Première séance du mercredi 22 janvier 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Aide publique au développement
- Office français de la biodiversité
- Produits sucrés
- Budget de l’Institut polaire français
- Budget du sport
- Diagnostic de performance énergétique
- Marges sur les prix en outre-mer
- Stade de France
- Hôpitaux de proximité
- Filière de la pêche
- Attitude de la France après l’élection de Donald Trump
- 2. Urgence pour Mayotte
- 3. Gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- Après l’article 1er
- Amendements nos 28
- Sous-amendement no 33
- Amendements nos 2, 1, 3 et 12 rectifié
- Article 1er bis
- Article 1er ter
- Suspension et reprise de la séance
- Article 2
- Amendement no 30
- Article 3
- Amendement no 32
- Article 4
- Après l’article 4
- Amendements nos 4 rectifié, 15 rectifié et 5 rectifié
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 4. Adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes
- Présentation
- Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
- Mme Danielle Brulebois, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- M. Vincent Thiébaut, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- Mme Marie Lebec, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques
- Présentation
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Aide publique au développement
Mme la présidente
La parole est à Mme Dieynaba Diop.
Mme Dieynaba Diop
En 2021, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, parlementaires et gouvernement ont pris un engagement collectif : consacrer, en 2025, 0,7 % de la richesse nationale à la solidarité internationale.
Le projet de loi de finances pour 2025, présenté par le gouvernement Barnier, amputait pourtant déjà les crédits de la mission Aide publique au développement de 2 milliards d’euros par rapport à 2024.
Ce week-end, un amendement du gouvernement, modifié seulement quelques heures avant qu’il ne soit mis aux voix, a amputé cette mission de 780 millions de plus. Entre la loi de finances pour 2024 et le projet de loi de finances pour 2025, les crédits de cette mission ont donc été diminués d’un peu plus d’un tiers pour ne plus représenter que moins de 0,45 % de notre revenu national.
La France, non seulement contrevient ainsi aux engagements qu’elle a pris dans la loi de programmation de 2021, mais effectue de plus un grave retour en arrière. Avec un tel budget, elle renonce à relever pleinement les défis mondiaux que sont la pauvreté, les inégalités, le changement climatique ou encore les crises humanitaires. L’aide publique au développement est un levier essentiel de notre politique étrangère, elle reflète nos valeurs et nos responsabilités de grande puissance diplomatique, notamment envers les victimes des conflits oubliés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Je pourrais ne citer que le Soudan, mais je pense aussi au Yémen, à la Somalie, à la Birmanie ou encore à la République démocratique du Congo.
Quelles sont les ambitions du gouvernement dans le domaine de la solidarité internationale ? À quelle échéance repoussez-vous l’objectif que nous nous sommes fixé de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement ? Comment préserver cet instrument crucial au service de la solidarité internationale et de notre influence dans le monde ? Car l’aide au développement n’est pas seulement au service de la solidarité envers les pays les plus vulnérables : c’est aussi un instrument de paix. (Les députés du groupe SOC se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Les Français sont très attachés à notre politique d’aide au développement. C’est un instrument de lutte contre l’extrême pauvreté, un outil du temps long pour amortir les crises, un vecteur du rayonnement de la France.
Mme Ayda Hadizadeh
Pourquoi cette baisse, alors ?
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
Le meilleur outil pour protéger les Français, leur sécurité et leur pouvoir d’achat, c’est un monde plus stable, moins chaotique : l’aide au développement sert précisément à cela. Quand nous intervenons pour financer l’entrepreneuriat des écoles ou des infrastructures de santé, nous travaillons pour la solidarité internationale, pour notre influence dans le monde, mais aussi de manière à agir sur les causes profondes d’enjeux qui touchent et préoccupent les Français : mouvements migratoires, instabilités politiques ou économiques dont les effets se font fortement sentir jusque dans notre pays.
Je tiens cependant à rappeler que les crédits alloués par la France à l’aide au développement ont plus que doublé entre 2017 et 2023.
M. Olivier Faure
Et maintenant ?
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
Notre réponse aux défis globaux – pandémies, dérèglement climatique, chocs migratoires – va ainsi se poursuivre. Le premier ministre a d’ailleurs ouvert un horizon pour retrouver, en 2026, une dynamique en la matière. Le contexte budgétaire est très dur et, les Français le savent, nous n’avons pas de baguette magique…
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas une baguette, c’est une hache !
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
…mais seulement des responsabilités, sans autre choix que de faire des économies. Le ministère des affaires étrangères, notamment à travers l’aide au développement, a pleinement pris sa part à ces efforts collectifs. Vous le savez, les débats budgétaires suivent leur cours au Parlement et seront pour nous l’occasion, dans cet effort qui s’impose à nous, d’examiner toutes les solutions sans faire pour autant obstacle aux priorités de la France.
Il faudra, enfin, continuer à renforcer le pilotage et l’efficacité de notre aide, afin que chaque euro dépensé serve effectivement nos objectifs.
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas au niveau !
Mme la présidente
La parole est à Mme Dieynaba Diop.
Mme Dieynaba Diop
J’aurais aimé des réponses précises à mes questions précises, mais le budget sera l’occasion de passer des promesses aux actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Office français de la biodiversité
Mme la présidente
La parole est à Mme Josiane Corneloup.
Mme Josiane Corneloup
Autour de Laurent Wauquiez, mon groupe, Droite républicaine, dénonce depuis un certain temps les agissements des agents de l’OFB.
M. Aurélien Rousseau
Oh !
Mme Josiane Corneloup
Très récemment, les propos d’un de ces agents, osant assimiler les agriculteurs à des dealers, ont suscité la colère de tout le monde agricole ainsi qu’un véritable dégoût.
Mme Anne-Laure Blin
Quelle honte !
Un député
Honte à lui !
Mme Josiane Corneloup
La lamentable intervention de cet agent, dont je demande qu’il soit sévèrement sanctionné (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et UDR. – Mme Sophie-Laurence Roy applaudit également), n’est hélas pas un acte isolé mais reflète la façon de faire de trop d’agents, militants d’un agribashing contre lequel nous, représentants de la nation, devons nous élever.
Nous en sommes arrivés à un tel point de bêtise et de non-retour que, dernièrement, dans mon département de Saône-et-Loire, l’OFB n’a pas hésité à traîner devant les tribunaux un éleveur, vice-président du département, qui avait commis le forfait – tenez-vous bien, mes chers collègues – d’ouvrir un barrage construit sur un ruisseau par des castors qui, inondant ses parcelles, les rendait inexploitables. (Exclamations sur les bancs du groupe DR.)
M. Jérôme Nury
On marche sur la tête !
Mme Josiane Corneloup
Au motif que cet éleveur avait détruit l’habitat d’une espèce protégée, il encourait une peine de trois ans de prison et de 150 000 euros d’amende. Le tribunal de proximité, faisant preuve d’un peu de bon sens, ne lui infligea, si j’ose dire, qu’un avertissement pénal probatoire. Il n’empêche : la manière de faire et de penser de l’OFB a conduit cet agriculteur à porter plainte.
Mme Delphine Batho
Quelle honte !
Mme Josiane Corneloup
Cette situation, à la fois absurde et infamante, pèse lourdement sur lui et sur sa famille.
Tous, ici, nous pourrions multiplier les exemples de ces lamentables méthodes de l’OFB. Il faut qu’elles cessent ! Contrairement à certains qui espèrent encore un changement d’attitude de sa part, je crois qu’il faut aller beaucoup plus loin, en prononçant sa dissolution ou en procédant à une refonte totale de son fonctionnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, RN et UDR.)
Mme Delphine Batho
Ben voyons !
Mme Josiane Corneloup
L’OFB, aujourd’hui discrédité, est rejeté par des hommes et des femmes respectueux de la biodiversité, dont le travail est de nourrir le monde, qui ne doivent plus être traités comme des délinquants.
Madame la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, par quelles mesures comptez-vous mettre un terme à la dérive inacceptable de l’OFB, afin de rétablir la confiance avec les agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Vous pointez une situation locale particulière (Protestations sur les bancs des groupes RN et DR),…
Mme Anne-Laure Blin et M. Jérôme Nury
Non, c’est partout !
M. Fabien Di Filippo
Revenez sur terre !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…qui peut effectivement paraître incompréhensible. Je tiens d’abord à vous rassurer : vous l’avez d’ailleurs dit, dans la plupart des infractions de ce type, l’enquête pénale, qui, contrairement à ce que vous indiquez, n’est pas déclenchée par l’OFB,…
M. Erwan Balanant
Exactement !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…n’a pas donné lieu à une condamnation.
Mais là où je ne suis pas du tout d’accord avec vous, c’est sur les conclusions que vous en tirez, relativement à l’OFB. Face aux multiples attaques dont ses agents font l’objet ces derniers jours, je voudrais commencer par leur exprimer mon soutien le plus ferme (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS – M. Marcellin Nadeau applaudit aussi) et rappeler la réalité de leur mission.
M. Pierre Cordier
On ne va pas être d’accord !
M. Jean-Pierre Taite
Allez sur le terrain, madame la ministre !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Ce sont des agents publics qui exercent une mission de police, au même titre que la police, la gendarmerie ou la répression des fraudes. Les relations entre les agents de l’OFB et les personnes qu’ils contrôlent – chasseurs, agriculteurs – sont, dans la plupart des cas, apaisées.
M. Fabien Di Filippo
Ça veut dire quoi, « dans la plupart des cas » ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Il faut reconnaître cette réalité. Comme dans tous les métiers du contrôle, il peut y avoir des tensions. Bien sûr, il peut y avoir des maladresses et des incompréhensions entre les contrôleurs et les contrôlés. Nous travaillons, avec ma collègue Annie Genevard, à y remédier.
M. Fabien Di Filippo
Laissez-la en dehors de ça !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Mais, en aucun cas cela ne peut remettre en cause la légitimité des missions des agents de l’OFB dont je rappelle qu’elles visent à protéger les Françaises et les Français…
M. Fabien Di Filippo
Ce sont les castors que vous protégez !
M. Pierre Cordier
Et les loups !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…sur des sujets aussi élémentaires que la qualité de l’eau qu’ils boivent – un enjeu de santé publique – ou bien que la lutte contre les inondations qui surviennent, précisément, parce que nous aménageons mal la nature – pour avoir été élue députée du Pas-de-Calais, je sais de quoi je parle. (Exclamations sur les bancs du groupe DR.)
Si c’est la loi qui génère ce genre de situation incompréhensible, c’est à nous, gouvernement et Parlement, de nous en saisir : nous le faisons dans l’article 13 de projet de loi d’orientation… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Quelques députés des groupes SOC, EcoS et LIOT applaudissent cette dernière.)
Produits sucrés
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Tavernier.
M. Boris Tavernier
En cette période de vœux, monsieur le ministre chargé de la santé, permettez-moi de vous adresser les miens, et peut-être le plus important d’entre tous : une bonne santé.
Un ingrédient central d’une bonne santé, vous le savez, c’est de bien manger. Mais alors pourquoi tant de gens mangent-ils mal ? C’est un peu de leur faute, non ? Ils ne font pas d’efforts !
On leur dit pourtant de consommer des produits de saison, de cuisiner des produits frais, non transformés, de manger cinq fruits et légumes par jour – mais ils ne le font pas. Résultat : une épidémie d’obésité et de surpoids, de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires.
Alors, pourquoi s’empoisonnent-ils ? Je vais vous le dire : c’est une affaire de choix, ou plutôt de non-choix.
Comment faire le choix d’une alimentation saine, quand l’offre ne le permet pas ? La semaine passée, l’association Foodwatch montrait l’omniprésence du sucre, même là où il ne devrait pas se trouver. Les produits analysés contenaient, pour 85 % d’entre eux, des sucres ajoutés : conserves de petit pois, pain de mie, pizzas ou biscottes. Dans les rayons des supermarchés, difficile d’y échapper.
Comment faire le choix d’une alimentation saine quand le porte-monnaie ne le permet pas ? Alors que la précarité alimentaire ne fait que croître, les produits les plus sains sont aussi les plus chers.
Comment faire le choix d’une alimentation saine quand le matraquage publicitaire nous pousse à faire tout l’inverse ?
Comment faire le choix d’une alimentation saine et durable quand on ne peut se la procurer que de plus en plus loin, trop de quartiers et de villages étant désertés par les commerces de proximité ?
Vous, qui êtes également médecin, en conviendrez : le diagnostic est posé. Le remède : donner aux gens le pouvoir de véritablement choisir leur alimentation.
Protégez la santé des Français. Mettez les industriels et la grande distribution face à leurs responsabilités. Cessez de seulement vouloir éduquer les gens : ils savent déjà. Éduquez les industriels. Contraignez-les. Exigez, par produit, la transparence sur les marges. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Exigez qu’ils modifient leurs recettes.
Hissons l’alimentation au rang des priorités. Travaillons à une grande loi sur l’alimentation et faisons de l’alimentation un droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Vous mentionnez l’enquête Foodwatch parue la semaine dernière, et je vais également reprendre et partager avec vous quelques chiffres. L’étude que l’Anses a fait paraître en 2023 a notamment montré que, sur 54 000 produits analysés, 77 % contiennent du sucre ajouté. Ce qui nous préoccupe, ce sont aussi bien les ingrédients sucrés que les vecteurs de goût sucré. Nous tenons là une des clés du problème : nos concitoyens sont habitués à consommer sucré et nous connaissons les conséquences de cette habitude sur la santé publique.
Vous les avez rappelées : 4,2 millions de personnes souffrent d’une forme de diabète, 5,3 millions sont atteintes de maladies cardiovasculaires et 3,4 millions ont des cancers ou des pathologies liées à l’obésité et au surpoids.
Je reprends également à mon compte l’enquête publiée par Foodwatch la semaine dernière, avec notamment ce point qui doit tous nous interpeller : plus les prix sont bas, plus les produits sont sucrés. En d’autres termes, nous ne devons pas seulement mener ensemble un combat pour des prix bas, mais aussi pour des produits de qualité, bons pour la santé. Nous devons également lutter pour un étiquetage fiable, disponible pour chacun.
C’est la raison pour laquelle, avec le ministre de la santé mais aussi avec la ministre de l’agriculture et avec le ministre de l’industrie, nous devons travailler avec les industriels et avec la commission d’examen des pratiques commerciales. C’est de cette manière que nous pourrons apporter à nos concitoyens des réponses claires et concrètes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Budget de l’Institut polaire français
Mme la présidente
La parole est à M. Jimmy Pahun.
M. Jimmy Pahun
Ma question, à laquelle s’associe Mme Clémence Guetté (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), avec qui je partage la présidence du groupe d’études sur les pôles et les Terres australes et antarctiques françaises, s’adresse à M. Philippe Baptiste, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Il y a une semaine, un incendie s’est déclaré sur l’île d’Amsterdam, l’un des districts des TAAF, contraignant les personnels à évacuer sur un navire de pêche, l’Austral, en attendant d’être récupérés par le Marion Dufresne, navire ravitailleur des TAAF.
Je salue le professionnalisme et la réactivité des personnels évacués et de leurs administrations et je remercie les pêcheurs de l’Austral pour leur grande solidarité de gens de mer. Ce sinistre s’ajoute à l’épizootie de grippe aviaire qui sévit dans les autres districts y décimant les populations de manchots et d’éléphants de mer. C’est sur ces difficultés auxquelles doivent faire face la communauté scientifique et son opérateur logistique, l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor, que je souhaite vous interroger.
Les défis s’accumulent pour l’Ipev alors que le contexte inflationniste pèse déjà lourdement sur son budget. Depuis le covid, des subventions exceptionnelles lui sont octroyées pour garantir à court terme la continuité de notre présence dans les régions polaires. Nous déposons chaque année des amendements transpartisans aux lois de finances pour transformer ces subventions en hausse pérenne de son budget : 4 millions d’euros sont en effet nécessaires pour combler son déficit structurel.
Nous pouvions imaginer de vraies avancées lorsqu’en 2023, lors du sommet polaire de Paris, le président de la République a annoncé le doublement du budget de la recherche polaire d’ici 2030.
M. Pierre Cordier
Demandez l’avis de Ségolène Royal, ex-ambassadrice des pôles !
M. Jimmy Pahun
Je suis évidemment conscient des efforts budgétaires à réaliser mais je crois aux engagements pris autant qu’à l’équilibre des comptes publics, notamment lorsque ces engagements visent à investir dans une recherche qui contribue à la fois à notre souveraineté dans ces régions reculées et à la compréhension des conséquences du changement climatique. Dès lors voici mes deux questions : comment le gouvernement entend-il mettre en œuvre les engagements du sommet polaire ? Acceptez-vous de travailler avec cette assemblée à leur concrétisation, qui inclut de manière prioritaire la hausse de 4 millions d’euros du budget de l’Ipev ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Vous avez rappelé qu’un incendie s’est déclaré le 14 janvier dernier sur l’île d’Amsterdam entraînant l’évacuation d’une trentaine de personnes auxquelles j’apporte tout mon soutien.
La France possède d’importantes bases scientifiques polaires, arctiques et antarctiques, qui participent à la qualité de notre recherche, la troisième du monde sur le sujet polaire. Tout cela est permis par notre institut polaire, l’Ipev, dont les contributions scientifiques nombreuses concernent tout autant l’écologie, l’environnement, les sciences humaines et sociales que la glaciologie.
M. Pierre Cordier
Ségolène Royal avait bien travaillé !
M. Philippe Baptiste, ministre
Au-delà de ces qualités scientifiques, cet institut constitue une source d’inspiration fondamentale pour les plus jeunes d’entre nous.
Outre quelques financements européens, l’essentiel de son budget provient d’une subvention pour charges de service public versée par le ministère. Elle était de l’ordre de 15 millions d’euros en 2024 ; nous avons prévu un abondement de 2,5 millions dans le PLF 2025. Le niveau d’emploi a augmenté régulièrement depuis 2021 et, vous l’avez rappelé, l’Ipev a reçu des subventions exceptionnelles pour répondre à des besoins de modernisation.
Je connais votre engagement en faveur de la recherche polaire et je vous assure que mon ministère est attentif à la situation de l’Ipev. Soyez-en convaincu : nos stations polaires sont essentielles et seront préservées !
Budget du sport
Mme la présidente
La parole est à M. Salvatore Castiglione.
M. Salvatore Castiglione
Après sept années de préparation, notre pays tout entier a vécu des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 extraordinaires. Or, à peine les jeux terminés, le budget annoncé du sport est en chute libre de 33 %. À la baisse de 268 millions d’euros contenue dans le PLF initial s’ajoute en effet la volonté du nouveau gouvernement de le raboter de 34 millions d’euros de plus par un amendement que le Sénat a repoussé jeudi dernier.
Avec plus de 35 millions de pratiquants, le sport est un enjeu sociétal essentiel en matière de santé, de lien social, d’éducation mais également d’emploi et de développement économique. Il est aussi un véritable rempart contre les phénomènes d’exclusion. À chaque euro investi pour le sport correspondent près de 2 euros de retombées économiques et chaque euro dépensé pour le sport contribue à la santé publique.
Madame la ministre des sports, si notre groupe soutient la sobriété et l’effort financiers, le sport ne doit pas constituer une variable d’ajustement budgétaire. De grands noms du sport – de Teddy Riner à Léon Marchand –, des fédérations sportives – rugby, football, handball –, jusqu’au Comité national olympique et sportif français, chacun s’élève contre cette baisse drastique des crédits qui fait contre elle l’unanimité, du plus petit licencié au plus grand des champions.
Cette forte baisse du budget est aussi un mauvais signal envoyé aux 1,5 million d’associations qui assurent le maillage du territoire national et aux millions de bénévoles qui œuvrent dans nos clubs sans compter leur temps, parfois au détriment de leur vie personnelle.
Avec un tel budget pour 2025, les collectivités locales, déjà en grande difficulté financière, se trouveront seules face à des projets d’équipements sportifs à construire ou à rénover et il sera impossible de maintenir l’élan suscité par les JOP de Paris 2024 alors qu’il nous appartient de faire vivre l’héritage des jeux (M. Olivier Faure applaudit).
Accepter une telle baisse du budget du sport, c’est en quelque sorte déclarer forfait ! Je compte et l’on compte sur vous pour défendre le sport et faire entendre raison à Bercy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Vous l’avez rappelé, dans la version initiale du PLF pour 2025, le budget des sports baisse de 268 millions dont 141 millions sont imputables à l’extinction de dépenses liées aux JOP de Paris 2024.
M. Aurélien Rousseau
Ah !
Mme Marie Barsacq, ministre
Les 127 millions restants s’inscrivent dans un contexte budgétaire très contraint où chacun est amené à réaliser des efforts pour ramener le déficit à 5,4 % du PIB.
M. Christophe Blanchet
Eh oui !
Mme Marie Barsacq, ministre
Cette contrainte percute une exigence forte, exprimée tant par le monde associatif que par vous-même ou par des élus locaux : faire vivre l’héritage des JOP de Paris 2024. Après cette magnifique réussite, chacun veut entretenir la flamme et donner équipements et éducateurs aux enfants qui, après avoir vécu les exploits de nos champions, se découvrent une passion pour le sport. Nous voulons tous réussir là où Londres 2012 a échoué.
Lors de la première lecture de la première partie du PLF, vous avez adopté un amendement du député Benjamin Dirx permettant de rehausser le plafond de la part de la taxe sur les paris sportifs affectée à l’Agence nationale du sport. Le Sénat est allé plus loin en supprimant ce plafond de manière à affecter l’intégralité de son produit à l’ANS. Jeudi dernier, les sénateurs ont orienté 80 millions de crédits affectés au service national universel vers le financement du sport.
Si nous pouvons estimer – c’est aussi ma conviction – qu’un modèle où le sport finance le sport est vertueux, je suis défavorable à celui qui conduirait à la disparition du SNU au profit du sport. Nous devons conduire une réflexion exigeante sur les évolutions de ce dispositif ; les jeunes qui se sont inscrits doivent pouvoir honorer leur séjour en 2025. Je persiste à croire qu’il existe une voie permettant de concilier l’exigence et le sérieux vis-à-vis de la dette française et la transmission de l’héritage des JOP de Paris 2024. J’espère qu’elle se dessinera au cours du débat parlementaire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Diagnostic de performance énergétique
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Lam.
M. Thomas Lam
Madame la ministre du logement, je m’inquiète de l’application de la loi « climat et résilience » qui a introduit l’interdiction progressive de la location de logements selon des critères thermiques. Depuis le 1er janvier, 600 000 logements classés G sont ainsi potentiellement écartés du marché.
Bien évidemment, la rénovation énergétique du logement est un enjeu important puisque le secteur résidentiel tertiaire représente 17 % des émissions de gaz à effet de serre. Les mesures de soutien aux propriétaires pour rénover sont cruciales et doivent gagner en simplicité et lisibilité.
Cependant, alors que nombre de nos concitoyens, notamment les jeunes, peinent à trouver un logement à louer, l’interdiction à la location d’une partie non négligeable du parc contribue à intensifier la tension locative.
Par ailleurs, l’application de la loi tourne parfois au cauchemar pour les petits propriétaires. Dans ma circonscription ils sont nombreux à m’avoir écrit à ce sujet, soit parce que, malgré la réalisation de travaux, leur bien est touché par une décote importante, soit parce qu’ils sont pris à la gorge par des coûts de travaux qu’ils ne peuvent supporter soit encore parce que les entrepreneurs gonflent artificiellement leur prix pour profiter de l’occasion.
La situation est particulièrement préoccupante en Île-de-France. À titre d’exemple, depuis le début de l’année, dans ma commune d’Asnières-sur-Seine, 13 % des logements sont concernés par l’interdiction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes SOC et Dem.) Au printemps prochain, si de nombreux étudiants ou personnes en mobilité professionnelle quittent leurs locations et libèrent des appartements, tous ne seront peut-être pas relouables en raison de leur classement.
M. Philippe Lottiaux
C’est une catastrophe !
M. Thomas Lam
Ne serait-il pas temps d’avoir le courage d’assouplir cette politique publique avant que la situation ne se tende davantage ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du logement.
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement
Vous l’avez souligné, les logements classés G ne peuvent plus être mis en location depuis le 1er janvier 2025. Je précise que cette mesure ne s’applique qu’aux nouveaux contrats de location ainsi qu’aux renouvellements et reconductions tacites de baux. Les propriétaires bailleurs engagés dans une démarche de travaux peuvent eux aussi continuer à louer leurs logements.
Mme Caroline Parmentier
Encore heureux !
Mme Valérie Létard, ministre
Vous l’avez aussi dit, ils bénéficient d’aides financières et d’un dispositif fiscal qui favorise la réalisation de travaux de rénovation, en particulier MaPrimeRénov’, qui peut être mobilisé individuellement et à l’échelle d’une copropriété. Entre 2023 et 2024, le nombre de logements classés F et G a diminué de 500 000, dont 191 000 pour le seul parc locatif privé.
Le gouvernement ne souhaite pas revenir sur la loi « climat et résilience » : cela constituerait un mauvais signal tant en matière de pouvoir d’achat des ménages que vis-à-vis des engagements internationaux de la France en matière climatique.
En sus des aides dont j’ai parlé existe la possibilité de bénéficier d’un éco-prêt à taux zéro pouvant aller jusqu’à 50 000 euros pour financer le reste à charge de travaux de rénovation.
Il faut être pragmatique, c’est pourquoi je soutiens la proposition de loi transpartisane présentée par les députés Bastien Marchive et Inaki Echaniz, qui sera, je l’espère, discutée dans cet hémicycle la semaine prochaine (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Paul Molac applaudit également). Elle permettra des adaptations à la loi « climat et résilience », en particulier pour les copropriétés. Il est en effet plus difficile que dans d’autres bâtiments d’y réaliser les travaux de rénovation requis dans les délais prévus par la loi. Mesdames et messieurs les députés, je compte sur vous et sur le travail que nous effectuerons en commun ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Lam.
M. Thomas Lam
Vous avez raison, madame la ministre, soyons pragmatiques : nos jeunes et nos travailleurs ont besoin de se loger. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Marges sur les prix en outre-mer
Mme la présidente
La parole est à M. Marcellin Nadeau.
M. Marcellin Nadeau
Ma question s’adresse à monsieur le ministre des outre-mer. Demain, en séance, nous discuterons de la proposition de loi pour lutter contre la vie chère dont notre collègue Béatrice Bellay est rapporteure et que nous soutenons.
M. Jérôme Guedj
Excellent !
M. Marcellin Nadeau
Lors du débat, il sera question de la transparence sur les marges des distributeurs. Quoi qu’ils voudraient nous faire croire, ces derniers sont les premiers responsables de la situation délétère qui appauvrit nos concitoyennes et concitoyens des outre-mer. L’article du journal Libération ayant mis en évidence les marges exorbitantes, l’opacité financière, les entorses à la concurrence et les profits suspects des grands groupes oligopolistiques et monopolistiques qui sévissent dans les outre-mer fait aujourd’hui référence.
Des plaintes ont été déposées par des citoyennes et des citoyens ; nous attendons leur issue. Nous verrons bien si les auteurs de ces délits resteront, une fois de plus, impunis (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR) pendant que le leader et des militants du mouvement social contre la vie chère en Martinique demeurent, à ce jour, en prison.
M. Alexis Corbière
Exactement !
M. Marcellin Nadeau
Nous verrons aussi jusqu’où l’État est prêt à se rendre complice contre les peuples d’outre-mer du sauvetage d’une économie de comptoir qui perdure depuis plus d’un siècle, c’est-à-dire du sauvetage de formes d’une colonialité qui devient insupportable à nos peuples.
J’entends ici ou là certains collègues pousser des cris d’orfraie lorsque l’on parle de colonialité. Mais, chers collègues, sachez que c’est malheureusement notre triste réalité ! À l’instar d’Aimé Césaire, nous disons qu’il faut de la justice et que la vérité est nécessaire à la justice.
S’agissant de vérité justement : qu’en est-il des marges arrière de ces groupes, qui représentent jusqu’à 25 % de leur chiffre d’affaires annuel ? Ils se sucrent !
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Il a raison !
M. Marcellin Nadeau
Qu’en est-il de ces conglomérats qui mélangent distribution et production, quand ils ne s’entendent pas aussi sur le transport ? Qu’en est-il de la justice et de la vérité que les Martiniquaises, Martiniquais, Guadeloupéennes, Guadeloupéens, Guyanaises, Guyanais, Réunionnaises, Réunionnais et tous les autres peuples des outre-mer sont en droit d’attendre d’un État impartial ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR dont plusieurs membres se lèvent et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Le gouvernement prend très au sérieux vos préoccupations, qui sont légitimes. Elles rejoignent celles de nos concitoyens confrontés au fléau de la vie chère, en Martinique et plus largement dans la plupart des territoires ultramarins.
Au-delà des pratiques du groupe Bernard Hayot, que vous avez mentionné, l’opacité entourant la formation des prix et les marges réelles soulève des questions essentielles quant à l’équité des pratiques commerciales en Martinique et ailleurs. Le tribunal de commerce de Fort-de-France a récemment enjoint à GBH de publier ses comptes. Cette décision judiciaire est une étape importante vers davantage de transparence et nous attendons du groupe qu’il se conforme pleinement à cette injonction.
Demain, vous examinerez la proposition de loi déposée par Boris Vallaud et Béatrice Bellay, dont l’engagement sur ce sujet est particulièrement important, comme l’est le vôtre.
Transparence, justice, égalité, vérité doivent enfin s’imposer face au profond sentiment d’injustice que vous avez rappelé. De grands groupes très performants, voire un grand groupe très performant, jouent souvent un rôle d’étouffement de l’économie et du pouvoir d’achat en multipliant les prises de marché presque partout dans les outre-mer. Cela concerne de nombreux secteurs, parmi lesquels l’automobile, l’agriculture, le béton et l’alimentation.
L’opacité et l’accumulation des marges à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement sont au cœur du problème de la vie chère. Face aux doutes et aux contestations, l’État doit enfin jouer pleinement son rôle protecteur. Si nous devons veiller à l’application effective du protocole signé il y a quelques mois en Martinique, il faudra cependant aller beaucoup plus loin pour rétablir une juste concurrence au profit de l’ensemble de nos concitoyens.
L’urgence est grande ; je vous assure de mon plein engagement à vos côtés, avec les forces économiques et sociales de vos territoires.
Stade de France
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Maxime Michelet
Le renouvellement de la concession du Stade de France, lieu emblématique de notre vie sportive et culturelle, suscite des interrogations nombreuses et légitimes. Ce stade, qui accueillait il y a quelques mois encore des épreuves mémorables des Jeux olympiques, symbolise tant l’excellence sportive de notre nation que notre expertise en matière d’accueil de compétitions internationales.
Pourtant, ce symbole cher aux Français se trouve au cœur d’une procédure polémique caractérisée par l’opacité, le soupçon et la contestation. J’en veux pour preuve le recours engagé auprès du tribunal administratif. Les requérants pointent des manquements dans le déroulement de la procédure et dénoncent des critères d’attribution flous, voire opaques, alors que les enjeux financiers et stratégiques attachés au lieu sont considérables.
Nous nous interrogeons sur le choix d’ouvrir des négociations exclusives avec un seul candidat, quand les deux offres auraient pu continuer à être examinées. La temporalité de cette décision nous interpelle également : elle est intervenue alors que la France, au lendemain de la censure, ne disposait plus de gouvernement de plein exercice. Dans la mesure où il est de notoriété publique que l’entreprise concernée entretient une proximité historique avec le président de la République, nous ne pouvons qu’appeler à la plus grande vigilance.
Compte tenu tant de l’importance du Stade de France pour notre vie sportive et culturelle et notre rayonnement international, que du besoin de le moderniser, le renouvellement de cette concession pour trente ans mérite la plus grande transparence. Aussi, monsieur le ministre de l’économie, pouvez-vous indiquer clairement à la représentation nationale quels critères ont été retenus pour cet appel d’offres, quelles instructions ont été laissées par vos prédécesseurs au sujet de ce dossier, et quels éléments ont conduit à entamer des négociations exclusives avec l’un des candidats ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Mme Josiane Corneloup applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Le 9 mars 2023, l’État a entamé une consultation afin de désigner le prochain titulaire du contrat de concession relatif à l’exploitation du Stade de France. La cession du stade a également été envisagée mais rapidement écartée, faute d’offre valable.
