyenne nous le dit, il ne faut pas augmenter les impôts car elle en a assez de payer.
M. Édouard Bénard
Alors taxons les pauvres, c’est ça ?
M. Charles Sitzenstuhl
Quant aux entreprises, elles ne veulent plus être prises pour des vaches à lait. Madame la ministre, laissez les entreprises tranquilles !
C’est pour cette raison qu’il faut absolument que la réduction de la dépense publique soit notre priorité. Cela demandera du courage. L’année dernière, le gouvernement de Gabriel Attal et le ministre Bruno Le Maire avaient déjà pris des mesures permettant de limiter le déficit en économisant plus de 30 milliards. Une commission d’enquête a reconnu qu’il s’agissait de mesures sans précédent hors période de crise. Hélas, la dissolution a ensuite tout mis à l’arrêt.
Cet automne, le gouvernement nous trouvera donc à ses côtés s’il veut réduire la dépense et lancer de nouvelles réformes. Le contrôle renforcé des arrêts de travail et des transports sanitaires vont dans la bonne direction. En outre, avec la proposition de loi de notre collègue Stéphanie Rist, nous demandons une nouvelle réforme de l’assurance chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
La France est au pied du mur. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Réduirez-vous vraiment la dépense publique ? Protégerez-vous la classe moyenne et les entreprises des hausses d’impôts ? Engagerez-vous de nouvelles réformes courageuses pour notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Vous l’avez dit : la période que nous traversons exige du courage.
Une députée du groupe LFI-NFP
Vous n’en avez jamais eu !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Après, il risque d’être trop tard.
C’est surtout le moment de redonner confiance aux Français, aux entrepreneurs, aux salariés et aux familles. Nous sommes pris en tenaille entre deux couperets. Nos débats donnent en effet l’impression qu’il n’y aurait que deux issues : la censure ou l’augmentation des impôts.
La semaine prochaine, lorsque le premier ministre annoncera des arbitrages, il rappellera sans doute qu’un budget ne se résume pas à des tableaux de chiffres ; c’est avant tout un ensemble de choix qui reposent sur des convictions.
Notre première conviction, c’est que c’est par le travail, la production et une juste rémunération que nous pouvons redresser nos comptes publics, donc le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – M. Laurent Wauquiez applaudit également.)
Notre deuxième conviction, c’est que ce n’est pas par l’impôt – l’impôt généralisé et indifférencié – que nous nous en sortirons. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Notre troisième conviction, c’est que dans un pays où les dépenses publiques représentent 57 % du PIB, nous pouvons dire sans rougir qu’il est possible de faire des économies.
Il nous reste deux ans avant ce choix démocratique majeur qu’est l’élection présidentielle. Nous pouvons sans doute partager une conviction sur ces bancs : ces deux années doivent être utiles. Il faut les mettre au service de nos entreprises et de la réindustrialisation, de nos enfants et de leur éducation, de la santé et de l’adaptation au vieillissement de la population, de la recherche et de l’innovation, de la transition énergétique et de la production d’une énergie décarbonée, à la fois renouvelable et nucléaire, d’un État fort dont les armées, la police et la justice répondent aux exigences des Français.
Mme Béatrice Bellay
Et la lutte contre les inégalités ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous voulons avoir le courage d’agir au service des Français. Il faut sortir de cette alternative piégeuse – la censure ou les impôts.
M. Stéphane Peu
Ce sera la censure !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Uni et mobilisé, ce gouvernement fera face à ses responsabilités avec courage. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Politique fiscale
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Les députés du groupe GDR s’associent à l’hommage rendu à Olivier Marleix, dont j’ai fait la connaissance il y a plus de trente ans, lors de nos classes militaires. Nous adressons toutes nos condoléances à ses proches, à ses amis et à ses compagnons de combat. (Applaudissements.)
Monsieur le ministre de l’économie et des finances, voici deux nombres que je n’ai pas choisis au hasard : 9,8 millions d’un côté, 98,2 milliards de l’autre. Alors que notre pays compte 9,8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, les dividendes versés aux actionnaires des quarante plus grandes entreprises cotées en Bourse ont atteint 98,2 milliards d’euros en 2024 – un record. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous sommes un pays riche qui voit ses classes populaires et moyennes s’appauvrir.
Un député du groupe GDR
Exactement !
M. Nicolas Sansu
En guise de solution, vous annoncez une année blanche budgétaire – une année sans augmentation des dépenses. L’année blanche fait abstraction de la hausse naturelle des dépenses et de l’inflation : il y aura moins de professeurs et moins de moyens pour la santé, l’éducation et les collectivités. Qui seront les seuls à être épargnés par cette cure d’austérité ? Les marchands d’armes et nos créanciers – les voilà vos services publics essentiels ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Pour être à la hauteur de la promesse républicaine d’égalité, le prochain budget devra s’attacher à rendre du pouvoir d’achat aux ménages, à favoriser l’investissement productif et la décarbonation, à redonner du souffle à nos services publics, en Hexagone comme en outre-mer.
Il existe des solutions pour juguler le déficit sans toucher aux services publics. Quelle part des 211 milliards d’euros d’aides aux entreprises peut être supprimée ou réorientée pour favoriser nos PME, nos artisans et nos commerçants, et non les multinationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Olivier Faure applaudit également.)
Taxerez-vous enfin les ultrariches pour rétablir la justice fiscale ? Quelles niches fiscales revisiterez-vous ? Le pacte Dutreil, le crédit d’impôt recherche ou le régime mère-fille sont autant de dispositifs qui ont permis aux très grandes entreprises d’éviter l’impôt.
La République agonise de ces inégalités qui s’accroissent, de ces services publics qui s’éloignent et de cette mainmise de l’argent qui corrompt toutes les sphères de la société. Prenez la mesure du cri du peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Quel est le problème de notre pays ? (« C’est vous ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Bonne question !
M. Éric Lombard, ministre
C’est évidemment la pauvreté. Mais comment voulez-vous que nous résolvions ce problème si nous affaiblissons nos entreprises et notre tissu économique ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) La première réponse au défi que vous évoquez, c’est le travail. Or pour soutenir le travail, il faut soutenir nos entreprises. Car dans quel monde vivons-nous ?
M. Jean-Paul Lecoq
Dans un monde capitaliste qui exploite la classe ouvrière grâce à vous !
M. Éric Lombard, ministre
Dans un monde où règne une concurrence de plus en plus acharnée.
Pensez-vous que des dépenses publiques s’élevant à 1 700 milliards d’euros par an, soit 57 % du PIB, sont insuffisantes ? Je ne le crois pas. Nous rencontrons un problème…
M. Jean-Paul Lecoq
De justice !
M. Éric Lombard, ministre
…d’efficacité de la dépense publique.
Mme Danielle Simonnet
Vous protégez les actionnaires !
Mme Sabrina Sebaihi
Vous faites des cadeaux aux riches !
M. Éric Lombard, ministre
Le premier ministre présentera le projet de budget le 15 juillet. Nous souhaitons conserver le même niveau de dépenses publiques – 1 700 milliards d’euros – tout en continuant à soigner, à éduquer et à protéger aussi efficacement qu’auparavant. Nous devons aussi libérer nos entreprises pour qu’elles puissent grandir, se développer et recruter. Quelle meilleure solution aux problèmes que vous évoquez que de créer des emplois durables et d’encourager l’investissement ?
Je partage une partie de vos objectifs. Il me semble cependant que la solution n’est pas d’augmenter nos dépenses publiques, mais de maîtriser nos déficits.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ça n’a pas marché jusqu’ici !
M. Éric Lombard, ministre
Pour terminer, je rappellerai que le coût de notre dette, qui s’élève à 67 milliards cette année, atteindra 100 milliards dans trois ans. Si nous ne mettons pas un terme à cette dérive de nos comptes, nous n’arriverons pas à regagner notre souveraineté et à reprendre notre destin en main, destin qui passe notamment par la défense nationale, que vous avez évoquée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Dermatose nodulaire contagieuse bovine
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
Comme nous tous ici, avant de prendre la parole, j’ai une pensée pour Olivier Marleix, qui était un ardent défenseur de notre souveraineté, notamment agricole. Au nom du groupe Les Démocrates, j’adresse nos plus sincères condoléances à ses proches et à nos collègues de la Droite républicaine. (Applaudissements.)
La semaine dernière, plusieurs cas de dermatose nodulaire contagieuse bovine ont été constatés dans ma circonscription, en Savoie. J’associe à ma question mes collègues savoyards et haut-savoyards.
La DNC est une maladie classée catégorie A dans la réglementation européenne. Elle n’est pas transmissible aux autres espèces et ne pose pas de danger pour la santé humaine. Elle implique en revanche l’abattage des troupeaux infectés et entraîne donc des pertes économiques importantes pour toute la filière bovine et laitière.
L’abattage des troupeaux est un traumatisme, un drame psychologique pour les éleveurs. L’angoisse d’une contamination massive est grande.
Madame la ministre de l’agriculture, je tenais à vous remercier, vous et les services de l’État, pour les réponses apportées en quelques jours seulement, notamment en matière de vaccins – ces derniers sont attendus pour la fin du mois.
Plusieurs questions urgentes demeurent : où en sont les agréments de laboratoires départementaux, qui permettraient de procéder plus rapidement aux analyses ? Une campagne de tests systématiques est-elle envisageable ? Peut-on mobiliser des renforts vétérinaires ? Avance-t-on sur la question des blocages rétroactifs des produits laitiers ? Certaines fromageries tablent déjà sur des pertes estimées à plusieurs centaines de milliers d’euros. Quel sera le protocole vaccinal appliqué à réception des doses de vaccins ? Prévoit-on une obligation vaccinale et des périmètres prioritaires ?
La question des indemnisations est également importante. En 2001, la loi a institué un amortissement sur six exercices du montant de l’indemnité pour cheptel abattu. Or il faut plusieurs années et un long travail génétique pour reconstituer un cheptel. Le gouvernement envisage-t-il d’appliquer enfin cet amortissement aux indemnisations perçues à la suite d’une maladie de catégorie A ?
Par ailleurs, des discussions portant sur nos exportations sont en cours au niveau européen et international. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Plus généralement, quelle est la stratégie du gouvernement pour faire face à ces crises sanitaires qui deviennent plus intenses et plus régulières sous l’effet du dérèglement climatique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Madame la présidente, je souhaiterai d’abord vous remercier pour les mots que vous avez eus à l’égard de notre cher et regretté collègue et ami, Olivier Marleix.