La procédure est supervisée par la mission d’appui au financement des infrastructures (Fininfra), service de la direction générale du Trésor, avec l’aide de conseillers juridiques, techniques et financiers. Fininfra collabore avec un comité de pilotage composé de représentants des administrations compétentes et présidé par le délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques. La procédure est assortie de modalités strictes, visant à en garantir la robustesse juridique, notamment l’égalité entre les candidats et la confidentialité.
Le 4 octobre 2024, deux candidats ont soumis une offre. Après une analyse approfondie, le comité de pilotage a décidé, le 6 décembre 2024, qu’il convenait d’entamer des négociations exclusives avec le candidat arrivé en tête, compte tenu des critères établis en début de procédure. Depuis, les discussions se poursuivent entre l’État et le soumissionnaire, ainsi qu’entre ce dernier et les fédérations françaises de football et de rugby, principales utilisatrices du stade, afin de déterminer le meilleur équilibre économique.
Un point est particulièrement central pour l’État : les finances publiques ne doivent pas être mises à contribution. Entrer en négociations exclusives ne signifie pas que la concession est déjà attribuée. Il s’agit simplement d’une étape d’une procédure juridiquement rigoureuse, dont nous constaterons les résultats dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Stéphane Peu
Mais quelles sont les attentes de l’État ?
Hôpitaux de proximité
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Humbert.
M. Sébastien Humbert
Importance démesurée de l’administration, numerus clausus, gel des salaires des soignants, suppression de lits : notre système de santé est à l’agonie. Les temps d’attente sont décuplés, les brancards s’entassent dans les couloirs et le personnel est à bout. Dans ma circonscription, les horaires d’ouverture des services d’urgence dont dépendent les 70 000 habitants de l’Ouest vosgien, notamment celui du centre hospitalier de Vittel, sont malheureusement aléatoires. La saturation des urgences s’est fortement aggravée, à tel point que le plan Blanc a été activé pendant la première quinzaine de janvier 2025 dans les centres hospitaliers d’Épinal, de Remiremont et de l’Ouest vosgien.
Le centre hospitalier d’Épinal assure seul la couverture Smur des deux tiers du département des Vosges, ce qui augmente drastiquement les temps d’intervention et empêche d’intervenir sur plusieurs secteurs à la fois.
À Vittel, la fermeture régulière des urgences allonge les délais de prise en charge des patients en urgence absolue, ce qui contribue à la saturation d’autres hôpitaux comme ceux de Neufchâteau et d’Épinal.
À présent, ce sont les urgences de nuit de l’hôpital de Vittel qui sont menacées de fermeture définitive par la chambre régionale des comptes, prompte à ne voir le service public que sous le prisme comptable et complètement déconnectée des réalités territoriales et des enjeux sanitaires propres aux départements ruraux.
Les Vosgiens – et plus largement les ruraux –, qui bossent et se taisent, en ont soupé de devoir payer toujours plus d’impôts pour toujours moins de services publics ! Dans le même temps, l’aide médicale de l’État est préservée, faisant de notre pays un guichet social ouvert à tous les vents ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
L’hôpital souffre aussi d’une suradministration qui désorganise au détriment du temps médical et du soin. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Les Français grondent et vous faites la sourde oreille ! Madame la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, quand agirez-vous enfin en faveur des hôpitaux de proximité ? (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
La santé est la première préoccupation de nos concitoyens, mais ne tombons pas dans la caricature ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous avez raison de souligner que la situation dans nos hôpitaux est tendue, notamment du fait d’un épisode de grippe particulièrement virulent. Si le système tient, c’est grâce à la volonté et au sérieux des soignants, qui méritent qu’on les soutienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) La situation que vous avez décrite ressemble à celle des hôpitaux sur l’ensemble du territoire national. Il faut soulager notre système de soins.
Aucun lit ne ferme pour des considérations financières,…
M. Michaël Taverne
Si !
M. Yannick Neuder, ministre
…mais en raison du manque de personnel. Il faut former davantage, et mieux – c’est la priorité de ce gouvernement, en premier lieu de Catherine Vautrin et de moi-même. (« Sept ans ! » sur les bancs du groupe RN.) Avec l’aide des régions, nous souhaitons former davantage de paramédicaux. Nous y veillerons lors de la discussion du budget.
Il faut aussi réformer les études de santé. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Un rapport de la Cour des comptes indique que nous ne formons pas suffisamment de médecins : pour l’heure, nous en formons autant qu’en 1970.
Pour pouvoir rouvrir les urgences à Vittel comme ailleurs, il est nécessaire de s’inscrire dans la durée. Menons ces réformes avec vous, sans sectarisme, de l’extrême droite à l’extrême gauche (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR. – Applaudissement sur quelques bancs du groupe DR), afin d’apporter des solutions aux patients, qui sont en droit d’être correctement pris en charge. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
M. Laurent Jacobelli
C’est lamentable !
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Humbert.
M. Sébastien Humbert
Les soignants sont à bout ! Il est grand temps de débureaucratiser la santé en France, et d’en finir avec les logiques comptables des ARS ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Filière de la pêche
Mme la présidente
La parole est à Mme Liliana Tanguy.
Mme Liliana Tanguy
Élue dans le Finistère, territoire emblématique de la pêche, avec les ports de Cornouaille – Le Guilvinec, Loctudy, Saint-Guénolé en pays bigouden, et Audierne à la pointe du Raz –, je tiens à souligner l’importance vitale de cette filière pour nos littoraux. Or elle fait face à des défis majeurs : quotas restrictifs, mesures de fermeture dans l’espace et dans le temps, vieillissement de la flotte, difficultés de renouvellement générationnel et fin des aides au carburant, que notre ancien ministre Hervé Berville avait pourtant vaillamment défendues à Bruxelles.
La fermeture actuelle du golfe de Gascogne, destinée à protéger les petits cétacés, immobilise une centaine de navires dans le Finistère et entraîne une baisse substantielle des apports en criée, fragilisant nos pêcheurs et nos mareyeurs.
Je tiens à souligner l’engagement des élus locaux de ma circonscription, solidaires des professionnels, qui appellent le gouvernement à trouver des solutions équilibrées pour concilier préservation de l’environnement et soutien à l’économie locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Madame la ministre de la pêche, lors de votre visite au Guilvinec, vous avez très justement rappelé l’importance de cette filière pour notre souveraineté alimentaire. La France importe trois quarts du poisson que consomment ses habitants, alors qu’elle dispose du deuxième espace maritime le plus vaste au monde.
Dans ce contexte, qu’envisagez-vous de faire concrètement pour moderniser une flotte dont l’âge moyen excède trente ans et pour réduire son empreinte écologique ? Comment attirer une nouvelle génération vers ces métiers essentiels ? Que faire pour réformer la politique commune de la pêche et corriger ses incohérences, en agissant avec la mission d’information que je préside sur l’évolution de la PCP ? Enfin, comment défendre nos intérêts lors des négociations post-Brexit sur l’accès aux ressources halieutiques ?
En cette Année de la mer, nous comptons sur votre action : elle sera déterminante pour assurer l’avenir de cette filière essentielle à notre patrimoine maritime et à notre indépendance alimentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Pierre Cordier
Et de l’OFB !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Je vous remercie d’avoir rappelé l’importance de la pêche pour notre souveraineté alimentaire. Comme vous, j’enrage de voir que notre balance commerciale est déséquilibrée en matière de pêche et d’aquaculture,…
Un député du groupe RN
Agissez, alors !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…alors que nous disposons de la deuxième façade maritime du monde. J’agis, nous agissons, et je salue votre engagement, celui des autres députés et des sénateurs qui ont relayé ces dernières semaines le combat des pêcheurs – j’aperçois notamment Hervé Berville.
J’ai agi pour que les pêcheurs reçoivent une juste compensation pour la fermeture du golfe de Gascogne et je vous remercie pour votre soutien à cet égard. Entre 80 et 85 % de leur chiffre d’affaires sera pris en charge. Comme l’année dernière, j’ai obtenu cette avancée auprès de la Commission européenne. Lundi soir, grâce à vous et aux sénateurs, nous avons sécurisé l’enveloppe de 20 millions d’euros qui permettra de financer ces compensations pour les pêcheurs et les mareyeurs.
Comme vous, je ne peux me satisfaire de devoir les empêcher de faire leur travail,…
M. Emeric Salmon
Vous voulez leur mort !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…même s’il faut évidemment protéger les cétacés. Je m’engage à travailler avec les professionnels pour pouvoir rouvrir le golfe et compenser ce mois de fermeture en accord avec les scientifiques, en investissant dans des dispositifs d’effarouchement qui permettent de concilier activités de pêche et protection des cétacés.
Vous m’avez également interrogée sur notre feuille de route. Mes prédécesseurs, Hervé Berville et Fabrice Loher, ont travaillé à un contrat stratégique de filière. Ce processus parvenant à son terme, je souhaite présenter ce contrat au Salon de l’agriculture.
Vous pouvez enfin compter sur moi pour défendre dès le 4 février avec le commissaire européen à la pêche et aux océans l’avenir de notre pêche française dans le cadre des négociations post-Brexit. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Hervé de Lépinau
Vous êtes à genoux devant la Commission européenne !
Attitude de la France après l’élection de Donald Trump
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
Donald Trump n’a certainement pas inventé l’impérialisme américain. Il le radicalise. Tirons-en les conséquences.
M. Laurent Jacobelli
Vous portez la même cravate que lui ! Vous êtes déguisé en Trump, le charisme en moins !
M. Aurélien Saintoul
L’invasion de l’Irak, la vente d’Alstom, l’affaire des sous-marins avec l’Australie, les livraisons d’armes à Israël en train de commettre un génocide, voilà autant d’épisodes qui auraient dû vous éveiller, monsieur le premier ministre. De même, il fallait être hypocrite ou naïf pour croire que les multinationales américaines ne sont pas les bras armés de cet impérialisme.
Mais, désormais, la chose est entendue : le président américain et ses milliardaires affidés s’en prennent très directement aux alliés des États-Unis :…
M. Ian Boucard
Le vôtre, c’est le Venezuela !
M. Aurélien Saintoul
…Panama, Canada, Groenland – ils les menacent d’annexion. Ils ne s’embarrassent plus de persuader : ils privilégient la coercition pour redessiner les cartes. Ils ne veulent pas de partenaires mais des vassaux. Make America Great Again ne se conçoit que dans la soumission et la prédation des ressources. Pas une tête ne doit dépasser au moment où se prépare une grande confrontation avec la Chine.
Nous ne sommes pas de ces patriotes en peau de lapin qui béent d’admiration devant leurs maîtres pourvu qu’ils les imaginent occidentaux.
M. Laurent Jacobelli et M. Hervé de Lépinau
Vous n’êtes pas des patriotes du tout !
M. Aurélien Saintoul
Nous voulons une France insoumise et je crois que, dans le fond, vous pouvez être d’accord. Vous êtes gascon et vous réclamez d’Henri IV. Eh bien, nous pensons que la France n’est vraiment conforme à elle-même que lorsqu’elle choisit la grandeur et qu’elle va, empanachée d’indépendance et de franchise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Alors, il faut choisir le non-alignement et adopter une stratégie globale de réduction des dépendances vis-à-vis des États-Unis, dans les domaines économique, industriel, numérique, militaire et diplomatique. L’Europe peut certes nous y aider mais il est vain de fonder tous nos espoirs en elle. Depuis 2016, combien de fois déjà le virage aurait dû être pris ? Tant de nos partenaires se résignent ou se complaisent dans cette situation ! Mme Lagarde a déjà expliqué que le mieux, selon elle, était de sortir le carnet de chèques pour protéger la balance commerciale de l’Allemagne. Emmanuel Macron dit piteusement : « C’est ainsi… » Et M. Barrot : « Si nos intérêts sont atteints, nous réagirons. » Ce serait bien la moindre des choses !
En réalité, il faut créer les conditions pour que nos intérêts ne soient pas atteints. Nous avons les ressources morales et intellectuelles pour y parvenir. Mais êtes-vous prêt pour cela à refonder la stratégie internationale de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont la plupart des membres se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Il nous faut toujours rappeler que les États-Unis sont notre plus ancien allié, avec lequel nous partageons des valeurs, des intérêts et une histoire. En outre, la France est engagée auprès de ses partenaires européens et des États-Unis au sein de l’Otan pour la préservation de la paix et de la sécurité dans la zone euro-atlantique.
M. Nicolas Meizonnet
C’est la même intervention qu’hier !
M. Fabien Di Filippo
Vous lisez la même fiche qu’hier !
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
Nous avons déjà travaillé avec l’administration Trump et nous disposons de leviers d’action. Nous ne sommes pas naïfs mais il ne sert à rien d’anticiper d’emblée le pire. L’Europe a un grand rôle à jouer : la configuration géopolitique actuelle est l’occasion pour elle de s’affirmer comme la puissance stratégique qu’elle est. Nous sommes à un moment décisif pour la sécurité de notre continent : soit nous prenons nos responsabilités, soit nous devenons un théâtre d’opérations pour des puissances extra-européennes.
Il faut donc dès à présent changer d’échelle pour assurer la sécurité du continent de manière plus autonome mais aussi pour renforcer notre capacité à soutenir l’Ukraine dans la durée. C’est le message fort du discours que le président de la République a prononcé le 25 avril dernier à la Sorbonne. C’est aussi ce que conclut le rapport Draghi.
L’Union européenne doit continuer à se doter des outils nécessaires à cette montée en puissance qui contribuera également à renforcer le pilier européen de l’Otan.
M. Laurent Jacobelli
Celui qui a rédigé la fiche l’a rentabilisée quatre fois en deux jours !
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
Cette dynamique, nous l’avons impulsée au niveau européen et nous la retrouverons dans la stratégie pour renforcer, dans la durée, l’industrie européenne, présentée par la Commission européenne. Nous l’appliquons désormais, en particulier en renégociant le programme européen pour l’industrie de la défense.
Pour avancer, nous devons, dans tous les cas, assumer une préférence européenne claire. L’argent européen doit permettre d’acheter du matériel européen et de créer des emplois en Europe.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Très bien !
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Urgence pour Mayotte
Vote solennel
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi d’urgence pour Mayotte (nos 772, 775).
Explications de vote
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin (DR)
Le texte que nous nous apprêtons à voter est une réponse apportée en urgence à la situation de Mayotte après le passage à la fin de 2024 du cyclone Chido, qui a si durement frappé nos compatriotes mahorais. Plusieurs dizaines de morts, plusieurs milliers de blessés : le nombre exact reste à confirmer, le bilan étant encore partiel, mais toutes ces victimes sont à déplorer.
Les dégâts matériels sont immenses : 95 % de l’agriculture est dévastée, l’eau manque encore pour certains particuliers, le matériel de première nécessité fait défaut. Bref, il y a urgence à remettre Mayotte debout.
Le texte dont nous débattons permettra de reconstruire Mayotte en allégeant certaines procédures, en accélérant les calendriers, en donnant différents moyens. Un établissement public faisant collaborer l’État et les collectivités territoriales encadrera ces efforts, auxquels il est indispensable d’associer pleinement les élus du territoire.
Une partie des écoles sera reconstruite par l’État. Il est question d’hébergement temporaire, puisque plusieurs dizaines de milliers de nos compatriotes sont encore hébergés par plus de soixante-dix centres. Par ordonnance, le gouvernement pourra déroger à des règles de droit commun en matière de construction ou d’urbanisme. Des assouplissements sont également prévus dans le domaine de la commande publique. Tout cela va dans le bon sens, et le groupe de la Droite républicaine, dont quatorze amendements ont été adoptés, votera ce texte.
Cela étant, le compte n’y est pas. L’habitat informel, jolie façon de parler des bidonvilles, n’est quasiment pas traité par le texte, alors qu’il constitue plus de 40 % de l’habitat de Mayotte. Il est souvent occupé par une population immigrée, présente de façon illégale, grâce à la complicité de l’État voisin des Comores.
Ce texte d’urgence doit donc rapidement être complété par des mesures destinées à résoudre les problèmes structurels de Mayotte.
M. Michel Herbillon
Exactement !
M. Philippe Gosselin
Les dispositifs font défaut pour lutter contre les bidonvilles ou contre l’immigration illégale, qui embolise les services publics, les écoles et le quotidien sur l’archipel, ou pour stimuler le développement économique de l’île. Il faut y remédier.
Nous exigeons du concret. D’abord, en matière de construction d’équipements attendus depuis longtemps : une piste longue pour l’aéroport, un deuxième hôpital, le contournement de Mamoudzou, l’aménagement du port de Longoni, des usines de dessalement en différents points du territoire, etc.
Ensuite, en matière économique : il y a une attente concernant le développement d’une zone économique douanière et spéciale à Mayotte.
M. Michel Herbillon
Il a raison !
M. Philippe Gosselin
Enfin, en matière de politique migratoire et d’efficacité des mesures déjà prises. Il faut que le chaos cesse ! À cet égard, le groupe Droite républicaine joint le geste à la parole et, puisque l’acquisition de la nationalité française exerce un indéniable pouvoir d’attraction, proposera de restreindre le droit du sol. Voilà du concret, loin des incantations de certains.
Bien sûr, jouer sur l’acquisition de la nationalité ne résoudra pas toutes les difficultés. Ce ne doit pas être l’alpha et l’oméga des politiques publiques, mais c’est un signal fort et concret à destination de nos compatriotes mahorais, signifiant qu’ils sont des Français à part entière et non des Français à part.
Cette proposition sera inscrite à l’ordre du jour de notre niche parlementaire le 6 février. Je vous invite à y venir nombreux ; je ne doute pas que vous le serez.
Mme Anne-Laure Blin
Espérons !
M. Philippe Gosselin
Pour conclure, ce texte est une étape, importante et nécessaire, mais il y a urgence à aller plus loin, grâce à un second texte, de programmation, incluant des mesures économiques et régaliennes pour que Mayotte reste debout. C’est un engagement. C’est un serment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois et Mme Dominique Voynet applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet (SOC)
L’examen en séance publique du projet de loi d’urgence pour Mayotte nous laisse un sentiment mitigé.
D’un côté, nous avons fait preuve de moments, devenus rares, d’unanimité autour de solutions pour répondre à l’urgence de la situation à Mayotte. Mais de l’autre, certaines évolutions ont fait perdre au texte une partie de sa force et de sa cohérence, et, je le crains, de son efficacité.
Je le regrette vivement, car en commission des affaires économiques, nous avions construit un texte grandement amélioré, enrichi, précisé et mieux encadré.
Madame la rapporteure, chacun mesure la position qui est la vôtre et nul ne conteste votre connaissance du dossier et de votre territoire. Mais le fait de donner un avis favorable sur pas moins d’un tiers des amendements déposés en séance, parfois même sur quatre amendements différents – voire contradictoires – faisant l’objet d’une discussion commune, a apporté beaucoup de confusion dans nos débats.
De même, votre soutien à certains amendements maximalistes a fragilisé les gains enregistrés par la commission tout en promouvant des solutions qui ne seront pas opérationnelles. Il en est ainsi des amendements qui enlèvent toute souplesse à l’intégration des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) locales dans les marchés publics.
Si nous regrettons ces modifications, madame la rapporteure, c’est d’abord parce qu’elles offriront au Sénat, dont la majorité soutient le gouvernement, la main pour réécrire largement ce texte et revenir sur un nombre important d’avancées au prétexte d’une rédaction confuse ou de dispositions devenues peu opérationnelles. La mansuétude dont a fait preuve le gouvernement à l’égard de ces amendements en séance nous laisse d’ailleurs à penser qu’il compte déjà sur le Sénat pour revenir à l’épure initiale du texte.
Nous regrettons, en particulier, la suppression de l’article 3, dont nous avions limité le champ au relogement d’urgence des sinistrés. Je peux comprendre certaines craintes sur la présence persistante des Algeco, mais il convient de traiter les urgences dans l’ordre : relogeons d’abord les sinistrés mahorais avant de se poser la question du devenir de ces installations.
Une telle suppression peut d’ailleurs entraîner des conséquences en cascade. Ainsi, nous peinons déjà à retenir à Mayotte les fonctionnaires hexagonaux, notamment ceux œuvrant dans l’éducation et la santé – plus de 1 000 postes restent vacants. Pensez-vous que ceux qui ont perdu tout ou partie de leur logement demeureront sur place ou reviendront si vous bloquez les solutions de relogement rapide ?
Sur l’article 10, en tant qu’ultramarin, je mesure comment un tel dispositif sur les expropriations peut être perçu dans nos territoires, compte tenu de notre histoire et du rapport de nos populations à la puissance publique.
Mais ne nous y trompons pas : si nous ne créons pas les conditions d’une maîtrise du foncier, la moitié des dispositions de ce projet de loi destiné à reconstruire Mayotte deviendront inapplicables ou ne seront appliquées que dans des délais incompatibles avec l’urgence de la situation. Je souhaite donc qu’avant la réunion de la commission mixte paritaire (CMP), une nouvelle rédaction soit trouvée avec le gouvernement, susceptible de rassurer les Mahorais tout en satisfaisant l’objectif initial.
Je me félicite néanmoins qu’aient été confirmées en séance certaines avancées obtenues en commission. Ainsi, pour soutenir l’activité économique et l’emploi à Mayotte, nous avons prolongé et renforcé le dispositif de suspension du paiement des cotisations et des contributions sociales. À notre initiative, certains droits sociaux ont également été prolongés, y compris en tenant compte des demandes de logement social en cours.
Malgré toutes les réserves que je viens d’exprimer, il nous apparaît essentiel de faire avancer l’examen de ce projet de loi pour que le Sénat s’en saisisse rapidement et que son adoption définitive permette, dès le mois prochain, l’application des mesures qu’il contient.
Nous voterons donc pour ce projet de loi, afin de répondre à l’urgence de la reconstruction de Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, sur quelques bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet (EcoS)
Plus d’un mois après le passage de Chido, qui a plongé Mayotte dans la détresse, et plus d’une semaine après le passage de Dikeledi, qui n’a fait qu’aggraver la situation de l’île, retardant de plusieurs semaines le retour des enfants et des adolescents à l’école, nous sommes enfin sur le point d’adopter un texte « d’urgence », qui devra cependant poursuivre son chemin parlementaire pendant encore quelques semaines.
Des députés siégeant sur tous les bancs ou presque ont eu l’occasion de le dire : les mesures que contient ce texte ainsi que le retard pris pour l’adopter ne permettent pas de répondre aux besoins urgents de Mayotte et de ses habitants.
L’examen en commission, puis en séance, a toutefois permis de l’améliorer sur quelques points non négligeables.
Ainsi, contre ceux qui auraient aimé, pour reconstruire au plus vite et pour effacer le traumatisme, s’affranchir des principes les plus élémentaires du code de l’urbanisme et du code de l’environnement, les députés ont réaffirmé la volonté de construire bien – en particulier s’agissant des établissements scolaires.
Des amendements adoptés permettront de prendre en considération les leçons du cyclone et d’adapter les constructions aux exigences du changement climatique, de l’accessibilité et de l’hygiène.
Nous avons néanmoins un regret en la matière : le texte reste muet quant à la nécessaire remise à niveau des réseaux d’eau et d’assainissement – inexistants en bien des hameaux et villages, faibles partout ailleurs – et sur le nécessaire renforcement du Smeam, le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte, qui ne saurait, sans cela, assumer ses missions. Les amendements sur le sujet ont été jugés irrecevables ; il faudra y revenir.
Ce qui est construit ou reconstruit de façon prétendument temporaire ne sera probablement jamais détruit. Il faut donc construire bien, mais pas n’importe où, compte tenu des risques de glissements de terrain ou de submersion marine. Dix des dix-sept communes de Mayotte ne sont d’ailleurs toujours pas dotées d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN). Sur ce point, un amendement a été voté qui permet de ne pas baisser la garde.
Alors que nous parviennent de toutes parts des alertes préoccupantes sur l’accès à l’eau, avec un premier cas de choléra, l’explosion des prix de certaines denrées alimentaires et la cynique mise en rayon de conserves périmées depuis plusieurs années et de légumes moisis dans certains hypermarchés propriété de grands groupes, il est urgent d’appuyer les efforts des acteurs locaux, et notamment des agriculteurs, pour nourrir la population. Un amendement a été adopté à ce sujet, il permettra d’y voir plus clair.
Un autre, important, engage le gouvernement à produire sans tergiverser un bilan exhaustif de la catastrophe, alors que d’après les maires, des milliers de personnes manquent encore à l’appel. Les rumeurs les plus inquiétantes circulent : combien de morts, de disparus et de blessés ? Les Mahorais ont le droit de savoir !
Au fond, que penser de ce texte de loi ? Qu’il vaut autant par ce qu’il comporte que par ce qui y manque. Qu’il est plombé par l’ajout de quelques amendements aux arrière-pensées pénibles, qui font l’impasse sur la réalité complexe de Mayotte, et dont le Sénat aura la sagesse de débarrasser le texte.
Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Au fond qu’importe, car il faut avancer, pour Mayotte et les Mahorais. Nous, parlementaires du groupe Écologiste et social, avions l’intention de voter en faveur de ce texte, malgré certains propos confinant à l’insulte, malgré les amalgames et sous-entendus et malgré les fake news colportées en séance. En définitive, l’ajout de scories inspirées par les obsessions xénophobes de l’extrême droite nous contraint à l’abstention. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR. – Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Théo Bernhardt
Oh ! C’est n’importe quoi !
M. Yoann Gillet
Les Mahorais s’en souviendront !
Mme la présidente
La parole est à Mme Maud Petit.
Mme Maud Petit (Dem)
Le groupe Modem fera, par ma voix, court et pragmatique. Je me réjouis que nous ayons pu travailler tous ensemble en commission comme en séance, en bonne intelligence et dans l’intérêt de nos amis mahorais, par le dialogue et la conscience de notre responsabilité.
Le groupe Modem tient à vous remercier, monsieur le ministre, pour votre écoute, votre maîtrise du sujet et votre sens du compromis, ô combien nécessaires sur les sujets relatifs aux outre-mer.
Pour sortir Mayotte du chaos dans lequel elle est plongée depuis les passages du cyclone Chido puis de la tempête Dikeledi, il était urgent de légiférer pour engager des mesures de soutien à la population et reconstruire des écoles, des logements, des structures hospitalières et toutes les infrastructures, y compris agricoles, détruites par ces intempéries.
Notre groupe salue les avancées réalisées en séance. Citons la clarification des missions et de la composition de l’établissement public chargé de la reconstruction, dans lequel des acteurs agricoles seront représentés, l’encadrement de la vente de tôles, pour éviter la reconstitution de bangas, la suppression de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance sur l’expropriation, dont s’inquiétait une population locale redoutant un passage en force de l’État, alors que les titres de propriété sont difficiles à authentifier. Nous retenons également la part préférentielle attribuée aux acteurs économiques locaux – PME et artisans – dans les marchés publics, la prolongation de la suspension du recouvrement fiscal forcé, le délai supplémentaire accordé aux entreprises mahoraises pour s’acquitter de leurs obligations fiscales, avec le report d’un an sans pénalités ni intérêts de retard du paiement des impôts, ou encore l’élargissement du champ des bénéficiaires du maintien des droits sociaux et l’allongement de la période pendant laquelle ils sont maintenus.
Pour toutes ces raisons et dans l’attente d’un prochain projet de loi-programme plus dense et plus durable, le groupe Modem votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. Christophe Blanchet
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT)
Cette loi d’urgence pour Mayotte n’est qu’un début, un texte technique destiné à amorcer la reconstruction grâce à des dispositions dérogatoires que nous avons eu à cœur de clairement borner, notamment dans le temps. Nous avons ainsi écarté de nombreuses dérogations au droit de la construction et de l’urbanisme, potentiellement favorables aux occupations et constructions illégales.
Alors que notre île est ravagée, la tentative du gouvernement d’inscrire dans la loi des mesures dérogatoires d’expropriation suscite, à juste titre, une levée de boucliers à Mayotte. Le cyclone ne peut servir de prétexte pour déposséder les Mahorais de leurs terres et de leur droit constitutionnel à la propriété. La suppression de l’article 10 répond à cette inquiétude : nous attendons du Sénat qu’il protège lui aussi les propriétaires mahorais.
Afin d’éviter une reconstruction anarchique, nous avons institué un contrôle de la vente de tôles. Tout particulier souhaitant en acheter devra justifier son identité et son domicile. Dans le même esprit, nous avons supprimé l’article 3, qui permettait à l’État d’installer des structures modulaires sans l’accord des communes et dispensait le relogement d’urgence des formalités prévues par le code de l’urbanisme.
Notons également l’ajout, dans le projet de loi, de quelques outils de lutte contre l’habitat informel : l’État peut et doit agir sans attendre contre une immigration clandestine qui, nous le répétons sans relâche, déstabilise Mayotte. Mayotte est à terre et ne peut plus accueillir plus de migrants ; sa population est à bout et la situation y est explosive. L’occupation des établissements scolaires par des migrants hypothèque une rentrée scolaire déjà deux fois reportée.
Inversement, nous avons renforcé les dispositions permettant d’accélérer la reconstruction, grâce à un dispositif permettant d’accélérer la reconstruction des ouvrages de transport ou de distribution d’électricité endommagés ou détruits, ainsi que des réseaux de télécommunication. Rappelons aussi que le projet de loi s’appliquera aux dégradations résultant d’événements climatiques survenant dans les cinq mois qui suivront le passage du cyclone Chido, soit jusqu’à la fin de la saison cyclonique en cours.
S’agissant de la participation des entreprises locales à la reconstruction, les dérogations aux règles de la commande publique ont été adaptées pour favoriser le tissu économique local. Désormais, au moins 30 % des appels à projets seront réservés aux entreprises mahoraises, notamment grâce à l’allotissement des marchés publics. Cette mesure constitue une base indispensable : espérons que les acheteurs publics se montreront vertueux et qu’ils sauront accorder davantage aux entreprises locales.
Alors que l’activité économique est à l’arrêt à Mayotte et que chacun consacre ses ressources financières à la reconstruction, j’ai défendu la suspension du recouvrement des créances fiscales par l’administration. Cependant, elle ne saurait avoir pour contrepartie l’octroi de délais supplémentaires aux comptables publics pour se retourner contre les administrés, mesure que défendait le gouvernement.
En outre, je me réjouis de l’exonération, pour les acteurs économiques mahorais, du paiement de toutes les cotisations et contributions sociales dues au titre du mois de décembre 2024, qui s’ajoutera à la suspension jusqu’au 31 mars 2025 du versement des cotisations sociales et des impôts. J’appelle également à systématiser les plans d’apurement des dettes des entreprises.
Je voterai cette loi d’urgence pour Mayotte, même si le gouvernement n’a toujours pas précisé le financement de la reconstruction. Alors que le Sénat débat du budget, l’absence de fonds dédiés à la reconstruction nous inquiète.
Nous attendons également de connaître les dispositions de la loi « Mayotte » annoncée par le gouvernement. À ce sujet, rappelons que j’ai déposé en novembre une proposition de loi de programmation. J’espère que le gouvernement en reprendra les grands axes, qui sont le fruit d’un travail de dix-huit mois avec tous les élus mahorais.
Mayotte a l’ambition de se reconstruire de façon vertueuse et durable, afin de sortir enfin ses habitants du gouffre, de remédier aux multiples crises et de mettre fin au sous-développement structurel de l’île. Mayotte a le courage de tenir, nous vous demandons le courage de l’ambition pour notre département. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Henri Alfandari.
M. Henri Alfandari (HOR)
Face à une situation exceptionnellement grave, nos réponses doivent être exceptionnellement fortes. Le cyclone Chido, qui a frappé Mayotte le 14 décembre, est le plus puissant enregistré dans la région depuis quatre-vingt-dix ans. Il a provoqué un drame d’une gravité inédite dans l’archipel, tant du point de vue des pertes humaines que de celui des dégâts matériels. Le groupe Horizons & indépendants réitère sa solidarité et son soutien aux victimes, à leurs familles, ainsi qu’à l’ensemble des Mahorais et des Mahoraises, qui continuent d’endurer les conséquences de cette catastrophe.
Dans l’urgence, l’ensemble des services de l’État, les agents publics, les personnels de santé et les acteurs de la société civile se sont mobilisés aux côtés des Mahorais et Mahoraises pour porter secours à la population et assurer l’ordre public. Leur action a permis de répondre à l’urgence vitale, en assurant la protection des plus vulnérables, l’accès aux soins des blessés et la mise à l’abri des sinistrés. Ce dévouement exemplaire mérite toute notre reconnaissance.
Le texte que nous examinons depuis deux semaines, en commission puis en séance publique, participe de cette réponse exceptionnelle. Il constitue une étape essentielle pour parer rapidement à l’urgence sociale, sanitaire et sécuritaire, avant l’adoption dans les mois à venir de mesures plus structurelles, conformément à l’engagement pris par le gouvernement.
Le projet de loi d’urgence pour Mayotte, sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer, prévoit des dispositions ambitieuses pour faciliter la reconstruction rapide des infrastructures et des habitations détruites par le cyclone ou qui pourraient être endommagées d’ici la fin de la saison des pluies. Cette reconstruction se déroulera dans le strict respect des exigences de sécurité et de salubrité, sous la coordination d’un nouvel établissement public, doté d’une gouvernance renouvelée. Celle-ci associera pleinement les acteurs économiques locaux, afin qu’ils contribuent à la reconstruction et à la refondation de l’archipel tout en renforçant le tissu économique mahorais.
Lors de nos débats ont été ajoutées des dispositions permettant de renforcer la lutte contre l’habitat informel, notamment l’intégration explicite de cette priorité dans le champ de l’ordonnance prévue à l’article 4 et l’encadrement de la vente de tôles.
Le groupe Horizons & indépendants salue par ailleurs le renforcement des mesures visant à soutenir l’emploi et à accompagner les entreprises et nos compatriotes mahorais dans les mois à venir. Je pense notamment à la suspension des obligations fiscales des entreprises mahoraises, ainsi qu’à celle des obligations de paiement et de recouvrement des cotisations sociales et patronales des Mahorais.
Avec ce texte, nous nous dotons des moyens nécessaires pour reconstruire durablement Mayotte et accompagner dignement nos concitoyens. Il nous appartient désormais de veiller à ce que les actions menées sur le terrain soient à la hauteur de l’ambition et de l’espoir exprimés au cours de nos débats. Le groupe Horizons & indépendants votera sans réserve en faveur de ce projet de loi. Nous ne doutons pas que le Sénat, qui examinera bientôt ce texte, se prononcera avec le même sens des responsabilités pour répondre à l’urgence de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Maud Petit et M. Nicolas Turquois applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane (GDR)
Permettez-moi de commencer mon propos par un hommage. Un hommage à la force morale et à la résilience de nos compatriotes mahorais. Un hommage à la mobilisation de toutes celles et ceux qui se sont rendus à Mayotte dès le lendemain du passage du cyclone, pour entamer sans attendre la refondation d’une île dévastée.
Celle-ci a été dévastée non pas par une catastrophe naturelle, mais par des manquements répétés, par le défaut de volonté politique, par la persistance d’un laxisme coupable.
Je pense à la rentrée scolaire qui approche à grands pas, mais qui accuse déjà un retard par rapport au reste du territoire national. Or, en matière d’éducation, tout retard vaut pénalité pour nos enfants – et de pénalités, la jeunesse mahoraise ne manque pas, et ce depuis longtemps.
Le texte sur lequel nous devons nous prononcer est loin d’acter un consensus politique. À l’échelon local, la concertation avec les acteurs et les élus n’a pas eu lieu, tandis qu’à l’échelon national, les parlementaires mahorais ont été écoutés d’une oreille vaguement attentive. Enfin, la solidarité nationale qui a pu naître du drame mahorais a été invisibilisée dans le texte au profit d’éléments idéologiques.
Avec naïveté, j’avais pensé que la gravité de la situation suffirait à éviter que soit dénaturé un texte d’urgence dont la première ambition était de répondre aux besoins essentiels de nos compatriotes de l’île aux Parfums. Nous prenons acte de ce cynisme.
Une question très pratique est par ailleurs restée sans réponse lors de nos échanges en commission. Monsieur le ministre, madame la rapporteure, vous avez réaffirmé clairement vos positions sur l’enjeu migratoire. Mais que comptez-vous faire, avant de les expulser, de ces personnes à qui l’on refuse tout – droit, logement et considération ? Elles sont pourtant bien présentes, en chair et en os ! (Mme Karine Lebon, M. Marcellin Nadeau et Mme Dominique Voynet applaudissent.) Une quelconque réflexion a-t-elle été menée sur ce sujet essentiel ?
Cette question, qui touche à notre manière d’appréhender l’altérité, doit trouver une réponse.
C’est d’autant plus urgent à l’heure où certains prennent plaisir à voir des Français ne plus supporter de partager un espace de vie avec d’autres Français, où certains sacrifient la solidarité ultramarine sur l’autel de la République des fausses promesses. Ce face-à-face mortifère dans un même bassin géographique doit tous nous alerter.
Le sujet migratoire n’est cependant pas à l’ordre du jour. Nous devons penser à ceux qui ont perdu la vie le 14 décembre dernier et apporter toute l’aide nécessaire à nos concitoyens de l’océan Indien. Or il nous paraît difficile de concilier cette aide avec certaines mesures votées ces derniers jours. Nous déplorons en particulier la mesure consistant à privilégier les matériaux qui viennent de France plutôt que ceux issus de la région.
Mme Sandra Regol
Il a raison !
M. Davy Rimane
Sur le plan humain, priver de déduction d’impôt les dons aux associations humanitaires est un signal malheureux adressé à toutes les personnes qui se sont mobilisées. (M. Marcellin Nadeau applaudit.)
Le groupe GDR, dont les membres sont libres de leur vote, se prononcera majoritairement en faveur de ce texte. Ce dernier poursuivra sa route au Sénat et nous encourageons les parlementaires à amplifier la solidarité nationale. Ce texte technique a vocation à répondre à une urgence, en dehors de toute idéologie. Le temps de l’idéologie viendra bientôt. Laissons le temps au temps, comme diraient nos frères kanaks. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR)
Comme l’indique son titre, ce texte vise à répondre à l’urgence. Il est imparfait et occulte, probablement volontairement, les conditions qui, à défaut d’être suffisantes, sont nécessaires à la reconstruction de Mayotte : la lutte contre l’habitat illégal et indigne, le reflux de la vague de submersion migratoire illégale et le détournement de l’esprit du droit du sol.
Les conséquences en termes de finances publiques, d’infrastructures, de santé publique, de sécurité ou d’écologie sont bien connues. Le ministre a annoncé qu’une seconde loi viendrait, dans quelques mois, prendre à bras-le-corps les défis structurels rencontrés par nos concitoyens Mahorais qui affectent, dans son essence, l’ensemble de la nation française.
Pour ce qui concerne le présent projet de loi, le groupe UDR tient à saluer, en dépit de nos divergences d’opinion, l’engagement de Mme la rapporteure : son travail illustre la lucidité et la franchise qui devraient être les conditions sine qua non du travail parlementaire. Lucidité, franchise et engagement ont été aussi largement incarnés par notre collègue Bamana, également élue de Mayotte.
Nos débats ont été riches d’enseignements pour nos concitoyens : hier, probablement pour la première fois dans l’histoire de cet hémicycle, un député d’extrême gauche a évoqué la dimension inaliénable et absolue de la propriété privée. C’est inédit. J’espère que cet accès de perspicacité sera contagieux et habitera plus souvent nos collègues à l’avenir, sur bien d’autres sujets. Hier, nous avons aussi vu comment des élus de la nation, désignés par le peuple français et pour le peuple français, prenaient au nom du peuple français des positions allant délibérément à l’encontre du peuple français. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme Dominique Voynet
C’est mieux que d’aller à l’encontre des valeurs de la République !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Faites don de votre corps, de votre temps et de votre argent au monde entier, mais, par pitié, cessez de faire don des ressources qui ne sont pas les vôtres et qui sont particulièrement précieuses ! Les Français ne payent pas l’impôt pour que leurs représentants le dilapident en se livrant aux frais du contribuable à un exercice de vertu ostentatoire ! Comment prétendre scolariser les enfants des autres quand on est incapable d’assurer l’instruction la plus basique aux enfants de la République ? (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Le respect des traités internationaux, c’est pourtant un minimum !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Les Français ne délèguent pas non plus leur souveraineté pour être mis à genoux face à une vague migratoire illégale. Les Français renoncent encore moins à l’exercice de la violence pour subir l’insécurité au quotidien. Rappelons-le : les principes républicains qui nous sont chers s’appliquent à ceux qui sont membres de la République – cette chose que nous avons en commun.
M. Jean-Paul Lecoq
Respectez la République et ses engagements !
Mme Claire Lejeune
Que faites-vous des droits humains ?
M. Alexandre Allegret-Pilot
La solidarité nationale désigne l’entraide que se doivent les citoyens français. Elle est à distinguer de la générosité internationale, sans s’y opposer pour autant. Cessez de dévoyer nos règles communes, dont vous détruisez ainsi l’essence même : l’égalité dont vous vous prévalez est celle des citoyens entre eux.
Mme Sophia Chikirou
Vous ne comprenez rien à la République française !
M. Nicolas Meizonnet
Tais-toi !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Sans cette égalité entre les citoyens, il n’y aurait pas de citoyenneté qui vaille et votre électorat serait alors l’humanité tout entière. Ce n’est pas le cas, à ma connaissance, du moins pas encore.
Nous sommes préoccupés par la volonté de saborder le pays dont témoigne une partie de la représentation nationale aux frais des électeurs : en refusant d’accorder une attention prioritaire à nos compatriotes français d’outre-mer par rapport aux étrangers et, a fortiori, aux clandestins, l’extrême gauche persiste et signe dans son programme de destruction de la nation, de dilapidation de l’argent du contribuable et de dévalorisation de la République. (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Même quand elle ne peut plus brandir le drapeau du racisme ou de l’islamophobie pour justifier son combat destructeur, même quand nos compatriotes sont dans une situation criante de dénuement et de désespoir, cette gauche trouve le moyen de leur dire, du haut de son perchoir moral, qu’ils doivent accueillir sur leur sol, et nourrir avec leurs ressources, des personnes qui n’appartiennent pas à la nation et y résident illégalement.
M. Benoît Biteau
Ce sont des êtres humains !
Mme Christine Arrighi
Arrêtez la surenchère permanente avec le Rassemblement national !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Outre qu’il répond, en partie, à un besoin urgent pour Mayotte, ce texte aura donc aussi permis de démasquer…
Mme Sophia Chikirou
Votre racisme !
M. Thierry Tesson
Vos tartufferies !
Mme Dominique Voynet
Les escrocs, peut-être ?
Mme Sophia Chikirou
Votre paternalisme !
M. Alexandre Allegret-Pilot
…les tartuffes qui trahissent les intérêts de leurs électeurs, donc le peuple français.
M. Gabriel Amard
Vous n’aimez pas la France !
M. Alexandre Allegret-Pilot
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. » Cette année, soyons enfin fidèles aux écrits de Descartes et recherchons activement le bon sens. Pour ce faire, écoutons avec humilité les premiers intéressés : les Mahorais. Avant tout, redonnons sa signification véritable à la solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anchya Bamana.
Mme Anchya Bamana (RN)
Loin des jeux parlementaires, nous parlons de la vie de nos compatriotes mahorais. À ce propos, je remercie encore, du fond du cœur, la Fondation de France ainsi que tous les donateurs et bénévoles pour le formidable mouvement de solidarité qui a surgi après le cyclone. Votre générosité et votre aide nous sont précieux.
Après Chido et Dikeledi qui ont balayé nos vies et laissé derrière eux la ruine et le désespoir, les pouvoirs publics se devaient de réagir promptement ; ce qu’ils ont fait avec ce texte dans le court délai d’un mois. Cela ne doit néanmoins pas nous rendre aveugles. Malheureusement, derrière la bonne volonté affichée du gouvernement, le projet de loi demeure très loin des réalités. Seule l’adoption de notre amendement no 163 aura permis de faire référence aux populations de clandestins et au traitement qui doit leur être réservé – à peine une allusion, c’est peu, beaucoup trop peu.
En dépit de l’urgence de la situation et de nos alertes, vous refusez de prendre à bras-le-corps les problèmes structurels que nous rencontrons : ceux du cadastre, du recensement et, surtout, de l’immigration illégale. Sur cette préoccupante question de l’invasion migratoire – le mot est approprié –, le gouvernement laisse le territoire de Mayotte être victime de la prédation organisée contre son intégrité. Comprendrez-vous un jour que le département ne pourra se reconstruire qu’en adoptant une politique de fermeté envers les pays qui utilisent ce fléau pour le déstabiliser ? Entendez notre appel, monsieur le ministre ! Pour l’heure, force est de constater l’aveuglement du gouvernement sur cette question migratoire. Le gouvernement écoute d’une oreille pour mieux ignorer de l’autre. Pour preuve, si le lycée Bamana de Mamoudzou a enfin été évacué hier pour y préparer la rentrée scolaire, les migrants illégaux qui l’occupaient ont été redirigés vers le collège de Kwalé, 2 kilomètres plus loin !
Un député du groupe RN
Une honte !
Mme Anchya Bamana
Or ce collège, situé dans le village de Tzoundzou, était déjà occupé depuis cinq semaines par des personnes qui y avaient été mises à l’abri à la suite du passage de Chido. L’État déshabille Paul pour habiller Pierre ! Le déplacement du problème dans ce village a provoqué la colère des habitants. Les Mahorais enragent d’être ainsi malmenés par le gouvernement.
M. Thierry Tesson
Exactement !
Mme Anchya Bamana
À croire que Chido et Dikeledi n’auraient pas suffi à leur malheur ! Le gouvernement nourrit des tensions sociales invivables entre la population et les migrants illégaux. La reprise de la scolarité des enfants de Mayotte est, je vous le rappelle, une priorité.
Malgré les imperfections du texte que nous allons voter, malgré l’aveuglement et la déconnexion apparente, nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant le drame humain qui affecte Mayotte et, par extension, la France tout entière. Fidèle à notre esprit constructif et à la nécessité de servir nos concitoyens, et parce que l’urgence ne demande pas des discours mais des actions, le groupe RN votera en faveur du projet de loi.
Cependant, il ne faut pas seulement faire : il faut bien faire. Aussi le gouvernement doit-il avoir le courage de prononcer ces mots : submersion migratoire. Il doit avoir le courage de mener une politique publique qui veille à protéger le territoire national des embarcations qui arrivent des Comores, de Madagascar et de l’Afrique continentale ; le courage de reconduire les clandestins dans leur pays d’origine.
Nous voterons ce texte, avec l’espérance qu’il soit la première pierre d’une politique de long terme, où Mayotte et les Mahorais seront pleinement pris en considération par l’État, et ce dès le projet de loi-programme dont le gouvernement a promis la présentation dans deux mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR, dont les députés se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Lebec.
Mme Marie Lebec (EPR)
Lundi prochain, les premiers élèves mahorais reprendront le chemin de l’école. Cette reprise symbolise un retour à la vie après le passage dévastateur du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi, qui ont laissé des traces profondes, tant sur le territoire que dans les cœurs. Face à cette épreuve, l’État s’est immédiatement mobilisé aux côtés de Mayotte.
Dans les jours qui ont suivi la catastrophe, la population a témoigné d’un important élan de solidarité. Je rends hommage aux acteurs locaux, élus, associations, forces de secours, ainsi qu’aux citoyens qui ont fait preuve d’un courage exemplaire dans l’adversité. Leur travail sur le terrain a permis de poser les bases d’un retour à une certaine normalité. Nous avons ainsi été poussés à agir dans un esprit de responsabilité. Je souligne l’engagement des parlementaires, du gouvernement et de l’ensemble des parties prenantes qui, malgré des divergences politiques, ont mesuré l’urgence de la situation. Cette capacité à travailler ensemble pour relever les défis de l’heure est un exemple de ce que nous devons être capables de faire pour nos territoires.
Bien que perfectible, ce texte constitue une première réponse indispensable à l’urgence, une première étape de la reconstruction de notre 101e département, laquelle se doit d’allier efficacité et pérennité. Certains amendements auraient certes mérité un traitement différent, mais notre responsabilité collective commande de ne pas retarder l’adoption du texte ; pour les Mahorais, chaque jour compte.
La reconstruction de Mayotte ne peut toutefois se limiter à la gestion de l’urgence. Elle exige une vision à long terme. Aussi devons-nous poser les bases d’un développement structurant et inclusif, pour relever les défis immenses auxquels l’île fait face. Le groupe Ensemble pour la République soutient unanimement toutes les mesures qui permettront la renaissance de Mayotte.
Durant les débats, nous avons défendu le rôle crucial des entreprises locales pour relancer l’économie du territoire. Leur implication est essentielle, non seulement pour réparer les infrastructures détruites, mais aussi pour redonner de l’espoir et une activité aux habitants. Apprenons des erreurs commises. Moins de 10 % des habitations à Mayotte sont actuellement assurées et le cadastre peine à répertorier correctement les occupants des terres. Ces failles rendent l’île vulnérable : nous avons la responsabilité de trouver des solutions pour compenser ces vulnérabilités et protéger durablement Mayotte.
Cette loi n’est qu’une première étape. Nous soutenons le plan Mayotte debout : il permettra d’affronter les défis d’accès à l’eau, à l’électricité, aux logements et à la sécurité – enjeux cruciaux si l’on veut y bâtir un avenir stable et prospère.
Notre mobilisation doit cependant s’intensifier dans les mois à venir.
Nous devons accentuer nos efforts pour accompagner les jeunes Mahorais, améliorer les infrastructures éducatives et garantir un accès équitable aux services publics. Il y va de l’égalité républicaine et du respect des engagements que nous avons pris envers tous les territoires.
Enfin, la question de l’immigration illégale reste un enjeu majeur. Comme l’a justement rappelé M. le ministre, nous ne réglerons pas l’avenir de Mayotte sans régler le problème de l’immigration illégale. Le passage de Chido a, là encore, révélé les tensions et les défis que ce problème engendre. Il est impératif d’instaurer des politiques adaptées pour y répondre, tout en garantissant la sécurité et la dignité des Mahorais.
Soutenir ce texte, c’est assumer notre devoir envers Mayotte et envers chaque territoire de la République. Ce texte marque le début d’une reconstruction, mais il ne saurait constituer une fin en soi. Il nous engage à poursuivre le travail, à renforcer nos dispositifs et à faire de Mayotte un département pleinement intégré, respecté et prospère. Nous resterons mobilisés pour accompagner cette transformation, parce qu’au-delà des mots, c’est par nos actions que nous témoignerons de notre solidarité envers Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP)
Les conséquences du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi sur l’île de Mayotte ont révélé le manque de moyens et d’anticipation de l’État dans le 101e département français, situé à 8 000 kilomètres de l’Hexagone. En 2021, lorsque je vivais dans l’île, je donnais à des Français des cours de savoirs de base en français et en mathématiques. J’avais constaté les conséquences de l’illettrisme et de l’analphabétisme : difficultés à effectuer des démarches administratives, à trouver un travail, qui laissent la précarité s’installer. Je me demandais alors comment l’État français pouvait laisser cette précarité s’étendre. Je me rappelle aussi de ces jeunes enfants pieds nus, fouillant dans les poubelles de mon immeuble pour trouver des restes à manger. Je me demandais alors : pourquoi l’État français ne protège-t-il pas ces enfants, comme l’impose la Convention internationale des droits de l’enfant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
Quatre ans plus tard, lors de mon déplacement sur place avec ma collègue Nadège Abomangoli, nous avons apporté notre soutien plein et entier à Mayotte et à ses habitants, à toutes celles et ceux qui se sont mobilisés face à la catastrophe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avons discuté avec de nombreuses personnes sur place et nous avons, une fois encore, constaté les défaillances de l’État. On nous a dit : « La population était pauvre ; elle s’est encore appauvrie. » Plus d’un mois après le passage du cyclone, nombre de nos concitoyens sont encore en situation d’urgence. « Il y a des femmes et des enfants qui dorment dehors », nous ont déclaré les habitants de Kawéni. Il y a encore des maisons sans bâche malgré les toitures béantes. Telles sont les conséquences d’un manque d’anticipation et d’une réaction tardive des pouvoirs publics. Il est indispensable de créer une commission d’enquête sur l’impréparation de Mayotte face aux risques naturels majeurs et sur les conséquences du délaissement de ce département par l’État. (Mêmes mouvements.)
Les difficultés du territoire n’ont pas commencé avec le cyclone et ce projet de loi ignore ces enjeux. Il ne s’agit pas simplement d’accélérer la reconstruction de l’île : nous devons en finir avec le sentiment d’abandon que ressentent les Mahorais et les Mahoraises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) L’État est le principal fautif, ayant constamment sous-investi dans ce territoire. Son action doit se concentrer sur un investissement massif dans tous les services publics, notamment l’école et l’hôpital. Les mesures que comporte le texte en faveur de la reconstruction des écoles ne répondent pas à ces impératifs. L’article 2 concerne uniquement les écoles touchées par le cyclone, mais ne propose rien pour améliorer le taux de scolarisation. Alors que le droit français prévoit que tout enfant a droit à une formation scolaire, plus de 15 000 enfants, selon la Défenseure des droits, n’auraient pas accès à une scolarité classique dans l’île. Nous avons également peu de garanties quant à la volonté de réaliser des constructions durables et adaptées aux spécificités de Mayotte, puisque la logique du texte demeure celle de la reconstruction à l’identique.
Le texte comprend toutefois certaines mesures de bon sens et c’est pourquoi nous ne nous y opposerons pas. Nous nous félicitons de la suppression de l’article 10, qui visait à l’expropriation définitive d’emprises foncières à Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Personne n’imagine que, dans l’Hexagone, une catastrophe climatique puisse justifier l’expropriation de la population ; il doit en être de même pour nos concitoyens mahorais. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Les entreprises mahoraises n’ont pas non plus été épargnées. Il était important que ce texte mentionne la participation des entreprises locales à la reconstruction, et que les acteurs sociaux et économiques du territoire participent à la gouvernance de l’établissement public. Mayotte doit être reconstruite pour et avec les Mahorais. (Mêmes mouvements.)
Même si la prolongation de la durée de versement de l’allocation chômage et le maintien des droits et prestations sociales jusqu’au 30 juin 2025 sont une bonne chose face à l’urgence, nous regrettons qu’aucune mesure ne soit prise en faveur de l’annulation des dettes d’eau et d’électricité, du blocage des loyers ou de l’alignement du smic et des minima sociaux sur ceux de l’Hexagone. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Monsieur le ministre, ce qu’attendent les Mahorais et Mahoraises dans l’immédiat, avant un nouveau projet de loi, ce sont des bâches pour couvrir les maisons, des tronçonneuses pour libérer l’accès aux parcelles agricoles, de l’eau et de la nourriture en quantité suffisante. (Même mouvements. – Mme Dominique Voynet applaudit également.) Ils attendent ensuite des mesures fortes telles que la suppression du titre de séjour territorialisé, gage d’une véritable solidarité nationale, pour désenclaver Mayotte, archipel des exceptions et des dérogations légales. Des mesures fortes, aussi, pour résorber les inégalités persistantes entre le territoire hexagonal et Mayotte, comme l’alignement du smic sur celui de l’Hexagone. Ici, comme à Mayotte, soyons à la hauteur de notre devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 558
Nombre de suffrages exprimés 448
Majorité absolue 225
Pour l’adoption 446
Contre 2
(Le projet de loi est adopté.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq sous la présidence de M. Roland Lescure.)
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
3. Gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole (nos 584, 713).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme Nicole Le Peih, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure de la commission des affaires économiques
Mes premiers mots et mes premières pensées vont à nos compatriotes de Mayotte, qui subissent encore les terribles conséquences de l’ouragan Chido. La reconstruction sera longue et nous devrons nous efforcer de les accompagner dans la durée. La situation rend impossible d’y tenir les élections des chambres d’agriculture avant la fin du mois de janvier. Le report de ces élections pourra donc être utilement prévu et discuté dans le cadre de cette proposition de loi.
En métropole et dans les autres territoires d’outre-mer, les élections des assemblées des chambres d’agriculture se déroulent jusqu’au 31 janvier 2025. Il s’agit d’un rendez-vous essentiel pour le fonctionnement des instances agricoles. Pourtant, des incertitudes demeurent. Certaines chambres se demandent si elles pourront se doter d’un bureau. D’autres s’interrogent sur la possibilité de proposer un siège exécutif à des présidents de coopératives ou à des agriculteurs à la tête d’entreprises de travaux agricoles. Ces derniers disposent d’une riche expertise, dont il serait dommage de se priver du fait d’une application trop stricte de la séparation des activités de vente et de conseil de produits phytopharmaceutiques, instaurée par la loi Egalim du 30 octobre 2018. Cependant, dans des conditions confuses, la commission des affaires économiques a rejeté les dispositions prévues à l’article 1er du texte initial. Il est important de les rétablir ; c’est l’objet de l’un des amendements que nous défendrons.
Ces dispositions ouvrent aux présidents de coopératives et aux gérants d’entreprises de travaux agricoles qui vendent ou distribuent des produits phytopharmaceutiques le droit de siéger dans les bureaux des chambres où ils sont élus. Cela faciliterait l’organisation de l’exécutif des chambres et répondrait aux attentes des agriculteurs : simplifier, sécuriser et offrir de la stabilité.
Toutefois, il n’y a pas lieu de remettre en question le principe de séparation entre vente et conseil. C’est pourquoi cette possibilité de siéger dans un bureau ou un autre organe exécutif resterait subordonnée au respect de règles de déport dès lors que les travaux ou les délibérations porteraient sur les activités de conseil de la chambre en matière phytopharmaceutique. J’irai même plus loin et, comme je m’y étais engagée en commission, je soutiendrai un amendement visant à renforcer la transparence et la publicité des travaux des chambres : il confortera la prévention des conflits d’intérêts et donc la confiance que chacun peut avoir dans sa chambre d’agriculture.
Néanmoins, pour être utiles, toutes ces mesures devront être votées et promulguées très rapidement, l’élection des bureaux devant s’effectuer dans le courant du mois du février.
Le temps nous est compté, aussi importe-t-il de concentrer nos efforts sur les dispositions essentielles et directement utiles aux agriculteurs. La remise par le gouvernement d’un rapport sur l’opportunité de rendre le scrutin plus proportionnel n’entre pas dans ces priorités ; c’est d’ailleurs l’un des points sur lesquels nous sommes tombés d’accord en commission, en modifiant le titre du texte, qui ne fait plus référence à « l’exercice de la démocratie agricole ». Je ne remets pas en question la légitimité du débat, mais soulever cette question à l’approche de la clôture des élections suscite confusion et discorde, alors qu’on attend des mesures favorisant la stabilité et la prévisibilité. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements visant à supprimer l’article 1er ter qui prévoit la rédaction de ce rapport.
La proposition de loi traite également de l’élection des délégués aux caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) et vise à résoudre plusieurs problèmes en la matière.
Premièrement, il existe des problèmes d’ordre administratif et juridique qu’il convient de régler avant la tenue des élections en mai 2025. Ainsi, ce texte est le seul véhicule législatif permettant de rétablir la légalité des élections de la MSA dans les cantons de la métropole de Lyon, hors commune de Lyon. En effet, depuis la création de la métropole en janvier 2015, un redécoupage administratif a été effectué qui rend désormais nécessaires des ajustements juridiques. Par ailleurs, le texte nous donne l’occasion d’organiser à nouveau à la même date l’élection de toutes les caisses locales de la MSA, l’épidémie de covid-19 ayant décalé les dates de certains scrutins.
Deuxièmement, le texte adopté par la commission permet de moderniser et de simplifier l’organisation des élections de la MSA à compter de 2030. Ainsi, il étend le droit de vote aux adhérents de la MSA qui ne seraient pas à jour de leurs cotisations sociales. Cette mesure d’ouverture et de simplification apparaît plus conforme aux principes constitutionnels d’égalité et d’universalité du suffrage.
La commission a également supprimé la condition selon laquelle il faut être à jour de ses cotisations sociales pour devenir candidat à l’élection des délégués de la MSA. Ce choix produirait cependant des effets de bord indésirables parmi lesquels l’apparition de délégués de second ordre, car les délégués débiteurs ne pourraient pas accéder aux conseils d’administration des caisses. C’est pourquoi je soutiendrai un amendement visant à rétablir cette disposition.
La commission a enfin fait un pas important vers le renforcement de la parité en prévoyant que les listes représentatives du collège des salariés de la MSA seront alternativement composées d’un candidat de chaque sexe. Non anticipée et sans préparation, cette disposition pourrait cependant apporter plus de désordre que de progrès si elle devait s’appliquer dès les élections de mai 2025 ; je rappelle que les listes de candidats doivent être finalisées pour le 4 mars ! C’est pourquoi je défendrai un amendement visant à différer l’entrée en vigueur de cette disposition.
En résumé, la proposition de loi que nous examinons vise à apporter des solutions simples, concrètes et adaptées aux problèmes posés par les élections du monde agricole. Néanmoins, pour espérer produire des effets et répondre à l’urgence de la situation – cela englobe bien sûr le cas particulier de Mayotte –, il est nécessaire de tenir une position pragmatique et raisonnable. Avant qu’il soit trop tard, j’en appelle donc à la responsabilité de chacun d’entre nous pour offrir ici au monde agricole des mesures de simplification. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Mme Anne Le Hénanff applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Voilà tout juste cent un ans qu’à l’initiative du sénateur de Corrèze Joseph Faure, la France a créé les chambres d’agriculture, confiant ainsi aux paysans eux-mêmes la responsabilité de la représentation des paysans. Ce faisant, le législateur a pourvu notre pays d’un outil essentiel qui a, au cours du siècle passé, successivement contribué à ce que l’agriculture française se relève après les guerres, à ce qu’elle s’adapte aux nouvelles réalités économiques et climatiques et à ce qu’elle conquière une place centrale sur les marchés agricoles mondiaux.
Cette résilience et les succès obtenus par les chambres sont permis, bien sûr, par l’expertise et l’engagement des élus et personnels qui les composent. Ils sont également liés à la force du modèle que les pouvoirs publics ont façonné pour elles. Ce modèle, celui de la démocratie agricole, offre aux chambres une solide légitimité qui leur permet de mener une action conforme aux réalités des territoires et aux aspirations des agriculteurs, dans la durée et dans la proximité. À l’heure où de nouvelles élections ont engagé une recomposition des collèges et bureaux des chambres, ce modèle de représentativité doit être réaffirmé, conforté. Permettez-moi d’ailleurs de rendre hommage à toutes les candidates et à tous les candidats aux élections des chambres d’agriculture ; leur engagement pour notre agriculture mérite d’être salué.
C’est justement parce que les circonstances politiques créent un risque quant à la représentativité des chambres d’agriculture qu’un changement législatif s’impose. En effet, la loi Egalim adoptée par le Parlement en 2018 a introduit une séparation entre les activités de distribution et de vente de produits phytosanitaires, menées notamment par les coopératives agricoles, et les activités de conseil phytosanitaire, menées par les chambres d’agriculture. Quelle que soit la légitimité qu’on accorde à ce principe de séparation entre la vente et le conseil – ce n’est pas la question qui nous occupe aujourd’hui –, il faut rappeler que le législateur avait alors fait un choix censé entrer en vigueur à compter de l’élection aux chambres d’agriculture pour 2025 : un administrateur d’une coopérative agricole ayant choisi la distribution ne pourrait devenir membre du bureau ou président d’une chambre dès lors que cette dernière pouvait proposer des activités de conseil stratégique.
Depuis cette date, plusieurs gouvernements ont pris l’engagement d’assouplir considérablement la séparation entre la vente et le conseil, notamment en rendant le conseil stratégique facultatif. Cet engagement n’a pu être concrétisé en raison des contraintes liées à l’agenda parlementaire dans le contexte actuel. Faute d’une modification législative pourtant attendue par les candidats, le cadre actuel demeure en vigueur, empêchant de facto un contingent substantiel d’élus de se représenter au bureau de leur chambre d’agriculture, alors même que la réforme proposée par le gouvernement entrera en vigueur, je l’espère, quelques semaines après les élections.