Madame la députée, vous avez parfaitement décrit la situation. Ce nouveau malheur qui frappe les élevages français nous vient d’Italie. La dermatose nodulaire contagieuse bovine est une maladie classée en catégorie A, si grave qu’elle nous oblige, comme la tuberculose bovine ou la fièvre aphteuse, à détruire les lots touchés par l’épidémie.
Je m’efforcerai d’apporter une réponse complète et détaillée aux questions que vous m’avez posées.
L’homologation des laboratoires apporte une garantie juridique aux résultats donnés. Nous examinons votre demande et réfléchissons à la possibilité d’homologuer des laboratoires de proximité mais dans l’intervalle, nous avons demandé aux laboratoires homologués de délivrer les résultats en quarante-huit heures.
Les démarches pour mobiliser des renforts vétérinaires sont en cours. Nous envisageons de faire appel aux élèves vétérinaires.
Les vaccins mis à disposition par l’Union européenne nous viennent d’Afrique du Sud : l’Union n’est pas toujours souveraine en matière de vaccins, ce qui est une vraie difficulté sur laquelle il faut travailler. Dès lors que nous disposerons de ces vaccins, nous mettrons en place une stratégie vaccinale avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et les services de la direction générale de l’alimentation, qui dépend de mon ministère.
S’agissant des exportations, dès lors que vous vaccinez, vous n’êtes plus considéré comme un pays indemne, ce qui compromet en effet les exportations, mais on ne peut pas tout avoir : et la vaccination et le droit à l’exportation.
Quant à l’amortissement, nous travaillons sur l’instauration de la neutralité fiscale des indemnisations. L’État fiscalise ses propres indemnisations : il y a là, en effet, un motif de révision. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Rentrée scolaire en Martinique
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.
M. Jean-Philippe Nilor
Au nom du groupe La France insoumise, je tiens à réitérer nos condoléances les plus sincères à la famille et aux proches de notre collègue Olivier Marleix. (Applaudissements.)
Madame la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, en Martinique, les récentes annonces de suppressions de postes au sein de l’éducation nationale suscitent un vif émoi chez les enseignants, les élèves et les familles. Ces réductions de moyens interviennent dans un contexte déjà tendu, les inégalités sociales et territoriales pesant lourdement sur le système éducatif. En dix ans, plus de 1 500 postes ont été supprimés, auxquels s’ajoutent les 119 suppressions de postes prévues pour l’année en cours.
Moins de postes, ce sont des classes surchargées, mais aussi moins d’accompagnement pour les élèves en difficulté, moins de prévention du décrochage scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Or nous savons tous qu’un jeune qui décroche, c’est un jeune qui trop souvent glisse vers l’errance, la déviance, la délinquance et la violence. Dans certains quartiers, l’école s’érige comme le dernier rempart contre ces dérives. En affaiblissant ce rempart, c’est l’essence même du métier d’enseignant que l’on désacralise ; ce sont les fondements mêmes du vivre-ensemble que l’on déstabilise.
Comment peut-on pérorer sur la lutte contre l’insécurité si, dans les faits, on sacrifie en toute conscience – en toute inconscience, devrais-je dire – les moyens de l’éducation publique, première arme contre l’exclusion ? (Mêmes mouvements.) Lorsque les écoles se vident, ce sont à terme les prisons, les unités de soins psychiatriques et les cimetières qui se remplissent.
Dans ces conditions, comment pouvez-vous décemment justifier vos choix budgétaires mortifères au seul prétexte du déclin démographique ? Quand abandonnerez-vous votre logique de quotas, votre doctrine purement comptable, qui s’exerce au détriment de l’être humain, et quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour arrêter cette hémorragie… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Vous le savez, nous faisons face à une baisse démographique qui concerne l’ensemble du territoire. Lors de la prochaine rentrée, 100 000 élèves en moins, dont 80 000 dans le premier degré, seront accueillis dans les établissements de l’éducation nationale.
Mme Sophia Chikirou
Ça dépend des quartiers !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État
Vous semblez l’avoir oublié, mais nous avons fait le choix, dans le budget pour 2025, que vous auriez sans doute dû soutenir (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
M. René Pilato et Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Et le 49.3 ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État
…de maintenir les 4 000 postes qui devaient initialement être supprimés. Cela nous permet de renforcer nos actions prioritaires, qu’il s’agisse de réduire les inégalités sociales et territoriales, de renforcer les brigades de remplacement ou de faire progresser l’école inclusive.
En Martinique, la baisse démographique est également une réalité. Dans le premier degré, 430 élèves de moins sont attendus à la prochaine rentrée. Dans le second degré, ce sont plus de 500 élèves de moins. Là encore, nous allons continuer de nous améliorer. Malgré la suppression de 21 emplois d’enseignant dans le premier degré et de 49 dans le second degré, tous les indicateurs continuent de progresser. Le nombre de postes pour 100 élèves sera de 8,75 en Martinique, contre 6 au niveau national.
Je précise par ailleurs que la carte scolaire a fait l’objet d’une concertation approfondie avec tous ceux qui l’ont souhaité. La rectrice a réuni l’ensemble des élus et des maires. Je note que vous n’avez pas souhaité répondre à son invitation. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Béatrice Bellay
Ce n’est pas vrai, nous n’avons pas été invités !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État
À la prochaine rentrée, l’accompagnement des élèves en situation de handicap sera amélioré grâce au déploiement des pôles d’appui à la scolarité. Loin des caricatures (Protestations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), nous faisons donc tout notre possible pour améliorer le quotidien de nos élèves et faire avancer l’école de la République !
Fermeture de l’usine De Dietrich de Mertzwiller
Mme la présidente
La parole est à M. Théo Bernhardt.
M. Théo Bernhardt
Monsieur le ministre de l’économie, samedi dernier, plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans les rues de Mertzwiller, dans ma circonscription, contre la fermeture de l’usine tricentenaire De Dietrich, qui produit des pompes à chaleur. Une marche blanche symbole de détresse, mais aussi de colère, face à une décision qui menace 320 emplois et risque d’en emporter des centaines d’autres chez les sous-traitants locaux. J’étais aux côtés des salariés, de leurs familles, et je tiens ici à saluer leur dignité et leur détermination.
Que dire de cette fermeture si ce n’est qu’elle constitue une nouvelle preuve de l’incompétence éternelle du macronisme ? En 2023, le président Macron promettait, en grande pompe, de produire un million de pompes à chaleur d’ici à 2027. Une promesse fumeuse ! Aujourd’hui, la France peine à produire 170 000 unités, submergée par des importations massives venues d’Asie. Où sont les commandes publiques pour équiper les écoles, les universités et les hôpitaux en pompes à chaleur réversibles alors même que notre pays suffoque désormais chaque été sous les vagues de chaleur ?
Cette fermeture est en réalité un aveu terrible d’incompétence, le symbole même de l’échec du président Macron en matière de réindustrialisation. Les ouvriers alsaciens paient le prix des illusions et des discours sans lendemain du président de la République. Et que dire de La France insoumise, dont les militants ont samedi dernier été expulsés de la marche blanche par les salariés et les syndicats (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR) à la suite de leur pathétique tentative d’agitation politique stérile, démontrant une de fois plus qu’ils n’agissent jamais dans l’intérêt des Français ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
C’est faux !
M. Théo Bernhardt
Seul le Rassemblement national soutient une véritable politique de réindustrialisation. Seul le Rassemblement national propose des solutions concrètes, comme le fait de reconvertir le site en une usine d’armement au service de notre défense nationale – je le propose depuis des mois.
Mme Mathilde Panot
C’est vous qui avez refusé de censurer Bayrou !
M. Théo Bernhardt
Allez-vous enfin écouter les propositions de Marine Le Pen pour lutter contre la désindustrialisation de notre pays ? Elles seront d’ailleurs rappelées par notre collègue Alexandre Loubet dans son rapport à venir. Allez-vous sauver le site De Dietrich ou allez-vous continuer à laisser mourir notre industrie et nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Que dire, en effet ? Peut-être, tout d’abord, que les pompes à chaleur constituent un élément de la transformation écologique que vous soutenez avec beaucoup de vigueur, je le sais. (Rires sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Stéphanie Rist
Excellent !
M. Éric Lombard, ministre
Le gouvernement a lancé une campagne de communication pour favoriser leur installation, la TVA sur les chaudières à gaz a été augmentée et le dispositif MaPrimeRénov’ continuera de fonctionner cet été pour les copropriétés et les monogestes. Les ménages qui le souhaitent pourront ainsi s’équiper en pompes à chaleur. Nous souhaitons évidemment soutenir leur installation, que ce soit pour le chauffage ou la climatisation, dans de bonnes conditions écologiques.
M. Hervé de Lépinau
Merci l’Ademe !
M. Éric Lombard, ministre
Je vous rejoins sur un seul et unique point : nos industries, notamment De Dietrich, dans votre circonscription, font l’objet d’une concurrence très sévère, en particulier des pays asiatiques. C’est la raison pour laquelle nous agissons avec vigueur. Ne vous en déplaise, la solution est européenne. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.)
M. Julien Odoul
Ça se saurait !
M. Philippe Ballard
C’est bien connu, l’Europe nous protège !
M. Éric Lombard, ministre
Je savais que cela vous ferait plaisir ! Nous travaillons avec nos collègues européens afin d’instaurer les protections qui permettront à nos industries de se développer dans cet environnement difficile.
M. Emeric Salmon
Ça ne marche pas !
M. Julien Odoul
C’est l’Europe qui nous pompe !
M. Éric Lombard, ministre
Qu’il s’agisse de l’acier, de la chimie, de l’automobile ou plus généralement de l’industrie, l’Union européenne va faire mouvement…
M. Julien Odoul
Si elle fait mouvement, alors…
M. Éric Lombard, ministre
…dans les mois qui viennent. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Je peux vous assurer qu’avec le ministre Marc Ferracci nous sommes très engagés dans ce travail pour sauver l’industrie française.
Mme la présidente
La parole est à M. Théo Bernhardt.
M. Théo Bernhardt
C’est à cause des normes européennes que l’entreprise De Dietrich en est là ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Urbanisation en Polynésie française
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Sanquer.
Mme Nicole Sanquer
Au nom du groupe LIOT, j’adresse mes sincères condoléances à la famille et aux proches de notre collègue Olivier Marleix, ainsi qu’à sa famille politique. (Applaudissements.)
Monsieur le ministre des armées, depuis plusieurs mois, des familles de Tahiti attendent une réponse claire et juste de votre ministère. Leur seul tort ? Posséder un terrain à proximité du dépôt de munitions de Papeari, frappé d’inconstructibilité. Ces familles ne peuvent plus rien faire de leur terre, qui pour beaucoup représente le seul patrimoine, un bien foncier transmis depuis des générations, dans une collectivité où la terre est rare, précieuse et profondément liée à l’identité familiale et culturelle.