C’est à cette situation ubuesque que le texte de Nicole Le Peih permet de remédier. Je tiens à la remercier pour son travail et pour sa clairvoyance. Bien sûr, cette proposition de loi n’épuise pas le sujet de la séparation entre la vente et le conseil, mais elle contient des mesures d’urgence destinées à éviter que soient évincés de leur mandat électif près du quart des actuels élus aux chambres d’agriculture, toutes obédiences confondues. Il nous faut donc la promulguer avant début février pour contourner la difficulté et leur permettre, légitimement et dans l’attente de l’adoption de la réforme gouvernementale, de se présenter aux élections du bureau de leur chambre.
Sur le fond, l’engagement pris par l’ancien premier ministre Gabriel Attal d’assouplir ce principe de séparation et de rendre facultatif le conseil stratégique fera, dès la semaine prochaine, l’objet d’une discussion au Sénat, à l’initiative des sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, qui ont déposé une proposition de loi à cet effet. À cette occasion, le gouvernement fera des propositions concrètes par voie d’amendement. Je veux le dire clairement : je souscris pleinement à l’engagement de réformer la séparation de la vente et du conseil s’agissant des produits phytopharmaceutiques. Je souhaite qu’il y ait davantage de conseil pour qu’il y ait moins de vente. Cela nécessite une réforme opérationnelle qui prévoie les garde-fous nécessaires en matière de conflit d’intérêts tout en levant les obstacles pratiques et les rigidités qui entravent le système actuel. Nous en débattrons ici prochainement, je l’espère.
La proposition de loi de Nicole Le Peih répond donc à une situation d’urgence qu’il n’était pas possible de renvoyer à des discussions futures, étant donné l’imminence des élections. Aussi est-il essentiel de rétablir l’article 1er, supprimé, je crois, par erreur par le Rassemblement national lors de l’examen en commission, pour maintenir la dérogation existante au principe de séparation de la vente et du conseil pour l’exercice de mandats en chambre.
Par ailleurs, cette proposition de loi ne pouvait se tenir à l’écart des réalités locales les plus actuelles. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que la tenue sereine des élections est le socle vital d’une démocratie accomplie. Or, à l’heure où le cyclone Chido a balayé toute l’île de Mayotte, laissant derrière lui, dans la dévastation et dans la misère, des habitants auxquels j’adresse une pensée émue, cette condition ne me semble pas remplie. Alors que l’acheminement des biens de première nécessité demeure très difficile, alors que les services publics essentiels ne sont pas complètement rétablis, comment pourrait-on procéder à des élections en toute sérénité ? Aussi, en responsabilité, le gouvernement soutiendra un amendement visant à décaler d’un an la tenue des élections à la chambre d’agriculture de Mayotte, afin que celles-ci puissent se dérouler dans des conditions convenables entre la fin d’année 2025 et le début d’année 2026. C’est désormais sur votre responsabilité que je compte pour permettre son adoption.
L’examen de ce texte relatif à l’exercice de la démocratie agricole est par ailleurs l’occasion de corriger les imperfections qui affectent les élections à la Mutualité sociale agricole. Outre la resynchronisation de la durée de mandat des délégués des caisses, qui a, je crois, fait l’objet d’un consensus transpartisan en commission, cette proposition de loi permet de revenir sur la limitation du droit de vote actuellement appliquée à l’ensemble des personnes qui ne se sont pas acquittées de leurs cotisations sociales depuis au moins six mois. Cette limitation paraît inadmissible, non seulement du point de vue éthique, car elle revient à pénaliser sur le plan démocratique des personnes déjà pénalisées sur le plan économique et social, mais également, me semble-t-il, du point de vue des principes juridiques qui fondent l’état de droit. Le texte revient donc sur cette injustice. Si ces dispositions entreront malheureusement en vigueur trop tardivement pour couvrir les prochaines élections, elles trouveront à s’appliquer dès celles de 2030.
Par ailleurs, le gouvernement appuie pleinement la volonté de procéder à des coordinations juridiques s’agissant de l’élection des délégués dans les anciens cantons de la métropole de Lyon.
Enfin, je me permets de soutenir vivement l’amendement de Nicole Le Peih visant à imposer la parité sur les listes électorales de la MSA en 2030. Si l’objectif me paraît pleinement conforme au sens de l’histoire et à mes convictions propres, nous ne pouvons pas nous exonérer de la réalité du monde agricole, qui souffre encore d’une inégale représentation des femmes et des hommes. En effet, les femmes représentent un peu moins d’un quart des chefs d’exploitation et à peine plus de 38 % des salariés agricoles. Viser la parité, c’est permettre à chacun et à chacune de participer à la représentativité des besoins du monde paysan. C’est également mon ambition que de permettre aux femmes d’être plus nombreuses en agriculture, mieux protégées et, partant, plus visibles. Le projet de loi pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA) contiendra des propositions en ce sens. C’est pourquoi, comme le propose la rapporteure Nicole Le Peih, je crois plus judicieux de se donner une trajectoire pour faire advenir cette égale participation dans les listes électorales. L’année 2030 est un horizon réaliste et ambitieux à la fois ; c’est pourquoi le gouvernement soutiendra son amendement.
Dans un contexte de tension profonde au sein du monde agricole, il serait irresponsable que la représentation nationale ajoute une crise démocratique à la crise économique et sociale qui le frappe déjà durement. J’ai pleine confiance dans cette assemblée, qui connaît mieux que quiconque la valeur d’une représentation fidèle, pour se saisir du sujet et voter en responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Vous le savez, les élections des chambres se déroulent en ce moment même, raison pour laquelle la commission avait souhaité examiner dès le 11 décembre la proposition de loi de Mme Le Peih. Et parce que nous jugions la question urgente, nous avons maintenu la date malgré l’adoption de la motion de censure.
Ce texte vise à faire évoluer certaines règles qui s’appliquent à l’élection des bureaux des chambres d’agriculture, prévue au début du mois de février. Comme Mme la ministre et Mme la rapporteure l’ont exposé, il prévoit tout d’abord de prolonger la possibilité, pour les élus de chambres d’agriculture, de siéger au bureau même s’ils exercent une fonction dans une entité qui vend des produits phytopharmaceutiques. Cette disposition, qui fait l’objet de l’article 1er et concerne notamment les présidents de coopératives agricoles proposant de tels produits, constitue une dérogation au principe de la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques introduit par la première loi Egalim. Elle a été rejetée en commission pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons lors de l’examen des articles, après le rejet d’amendements formulant des règles déontologiques applicables à ces situations, dont quelques-uns seront de nouveau examinés en séance.
La commission a, par ailleurs, ajouté deux nouveaux articles, l’un destiné à faciliter la représentation des chambres de région au sein du conseil d’administration de Chambres d’agriculture France, l’autre demandant au gouvernement la remise d’un rapport sur l’opportunité de recourir à un système de représentation proportionnelle dans les élections des chambres d’agriculture. Plusieurs groupes parlementaires avaient en effet déposé des amendements relatifs au mode de scrutin applicable à ces élections, mais ces derniers ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. Le sujet est important pour notre commission, car une juste représentation des modes de production et des acteurs du monde agricole est la condition du déploiement de politiques agricoles susceptibles de profiter à tous et d’une distribution équitable des moyens de l’État et des régions.
Le texte ne réalise pas l’ambition que son titre initial, « proposition de loi relative à l’exercice de la démocratie agricole », laissait espérer, car son champ est en réalité très réduit. Certains articles étaient certes nécessaires, en particulier les articles 2 et 3 qui portent sur l’élection des assemblées générales et de conseils d’administration des caisses de la MSA – les prochaines auront lieu au mois d’avril, ce qui en fait une question un peu moins brûlante que celle de l’élection des instances de gouvernance des chambres d’agriculture –, mais la frustration demeure sur certains sujets comme les modes de scrutin, la composition des collèges des chambres d’agriculture et des différentes instances agricoles ou la répartition des financements publics. Bref, il me semble qu’il y a de quoi remettre l’ouvrage sur le métier.
La commission a adopté l’article 2, qui vise à sécuriser une élection qui a lieu dans la métropole de Lyon, ainsi que l’article 3. Elle a également supprimé la condition d’être à jour de ses cotisations sociales depuis au moins six mois pour pouvoir se présenter à ces élections, qui avait pour effet d’exclure principalement des agriculteurs en situation de fragilité, alors même qu’ils sont les premiers concernés par les actions de la MSA.
Vous l’avez dit, madame la rapporteure : nous avons adopté en commission un amendement créant l’article 4, lequel contient une disposition qui me paraît très positive, l’établissement, pour les élections de la MSA, de listes paritaires composées alternativement de candidats de chaque sexe.
Enfin, suite aux destructions causées par le cyclone Chido, les élections ne pourront pas se tenir à Mayotte avant la fin du mois de janvier. Le report des élections n’a toutefois pas pu être inséré dans le projet de loi d’urgence pour Mayotte, qui ne traite pas d’agriculture ; c’est pourquoi nous examinerons un amendement sur le sujet dans le cadre de cette proposition de loi.
En conclusion, je voudrais dire quelques mots sur la profonde crise que traverse l’agriculture. Vous le savez, les résultats et les revenus agricoles ont encore baissé de 10 % en 2023 et de 7 % en 2024. Les reports de charges ou les prix garantis ne soulageront les agriculteurs qu’à très court terme. Tant que nous ne parlerons pas du contrôle des marges des grandes entreprises, tant que nous n’examinerons pas tous les moyens pour protéger l’agriculture de la concurrence déloyale, tant que nous n’imposerons pas une régulation destinée à garantir des prix rémunérateurs dans l’agriculture, la crise perdurera et empirera. Les débats en commission des affaires économiques le montrent, nous avons vraiment besoin de textes substantiels sur ces questions. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
Alors que nous sommes en pleine période d’élection des chambres d’agriculture, puisque celles-ci se tiennent jusqu’au 31 janvier, je tiens à rappeler que les chambres jouent un rôle incontournable dans l’écosystème agricole. Elles constituent un véritable pivot pour structurer les filières, encourager l’innovation et garantir la viabilité économique de notre modèle agricole. Elles qui animent environ 2 000 groupes d’agriculteurs et rassemblent 82 000 adhérents ont prouvé l’importance de leur rôle dans l’évolution de notre agriculture. Lors des discussions en 2023 sur une future loi d’orientation agricole, je plaidais avec le groupe Les Républicains, notamment avec Mme la ministre, pour assortir le texte d’un volet sur le modèle économique agricole, dans lequel les chambres joueraient un rôle central. Leur capacité à veiller sur les équilibres économiques et à lancer l’alerte en cas de défaillance est en effet indispensable pour prévenir les crises et assurer la résistance de nos exploitations.
S’agissant de cette proposition de loi sur l’exercice de la démocratie agricole, il convient de réintroduire l’article 1er, supprimé en commission. Il permettait en effet aux administrateurs de coopératives agricoles, qui sont des experts du terrain, de siéger dans les bureaux des chambres d’agriculture. Qui mieux qu’eux connaît les difficultés des exploitants, qu’il s’agisse de la chute des prix, du poids des normes ou des défis posés par la transition écologique ? Exclure ces acteurs des bureaux des chambres, qui représentent près de 2 millions d’électeurs et sont au cœur des décisions stratégiques, représenterait une vraie perte.
Or certaines dispositions, notamment la séparation entre conseil et vente instaurée par la loi Egalim 1 de 2018, ont eu des effets pervers sur les élections des présidents et des membres de bureaux. Bien qu’animée par une volonté de transparence, cette dernière mesure a fait peser des contraintes lourdes sur les acteurs de terrain et a nui à l’efficacité des prises de décision. La réglementation a même entraîné une baisse de 25 % du nombre de conseillers actifs dans certaines régions. Après avoir insisté sur ce point lors de l’examen de la loi d’orientation agricole, je maintiens – contrairement à vous, madame la rapporteure – qu’il est essentiel de revenir sur cette séparation. Nous aurons bien sûr l’occasion d’en débattre dans quelques semaines, lorsque nous examinerons la proposition de loi des sénateurs Duplomb et Menonville.
Cet exemple illustre un problème plus large : certaines dispositions législatives sont adoptées sans qu’aient été préalablement évaluées leurs conséquences sur le terrain. La séparation entre conseil et vente en est un exemple flagrant.
En outre, près de 40 000 agriculteurs se voient refuser le droit de vote parce qu’ils ne sont pas à jour de leurs cotisations sociales. Ces exploitants, souvent confrontés à une situation financière insupportable, subissent une double peine. Non seulement ils doivent composer avec des équilibres économiques précaires, mais ils se voient également dépossédés de leur voix dans ce processus démocratique. Pourtant, ces agriculteurs sont les premiers touchés par les décisions prises au sein de la MSA, qu’il s’agisse de la répartition des aides sociales, de l’amélioration des conditions de travail ou du versement des pensions de retraite. Votre texte, madame la rapporteure, propose de corriger cette injustice en supprimant cette condition discriminatoire, de façon à rétablir un droit fondamental tout en simplifiant le processus électoral.
Si nous ne soutenions pas la nouvelle génération d’agriculteurs, qui reprendrait les exploitations ? Au terme de cette décennie, vous le savez bien, 50 % des exploitants actuels partiront à la retraite. Ce texte permet donc également aux bénéficiaires de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) et à ceux qui sont engagés dans un parcours de professionnalisation de participer aux décisions stratégiques qui les concernent.
Enfin, les récents bouleversements géopolitiques, comme la guerre en Ukraine, ont montré la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondiales et l’importance de préserver notre autonomie. Or les chambres accompagnent les agriculteurs dans la modernisation de leurs pratiques, favorisent le développement des circuits courts et soutiennent des projets innovants qui répondent aux besoins des consommateurs tout en limitant la dépendance à l’égard des importations. Protéger et renforcer ces structures, c’est donc investir dans notre agriculture en soutenant l’innovation, la transition écologique et la modernisation des exploitations, garantir à chaque citoyen un accès durable à une alimentation de qualité, dans le respect de nos valeurs et de nos territoires, et préserver l’équilibre des territoires ruraux en soutenant les emplois agricoles et les dynamiques économiques locales.
Les chambres d’agriculture sont garantes de la vitalité et de la durabilité de notre modèle agricole. Leur rôle dépasse largement le simple accompagnement des exploitants : elles sont les architectes des politiques agricoles locales et nationales et les premières défenseures d’une agriculture à la fois compétitive, exportatrice et respectueuse des enjeux environnementaux. Réintroduire l’article 1er, lever les freins à la participation démocratique des agriculteurs et renforcer leur rôle auprès des jeunes générations permettrait non seulement de corriger des dysfonctionnements existants, mais aussi de préparer l’avenir de notre agriculture. En votant en faveur de cette proposition de loi, le groupe Droite républicaine réaffirme donc sa détermination à protéger les agriculteurs, à soutenir les jeunes générations et à renforcer les institutions qui les accompagnent. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
J’avoue qu’en prenant connaissance de cette proposition de loi qui annonçait une réforme de la démocratie agricole, j’étais franchement enthousiaste. Mais quand j’ai regardé ce que cachait ce titre ronflant – de simples ajustements à la marge –, mon enthousiasme est retombé.
Avant de développer ma position, je veux rappeler certains éléments fondamentaux. Le rôle de l’agriculture est de produire de la nourriture et donc de nourrir tout le monde, pas seulement les agriculteurs. Elle doit également permettre aux agriculteurs de dégager un revenu digne, un revenu décent. Cette activité économique mérite donc d’être représentée, c’est indiscutable. Cependant l’agriculture est aussi un secteur éminemment stratégique, qui joue un rôle fondamental vis-à-vis du dérèglement climatique : elle en est un des acteurs, mais elle peut aussi être une solution.
En outre, nous avons besoin de la biodiversité pour préserver notre souveraineté alimentaire.
L’agriculture est aussi un acteur stratégique en matière de santé : celle-ci est affectée par la dégradation des ressources vitales, telles que l’air que nous respirons à chaque instant, l’eau que nous buvons tous les jours ou la nourriture que nous mettons dans notre assiette.
Enfin, des sommes importantes sont engagées par les pouvoirs publics pour accompagner cette activité économique.
Tout cela exige que nous associions bien plus la société civile aux grandes orientations que nous devons prendre pour l’avenir de cette activité, et donc à la gouvernance des chambres d’agriculture. Or je ne retrouve pas cette exigence dans ce texte.
Au-delà de cette remarque importante, la proposition de loi est problématique parce qu’elle tend à revenir sur la séparation entre le conseil et la vente des pesticides, qui constituait pourtant une véritable avancée. Je suis opposé à permettre à des acteurs importants de la vente des pesticides de participer au rôle central des chambres d’agriculture, celui de conseil. Je ne vois donc pas comment il serait possible d’associer ces deux activités. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Manon Meunier applaudit également.)
En ce qui concerne la démocratie, nous devons refonder le mode de scrutin des chambres d’agriculture, pour que la diversité syndicale soit mieux représentée, a fortiori dans un contexte où les personnes non issues du milieu agricole – les Nima, dans notre jargon – sont de plus en plus présentes parmi les agriculteurs qui s’installent, sans être toujours représentées par les grandes forces syndicales. Nous devons faire en sorte que le pluralisme soit respecté dans les chambres d’agriculture et reflète ainsi la diversité des productions et des parcours.
Quant à la parité, j’ai demandé qu’elle s’applique à la MSA, mais il faudrait que ce soit aussi le cas dans les chambres d’agriculture, comme dans notre assemblée, au Parlement européen ou dans les conseils régionaux et départementaux. Je plaide donc pour des listes « chabadabada » – un homme et une femme, si vous me permettez cette référence culturelle – qui s’appliqueraient dès l’élection 2025 de la MSA et ensuite, très rapidement, dans les chambres d’agriculture.
S’agissant de la MSA, j’appelle à écouter le témoignage de ceux qui connaissent un parcours difficile, pour des raisons économiques. À l’heure où nous nous plaignons, la main sur le cœur, du problème agricole et des revenus des agriculteurs, leur témoignage est fondamental.
Selon M. Clemenceau, la guerre est un sujet bien trop important pour être confié aux militaires. De même, je pense que notre alimentation et notre nourriture sont des sujets bien trop importants pour être confiés aux seuls agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Louise Morel.
Mme Louise Morel
Je voudrais commencer par un mot sur le cadre temporel de notre débat. Alors que nous nous penchons sur la proposition de loi de Mme la rapporteure, dont je salue la qualité du travail, les élections des chambres d’agriculture battent leur plein et celles de la MSA sont déjà en ligne de mire. Du fait de l’instabilité de notre assemblée, nous travaillons donc dans l’urgence : évitons d’en faire peser davantage les conséquences sur nos agriculteurs.
Au-delà des mesures techniques de cohérence, ce texte clarifie la possibilité pour les administrateurs de coopératives agricoles de siéger au sein des bureaux des chambres d’agriculture, tout en respectant la séparation stricte, imposée en 2018 par la loi Egalim, entre le conseil et la distribution. Cela n’est pas neutre : l’engagement des administrateurs et la technicité des chambres seront renforcés, au moment où de nouvelles technologies émergent dans le cadre des mesures Écophyto.
Ensuite, ce texte se penche sur les élections de la Mutualité sociale agricole. Permettez-moi de prendre un instant pour rappeler le rôle joué par la MSA au quotidien, sur le terrain. La liste de ses missions est longue : protection des agriculteurs face à la maladie, à l’incapacité et aux aléas de la vie ; accompagnement et création de lien social, au plus près de chacun, en prévention de l’isolement. Je tiens en outre à souligner l’engagement de la MSA dans le cofinancement des maisons France Services, qui lui permet d’assurer des services essentiels dans nos zones rurales.
Puisque l’entraide est l’esprit même des agents et des élus de la MSA, les élections ne peuvent pas être un facteur aggravant de marginalisation pour les agriculteurs en difficulté. Je pense notamment aux nombreux agriculteurs qui ne sont pas à jour de leurs cotisations et pour qui nous savons que c’est une source de souffrance. C’est la raison pour laquelle le groupe Démocrates est favorable au rétablissement effectif de leur droit de vote, dans le contexte actuel de crise agricole. Cependant, le groupe Démocrates soutiendra le rétablissement de la conditionnalité pour les candidats aux élections, qui devront s’être acquittés de leurs cotisations, sans quoi l’équilibre de la mesure serait rompu. En effet, le contrat social qui nous lie est fait de droits et d’obligations : en nous présentant à des élections, nous nous engageons à une certaine exemplarité.
Lors des débats en commission, nous avons enfin abordé la parité, à l’occasion d’un amendement porté par le député Benoît Biteau. Le groupe Démocrates est sans ambiguïté sur le sujet : il soutient toutes les mesures en faveur d’une meilleure représentation des agricultrices dans les instances. Nous espérons que cette mesure, défendue par la MSA elle-même, pourra s’appliquer dans les meilleures conditions d’ici les élections et d’ici 2030.
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de ce texte, qui sécurise les institutions portant chaque jour la voix des agriculteurs. Je salue le travail effectué sur le sujet par Pascal Lecamp, mon collègue porte-parole du groupe Démocrates.
Enfin, j’invite tous les agriculteurs à donner de la voix pendant ces élections. L’abstention est la pire ennemie de la démocratie, alors que le dialogue, la négociation, les revendications, les propositions et les réflexions communes ne sont jamais perdus. Nous, parlementaires, avons la responsabilité de montrer aux agriculteurs que les messages qu’ils nous font passer par leurs représentants peuvent prendre corps et changer leur quotidien. (Mme la rapporteure et Mme Anne Le Hénanff applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Xavier Albertini.
M. Xavier Albertini
Alors que nous sommes en pleine période d’élections pour le renouvellement des membres des chambres d’agriculture, ce texte est essentiel pour faire avancer la cause de la démocratie agricole.
Ces élections, qui se déroulent jusqu’au 31 janvier, ne rendent ni anachronique ni caduc l’objet de notre texte – bien au contraire. Après l’élection des membres des quatre-vingt-huit chambres locales, ceux-ci désigneront en mars les représentants qui composeront les onze chambres d’agriculture régionales. À la fin du mois de mars, les présidents des chambres régionales éliront le président de la structure Chambres d’agriculture France, ainsi que les membres de son conseil d’administration. Quant aux élections de la Mutualité sociale agricole, elles se dérouleront du 5 au 16 mai 2025. Cette proposition de loi conserve donc tout son intérêt : elle sécurise juridiquement ces échéances électorales, tout en renforçant la représentativité du monde agricole au sein de ces instances.
En commission, le texte a été enrichi par plusieurs mesures permettant, entre autres, d’en renforcer les ambitions. Désormais, les premiers vice-présidents des chambres d’agriculture de région dépourvues de chambres territoriales pourront siéger à la session de Chambres d’agriculture France. Le texte instaure aussi une règle de parité dans l’ordonnancement des listes électorales pour le collège des salariés de la Mutualité sociale agricole.
Cependant, le groupe Horizons & indépendants regrette que la commission ait supprimé l’article 1er, qui constituait le cœur du texte. Ce dernier prévoyait la participation des administrateurs de coopératives agricoles aux instances de gouvernance, sous réserve qu’ils s’engagent à ne pas prendre part aux discussions portant sur l’activité de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques, compte tenu de l’interdiction du cumul des activités de vente et de conseil prévue par la loi Egalim. En réalité, cette mesure revenait à pérenniser la situation dérogatoire actuelle, en vigueur depuis 2019. Nous soutiendrons fermement sa réintroduction lors des débats, car elle est équilibrée, pragmatique et cruciale pour garantir l’efficacité de ces instances de gouvernance.
Nous appuierons également le report des élections à la chambre d’agriculture de Mayotte, qui étaient initialement prévues pour le 31 janvier 2025. Comme l’a rappelé Mme la ministre, il faut prendre en compte la situation de l’archipel frappé de plein fouetle 14 décembre par le cyclone Chido.
En conclusion, le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de ce texte qui, par les ajustements techniques qu’il propose, assurera une représentation juste et équilibrée du monde agricole dans les instances essentielles qui portent chaque jour la voix de nos agriculteurs et les accompagnent dans les transitions économiques, sociétales et climatiques du secteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. le président
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
Après avoir été repoussé par le résultat de la première motion de censure de décembre et les aléas politiques, l’examen en séance de cette proposition de loi a lieu pendant des élections professionnelles. L’année 2025 sera riche en temps forts pour la vie démocratique agricole : elle débute avec les élections pour les chambres d’agriculture qui se dérouleront jusqu’à la fin du mois de janvier, avant les élections des délégués et des administrateurs des caisses de la Mutualité sociale agricole en mai.
Le premier scrutin est très important pour l’organisation du monde agricole. Il détermine la vision du modèle agricole qui sera adoptée dans les chambres d’agriculture, lesquelles ont un rôle majeur en matière de structuration des filières, d’installation agricole, de formation, d’accompagnement des agriculteurs et de recherche-expérimentation. Par exemple, ces chambres apportent du conseil aux exploitants pour l’utilisation des pesticides ; elles peuvent également peser sur des choix d’aménagement pour le stockage de l’eau.
Le résultat du scrutin dépasse largement l’enjeu de la gestion des chambres d’agriculture, puisque les syndicats majoritaires à ces élections professionnelles obtiennent également la majorité des sièges dans les interprofessions, dans les instituts techniques agricoles ou encore au sein du conseil d’administration de Vivea.
Bref, ce scrutin fixe les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics à tous les niveaux – à l’échelon local comme national. Il joue aussi un rôle financier déterminant en fixant le montant des subventions versées par l’État aux organisations syndicales selon leurs résultats. Pour rappel, ce financement public s’élevait à environ 13 millions d’euros en 2019, à l’occasion des dernières élections.
Il est donc important d’établir des règles du jeu équilibrées afin de garantir le pluralisme dans la représentation syndicale, par la modération du poids du fait majoritaire. Ce rééquilibrage tiendrait davantage compte de la diversité syndicale et de la diversification des modèles et des pratiques agricoles, en particulier de l’arrivée de nouveaux profils porteurs de projets, non issus du milieu agricole.
Avec certains députés d’autres groupes et à l’initiative de notre collègue Marie Pochon, j’ai appelé à renforcer la proportionnelle et à veiller à une juste répartition des financements entre les syndicats. Cette proposition de loi aurait pu être l’occasion d’aborder ces sujets, mais ce n’est pas le cas : la volonté de l’auteure a été de la cantonner à des questions essentiellement techniques, moins polémiques, mais nécessaires pour permettre un bon déroulement des scrutins.
L’article 1er tire les conséquences de la loi Egalim et de l’obligation de séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques. Dans le prolongement de l’ordonnance du 24 avril 2019, il les autorise à occuper ces postes de gouvernance, à condition qu’ils s’engagent à ne pas prendre part aux discussions portant sur l’activité de conseil. Cela nous semble légitime, d’autant que la conditionnalité posée évite les risques de conflit d’intérêts. Comme je l’indiquais en commission, nous sommes opposés à cette séparation stricte, en dépit de son objectif légitime d’éviter les risques de conflit d’intérêts, car celle-ci pose des difficultés opérationnelles. Ainsi, écarter les administrateurs de coopératives agricoles spécialisés dans la vente de produits phytopharmaceutiques, des instances de gouvernance des chambres d’agriculture ne nous semble pas pertinent. Nous sommes donc favorables au rétablissement de l’article 1er en séance publique.
Enfin, les dispositions relatives à la MSA semblent être de nature à garantir le bon fonctionnement opérationnel des élections à venir. La remise à plat calendaire permettra de revenir à une situation normalisée, après les dérèglements résultant de la crise du covid.
Le groupe LIOT, conscient des limites de la portée du texte, regrette l’occasion manquée d’améliorer la représentativité des élections agricoles. Toutefois, il votera de nouveau, comme il l’a fait en commission, en sa faveur.
M. le président
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne
N’ayant pu participer aux débats en commission, j’irai directement au but en précisant que je soutiens l’ensemble des articles qui y ont été adoptés, tout en étant partagé sur l’article 1er, rejeté par certains – contre leur gré, semble-t-il. Selon moi, ce rejet tient plus aux questions de fond qu’il soulève eu égard à notre incapacité à tenir le cap pour sortir de l’utilisation massive des produits phytosanitaires qu’à ses effets réels en matière de démocratie agricole.
Certes, l’adoption de cette disposition sera surtout utile aux deux syndicats agricoles majoritaires, puisque ces derniers comptent le plus de représentants au sein des conseils d’administration de nos coopératives agricoles. Je comprends donc que d’autres représentants syndicaux puissent légitimement trouver là un moyen de contester d’éventuels conflits d’intérêts en matière de promotion de vente de produits phytosanitaires.
Toutefois, comme l’a plusieurs fois souligné mon collègue Potier, ce n’est pas dans l’application ou non de cette interdiction de participation des représentants des coopératives aux bureaux des chambres d’agriculture que se joue la sortie de l’usage des produits phytosanitaires. Le fond du problème est bien structurel. En témoigne l’inefficacité constatée de la mesure de séparation des activités de vente et de conseil, que nous avions inscrite dans la loi Egalim. Ainsi, le problème tient essentiellement à l’absence de volonté politique de lever les contraintes socio-économiques qui pèsent aujourd’hui sur les agriculteurs.
Sans sécurité du revenu, sans rémunération à la hauteur des productions durables, y compris lorsqu’il y a des pertes de rendement liées à l’adoption de pratiques économes en intrants et phytosanitaires, sans outils de protection efficaces face aux importations moins-disantes, sans un effort très soutenu d’accompagnement de la recherche agronomique et de déploiement de ses acquis au champ, il n’y a que peu de chances que tout le monde s’oriente progressivement vers des systèmes plus vertueux.
Ce sont ces mesures fortes qui, à mon sens, doivent être prises pour ouvrir la voie de la durabilité de notre agriculture pour ceux qui, comme moi, jugent absolument indispensable de réorienter en profondeur leurs systèmes de production, compte tenu des enjeux agroécologiques, alimentaires, sanitaires et environnementaux de notre temps.
Notre échec, depuis une vingtaine d’années, tient d’abord à l’absence de volonté de la puissance publique d’agir fermement contre la captation de la valeur ajoutée par les acteurs qui corsètent l’ensemble de nos agriculteurs. Pour changer l’agriculture, encore faut-il avoir le courage politique de changer de politique économique !
Ce n’est pas le cas au niveau européen, avec des politiques qui ruinent nos paysans : poursuite de l’ouverture des marchés et conclusion d’accords de libre-échange, d’une part ; détricotage des derniers outils de régulation des prix, des volumes et de gestion des risques, d’autre part. Ce n’est pas non plus le cas en France, avec le choix des gouvernements successifs de ménager la chèvre et le chou : plan stratégique et activisme de façade en matière de droit commercial dans le prolongement des lois Egalim, d’un côté ; blocage systématique de toutes les vraies mesures coercitives qui pourraient transformer les rapports de force dans la chaîne de valeur, de l’autre.
J’ajouterai, madame la ministre, que le contenu très limité de la loi dite d’orientation agricole, qui poursuit sa navette parlementaire, ne m’enthousiasme pas vraiment. À moins de la muscler, les quelques mesures qu’elle contient seront loin de répondre à l’ampleur des défis que notre agriculture doit relever.
Madame la rapporteure, je conclurai en regrettant, comme vous sans doute, et comme d’autres, que ce texte n’ait pas pu servir de véhicule pour garantir une meilleure représentativité au sein des chambres d’agriculture, comme de l’ensemble des interprofessions et instituts techniques. Il y a besoin d’avancer en ce sens, tant pour le collège des exploitants que pour les autres collèges. Je pense en particulier aux 820 000 salariés qui relèvent du régime agricole : ils sont deux fois plus nombreux que les non-salariés. Cette mutation profonde de notre agriculture devra nécessairement se traduire un jour par une transformation importante des structures de représentation des professions concernées. C’est dire si nous avons encore du pain sur la planche !
M. le président
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Cela fait des mois que nos agriculteurs attendent des mesures concrètes pour relever les défis considérables qu’ils affrontent au quotidien. La proposition de loi qui nous arrive dans la précipitation, au moment des élections dans les chambres d’agriculture, ne doit pas masquer l’immobilisme dont souffre depuis trop longtemps le monde agricole. (Mme Nadine Lechon applaudit.)
Il est essentiel de ne pas confondre vitesse et précipitation. Agir dans l’urgence pour corriger des dysfonctionnements administratifs ne saurait remplacer une réflexion profonde, concertée et attendue, avec les principaux concernés, à savoir nos agriculteurs.