Vous êtes venu en Polynésie et vous connaissez nos contraintes naturelles et géographiques. Un premier refus d’autorisation de construire a été émis par l’armée. Il nous a ensuite été demandé de prouver que la zone dans le périmètre de sécurité ne comptait pas plus de 2 000 habitants. Nous avons produit les données de l’Institut de la statistique de la Polynésie française : environ 1 000 habitants vivent dans la zone, prison de Tatutu comprise. Et pourtant, l’armée vient d’émettre un second avis défavorable, sans explication. Pire encore, aucune indemnisation n’a été proposée aux propriétaires qui voient leur bien perdre toute valeur, sans possibilité d’y construire leur maison et de démarrer leur vie.
Allez-vous enfin mettre un terme à cette injustice en levant une opposition incompréhensible ou, à défaut, engager sans délai une procédure d’indemnisation pour ces familles privées de leur terre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants
Au nom du ministre des armées, en déplacement, permettez-moi de vous dire que nous comprenons les préoccupations exprimées par les familles concernées et la portée symbolique que revêt la terre en Polynésie française. Lorsque l’usage d’un terrain est limité, cela soulève naturellement des questions et un sentiment d’incompréhension, mais, vous en conviendrez, la protection des populations vivant à proximité d’installations pyrotechniques est une responsabilité essentielle de l’État. C’est pourquoi les règles encadrant l’urbanisation autour des dépôts de munitions sont strictes et fondées sur le principe de précaution. Il ne s’agit pas uniquement de comptabiliser les habitants permanents, mais toutes les personnes susceptibles d’être présentes dans la zone : les salariés, les visiteurs et les usagers d’équipements publics. La réglementation vise à limiter l’exposition globale sans chercher à atteindre à un seuil maximal.
À Papeari, le dépôt de Teva I Uta est le seul site de Polynésie française permettant de stocker des munitions pour les forces armées, les forces de sécurité intérieure et certains acteurs économiques. Il a déjà été déplacé une fois pour répondre à une urbanisation non maîtrisée. Ce précédent appelle à la vigilance. Le dépôt fait l’objet d’un périmètre de sécurité depuis 1987. Cette stabilité depuis près de quarante ans assure une sécurité juridique aux propriétaires. Il revient aux documents d’urbanisme locaux de le mentionner et aux notaires de le signaler lors des ventes et des successions. Cela permet à chacun d’accéder à une information claire sur les contraintes existantes. S’il apparaît qu’un propriétaire subit une contrainte exceptionnelle, hors de proportion avec l’intérêt général poursuivi, une demande d’indemnisation peut être présentée devant le juge administratif.
Le ministère des armées reste pleinement ouvert aux échanges. Je m’engage à ce que vous y soyez reçue afin d’examiner les situations individuelles que vous avez portées à notre connaissance. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre. – Les députés du groupe LIOT applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Sanquer.
Mme Nicole Sanquer
Ce n’est pas moi qu’il faut recevoir, mais les propriétaires des terrains ! Ils ont besoin qu’on leur explique comment toucher une indemnisation. Jusqu’à aujourd’hui, on leur a dit non pour la construction et non pour l’indemnisation. Je vous demande de préparer une procédure claire pour ces familles polynésiennes qui ont le sentiment d’avoir été volées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Examen du permis de conduire
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Le groupe Horizons
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Si Mme la présidente le permet, avant de répondre à votre question, je voudrais m’associer à l’hommage qu’elle-même, Laurent Wauquiez et M. le premier ministre ont rendu à Olivier Marleix. (Applaudissements.)
Je citerai ici une profonde et très belle phrase de la grande philosophe Simone Weil : « Chaque être crie en silence » parce que, dans chaque vie, dans chaque existence, il y a une part de douleur cachée, souvent une part de souffrance secrète, qui nous est incompréhensible et inaccessible.
Olivier était pour nous à la fois une belle figure, un repère et une fidélité.
Vous l’avez souligné, madame la présidente, il était une figure de l’Assemblée nationale, un député et un législateur hors pair, une figure de son département d’Eure-et-Loir – dans la 2ème circonscription – et une figure – vous me pardonnerez de le souligner – de notre famille politique.
C’était aussi un repère en raison de ses exigences intellectuelles et de sa droiture morale, toute républicaine, que vous avez évoquée.
Enfin, Olivier incarnait une fidélité à des convictions gaullistes qui dessinaient pour lui comme pour nous un idéal français. Voilà ce que je tenais à dire en remerciant tous les groupes qui ont eu la délicatesse de s’associer à ce bel hommage. (Applaudissements.)
Maintenant, je répondrai précisément à votre question, madame la députée. Vous avez raison, le permis de conduire est aussi un permis de travailler pour celles et ceux qui n’ont pas la possibilité de se rendre sur leur lieu de travail en transports en commun. Il existe un énorme décalage entre les places ouvertes aux concours et celles que nous pouvons réellement traiter…
M. Vincent Descoeur
Eh oui !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
…parce que, depuis le 1er janvier 2024, il est possible de passer son permis à 17 ans. Le nombre de candidats a ainsi doublé : nous devons traiter deux classes d’âge au lieu d’une et les inspecteurs ne suffisent plus.
Vous l’avez indiqué, nous avons recruté un certain nombre d’inspecteurs qui ont été affectés dans les départements où la situation est la plus tendue. Cette année, dans votre département de Seine-Maritime, deux inspecteurs arriveront respectivement en septembre et en décembre. Cela ne suffit pas. La semaine prochaine, la profession sera reçue Place Beauvau. Nous devrons prendre de nouvelles mesures : nous envisageons de recruter temporairement des inspecteurs retraités, ce qui devrait permettre de desserrer la contrainte. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR.)
Suites du cyclone Garance à La Réunion
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet
Ma question s’adresse à monsieur le ministre d’État en charge des outre-mer. Hier, une réunion du comité de pilotage inondations s’est tenue à la préfecture de la Réunion autour de M. le préfet Patrice Latron, des maires et présidents d’intercommunalités de l’île. Cette réunion était très attendue.
Le 28 février 2025, le cyclone Garance frappait l’île de La Réunion, faisant cinq morts. Vous êtes venu rapidement sur place, suivi peu après par d’autres membres du gouvernement ; la maire de Saint-Denis vous a emmené dans la ravine du Butor constater le risque encouru par notre population. Si vous avez pu observer le formidable travail des équipes de terrain qui, en quelques jours, ont rétabli les services publics et réparé les principaux dégâts de Garance, ceux-ci se feront sentir pendant des années encore.
Ce cyclone nous a rappelé les risques auxquels nos populations sont exposées. En 1980, le cyclone Hyacinthe faisait vingt-cinq morts ; en 2024, le cyclone Belal, suivi quelques jours plus tard de la tempête Candice, en faisait huit. En 2025, Garance aurait pu tuer encore plus s’il avait frappé la nuit. Les ravines bouchées par des arbres et des rochers déplacés depuis les hauts ont rapidement débordé et inondé les zones habitées.
Il est urgent de protéger nos populations. Nous sommes le 8 juillet, le cyclone est passé depuis quatre mois ; dans quatre mois, en novembre, nous entrerons dans une nouvelle saison cyclonique et les Réunionnais courront de nouveau un risque majeur. Les pouvoirs publics doivent se mobiliser urgemment pour protéger nos populations : cela ne peut plus attendre ! Nous ne pouvons plus perdre de temps à débattre des compétences des uns et des autres car des vies humaines sont en jeu.
Sécuriser nos populations, c’est nécessairement adopter une approche globale. Hier, le préfet Latron a indiqué aux maires qu’il avait défendu auprès du gouvernement l’intégration dans le pacte d’avenir post-Garance d’un plan ravine, réclamé par la maire de Saint-Denis depuis début mars. Des fonds sont en effet nécessaires pour entretenir les ravines. Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous confirmer à la représentation nationale que l’État se donnera les moyens de tenir ses engagements envers les Réunionnais à travers un plan ravine ambitieux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Pierre Cordier
…et de la chasse !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Vous l’avez rappelé, en février dernier, le cyclone Garance a touché La Réunion de manière brutale, notamment l’est et le nord de l’île. Le gouvernement s’est fortement mobilisé auprès des élus du territoire pour répondre sans délai à l’urgence de la crise et pour déterminer avec eux les objectifs, les étapes et les moyens de la reconstruction.
Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer, s’est rendu à trois reprises à la Réunion pour prendre la mesure des dégâts et dégager des réponses adaptées. Je me suis moi-même déplacée à la Réunion en mars puis le président de la République s’est rendu sur place en avril dernier. En l’absence de Manuel Valls, que je vous prie d’excuser, je vous apporte ainsi une réponse collective, au nom du gouvernement.
Des aides exceptionnelles ont été déployées pour soutenir les agriculteurs – notamment les planteurs de canne – à hauteur de 15 millions. Manuel Valls a mandaté le préfet pour établir un pacte d’avenir avec les élus des collectivités territoriales. Ce document stratégique pluriannuel a été construit avec les collectivités autour de trois axes : l’indemnisation – nous y sommes –, la reconstruction et l’adaptation préventive – que vous appelez de vos vœux – au changement climatique.
Après les premiers désencombrements pris en charge par l’État – notamment grâce au triplement des moyens alloués par mon ministère de l’écologie – postérieurement au cyclone, les actions de sécurisation des ravines, enjeu crucial, seront fixées dans le pacte d’avenir. Le préfet a réuni les élus hier pour faire avec eux la synthèse des travaux déjà menés et pour définir les travaux de prévention prioritaires à conduire dans les six mois à venir, avant la prochaine saison cyclonique.
Cette réunion visait aussi à déterminer les études et travaux à programmer à moyen terme pour partager les stratégies d’entretien des ravines et des ouvrages en fonction des responsabilités respectives, de l’État d’un côté, sur le domaine public fluvial, et des intercommunalités, de l’autre, au titre de leurs compétences.
Je veux vous rassurer : à partir du fonds exceptionnel qui accompagne le pacte avenir, les moyens nécessaires seront mobilisés pour tenir les engagements de l’État.
Anniversaire de la loi permettant aux femmes de travailler et d’ouvrir un compte en banque.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain.
Mme Marie-Pierre Rixain
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France.
Simone de Beauvoir l’a rappelé : l’indépendance économique est la condition indispensable de la liberté des femmes. Cette clé, confisquée durant des siècles dans le huis clos des couples, est dans les mains de chacune depuis la loi du 13 juillet 1965. En permettant aux Françaises de travailler librement, d’ouvrir un compte bancaire ou d’administrer leurs biens sans l’autorisation de leur mari, cette loi a posé la pierre angulaire de l’autonomie économique des femmes.