Ce texte, bien qu’il prétende résoudre certains blocages, ne fait qu’effleurer les vrais enjeux et risque de déstabiliser davantage un secteur déjà fragilisé. Depuis des mois, les agriculteurs nous alertent sur leurs difficultés : prix injustes, crises climatiques, charges croissantes et absence de soutien adéquat. Ils n’ont cessé de demander des mesures claires et ambitieuses. Or cette proposition de loi arrive de manière précipitée et soulève plus de questions qu’elle n’apporte de solutions durables.
Pas plus tard que ce matin, une élue de la chambre d’agriculture des Alpes-de-Haute-Provence m’a alertée sur un amendement adopté vendredi et visant la filière bio, qui traverse une crise sans précédent. En matière d’agriculture, et compte tenu des attentes légitimes qui se sont exprimées, il serait déraisonnable que le législateur déstabilise encore davantage des modèles agricoles qui peinent déjà à se maintenir face à la pression des marchés. Toute réforme touchant le secteur agricole doit impérativement veiller à préserver ces filières, au lieu de les affaiblir par des décisions mal préparées et mal évaluées.
Ce dont nos agriculteurs ont besoin, ce n’est pas une succession de mesures ponctuelles, mais un projet clair, cohérent et surtout élaboré avec eux. L’absence de concertation sur des sujets aussi cruciaux que la gouvernance des chambres d’agriculture ou les mécanismes électoraux risque de creuser encore davantage le fossé entre les agriculteurs et leurs institutions.
Certes, certaines des dispositions proposées, comme l’intégration des administrateurs de coopérative agricole ou l’instauration de la parité, peuvent constituer des avancées, mais elles doivent faire l’objet d’une évaluation si l’on ne veut pas qu’elles deviennent des obstacles. De même, simplifier les processus électoraux est une nécessité, mais cela ne suffit pas à restaurer la confiance des agriculteurs dans des institutions qui doivent être leurs alliées.
Le monde agricole a besoin de stabilité, de visibilité et de soutien à long terme. Or cette proposition de loi, en répondant à la hâte à des urgences administratives, ne garantit pas ces éléments fondamentaux. Pour éviter de nouvelles désillusions, il est impératif de replacer les agriculteurs au cœur de la réflexion et d’élaborer des mesures qui renforcent les filières agricoles plutôt que de les fragiliser.
Cette proposition de loi, bien que nécessaire pour éviter des blocages immédiats, arrive de manière précipitée et témoigne d’une absence de vision globale pour le monde agricole. Il ne s’agit pas simplement d’organiser des élections, mais de redonner confiance et perspectives à des agriculteurs épuisés par des promesses non tenues. Nous ne pouvons pas nous contenter d’un bricolage législatif. Ce que nous devons offrir à nos agriculteurs, c’est un véritable dialogue, des propositions concertées et des actions à la hauteur de leurs attentes. Sans cela, nous risquons de prolonger un sentiment de trahison et d’abandon qui sape la vitalité même de notre agriculture. Le groupe UDR votera néanmoins pour ce texte, compte tenu de l’urgence administrative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Nadine Lechon et M. Alexandre Dufosset
Bravo !
M. le président
La parole est à M. David Magnier.
M. David Magnier
Notre agriculture est en péril. Ce n’est pas un simple accident, mais le résultat d’années de politiques aveugles, d’abandons successifs et de décisions contraires aux intérêts de ceux qui nourrissent notre nation. On ne peut plus se contenter de demi-mesures et de promesses vides : il s’agit de sauver l’un des piliers de notre souveraineté, de garantir que nos champs restent des lieux de vie et ne deviennent pas des déserts économiques. Il s’agit de défendre notre civilisation.
Madame Genevard, votre reconduction à la tête du ministère de l’agriculture dans le gouvernement Bayrou aurait pu être un signal fort. Pourtant, dès les premiers jours de cette nouvelle année, vous avez indirectement avoué votre stratégie du chaos en validant une trajectoire budgétaire prévoyant une réduction de 13,5 % des crédits agricoles. Cette décision, même si elle ne s’est pas encore traduite en acte pour le moment, reflète une trahison envers le monde agricole.
Après l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu et la prolongation des titres-restaurant pour les courses alimentaires, vous tentez, une fois encore, de masquer votre stratégie du chaos derrière des déclarations empreintes d’hypocrisie. Vous avez affirmé que toutes les aides sociales et fiscales qui ont été promises seraient bien données en temps et en heure.
Mme Annie Genevard, ministre
Si le budget est voté !
M. David Magnier
Mais ces mots résonnent comme un écho vide face à d’autres de vos déclarations. Je vous cite : « Cette censure, si elle est adoptée, ce sont les agriculteurs qui vont en payer le prix. […] Vous devrez leur rendre des comptes. » Les comptes, madame, ils sont déjà faits. Chaque exploitation agricole qui ferme est un échec, chaque famille qui quitte la terre est une tragédie nationale. Ce double discours illustre une fois de plus la malhonnêteté dont vous faites preuve sur tous les sujets touchant la vie des Français.
Le texte dont nous débattons se veut technique mais, en réalité, il est creux et dérisoire.
L’article 1er a été supprimé en commission, sans débat sérieux, alors qu’il aurait permis une meilleure représentation des administrateurs agricoles dans les chambres d’agriculture. L’article 1er bis élargit modestement la composition de Chambres d’agriculture France : cette mesure est loin des réformes profondes attendues. L’article 1er ter prévoit un rapport sur la proportionnelle dans les élections des chambres. Une belle idée, certes, mais insuffisante pour changer un système verrouillé… Les articles 2 et 3, quant à eux, harmonisent les calendriers électoraux et ouvrent le corps électoral pour certains agriculteurs en difficulté financière. Voilà enfin un point positif ! Mais ce ne sont que des ajustements mineurs.
Le Rassemblement national votera évidemment pour ce texte, même s’il est très loin de répondre aux attentes des agriculteurs. Ces derniers réclament une réforme qui dépasse les ajustements techniques et aborde enfin les vraies questions. Comment garantir leur dignité face à la grande distribution ? Comment leur permettre de transmettre leurs terres, leur savoir-faire, leur passion à une nouvelle génération ? Comment les assurer qu’ils ne seront plus les oubliés d’une mondialisation qui écrase leurs efforts ? L’agriculture, c’est plus qu’une profession : c’est un pilier stratégique pour la souveraineté de la France. C’est la garantie que notre pays pourra nourrir sa population dans un monde instable. C’est une partie de notre identité.
Alors, que fait-on pour répondre à cette urgence ? Au Rassemblement national, nous avons des solutions concrètes : mettre un terme aux accords de libre-échange destructeurs comme celui avec le Mercosur ; réformer la fiscalité pour exonérer les droits de succession et garantir la pérennité des exploitations familiales ; simplifier les normes pour libérer nos agriculteurs du carcan administratif ; encourager un patriotisme économique en privilégiant les produits français dans tous les marchés publics.
Cette proposition de loi prétend favoriser la « démocratie agricole » en modifiant quelques dispositions relatives à la participation des administrateurs de coopératives agricoles et des exploitants agricoles au sein des chambres d’agriculture et de la MSA. Mais si l’on veut une véritable démocratie agricole, commençons par reprendre le contrôle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui réduit chaque jour la liste des produits phytopharmaceutiques autorisés en France sans jamais se préoccuper de la compétition européenne et en échappant à tout contrôle de la représentation nationale. Faisons de même pour l’Office français de la biodiversité (OFB), qui traite nos agriculteurs de dealers et les brutalise lors de contrôles incessants et humiliants.
Pierre Gaxotte l’a dit avec justesse : « La France des champs, c’est l’âme de notre civilisation. » Comment tolérer que cette âme soit piétinée, abandonnée, réduite à des slogans vides, alors qu’elle est tout ce qui nous reste de vrai, tout ce qui nous lie à notre histoire, tout ce qui fait que nous sommes encore la France ?
Relevons le défi, mettons fin à l’abandon et donnons à nos campagnes la place qu’elles méritent : celle qui consiste à bâtir l’avenir de notre nation. La souveraineté agricole, c’est la souveraineté de la France. Et cela, mes chers collègues, aucun d’entre nous ne peut l’oublier. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Nadine Lechon
Bravo !
M. le président
La parole est à Mme Françoise Buffet.
Mme Françoise Buffet
Alors que le monde agricole vient tout juste d’être appelé aux urnes pour renouveler les élus des chambres d’agriculture, nous nous retrouvons aujourd’hui pour parler de démocratie agricole et apporter des corrections très attendues par la profession. Elles concernent les chambres d’agriculture et, dans une moindre mesure, les caisses de la Mutualité sociale agricole.
Depuis leur création, en 1924, les chambres d’agriculture sont des interlocuteurs incontournables pour défendre les intérêts de l’ensemble des acteurs liés au monde agricole. Elles ont acquis une place privilégiée aux côtés des exploitants, qu’elles conseillent et accompagnent au quotidien. Leur force, ces chambres la tirent notamment de la diversité de leurs membres. Or cette diversité est menacée et c’est pourquoi il faut adopter la proposition de loi de notre collègue Nicole Le Peih.
Fin 2018, la loi Egalim a intégré une disposition destinée à lutter contre les conflits d’intérêts et à réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques par le biais de la séparation entre le conseil et la vente. Cela a contraint beaucoup de coopératives à se réorganiser, suscitant des tensions légitimes. Aujourd’hui, nombre d’entre elles sont agréées pour vendre ou appliquer ces produits.
Par ailleurs, fidèles à leur mission d’accompagnement, les chambres d’agriculture se sont massivement fait agréer en vue de dispenser des conseils touchant les produits phytopharmaceutiques. De manière fâcheuse, cet agrément empêche que les acteurs habilités à distribuer ou appliquer de tels produits fassent partie du bureau de la chambre ; il ressort des auditions que cette interdiction concerne entre 25 % et 40 % des élus de certains bureaux. Cela pose deux problèmes : les coopératives pourraient se retrouver évincées des bureaux et ces derniers être plus difficilement pourvus, faute de candidats.
Les dirigeants de coopératives apportent aux chambres une vision et une expérience irremplaçables, une expertise essentielle à l’adaptation de nos exploitations. Leur exclusion étant contre-productive, il importe, ainsi que le proposait initialement Nicole Le Peih, de leur permettre de continuer de siéger au sein du bureau des chambres d’agriculture, cette mesure devant aller de pair avec une stricte application des règles de déport, afin que soit préservé l’esprit de la séparation entre vente et conseil. Dans la confusion des débats en commission, certains groupes d’opposition ont voté contre un article auquel ils sont pourtant favorables, entraînant sa suppression : nous soutiendrons bien entendu un amendement visant à le rétablir.
L’élection des délégués des caisses de la MSA connaît également des difficultés, certes purement techniques, mais préjudiciables à leur fonctionnement : absence de base juridique dans les anciens cantons situés hors de Lyon mais au sein de sa métropole, décalage des élections pour certaines caisses en raison du covid, privation du droit de vote pour certains agriculteurs en proie à des difficultés économiques. L’adoption de mesures de bon sens serait d’autant plus importante que l’échéance arrive vite : les élections auront lieu en mai. En raison de ces délais restreints, d’ailleurs, la constitution de listes paritaires ne sera pas chose facile ; pour davantage de sérénité, il conviendrait d’appliquer ce principe, retenu en commission, de façon plus progressive.
Quoi qu’il en soit, notre groupe soutient évidemment ce texte. Je rencontre très souvent nos agriculteurs : ils savent fort bien s’organiser, régler leurs problèmes entre eux, pour le plus grand bien du monde agricole et de la société dans son ensemble. Cette force de la démocratie agricole, il nous appartient d’en prendre soin, de la favoriser. Tel est l’objet de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Murielle Lepvraud.
Mme Murielle Lepvraud
Je m’interroge au sujet de l’examen de ce texte alors qu’en ce moment, et jusqu’au 31 janvier, se déroulent les élections des membres des chambres d’agriculture : il eût été plus sain de ne pas prendre le risque d’interférences.
La proposition de loi était initialement « relative à l’exercice de la démocratie agricole », titre ambitieux qui avait attiré mon attention, d’autant que nombre de paysans m’expliquent ne pas se sentir représentés au sein des établissements censés le faire. Il ne s’agit en fait que d’adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la MSA, la commission ayant d’ailleurs modifié en ce sens l’intitulé du texte.
Donc, pas d’avancées significatives en matière de démocratie, non plus que de règlement de la question de la représentativité dans les chambres d’agriculture (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) ; au contraire, si la proposition de loi est adoptée dans sa forme originale, son article 1er risque d’accentuer certains déséquilibres existants, en faveur d’intérêts corporatistes et productivistes.
En effet, cet article vise à ce que les administrateurs de coopératives agricoles, distributeurs de produits phytosanitaires, continuent de bénéficier de la dérogation qui leur permet de faire partie du bureau des chambres d’agriculture. Cette disposition constitue un réel recul…
M. Julien Dive
Mais non !
Mme Murielle Lepvraud
…par rapport à la loi Egalim de 2018, qui avait strictement dissocié le conseil et la vente de pesticides, afin d’assurer que les recommandations adressées aux agriculteurs servent des logiques environnementales, non des intérêts commerciaux.
M. Matthias Tavel
Absolument !
Mme Murielle Lepvraud
Les chambres ont d’autant moins besoin de promouvoir les produits phytosanitaires que tous les indicateurs ayant trait à la biodiversité, à la santé, au changement climatique mettent en évidence l’urgence d’évoluer de manière à supprimer ces substances (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) ; l’accompagnement qu’elles proposent aux agriculteurs devrait donc privilégier les pratiques agroécologiques et la réduction des pesticides.
Le déport au moment des votes ne constitue pas une garantie : au sein d’une instance sans pluralisme, sans comptes rendus, qui vérifiera que le débat précédant le vote n’a pas été une occasion de lobbying ? Nous soutiendrons donc les amendements visant à imposer la publication de comptes rendus, des règles de déport, et l’instauration de sanctions si l’obligation de se déporter n’est pas respectée. Néanmoins, nous resterons convaincus que laisser les vendeurs de produits phytosanitaires siéger au sein des instances n’est pas une bonne idée. (M. Julien Dive fait un geste de dénégation.)
Sachant que les volontaires ne manquent pas pour intégrer ces bureaux, il serait du reste plus constructif d’y inviter des représentants des syndicats. Les petits producteurs indépendants sont sous-représentés dans les chambres d’agriculture, sans parler des salariés agricoles, dont le nombre dépasse pourtant celui des exploitants ; afin de favoriser l’exercice de la démocratie agricole, il conviendrait de traiter concrètement ce problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le verrouillage est encore renforcé par le mode de scrutin appliqué au collège 1, celui des chefs d’exploitation et assimilés : ce système de prime majoritaire conduit à ce qu’une majorité relative soit systématiquement surreprésentée, écrasant toute possibilité de pluralisme syndical et d’expression démocratique.
Dans son rapport public de 2021, la Cour des comptes précise qu’« en 2019, sur 102 chambres d’agriculture, 97 sont dirigées par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et ses alliés alors qu’ils n’ont obtenu que 55 % des voix du collège des exploitants agricoles » (MM. Jean-René Cazeneuve et Stéphane Travert s’exclament), et invite à une refonte du mode d’élection en vue de « favoriser la pluralité syndicale ». Les membres du collège 1, qui occupent 54 % des sièges du bureau (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), devraient être élus comme ceux des autres collèges, à la proportionnelle intégrale.
M. Matthias Tavel
Absolument !
Mme Murielle Lepvraud
Nous avions déposé un amendement en vue d’accroître le pluralisme : vous avez estimé qu’il constituait un cavalier.
M. Jean-René Cazeneuve
C’est le règlement !
Mme Murielle Lepvraud
Il faudra donc consacrer un texte à ce sujet. Les enjeux sont importants : respect du principe de pluralité, mais aussi révision de la clé de répartition qui, en fonction du nombre de sièges et de voix dont chacun dispose, détermine le financement des syndicats agricoles.
Si cette proposition de loi tend à mettre en lumière les dysfonctionnements de la gouvernance des chambres d’agriculture, ainsi que la nécessité d’y favoriser le pluralisme nécessaire à la démocratie, elle ne remédie pas à ces problèmes, hélas, et risque même d’entraîner un retour en arrière en matière de séparation entre conseil et vente de produits phytosanitaires. J’aurais préféré un texte qui porte réellement sur la démocratie agricole. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Je commencerai par adresser nos félicitations, nos encouragements et nos remerciements aux agriculteurs en campagne électorale, quel que soit, des trois ou quatre syndicats en présence, celui auquel ils appartiennent. Ces citoyens s’engagent, de manière paritaire, en vue de gérer le développement, assurer par délégation de l’État des fonctions importantes pour notre agriculture, au sein d’une instance démocratique ; ils y passeront du temps, c’est pourquoi, je le répète, je souhaite les saluer tous, dans leur diversité. Je remercie également Nicole Le Peih, à l’origine de cette proposition de loi qui permettra de corriger in extremis quelques dysfonctionnements concernant le corps électoral de la MSA et une scorie de la loi Egalim.
Le texte, il est vrai, restera sans grande portée. Son cadre ne nous a pas permis d’importer dans le débat des sujets passionnants – la démocratie, dans un sens plus large, la part des salariés, la nature du pluralisme –, tels ceux évoqués par notre collègue et ami André Chassaigne : ce n’est que partie remise. En attendant, prenons-le, sans dramatiser, pour ce qu’il est : une proposition de loi technique. Je suis fier d’y avoir, avec les autres membres du groupe Socialistes, contribué d’une manière très simple, en lui donnant un intitulé qui lui corresponde : « portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole ». C’est cela, et rien que cela, qui nous réunit aujourd’hui ; bravo, toutefois, pour le travail effectué, le climat qui a régné en commission.
Venons-en au fond. Je ne vous surprendrai pas en déclarant que le groupe Socialistes votera en faveur du texte. Signalons un ajout important, que nous avions proposé lors de l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte, adopté tout à l’heure par notre assemblée : le report d’élections. Quant à la scorie que j’évoquais à l’instant, elle résulte d’un accident industriel. En promettant de séparer le conseil et la vente, le président de la République, je n’en doute pas, n’avait que de bonnes intentions : envoyer un message au monde de l’écologie, réduire notre dépendance à la phytopharmacie. Reste que cette mesure se solde par un échec ; la commission d’enquête consacrée en 2023 aux produits phytosanitaires l’a constaté unanimement. Je n’ai rencontré personne qui, connaissant le sujet, estime qu’elle a eu le moindre effet !
Les raisons de cet accident tiennent au terrain, relèvent du bon sens : on ne peut poster un gendarme derrière chaque agriculteur et chaque vendeur. La situation est donc pire qu’auparavant, car s’y ajoute l’insécurité juridique.
M. Julien Dive
Voilà !
M. Dominique Potier
La mission flash sur le bilan de la séparation de la vente et du conseil, dont Stéphane Travert et moi étions corapporteurs, a, elle aussi, conclu quasi unanimement à une erreur politique. On a le droit de faire des erreurs, mais on a le devoir de les corriger. Précisément, la manière dont nous nous disposons à corriger celle-ci m’inquiète : elle reviendrait à jeter le bébé avec l’eau du bain.
Le président de la République comme le législateur ont souhaité nous affranchir de la phytopharmacie ; en un siècle, entre 1950 et 2050, la transition agroécologique aurait eu raison des pesticides. L’instrument, non le dessein, était mauvais. Mettre fin à cette séparation sans rien lui substituer, ce vers quoi s’oriente le texte, provoquerait un suraccident ! La commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire a proposé une mesure pour laquelle je me battrai avec l’appui de notre groupe et, j’en suis certain, de collègues siégeant dans toutes les travées : le remplacement de la séparation par les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), ce qui laissera au monde de l’entreprise toute latitude pour trouver des solutions. Serait instauré par ailleurs un conseil stratégique global, dont nous nous sommes entendus avec les présidents des chambres d’agriculture pour évaluer le coût à 60 ou 70 millions d’euros, ce qui est tout à fait finançable.
Je m’inquiète également qu’il soit question de supprimer l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, dite Agence bio, de placer l’Anses sous tutelle – peut-être ce qu’il y a de plus grave –, de mettre en cause l’OFB, comme l’a fait le premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. (M. Benoît Biteau applaudit.) Alors que nous traversons une période de fragilité, et après avoir entendu le Rassemblement national, je me dis qu’il nous faut avant tout protéger nos institutions, la démocratie, la science. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.) Je souhaite que les chambres d’agriculture soient au service de la transition, de la réconciliation entre souveraineté alimentaire, revenu agricole, santé environnementale et humaine ; que la MSA poursuive son œuvre en matière de prévention, de protection de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Je me dois de répondre à tout ce que j’ai entendu, d’autant que nous traitons au fond de notre alimentation à tous, matin, midi et soir. J’ai la ferme conviction, et j’en suis heureuse, qu’un accord est possible au sujet de ce texte essentiel, dont les dispositions pragmatiques visent à simplifier la tenue des prochaines élections : ne prenons pas le risque, en nous trompant de débat, de priver les instances agricoles de ces mesures attendues.
Vous avez d’ailleurs rappelé que l’intitulé initial de cette proposition de loi avait été modifié à la suite de notre travail en commission, notamment avec nos collègues siégeant du côté gauche de l’hémicycle. Plusieurs d’entre vous ont aussi souligné que l’enjeu ne consiste pas à rouvrir le débat touchant la séparation entre vente et conseil ; il y aura pour cela d’autres textes, comme l’a fait valoir M. Dive.
Le rétablissement de l’article 1er est dicté par les réalités du terrain : à défaut, le fonctionnement des chambres d’agriculture, dont il faut souligner le rôle fondamental, pourrait être perturbé.
J’entends néanmoins la nécessité de fixer des garde-fous, afin de ne pas revenir sur le principe de séparation des activités de vente et de conseil. La règle du déport et l’amendement que je défendrai sur la transparence des travaux des chambres seront de nature, je l’espère, à vous rassurer, monsieur Biteau et madame Lepvraud.
Par ailleurs, ce texte apporte des dispositions utiles à la MSA. Vous avez utilisé, madame Morel, la bonne formule, en soulignant qu’il permettait de sécuriser les institutions. Il comporte des mesures concrètes, qui visent à faciliter et à moderniser la tenue des élections : je pense notamment à celles sur la parité, enjeu qui me tient particulièrement à cœur – comme vous, madame la ministre.
J’en appelle donc à votre responsabilité : nous devons encourager tous les candidats à ces futures élections. C’est pourquoi le texte doit leur apporter des mesures utiles.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Vous vous êtes saisis de ce débat pour aborder toutes les grandes questions qui concernent l’agriculture, dans les moments compliqués qu’elle traverse : le revenu, les importations, la valeur ajoutée, le libre-échange ou encore la recherche. À ce sujet, permettez-moi de m’inscrire en faux, monsieur le président Chassaigne, lorsque vous évoquez un affaiblissement de la recherche : le budget de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) représente plus de 1 milliard d’euros. On ne peut donc pas dire que la recherche française en matière agricole est négligée.
Vous avez parlé d’une loi d’orientation agricole « faible ». Regardons plutôt les avancées qu’elle apporte, d’autant que les débats l’ont beaucoup enrichie ; le groupe Droite républicaine notamment, sous la houlette de Julien Dive, tout comme d’autres groupes, y ont contribué. Nous aurons de nouveau ce débat lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP). Ce projet de loi contient des mesures intéressantes en matière de formation des jeunes ou de reconnaissance des chambres d’agriculture ; il permet de positionner l’agriculture au rang d’intérêt général majeur ou encore de déjudiciariser les atteintes non intentionnelles à l’environnement.
M. Julien Dive
Bien sûr !
Mme Annie Genevard, ministre
Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Cette loi a son utilité, et d’autres textes suivront, qui apporteront leur contribution.
Plusieurs d’entre vous ont estimé que cette proposition de loi constituait une réponse faite à la hâte ; ils ont même parlé de chaos. Permettez-moi de rappeler deux choses aux députés qui sont allés sur ce terrain. Tout d’abord, la censure nous a privés de toute forme d’action pendant près d’un mois (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR – « Oh là là ! » sur quelques bancs du groupe RN et exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Du 4 au 24 décembre, nous n’avons pas pu, en tant que ministres décisionnaires, ouvrir de nouveaux débats au Parlement. (Les exclamations se poursuivent sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Inaki Echaniz
Ce n’est pas cela le problème ! Qu’a fait Emmanuel Macron depuis 2017 ?
M. le président
Chers collègues, jusqu’ici, tout se passait bien. Pourrions-nous écouter la ministre, s’il vous plaît ?
Mme Annie Genevard, ministre
Ensuite, nous fonctionnons actuellement en mode dégradé sur le plan budgétaire, puisque nous sommes en période de services votés. Par exemple, dans mon ministère, il m’est impossible de lancer des appels à projets, parce que la censure nous oblige à fonctionner selon un mode dégradé de l’action publique.
Mme Nadine Lechon
Quel rapport ?
Mme Annie Genevard, ministre
Le rapport, ce sont les sujets que vous avez vous-mêmes abordés ! Il faut prendre la présente proposition de loi pour ce qu’elle est. Comme l’a rappelé M. Potier, il s’agit d’un texte technique, qui vise à revenir sur une scorie – pour reprendre le terme qu’il a employé – de la loi Egalim. Il s’agit d’une loi de démocratie agricole parce que, grâce à elle, entre 25 % et 40 % des élus – Mme Buffet a cité ces chiffres – pourront se présenter aux bureaux des chambres. C’est pourquoi il est urgent de l’adopter. La preuve en est que les agriculteurs de tous bords, de toutes obédiences et de toutes sensibilités politiques la réclament ! Cette seule motivation devrait suffire.
Il faut circonscrire le débat : la proposition de loi est dictée par les circonstances, par le contexte électoral et par les exigences de la représentation agricole, rien de plus.
Nous allons maintenant examiner les amendements que vous avez déposés et j’aurai plaisir à y répondre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
M. le président
Nous commençons par l’examen de deux amendements identiques, nos 7 et 27, visant à rétablir l’article 1er, supprimé par la commission.
Je vous informe que sur ces amendements identiques, je suis saisi par les groupes Ensemble pour la République et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Françoise Buffet, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Françoise Buffet
Il vise à corriger un effet de la loi Egalim en permettant aux administrateurs des coopératives agricoles de participer aux instances de gouvernance des chambres d’agriculture, à la condition qu’ils ne prennent pas part aux discussions portant sur l’activité de conseil.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 27.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Comme je l’ai mentionné dans mon propos introductif, cette disposition essentielle de la proposition de loi permettrait de faciliter et de simplifier l’élection des bureaux des chambres d’agriculture.
Ce texte se veut équilibré, en proposant un mécanisme de déport en cas d’éventuel conflit d’intérêts, sans pour autant revenir totalement sur le principe de séparation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques. Il est primordial d’apporter aux chambres d’agriculture, et aux agriculteurs en général, le plus de sérénité possible. J’émets bien sûr un avis favorable sur ces amendements identiques.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre
Le rétablissement de l’article 1er permettrait de pérenniser un régime transitoire, qui était appliqué depuis 2019 et qui autorisait les administrateurs de coopératives agricoles qui vendent des produits phytopharmaceutiques à siéger dans les bureaux des chambres d’agriculture, en assortissant cette autorisation d’un mécanisme de déport. Les conseils municipaux connaissent parfaitement ce mécanisme : si un conseiller municipal est concerné personnellement ou professionnellement par une décision prise par le conseil municipal, il se déporte, c’est-à-dire qu’il sort de la salle ou qu’il ne prend pas part au vote – et c’est expressément mentionné dans le compte rendu. L’article 1er, qui est essentiel et constitue le corps même de la proposition de loi, propose exactement le même dispositif.
Écoutez les agriculteurs : ils vous demandent de pérenniser un dispositif qui leur permet à la fois d’être élus et de siéger aux bureaux des chambres, tout en étant administrateurs de coopératives agricoles vendant des produits phytopharmaceutiques.
J’émets un avis favorable sur les amendements identiques.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Permettez-moi d’expliquer les raisons qui ont conduit la commission des affaires économiques à supprimer l’article 1er…
M. Gabriel Attal
Grave erreur !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
…et de répondre à vos critiques sur ce point. L’une des premières raisons avancées, c’est que le mécanisme de déport manque d’efficacité : les membres ou les présidents de coopératives agricoles qui vendent des produits phytosanitaires participent, dans de nombreux cas, aux délibérations et sont susceptibles de les influencer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Deuxièmement, les élus sont suffisamment nombreux au sein des chambres d’agriculture pour que certains soient prêts à siéger aux bureaux. Troisièmement, on ne peut pas vraiment dire que les agriculteurs demandent le rétablissement de l’article 1er…
M. Gabriel Attal
Si !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
…puisque tant la Confédération paysanne que la Coordination rurale sont favorables à une suppression de l’article – vous pourrez sans doute le confirmer, madame la rapporteure, puisque vous avez mené les auditions –, afin que la loi Egalim et la séparation des activités de vente et de conseil – c’est-à-dire l’interdiction du cumul – s’appliquent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Murielle Lepvraud.
Mme Murielle Lepvraud
Nous nous opposerons au rétablissement de l’article 1er, qui risquerait d’ouvrir une brèche dans le principe de séparation des activités de conseil et de vente de pesticides. Le déport ne suffira pas puisqu’il n’empêche pas le lobbying avant les votes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
Nous soutiendrons évidemment les amendements identiques et le rétablissement de l’article 1er. L’enfer est pavé de bonnes intentions. La séparation des activités de conseil et de vente, qui était acceptable en 2018 lors de l’adoption de la loi Egalim, a eu des effets pervers. La mission flash sur le bilan de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques, menée par Dominique Potier et Stéphane Travert pour la commission des affaires économiques, l’a démontré. Par exemple, les agriculteurs qui s’affranchissent complètement des produits phytosanitaires – je m’adresse notamment aux députés qui défendent ce modèle – sont également affectés, puisque les conseillers ne peuvent plus leur proposer des produits de biocontrôle en raison même de la séparation entre les activités de conseil et de vente – c’est une aberration !
Vouloir supprimer l’article 1er – pourtant essentiel – obéit à une logique complètement dingue, qui consiste à empêcher des gens compétents, qualifiés et reconnus d’accéder à des responsabilités, au nom de leur profession.
Mme Karen Erodi et M. Matthias Tavel
Ça s’appelle des conflits d’intérêts !
M. Julien Dive
C’est pourquoi il me semble pertinent de rétablir l’article, et nous soutiendrons ces amendements.
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Il est fait référence à la loi Egalim, mais je rappelle que la séparation des activités de conseil et de vente est une règle européenne que nous devons respecter – nous ne sommes pas au-dessus des règlements européens.
Rappelons que la majeure partie de l’activité des chambres d’agriculture est avant tout une activité de conseil. Si on autorise des personnes qui vendent des pesticides à faire partie de la gouvernance de ces structures, il sera difficile de séparer le conseil de la vente. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous précisez que les personnes concernées pourront se déporter au moment du vote. Néanmoins, si ces gens-là interviennent pendant le débat, ils influenceront forcément le vote, à moins de leur demander de se déporter dès le début du débat. Sachant que 90 % de l’activité des chambres d’agriculture concerne le conseil, cela signifie qu’ils ne pourront pas participer à beaucoup de débats ! (Mêmes mouvements.)
Ensuite, si un véritable scrutin à la proportionnelle était instauré, permettant d’installer la diversité et la pluralité de la représentation syndicale et des pratiques agricoles, nous n’aurions plus de difficultés à trouver des personnes prêtes à siéger dans les chambres d’agriculture ; en effet, il y a, dans les autres syndicats, beaucoup de gens qui attendent de pouvoir faire partie de la gouvernance de ces structures. (Mêmes mouvements.)
Enfin, si ma proposition d’autoriser des membres de la société civile à siéger aux bureaux des chambres d’agriculture était retenue, ce problème serait très vite réglé : cela permettrait l’expression d’autres acteurs que ceux qui vendent des pesticides au nom des coopératives. (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit
Je vous prie d’excuser ma voix ; j’ai un petit problème de cordes vocales.
Je soutiens les amendements identiques qui visent à rétablir l’article 1er, parce que c’est le cœur même du texte. Les agriculteurs qui sont en mesure de consacrer du temps à la gouvernance des coopératives agricoles et à la vie des chambres consulaires, en particulier des chambres d’agriculture, ne sont pas si nombreux. Soyons reconnaissants envers les agriculteurs et les agricultrices qui s’engagent.
Ensuite, arrêtons ce climat de suspicion permanente vis-à-vis de toutes celles et de tous ceux qui s’engagent. Nous avons connu cela à l’Assemblée nationale il y a quelques années, lorsqu’on reprochait à des gens compétents dans un domaine d’intervenir. Bien sûr, il faut régler la question du conflit d’intérêts.
S’agissant de la loi Egalim, la séparation des activités de vente et de conseil traduisait davantage une séparation capitalistique qu’une réelle volonté d’écarter le technicien qui conseille un agriculteur et lui vend un produit.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons rétablir l’article 1er. Le groupe Horizons & indépendants votera donc ces amendements, afin que la proposition de loi retrouve son corps d’origine.
M. le président
Prenez soin de vous, monsieur Benoit.
M. Antoine Léaument
Il a avalé trop de pesticides !
M. le président
La parole est à M. Jean Terlier.
M. Jean Terlier
Je soutiens évidemment ces deux amendements, qui corrigent une injustice pour le monde coopératif agricole. Prenons l’exemple d’un petit exploitant agricole à Castres qui a décidé de commercialiser ses céréales dans le cadre d’une coopérative agricole, dont il est devenu administrateur. Comme cette coopérative devra demander un agrément pour l’activité de conseil en matière de produits phytosanitaires, il ne pourra pas se présenter aux élections des chambres d’agriculture et siéger dans leurs instances de gouvernance.
M. Antoine Léaument
Il y a un conflit d’intérêts, là !
M. Jean Terlier
Ces deux amendements visant à rétablir l’article 1er vont dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Nous devons les voter, pour la coopération agricole.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Le groupe socialiste défend le rétablissement de l’article 1er. Je ne peux en aucun cas être soupçonné de conflit d’intérêts. Je suis l’un des premiers militants d’une sortie progressive des pesticides. Mon passé de paysan – j’ai exercé trente ans en agriculture biologique, je n’en parle jamais sauf aujourd’hui – et mes engagements divers au sein de commissions d’enquête ou en tant qu’auteur de rapports d’information le montrent.
Ne nous trompons pas de débat. Il est totalement aberrant que les membres des coopératives, qui incarnent l’économie sociale et territoriale, soient exclus de la participation aux bureaux des chambres d’agriculture. Ce sont des chambres consulaires réunissant les acteurs économiques, y compris ceux de l’économie sociale. Cela n’a pas de sens de les exclure.
Ensuite, la séparation du conseil et de la vente est bientôt morte – les véhicules législatifs en cours au Sénat et dans cette assemblée y mettront un terme. De façon unanime, tous ceux qui connaissent le sujet disent que cette séparation était une fausse bonne idée et qu’elle a aggravé la situation. Il faut donc employer d’autres outils. Nous avons formulé des propositions : le conseil agronomique et les CEPP. Je mets en garde contre tout affaiblissement de l’Anses : elle a été le moteur principal du retrait des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR1) et elle a entamé un travail sur les CMR2. Le dialogue doit continuer, mais cette disposition n’affaiblit en aucun cas notre lutte pour un affranchissement progressif des intrants chimiques dans les modèles agricoles et alimentaires.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
N’élargissons pas le débat aux produits phytopharmaceutiques : ce n’est pas le sujet. L’enjeu est de ne pas pénaliser les agriculteurs qui s’investissent dans les coopératives et dans les chambres d’agriculture – nous savons tous combien cet engagement est chronophage. S’agissant du déport, ne créons pas un problème là où il n’y en a pas. La loi est très claire et la jurisprudence constante : les personnes concernées par un sujet ne peuvent participer ni au vote ni aux débats. Les mesures proposées par Mme la rapporteure le formalisent. Le texte garantira le respect de ces dispositions.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 27.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 80
Contre 30
(Les amendements identiques nos 7 et 27 sont adoptés ; en conséquence, l’article 1er est ainsi rétabli.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
Après l’article 1er
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 28, portant article additionnel après l’article 1er.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Il vise à renforcer la transparence des travaux des chambres d’agriculture, comme je m’y étais engagée en commission. Il prévoit que chaque chambre d’agriculture – y compris les chambres régionales et Chambres d’agriculture France – établit un règlement intérieur qui précise les modalités d’application des règles de déport et les conditions de publicité des procès-verbaux de leurs réunions. La publicité obligatoire et systématique des comptes rendus des chambres n’étant actuellement pas réglementée, l’amendement renvoie à un décret le soin de fixer un cadre harmonisé pour l’application de ces règles.
M. le président
La parole est à Mme Françoise Buffet, pour soutenir le sous-amendement no 33 à l’amendement no 28.
Mme Françoise Buffet
Il est rédactionnel.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?
Mme Annie Genevard, ministre
J’émettrai un avis favorable au sous-amendement de Mme Buffet et à l’amendement de Mme la rapporteure, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
(Le sous-amendement no 33 est adopté.)
(L’amendement no 28, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau, pour soutenir les amendements nos 2, 1 et 3, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Benoît Biteau
L’amendement no 2 vise à prévenir les conflits d’intérêts en imposant aux chambres d’agriculture l’adoption d’un règlement intérieur garantissant la transparence. Étant donné que nous avons rétabli l’article 1er en dépit de mes réticences, je vous demande de le voter.
L’amendement no 1 vise à renforcer la transparence des décisions prises au sein des chambres d’agriculture, en encadrant strictement le déport – le dernier mécanisme permettant de séparer la vente du conseil. Afin d’assurer un contrôle citoyen sur le fonctionnement des chambres d’agriculture et de prévenir les conflits d’intérêts, il prévoit la publication systématique des comptes rendus des réunions de leurs organes délibérants, dans lesquels les cas de déport seront explicitement mentionnés.
L’amendement no 3 vise à renforcer l’obligation de déport, prévue à l’article 1er : ce dernier interdit aux administrateurs concernés de participer aux travaux et aux délibérations relatifs aux activités de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques. Il s’agit de prévenir les risques de conflits d’intérêts que pourrait engendrer la coexistence, au sein d’une même instance, de membres exerçant conjointement des activités de vente et de conseil en matière de produits phytosanitaires.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
L’amendement no 2 porte sur deux objets différents. Le pluralisme est certes important, nous pourrions en discuter si vous le souhaitez, mais je ne vois pas le lien avec la prévention des conflits d’intérêts. Ce sujet mérite d’être traité de manière distincte mais ce n’est pas le bon moment pour le faire. Les élections des chambres d’agriculture doivent se tenir prochainement et cela risquerait d’introduire de la confusion dans les débats.
Nous partageons votre objectif de prévenir les conflits d’intérêts. J’ai défendu tout à l’heure un amendement en ce sens. Quant à l’amendement no 1, j’ai défendu à l’instant un amendement qui vise le même objectif : renforcer la publicité des travaux des chambres et la transparence des règles de déport.
M. Benoît Biteau
Vous êtes d’accord avec moi, alors !
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
En ce qui concerne l’amendement no 3, les mesures que nous défendons renforcent déjà suffisamment la transparence des travaux des chambres. Je doute de la pertinence d’un renforcement des sanctions, de la répression et des punitions, alors que nous aidons les chambres d’agriculture pour que les élections puissent se dérouler dans la sérénité. En cas de non-respect des règles de procédure, vous le savez, le représentant de l’administration peut annuler les actes votés par les chambres. Nous avons déjà fait un pas important pour clarifier les règles procédurales et renforcer la publicité des travaux des chambres. Cela devrait limiter les risques de contournement et favoriser l’application effective de la règle de déport. Je suis donc défavorable aux trois amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre
S’agissant de l’amendement no 2, j’émettrai un avis défavorable, sauf si vous décidez de le retirer. (Sourires.) Je vois bien l’intérêt d’un règlement intérieur garantissant la transparence des délibérations et des décisions, mais cela est satisfait par l’article D511-59 du code rural et de la pêche maritime.
S’agissant de l’amendement no 1, l’objectif de renforcer la transparence des décisions – je le partage – est satisfait par l’adoption de l’amendement de Mme la rapporteure. Demande de retrait ou avis défavorable.
Enfin, j’émettrai un avis clairement défavorable sur l’amendement no 3. Le droit prévoit déjà que le non-respect des règles de déport peut entraîner l’invalidation, par la tutelle ou devant le juge, des délibérations prises. Il me paraît donc inutile et disproportionné d’y ajouter des sanctions disciplinaires ou administratives.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je suis également défavorable à l’amendement no 3. Pourquoi avez-vous déposé un tel amendement superfétatoire ? La notion de conflit d’intérêts est bien définie en droit français, et la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de cassation sur le sujet est abondante. Quelle est l’intention de l’amendement ? S’agit-il de susciter un débat ? Pensez-vous que le contrôle de légalité ne s’exerce pas de façon suffisante et que certaines situations de conflit d’intérêts passent sous les radars du contrôle de la justice ?
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
Malheureusement, le mode de scrutin des représentants des chambres d’agriculture est déjà très injuste, et la représentation insuffisante des syndicats non majoritaires au sein de ces instances constitue une source de défiance chez les agriculteurs, de même que les conflits d’intérêts potentiels. Or vous venez de les favoriser en rétablissant l’article 1er, qui autorise les vendeurs de produits phytosanitaires à siéger au sein des bureaux. Pour redonner confiance aux agriculteurs dans les instances qui jouent un rôle fondamental en les représentant, la moindre des choses serait d’exiger la transparence. Comment pourrions-nous nous y opposer ? C’est pourquoi nous soutenons les amendements de M. Biteau.
Les chambres d’agriculture exercent des missions de conseil : les vendeurs de produits phytosanitaires que vous venez d’autoriser à y siéger pourront donc conseiller d’en utiliser davantage.
M. Julien Dive
C’est complètement suspicieux !
Mme Manon Meunier
En agissant ainsi, vous augmentez la défiance des agriculteurs, alors qu’ils ont besoin de se sentir soutenus par les chambres. Dans toute la France, des témoignages d’agriculteurs confirment cette méfiance à l’égard des chambres et des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). Notre responsabilité politique est au contraire d’assurer la transparence : c’est ce que visent ces amendements, que nous voterons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
(Les amendements nos 2, 1 et 3, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 12 rectifié.
Mme Annie Genevard, ministre
J’ai l’honneur de vous présenter au nom du gouvernement un amendement d’importance, qui propose le report d’un an des élections à la chambre de Mayotte et qui vise à ajuster la durée des mandats pour permettre le prochain renouvellement de la chambre à la même date que l’ensemble des autres chambres, en 2031. Cette proposition est motivée par la situation même de Mayotte, qui ne permet pas aux Mahorais d’organiser une élection dans des conditions satisfaisantes, compte tenu de l’état de désorganisation que connaît le territoire.
Les raisons sont également techniques : Chambres d’agriculture France doit en effet passer un appel d’offres pour disposer d’un outil technique permettant la bonne organisation des élections. Cette procédure suppose des délais qui ne peuvent être inférieurs à six mois, c’est pourquoi le report d’un an nous semble utile. Les chambres d’agriculture demandaient même un délai de deux ans, ce qui était constitutionnellement difficile. Le choix d’un an est un bon compromis entre le besoin de disposer d’un délai suffisant pour organiser convenablement ces élections et la nécessité de ne pas réduire trop significativement le mandat.
Je vous remercie donc de bien vouloir adopter cet amendement afin d’organiser dans de bonnes conditions des élections à Mayotte, déjà si durement éprouvée.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Favorable, par solidarité avec Mayotte.
(L’amendement no 12 rectifié est adopté.)
M. le président
Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.
Article 1er bis
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 13 et 29, tendant à supprimer l’article.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Charles Sitzenstuhl
Cet article, créé par la commission, prévoit que le gouvernement remette un rapport évaluant l’opportunité d’adapter les règles d’élection des représentants des chambres d’agriculture en réduisant progressivement la prime majoritaire, pour atteindre un système de représentation proportionnelle.
J’en demande la suppression, ainsi que plusieurs collègues dans cet hémicycle, au moins pour deux raisons. D’abord, comme la rapporteure l’a rappelé lors de la discussion générale, le mode de scrutin n’est pas l’objet de cette proposition de loi. C’est pourquoi nous considérons que cet article n’entre pas dans le champ de nos débats et que la question doit être renvoyée, par exemple, à la loi d’orientation agricole ou à un autre texte relatif à l’agriculture.
La seconde raison est une raison de principe. En effet, légiférer sur le mode de scrutin des chambres d’agriculture alors même que la campagne électorale est en cours pourrait porter atteinte au bon déroulement du scrutin. Imaginerions-nous de légiférer sur le fonctionnement des conseils municipaux ou des conseils départementaux, au cœur de la campagne des élections municipales ou départementales ? Cet article 1er ter ne doit donc pas figurer dans cette proposition de loi, et nous devons reporter cette discussion à un texte ultérieur.
M. le président
Sur l’amendement no 24, que je qualifierais de pyrénéen-atlantique (Sourires), je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Inaki Echaniz
Ce serait dommage de ne pas le voter !
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 29.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Je ne crois pas aux vertus de la multiplication des rapports. Comme je le disais dans mon propos liminaire, tâchons de nous montrer responsables et de limiter les dispositions qui complexifieraient inutilement cette proposition de loi. Limiter le nombre de rapports augmenterait les chances d’un vote du Sénat dans les mêmes termes et une adoption plus rapide du texte. Il nous faut aller vite pour que ce texte déploie toute son utilité
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je veux faire état du débat qui a eu lieu en commission et expliquer pourquoi cette proposition de rapport a été adoptée par la majorité de ses membres. Bien sûr, les amendements relatifs au mode de scrutin des chambres d’agriculture ont été déclarés irrecevables en application de l’article 40 de la Constitution, qu’il s’agisse de leur examen en commission ou en séance. En revanche, comme il s’agit en l’espèce d’une demande de rapport, l’amendement peut être jugé recevable et l’a été.
Par ailleurs, vous avez raison : il est hors de question de prendre une quelconque décision, alors que les élections ont lieu en ce moment même. J’en profite d’ailleurs, comme l’a fait le collègue Potier, pour saluer tous les agriculteurs et toutes les agricultrices, ainsi que tous ceux qui s’engagent dans la campagne pour les élections des chambres d’agriculture. Bravo pour leur engagement, auquel ils consacrent du temps en plus de leur travail, quel que soit le syndicat ou l’obédience qu’ils représentent !
Si cette demande de rapport sur les règles d’élection des représentants des chambres d’agriculture a été adoptée, c’est qu’elle témoigne d’un besoin qui s’est exprimé au sein de la commission – celui d’être davantage éclairé par le gouvernement. Plus globalement, existe aussi le souhait de véritablement légiférer à l’avenir sur la démocratie agricole, la composition des chambres d’agriculture et de toutes les instances agricoles qui n’existent que par l’engagement des agriculteurs et de leurs représentants. Dans cet esprit, un rapport du gouvernement serait le bienvenu pour éclairer les débats futurs. C’est le souhait de nombreux groupes parlementaires qui se sont exprimés en commission.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre
J’étais sur ces bancs il n’y a pas si longtemps…
M. Emeric Salmon
Vous y serez peut-être à nouveau demain !
Mme Annie Genevard, ministre
…et je sais qu’en demandant un rapport, on se fait plaisir : c’est une façon d’effleurer un sujet lorsqu’une disposition a été retoquée en commission. C’est un mode dégradé…
M. Dominique Potier
Vous ne l’avez jamais fait ?
Mme Annie Genevard, ministre
L’honnêteté me pousse à dire que cela m’est arrivé, mais quand même très rarement. (Sourires.) Aucun député ne peut se prévaloir de n’y avoir jamais songé… Sur le fond, la demande de ce rapport est motivée par le problème de la représentativité des chambres. La question se pose, je n’en disconviens pas. Toutes les organisations professionnelles agricoles m’en ont parlé : aucune n’est d’accord sur la solution à apporter. Vous imaginez bien qu’en période de campagne électorale, je n’allais pas ouvrir le débat : vous ne changez pas un mode électoral, ni même ne songez à le modifier, au moment où la campagne pour les élections est engagée. (M. Thierry Benoit applaudit.)
Mme Danielle Brulebois
Absolument !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Nous sommes d’accord !
Mme Annie Genevard, ministre
Le rapport ne se justifie donc pas à ce stade. Dès lors que son principe serait voté, il risquerait d’être un élément de perturbation. L’expérience des quatre derniers mois m’a montré qu’il en faut peu, en ce moment très éruptif ! Donc, ne perturbons pas le processus électoral en cours et laissons de côté cette idée de rapport. Avis favorable à la suppression de l’article.
M. Inaki Echaniz
Et une mission flash ?
M. le président
La parole est à Mme Murielle Lepvraud.
Mme Murielle Lepvraud
Rétablir l’article 1er n’a posé de problème à personne, alors que nous sommes en pleine élection des chambres d’agriculture. En revanche, vous prétendez qu’un rapport qui serait publié dans six mois poserait problème. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avions en effet proposé le délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, au terme duquel le gouvernement remettrait au Parlement un rapport évaluant l’opportunité d’adapter les règles d’élection des représentants des chambres d’agriculture en réduisant progressivement la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête, pour atteindre un système de représentation proportionnelle intégrale. Le délai proposé n’aurait donc eu aucune influence sur les élections, contrairement à certaines dispositions du texte. Il y a donc deux poids, deux mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Même remarque que ma collègue : l’Assemblée vient de rétablir l’article 1er en pleine période électorale, et la proposition d’un rapport sur la réduction de la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête serait problématique ! La difficulté à s’engager, le manque de forces vives pour siéger dans les chambres d’agriculture font que nous en sommes réduits à demander aux membres des coopératives de siéger aussi dans ces chambres. Nous proposons une réponse efficace et pertinente à ce problème : avec la réduction significative de la prime majoritaire dans le scrutin à la proportionnelle, des élus issus d’autres mouvances syndicales obtiendront plus facilement des sièges, et le pouvoir sera moins concentré autour du même syndicat.
Il y a un instant, un collègue me demandait pourquoi j’étais à ce point suspicieux. Je m’intéresse notamment à la question de l’installation en agriculture. Je passe mon temps à recevoir des candidats à l’installation, qui me disent avoir présenté leur projet à la chambre d’agriculture, laquelle a cherché à le formater sur la base d’une vision de l’agriculture qui n’est pas la leur.
Voilà le conflit d’intérêts dont je parle – et, si ça continue, je vais bientôt devoir ouvrir un cabinet d’études pour accompagner des agriculteurs qui devraient l’être par les chambres d’agriculture, mais qui ne le sont pas, parce que la vision de ces dernières entend formater le projet de ceux qui ont une autre façon d’imaginer leur développement agricole. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Le débat que nous avons montre bien que cet article 1er ter, créé par un amendement de La France insoumise, amendement qui n’était pas neutre, ne l’est pas non plus. On le voit bien dans sa rédaction : il prévoit de réduire la prime majoritaire et se donne pour objectif d’atteindre une représentation proportionnelle.
Je n’ai pas compris, madame la présidente, le sens de votre intervention. Vous y avez dit, au début, que vous ne souhaitiez pas interférer avec la campagne en cours ; mais démonstration a été faite, par certains de nos collègues dont vous êtes plutôt proche, que cet article vise bien un objectif politique. Permettez-moi de me répéter : imagine-t-on que, pendant des élections municipales, départementales ou régionales, les députés puissent entreprendre de légiférer et de débattre sur le mode du scrutin de ces élections ? J’y vois un vrai problème de principe. Pourquoi ne pas adopter un rapport, en effet ? Sauf que celui-ci souffre d’un biais qui vise à affaiblir – comme vous l’avez dit, cher collègue Biteau – le système actuel, afin d’aller vers un scrutin proportionnel. Et cela alors qu’une campagne est en cours pour l’élection des représentants dans les chambres d’agriculture. L’Assemblée nationale me semble bien imprudente.
M. le président
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Vous allez un peu loin : il ne s’agit ni d’une mission flash ni de décider, dès aujourd’hui, d’un nouveau mode de scrutin. Comme l’a dit Mme la ministre, tout le monde n’est pas d’accord ; un rapport permettrait d’écrire noir sur blanc les propositions des uns et des autres et d’alimenter ainsi un futur débat. Faute d’un tel rapport, nous allons nous retrouver dans la même situation, dans quelques années, lors du renouvellement des chambres d’agriculture. On nous dira alors qu’il est trop tard pour envisager une réflexion ! Il ne s’agit pas, pour le moment, que chacun se prononce, selon son obédience, sur une rénovation ou non du mode de scrutin, mais simplement d’ouvrir une réflexion avec un rapport qui paraîtra après les élections. (M. Matthias Tavel applaudit.)
Ne pas voter cet amendement de suppression permettra aussi à mon collègue Peio Dufau de défendre l’excellent amendement no 24, émanant d’un territoire cher au cœur de M. le vice-président !
(Les amendements nos 13 et 29 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Peio Dufau, pour soutenir l’amendement no 24.
M. Peio Dufau
Plus que des Pyrénées-Atlantiques, c’est du Pays basque que nous allons parler.
M. le président
Je m’en doutais un peu !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
C’était sûr !
M. Peio Dufau
Cet amendement a pour objet de compléter l’article 1er ter par l’alinéa suivant : « Ce rapport évalue également l’opportunité de procéder à un décompte des voix à l’échelle du canton ainsi que les modalités techniques d’un tel décompte. »
Il s’agit donc bien d’un rapport – on ne parle pas d’obligation. Le but est d’être au plus près des différentes réalités, tant les situations peuvent différer dans un même département. Nous parlons de lisibilité et de cohérence, parce que la communauté d’agglomération du Pays basque a besoin d’éléments pour adapter au mieux sa politique agricole. Or les modèles agricoles du Pays basque et du Béarn étant différents, nous avons aujourd’hui du mal à savoir quel est le poids de chacun de ces deux territoires.
Ce cas se présente également dans d’autres territoires que le nôtre. Nous souhaitons donc pouvoir étudier, grâce à ce rapport, l’opportunité d’un vote donnant une lisibilité par canton – tout simplement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Il s’agit donc, si j’ai bien compris, d’une nouvelle demande de rapport…
M. Inaki Echaniz
Eh non !
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
…– j’ai pourtant bien dit qu’il nous fallait aller vite.
Votre suggestion de décompter le vote par canton ne me paraît pas être une bonne idée. Cela permettrait peut-être de mieux connaître les tendances de vote au niveau local, mais à quel prix ? Le système de décompte est aujourd’hui centralisé au niveau départemental : connaître précisément le décompte par canton conduirait à bouleverser, dans une large mesure, les outils administratifs existants et, surtout, à mobiliser des moyens humains dont les chambres ne disposent pas. Il doit être possible de connaître le taux d’émargement par canton, mais pas le détail des votes.
Cela impliquerait de regrouper les votes de chaque canton, votes par courriers ou votes électroniques, dans des urnes différentes afin de les isoler les uns des autres.
M. Inaki Echaniz
On est en 2025 !
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
C’est un travail gigantesque, pour une utilité limitée. Il faut simplifier : avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre
Je partage l’avis de Mme la rapporteure, au nom de la simplification.
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Nous allons soutenir cet amendement. Il est un peu fort de café d’opposer des arguments d’ordre administratif au raisonnement d’ordre agricole de notre collègue.
Sa logique tend à faire que les dynamiques des projets agricoles et que les volontés des agriculteurs puissent être mieux connues et ainsi mieux entendues. Vous opposez à cela une réponse quelque peu bureaucratique – à front renversé par rapport à ce que vous avez coutume de nous reprocher ! La cohérence devrait vous faire soutenir cet amendement, afin d’être plus proche de la volonté du monde agricole, comme, nous, nous le sommes.
Les élections ont lieu en ce moment même – pour rebondir sur la précédente discussion. La loi ne sera pas promulguée avant que ces élections soient terminées.
M. Charles Sitzenstuhl
Mais précisément !
M. Matthias Tavel
C’est donc le bon moment pour disposer de cette photographie et ouvrir ainsi la discussion sur le mode de scrutin, à la lumière des résultats les plus récents. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Personne ne peut dire aujourd’hui ce qu’ils seront et quelle sera leur traduction dans la présidence des chambres – personne ne peut donc dire qu’ils seront favorables ou défavorables à l’idée qu’il se fait du monde agricole ou à son projet agricole pour le pays. C’est le moment de faire ce rapport afin de savoir, au vu de ces résultats, si un meilleur mode de scrutin ne permettrait pas, à l’avenir, d’être plus à l’écoute du monde agricole, et ne permettrait pas au monde agricole de mieux s’organiser pour relever les grands défis qui l’attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Peio Dufau.
M. Peio Dufau
Je vais aller dans le même sens : il ne s’agit en rien de complexifier mais d’anticiper, de la manière la plus simple possible, pour coller aux réalités des territoires. Les syndicats agricoles, chez nous, vont dans ce sens : c’est leur demande que nous portons ici. (Mme Colette Capdevielle applaudit.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 24.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l’adoption 82
Contre 27
(L’amendement no 24 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
(L’article 1er ter, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)
M. le président
La séance est reprise.
Article 2
M. le président
Sur l’article 2, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 30.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Il vise à rétablir la nécessité d’être à jour depuis au moins six mois de ses cotisations sociales pour être élu délégué de la MSA.
Comme indiqué lors des discussions en commission, la suppression de cette condition entraînerait des effets collatéraux indésirables. Motivée par la volonté d’aider les délégués de la MSA, elle crée en réalité de l’incohérence et de la complexité. En effet, un candidat non à jour de ses cotisations élu délégué de l’assemblée générale ne pourrait pas siéger au conseil d’administration de sa caisse locale, à moins de modifier d’autres dispositions législatives.
Il y aurait donc, ce que je trouve gravissime, deux catégories d’élus : ceux à jour de leurs cotisations et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers ne pourraient prétendre à des responsabilités plus élevées au sein des conseils d’administration de leurs caisses, ce qui constituerait une double peine. Conservons un cadre clair !
Une personne en difficulté financière – croyez que je vois de telles situations dans mon territoire – qui aurait eu recours à la MSA peut bénéficier d’un échéancier de paiement, rester éligible et partager ses connaissances et son expérience des procédures avec ses collègues. Le rétablissement de ce critère n’empêche donc pas les agriculteurs en difficulté d’accéder à des positions électives au sein de la MSA.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre
Il rejoint celui de Mme la rapporteure. En résumé, si l’on n’est pas à jour de ses cotisations dans les six mois précédant les élections, on peut voter ; en revanche, il est impossible de siéger dans les instances dirigeantes, c’est-à-dire au bureau, de la MSA. Avis favorable.
M. le président
La parole est à Mme Murielle Lepvraud.
Mme Murielle Lepvraud
Nous sommes opposés à cet amendement. Il est intéressant que des personnes en difficulté soient élues : elles pourront donner des conseils sur les moyens de faire face à une telle situation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Cette demande est antinomique avec notre débat de tout à l’heure : on ne peut à la fois défendre l’utilité de la présence au sein des bureaux des chambres d’agriculture de présidents et administrateurs de coopératives au motif que l’on risque de manquer de candidats aux élections et exclure ici les agriculteurs en difficulté. (Mme Manon Meunier applaudit.)
Tout le monde s’émeut des difficultés des agriculteurs et convient, la main sur le cœur, qu’il faut les aider. Pourquoi alors écarter les agriculteurs en situation délicate des instances dirigeantes des structures qui sont peut-être – en raison de mauvaises orientations – à l’origine de leurs difficultés, alors même qu’ils pourraient éventuellement, du fait de leur expérience malheureuse, apporter des réponses susceptibles d’aider leurs collègues à ne pas connaître les mêmes problèmes ? On recherche des gens qui militent ; on ne doit pas rejeter ceux qui sont en difficulté et qui peuvent éclairer les autres et leur éviter les mêmes déboires. Je m’oppose donc à cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz
Je ne comprends pas l’attitude et les réactions de nos collègues de l’ancien Nouveau Front populaire.
M. Benoît Biteau
Ce n’est pas grave !
Mme Marie-Christine Dalloz
Cet amendement ne tend pas à empêcher un agriculteur en difficulté de siéger dans les instances de la MSA. Il prévoit simplement qu’il ne pourra participer à la gouvernance, ce qui est logique et légitime et se retrouve partout ailleurs. Pour participer à la gouvernance, il faut être à jour de ses cotisations depuis au moins six mois. Cela n’empêche pas un agriculteur en difficulté qui n’est pas à jour de ses cotisations de siéger dans cette instance – sans participer à la gouvernance – et ni faire état de ses problèmes devant la chambre départementale pour essayer d’en modifier les orientations.
Votre obstination à dire non n’est ni cohérente ni logique compte tenu de l’ensemble des règles applicables à la représentation et à la gouvernance dans la majorité des instances – consulaires ou autres.
Un député du groupe LFI-NFP
C’est vous qui vous obstinez !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 30.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 40
Contre 71
(L’amendement no 30 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 2.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 91
Majorité absolue 46
Pour l’adoption 85
Contre 6
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 32.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Il est rédactionnel et tend à corriger une omission en remplaçant la mention « de l’assemblée générale départementale » par celle « des assemblées générales départementales et pluridépartementales ».
(L’amendement no 32, accepté par le gouvernement, est adopté.)
(L’article 3, amendé, est adopté.)
Article 4
M. le président
Sur l’amendement no 17, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Alexandre Dufosset, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Alexandre Dufosset
Il tend à supprimer l’article. Si nous sommes favorables à la parité (Protestations sur quelques bancs des groupes EPR et LFI-NFP) dans les chambres en général et en l’espèce à la MSA, nous refusons une parité stricte – un homme, une femme, et ainsi de suite.
En effet, selon les derniers chiffres disponibles, qui datent de 2020, 41 % des actifs du périmètre MSA sont des femmes.
M. Jean-René Cazeneuve
Ce n’est pas la parité !
M. Alexandre Dufosset
Dans ces conditions, comment assurer en pratique une stricte parité ?
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
L’article 4 prévoit d’instaurer des listes paritaires pour les élections à la MSA. S’il constitue une avancée importante, son application dès les élections du mois de mai serait facteur de désorganisation. J’y suis donc opposée et je présenterai un amendement reportant son entrée en vigueur aux prochaines élections de la MSA, en 2030.
M. Jean-René Cazeneuve
Excellent !
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
L’article va cependant dans le bon sens, car il existe de nombreuses femmes agricultrices, notamment salariées. Dans ma propre exploitation, nous sommes cinq femmes et un homme. Avis défavorable à l’amendement.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre
Le gouvernement est également défavorable à la suppression de la parité hommes-femmes dans les listes de candidats aux élections du deuxième collège de la MSA. En revanche, il donnera un avis favorable à l’amendement de Mme la rapporteure.
M. Emeric Salmon
Il pourrait y avoir plus de femmes que d’hommes !
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
On reconnaît ici la constance du Rassemblement national, non en ce qui concerne la position de vote sur les administrateurs de coopératives dont nous avons traité à l’article 1er, mais sur la question des femmes dans l’agriculture.
Nous avons déjà eu une longue discussion à ce sujet lors du débat sur la loi d’orientation agricole, et vous n’avez toujours pas compris que les femmes sont omniprésentes dans le monde agricole, même si elles sont invisibilisées en raison de l’inexistence d’un vrai statut. Le statut de conjointe collaboratrice est sous-évalué et n’offre pas suffisamment de reconnaissance de leurs droits. Les femmes sont moins souvent chef d’exploitation. Parce que les outils ne sont pas adaptés, elles doivent s’auto-organiser et mettre en place des instances féminines pour apprendre à les utiliser.
De nombreuses lacunes existent dans nos politiques publiques parce que les femmes ne sont pas représentées au sein des instances de décision agricoles. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.) Et elles ne seront pas représentées tant que la parité ne sera pas souhaitée, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national ! C’est pour cela qu’il est fondamental de faire évoluer la loi en ce sens de manière à ce que les agricultrices soient mieux représentées et que leurs intérêts soient respectés au moment des votes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Nadine Lechon
Je suis là, moi !