Soixante après, force est de constater que des biais sexistes – manifestes ou implicites – sont encore à l’œuvre, raison pour laquelle, depuis 2017, nous avons concrétisé, texte après texte, de nouveaux dispositifs bancaires, financiers et fiscaux. Ainsi, depuis la loi du 24 décembre 2021, le salaire ou les allocations sociales doivent être versés sur le compte bancaire dont le ou la bénéficiaire est titulaire. L’autonomie bancaire est achevée grâce à l’insertion dans la loi du caractère individuel du droit de détenir un compte de dépôt. Les violences économiques sont dorénavant caractérisées dans la loi. Enfin, à partir du 1er septembre prochain, une révolution fiscale, à la fois silencieuse et existentielle, s’engagera via l’individualisation du taux de prélèvement à la source.
L’argent des femmes ne peut plus être considéré comme un revenu d’appoint ou une variable d’ajustement : c’est un pilier de notre économie nationale ! Les femmes entreprennent, innovent, consomment, investissent. Leur contribution, qui représente 41 % du PIB national, ne peut plus être marginalisée.
Face à des récits conservateurs et à des actes d’ingérence intolérables sur le plan économique, comment entendez-vous protéger les droits économiques et financiers des femmes sur le territoire national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations
Permettez-moi de saluer votre engagement personnel sur la question de l’autonomie financière des femmes. Vous l’avez dit, il y a soixante ans, les femmes étaient encore considérées juridiquement comme des mineures sur des sujets essentiels. Les femmes mariées n’avaient pas la possibilité d’ouvrir un compte bancaire ou de choisir leur métier sans le consentement de leur mari.
Si aujourd’hui, heureusement, les femmes sont majeures juridiquement, des inégalités persistent. Nous les réduisons année après année, mois après mois. Ainsi, nous avons réduit les inégalités salariales et professionnelles avec l’index de l’égalité professionnelle et nous irons plus loin avec la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, en transposant la directive transparence salariale.
Avec la ministre de l’éducation nationale, nous nous attaquons à la racine des inégalités en travaillant la question des stéréotypes : c’est dès l’enfance que naissent stéréotypes et biais et que se construisent, ou ne se construisent pas, les imaginaires.
Enfin, se pose la question de l’autonomie économique et financière des femmes parce que c’est la première condition de leur émancipation et de leur liberté. L’autonomie économique financière permet toutes les autres libertés ou, au contraire, les restreint. Sans elle, peuvent naître les violences, l’incapacité à dire, l’incapacité à partir, l’incapacité à révéler. Nous devons évidemment renforcer notre action en la matière en favorisant l’accès des femmes à l’emprunt parce que les projets conduits par les femmes sont moins financés que ceux des hommes : nous agissons en ce sens avec la Fédération bancaire française. Nous consolidons aussi les actions menées avec la Banque publique d’investissement, dont le premier ministre a annoncé qu’elle allait doubler son engagement sur la question de l’entrepreneuriat au féminin pour l’année prochaine.
Mme Danielle Simonnet
L’entrepreneuriat, c’est la précarité !
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée
Bref, nous devons investir tous les champs dès la petite enfance pour lever les stéréotypes, sur l’éducation, sur l’égalité salariale et professionnelle, sur l’entrepreneuriat. Je sais compter sur votre engagement en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Déserts médicaux
Mme la présidente
La parole est à Mme Catherine Rimbert.
Mme Catherine Rimbert
L’accès des Français aux soins ne doit pas être sacrifié sur l’autel des ajustements budgétaires. Vendredi dernier, vous annonciez que 151 zones rouges considérées comme des déserts médicaux bénéficieraient dès septembre du soutien de médecins généralistes jusqu’à deux jours par mois. Ces mesures ne concerneront que 4 % du territoire, bien loin des 87 % touché par la désertification médicale. La France voit son maillage sanitaire se déliter au détriment de la santé des Français. Selon votre ministère 6,7 millions de nos concitoyens ne disposent pas de médecin traitant. Si le gouvernement prétend faire de la lutte contre les déserts médicaux une priorité, sur le terrain, la santé des Français se décide plutôt au gré de tableaux Excel déconnectés des réalités locales.
Dans ma circonscription, à Apt dans le Vaucluse, l’Agence régionale de santé a annoncé le 13 juin la fermeture du bloc opératoire le 31 décembre 2025. Cette décision a été prise sans la moindre concertation ni avec les élus locaux, ni avec le conseil de surveillance de l’établissement. Pire, un audit réalisé en janvier dernier proposant des alternatives à cette fermeture est resté sans suite. Sur les 18 000 entrées aux urgences en 2024, près de 8 000 étaient éligibles à une prise en charge au bloc opératoire. La suppression du bloc mettrait en péril l’offre locale de soins. De plus, cette décision compromettrait directement l’avenir des urgences et conduirait à des pertes de chance pour les patients du pays d’Apt, territoire particulièrement enclavé.
Alors que le gouvernement ne cesse de marteler sa volonté de lutter contre les déserts médicaux, allez-vous laisser des dizaines de milliers d’habitants du pays d’Apt privés d’un véritable accès aux soins ? Vous opposerez-vous à cette décision inique et brutale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Permettez-moi tout d’abord de m’associer aux nombreux hommages rendus par l’ensemble des groupes à Olivier Marleix.
Madame la députée, votre question m’étonne beaucoup car elle ne reflète pas du tout l’échange téléphonique que nous avons eu. La situation de l’hôpital d’Apt ne se réglera pas à coups de slogans et de discours nostalgiques.
M. Alexandre Dufosset
Vous faites de la politique !
M. Yannick Neuder, ministre
Nous sommes typiquement dans le cas d’un hôpital de proximité dans lequel, vous l’avez rappelé, les urgences fonctionnent bien.
Il faut aussi évoquer la situation financière de l’hôpital : plus de 13 millions de déficit cumulé et des délais de paiement qui dépassent les cinq mois.
M. Alexandre Dufosset
Ce n’est pas le seul !
M. Yannick Neuder, ministre
Surtout, il est temps de réformer l’activité chirurgicale. Certes, 1 000 actes ont été effectués par une équipe – que je salue – de chirurgiens, infirmiers, anesthésistes et aides-soignants mobilisés. Cependant, il est temps d’étudier la situation globale avec lucidité, sens de l’organisation et fermeté.
Nous allons renforcer le service des urgences, qui fonctionne bien, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en ajoutant dix lits en unité post-urgences. Nous allons également développer le plateau technique d’imagerie en y adjoignant un appareil d’IRM car les habitants de votre circonscription doivent pouvoir accéder à ce type d’examen. Les actes de chirurgie seront assurés à Cavaillon par les mêmes équipes. Enfin, nous développerons les consultations de spécialité ainsi que les soins de suite et de réadaptation.
Il ne faut pas refuser de réorganiser l’offre de soins sur notre territoire. Je souhaite que cet hôpital soit labellisé « hôpital de proximité », ce qui signifie qu’il réalise certains diagnostics et assure des prises en charge urgentes. Il faut par ailleurs procéder à un maillage afin de proposer une prise en charge adaptée, de l’hôpital de périphérie jusqu’au CHU, en fonction de la gravité des cas.
Il ne faut pas confondre sécurité sanitaire et proximité territoriale. (Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Jean-François Rousset applaudissent.) En tant que ministre de la santé, je dois m’assurer que chaque patient peut bénéficier de la même prise en charge. En cas d’infection chirurgicale grave, vous feriez-vous opérer dans cet hôpital ?
Sachez enfin qu’en aucun cas une réforme ne mettra en danger le service des urgences. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR.)
Sécurité des produits non-alimentaires
Mme la présidente
La parole est à M. François-Xavier Ceccoli.
M. François-Xavier Ceccoli
Je ne vous le cacherai pas : il m’est difficile de m’exprimer aujourd’hui dans un hémicycle où résonne encore la voix de l’un de ses meilleurs serviteurs, notre collègue et ami Olivier Marleix. (Applaudissements.)
Il nous faut pourtant continuer à œuvrer dans l’intérêt de nos concitoyens – il l’aurait d’ailleurs souhaité. Je suis convaincu qu’Olivier aurait apprécié – lui, le grand défenseur de notre industrie et de notre souveraineté nationale – les thèmes évoqués dans la question qui suit et qui s’adresse à M. le ministre de l’économie.
La sécurité des produits non alimentaires est un enjeu fondamental de protection des consommateurs, tout autant qu’un impératif de responsabilité publique.
Or selon les chiffres les plus récents fournis par Bercy, 94 % des produits vendus sur certaines plateformes chinoises en ligne ne respecteraient pas les normes de sécurité de l’Union européenne.
Face à cette réalité, la responsabilité de l’État est engagée. En laissant en vente libre des produits non conformes – jouets, outillage, cosmétiques ou encore textiles –, notre système expose nos concitoyens, y compris les plus vulnérables, à des risques graves : blessures d’enfants avec des jouets non certifiés, accidents à cause d’équipements électriques défectueux ou exposition à des substances toxiques issues de textiles non tracés.
Certes, l’entrée en vigueur du Digital Services Act et du nouveau règlement sur la sécurité générale des produits constitue un progrès et la DGCCRF devient l’autorité compétente pour en assurer l’application.
Cependant, cette avancée législative doit impérativement s’accompagner de moyens concrets. Avec 7 000 à 10 000 nouveaux produits mis en ligne chaque jour sur certaines marketplaces, peut-on raisonnablement penser que la DGCCRF dispose aujourd’hui de moyens humains et techniques suffisants pour assurer un contrôle efficace et exhaustif ? Si tel n’est pas le cas – comme tout porte à le croire –, il est urgent d’envisager le déréférencement de ces plateformes, en application du principe de précaution.
M. Vincent Descoeur
Bonne solution !
M. François-Xavier Ceccoli
Sinon la responsabilité du gouvernement pourrait bien être engagée en cas d’accident, d’autant que vous avez déjà été alertés à plusieurs reprises sur cet enjeu.
Ma question est donc triple : quelle est la part réelle des contrôles effectués par la DGCCRF sur les produits vendus en ligne, en comparaison avec ceux vendus en magasin ? Quelles mesures concrètes le gouvernement entend-il prendre pour renforcer les moyens de cette dernière et pour garantir un contrôle à la hauteur des enjeux sur les marketplaces étrangères, notamment chinoises ? Enfin, le Gouvernement est-il prêt à agir fermement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Tout d’abord, je veux m’associer aux mots que vous avez eu la gentillesse de prononcer en l’honneur et en mémoire de notre ami Olivier Marleix. (Applaudissements.) Vous avez raison, il aurait aimé échanger sur les risques que font courir certaines plateformes en matière de souveraineté économique.
La régularité et la conformité des produits représentent en effet un enjeu majeur. Le taux de non-conformité, établi à la suite des contrôles effectués par la DGCCRF, s’élève, vous l’avez dit, à 94 % en 2024.
Toutefois, il faut souligner que les articles qui font l’objet de prélèvement ont déjà été ciblés, présélectionnés en fonction de certains indices. Cela ne doit pas nous exonérer de tout effort et nous devons donc agir. À la suite d’une enquête de la DGCCRF, la plateforme Shein a ainsi été condamnée, la semaine dernière, à payer une amende de 40 millions d’euros pour information mensongère. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Je précise que 87 % des réductions et des promotions annoncées étaient fausses et que, dans 11 % des cas, les prix avaient en réalité été augmentés.
Si la DGCCRF agit, il en va de même pour le gouvernement. J’ai demandé de tripler le nombre de contrôles en 2025 pour certains articles. Je ne peux vous donner le nombre exact des articles qui font l’objet de prélèvement car je ne souhaite pas donner d’indications aux plateformes.
J’ai également demandé un contrôle à 360 degrés – c’est-à-dire sur l’ensemble des éléments, les produits proposés comme les allégations affichées – des plateformes, en particulier celles qui présentent un risque systémique.
Par ailleurs, nous continuons d’échanger avec nos homologues européens pour que les enquêtes soient massives et beaucoup plus fréquentes et pour qu’elles couvrent l’ensemble de l’Union européenne.
J’ajoute que j’ai demandé à mes services de se saisir de la question du déréférencement et suis intervenue au niveau européen pour faire évoluer le DSA afin de bloquer l’accès à certaines plateformes.
J’ai aussi formulé une demande pour que les effectifs de la DGCCRF évoluent… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre. – Plusieurs députés des groupes EPR, DR et HOR applaudissent cette dernière.)
Situation à Gaza
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Ma question s’adresse à M. le premier ministre. Que vaut encore la voix de la France après tant de trahisons, tant de lâchetés, tant de petitesses face à la plaie la plus immense, la plus béante de ce siècle ? Que vaut la voix de la France lorsqu’elle se tait face à l’enfer de Gaza, face au génocide et au beau milieu des clameurs des peuples du monde entier, unis en un seul pour demander la liberté, la justice, la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.– Mme Karine Lebon applaudit également.)
Le 9 avril, le président annonçait une conférence pour acter enfin la reconnaissance de l’État de Palestine. Il n’a pas fallu deux mois pour qu’il recule, se défile face à l’histoire et renferme ainsi notre pays dans l’ombre des génocidaires et des criminels de guerre.
Voici vos actes : vous refusez de reconnaître l’État palestinien au moment où son peuple en a urgemment besoin ; vous laissez Netanyahou traverser plusieurs fois notre espace aérien sans qu’il se passe rien ; des députés de votre pseudo-majorité votent contre la suspension de l’accord entre l’Union européenne et Israël et même contre le respect des mandats d’arrêts de la Cour pénale internationale à l’encontre de Netanyahou et Gallant.
Voici la réalité : vos mots sont comme des confettis éparpillés aux quatre vents dès que vous les lâchez. Éparpillés au milieu d’un génocide vu par le monde entier. Éparpillés au milieu des rafales de balles israéliennes qui, elles, sifflent et tuent tous les jours, sans cesse et sans pitié. Elles tuent des enfants qui font la queue dans la cohue pour un quignon de pain, lors de distributions plus meurtrières qu’humanitaires. Elles tuent des pères et des mères pris au piège sur leur propre terre par des génocidaires.
Voilà ce que vous permettez par vos mots vides, par vos actes cupides : l’impunité de l’État d’Israël, celle d’un régime d’extrême droite qui massacre un peuple, vole et colonise des terres, viole le droit international, agresse ses voisins – et le fait avec le consentement d’une poignée de dirigeants, dont les ministres de ce gouvernement.
Ma question est toujours la même : que fera la France pour briser l’impunité et imposer enfin la paix ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe EcoS ainsi que M. Marcellin Nadeau applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Contrairement aux multiples contre-vérités que vous venez, une nouvelle fois, d’énoncer (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
M. Patrick Hetzel
Très juste !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…non seulement la position de la France n’a pas varié mais je vous mets au défi de citer d’autres pays occidentaux qui ont été, autant que nous, à l’initiative (Mêmes mouvements),…
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
L’Espagne !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…à la fois pour soutenir l’aide humanitaire et pour s’engager très clairement en faveur d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza mais aussi d’une solution de paix durable et à long terme.
Vous avez raison, la situation est dramatique, insoutenable. Gaza est un véritable cimetière à ciel ouvert. Vous avez raison, toute entrave à l’aide humanitaire est scandaleuse, totalement inadmissible et il est absolument indigne que plus de 500 personnes aient perdu la vie depuis un an. Nous pouvons nous rejoindre sur ce constat.
Cependant, la solution ne se trouve pas dans vos déclarations, encore moins dans vos mensonges,…
M. Pierre-Yves Cadalen
Quels mensonges ? Donnez des exemples au lieu de dire n’importe quoi !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…mais d’abord dans un cessez-le-feu. Et si c’est une initiative américaine qui doit permettre ce cessez-le-feu, vous devriez la soutenir avec nous.
Pour vous répondre très concrètement, la reconnaissance de l’État de Palestine figure toujours à l’agenda de la France. (« Ah ! » et exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Quand le reconnaîtrez-vous ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Nous avons toujours l’ambition de faire reconnaître l’État de Palestine, sous l’égide des Nations unies, à New York, et avec l’Arabie saoudite,…
Mme Danielle Simonnet
Mais quand donc la France le reconnaîtra-t-elle ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…car nous considérons que la solution à deux États est la seule qui permettra d’aboutir à une paix durable. Cela suppose donc la reconnaissance de l’État de Palestine…
Mme Danielle Simonnet
Quand ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…et l’intégration de l’État d’Israël au Moyen-Orient.
Nous n’avons jamais – nous – varié ni instrumentalisé le conflit à des fins politiciennes. Nous avons toujours été en faveur de la paix, d’un cessez-le-feu et de la reconnaissance de l’État de Palestine, dans des conditions acceptables collectivement et qui rendront enfin possible une paix durable et pérenne dans cette région. Ce ne sera pas grâce à vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.– Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Quelle honte !
Interdiction des pesticides
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ma question s’adresse au ministre de la santé puisque, pour les ministres de l’agriculture ou de la transition écologique, la cause est perdue.
Il y a quelques jours, à Genay, dans le Rhône, l’usine BASF a été prise la main dans le sac. Des militants y ont découvert 250 kilos de Fastac, un pesticide pourtant interdit depuis 2020.
Pendant ce temps, dans seize communes du Grand Est, l’eau du robinet est devenue impropre à la consommation pour cause de contamination massive aux PFAS – des taux jusqu’à vingt-sept fois plus élevés que la limite légale. Résultat : des communes vont devoir acheter de l’eau en bouteille. Bienvenue dans la France du XXIe siècle !
D’ailleurs, l’eau en bouteille ne vaut pas mieux. On sait maintenant que Nestlé Waters et Alma ont eu recours, avec la complicité de votre gouvernement, depuis au moins 2021, à des traitements interdits pour purifier leurs eaux dites minérales.
À chaque fois, la mécanique est la même : d’un côté, des lobbys puissants, financés, organisés et, de l’autre, des responsables politiques qui se couchent, complices des lobbys industriels. Et au milieu : des milliers de victimes du cancer.
Nous assistons à une nouvelle étape de ce processus qui repose sur une complicité organisée : le vote de la loi Duplomb – que l’on devrait plutôt appeler la loi poison. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Alors que les agriculteurs demandent des revenus décents, on leur propose une bonne dose de pesticides dans le sang.
Monsieur le ministre, on n’a jamais autant parlé de prévention du cancer et on n’a jamais autant protégé ceux qui l’alimentent. Alors qu’un nombre historique de cas est atteint dans notre pays, vous choisissez, en conscience, d’ouvrir le robinet de la pollution. On déplore 2 200 nouveaux cas de cancers pédiatriques chaque année. Je vous parle d’enfants qui n’ont jamais fumé, jamais bu, jamais travaillé dans une usine ou dans un champ. Ils ont simplement grandi à l’ombre de vos renoncements. (Applaudissement sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Pourtant, pas d’inquiétude ! Comme nous l’a dit une collègue en commission, nous avons de la compassion pour les victimes – on distribuera même des rubans roses à l’Assemblée en octobre.
Or le cancer n’est pas inévitable. Le cancer est politique. Les lois que nous votons ici l’alimentent, l’engraissent.
Ma question est donc posée autant à chacun de mes collègues qu’à vous, monsieur le ministre : entre les lobbys industriels et la santé de nos concitoyens, que choisissez-vous ? (Les députés du groupe EcoS se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes LFI-NFP et SOC ainsi que plusieurs députés du groupe GDR applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Le médecin que je suis est naturellement soucieux de la santé des Français. Je ne suis soumis à aucun intérêt de lobby.
Mme Danielle Simonnet
Êtes-vous contre ces lobbys ?
M. Yannick Neuder, ministre
Vous avez tout d’abord évoqué les filtres utilisés par Nestlé Waters pour la source Perrier. Certes, si les eaux sont contaminées par des matières fécales, elles sont impropres à la consommation. Cependant, je rappelle qu’en l’espèce, l’origine du débat n’est pas liée à une contamination mais à une usurpation, à un trouble du point de vue commercial puisque c’est l’appellation d’eau minérale natuelle qui est contestée.
M. Yannick Neuder, ministre
Le problème était tout autre : des filtres avaient été placés, qui ôtaient à l’eau son caractère minéral. Il s’agissait donc d’un mensonge et d’une usurpation commerciale.
S’agissant des PFAS, je suis d’accord avec vous, madame la députée. Plus on va en trouver, mieux on saura les doser et mieux on appliquera le principe de précaution. Je suis tout à fait favorable à ce que nous puissions respecter à la lettre, à partir du 1er janvier 2026, la réglementation sur les PFAS. Il faudra naturellement, conformément au principe pollueur-payeur, interdire les émissions et aider les collectivités locales chargées de la gestion de la ressource en eau et de l’assainissement – généralement les agglomérations – à faire baisser les taux de PFAS dans les eaux afin de rendre celles-ci propres à la consommation, avec des filtres à charbon et des systèmes de dilution.
Pour ce qui est de la proposition de loi Duplomb, je vous ferai la réponse que j’ai déjà prononcée au Sénat : il s’agit simplement de remettre la France au même niveau de précaution que les autres pays européens. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme Marie-Charlotte Garin
Et les victimes ?
M. Yannick Neuder, ministre
Je finis, madame la députée ! Dès que nous disposerons des études de l’Anses prouvant la réalité des effets anticipés, nous interdirons tous les pesticides. D’ici à quelques semaines, il est d’ailleurs possible que j’interdise d’autres molécules dont l’impact a été démontré par des études médicales fondées sur des données probantes. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Mme Danielle Simonnet
Vous n’avez rien dit, franchement !
Détention de Boualem Sansal
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Avant toute chose, au nom de l’ensemble du groupe UDR, je voudrais rendre hommage à notre collègue Olivier Marleix et adresser à sa famille et à ses proches un message de soutien. (Applaudissements.)
Monsieur le premier ministre, Boualem Sansal reste embastillé. Quelle surprise ! Quel séisme imprévisible ! Vous nous aviez promis la réussite par la soumission, la libération par la génuflexion, et nous vous avons écouté : nous avons retiré, dans un esprit de responsabilité, notre proposition de résolution visant à abroger les accords de 1968.
La France a retenu son souffle. Pour quel résultat ? Une grâce transformée en gifle, l’humiliation : Sansal reste dans les geôles et vous récoltez les crachats d’un régime voyou. Jamais la France n’a été à ce point insultée par un État auquel elle a tant donné – visas, aide au développement, diplomatie bienveillante, repentance sans fin jusqu’à la limite de l’indécence. Face à ce régime qui ne respecte que la force, vous persistez dans une stratégie de soumission. La dictature algérienne, avec ses procès staliniens, se moque de vos prosternations feutrées.
Alors qu’en Algérie, la littérature est un acte terroriste, le gouvernement français s’est couché et le pouvoir algérien l’a piétiné. Tebboune joue, la France attend et Boualem Sansal croupit.
Allez-vous reconnaître l’échec total de votre stratégie ? Allez-vous enfin oser le rapport de force ? Allez-vous inscrire en urgence à l’ordre du jour notre proposition de résolution visant à abroger les accords de 1968 ? Allez-vous oser le blocus diplomatique ? Allez-vous suspendre tous les visas et toute l’aide au développement ? La France ne peut plus être à la fois le bailleur et le paillasson de la voyoucratie algérienne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Monsieur le député, il y a environ deux semaines, votre groupe retirait avec responsabilité votre proposition de résolution relative à la dénonciation des accords de 1968. Vous l’avez fait à dessein – je me souviens des mots du président de votre groupe Éric Ciotti –, pour laisser toute sa chance à la diplomatie afin qu’elle continue son travail, qui ne peut être mené à son terme en quelques jours, en vue d’obtenir ce que nous exigeons depuis le premier jour : la libération de Boualem Sansal qui, comme vous l’avez dit, a été emprisonné arbitrairement et subit des conditions de détention inadmissibles que son état de santé ne lui permet pas de supporter.
Aujourd’hui, vous nous refaites le coup de la soumission, suivant la logique qui avait prévalu lorsque vous aviez déposé votre proposition de résolution. Mais en quoi ce texte et le discours que vous tenez à présent garantissent-ils la libération de Boualem Sansal ? En rien, et vous le savez très bien, monsieur le député ! (Protestations sur les bancs du groupe UDR.) Alors laissez la diplomatie française faire son travail, comme elle le fait depuis le premier jour !
Mme Hanane Mansouri
Elle le fait très mal, en l’occurrence !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Oui, la diplomatie française a évidemment pris des mesures de rétorsion à l’encontre du pouvoir algérien ! Nous continuons bien sûr à exiger la libération de Boualem Sansal de façon très claire et entretenons un dialogue afin de nous assurer qu’elle ait lieu ! Mais nous ne réglerons ce problème ni en parlant dans ce micro, ni par une proposition de résolution.
Mme Hanane Mansouri
Comment alors ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je croyais que vous l’aviez compris il y a quinze jours…
M. Ian Boucard
Il faut le leur expliquer encore !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…et je l’avais alors salué à ce même micro, mais je vois que, malheureusement, dans votre groupe, le naturel revient au galop ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme Sophie-Laurence Roy
Il n’a honte de rien !
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Si la méthode ne change pas, les résultats ne changeront pas non plus. Vous me pardonnerez une métaphore canine : on dit qu’un chien qui mord est un chien qui a mal ; vous devez avoir bien mal à vos certitudes pour me faire cette réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Naïma Moutchou.)
Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
5. Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur
Commission mixte paritaire
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (nos 1652 rectifié).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Dive, rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Julien Dive, rapporteur de la commission mixte paritaire
Permettez-moi, avant de commencer, de rendre à mon tour hommage à Olivier Marleix. Je n’oublie pas que la proposition de loi sur la réforme des retraites des agriculteurs, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat, lui doit beaucoup. En tant que président du groupe Les Républicains, il avait soutenu cette réforme que j’avais présentée, et l’avait inscrite dans notre niche parlementaire. Il a été toujours un grand défenseur du monde agricole.
Nous arrivons au terme d’un parcours parlementaire jalonné de désaccords, mais guidé par une même constante : celle de ne jamais dévoyer le sens de ce texte. Il y a toujours une attente immense du terrain, et il a fallu défendre la proposition de loi pas à pas en gardant toujours le même objectif en tête : celui de remettre un peu de souffle dans notre manière de faire de la politique agricole. En effet, depuis des années, les agriculteurs font face à une accumulation de contraintes et de décisions souvent prises à distance sans cohérence d’ensemble, et la colère qui s’est exprimée s’est nourrie de ce ras-le-bol très concret devant des décisions absurdes, ras-le-bol doublé de l’impression terrible d’être considérés comme des suspects à qui l’on demande toujours plus avec de moins en moins de moyens. Le texte vise donc à répondre à cette impasse. Il ne prétend pas tout régler, mais je crois que c’est précisément sa force.
Il me semble utile de rappeler ici ce que cette proposition de loi contient vraiment avant que d’autres n’en fassent une lecture approximative ou orientée. Le texte tel qu’il ressort aujourd’hui de la navette parlementaire est marqué par le travail de l’Assemblée nationale puisque le compromis trouvé en commission mixte paritaire reprend dans ses grandes lignes l’architecture que nous avions construite en commission des affaires économiques. Beaucoup d’entre nous s’y sont investis et je les en remercie. Je veux donc rappeler ce que nous avons obtenu.
À l’article 1er, nous avons sécurisé des avancées concrètes : l’abrogation de la séparation entre le conseil et la vente, pour les distributeurs uniquement, permettra de restaurer un cadre responsable et sécurisé pour le conseil délivré aux agriculteurs ; l’intégration obligatoire d’un module d’aide à l’élaboration d’une stratégie phytosanitaires dans le cadre de la formation Certiphyto, dont le renouvellement demeure obligatoire tous les cinq ans.
À l’article 2, nous avons fait supprimer plusieurs propositions du Sénat qui affaiblissaient le rôle de l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, préservant son indépendance et ses capacités d’expertise.
Mme Delphine Batho
Encore un effort !
M. Julien Dive, rapporteur
Sur mon initiative, une clause de revoyure obligatoire au bout de trois ans est prévue pour la dérogation acétamipride, puis chaque année, et assortie d’un principe fondamental : la levée automatique de la dérogation dès lors qu’une des conditions de sa délivrance n’est plus réunie. Car oui, rappelons-le, l’interdiction reste la règle : nous n’instaurons dans la loi qu’une mesure dérogatoire qui ne sera obtenue qu’après avoir gravi une échelle de critères, dérogation qui ne concernera au mieux que 1,7 % des surfaces agricoles si toutes les filières demandeuses l’obtenaient. Mais il s’agit d’éviter des alternatives pires pour la santé humaine, comme les pyréthrinoïdes par exemple. De plus, il sera interdit par décret de planter des cultures attractives pour les abeilles, dans le cadre des cultures annuelles, s’il y a usage de la dérogation en question – encore une mesure que j’ai introduite. Autre avancée majeure : l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de substances actives ayant fait l’objet d’un refus ou d’un non-renouvellement au niveau européen, mesure initialement défendue par plusieurs groupes d’opposition – n’est-ce pas, madame Batho ? – mais aussi par la majorité.
Mme Delphine Batho
Faux !
M. Julien Dive, rapporteur
Je l’ai inscrite, ma chère collègue. Toujours à l’article 2, nous avons acté la création du comité des solutions, suivant la proposition de Jean-Luc Fugit. Ce comité devient un outil concret pour anticiper les impasses techniques.
À l’article 3, nous avons préservé la liberté laissée à l’éleveur de choisir entre une réunion publique et une permanence en mairie pour les projets soumis à autorisation environnementale, une simplification administrative qui n’est pas un renoncement à la transparence démocratique. Et surtout, nous avons maintenu l’équilibre obtenu sur le régime des installations classées pour la protection de l’environnement, dites ICPE : pas de nouvelle police environnementale ni de régression du droit, mais une adaptation réaliste. Nous nous sommes alignés sur les seuils européens, et contrairement aux idées véhiculées, on est loin des fermes-usines quand il s’agit de passer en pratique de 150 vaches laitières à 200.
Je veux insister sur un point particulier parce qu’il est symbolique : la suppression des dispositions créant une nouvelle catégorie de zones humides à l’article 5, suppression défendue notamment par Marc Fesneau et Sandrine Le Feur et qui permet de préserver l’équilibre de notre droit environnemental.
Enfin, je souligne le fait qu’à l’article 7 – qui avait d’ailleurs été largement adopté –, nous avons proscrit le forçage génétique pour les insectes non stériles, s’agissant notamment de la lutte autocide.
La proposition de loi a donc a été profondément modifiée, enrichie grâce aux forces en présence qui ont accepté de travailler avec intelligence. Je le redis : si je n’ai cessé tout au long ce processus – et je continuerai à le faire – de défendre tous les agriculteurs sans exception, qu’ils soient en conventionnel ou en bio, les grandes cultures comme les filières spécialisées, c’est parce que la bataille contre l’excès de normes les concerne tous.
Mais ce texte, aussi utile soit-il, ne suffit pas. Il répond à une urgence conjoncturelle, mais les vrais défis sont européens et décisifs pour l’avenir de notre modèle agricole. En effet, s’il allège des contraintes nationales, seule la politique agricole commune fixera demain les équilibres budgétaires et donc les marges de manœuvre réelles de nos agriculteurs. Il faut que certains ici cessent de détourner le débat : le vrai combat se joue à l’échelle européenne. L’accord Mercosur en est un exemple : il fragilise notre capacité à protéger nos producteurs face aux bas coûts. La politique européenne ne doit pas devenir un corset pour nos agriculteurs, mais un moteur de compétitivité et de transition, fidèle en cela à notre tradition et aux attentes de nos consommateurs.
Le texte se devait de répondre à un devoir d’exigence soumis au calendrier du réel et non à l’agenda parlementaire. Notre devoir à tous aujourd’hui est de le voter pour permettre au monde agricole de ne pas vaciller sous le poids des normes, des charges et du découragement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Avant d’entrer dans le cœur de mon propos, je veux dire l’émotion très vive qui me traverse depuis hier et qui, je le sais, est partagée sur ces bancs. La disparition d’Olivier Marleix est un choc extrêmement brutal. Olivier était un ami cher, un compagnon de route politique, un député sincère et un amoureux indéfectible de l’Eure-et-Loir et de ses habitants. À la tête de notre groupe à l’Assemblée, il aura porté haut les valeurs du gaullisme, dans le respect constant de ses adversaires et avec un humanité rare, trop rare parfois, en politique. Je tenais à saluer sa mémoire et à lui rendre ici l’hommage qu’il mérite.
Mesdames, messieurs les députés, il y a quelques mois, les campagnes françaises ont rappelé ce que feignaient d’oublier certains : nourrir un pays n’a rien d’une évidence ; cela exige un engagement quotidien, de la clarté dans les règles, de la constance dans les choix et de la reconnaissance dans les actes. En quatre ans, 10 % d’exploitations en moins ; en un an, une baisse de 9 % de la production agricole, et même jusqu’à un quart dans certains secteurs. C’est la souveraineté alimentaire de la France, son indépendance, qui est menacée.
C’est pourquoi ce texte, initié par les sénateurs Duplomb et Menonville, que je remercie à nouveau ici, vise à lever les contraintes excessives au métier d’agriculteur. J’en ai partagé la finalité dès l’origine, avec une obsession : aboutir. Il s’agit d’aboutir en cherchant les voies d’un compromis qui conserve l’ambition sans ignorer les inquiétudes, d’aboutir en mobilisant mes services, en obtenant la procédure accélérée, en multipliant les échanges avec les parlementaires de tous horizons, en défendant et en retravaillant chacune des dispositions du texte, malgré les contre-vérités. Le Parlement, lui aussi, a pris ses responsabilités : le Sénat a trouvé les premiers équilibres, en lien avec le Gouvernement, et l’Assemblée, sous l’impulsion du rapporteur et de la rapporteure pour avis, a organisé le débat en commission. Et la majorité des groupes parlementaires a mis en échec la stratégie d’obstruction menée par LFI et les écologistes.
M. Stéphane Vojetta
Très bien !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
C’est ce travail en commun, cette volonté partagée d’aboutir, qui nous conduit aujourd’hui à l’Assemblée, après une commission mixte paritaire – CMP – conclusive et un vote au Sénat. Le moment est venu d’acter, par votre vote, les engagements pris devant le monde agricole. Cette responsabilité vous revient désormais. Ce faisant, c’est le chemin de la reconquête de notre souveraineté alimentaire que nous empruntons.
Demain, les agriculteurs disposeront d’un accès plus large au conseil pour piloter leurs exploitations, sans brader nos objectifs de réduction des produits phytosanitaires et sans rien rogner sur les exigences de prévention contre les conflits d’intérêts.
Demain, la gestion de l’eau, bien commun aussi vital que fragile, sera simplifiée pour permettre à l’agriculture de prendre toute sa place dans la transition écologique, sans en être la victime collatérale.
Demain, certains produits autorisés ailleurs en Europe pourront l’être en France, à titre dérogatoire, pour les seules filières en impasse, économiquement menacées et engagées dans une recherche d’alternatives.
M. Loïc Prud’homme
Les cancers !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Ces dérogations seront strictement encadrées, limitées dans le temps, réexaminées au moins tous les trois ans et supprimées dès que les conditions ne seront plus remplies. À ma demande, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement – l’Inrae – identifie d’ores et déjà les filières concernées selon une méthode rigoureuse. Ses conclusions sont attendues à l’automne. Nos agriculteurs ne demandent pas de passe-droits, mais l’équité. Ils ne veulent plus subir des distorsions de concurrence issues de surtranspositions nationales injustifiées.
Mme Danielle Simonnet
Ils ne veulent pas de poisons non plus !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Demain, les projets de bâtiments d’élevage seront allégés des lourdeurs administratives. Une première étape est franchie ici avec l’ajustement des seuils et des modalités de concertation. La seconde, qui aurait pu avoir lieu dès ce texte s’il n’y avait pas eu d’obstruction, viendra à l’automne, avec l’inclusion de ces dispositions dans un projet de loi consacrant un régime spécifique pour l’élevage.
Par ailleurs, les dispositions relatives à l’Anses ont suscité des réserves parlementaires que j’ai entendues. Demeurent certaines idées pour avancer et sur lesquelles j’ai saisi le Conseil d’État. Ce sujet ne relève pas du domaine législatif : l’identification des usages prioritaires sera précisée par décret,…
Mme Lisa Belluco
Et voilà !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…sur la base de travaux scientifiques incontestables. L’indépendance de l’Anses n’est pas, et ne sera jamais, remise en cause.
Je ne détaille pas ici toutes les mesures du texte, mais chacune participe d’un même cap : rétablir un cadre clair, praticable et cohérent en réparant le lien entre ceux qui produisent et ceux qui décident.
Il ne s’agit pas uniquement de voter une loi : il s’agit de refermer un chapitre, celui des doutes, et d’ouvrir un chemin, celui…
Mme Julie Ozenne
Des cancers !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…de la reconquête. En l’adoptant, vous affirmerez que la souveraineté alimentaire ne se décrète pas, mais qu’elle se bâtit, et que la République, lorsqu’il s’agit de ses paysans, sait tenir parole ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – M. Jean Moulliere applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la vice-présidente de la commission mixte paritaire.
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
Nous examinons les conclusions de la CMP réunie au Sénat le 30 juin dernier pour élaborer un texte commun sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Je rappelle qu’elle a donné lieu à dix-sept heures de débats en commission des affaires économiques et je remercie donc à la fois le député Julien Dive, rapporteur pour ladite commission, de tout le travail qui l’a conduit ces derniers mois, et la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis.
Le choix inattendu de rejeter ce texte en séance a conduit à ce que nous ne disposions pour la CMP que du texte du Sénat, ce que, pour ma part, j’ai déploré. Cependant, je tiens à souligner l’effort de mon homologue au Sénat, la présidente Estrosi Sassone, qui a permis des conditions d’examen respectueuses et ouvertes.
Mais à titre personnel, je considère que le résultat final est extrêmement inquiétant. Les seules concessions notables faites par les sénateurs ont consisté à préserver l’indépendance de l’Anses dans l’évaluation des produits phytosanitaires et à renoncer à la création d’une nouvelle catégorie de zones humides. Mais pour combien de renoncements ? ! La réintroduction de l’acétamipride demeure, 500 000 hectares au bas mot concernés, pas seulement les noisettes donc, mais aussi les betteraves et bien d’autres cultures. C’est suffisamment grave pour que la Ligue nationale contre le cancer s’exprime dans ces termes : « le principe de précaution n’est pas pris en compte », principe qui, vous le savez, est inscrit dans la Constitution. Que dit l’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments ? Que l’acétamipride peut « affecter de façon défavorable le développement des neurones et des structures cérébrales ». Pour vingt et une sociétés savantes médicales et le conseil scientifique du CNRS, c’est « un recul majeur pour la santé publique ». Combien de médecins nous ont écrit ces dernières semaines pour nous alerter sur la prévalence des cancers et des maladies de Parkinson chez les agriculteurs (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP)…
Mme Lisa Belluco et M. Marcellin Nadeau
Exact !
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente
…et sur la multiplication des pathologies du développement de l’enfant dans les zones d’épandage intensif. Je salue d’ailleurs la présence dans notre hémicycle des représentants d’associations de malades de pesticides. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
À l’article 3, le contrôle démocratique et les études environnementales sur les plus grands élevages sont affaiblis, et les seuils de réglementation rehaussés… À quoi bon pleurer sur la démocratie locale alors que cette loi va dispenser de devoir répondre aux objections du public et faire de la concertation une formalité ?
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
M. Jérémie Iordanoff
L’Assemblée est appelée à se prononcer sur un texte de communication politique, de mauvaise communication même. Sans apporter de garantie pour notre sécurité, il affaiblit les libertés publiques et crée de la confusion quant au rôle des centres de rétention administrative (CRA). Ce texte, qui ne s’appuie sur aucune étude d’impact, prétend assurer notre sécurité en allongeant la durée de rétention administrative pour un nombre conséquent de situations, sans toujours faire le lien avec l’éloignement réel des personnes. Je rappelle que la rétention administrative est une privation de liberté prévue uniquement dans le cadre d’une procédure d’éloignement.
M. Jérémie Iordanoff
Le Conseil constitutionnel rappelle régulièrement qu’un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à l’exécution de son départ. La rétention administrative n’a donc pas de vocation répressive et ne devrait pas être assimilée à de l’incarcération. C’est à la justice pénale, et à elle seule, de condamner les délinquants et les criminels, pas à l’administration.
Mme Cyrielle Chatelain
C’est vrai !
M. Jérémie Iordanoff
Prolonger la rétention administrative pour tout autre motif que l’éloignement, revient à en dévoyer le sens même. On passe ainsi d’un dispositif temporaire en vue de l’éloignement à un instrument de gestion sécuritaire, sans rapport avec l’effectivité des expulsions. Ce glissement est révélateur d’un affaissement des principes du droit pénal – si ce n’est de l’État de droit, monsieur le ministre.
M. Jérémie Iordanoff
Bien que la durée de la rétention administrative, si on l’examine, soit en augmentation constante – 45, 90, 210 jours –, le taux de personnes expulsées en sortie de CRA stagne autour de 39 %. Il se trouve que dans les faits, l’immense majorité des expulsions a lieu dans les tout premiers jours de la rétention administrative, devenant de plus en plus rares par la suite. Ce n’est pas la durée de rétention qui pose problème, mais l’obtention des laissez-passer consulaires. Sans ce document délivré par le pays d’origine, aucune expulsion n’est possible. Ce n’est donc pas en affaiblissant la diplomatie française, que nous résoudrons ce problème. À bon entendeur.
M. Jérémie Iordanoff
Par ailleurs, les CRA ne sont pas du tout adaptés aux longs séjours. Les conditions d’enfermement y sont déplorables, voire dégradantes : cellules délabrées, chaleur insupportable, absence d’activités. Ce sont des lieux d’attente, pas des lieux de vie. L’allongement de la durée de rétention ne produit pas davantage d’expulsions, mais davantage de souffrances, car la durée a un impact certain sur la santé physique et mentale des retenus. N’oubliez pas, chers collègues, que derrière ce texte il y a des vies humaines, des personnes qui seront directement touchées.
M. Jérémie Iordanoff
Celles et ceux qui ne voient que des criminels étrangers – ou des étrangers criminels, je ne sais plus – auxquels ils refusent toute humanité et tout droit, celles et ceux qui ne voient que par le prisme de la sécurité, dites-vous bien que ces personnes enfermées finiront par sortir et que la plupart d’entre elles, comme le montrent les chiffres, ne seront pas reconduites à la frontière, qu’importe la durée de rétention.
M. Emeric Salmon
Avec ce gouvernement !
M. Jérémie Iordanoff
Il y a là une faille dans votre argumentation, puisque à la fin, il n’y a pas de protection supplémentaire, sur le sol français ou ailleurs.
M. Jérémie Iordanoff
En somme, c’est un texte d’affichage, attentatoire aux libertés, inefficace et peut-être même contre-productif. Le groupe Écologiste et social votera résolument contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR. – M. Alain David applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Bergantz.
Mme Anne Bergantz (Dem)
Permettez-moi de débuter mon intervention par une pensée émue et sincère pour la mémoire de notre collègue Olivier Marleix, qui aurait dû être au banc aujourd’hui. Il a porté ce texte avec conviction en cherchant une voie de passage. Le travail parlementaire doit avancer, malgré tout, mais toutes mes pensées accompagnent sa famille, ses proches et ses collègues. (Applaudissements.)
Mme Anne Bergantz
Ce texte aurait mérité de faire l’objet d’un débat mesuré et nuancé. Je regrette que cela n’ait pas été le cas et que nombre d’interventions aient été marquées par l’outrance et le dogmatisme.
M. Patrick Hetzel
C’est très vrai !
Mme Anne Bergantz
De quoi est-il question ? Certainement pas, comme cela a été affirmé, d’un texte raciste ou xénophobe qui amalgamerait insécurité et immigration. On peut débattre de l’efficacité des dispositions prévues par ce texte, mais affirmer qu’il s’agit d’un texte anti-étranger est profondément malhonnête. Redisons-le : les personnes concernées par ce texte ne sont pas des étrangers ordinaires, mais des personnes qui sont non seulement en situation irrégulière, mais surtout, qui présentent des profils particulièrement dangereux.
Mme Anne Bergantz
Concrètement, il s’agit de personnes ayant commis des actes extrêmement graves – meurtres, actes de torture, viols ou proxénétisme – et qui ont été condamnées définitivement à des peines de prison pour ces faits. Ces profils sont donc bien éloignés du portrait qui a pu être dressé de vulnérables étrangers victimes de discriminations. Nous parlons de menaces directes à l’ordre public. Alors oui, ne nous trompons pas de victimes.
Mme Anne Bergantz
Face aux risques de récidive, soumettre au vote l’allongement de la durée de rétention pour permettre un éloignement effectif de ces condamnés est une décision légitime. D’autant plus que cet allongement est dérogatoire et exceptionnel. Dépasser les 90 jours de droit commun ne signifie d’ailleurs pas forcément atteindre les 210 jours, qui demeurent un délai maximal de rétention.
Mme Anne Bergantz
Je continue à penser que l’éloignement doit être réfléchi dès le premier jour d’emprisonnement, afin que l’expulsion intervienne une fois la peine exécutée, et que pour y parvenir, la coopération entre nos services de police et de justice est plus que jamais indispensable. Dans le même temps, nous devons continuer à améliorer les méthodes d’identification des personnes à expulser. Ce texte y contribue en autorisant une mesure très attendue des services enquêteurs – le relevé d’empreintes en l’absence de consentement –, et ce dans le plus strict respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Enfin, les efforts diplomatiques devront être poursuivis afin d’obtenir plus fréquemment et plus rapidement les laissez-passer consulaires indispensables à l’éloignement de l’étranger.
Mme Anne Bergantz
Le groupe Les Démocrates votera en faveur de ce texte, car il prévoit des dispositions allant dans le bon sens. Il octroie à nos administrations un peu plus de temps et de moyens techniques pour opérer un éloignement effectif des étrangers en situation irrégulière les plus dangereux. Entre-temps, il renforce la sécurité de nos concitoyens en les protégeant de nouveaux crimes et délits, alors même que pour ces profils le risque de récidive est particulièrement fort. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Patrick Hetzel applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Albertini.
M. Xavier Albertini (HOR)
Je ne peux que débuter cette intervention par un hommage appuyé à notre collègue Olivier Marleix. Il était un parlementaire aguerri, exigeant et doté d’un profond sens de l’intérêt général. Il a pu, une dernière fois, nous démontrer tout son talent et sa capacité pour l’écoute et le compromis en rapportant cette proposition de loi, que ce soit en commission ou en séance. Je présente mes sincères condoléances à sa famille, ses proches et à ses collègues du groupe Droite républicaine. (Applaudissements.)
M. Xavier Albertini
Nos débats en commission des lois, comme en séance, se sont déroulés dans un climat qui aurait mérité d’être un peu plus serein. Chacun a pu faire valoir ses arguments pour répondre à une question : comment empêcher des étrangers en situation irrégulière, faisant l’objet, qui plus est, d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) de commettre des délits et des crimes sur notre territoire ?
M. Xavier Albertini
Il existe visiblement un clivage entre la gauche et nous, qui sommes intransigeants sur le respect de l’État de droit.
Mme Dominique Voynet
La blague !
M. Xavier Albertini
Il existe des règles à respecter, c’est le fondement de la démocratie, de la République. Lorsque ces règles ne sont plus adaptées, il faut savoir les mettre à jour. C’est ce que nous faisons avec cette proposition de loi.
M. Xavier Albertini
Personne n’a oublié l’effroi qui a frappé la République tout entière en septembre 2024, lors du meurtre par un étranger sous OQTF de Philippine, âgée de 19 ans. La République a aussi été parcourue par un profond sentiment d’amertume, parce que l’on doit faire mieux. Certes, c’est un fait que l’amélioration du taux d’exécution des OQTF ne dépend pas exclusivement de la France, mais en grande partie, si ce n’est uniquement, des États desquels sont issues les personnes concernées. C’est un autre fait que plus de la moitié des laissez-passer consulaires délivrés l’ont été au-delà du quatre-vingt-dixième jour de rétention, soit après l’expiration du régime de droit commun actuel.
M. Xavier Albertini
Cela étant, nous ne pouvons plus nous contenter de constater ces faits ni de subir la situation. Le législateur doit prendre sa part dans l’action, celle de faire évoluer le cadre légal afin de garantir l’éloignement effectif du territoire national de ces personnes, et seulement de celles qui doivent l’être. C’est l’ambition de la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter.
M. Xavier Albertini
La faiblesse du taux d’exécution des OQTF ces dernières années doit nous interroger. En 10 ans, il a été divisé par trois, passant de 22,3 % en 2012 à 7 % en 2022. Si l’augmentation du nombre d’OQTF délivrées explique en partie cette baisse, il n’en demeure pas moins vrai que le refus des pays d’origine de délivrer un laissez-passer consulaire joue un rôle majeur dans la difficulté à les exécuter, avec parfois en conséquence des situations dramatiques, comme le meurtre de la jeune Philippine.
M. Xavier Albertini
Le cadre juridique actuel est-il encore adapté pour favoriser l’éloignement des personnes concernées ? Non. La réponse ne souffre d’aucun doute. Mais la rétention est une mesure administrative, non une sanction ou une peine. Cela ne doit pas changer et cela ne changera pas avec l’adoption de cette proposition de loi.
M. Xavier Albertini
Factuellement, une prolongation de la durée de rétention sous l’autorité d’un juge est un moyen efficace pour obtenir les laissez-passer consulaires et permettre le retour dans leur pays d’origine des personnes visées par les OQTF et condamnées pour des faits d’une particulière gravité.
M. Xavier Albertini
Le groupe Horizons
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (LIOT)
Je ne peux démarrer mon propos sans avoir une pensée émue pour notre collègue Olivier Marleix, qui aurait dû être parmi nous aujourd’hui pour défendre, en tant que rapporteur, cette proposition de loi. J’adresse mes sincères condoléances à sa famille, à ses proches ainsi qu’à son groupe parlementaire. (Applaudissements.)
M. Paul Molac
Cette proposition de loi vise à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et qui présentent de forts risques de récidive. J’ai pris le soin de la nommer intégralement, car en matière de rétention administrative, je considère qu’il est nécessaire de faire très attention aux mesures attentatoires aux libertés. Cela montre aussi qu’elle vise un problème particulier et qu’il ne s’agit pas d’une loi anti-immigration ou qui voudrait la remettre en cause. Le pourrait-on d’ailleurs ?
M. Paul Molac
Nous balançons toujours entre la limitation de la liberté et la protection des Français. Nous devons naviguer entre ces deux écueils, si je puis dire.
M. Paul Molac
Cette proposition de loi a été déposée, car plusieurs drames causés par des individus qui auraient dû être expulsés ou qui faisaient l’objet d’une OQTF ont suscité, à juste titre, une vive émotion. Il ne s’agit pas seulement de faits divers, mais de révélateurs des dysfonctionnements de notre système d’éloignement. Pour une partie de nos concitoyens, l’impuissance de l’État en la matière est inacceptable.
M. Paul Molac
En réponse à ce constat, la proposition de loi vise à étendre le régime dérogatoire de rétention administrative prévue en matière de terrorisme aux étrangers condamnés pour des infractions graves. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires souscrit aux objectifs de ce texte et se retrouve dans le compromis trouvé par la commission des lois de l’Assemblée.
M. Paul Molac
Toutefois, nous restons réservés quant à ses effets. Cette nouvelle prolongation de la durée de rétention ne sera pas une solution miracle, dans la mesure où les obstacles à l’éloignement résultent surtout de problèmes diplomatiques dans la délivrance des laissez-passer consulaires. Les failles sont avant tout celles de l’État et non de l’autorité judiciaire, comme aiment à le faire croire certains. Les discours soi-disant fermes et les postures de certains n’ont qu’une faible traduction pratique.
M. Paul Molac
Ce décalage alimente la défiance citoyenne. Rappelons, notamment au ministère de l’intérieur, qu’en France, seule une OQTF sur dix est exécutée. Le problème est autre.
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