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Je vais être bref, car Manon Meunier a très bien exprimé ce que je voulais dire. Nous devons construire des listes « chabadabada » – un homme, une femme, ou une femme, un homme, comme vous voulez – parce que les femmes jouent un rôle déterminant dans l’agriculture, parce que le statut des femmes agricultrices doit être amélioré et que personne ne saura mieux le faire progresser que les femmes qui siègeront dans les instances agricoles.
Je demande donc le respect de la parité à la MSA comme elle existe à l’Assemblée nationale, dans les conseils régionaux, les conseils départementaux et les grandes communes. Dans notre République et notre démocratie, nous avons besoin de l’expression des femmes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
M. Emeric Salmon
À l’Assemblée, la parité n’existe pas !
M. le président
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
J’apprécie beaucoup que le Rassemblement national nous dise être pour la parité, mais pas à hauteur de 50 % ! La parité, c’est par définition 50 % de femmes, et ce n’est pas négociable. (M. Thomas Ménagé s’exclame. – M. Charles Sitzenstuhl lui répond.) Le rapport que vous entretenez avec cette question et la place des femmes dans notre société en dit long sur votre idéologie. (M. Thomas Ménagé s’exclame à nouveau.)
La parité est nécessaire, mais comme nous le savons tous, elle ne peut pas se décréter du jour au lendemain. De plus en plus de femmes sont impliquées dans le monde agricole – dans ma région, c’est notamment le cas des viticultrices, que je salue. L’amendement de la rapporteure est donc pertinent : la parité est un objectif à atteindre, mais on ne peut pas l’imposer à quelques semaines des élections. Fixons l’objectif dans la loi, et donnons-nous du temps pour l’atteindre.
M. le président
Je note que beaucoup d’hommes ont interrompu l’orateur, mais peu de femmes : merci mesdames ! (Sourires.)
Je mets aux voix l’amendement no 17.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 123
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 54
Contre 68
(L’amendement no 17 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 31.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Il faut rester pragmatique. Le temps que le texte soit examiné au Sénat et que la loi soit promulguée, on disposera de moins de deux mois pour constituer les listes électorales en respectant le nouveau critère d’alternance paritaire, la date de dépôt ayant été fixée au 4 mars. Cela pose un vrai risque de désorganisation, alors que l’objectif de cette proposition de loi est de simplifier et faciliter la tenue des scrutins. Si je suis favorable au renforcement de la parité, je ne trouve pas raisonnable de changer les règles si peu de temps avant le scrutin.
M. Jean-René Cazeneuve
Exactement !
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
L’amendement reprend par ailleurs la formule usuelle que l’on retrouve notamment dans le code électoral.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre
Il faut laisser au vivier le temps de se constituer. Les listes doivent être déposées le 4 mars au plus tard ; nous sommes très proches de l’échéance. Si vous n’adoptez pas cet amendement, un problème de prévisibilité se posera. Il faut laisser aux organismes le temps d’anticiper l’application de la parité, principe auquel je souscris. Je l’ai prouvé au moment du débat sur la loi d’orientation agricole en déposant de nombreux amendements afin de faire reconnaître le rôle des femmes dans le monde agricole, qu’elles soient cheffe d’exploitation, salariée ou conjointe collaboratrice. Vous connaissez l’importance que j’attache à cette question.
En 2030, lorsque ces dispositions s’appliqueront si vous adoptez cet amendement, il sera beaucoup plus aisé qu’aujourd’hui de composer des listes paritaires. J’ai rappelé les chiffres, notamment celui des cheffes d’exploitation. Il faut laisser aux femmes le temps de s’approprier pleinement toutes les fonctions représentatives qu’elles peuvent légitimement revendiquer. Ce mouvement ne s’arrêtera pas, mais il faut être raisonnable et ne pas compliquer la tâche de la MSA. C’est la raison pour laquelle la proposition de Mme la rapporteure me paraît sage.
M. Jean-René Cazeneuve
Bien sûr !
Mme Annie Genevard, ministre
Avis favorable.
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Si je comprends les inquiétudes, je pense qu’il ne faut pas sous-estimer la capacité des femmes à se mobiliser si elles sont invitées à le faire. Je ne vois donc pas ce qui empêche de constituer dès maintenant des listes paritaires. Ne pourrait-on pas plutôt décaler d’une semaine la date de dépôt des listes ? Victor Hugo disait qu’on n’arrête pas une idée dont le temps est venu. Proposer dès maintenant des listes paritaires aux élections des délégués MSA est justement une bonne idée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Dufosset.
M. Alexandre Dufosset
L’amendement que je viens de défendre revenait à dire que si nous sommes favorables à la présence de plus de femmes sur les listes électorales des chambres d’agriculture – je salue notre collègue Nadine Lechon, qui est agricultrice et membre éminente des instances syndicales de son département (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) –, nous sommes opposés à une parité stricte – autant de femmes que d’hommes – pour les élections de la MSA, car il n’y a pour l’instant pas suffisamment de femmes pour constituer des listes strictement paritaires.
Les orateurs qui se sont exprimés par la suite nous ont accusés d’être hostiles aux femmes. Or la ministre vient de nous dire qu’il fallait se donner du temps – jusqu’en 2030 – pour permettre aux femmes de se présenter. Mais s’il n’y a toujours pas assez de femmes volontaires en 2030, que ferez-vous ?
Mme Annie Genevard, ministre
On s’appuiera sur la loi !
M. Alexandre Dufosset
Referez-vous passer un texte pour décaler l’application de la parité jusqu’en 2035 ou en 2040 ? Les faits, aujourd’hui, c’est qu’il n’y a pas assez de femmes au sein de la MSA pour constituer des listes strictement paritaires. Imposer une parité stricte aurait pour conséquence une mauvaise représentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Votre argumentation me laisse sans voix. Il y a quelques minutes, vous proposiez la suppression pure et simple de la parité,…
Plusieurs députés du groupe RN
Non !
Mme Annie Genevard, ministre
…et maintenant que nous la proposons, mais avec un souci de bonne exécution, vous voilà devenus défenseurs de la parité – c’est extraordinaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Très bien ! Bravo !
M. le président
La parole est à M. Julien Rancoule.
M. Julien Rancoule
La parité stricte n’est pas de mise pour les élections professionnelles : les listes sont censées respecter la proportion d’hommes et de femmes au sein de l’entreprise. Quand une entreprise emploie plus de 50 % de femmes, le comité social et économique (CSE) doit également réunir plus de 50 % de femmes. Il est donc logique de s’adapter à l’activité, au modèle de l’entreprise. Il n’y a rien d’incohérent à ce que les représentants soient représentatifs des équilibres de la filière. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 31 est adopté.)
M. le président
Sur les amendements no 4 rectifié, 15 rectifié et 5 rectifié, je suis saisi par le groupe Écologiste et social de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
(L’article 4, amendé, est adopté.)
Après l’article 4
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau, pour soutenir l’amendement no 4 rectifié.
M. Benoît Biteau
Je reviens sur une idée qui me tient à cœur, et que j’ai évoquée lors de la discussion générale – étendre à la société civile la gouvernance des chambres d’agriculture. Revenons aux fondamentaux : l’agriculture consiste à produire de la nourriture pour nos concitoyens et nos concitoyennes tout en dégageant des revenus suffisants pour les agriculteurs. Il s’agit d’un secteur stratégique, que l’on parle de dérèglement climatique, d’effondrement de la biodiversité ou de santé.
Les chambres consulaires lèvent l’impôt ; elles ont à faire avec l’argent public. Le monde agricole est aussi largement soutenu par l’argent public – que l’on songe aux enveloppes de la PAC, la politique agricole commune. Par conséquent, il convient de convoquer l’expertise de la société civile sur ces sujets sensibles et stratégiques. Les chambres d’agriculture doivent répondre aux attentes des citoyens et de la société.
Je propose donc que nous renforcions la légitimité des chambres d’agriculture – car c’est aussi le sujet – en ouvrant les instances de gouvernance à des représentants de la société civile. Les chambres d’agriculture pourront ainsi préparer l’avenir du secteur en plaçant les sujets de l’alimentation, du climat, de la santé et de la biodiversité au cœur de leurs réflexions. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Vous demandez au gouvernement un rapport sur l’opportunité de renforcer la représentation de la société civile dans les chambres d’agriculture. Il s’agit d’un amendement d’appel dont je comprends l’objectif. C’est un débat pertinent,…
M. Benoît Biteau
Merci !
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
…mais cette disposition n’a pas sa place dans ce texte. Il existe déjà une possibilité pour que des représentants de la société civile siègent dans les chambres d’agriculture – aux chambres de s’en saisir. C’était le cas de celle où j’évoluais dans les années 2000 : nous pouvions compter sur la participation de plusieurs associations représentant les consommateurs, les collectivités ou l’industrie agroalimentaire, ainsi que d’une association environnementale. Votre objectif est d’aller plus loin, mais il faudra en discuter dans un autre cadre.
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre
Les chambres d’agriculture ont à penser l’agriculture dans un périmètre géographique circonscrit – département, région. Avec votre amendement, vous pourriez laisser à penser que les agriculteurs sont indifférents aux demandes de la société. Pour bien les connaître, je suis de l’avis inverse ; je les crois au contraire très attentifs aux exigences de la société. Ils ont compris que les Français souhaitaient une bonne traçabilité des produits et que la diminution des produits phytosanitaires était une attente partagée de la société.
Le monde agricole s’adapte à ces exigences, parfois dans la douleur. C’est la raison pour laquelle je trouve inutile, voire problématique, de créer un collège supplémentaire, car cela ferait peser sur eux un soupçon d’indifférence aux attentes de la société. Alors qu’ils s’interrogent sur le sens même de leur travail, si souvent remis en cause, ce serait l’expression d’une marque de défiance, comme si la société civile était plus légitime qu’eux pour déterminer quelle orientation donner à leur métier ! Je suis absolument défavorable à cet amendement.
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Madame Le Peih, la société civile a certes déjà voix au chapitre dans les chambres d’agriculture, mais cet avis n’est que consultatif, les représentants de la société civile n’ayant pas le droit de vote. C’est un grave écueil.
Madame la ministre, vous dites que les agriculteurs sont conscients des attentes de la société et des citoyens. Vous avez sûrement raison. Je suis moi-même agriculteur et j’entends ces attentes. Mais c’est précisément parce que les agriculteurs y sont sensibles qu’ils doivent ouvrir la gouvernance de leurs chambres consulaires. Ils ne devraient avoir aucune difficulté à débattre, à se projeter avec les citoyens et la société civile pour coconstruire l’avenir de l’agriculture – j’aime beaucoup la notion de coconstruction.
Votre réponse comporte un angle mort, que j’évoque souvent. L’agriculture est une activité soutenue par l’argent public. Prendre en compte les attentes de la société, des citoyens et par conséquent des contribuables, est donc important et même incontournable. Je ne pense pas simplement à la politique agricole commune, mais aussi aux enveloppes publiques que nous consacrons à la réparation des ressources vitales, comme l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons et la biodiversité, qui est menacée. Pour toutes ces raisons, je plaide pour que les citoyens ne soient pas simplement consultés, mais qu’ils aient un vrai pouvoir décisionnaire pour construire le projet agricole de demain. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je suis très étonné et même un peu choqué par la démonstration de notre collègue Biteau.
L’idée serait de mieux représenter ce que vous appelez la société civile au sein des chambres d’agriculture. La rapporteure vous a répondu que c’était déjà possible et que c’était d’ailleurs le cas dans un certain nombre de chambres.
Ensuite, vous avez repris la parole pour déclarer que votre objectif était de permettre à ce que vous appelez la société civile de constituer un collège spécifique qui lui donnerait un droit de vote au sein desdites chambres. Or ce n’est absolument pas la raison d’être des réseaux consulaires : les chambres d’agriculture, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres de métiers et de l’artisanat sont des établissements publics de représentation de professions.
Par conséquent, à quel titre les représentants de ce que vous appelez la société civile auraient-ils le droit de vote sur des questions qui intéressent une profession ? Les chambres d’agriculture représentent le monde agricole au sens large. La société civile, elle, est représentée au sein du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser). Quant à la société en tant que telle, elle est représentée ici, à l’Assemblée nationale, ou au sein des conseils municipaux.
Je m’interroge sur le saut que vous avez fait dans votre raisonnement et sur la conception que vous avez des chambres d’agriculture.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Nous partageons les objectifs de notre collègue Biteau : il faut aller vers l’agroécologie, à savoir une agriculture qui protège l’environnement – c’est du reste la garantie même de sa productivité demain. Toutefois, les socialistes n’approuvent pas les voies qu’il propose pour y parvenir.
C’est une question de démocratie. Les institutions consulaires remontent à la Révolution française et sont consubstantielles à la République : les corporations s’organisent pour s’administrer – de façon subsidiaire – au sein de la République. Les lieux de la République sont ailleurs. C’est par exemple celui où toutes les parties prenantes discutent du projet alimentaire territorial, dans une communauté de communes, un département ou une région, ou celui de la redevabilité à l’État, lequel est garant de la saine alimentation et du respect du code de l’environnement.
La confusion d’une agora permanente où tout le monde dirait tout et rien, non ! La fonction consulaire a sa propre noblesse. L’État n’a d’ailleurs pas été à la hauteur ces dernières années, et même ces dernières décennies, en ce qui concerne l’exigence et la clarté des résultats que doivent obtenir les chambres dans leur mission de développement. Il y a d’autres lieux où le monde consulaire peut être confronté aux collectivités territoriales – je pense aux Ceser. Ne confondons pas tout ; clarifions la démocratie et renforçons nos institutions.
M. le président
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
Quelle idée saugrenue que de considérer que les agriculteurs ne seraient pas la société civile ! Par essence, ils incarnent la société civile. J’en veux pour preuve qu’un agriculteur qui ne ferait pas de politique et qui serait élu député serait considéré comme provenant de la société civile.
Ensuite, je mets en garde contre toute espèce d’ingérence que laisse craindre cet amendement. Il vise en effet à ouvrir la porte des chambres d’agriculture à des acteurs qui ne sont pas concernés par l’accompagnement des agriculteurs – car il ne s’agit pas de définir l’agriculture de demain, rôle qui revient au Parlement. Les chambres d’agriculture sont là pour identifier et accompagner ceux qui se trouveraient en situation de défaillance.
Enfin, il ne s’agit pas d’un amendement de M. Biteau, mais de celui du réseau Le Lierre, ce que notre collègue a du reste l’honnêteté de préciser dans l’exposé sommaire.
M. Benoît Biteau
Absolument !
M. Julien Dive
C’est donc un amendement de militants qui cherchent, ni plus ni moins, à intégrer les chambres d’agriculture. Nous disons clairement non ! (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 4 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 130
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 20
Contre 104
(L’amendement no 4 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Patrice Martin, pour soutenir l’amendement no 15 rectifié.
M. Patrice Martin
Il a pour objet de renforcer la représentativité des exploitations agricoles individuelles et des petites exploitations au sein des instances de gouvernance des chambres d’agriculture.
Les exploitants concernés, essentiels au dynamisme des territoires ruraux, disposent souvent d’un poids limité dans les décisions qui affectent directement leurs activités. Or la faiblesse de leur représentation peut entraîner une insuffisante prise en compte de leurs spécificités économiques et sociales. Ce déséquilibre risque à terme de fragiliser la diversité agricole et le développement des territoires ruraux.
Nous devons ouvrir une réflexion sur des mécanismes concrets tels que la création de collèges électoraux spécifiques ou l’adaptation des règles de scrutin afin de garantir une gouvernance agricole plus équilibrée, attentive aux enjeux des petites structures. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Vous demandez de nouveau un rapport. Je reconnais que le sujet est sérieux et problématique : j’ai moi-même été élue dans une chambre d’agriculture, dans les années 2000, pour représenter une petite structure familiale pratiquant la vente directe et les circuits courts, et ce n’était pas simple. Je ne peux toutefois prendre le risque d’une prolongation du débat alors que le temps nous est compté. Je donne donc pour l’heure un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre
Je souscris sans équivoque à l’avis défavorable de Mme la rapporteure. L’amendement propose la remise d’un rapport sur la pertinence duquel on peut s’interroger. Surtout, au fond, vous considérez qu’il y a d’un côté les petits et de l’autre les gros. C’est introduire l’idée que l’agriculture française serait clivée entre grands et petits exploitants et qu’il faudrait corriger par la loi une injustice. Je condamne cette conception, d’abord parce que nous avons besoin des uns et des autres, ensuite parce que l’agriculture française, à la différence de tous les autres modèles européens, laisse une large place à des exploitations de dimension familiale – la meilleure preuve en est que la ferme des mille vaches n’a jamais pris en France, car elle n’est pas dans notre ADN, dans notre histoire. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Bref, l’idée qui sous-tend l’amendement ne me paraît pas opportune.
M. le président
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit
Je suis de l’avis de Mme la ministre. Ce dont les chambres consulaires ont besoin, en particulier les chambres d’agriculture, ce n’est pas de collèges supplémentaires. Une chambre d’agriculture doit être au service de toutes les formes d’agriculture. Ce dont les chambres ont besoin, Dominique Potier l’a rappelé, c’est d’une feuille de route claire, coconstruite par les pouvoirs publics, l’État et la chambre elle-même.
Une fois que les chambres seront renouvelées, vous devriez, madame la ministre, leur indiquer le sens dans lequel doit aller l’agriculture française. (M. Dominique Potier applaudit.) Ce ne sont pas des collèges électoraux spécifiques qui permettront de représenter toutes les subdivisions de la profession, c’est une feuille de route claire qu’il faut !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Cette discussion est très intéressante et je souscris totalement à votre propos, monsieur Benoit. Depuis quatre mois, je gère les urgences et ne fais quasiment que cela. Nous sommes en plus dans un contexte électoral qui exacerbe les tensions. Je dis souvent aux organisations professionnelles agricoles (OPA) qu’il me tarde d’être sortie de cette séquence des urgences et des élections pour parler d’agriculture, de l’avenir de l’agriculture. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR.) J’avance toujours l’argument suivant : vous connaissez des difficultés immenses, vous avez vécu un été épouvantable – qu’il s’agisse des crises sanitaires ou des crises de rendement, on a tout eu et nombre de nos agriculteurs sont en très grande difficulté –, mais nous avons le devoir de ne pas éteindre le désir de la jeunesse de s’engager dans les métiers agricoles.
C’est pourquoi nous sommes dans l’ardente obligation de lui donner des perspectives. C’est ce travail que j’attends avec impatience de pouvoir faire avec nos agriculteurs. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
M. Dominique Potier
Et avec nous !
M. le président
La parole est à M. Alexandre Dufosset.
M. Alexandre Dufosset
Je pense que vous n’avez pas très bien compris l’amendement, madame la ministre. Notre excellent collègue Patrice Martin constate qu’il existe plusieurs formes d’exploitations agricoles en France : certaines sont familiales et disposent de peu de surface, de peu de moyens – j’en viens peut-être –, d’autres sont de grosses exploitations. Ce point de la discussion me fait penser à notre débat sur les grosses communes qui sont très bien représentées au sein des communautés d’agglomération, à l’inverse des petites communes, des communes rurales, qui souffrent d’une insuffisante représentation. Notre collègue ne propose pas de réparer une injustice, mais de s’assurer qu’on n’en crée pas une : nous voulons que les petites exploitations puissent s’exprimer comme elles en ont le droit.
Mme Annie Genevard, ministre
Mais elles le peuvent déjà !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 15 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 119
Majorité absolue 60
Pour l’adoption 51
Contre 68
(L’amendement no 15 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau, pour soutenir l’amendement no 5 rectifié.
M. Benoît Biteau
Il revient sur la parité entre les hommes et les femmes. Nous avons bien compris qu’il ne sera pas possible de l’appliquer pour les prochaines élections des chambres d’agriculture, puisque nous sommes – jusqu’au 31 janvier – en pleine période électorale. Nous avons bien compris, compte tenu des votes de tout à l’heure, qu’elle n’entrerait pas en vigueur au sein de la MSA cette année. Je tiens toutefois à partager avec vous un constat. Aux dernières élections des chambres d’agriculture, pour 4 051 élus, on ne comptait que 1 100 femmes, soit 17 %. De plus, seulement 8 % des présidences sont occupées par des femmes. C’est considérer que les femmes ont un rôle mineur à jouer dans le développement agricole !
Si le coup est parti pour les élections de 2025, le présent amendement vise à corriger le tir dès à présent, de façon à assurer une vraie représentation des femmes au sein des structures représentatives de l’agriculture et à refléter la féminisation globale du monde agricole, sans se limiter à la gouvernance. Les femmes peuvent nous encourager à adopter des mesures visant à adapter le matériel agricole à leur travail, à les inciter à poursuivre des études dans les filières agricoles, ou encore à mettre un terme aux inégalités salariales qui touchent d’ailleurs tous les corps de métiers – le salaire moyen des femmes, dans l’agriculture, est de 29 % inférieur à celui des hommes.
Pour corriger toutes ces inégalités, il nous faut améliorer la représentation des femmes au sein des chambres d’agriculture. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Vous avez raison, monsieur Biteau : la parité, c’est la vraie question en ce qui concerne les instances représentatives agricoles. Nous avons d’ailleurs permis une avancée importante au sein du collège des salariés de la MSA. Il faut toutefois examiner les chiffres : même si elle augmente légèrement depuis dix ans, la proportion de femmes chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole reste inférieure à 25 %.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Évidemment !
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Ce taux peut varier en fonction du contexte local. En 1990, quand je me suis installée, nous étions 35 % de femmes agricultrices en Bretagne – chiffre qui est descendu à 29 % actuellement. Gardons par conséquent à l’esprit que l’objectif premier de la proposition de loi est de simplifier et de faciliter la tenue des prochaines élections. Je ne suis donc pas convaincue, à ce stade, de l’intérêt de demander un rapport sur la question. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre
Je suis également défavorable à cette demande de rapport sur la parité. Ce qui fait véritablement avancer la cause des femmes, c’est par exemple le Gaec – groupement agricole d’exploitation en commun – entre époux. Voilà une disposition qui a réellement fait avancer la cause des femmes en agriculture !
M. Vincent Descoeur
Exact ! C’est bien plus utile !
Mme Annie Genevard, ministre
Ce n’est pas un rapport susceptible de vous donner bonne conscience sur le sujet qui modifiera en profondeur la représentativité des femmes en agriculture.
M. Vincent Descoeur
Nous voulons des décisions, pas du blabla !
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
Les chambres d’agriculture ont pour objectif, entre autres, l’installation de nouveaux agriculteurs. Je rappelle que d’ici à 2030, la moitié des agriculteurs partiront à la retraite. Nous aurons donc besoin de tout le monde pour renouveler les installations.
Or devinez quoi : parmi les porteurs de projets, il y a beaucoup plus de femmes qui abandonnent que d’hommes, parce qu’elles rencontrent des blocages dans leurs parcours, parce qu’à la banque, on doute de leur réussite, parce que les choses ne sont pas pensées pour les projets agricoles vers lesquels elles se tournent.
Pourquoi ? Parce qu’encore une fois, elles ne sont pas représentées. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Jérôme Nury
Aucun rapport !
Mme Manon Meunier
C’est pour cette raison que la représentation importe. Nous allons avoir besoin que ces femmes s’installent comme agricultrices pour assurer le renouvellement des générations agricoles. La diminution du nombre d’agriculteurs que nous subissons depuis plusieurs décennies est avant tout une perte d’agricultrices. Parce qu’elles sont parties exercer d’autres métiers, nous avons perdu davantage de femmes que d’hommes. Nous ne pourrons les retrouver que si elles se sentent représentées. (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Si vous constatez une évolution négative du nombre de femmes dans les métiers de l’agriculture, c’est probablement parce que les outils, les projets, les perspectives dans ces métiers ne sont pas suffisamment adaptés pour elles.
Si l’on veut tout organiser pour que les femmes s’adaptent à ces métiers, dans lesquels elles sont souvent déterminantes, il faut leur ouvrir les portes de la gouvernance des structures dans lesquelles est imaginé l’avenir du métier d’agriculteur.
On ne peut pas constater une dynamique négative et continuer à leur fermer la porte de la gouvernance, qui est justement un moyen d’encourager au mieux une agriculture qui leur serait adaptée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Marie-José Allemand.
Mme Marie-José Allemand
Je suis agricultrice. Vous m’excuserez, madame la rapporteure, madame la ministre, mais j’ai honte des propos que vous avez tenus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.)
Si nous n’avions pas légiféré pour instaurer la parité dans les conseils municipaux, aucune femme ne se serait sentie capable d’affronter l’élection et d’y aller. (Mêmes mouvements.)
Mme Colette Capdevielle
Tout à fait !
Mme Marie-José Allemand
Je suis désolée, mais il faut effectivement légiférer pour que les femmes aient le droit de se sentir représentées. (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
Nous discutons d’un rapport. Je remercie notre collègue Biteau, que je veux rassurer, d’avoir pris l’initiative de cet amendement d’appel. J’ai une bonne nouvelle à lui annoncer : son amendement est satisfait.
M. Benoît Biteau
Ah ! Il suffisait simplement de demander !
M. Julien Dive
Hier, à l’occasion d’un débat auquel je participais dans le cadre du CoFarming, un rapport sur la place des femmes – y compris dans les structures de gouvernance – m’a été remis par le think tank Agridées. Il s’agit d’une note rédigée par Gabrielle Dufour, qui m’en a remis un exemplaire.
C’est avec plaisir que je la transmettrai à notre collègue Biteau, qui pourra constater que son amendement est satisfait. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
Mme Manon Meunier
C’est au gouvernement que l’on demande un rapport !
M. le président
La parole est à Mme Constance de Pélichy.
Mme Constance de Pélichy
Je suis profondément féministe, mais considérer la place des femmes dans l’agriculture uniquement sous l’angle de la gouvernance des instances, c’est regarder par le petit bout de la lorgnette. Nous devons absolument travailler sur les freins à l’accès à l’agriculture pour les femmes.
La MSA a publié en novembre un Livre blanc très intéressant sur le sujet. Se focaliser uniquement sur la gouvernance, c’est oublier un grand nombre de sujets, dont la garde d’enfants ou le congé maternité. Énormément de sujets font que les femmes ne sont pas suffisamment nombreuses dans l’agriculture. Nous ne devons pas nous limiter à la question de la gouvernance.
M. le président
La parole est à Mme Françoise Buffet.
Mme Françoise Buffet
Atteindre la parité se fait en empruntant un long chemin, quelles que soient les professions.
J’ai moi-même grandi dans un milieu agricole. On y était d’abord femme d’agriculteur, avant d’être soi-même agricultrice. Ce fut le cas pour une majorité de femmes d’agriculteurs, parce qu’il est difficile de pratiquer ce métier seul.
M. Benoît Biteau
Non !
Mme Françoise Buffet
L’accès au foncier a été beaucoup plus compliqué pour les femmes, parce que les agriculteurs faisaient hériter leur fils, et non leur fille – que l’on imaginait d’emblée rester à la maison ou exercer une profession en ville.
Mme Karen Erodi
Aucun rapport !
Mme Françoise Buffet
C’est un long chemin que nous empruntons pour atteindre la parité, car c’est un objectif que nous partageons tous, mais le faire dans l’urgence, en pleine élection, c’est impossible.
M. le président
La parole est à Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle
L’intérêt de l’amendement déposé par notre collègue est de permettre aux femmes, particulièrement invisibles dans cette discussion jusqu’à présent, d’intervenir. Vous l’avez souligné, monsieur le président, il s’agissait jusque-là d’un débat éminemment masculin. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI-NFP.)
Je me suis demandé à un moment si j’étais bien en 2025, ou si j’étais revenue dans les années 1970 (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN), lorsqu’on discutait encore de la parité, qu’on estimait que nous devions seulement être des quotas et qu’on trouvait toutes les bonnes excuses pour éviter la parité.
J’ai eu le sentiment de voyager dans le passé,…
M. Thomas Ménagé
Ce n’est pas étonnant, venant d’une socialiste !
Mme Colette Capdevielle
…dans les années 1980 et 1990, durant lesquelles on nous opposait toujours les mêmes arguments pour éviter la parité : « Ce n’est pas possible », « Il faut lever les véritables freins ». (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI-NFP.)
Or il apparaît que c’est grâce à l’obligation de parité que les femmes ne sont plus invisibles (Mme Manon Meunier applaudit), qu’elles peuvent intégrer ces instances. C’est chaque fois pareil. Finalement, on se rend compte que c’est devenu possible partout où l’on pensait que ça ne l’était pas : dans les conseils d’administration, dans les conseils municipaux, dans les conseils départementaux.
Malheureusement, c’est ici que nous sommes le moins bien représentées, puisque nous sommes loin de la parité.
M. Thomas Ménagé
Il y a 34 % de femmes dans votre groupe parlementaire !
Mme Colette Capdevielle
Je suis très étonnée que deux femmes, la rapporteure et la ministre, tiennent un discours aussi rétrograde, pour ne pas dire ringard, qui nous renvoie dans le passé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.)
Je ne suis pas agricultrice, mais je les soutiens. Je leur dis même : bravo, mesdames ! Vous avez toute notre solidarité, parce qu’il y a encore du chemin à faire ! (Mêmes mouvements.)
M. Thomas Ménagé
Gardez la parité pour vous !
M. Pierre Pribetich
Osez la parité !
M. Gaëtan Dussausaye
D’abord dans votre groupe !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 5 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 42
Contre 94
(L’amendement no 5 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Explications de vote
M. le président
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive (DR)
J’insistais tout à l’heure à la tribune, au nom de mon groupe, pour que cette proposition de loi trouve une issue favorable. Nous avons obtenu le rétablissement de l’article 1er, essentiel à la restauration de l’équité, notamment pour les agriculteurs engagés dans leur vie professionnelle qui n’auraient pu siéger dans les instances pour des raisons tenant à l’application de la loi Egalim 1. C’est un sujet sur lequel nous reviendrons.
Je regrette cependant que nous ayons adopté un article qui ne permet pas d’aller au fond des choses et qui compromet la perspective d’un vote conforme au Sénat.
Nous sommes dans une période importante ; Mme la ministre rappelait que depuis quelques mois, elle est la ministre des urgences. Voilà un an que nous devons des réponses au monde agricole. Nous nous efforçons de les apporter au travers de lois, notamment la loi d’orientation agricole, du débat budgétaire ou de propositions de loi qui ont été déposées au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Dans l’urgence, nous sommes contraints par le temps que nous pouvons consacrer à ces réponses. Il est donc regrettable que ce texte compromette l’espoir d’un vote conforme au Sénat, parce que cela nous aurait permis de gagner beaucoup de temps. Nous le soutenons néanmoins pleinement. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau (EcoS)
Pour des raisons exactement contraires à celles retenues par Julien Dive, nous ne pourrons pas voter ce texte. Le rétablissement de l’article 1er ne répond pas vraiment à la vision que nous avons de l’évolution de la démocratie en agriculture.
Il y avait des solutions alternatives, qui s’appuyaient notamment sur un mode de scrutin proportionnel limitant la prime majoritaire. Puisque le rétablissement de l’article 1er a été justifié par une crise de l’engagement dans les chambres d’agriculture, il aurait été possible d’élargir la parité, ou tout du moins de la satisfaire et de laisser les femmes participer à leur gouvernance. Cela aurait permis d’assurer les conditions d’une agriculture qui sache mieux accueillir les femmes.
Pour ces raisons, mais aussi parce que ce texte ne va pas assez loin et qu’il ne règle pas les problèmes qui empêchent l’agriculture de se réinventer, je propose que nous votions contre. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac (LIOT)
Le groupe LIOT votera pour ce texte et il se félicite du rétablissement de l’article 1er, qui permettra aux administrateurs des coopératives agricoles de continuer à siéger dans les bureaux des chambres d’agriculture. C’est important pour l’équité démocratique. Nous devrons rediscuter de la séparation entre les activités de conseil et de vente.
Nous nous félicitons aussi que la demande d’un rapport sur le changement des règles de représentativité – rapport évaluant l’opportunité de les adapter en réduisant progressivement la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête pour atteindre un système de représentation proportionnelle intégrale – ait été adoptée. Cela offrira l’occasion d’en débattre à nouveau dans les prochaines années.
Il y a également un enjeu de démocratie dans la meilleure représentativité des syndicats agricoles au sein des chambres d’agriculture.
Concernant la MSA et l’obligation d’être à jour dans les cotisations dont nous avons discuté, je rappelle que dans certains territoires, notamment le Sud-Ouest, il y a une importante crise agricole, en particulier dans la viticulture. Dans le Gers, 40 % des viticulteurs sont en très grande difficulté, proches du dépôt de bilan. Ils ne pourront probablement pas être à jour de leurs cotisations.
Comment espérer une bonne représentativité au sein des MSA si 40 % des membres d’une profession ne pouvaient se présenter aux élections ?
Cela nous amène au sujet de la santé financière de nos exploitations agricoles et de ce que nous souhaitons pour notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
M. le président
La parole est à Mme Françoise Buffet.
Mme Françoise Buffet (EPR)
Nos débats ont montré notre attachement unanime aux instances démocratiques de notre agriculture, bien que nous n’empruntions pas tous le même chemin.
Je me réjouis également du rétablissement de l’article 1er de la proposition de loi, dont les dispositions corrigeront celles de la loi Egalim en autorisant à nouveau les administrateurs des coopératives agricoles à siéger dans les instances de gouvernance des chambres. C’est un article de bon sens.
Nous avons également discuté longuement de l’usage des produits phytopharmaceutiques. Le débat reste entier, mais il n’avait pas sa place ici.
Je me félicite que nous ayons rétabli la condition d’être à jour de ses cotisations sociales depuis au moins six mois pour être élu délégué de la MSA.
L’article 4, dont nous avons beaucoup débattu, tend à instaurer la parité dans l’établissement des listes pour les élections de la MSA tout en reportant à 2030 son entrée en vigueur, pour de nombreuses raisons, au premier rang desquelles l’imminence des prochaines élections. Ce report est une sage décision.
La proposition de loi ne prétend pas redéfinir la démocratie au sein des instances agricoles, mais elle y apporte des ajustements utiles et nécessaires. Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe votera pour ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Murielle Lepvraud.
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP)
Nous voterons contre ce texte, puisque nous restons fermement opposés à ce que les vendeurs de produits phytosanitaires puissent siéger dans les instances des chambres d’agriculture. Les efforts de transparence et la règle du déport ne seront malheureusement pas suffisants pour empêcher des conflits d’intérêts et l’influence de certains sur les votes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Je regrette particulièrement que Mme la rapporteure et Mme la ministre se soient opposées aux amendements visant une meilleure prévention de ces conflits d’intérêts.
Les avancées que nous avons obtenues sont trop timides : la parité n’entrera en vigueur qu’en 2030 et nos débats ont été l’occasion de constater qu’il restait beaucoup à faire à ce sujet (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), tandis que le scrutin proportionnel pour les élections aux chambres d’agriculture sera seulement étudié dans un rapport – sans garantie de résultat.
Nous devons désormais mener le chantier d’une véritable représentation de l’ensemble du monde agricole dans les chambres et nous y travaillerons avec les paysannes et les paysans. En attendant ce travail pour une meilleure représentativité et pour une véritable démocratie agricole, mon groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier (SOC)
Comme il l’avait annoncé dès son examen en commission, le groupe Socialistes soutient ce texte. De nature technique, celui-ci doit être dédramatisé, d’autant qu’il est discuté alors que les élections sont en cours. On ne peut dès lors changer les règles des élections, mais seulement les adapter pour mieux prévenir les conflits d’intérêts et pour faire évoluer le périmètre des élections à la MSA.
Mme Karen Erodi
Seulement au siècle prochain, monsieur Potier !
M. Dominique Potier
Par ailleurs, ce débat a été intéressant : il a ouvert des horizons de progrès démocratique que nous avons bien identifiés. Il s’agit de mieux représenter l’ensemble des travailleurs de la terre, notamment les salariés, d’assurer une meilleure représentation des femmes dans les instances de gouvernance et de veiller à l’amélioration du pluralisme.
Afin que nous ne nous trompions pas de débat, laissez-moi vous rappeler ce qui nous tient à cœur. Il y a une semaine, j’assistais aux vœux des chambres d’agriculture, en compagnie de quelques élus socialistes. Madame la ministre, vous avez hâte que les élections se terminent – chacun a pu constater que le monde agricole était actuellement traversé d’une certaine nervosité –, mais sachez que nous partageons ce sentiment, car les réponses que vous faites aux syndicalistes nous font peur ! Il en est de même de la déclaration du premier ministre au sujet de l’OFB : même si, pour ma part, je ne comparerais jamais les agriculteurs à des dealers, les propos qu’il a tenus sur ces fonctionnaires, qui ne font qu’appliquer nos lois, n’étaient pas à la hauteur.
Vos propres positions nous paraissent très inquiétantes, notamment celle remettant en cause la liberté de mission de l’Anses. Enfin, les mises en cause d’autres institutions, comme l’Agence bio, nous terrifient.
Il est grand temps que nous refusions les pressions, que nous résistions à la démagogie, qu’elle soit professionnelle ou politique, que nous retrouvions la raison et que nous nous consacrions aux vrais chantiers – la consolidation de nos institutions et l’ouverture de lieux de dialogue – pour que l’agriculture puisse relever ses deux principaux défis, l’adaptation au changement climatique et le renouvellement des générations.
Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour examiner, à l’initiative du groupe Socialistes, une proposition de résolution européenne portant sur l’accord avec le Mercosur, en vue d’obtenir de vraies mesures miroirs. J’espère également vous proposer un autre rendez-vous cette année, celui d’une grande loi foncière qui permettra le renouvellement des générations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne (GDR)
Je voterai ce texte, mais sans lui accorder plus d’importance qu’il n’en a. On peut considérer qu’il est inaccompli et qu’il doit être complété par d’autres avancées, permettant plus de démocratie au sein des organismes agricoles.
Restons attentifs à ne pas diaboliser une profession dans nos interventions respectives : sachons manier les mots avec une certaine retenue. Je rappelle souvent qu’en France, nous avons la chance d’avoir des coopératives de formes différentes, mais que nous avons trop souvent tendance à les dévaloriser. Or certains propos m’ont paru empreints d’une certaine suspicion, qui pourrait se développer et qui me paraît contre-productive.
Un débat important sur la place des femmes a eu lieu. C’est vrai qu’il reste beaucoup à faire, mais faut-il rappeler que le statut de conjoint collaborateur – souvent celui de conjointe collaboratrice – fête ses 25 ans ? À l’époque de sa création, en 1999, il y avait 100 000 conjoints collaborateurs, principalement des femmes. Aujourd’hui, nous n’en comptons plus que 20 000. En 1999 toujours, il y avait très peu de cheffes d’exploitation, tandis qu’aujourd’hui, un quart de ceux qu’on appelle les non-salariés agricoles sont des femmes. Des avancées ont été obtenues, mais il importe de les renforcer grâce à la politique agricole que l’on doit développer.
Je rappelle que le statut de conjoint collaborateur va disparaître et que ses détenteurs disposaient, à compter du 1er janvier 2022, de cinq ans pour le quitter en devenant salariés ou coexploitants, ou en intégrant une société ou un Gaec.
La sortie de ce statut pose des problèmes, mais il faut rappeler qu’elle découle d’une volonté politique et qu’elle a été demandée par toutes les organisations syndicales et les associations de retraités agricoles.
Beaucoup reste à faire, mais nous voyons déjà dans nos campagnes un grand nombre de cheffes d’exploitation, qui font preuve d’innovation et qui, si je puis m’exprimer ainsi, apportent un sang nouveau. Il faut les encourager, ce qui ne peut passer que par des mesures politiques fortes et des mesures économiques, mais jamais par des faux-semblants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 159
Nombre de suffrages exprimés 158
Majorité absolue 80
Pour l’adoption 134
Contre 24
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Je tenais à remercier les députés pour l’adoption de cette proposition de loi, et bien sûr Mme la rapporteure. Je pense que nous avons fait œuvre utile afin que la démocratie agricole soit mieux respectée. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et EPR.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
4. Adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (nos 529, 631).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Le texte que nous abordons cet après-midi, généralement abrégé en projet de loi Ddadue, a commencé son parcours parlementaire sous le précédent gouvernement. Votre assemblée va désormais l’examiner dans sa version issue des travaux de la commission saisie au fond, enrichie par les apports des trois commissions saisies pour avis.
À la fin de l’année 2024, la France affichait une bonne performance en matière de transposition des directives, avec un retard de seulement 0,5 %. Ce résultat est cependant moins satisfaisant que celui de l’année 2023 : la France avait alors pris la première place du classement des États membres, avec un déficit de transposition de 0,1 %.
Le présent texte doit permettre à la France de disposer d’un droit conforme aux évolutions législatives européennes récentes, mais également de maintenir et d’améliorer sa bonne performance en matière d’application du droit européen. Il y va de la crédibilité de notre pays et de ses engagements vis-à-vis de ses voisins. Il y va peut-être plus profondément encore de la sécurité juridique et économique de nos entreprises.
Tout retard pris dans la transposition crée de l’incertitude, puisque les acteurs anticipent généralement des évolutions du droit qui tardent à venir – autant d’aléas qui nous éloignent de la logique de simplification qui anime ce gouvernement et que j’entends promouvoir chaque jour dans mes fonctions ministérielles.
Le texte que nous examinons est bien plus qu’une simple obligation législative : c’est un acte fort, un engagement clair, qui inscrit la France au cœur d’une Europe qui agit, qui protège et qui se transforme. Il répond à un double impératif : adapter notre droit national aux normes européennes tout en garantissant que ces évolutions servent pleinement nos priorités et nos ambitions. Il vise donc à apporter les réponses attendues par nos concitoyens ; il traduit aussi les engagements que nous prenons pour construire une France plus forte dans une Europe plus souveraine.
Au-delà de l’aspect technique, ce projet de loi adresse un message politique fort : la France n’est pas un simple acteur du projet européen, elle en est un pilier. Nous faisons le choix de relever des défis globaux au moyen de solutions locales, adaptées, ambitieuses et pragmatiques. L’examen de ce texte par le Parlement permettra, j’en suis convaincue, de l’enrichir. Nous affirmerons ainsi notre attachement commun à une Union européenne (UE) forte, protectrice et ambitieuse.
Sans revenir dans le détail sur les sujets variés qu’il contient et sans anticiper la discussion sur les amendements, je soulignerai plusieurs points particulièrement importants.
Sur le plan économique et financier, le droit français est adapté à plusieurs règlements européens qui encadrent les services d’investissements et les activités des marchés financiers. En particulier, et parce que la transparence des marchés financiers et l’accès aux données importent aussi bien aux investisseurs qu’à nos entreprises, il est prévu de transposer deux règlements : d’une part, le règlement établissant un point d’accès unique européen fournissant un accès centralisé aux informations publiées utiles pour les services financiers, les marchés des capitaux et la durabilité ; d’autre part, le règlement sur les obligations vertes européennes.
Le projet de loi précise aussi, à l’article 6, les modalités de déclaration des paiements en nature aux gouvernements et autorités publiques dans le rapport sur les paiements des grandes entreprises extractives, que ces dernières ont l’obligation de publier conformément aux dispositions de la directive 2013/34/UE, dite directive comptable. L’accès aux données et la promotion de la transparence doivent néanmoins préserver les libertés de chacun et respecter le droit à la vie privée. Aussi le projet de loi tire-t-il les conséquences de l’arrêt du 22 novembre 2022 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en restreignant l’accès au registre des bénéficiaires effectifs aux seules personnes démontrant un intérêt légitime à consulter ces informations.
L’encadrement des pratiques des acteurs financiers nécessite toujours plus de technicité. Aussi convient-il de mettre à jour notre cadre législatif national à la suite de l’adoption de la directive « Daisy Chains II » et de ses nouvelles exigences prudentielles destinées à garantir qu’au sein d’un groupe bancaire en situation de défaillance, les pertes subies seront réparties.
À la suite de la directive sur les gestionnaires de crédits, les pouvoirs de contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) doivent être étendus pour garantir le respect, par le gestionnaire de crédit, des dispositions déjà existantes en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Le droit de l’Union européenne a évolué pour prendre en compte et accompagner les innovations dont bénéficient quotidiennement nos concitoyens. L’article 2 encourage et encadre le développement des virements instantanés en euros, conformément au règlement adopté en mars 2024, en conférant à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) le pouvoir de rechercher, de constater et de sanctionner les manquements relatifs aux frais afférents aux virements et à la vérification du bénéficiaire d’un virement.
Face à l’émergence de nouvelles formes de crédit – crédit fractionné, paiement différé, mini-crédits, crédits de moins de 300 euros – qui échappaient jusqu’alors au cadre européen, les colégislateurs ont choisi d’encadrer ces nouvelles pratiques et de renforcer les exigences afin de mieux protéger les emprunteurs et les consommateurs. Le cadre français en vigueur a largement inspiré la réglementation européenne, notamment pour ce qui concerne l’interdiction de certaines publicités, l’instauration d’un taux d’usure, l’introduction de la location avec option d’achat dans le champ du crédit à la consommation, ou encore le traitement des situations de surendettement. Il convient désormais d’adapter notre cadre déjà très en pointe à ces nouvelles règles techniques. Pour mener de concert le travail de transposition de deux directives – en matière de contrats de crédit aux consommateurs et de services financiers à distance –, le gouvernement a demandé une habilitation à légiférer par ordonnance. La seconde directive, du 22 novembre 2023, vise à renforcer les obligations de protection des consommateurs en exigeant davantage d’informations précontractuelles ou en encadrant les pratiques commerciales ainsi que la publicité.
Dans ce texte, plusieurs codes, notamment le code de commerce, le code des assurances ou le code monétaire et financier, sont harmonisés à la suite de la publication de l’ordonnance du 6 décembre 2023 transposant la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, ou directive CSRD.
L’action de groupe fait l’objet des articles 14 à 19. Ce n’est pas un sujet nouveau puisque votre assemblée, le gouvernement et le Sénat ont eu plusieurs fois à connaître de cette problématique. Je rappelle que la directive (UE) 2020/1828, qui permet essentiellement de faciliter les actions de groupe transfrontières, devait être transposée au plus tard le 25 décembre 2022, ce qui n’a pas été fait. La Commission européenne étant vigilante en la matière, la France a reçu une mise en demeure un mois plus tard, le 26 janvier 2023. Il est donc urgent de procéder à la transposition, au risque de subir une amende de plusieurs millions d’euros. En parallèle, les députés Gosselin et Vichnievsky avaient déposé une proposition de loi en 2022 pour refondre, unifier et étendre les dispositifs d’action de groupe existants. Ce texte, adopté par l’Assemblée nationale le 8 mars 2023 après des échanges particulièrement nourris entre M. Gosselin et le gouvernement, allait beaucoup plus loin que la directive, notamment en créant un régime juridique unique et autonome pour les actions de groupe. La proposition de loi avait ensuite été adoptée par le Sénat, le 6 février 2024, dans une version largement remaniée, mais aucune commission mixte paritaire ne s’est ensuite réunie.
Le constat est largement partagé : l’action de groupe n’est pas assez répandue et il faut lever les obstacles qui freinent son développement. Cependant, plusieurs mesures prévues par le texte de 2022 soulèvent des interrogations juridiques importantes, voire sont contre-productives. Elles risquent de mettre en danger, sans le vouloir, le principe même de l’action de groupe : si les critères de qualité à agir sont trop larges, si tous les préjudices sont concernés, si une amende civile est créée – y compris devant le juge administratif –, nous prenons le risque de créer de nouveaux freins et de dévitaliser cette procédure. Lors de l’examen du présent projet de loi Ddadue en commission, vous avez souhaité réinjecter le contenu de la proposition de loi sur les actions de groupe adoptée il y a deux ans. La position du gouvernement reste cependant identique : en l’état, nous pouvons craindre un engorgement des tribunaux, une contestation des syndicats, et même la censure constitutionnelle de certaines dispositions.
Quoi qu’il en soit, nous avons bien entendu le message de l’Assemblée nationale, dont les députés ont voté à l’unanimité à la fois la proposition de loi en 2023 et sa réinjection dans le présent texte en commission. C’est la raison pour laquelle le gouvernement souhaite que les débats puissent avoir lieu désormais en séance, sereinement. Nous n’avons donc pas déposé d’amendements. Nous souhaitons continuer à échanger régulièrement, sur le fond, avec les députés intéressés par ce sujet, au premier rang desquels M. Gosselin, avec qui j’ai encore échangé récemment. Ces discussions, ainsi que la position sénatoriale, permettront certainement d’aboutir à un consensus.
Ce projet de loi Ddadue est également l’occasion d’approfondir nos efforts en matière de transition écologique grâce à plusieurs dispositions en matière de droit de l’énergie. Je remercie la commission du développement durable pour toutes les améliorations qu’elle a apportées au texte. Il est ainsi prévu de renforcer la surveillance des marchés de gros de l’énergie par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), et aussi d’accorder des aides financières en vue de la création d’infrastructures répondant à une capacité de production d’énergies vertes qui dépasse les objectifs de déploiement des énergies renouvelables fixés au niveau de l’Union européenne et de la France.
Conformément à la directive 2023/1791 relative à l’efficacité énergétique, le texte introduit l’obligation, pour les entreprises qui consomment beaucoup d’énergie, de mettre en œuvre un système de management de l’énergie ou de réaliser un audit énergétique.
La transition écologique passe également par un recours plus important aux transports publics. Des dispositions d’adaptation du droit français au règlement délégué du 29 novembre 2023 doivent permettre aux passagers de trouver plus facilement des informations en temps réel sur les différents modes de transport et d’accéder à des mises à jour en temps réel au cours de leur voyage, concernant par exemple les retards et les annulations.
Le volet transport de ce projet de loi traduit notre ambition d’une mobilité plus durable, plus intelligente et mieux connectée. Avec sept articles dédiés aux transports, nous poursuivons trois objectifs majeurs.
Premièrement, celui de la modernisation en profondeur de notre secteur aérien, dont nous voulons accélérer la transition environnementale au moyen de l’électrification des postes de stationnement des avions et d’un nouveau cadre pour les carburants d’aviation durables. Le cadre de régulation économique de nos aéroports doit être adapté afin de faciliter l’établissement des redevances prévues par les contrats de concession aéroportuaire.
Deuxièmement, nous voulons que nos transports embrassent pleinement l’ère du numérique, tout en conservant un cadre souverain commun. Les nouveaux systèmes de transport intelligents et les services d’information sur les déplacements multimodaux permettront aux voyageurs d’accéder en temps réel à toutes les informations nécessaires à leurs déplacements, supprimant les spécificités nationales au profit d’un cadre européen harmonisé. C’est une avancée majeure pour faciliter la mobilité quotidienne de nos concitoyens.
Troisièmement, nous cherchons à renforcer la sécurité de nos transports, ferroviaires en particulier, en harmonisant nos pratiques et les standards européens les plus exigeants, afin notamment de faciliter l’ouverture à la concurrence de nos réseaux. Ces dispositions s’inscrivent pleinement dans notre stratégie nationale des mobilités comme dans le cadre européen. Elles démontrent notre capacité à conjuguer innovation, durabilité et sécurité au service des usagers.
En matière de santé, le projet de loi prévoit la reconnaissance des qualifications professionnelles des infirmiers responsables de soins généraux formés en Roumanie. Ces diplômés pourront ainsi bénéficier de la reconnaissance automatique de leur diplôme après le suivi d’un programme spécial de mise à niveau ; il ne leur sera plus nécessaire de justifier d’une expérience professionnelle d’au moins trois années consécutives au cours des cinq années précédant la date de l’attestation certifiant que l’infirmier a suivi le programme spécial de mise à niveau.
Enfin, en matière de circulation des personnes, le projet de loi modifie les dispositions relatives à la carte de séjour pluriannuelle « talent » portant la mention « carte bleue européenne » et à la carte « talent (famille) » délivrée aux membres de la famille des travailleurs hautement qualifiés. Il étend également les conditions d’accès à la carte de résident « résident de longue durée-UE » aux titulaires d’une carte bleue européenne ayant effectué une mobilité intra-européenne. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour les articles 28 à 38.
Mme Danielle Brulebois, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
J’ai l’honneur d’avoir été nommée rapporteure de ce texte sur les articles relatifs aux transports, à la lutte contre les gaz à effet de serre (GES), au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et aux gaz fluorés.
Un premier volet concerne le secteur aérien et l’adaptation de sa législation aux évolutions récentes de la réglementation européenne dans le cadre du pacte vert pour l’Europe. L’article 29 prévoit des dispositions pour que soit assuré l’approvisionnement en électricité et en air conditionné des avions en stationnement. Pour s’y conformer, les aéroports français engagés dans une démarche volontaire de décarbonation – que je salue – ont déjà entrepris d’importants travaux et réalisé des investissements significatifs pour adapter leurs infrastructures aux nouvelles exigences européennes.
La mise en œuvre du paquet climat passe aussi par les mesures prévues à l’article 34, visant à faciliter l’accès aux carburants d’aviation durables dans les aéroports et à promouvoir leur utilisation.
À cet égard, il est urgent de développer une filière française de production de carburant durable d’aviation (SAF), afin d’en abaisser le coût et d’assurer un approvisionnement suffisant des compagnies aériennes présentes sur le territoire français. L’article 28 concerne la régulation tarifaire des aéroports et vise à permettre l’allongement de la durée maximale des contrats de régulation économique dans le cadre du renouvellement d’une concession aéroportuaire. Le projet de loi initial proposait d’allonger la durée du premier contrat conclu à quinze ans, afin d’améliorer la visibilité financière pour le nouvel attributaire de concession. En commission, cette durée a été réduite à dix ans, afin d’atteindre un équilibre plus satisfaisant.
J’en viens aux transports terrestres. Les articles 30 et 31 visent à transposer des règlements d’exécution de la Commission européenne concernant le déploiement des systèmes de transport intelligents dans le domaine du transport routier et d’interface avec d’autres modes de transports, comme cela a été fait avec succès pour les transports ferroviaires. L’article 35 vise à modifier la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite loi LOM, qui avait, après mûre réflexion et à raison, fixé à 2040 la fin de la commercialisation des voitures thermiques. Cet article propose de l’avancer à 2035. L’étude d’impact justifie cet article par un souci de lisibilité et de cohérence avec le droit européen. Mais l’échéance est-elle tenable ? De très forts doutes subsistent. La Cour des comptes européenne a elle-même tiré la sonnette d’alarme quant au risque de destruction de l’industrie et des emplois en Europe, au bénéfice de nos concurrents mondiaux américain et chinois. De plus, les véhicules autorisés doivent être abordables pour nos concitoyens et les infrastructures nécessaires installées, ce qui est loin d’être le cas. Des discussions sont en cours au sein de l’Union européenne, concernant le périmètre des véhicules dont la vente sera interdite à compter de 2035, ainsi que la définition des carburants neutres en carbone. Alors que l’engagement ferme a été pris d’une clause de revoyure en 2026, afin de dresser un bilan d’étape vers l’objectif de 2035, il me paraît prématuré de modifier dès à présent notre législation. C’est pourquoi je défendrai un amendement de suppression de l’article 35. Il ne s’agit pas de refuser un progrès, simplement de demander de la souplesse dans le calendrier de son application.
Les articles 36 et 37 se rapportent au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. À partir du 1er janvier 2026, seuls les importateurs disposant du statut de déclarant MACF autorisé pourront importer les marchandises relevant du MACF dans le territoire douanier de l’Union européenne. Or le recueil des informations relatives aux émissions auprès des exportateurs est souvent difficile, en particulier pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), qui disposent rarement des outils de recueil et de calcul nécessaires. J’appelle le gouvernement à réfléchir attentivement à l’application de cette mesure afin qu’elle n’entrave pas des entreprises déjà suffisamment embarrassées par les normes et la bureaucratie.
Lors de l’adaptation de notre législation au droit européen, les surtranspositions peuvent causer des distorsions de concurrence au sein du marché unique et pénaliser les entreprises françaises. C’est pourquoi j’ai veillé à ce que la transposition de ces articles ne nuise pas aux intérêts économiques de la France, à ses filières industrielles, à ses services et à ses entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Vincent Thiébaut, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour les articles 23 à 25 et 27, 39, 40 et 41.
M. Vincent Thiébaut, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
J’ai l’honneur, au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, d’être rapporteur des articles relatifs aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique, à la prévention des inondations et au droit de la santé. Les articles 23 à 25, relatifs aux énergies renouvelables, transposent diverses dispositions des directives « énergies renouvelables » de 2018 et de 2023, dites directives RED II et RED III. Ces articles se situent dans la lignée des textes votés depuis plusieurs années en matière de simplification et d’accélération des projets d’installations d’énergies renouvelables, tels que la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper.
L’article 23 vise à débloquer les projets éoliens en mer, dont la durée d’instruction et de réalisation dépasse souvent dix ans, soit la durée de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Pour permettre l’octroi d’aides à ces projets, il est nécessaire de favoriser des mises en concurrence pour atteindre, et même dépasser, les objectifs de la PPE. Tel est l’objet de l’article 23.
L’article 24 prolonge la loi Aper, qui avait instauré pour chaque projet d’énergies renouvelables un sous-préfet référent unique à l’instruction. Ces référents uniques sont très utiles pour guider les porteurs de projets dans leurs démarches administratives, mais ils ne sont pas compétents pour les projets éoliens en mer situés dans la zone économique exclusive (ZEE), c’est-à-dire hors des eaux territoriales, au-delà de la ligne des 12 milles. L’article 24 institue donc un référent unique nommé par le préfet maritime.
L’article 25 tend à exempter les projets d’installations d’énergies renouvelables de la nécessité d’une dérogation « espèces protégées », à la condition qu’ils comportent les mesures d’évitement et de réduction adéquates. Cette exemption, déjà prévue dans le droit européen, permettra de simplifier les démarches administratives. Je tiens à vous rassurer, chers collègues : elle sera contrôlée par l’autorité administrative chargée de délivrer l’autorité environnementale et ne donne en aucun cas un blanc-seing aux porteurs de projets.
Après ces trois articles dédiés aux énergies renouvelables, l’article 27 contient de très nombreuses dispositions transposant la directive relative à l’efficacité énergétique du 20 septembre 2023, qui vise à réaliser des économies d’énergie. Cet article impose à tous les projets d’investissement supérieurs à 100 millions d’euros de réfléchir aux solutions possibles pour en améliorer l’efficacité et la sobriété énergétiques. L’article 27, comme l’impose la directive mentionnée, exclut du bénéfice des certificats d’économie d’énergie (CEE) les opérations d’économies d’énergie fondées sur l’utilisation de combustibles fossiles. La directive instaure également des obligations pour les organismes publics, qui doivent chaque année réaliser 1,9 % d’économies d’énergie et rénover 3 % de la surface de leurs bâtiments.
L’article 27 s’inscrit dans la lignée de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Il impose aux centres de données de transmettre les informations relatives à leur impact énergétique et de valoriser la chaleur fatale qu’ils engendrent. Lors de l’examen en commission, j’ai veillé à ne pas faire de surtransposition et à supprimer celles qui figuraient dans le texte déposé. Ce travail est essentiel pour ne pas dégrader la compétitivité de nos entreprises et pour ne pas imposer d’obligations nouvelles inutiles aux collectivités territoriales. L’article 39, supprimé en commission, veillait justement à simplifier la transposition de la directive du 23 octobre 2007 relative à la prévention des inondations, surtransposée en 2010. Je le regrette et j’espère que nous rétablirons cet article en séance.
Enfin, deux articles concernent le droit de la santé. L’article 40 met le droit national en conformité avec une directive qui élargit les possibilités pour les infirmiers et infirmières responsables de soins généraux, formés en Roumanie avant l’adhésion de ce pays à l’Union européenne, de faire reconnaître leurs qualifications professionnelles en France. L’article 41 traite des risques de pénuries de dispositifs médicaux. Il désigne l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) comme autorité nationale à laquelle les fabricants sont tenus de signaler toute interruption de fourniture d’un dispositif ou tout risque d’interruption, comme le prévoit le règlement du 13 juin 2024. L’ANSM peut prendre toute mesure nécessaire pour limiter les effets d’une telle interruption ou éloigner le risque de pénuries, tout en garantissant la continuité des soins. S’ouvrent donc devant nous, mes chers collègues, des débats passionnés et passionnants, et si peu techniques ! (M. Gérard Leseul applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Marie Lebec, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, à laquelle la commission du développement durable a délégué l’examen des articles 20 à 22 et 26.
Mme Marie Lebec, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques
Sur le fondement de ses compétences dans les domaines de l’énergie, la commission des affaires économiques a reçu délégation au fond de quatre articles de ce projet de loi : les articles 20 à 22 et l’article 26. L’article 20 vise à parachever la transposition de la directive 2019/944 relative au marché intérieur de l’électricité, sur certains points que la Commission européenne a estimé manquants dans les précédentes transpositions. Les neuf dispositifs que comporte l’article reprennent les grandes thématiques de la directive 2019/944, à savoir les droits et la protection des consommateurs d’électricité, les missions du régulateur national de l’énergie et l’encadrement de la gestion des réseaux publics d’électricité.
Deux dispositifs constituent, à mon sens, des avancées significatives : le renforcement de la mission de surveillance de la Commission de régulation de l’énergie en matière de pratiques restrictives à la concurrence et au libre choix des clients et la consolidation juridique de l’acquisition des services nécessaires au bon fonctionnement des réseaux publics d’électricité. S’assurer du bon équilibre entre les flux d’électricité injectés et ceux prélevés est l’une des missions essentielles de Réseau de transport d’électricité (RTE). C’est indispensable pour satisfaire les besoins nationaux en électricité et pour maintenir la fréquence des réseaux au niveau pratiqué dans le reste de l’Europe. Cela nécessite de recourir aux capacités d’injection, de stockage, de diminution de la production d’électricité ou d’effacement de consommation d’autres acteurs. Or la directive 2019/944 pose un principe fort d’acquisition de ces services par des procédures concurrentielles, afin d’optimiser les prix payés par les gestionnaires de réseau pour ces services et de permettre à tous les producteurs d’électricité, y compris les producteurs d’électricité à partir de sources renouvelables, de participer à ces services. Il s’agit de faciliter l’intégration des énergies électriques renouvelables. Cependant, ce principe de mécanismes fondés sur le marché et les dérogations correspondantes n’ont été qu’imparfaitement transposés. L’article 20 clarifie donc ces règles.
Ces deux enjeux – donner à RTE les moyens d’équilibrer les flux sur le système électrique et permettre la participation de tous les producteurs d’électricité – se retrouvent à l’article 21. En premier lieu, il étend l’obligation de participer au mécanisme d’ajustement, déployé par RTE, aux installations de production électrique raccordées aux réseaux de distribution, ce qui est le cas de la majorité des producteurs d’énergies renouvelables. En second lieu, il permet à RTE d’obtenir de ces installations qu’elles modulent à la baisse leur production, afin d’éviter des phénomènes comme celui que la France a connu l’été dernier, où la production photovoltaïque a dépassé les besoins du système. Ces deux dispositions sont cruciales.
L’article 22 devrait satisfaire ceux d’entre vous qui s’inquiètent des pratiques abusives susceptibles de se développer sur les marchés de gros de l’électricité, au détriment des consommateurs. Il vise en effet à transposer les nouvelles dispositions – issues du règlement 2024/1106 du 11 avril 2024 – du règlement 1227/2011 du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie, plus connu sous le nom de règlement « Remit ». L’article 22 relève en particulier le niveau maximal des sanctions des manquements au Remit que peut infliger la CRE à n’importe quel acteur du marché de gros.
Enfin, l’article 26 propose d’améliorer certains dispositifs issus de la loi Aper, afin de renforcer le développement des énergies renouvelables suivant les objectifs révisés par la directive « RED III ». Il s’attache à améliorer la cohérence de deux grandes obligations imposées aux parcs de stationnement extérieurs, définies puis complétées sans s’assurer qu’elles étaient compatibles : réaliser des aménagements favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales dans les sols, d’une part ; équiper ces parcs d’ombrières photovoltaïques, d’autre part. L’article 26 relève le seuil d’application de ces obligations aux parkings neufs d’une emprise de plus de 500 mètres carrés. Il s’agit de lever les contradictions entre les attendus de l’article L. 171-4 du code de la construction et de l’habitation et ceux de l’article L. 111-19-1 du code de l’urbanisme. Seconde avancée à noter dans cet article : l’extension du droit de visite inopinée des installations photovoltaïques implantées sur des terrains agricoles, qui a été saluée très positivement par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra